Blog
-
AMSTRAMGRAM!
- Le 24/04/2021
- 0 commentaire
"T'es un bandit, toi?
_ Mais oui, j' suis un bandit!
_ Ouais?
_ Ouais! Grrr!"
Bandits, bandits
On raconte que RAM était fier de sa ville! Ses immeubles touchaient le ciel, scintillaient au soleil et s'étendaient toujours plus loin! Pourtant, RAM n'était pas heureux! Son front était soucieux et il n'arrivait pas à se reposer! Il travaillait toujours et finit par tomber malade!
On lui parla alors d'une guérisseuse, qui vivait dans la montagne et qui connaissait tous les secrets! RAM, d'abord sceptique, avait de plus en plus mal et il se résolut à rendre visite à la vieille! Il sella son cheval et quitta la ville avant l'aube, car il ne voulait pas qu'on le vît!
Il fut bientôt devant la masure de la vieille, qui tirait de l'eau de son puits, pour le donner à ses chèvres. RAM grimaça: que venait-il faire là, d'autant que sa maladie semblait sérieuse? Mais enfin il se présenta: "Bonjour, il paraît que tu es guérisseuse?
_ C'est exact, RAM! Oh! Ne t'étonne pas, je connais tout le monde!
_ Alors tu sais de quoi je souffre et quel remède il me faut!
_ Oui, mais tout a un prix, tu le sais bien...
_ Ah! Ah! Je crois être en mesure de te payer!
_ Ce n'est pas d'argent dont j'ai besoin...
_ Non?
_ Non, je t'aiderai si tu arrives à me vaincre à la lutte!"
RAM regarda autour de lui, pour voir s'il n'y avait pas d'enfants, qui attendaient de se moquer de lui! "Vous n'êtes pas sérieuse la vieille, reprit-il. Il me suffirait de vous donner une chiquenaude, pour vous faire mordre la poussière!
_ Eh bien, essaie!
_ Hem..."
RAM porta un coup, mais la vieille l'esquiva! RAM se passa la langue entre les lèvres et décida de passer aux choses sérieuses! Il bondit sur la vieille, qui disparut! "Hi Hi! comme tu es lent, RAM! fit la guérisseuse. Mes chèvres sont plus douées que toi!"
Enervé, RAM donna toute sa force, mais à chaque fois la vieille lui échappait! C'était comme si elle profitait de la puissance de RAM, pour être encore plus vive! A la fin, RAM s'avoua vaincu: le soleil était déjà haut et il suait à grosses gouttes! "Fallait le dire que tu ne voulais pas m'aider! jeta-t-il à la vieille.
_ Tu te trompes, RAM! Je vais d'ailleurs te donner le moyen de gagner: il faudrait que tu m'aimes, ne serait-ce qu'un peu!"
Mais RAM regarda la masure et les chèvres et il eut un haut-le-cœur devant tant de pauvreté! Il partit et sa ville fut encore plus grande, alors que lui-même pleurait la nuit!
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, samedi17 avril: "Alors, vous émergez?" J'ouvre les yeux et je me vois couché sur un grabat. A côté, un vieil homme est assis devant un bureau et la pièce est petite et sombre, mais en son centre je reconnais le "nerf" de RAM!
"Vous avez eu de la chance, de pouvoir sortir du rayon! Et vous étiez bien faible, quand j'ai pris soin de vous!
_ Merci. Vous vivez ici?
_ Oui, c'est mon chez moi... C'est pas très reluisant, mais ça me suffit! Vous allez pouvoir vous mettre debout?
_ Oui, je pense que je vais y arriver... Ouh! ça tourne encore un peu!
_ Prenez un peu de thé sur la plaque...
_ Oui, merci... Bon, ça commence à aller mieux... et qu'est-ce que vous faites, sans indiscrétion...
_ Ah! Ah! Secret défense! Mais j' suppose que vous n'êtes pas du côté d' RAM, n'est-ce pas? Alors, j' peux vous le dire... J'attaque le système! Et ça fait vingt ans qu' ça dure! Mais ils m'ont jamais trouvé!
_ Ah? Et comment vous faites?
_ Voyez mon installation! Un ordi des années 2000, deux ou trois câbles et tout de même quelques trucs vicelards de mon cru!
_ Vous envoyez des posts?
_ Tout juste! Je suis branché sur le nerf de RAM et chaque jour, je fustige sa politique, son incompétence, sa bassesse, sa mégalomanie! Hi! Hi! J' mâche pas mes mots! Les puces doivent danser!"
Je regarde autour de moi... et je ne vois qu'un vieil homme dans une demi-obscurité... "Vous ne sortez jamais? J' veux dire, vous n'allez jamais au soleil?
_ Pas le temps... et puis ça m'intéresse pas! Faut qu' je cogne!
_ Hum, vous connaissez les petites vieilles au corps de mouche..., celles qui harcèlent les gens dans les magasins, parce qu'elles ne supportent pas d'attendre?
_ Non...
_ Vous ignorez sans doute aussi les hommes phallus, qui veulent qu'on admire leur membre!
_ Mais de quoi parlez-vous?
_ Et les décors, les hologrammes de chacun ne vous dérangent pas non plus?
_ Les holos...
_ Et tous ces bruits agressifs, tous plus saugrenus les uns que les autres! Et tous ces véhicules qui foncent et qui rugissent! Et toute cette haine qui ruisselle et qui agit comme du vitriol, cela vous ne vous perturbe pas davantage apparemment!
_ Mais où voulez-vous en v'nir?
_ Excusez-moi, mais ce que je vous décris, c'est bien le quotidien de RAM! Et c'est lui qui me blesse, me désagrège, m'enlève toute raison depuis que je suis ici... et non vraiment la politique du gouvernement!
_ Mais c'est RAM tout ça! C'est à cause de RAM que les gens sont comme ça!
_ Ah bon? Vous croyez donc naïvement qu'il suffit que le gouvernement change, pour que chacun évolue et devienne meilleur? RAM est influent, mais pas autant que ça... N'est-ce pas plutôt que nous sommes aveugles?
_ Je vous trouve de moins en moins sympathique...
_ Je suis désolé, mais je pense que vous devriez réfléchir... Vous savez pourquoi au fond nous nous piétinons et nous nous détruisons? C'est par peur... et j'ai l'impression que vous-même, privé de votre haine, vous seriez perdu, non?
_ Foutez le camp! Disparaissez!
_ Très bien, mais il fallait que je vide mon sac et que vous le croyiez ou non, c'était par respect pour vous! Comment peut-on sortir d'ici?
_ Y a la galerie là... ou bien le rayon, que vous connaissez déjà!
_ Et la galerie, elle mène où?
_ Je ne sais plus! Je vous ai dit de vous en aller!"
Je commence à marcher dans la galerie, qui heureusement est éclairée... "Bravo Jack! Qu'est-ce que tu lui as mis!
_ Julie?
_ Deux gauches, une bonne droite et le crochet final! KO!
_ Te revoilà! J'en suis content! Un moment j'ai pensé que RAM t'avait définitivement mis hors-jeu!
_ Je fais partie de la vieille garde, Jack! Mais, en réalité, dès que ta puce repart, moi aussi!
_ Bon, alors tu vas me dire où conduit cette galerie!
_ Mais je l'ignore totalement!
_ Et tu avais besoin de revenir dans mes pattes! pour ne pas savoir!
_ Tu es odieux, Jack! Un homme normal aurait songé à m'offrir des fleurs, pour fêter mon retour!
_ Tu ne crois pas si bien dire, Julie, car je vois la lumière du soleil!"
Je retrouve avec plaisir l'air frais, mais je suis tout de même dans un quartier déshérité, très loin des "cristaux" étincelants du centre! "Eh mec, t'aurais pas un crédit par hasard?"
Je ne regarde pas celui qui parle et continue ma marche! "Mec, la politesse voudrait que tu m' répondes! On n'est pas des bêtes!
_ Si j' t'ignore, c'est parce que tu me méprises! Tu te juges au-dessus du système, en n'en faisant pas partie, et tu me considères comme un mouton du troupeau! Et pourtant tu mendies! Mais ce qui te gêne le plus, c'est mon indifférence, puisque tu te vois comme supérieur! On doit subir un droit de passage, en ta présence, pas vrai?
_ Oh! là! Oh! là! Tu t'emballes l'intello! Tout ce que je sais, c'est qu'y faut pas m' parler comme ça! Mes potes et moi, on n'aime pas les caïds propres sur eux... et qui ont pleins de mots durs dans la bouche! Tu vois..."
Je regarde autour et il y a trois autres individus qui apparaissent, avec chacun une arme préhistorique! "T'as gagné la timbale, Jack, me murmure Julie. Une merveille de diplomatie!"
A cet instant, un éclair blanc fige l'un des assaillants, isolant sa silhouette! "Un médico-rayon, les gars! je crie. Sauve qui peut!" Je les vois s'enfuir, car de toute façon ils évitent toute autorité, mais je ne reste pas là non plus, car je ne veux pas finir en cobaye et je me mets à courir!
Je passe deux rues, à fond de train, mais derrière les éclairs blancs ne cessent pas et se reflètent sur les murs! Vite une porte capitonnée, je la pousse et je pénètre dans un endroit immédiatement silencieux, comme si tous les bruits du dehors n'avaient pas le droit d'entrer!
"Bienvenue, qui que vous soyez! me dit un visage souriant. Ici, vous êtes dans une totale sécurité, car c'est un lieu sacré! Ici, règne Celui qui domine toute chose et nul doute qu'Il vous aimera aussi!"
Je fixe une sorte de fenêtre et passe effectivement l'éclair blanc! Premier miracle!
-
RAMsès!
- Le 17/04/2021
- 0 commentaire
"Dictée: "Des moutons... des moutonsss... paissaient.... paaîîsssaient....""
Topaze
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, lundi 12 avril: il existe une voie pour échapper à RAM! Elle permet d'atteindre les étoiles, d'y pousser son cri de fou, son cri de désespéré! Le cerveau y perd toutes ses chaînes! Il retrouve un rêve enfoui, une liberté sans limites!
Il se met à courir sans freins! Il perce tous les murs! Il se met à pleurer tellement c'est beau, grand, lumineux, tellement il est fort! Il boit au foyer primordial, qui est une énergie pure! Oubliée la boue de RAM, son agressivité, sa petitesse, sa bêtise!
A vrai dire, cette voie est un mystère... D'où vient-elle, car elle fait de l'homme un dieu? Elle le rend plus rapide que la lumière, plus grand que l'Univers, plus puissant que la vague, plus léger que le nuage! Cette voie quelle est-elle? Mais c'est celle de la musique!
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mardi 13 avril: "Jack, Jack, réveille-toi! Je t'en supplie!
_ Hein? Quoi? Qu'est-ce qu'il y a?
_ Tu criais, tu te débattais dans un cauchemar!
_ Un cauchemar? Curieux! Pourquoi aurais-je des cauchemars?
_ Tu as été traumatisé!
_ Oui, depuis l'enfance! Je devais avoir douze ou treize ans et je me suis retrouvé, je ne sais comment, sur une voie ferrée! A ce moment-là, un train est arrivé... et j'ai commencé à faire de grands gestes, pour montrer que j'étais coincé! Mais le train m'est passé d'ssus quand même!
_ C'est affreux! Et comment tu t'en es sorti?
_ J'ai pris la forme d'un fil de fer et j'ai attendu que le fracas cesse! Depuis, je remonte le rail, pour savoir d'où venait le train!
_ Et que feras-tu quand tu auras trouvé la gare?
_ Je noterai son nom... et j'irai me plaindre à la police!
_ C'est tout toi, ça! Quelle correction!
_ Bon... et si on redevenait sérieux! La torche n'est pas loin de s'éteindre... C'est à cet instant que tu dois déchirer un pan de ta chemise, pour alimenter la flamme!
_ Quoi?
_ C'était comme ça, dans les anciens films! On découvrait alors un peu plus de l'anatomie merveilleuse de l'héroïne!
_ Tu s'rais pas en train de t'échauffer?
_ Non, d'autant qu'on est maintenant dans le noir!
_ Par tous les octets de Ram!
_ C'est curieux, mais il y a une légère lumière bleue dans la galerie..."
Je me dirige lentement vers la source... A un endroit, le souterrain a comme une chambre et je me retrouve derrière un homme, assis, qui contemple un écran bleu! "Hem! Excusez-moi, mais je passais par là... A vrai dire, je suis sans doute perdu!"
La scène reste parfaitement immobile... On entend juste le souffle de l'écran... Je m'approche encore plus... "Monsieur, je ne voudrais pas vous déranger, mais..." Rien ne se passe et je tends la main, pour toucher l'épaule de l'homme... A cet instant, sa tête vacille, se décroche et tombe sur le sol, où elle éclate en poussière!
Je me retiens de hurler! Du cou s'échappent des vers et une odeur infecte me fait vivement reculer! "Il est mort, Julie! je bredouille.
_ Tu es sûr?
_ Hon! Hon! Il est sans doute décédé devant son écran...
_ C'est triste!
_ Oui, mais c'est aussi étrange! Car que faisait-il là? S'il surveillait quelque chose, pourquoi n'a-t-il pas été remplacé?
_ Il agissait peut-être pour son propre compte! Ce qui te manque, Jack, c'est une pipe! J'ai lu quelque part que tous les bons enquêteurs en avaient une!
_ T'es vraiment un logiciel?
_ Je suis la meilleure de ma génération!
_ Bien sûr, pour une fois j'ai de la chance... Cet écran m'intéresse, Julie, car il pourrait nous servir de lampe... Malheureusement il est branché!
_ Il y en a un plus petit à côté, qui doit être autonome... Je vois ce que tu penses, Jack, avant même que tu en prennes conscience!
_ Tu me rediras ça à l'envers une autre fois! Mais, tu as raison, c'est un ancien Smartphone, en recharge... Je le libère et...
_ Et il s'envole, bravo Jack!
_ Vite, suivons-le! Il nous mènera bien quelque part!"
Je cours après la petite lumière, qui danse dans la galerie. Je devrais m'en étonner, mais je n'ai pas le temps, car l'objet va de plus en plus vite et il finit par être happé par l'entrée d'une vaste salle, où il disparaît dans un flux qui se dresse au centre, telle une colonne d'un bleu quasi immatériel!
L'endroit est impressionnant, surmonté d'une voûte, avec ce flux étrange qui sort du plancher et s'échappe par le haut! "Qu'est-ce que c'est? je demande à Julie.
_ C'est sans doute un nerf de RAM!
_ Un nerf de RAM?
_ Mais oui, toutes les informations que nous échangeons, par la puce, doivent bien circuler... et sont même recueillies!
_ Tu veux dire qu'il est possible pour RAM de savoir qui on est et... ce qu'on pense!
_ Sans doute... Encore faut-il que ça l'intéresse!
_ Bien sûr, bien sûr, il ne faudrait pas que je me prenne pour une star! Mais, dis-moi, que se passerait-il si je pénétrais le rayon? Car, vois-tu, il pourrait peut-être nous aider à revenir à la surface!
_ Eh bien, à vrai dire, je ne sais pas...
_ Co... comment? La magnifique Julie, l'incollable Julie prise en défaut! Et je suis tout seul ici, pour assister à cet événement!
_ Je vais demander à quitter le service!
_ Ne fais pas ça, Julie! Si je comprends bien, tu t'adaptes à ton client! Tu deviens en quelque sorte son miroir...
_ Pouf! Je suis bien plus que ça!
_ Voilà, c'est exactement ce que je veux dire! Mais, je vais essayer d'y mettre le doigt... dans ce nerf de RAM!"
J'approche la main du flux, la plonge dedans et... il ne se passe rien... C'est un peu tiède, c'est tout! Alors, je m'introduis en entier dans cette substance, qui n'en est pas vraiment une. "Tu m'entends, Julie? Je crois que nous sommes dans la peau d'un ado!
_ Oui, mais il nous faut chuchoter..., car il pourrait peut-être nous entendre...
_ Je suis le maître! le plus fort! Je domine les autres, je leur suis supérieur! Le monde, c'est moi... et rien d'autre! Mon père, cette baudruche! je le ménage, tant que je ne suis pas indépendant financièrement! Par contre, les filles de mon école, elles vont apprendre le respect! Comment m'ont-elles appelé? Le morveux! Elles vont ouvrir la porte de leur vestiaire et boum!
_ Il est fou!
_ Chut! Moins fort, Julie... Je me déplace un peu...
_ Capitaine Lenormand... Nous entrons dans une salle... Nos deux fuyards n'ont pu que passer par là!
_ Très bien, capitaine! Ici, Miniers, en compagnie du commissaire Brocart... Nous suivons votre opération!
_ Nous passons au pied de tours, qui ont de curieuses niches... Mais qu'est-ce que...? On nous attaque! Tatatatataaaa! Aaaaaah! Repli, repli, bon sang! Arrrgh! Tatttaattta!
_ Lenormand, répondez ! Qu'est-ce qui se passe?
_ On leur a fait couic!
_ Doucement, Julie... Je change encore de position...
_ Elle s'appelait Sophie... Sophie Prémel!
_ Vous l'aimiez, n'est-ce pas?
_ Bon sang! Friant n'est donc pas mort!
_ Du calme, Jack, tu te rappelles... En tout cas, on a l'air de s'occuper de lui!
_ Ah! Te voilà! Il y a déjà un p'tit temps que je te cherche!
_ Quoi? Qui êtes-vous?
_ Mais je suis RAM!
_ RAM? Je croyais que c'était une ville!
_ Ah! Ah! Tu veux voir à quoi je ressemble?"
A cet instant, je vois le cosmos et un géant qui a le pied sur notre planète! "Je pourrais te briser comme un fétu, mais tu m'es tout de même précieux, car tu es le vaccin!
_ Vous savez, j'ai dit ça surtout pour sauver ma tête!
_ Et tu viens à moi! La partie de cache-cache est terminée!
_ Qu'est-ce qu'on fait, Julie? Julie?
_ J'ai soufflé d'ssus... et elle n'est plus! Ah! Ah!"
Je suis soudain pris d'une étrange langueur... Des milliers de voix m'entourent, me soûlent, m'emportent tel un courant... Je rugis pourtant et gratte la pierre, que maintenant mes mains touchent! Lentement, lentement, je sors du flux et m'évanouis!
-
RAMDAM!
- Le 10/04/2021
- 0 commentaire
"Vous avez mal?
_ Juste quand je respire!
Chinatown
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mercredi 7 avril: il existe une très vieille légende sur RAM! On raconte que dans ses profondeurs, en compagnie de la vermine grouillante, vit la déesse noire!
On lui a donné ce nom, faute de connaître le sien, car on dit aussi qu'elle n'a pas d'âge, qu'elle était là dès la création de l'Univers, sous la forme d'une antiparticule! Puis, elle aurait accompagné le souffle de la lumière, été présente dans chaque maternité d'étoiles et la captivité de la roche refroidie ne l'aurait pas gênée!
Encore, elle aurait profité des pluies et de l'étendue des océans! La vie l'aurait excitée! D'abord, le combat silencieux des plantes, mais surtout la dent sanglante des carnivores l'auraient ravie! Mais, c'est chez l'homme qu'elle se sent le mieux, au point quelle prenne l'apparence d'une vieille infirme!
Ainsi, elle paraît inoffensive, facilement maîtrisable, mais, si on s'en approche, elle se relève soudain et vous cravache le visage! La lèvre et le ventre en feu, on ne rêve plus que de la tuer! Mais, elle, impérieuse, dit: "Va!" et on va pour détruire, écraser tout ce qui se présentera!
Journal de Jack Cariou, chez les antipuces, mercredi 7 avril: "Vous vous connaissez? demande un antipuce à Friant, en me désignant.
_ Il a tué l'amour de ma vie! répond Friant. C'est pourquoi je vous demande de me le laisser!
_ D'accord! Mais vous allez en faire quoi?
_ Je suis un ancien marin pêcheur... Mes bras sont en acier et je vais lui tordre le cou, comme à un poulet!
_ Ah! Ah! Et on peut rester?
_ Si vous voulez...
_ Eh! Une petite minute! Une petite minute! je fais. Vous ne savez sans doute pas ce qui se passe là-haut? C'est un vrai ramdam!
_ Ah bon?
_ Ouais, y a un virus qui circule et qui tue les gens! Et devinez qui est le patient zéro? C'est l' gars qui a les bras en acier!
_ Hein?
_ Oui, son amour est morte du virus et il l'a embrassée, fou de douleur!
_ Et comment se fait-il que vous restiez tranquillement près de lui?
_ Parce que moi j'ai été vacciné!
_ Quoi? fait Friant. Vous êtes vacciné?
_ Mais oui, je l'ai été par Gestin lui-même! Hum, Friant, nous sommes seuls maintenant!"
Il regarde autour et effectivement il n'y a plus personne! "Ecoutez, Friant, au sujet de Sophie, vous devez vous raisonner! Seul le virus est responsable!
_ Je sais bien! Mais j'ai vu le bonheur... et il m'a été arraché!
_ Je vous comprends... Mais dites, vous allez peut-être pouvoir m'expliquer ce qu'on fait là?
_ Mais je l'ignore également! Je me suis retrouvé sur un trottoir, où ces gars-là m'ont ramassé... Mais pourquoi je ne suis pas malade, si je suis contaminé?
_ Vous devez être asymptomatique! Mais ça ne veut pas dire que le virus va vous laisser tranquille! Bon... et elles mènent où, ces galeries?
_ J'en connais seulement une partie...
_ Et si on continuait l'exploration? Ce n'est pas ici qu'on trouvera une réponse à nos questions!
_ Bien, mais il faut allumer des torches!"
Nous avançons entre des murs très anciens et suintants, qui prennent une couleur sanglante, à la lueur de nos flammes... "C'est vrai que vous êtes pucé?
_ Mmmouais...
_ Et ça fait comment?
_ Eh bien, je dirais qu'on se sent moins libre... C'est comme si on était attaché à quelque chose... J'ai même une hôtesse, que j'appelle Julie et qui me répond, quand je lui pose une question!
_ Non!
_ Si, mais je ne lui parle pas devant vous, car j'aurais l'air d'un fou!
_ Quel monde étrange!
_ Mais qu'est-ce qu'on entend là?"
Depuis quelques minutes, le bruit régulier de quelque chose qui glisse me perturbe... "Oui, je sais de quoi il s'agit... Je vais vous montrer!" précise Friant. Nous escaladons bientôt une échelle de fer, pendant que le bruit devient un véritable boucan! Nous sommes maintenant au-dessus d'un énorme conduit et Friant me désigne une grille, laissant voir l'intérieur...
"Des livres?
_ Oui, il y en a des milliers! On m'a expliqué que c'est les éditeurs qui choisissent un thème et ça inonde les étals des librairies! Le client en est comme écrasé!
_ Un bon moyen pour faire du profit!
_ Sans doute, mais prendre les gens pour des gogos, c'est aussi façonner une pensée unique! Les antipuces appellent ça: "Donner à manger aux cochons"!
_ Hem, ils n'ont pas tout à fait tort!"
Nous reprenons notre marche et les parois ont l'air de dater de l'Antiquité, avec leurs pierres de plus en plus grosses! Je note aussi que depuis un moment nous descendons... et soudain nous sommes face à une salle immense, dont nous ne voyons même pas les extrémités!
Au milieu, cependant, des tours épaisses sont criblées de niches! "A quoi peuvent-elles servir? je demande.
_ Je ne suis jamais venu ici, mais les antipuces m'ont raconté de drôles de choses..., au sujet d'internautes qui n'auraient pas trouvé leur place sur RAM et qui seraient venus se réfugier ici... Ils auraient même muté à force, paraît-il!"
Le silence est impressionnant, tellement qu'il en paraît oppressant, menaçant, mais nous n'avons pas le choix: il nous faut traverser cette salle! Je regarde ces tours et brusquement quelque chose me saute sur la nuque! Elle essaie aussitôt de me mordre et je m'efforce de m'en protéger avec les mains, quand la torche de Friant la brûle et la fait tomber sur le sol!
C'est une créature qui a la moitié de ma taille, toute velue, avec des yeux de poissons morts et des dents pourries! "Seigneur! s'écrie Friant. Vite Cariou, il faut courir, elles sont des centaines!" Je lève le nez et je vois effectivement de petits corps qui sortent des niches, comme de l'eau qui coule!
Nous sommes écœurés et terrifiés! Mes cheveux sont dressés et il me semble courir dans le vide, tant je parais lent, comme ralenti par l'épouvante! Autour, c'est un flux grossissant et qui n'a qu'une rumeur! Les petites bouches disent RAM, RAM, ce qui devient dans mon oreille: MIAM, MIAM!
J'ai envie de vomir, mais l'entrée de la galerie opposée est visible et nous nous y précipitons, conscients que déjà ce passage resserré va freiner nos poursuivants! Nous ne cessons notre course folle! J'entends Friant souffler et brusquement nous stoppons! Devant nous, un courant d'une violence inouïe nous barre le passage! L'obstacle semble impossible à franchir!
Mais Friant jette sa torche par-delà le torrent et sous mon œil stupéfait, il saute sur deux anneaux fixés au-dessus de l'écume! "Allez-y, Cariou! me hurle-t-il. Accrochez-vous à moi... et j' vous balancerai de l'aut' côté! Le gars aux bras d'acier tiendra le coup!"
J'avale ma salive et je me jette sur Friant, m'agrippe à lui et grâce ses muscles puissants, il me fait glisser sur la berge! "Attrapez-moi maintenant!" me crie-t-il. Je me retourne pour le saisir: "Frriiiant!" Il a disparu! Je n'ai même pas eu le temps de voir quelque chose!
En face, les créatures forment une masse effrayante et grimaçante! RAM! RAM! Je suis pourtant pris d'un étrange malaise... Je voudrais retraverser le torrent pour les anéantir, pour les brûler une à une avec ma torche et entendre leurs gémissements! Mais je redeviens lucide et je recule dans la galerie, qui se poursuit. Puis, je fonce, jusqu'à m'essouffler et les yeux en larmes, j'appelle: "Julie! Julie!
_ Oui, oui, je suis là...
_ Pourquoi tu chuchotes?
_ Parce qu'ici le réseau est très mauvais!
_ Tu n'aurais pas peur plutôt!
_ Non, non, j' t'assure que je suis même incapable de te dire où on est!
_ Alors, y a qu'à continuer!
_ Tu songeais revenir en arrière?"
Commissariat principal de RAM, jeudi 8 avril: "Entrez, entrez Minier! dit le commissaire Brocart. Vous voyez le vase bleu là-bas? Eh bien, je vais tirer dans la direction opposée! Et hop, tout de même le vase éclate! C'est notre nouvelle arme, Minier! Les balles sont dirigées par la pensée! Hein? Heureusement que j' vous ai à la bonne!
_ Ah! Ah! Dites, patron, y a un drôle de type qui dit s'appeler MG et qui voudrait vous voir!
_ MG? Diable! Hem, bon, faites monter!"
MG entre. "Je vous avais dit de ne jamais venir ici, MG! s'écrie Brocart. Y a sûrement des taupes antipuces dans le service! Eux aussi ont leurs espions! Et vous voulez qu'ils vous reconnaissent... et qu'ils vous tranchent la gorge dans un coin sombre!
_ J'ai pas pu attendre, j'ai du lourd! Mais, attention, cette fois-ci, je veux dix mille crédits!
_ Bien sûr et une haie d'honneur en plus!
_ Je sais où est le patient zéro et même qu'il y a un vaccin!
_ D'accord! Je préviens le comptable, qui va payer vot' puce! Et après vous me racontez toute l'histoire!"
-
RAM TOUJOURS!
- Le 03/04/2021
- 0 commentaire
"Dis plutôt qu'elle ne t'aime pas!"
Cyrano de Bergerac
Journal de Jack Cariou, lundi 29 mars: "Bienvenue dans le monde de RAM! Il fait beau et c'est le printemps! la fête du culte de soi en vérité! Car RAM vous glorifie, vous magnifie, rend hommage à votre réussite, salue votre lumière, et parle de vous et encore de vous, ô mes étoiles!
Qui est le modèle du jour? le phare, l'exemple? Qui va nous ensorceler par ses qualités, sa modestie, sa droiture, sa ténacité dans le travail? Qui est percutant et talentueux? Qui mérite notre admiration et notre argent? Quel est le cristal qui brille? Quel ego va nous ravir? Attention, les dés roulent sur le tapis vert des histoires, des ascensions!
A quand la tienne, cher cœur? Tu sais que RAM est là pour toi, qu'il veille à ton bonheur où que tu sois! Tu es le miroir de RAM! Sans ta jeunesse, le royaume dépérit! C'est toi, en réalité, le pouvoir! RAM a besoin de toi! Aime RAM, comme il t'aime! C'est toi l'avenir, la fusée, le diamant de RAM! Tout est nuit dehors, tu le sais bien!
On nous dit qu'un virus est en ville! On parle d'un confinement! Eh! Mais RAM en a vu bien d'autres! Le royaume saura se défendre! Que peut faire un virus contre les chevaliers de RAM? On vaccine déjà, dit-on! Etoile et tu retourneras étoile! C'est le secret! Voilà la clé!
Dans l'eau sombre de l'oubli, tu gis, corps diaphane, caressé par le courant pur! Tu te réveilleras et éclatera ta force! Que ta beauté féminine ou masculine épouvante les ténèbres! RAM est ta maison ensoleillée... C'est ton berceau que tu protèges!"
Palais de RAM, mardi 30 mars: c'est une vaste salle, avec des colonnes de porphyre. Au centre, sous un rayon qui tombe, des disques cérébraux gèrent le fonctionnement de RAM!
L'un, celui du chef, se met à scintiller avec des sons étranges, que nous devons traduire ici: "Professeur, qu'est-ce que c'est cette histoire de virus?
_ Malheureusement, ce n'est pas une histoire, Président! Il y a bien un virus qui se répand et qui tue!
_ N'avons-nous pas un vaccin, car c'est bien gênant! RAM n'est pas gratuit! Il faut que le rêve rapporte! Comprenez, nous tournons dans l'espace à une certaine vitesse... Si nous sommes ralentis, une angoisse gravitationnelle va nous saisir! Cela veut dire une panique épouvantable! C'est notre mouvement qui nous fait croire à une éternité... et qui nous évite de penser! Construire sans cesse, investir, jouer les termites, râler même, manifester, tout sauf le repos, la contemplation, la réflexion, le silence, la vérité!
_ Je comprends bien, monsieur le Président...
_ Vous savez ce qui nous pend au nez, professeur? C'est le trou noir de l'économie! Nous avons ce monstre aux fesses... et il faut les tenir serrées!
_ Bien sûr, Président, mais le virus nous préoccupe... Il faudrait déjà trouver le patient zéro, afin de contrôler la chaîne de contamination!
_ Hum! Nous sommes déjà à sa recherche..., coupe le ministre de l'intérieur.
_ Bien! fait le président. Et ça donne quoi?
_ Hum! C'est assez compliqué! RAM, comme vous le savez, a plusieurs niveaux de lecture... Toutefois, le patient zéro ne peut que venir de l'extérieur...
_ Concrètement, qu'est-ce que vous voulez dire?
_ Rien que hier, on a pu noter dix bébés tués, quatorze femmes découpées, vingt meurtres... Je passe les viols, les vols, les agressions! On a des choses plus étranges... On a retrouvé dix mille canards empalés, quarante pelleteuses brûlées et une trentaine d'ados castrés! Deux fleuves encore ont été colorés en jaune!
_ Mon Dieu, glisse le professeur!
_ Laissez Dieu où il est! jette le Président. Ici, on est entre gens sérieux, pour un bisness sérieux! La vitrine de RAM tient le coup, c'est tout ce qui compte! Bon sang, il me faut la peau de celui qui est en train d'amplifier le merdier!
_ Il y aurait bien une hypothèse, rajoute le professeur... Pourquoi ne pas voir du côté des antipuces? Ils vivent dans la crasse... L'un d'eux chope le virus et il entre en contact avec un pucé... et hop!
_ Hop! C'est aussi simple que ça! Pour me causer des problèmes, c'est toujours simple! Mais, monsieur le ministre de l'intérieur, que pensez-vous de la piste du professeur?
_ Hum! Elle est intéressante, certes! Nous allons tout mettre en œuvre pour la suivre!
_ Bien, et pour le vaccin?
_ On y travaille, évidemment! répond le professeur.
_ Parfait! Qu'on nous régénère!"
Des serviteurs longilignes, au visage impassible, s'approchent et font descendre un orgue à quartz. Des ondes cosmiques emplissent la salle, des rayonnements d'étoiles mortes, des grincements de planètes stériles, des errances de comètes, des pans de matières noires fusionnent en une nourriture verdâtre et phosphorescente, pour baigner lentement les cerveaux, qui ont des secousses, comme des soupirs d'aise!
Journal de Jack Cariou, mercredi 31 mars: "Julie, j'ai faim!
_ Rien de plus facile! Ici, pour avoir du pain, il suffit de cligner des yeux devant la caisse, ce qui t'enlève un crédit!
_ Et si j'ai des tics!
_ Tu sors en slip! Idiot va! La volonté est prise en compte par la cellule! Mais, dans les archives de RAM, on peut lire que certains, avant de prendre leur petit déjeuner, devaient d'abord faire du feu, pétrir la pâte, avant de la faire cuire! Quel travail!
_ C'est pourquoi je ne vois que des sourires autour!
_ Mais oui!"
J'entre dans une boulangerie, où je vois le pain en apesanteur, pour apparemment mieux circuler... J'hésite sur les viennoiseries qui flottent, quand je ressens une violente piqûre dans le dos! Je me retourne et je vois une grosse mouche, qui vrombit, pleine de haine à mon égard!
"Mais qu'est-ce que...?
_ Attention, Jack! me dit Julie. C'est une vieille RAM!
_ Et alors, elle est folle?
_ Elle juge que tu as pris trop de temps à choisir....!"
La créature est maintenant au plafond et se prépare pour une nouvelle attaque! "Mais j'ai même pas compté jusqu'à cinq, depuis que j' suis entré!" je crie. Des yeux morts et des lames qui sortent de la bouche! Oh! Oh! Je me saisis d'une chaise et m'en protège, mais elle vole en éclats!
Je prends alors un outil agraire d'une autre époque et qui sert d'ornement... Quand la petite vieille fonce à nouveau, je la frappe violemment sur le côté et elle va buter contre le comptoir. Elle est sonnée et ses ailes froissées ne battent plus que mollement! "Tu n'aurais pas dû faire ça, Jack! fait Julie. Ici, les petites vieilles sont sacrées! La police va arriver!
_ Mais c'est qu'elle m'aurait tué, la garce!"
Toutefois la police ne me préoccupe pas, car il y a maintenant plusieurs petites vieilles qui bourdonnent et qui tapent contre la vitrine, impatientes de me détruire! Je file par l'intérieur du magasin, sous le regard médusé des employés! Je trouve une porte et je sors dans le rue, où je suis pris par un étrange défilé!
Des hommes avec un haut serré, un drôle de chapeau arrondi et des ballons aux hanches, m'entraînent avec eux! Puis, il s'arrêtent et se mettent à danser avec le même mouvement, tout en chantant! Je ne les quitte pas, car pour l'instant ils me protègent! Mais voici ce que j'entends!
"Nous sommes les hommes bites! Vois not' paquet! comme il gonfle ton orbite! C'est nous les chefs, okay!"
A ce moment, un liquide blanc gicle au-dessus de leurs têtes! sans doute grâce à une poire... Je voudrais m'échapper, mais je repère des petites vieilles mouches, qui continuent à me chercher. Finalement, moi aussi, je suis le rythme et les paroles: "Nous sommes les hommes bourses! Entre nos jambes, un poids... nous entraîne dans sa course! En dehors de nous, pouah!"
Je dois être maladroit, ou peu convaincant, car un coup de pied aux fesses me sort du groupe et, en me tâtant le bas du dos, je regarde s'éloigner ces étranges personnages!
Cependant, je n'ai pas trop le temps de réfléchir, car des éclairs blancs figent soudain quelques passants non loin de là! "Qu'est-ce qui se passe? je demande à Julie.
_ C'est un médico-rayon! Il est envoyé par une navette... Il cherche le patient zéro!
_ Julie, j'ai bien peur que ce soit moi, le patient zéro!
_ Par tous les octets de RAM! Ce n'est pas possible! Oh! Jack, comment as-tu pu? Et moi, est-ce que je ne risque pas quelque chose?
_ Au lieu de pleurnicher, tu f'rais mieux de trouver une solution! Sinon toi et moi, on va passer à la casserole!
_ Mais à vos ordres, monsieur Jack! Oh! J'y suis, les égouts! Jack! Impossible pour le rayon de t'atteindre là-bas!
_ Bon... et comment on y va!
_ Tu vas aimer, j'en suis sûr! Il faut sauter dans le fleuve... et rejoindre la bouche!
_ Jamais je saurai si c'est pas une vengeance! Mais j'ai pas le choix!"
Je fais donc un plongeon dans le fleuve d'à côté et si la température n'est pas trop éprouvante, j'ai tout de suite l'impression d'être sale, dans une eau huileuse et affreuse! Puis, je nage tout de même vers une ouverture, au ras du courant... Je m'y hisse et avance dans un conduit boueux et puant!
Enfin, ça s'élargit et me voilà trempé dans une salle... Il faut y aller à tâtons, mais soudain une lampe s'allume, une bonne vieille lampe tempête! "Tiens, tiens, on a de la visite on dirait! fait une voix.
_ Un pucé sans doute! dit quelqu'un d'autre, avec un visage noirâtre. Peut-être qu'il a voulu mettre fin à ses jours...
_ Qu'est-ce qu'on fait? On le mange?
_ Paraît pas bien ragoûtant!
_ Il est à moi!"
Je reconnais celui qui parle: "Friant?" "Lui-même, Cariou! Va falloir payer!"
-
PSYCHO-RAM!
- Le 27/03/2021
- 0 commentaire
Journal de Jacques Cariou, monde de RAM, lundi 22 mars: "Comment ça, vous ne voulez pas dominer! Vous ne voulez pas réussir, briller en société, être un exemple pour vos enfants, faire la fierté de votre femme? Dépression! Dépression!"
Le Psycho-RAM tourne autour de moi dans la pièce. C'est une bulle comme une petite télé, apparemment réelle, avec une tête chenue et souriante dedans, qui me parle: l'image même du psy épanoui! Pourtant, les cheveux précocement couleur neige, c'est un signe de peur!
"Comment ne pas vouloir dominer? Quoi de plus naturel? Regardez le sport, la joie de la performance! Vous êtes en vie que diable! Agissez, foncez, osez! Quand vous serez mort, vous aurez tout le temps pour réfléchir, vous apitoyer! Si je vous parle aussi vertement, c'est parce qu'avec les dépressifs faut pas s'amollir, entrer dans leur jeu! Les ranimer, même par la haine, ainsi qu'on les frotterait avec un gant de crin, voilà ce qu'il faut faire!"
La bulle monte, descend, accélère, ralentit au rythme de ses propos! Je l'ai appelée sur les conseils de Julie, j'ai cédé parce que j'étais sans force, désemparé, mais je m'aperçois que c'est encore pire que ce que je redoutais! Toutefois, le discours que j'entends doit avoir une certaine utilité!
"La société vous attend, Jack! Elle veut de vous le meilleur et... elle vous le rendra au centuple! Ne soyez pas du camp des perdants, des éternels contestataires, de ceux qui crient comme des bébés! Ne me décevez pas, Jack! Debout! L'avenir vous appartient, car vous faites partie des forts! N'est-ce pas, Jack? Personne, absolument personne ne doit vous marcher sur les pieds!"
Un air électronique et entraînant envahit la pièce et le Psycho-RAM a pris une couleur rouge: il s'échauffe! "En haut de l'échelle! C'est là que je veux vous voir, Jack! Votre sourire illuminant les couvertures des magazines! Votre parcours, votre témoignage donnant du rêve, affirmant que tout est possible! De la lumière, Jack, apportez-nous de la lumière! Nous en avons tant besoin! Célèbre et bienfaiteur de l'humanité, voilà votre futur portrait!
Sinon, si vous avez peur, vous savez ce qui va vous arriver? Dépression! Dépression, Jack! Amertume, chagrin, haine et fermentation, Jack! Le microbiote, Jack, nous en avons plus d'un kilo dans le côlon! 100 000 milliards de bactéries pour 10 000 milliards de cellules! A qui faut tendre la main, Jack? Aux petites bêtes, bien sûr! Vous voudriez pas les peiner, hein Jack? Le syndrome du côlon irritable, le SII vous connaissez? C'est des douleurs inexpliquées, sans véritable traitement, et pourtant c'est tellement destructeur!
Dans la solitude, Jack, on digère des tôles, on a des piqûres d'aiguilles! On charrie des tessons de verre! On a peur et on pète interminablement!
On sue la nuit, Jack! On se retourne sur sa couche, comme un steak sur le gril! Au matin, on ne désire plus qu'une pelle pour creuser son trou, que les souffrances cessent! Tout ça parce qu'on a laissé entrer l'anxiété, qu'on la prise au sérieux, qu'on a craint de prendre des coups, qu'on a baissé la tête devant les plus forts et les incivilités!
C'est le sort du gibier, du petit, du foireux, Jack! Vous vous voyez vous tenant le ventre, toujours aux aguets, avant d'aller aux toilettes, pendant que d'autres rient sur le tapis rouge et que leurs noms brillent comme les étoiles!
Vous ne dites toujours rien Jack, vous vous cachez, mais pas pour longtemps! Grâce à RAM, votre enfance n'a plus de secrets pour nous et elle vient maintenant s'afficher sur les murs de la pièce! Ce n'est pas de la magie, Jack, simplement la science en marche! Mais que voyons-nous?
Non, mais regardez-moi ça! Le pauvre garçon effacé, éteint, quasiment diaphane! Invisible sur les photos de classe! Comment est-ce possible, Jack? Ah! Mais voilà la mère castratrice! abusive, ivre de son pouvoir! tracassière sans relâche! Pauvre Jack! Vous avez dû morfler, mon pauvre vieux!
Ne vous offusquez pas de mon ton, toujours le gant de crin, hein! Et à côté de la mère comme un rouleau compresseur, l'aîné, plus fort physiquement et qui vous met des raclées, qui se moque de vous comme il veut! Lui, c'est le modèle pour la famille, l'excellence, la route normale de la réussite! tandis que vous, Jack, vous êtes le besogneux, le gars à problèmes, le souffre-douleur!
Est-ce que vous n'auriez pas posé des difficultés pour qu'on s'occupe de vous? Est-ce que ça ne continuerait pas encore aujourd'hui? Est-ce que je suis là pour vous rendre intéressant? J'espère que non, Jack! Car je n'aime pas les narcissiques, Jack! J'aime pas les bébés qui prennent mes chaussettes pour leurs couches!
J' veux du muscle, du caractère, de la révolte! La vie est une lutte, Jack! N'avez-vous pas envie d'inverser la tendance, que votre mère se dise qu'elle s'est trompée, que vous n'êtes pas un minable? Ne voulez-vous pas que votre grand frère devienne votre débiteur, qu'il soit conduit à vous appeler à l'aide, alors que vous faites la sourde oreille?
Comme ce serait doux, hein, Jack, d'entendre leurs supplications et leurs gémissements! Quelle revanche!"
Le Psycho-RAM est maintenant bleu-vert, signe d'apaisement, de profondeur... "Vous êtes le meilleur, Jack, et vous ne le savez pas! Vous valez mieux qu'eux! Vous êtes plus humain, plus sensible et ils vous ont broyé! Y s' foutent bien de votre gueule, allez! Au diable, vos scrupules, Jack! Ils rient et vous pleurez! Ils fêtent et vous êtes seul, avec vos blessures! Ils sont les rois et vous êtes dans la boue, la nuit!
On va pas attendre que vous répariez un à un vos traumatismes, Jack! On va faire mieux, grâce à la science! On va aller plus vite et plus radicalement! C'est sans douleur et ça touche l'épigenèse, Jack! Vous connaissez? Les connections neuronales! Le circuit fonctionne, mais certains fils ont été montés à l'envers ou sont dénudés! à cause de votre enfance malheureuse et troublée!
On corrige le circuit, Jack, car on sait le faire! On laisse ses névroses dans le bloc et on en sort en titan, en demi-dieu! Les chagrins vont mendier ailleurs, Jack! A nous le soleil... et les crédits bien sûr! A nous le pouvoir et... le bonheur, Jack! On domine et on jouit! Et... et je disparais! Ah! Ah! Vous n'aurez plus besoin de moi! L'affaire est dans le sac, Jack! Hein, qu'en dites-vous?
_ En somme, vous m'invitez à devenir comme mon frère et ma mère?
_ Exactem... Mais non, mais non, vous serez bon tout en dominant! Vous avez l'expérience pour vous!
_ Vous pensez vraiment qu'on peut dominer sans piétiner les autres? Non, ce n'est pas possible! Mais justement, dominer, ce n'est pas voir les autres! Ils ne sont qu'une gêne ou un obstacle, qu'il faut pousser! On domine parce qu'on n'est pas fait soi-même! On croit que le monde n'est qu'une extension de sa propre personne! Mais vous êtes-vous demandé pourquoi il en est ainsi?
_ Allez-y, Jack, révélez-vous!
_ Pour ma part, triompher sur un autre, me satisfaire de sa crainte ou de son admiration m'a toujours paru ridicule; à l'échelle de notre planète, de l'Univers et de notre mort! Mais c'est précisément pour échapper à ce vertige, à cet abîme, que les hommes dominent frénétiquement et se détruisent!
_ Vous y êtes, Jack! Continuez!
_ Savez-vous qu'il suffirait que chacun prenne un tout petit peu sur lui, chaque jour, pour que nous soyons au paradis! Il suffirait que chaque jour chacun s'efforce d'avoir un peu moins peur, se montre un poil plus patient, pour respecter l'autre, et on pourrait danser dans un gigantesque festival de couleurs! Mais même ce minuscule effort, cet infime exercice est comme arracher les entrailles de la plupart!
_ Je ne vous aime pas, Jack! Vous savez?
_ Oui, vous m'avez détesté dès que vous m'avez vu, mais il vous a fallu le cacher!
_ Vous exagérez!
_ Mais non, vous avez tout de suite senti que vous ne me dominiez pas, que je n'étais pas impressionné, que je ne vous admirais pas! Non que je vous fusse hostile, ce qui vous aurait rassuré! Mais, malgré ma douleur, je ne vous ai pas naturellement considéré comme un maître, d'où votre haine! Inutile de dire aussi que votre savoir, dans ces conditions, n'est que pacotille, car c'est votre pouvoir et la servilité des autres qui garantissent votre équilibre!
_ Petit morveux! Espèce de salopard! Je vais t' gratiner, moi, tu vas voir!"
A ce moment précis, je prends conscience que le décor a changé: le Psycho-RAM est pourpre et deux infirmiers, comme des armoires à glace, viennent d'entrer dans la pièce! J'ai beau savoir qu'ils ne sont que virtuels, je ne peux pas m'empêcher de frémir, mais il faut que je m'échappe et je passe à travers les deux images, qui essaient de m'agripper!
Dans le couloir, j'ai la mauvaise surprise de voir que l'hologramme du Psycho-RAM s'étend encore jusque-là et d'autres infirmiers et des malades gênent ma fuite! Je bouscule tout le monde, comme si je déchirais un cauchemar, tandis qu'un message sinistre résonne à mes oreilles: "Attention, attention, un schizophrène dangereux, un narcissique de la pire espèce, un SII gluant, un égocentrique à tendances paranoïdes est en train de s'enfuir et représente une menace! Attention, attention, je répète..."
C'est la poésie de la science fâchée! celle qui oublie tous ses devoirs (et qui d'ailleurs ne les a jamais connus!)! Mais soudain je retrouve des décors de toutes sortes et je me calme, car je suis de nouveau dans la foule! "Tu as eu une bonne idée, Julie!
_ Excuse-moi, Jack, mais c'était la logique! Tu n'allais pas bien, on appelle un psy!
_ J'aurais vot' peau, sale fumier!
_ Hargh! Et ça c'est quoi Julie?
_ C'est le Psyco-RAM! Il est sur ta messagerie!
_ Bon sang! Tu peux pas le mettre dans les indésirables!
_ Hop! C'est fait!
_ Vois-tu, ici, la domination est folle! Elle ne connaît plus de bornes! Il lui faudrait tomber sur un bec, pour qu'elle se remette en question!"
A ce moment, une sirène hurlante déchire l'air, pour une urgence absolue, semble-t-il, et une ambulance vient freiner tout près! "Allons voir!" dis-je à Julie.
Un homme est étendu sur le trottoir et le survole une drôle de petite machine. "C'est un Scan-RAM! m'explique Julie. Il examine au mieux la personne..."
Soudain, le Scan-RAM se met en alerte et crie: "Attention! Attention! Ecartez-vous! Ecartez-vous! C'est un décès dû à un virus! Je répète: un décès dû à un virus! Les ambulanciers doivent revêtir leur combinaison spéciale! Nul ne doit approcher sans protection!
A ce moment la foule se retire, plus ou moins brutalement! "Va falloir trouver le patient zéro! fait Julie. Qu'est-ce qu'il y a, Jack? Tu trembles! J'ai encore dit une bêtise?
_ Non, non...
_ Tu sais, le patient zéro...
_ Oui, c'est la logique!
_ Non, c'est la procédure!
_ A la bonne heure!"
-
LE MONDE DE RAM!
- Le 20/03/2021
- 0 commentaire
Journal de Jacques Cariou, monde de RAM, lundi 15 mars: "Bienvenue dans le monde hyperconnecté de RAM! Il fait 15 degrés, le ciel est pur et c'est bientôt le printemps, même si la doudoune reste de rigueur!
L'information défile et nous sommes fluides dans son courant! Nous verrons ça tout à l'heure, avec nos amis! Il y aura des notes, des jugements, des rires et des pleurs! Il y aura des étoiles et des araignées! Il y aura des jeux aussi! Il faudra se bouger pour gagner! On ne se quittera pas!
RAM vous tend son miroir et vous dira que vous êtes le plus beau et la plus belle, et vous le croirez, car c'est vrai! De l'eau noire de l'écran, ton corps sortira resplendissant! Qui veut être à la traîne? Le sénior, mais lui c'est normal!
Toi, tu veux être jeune, bien dans ta peau et avoir plein d'amis! Tu es magnifique de toute façon! Nos spécialistes vont te donner les meilleurs plans pour épater! Tu auras les bonnes adresses, des MIO et des FGES! Ne t'inquiète pas: tu penses, tu désires et RAM matérialise!
Tu es dans notre kaléidoscope et baigné par sa lumière! Tout va bien! Il est 10 heures 30! Les hits que tu aimes sont là! C'est ta plateforme et n'oublies pas: "Tu es ego et tu retourneras ego!" N'est-ce pas mortel?
Mardi 16 mars: je me réveille péniblement , mais où suis-je? Et qu'est-il arrivé? Visiblement, je suis alité dans une chambre d'hôpital... J'ai dû avoir un accident à la station Charcot et on m'a conduit ici! Mais dans quel pays?
"Toc! Toc! c'est le médecin qui vient faire sa tournée! Eh bien, on est réveillé! Et puis on a l'air d'aller mieux!
_ Oui, ça va, mais, excusez-moi, on est où ici?
_ A l'hôpital de RAM!
_ RAM? C'est dans quel pays?
_ Mais dans aucun! RAM, c'est seulement RAM!
_ Je ne comprends pas...
_ Ecoutez, on vous a ramené ici, parce que sans doute on vous a trouvé inconscient... Mais j'ai tout de suite vu que vous étiez un antipuce!
_ Un antipuce!
_ Oui, ceux qui sont contre la puce... et qui vivent dans les égouts de RAM, comme les rats!
_ Il doit y avoir une erreur, car je ne connaissais pas RAM avant d'ouvrir les yeux ici!
_ Cela n'a plus d'importance maintenant, car vous voilà pucé!
_ Pucé?
_ Mais oui, on a profité de votre sommeil, pour vous implanter la puce!
_ Vous avez fait quoi?
_ Mais c'est la loi pardi! Il est impossible de vivre dans RAM sans être pucé! Il faut être connecté pour payer! Comment allez-vous vous nourrir ou vous déplacer sinon?
_ Je ne sais pas...
_ Vous voyez! Je vais dire à l'infirmière que vous sortez aujourd'hui!
_ Bien, bien, merci... J'ai entendu un drôle de message hier... J'ai eu l'impression qu'il venait de moi...
_ Mais oui! Eh! Eh! Vous êtes connecté à RAM et vous recevez donc maintenant ses messages! Rassurez-vous, vous pouvez les filtrer!
_ Bon sang!
_ Et rappelez-vous: "Vous êtes ego et vous retournerez ego!"
Mercredi 17 mars: finalement, c'est ce matin que je quitte l'hôpital, mais j'ai un problème: il est impossible de retrouver mes habits! "Qu'à cela ne tienne! me dit-on. Vous n'avez qu'à vous connecter à RAM!" "Comment?" "Mais en pensant très fortement à lui!"
Ainsi je fais et je vois effectivement apparaître dans mes pensées le nom RAM, qui s'éparpille en des milliers de taches de couleurs, pour laisser place à son réseau! Puis, je me concentre sur le mot vêtement et de nouvelles images défilent, ainsi que des questions sur la taille, la couleur, la marque ou le prix!
Mais je dois être maladroit, car bientôt je me perds dans un dédale d'interrogations, qui deviennent de plus en plus bizarres, incompréhensibles! "Si vous faites plus d' 1m 80 et que votre cousine a un loft, pensez 1!", "Si vous faites plus d'1m 80 et que votre cousine a un loft, mais dont le bail doit être renouvelé, pensez 2!", Si vous-même n'avez pas de loft et que votre cousine mesure plus d' 1m 80 et que cela ne la gêne pas, pensez 3!", "Pour toute autre question, pensez 4!"
Je sue à cause de la contention d'esprit et j'ai l'impression d'être perdu dans un monde hostile! Le désespoir et la colère vont m'atteindre, quand un être humain passe par là! C'est une infirmière qui se met à rire de ma mine défaite, mais qui va quand même me chercher une combinaison légère et grise, comme on en porte partout, me précise-t-elle! Puis, elle rajoute que je ne dois pas hésiter à faire appel à l'hôtesse RAM, si j'ai des difficultés! C'est une interlocutrice virtuelle, qui répondra à toutes mes questions!
Fort de cette connaissance, je sors au grand jour, avec pourtant le désagréable sentiment d'être en pyjama, mais je n'ai pas le temps de m'inquiéter, car je suis tout de suite frappé de stupeur devant le spectacle de la rue! Le trafic est intense, mais à peine matérialisé! Ce que l'on voit, ce sont des scintillements de carrosserie, comme si ici triomphait le luxe!
Ces diamants qui glissent n'en menacent pas moins le piéton, qui emprunte des tubes de verre quand il a la priorité! Mais sur le trottoir il peut être surpris par un surfeur du ciel! Des individus sur des planches passent au ras des têtes! D'autres sont enveloppés d'hologrammes qui représentent leurs amis, avec lesquels ils parlent ou s'esclaffent! Certains avancent encore dans un décor particulier: rivage de rêve, salon cossu, feu de cheminée! Beaucoup assistent à des concerts et les musiques se chevauchent!
L'impression générale n'est pas agréable, car ces univers sont fermés et excluent! On a l'air d'être en trop à côté, mais il y a des créations bien plus dérangeantes et menaçantes, d'autant qu'on comprend peu à peu qu'elles se ressemblent et qu'elles sont les plus nombreuses!
Par exemple, un guerrier farouche arrive et on doit reconnaître sa supériorité, car son armure est pesante et son regard sans pitié! C'est le thème choisi par la plupart des hommes, quand les femmes sont plutôt des déesses ou des reines, qui veulent de l'admiration; ce qui n'empêche pas certaines de montrer de l'agressivité!
Quand on croise les personnes, on devient un personnage de leur décor; on est coloré, habillé par l'hologramme et on se retrouve ainsi le plus souvent dans le rôle du vaincu ou de l'admirateur! Mais c'est de toute façon un poste subalterne et soumis à une autorité!
J'essaie d'échapper à ces univers, car je voudrais bien réfléchir posément, à la raison de ma présence ici, mais c'est quasiment impossible, car il y a toujours des gens et on est confronté à leur décor! Je suis bientôt épuisé, à refuser de jouer l'esclave ou l'adorateur, d'autant que je provoque la haine ou le mépris!
Ce sont des éclairs dans le regard, des grimaces qui signalent cela et c'est assez étrange dans ce monde ultramoderne et lisse! C'est comme si la barbarie miroitait sur la civilisation! Il y a même des décors qui dégagent une telle tension qu'ils sont quasiment palpables! Ce sont des salles de torture, des bancs de rameurs sous les coups de fouets, des étals de boucher où on est découpé par des mains pleines de fièvre!
Tant de brutalité étonne, puisque le monde de RAM semble ne manquer de rien! Quelques femmes cependant font preuve d'une grande inventivité et par exemple leur visage se dresse sur le corps majestueux d'un dragon aux écailles dorées! On voudrait applaudir, mais de la bouche dépassent des membres d'enfants, avant d'être mangés!
Evidemment, il ne s'agit pas du tout de céder à ces créations, car on n'y serait qu'une victime et on peut se demander comment chacun résiste au décor de l'autre! Mais la réponse vient vite: le meilleur bouclier, c'est son propre univers! Ici, je me demande s'il ne faudrait pas me connecter à RAM, pour en obtenir un qui me protégerait et me permettrait de souffler!
J'appelle donc l'hôtesse, en pensant très fortement à elle et une voix me répond: "Bonjour, je suis l'hôtesse RAM, que puis-je faire pour vous?
_ Ben, je vois que tout le monde se déplace avec un décor... et je voudrais savoir comment créer le mien!
_ Mais il n'y a rien de plus simple: il suffit de le désirer et RAM fait le reste!
_ Ah! Ah! En effet, c'est facile! Euh, il est possible de vous personnaliser?
_ Bien sûr et je peux même vous dire que mes algorithmes sont très, très forts, au point que je peux sembler avoir de l'humour!
_ Ah? Parfait! Puis-je te tutoyer et t'appeler Julie?
_ Bien sûr et toi, comment tu t'appelles?
_ Jack! Sans vouloir être sexiste, je t'imagine bien faite, souveraine, avec un regard ardent!
_ Très bien! Tu veux voir mon hologramme?
_ Hein? Non, vaut mieux pas pour l'instant... On peut atteindre les limites de la ville? J'ai besoin de calme pour réfléchir!
_ Suffit de prendre un Bob!"
Je comprends alors pourquoi le trafic me paraissait dématérialisé, car nous prenons place dans un baquet ou Bob, au milieu d'un flux d'énergie. Mais la carrosserie se constitue également comme les décors et je choisis une voiture sportive et nous filons! Au bout d'une cinquantaine de kilomètres, effectivement les bâtiments sont de plus en plus clairsemés et nous devons faire le reste à pied. Je dis nous, car Julie est déjà comme quelqu'un qui m'accompagne!
Je me fige sur place en regardant l'immense désert, qui succède à la ville! Une croûte sèche à perte de vue! "On a coupé le dernier arbre il y a cinquante ans, Jack!" Je garde le visage fermé et je pense que la catastrophe est arrivée! Je ne sais pas comment les habitants de RAM se nourrissent, mais je prends conscience que je suis prisonnier de la ville!
"Le soir tombe, Julie, il me faut une chambre d'hôtel!
_ Pas de problèmes, Jack! En tant que nouveau pucé, tu disposes d'un certain nombre de crédits!"
La chambre est bien dans le style de RAM... Elle se forme selon le rêve de chacun! Il y a une option apesanteur et je flotte dans la pièce, m'amuse un certain temps à rebondir contre les murs élastiques, alors que les lumières de la ville s'allument progressivement!
On peut fermer les volets et s'immerger totalement dans un univers! On mime un crawl, au milieu de la chambre, sous une merveilleuse chute d'eau! Ou bien on combat des animaux préhistoriques, en sautant dans tous les coins!
"J'ai un gros problème, Julie!
_ Ah bon?
_ Oui, je ne peux pas créer de décor, pour me protéger! Je ne veux pas dominer!"
-
AD LIBIDOM!
- Le 13/03/2021
- 0 commentaire
"Eh, mais vous parlez au Duke!
Non, monsieur Beauchamp, pour moi c'est le duck!"
Impitoyable
Journal de Jacques Cariou, station Charcot, mardi 9 mars: plus les choses se décantent et plus je me rends compte combien l'hypocrisie agit comme un mur! La "vérité" bute contre lui, comme la mer se heurte aux rochers! Sa force est infinie, mais ils sont ce qu'il y a de plus dur!
On ne veut pas voir, c'est évident! Et par peur essentiellement! D'abord, on a une place et on craint de la perdre! Les choses ne doivent pas bouger, mais rester comme elles sont! Evidemment, on ne peut pas tout dire, ne serait-ce que parce qu'il est fort possible qu'on se trompe, ainsi que nous l'enseigne l'expérience, mais encore on est ambitieux, on a des intérêts, qui jouent le rôle d'œillères! Tout ce qui serait susceptible d'inquiéter nos plans, de menacer nos rêves, est rejeté, reçoit un accueil hostile, voire haineux! La vérité est comme un furet qui débusque un blaireau!
On sait que c'est la domination qui a forgé la société et elle assure la cohérence du groupe, qui ne peut agir, ni donc survivre sans hiérarchie! Chacun s'efforce de s'y placer, à un poste qui lui donne de la valeur, mais cela ne suffit pas! Nous sommes en effet tout le temps en crise, pourquoi? C'est que la domination entraîne inévitablement un rapport de force, d'où les incivilités, la violence, mais aussi une fermeture, une fixité dans les idées, car bien entendu leur auteur s'impose par elles!
Au final, nous avons une société qui prend l'eau de toutes parts, mais qui continue à ne pas vouloir changer, puisque personne ne prend le chemin de l'effacement, du renoncement, celui qui est l'inverse de la domination! Au contraire, plus ça va mal, plus on s'inquiète et plus on renforce son égoïsme! Pour s'opposer à l'instinct, il faut une motivation profonde, une passion, qui vient d'une sensibilité particulière; la raison ne servant qu'à organiser les données, pour la compréhension.
La seule raison ne permet pas la foi; l'amour, l'admiration sont nécessaires, et il n'y a là nul besoin de compensation! Il y a plutôt une clairvoyance, car on prend conscience du chaos, de l'injustice de l'égoïsme! Bien des champions de la seule raison ont les pieds dans le sang et ne s'en rendent même pas compte! Des ogres vous parlent de la lumière!
L'un des grands échecs de la science, c'est l'interprétation des peintures pariétales! Il y a trente mille ans l'homme de Cro-Magnon a peint dans les grottes et a produit des chefs d'œuvres, qui suscitent toujours l'admiration! Quels étaient ses buts, ses croyances, etc.? C'est évidemment des questions que se sont posées les scientifiques et ils ont émis toutes les hypothèses, de sorte que notre ancêtre nous est devenu absolument incompréhensible! Or, cela ne se peut, car au fond nous sommes toujours comme lui!
L'erreur est de voir l'"art" pariétal avec la seule raison! C'est l'échec assuré! Il est nécessaire de regarder le monde qui nous entoure, en gardant son âme d'enfant! Nous ne pouvons comprendre la vie, si nous perdons notre émerveillement! Il y a une innocence dans l'enfance, une souplesse, une bonne volonté qui tient à ce que la domination n'est pas encore séparée du jeu, et sans doute parce que celle des parents est évidente! Toujours est-il que le jeune âge a une capacité de rêve qui lui est propre!
L'individualisation commence vraiment plus tard, notamment avec la maturation sexuelle: il suffit de voir combien le désir de l'autre nous rend sérieux! L'égoïsme alors peut prendre le dessus, tout ravager, d'autant que la compétition fait rage! Il n'est plus question de douter, de se ralentir, et si la domination nous mène, elle paraît si naturelle que nous ne la reconnaissons plus! Nous pouvons penser qu'il n'y a pas d'autre état et le message évangélique devient par exemple subitement dérisoire!
L'adulte, qui a toujours son œil d'enfant, lui comprend que les peintures pariétales sont d'abord destinées à éblouir, à épater et donc aussi... à dominer (même si l'expérience est à l'intérieur et dans la nuit!) On ne comprendra pas toutes leurs significations, car chaque époque a ses codes, mais leur but est le même que nos monuments contemporains: on veut "en mettre plein la vue" aux voisins! Notre fête pour le jour de l'an est la plus réussie! Chaque commune, en France, s'est construite autour d'une église qui devait être plus belle, plus imposante, plus riche, que celle du bourg voisin! Son orgue notamment était à chaque fois le meilleur! L'artiste flatté, mais aussi pour vivre, se met au service des puissants!
Les alignements de Carnac, les pierres de Stonehenge, les statues de l'île de Pâques, d'abord du "m'as-tu-vu", de l'"esbroufe", de la performance, de l'autorité! Il ne saurait en être autrement! C'est la domination, l'individualisation, l'affirmation de soi, pour dire qu'on est là, fort, talentueux et par conséquent c'est aussi tout le groupe qui est affermi! Mais il faut être soi-même détaché de sa propre domination, pour en rester conscient! Ceux qui cavalent sur le dos de la seule raison se perdent et ne sont pas l'avenir! Ils prennent et écrasent comme les autres!
Mais la réaction de la domination, de l'orgueil, de l'égoïsme est toujours la même face au miroir: elle est haineuse et rejette! On dit au militant de gauche: "Vous voulez chasser ceux qui ont trop de pouvoir? Fort bien, mais il faudra aussi penser à vous changer vous-mêmes! Sinon, c'est remplacer une domination par une autre! Vous au pouvoir, ce sera peut-être et même sans doute pire!"
Evidemment, c'est l'hostilité, la seule réponse! On veut bien trouver des coupables, mais pas question de se diminuer! On est des victimes, c'est les autres les méchants! De même, on explique à la droite conservatrice: "Vous avez à cœur d'aider le pauvre et de remplir vos devoirs religieux? Rien de plus louable, mais vous devez commencer par perdre vos privilèges, votre position dominante, car c'est cela qui vous empêche d'être bons et même libres!"
Bien sûr, on a plus de succès auprès des oiseaux et la religion elle-même n'échappe pas au piège de la domination, puisqu'elle a créé le "sacré", comme si Dieu était un directeur, un PDG inaccessible, exigeant de passer par des sous-fifres! Jésus, par contre, va jusqu'au bout: il s'offre pour bien montrer qu'il ne s'agit pas de commander! Il n'y a pas a priori de foi plus profonde! Mais c'est d'ailleurs un problème pour l'OED: comment faire comprendre sans s'imposer?
Curieuse humanité qui croit qu'elle peut vivre comme les animaux, alors qu'elle a une conscience! Etrange humanité qui se retient à l'instinct, alors qu'elle peut s'en affranchir! Désespérante humanité qui veut asservir, pour ne pas sentir sa liberté!
Jeudi 11 mars: de nouveau la tempête souffle dehors et amplifie le sentiment de notre isolement! Certains doivent avoir les nerfs à bout et je ne suis pas loin moi-même de l'exaspération! Mais je ne perds pas de vue pourtant le vrai nord! De quoi ai-je besoin? De me nourrir et aussi de sentir que j'existe, que je suis aimé et non un groupe d'atomes emporté par le vent!
Pour cela, je m'appuie sur ce que je sais de la vie et qui est le fruit de mon travail depuis toujours! Car pour moi, le véritable travail, c'est de réfléchir à la nature des choses et surtout du mal! C'est d'essayer de comprendre d'où vient la souffrance, ce qui conduit à lutter d'abord contre son propre égoïsme! Pour faire court, travailler, c'est développer sa spiritualité ou aimer Dieu!
Je ne vois pas de tâche plus difficile et si on s'efforce à la patience, de dompter le fauve qui est en nous et qui ne demande qu'à rugir, à cause de sa haine, on s'aperçoit que tous autour n'y parviennent pas et qu'ils sont au contraire prompts à céder à la colère et au mépris, quel que soit leur métier! Cette différence est la preuve de notre travail!
Et à force de perdre, car on n'a eu de cesse d'abandonner ses "droits", on finit pourtant par être gagnant! Imaginez ce qu'il faut à ceux qui sont esclaves de leur domination! Puisqu'ils n'ont pas de vie intérieure, ils doivent chaque jour demander aux autres la marque de leur valeur, de leur supériorité! Ils ne peuvent se passer de la télévision, car elle leur sert tout de même de repère, mais surtout ils consultent incessamment Internet ou leur Smartphone! L'environnement est partout sollicité sans fin!
Comment pourrions-nous alors ne pas épuiser la Terre et nous-mêmes? Comment éviter la haine ou nous rendre disponibles, alors que nous avons tant de besoins? Plus de réseau? Mais combien ne deviendraient pas fous ou assassins!
C'est normal d'avoir peur, puisque nous sommes en face d'un gigantesque inconnu, créé par la conscience! Mais, plutôt que d'avouer ce simple sentiment, nous préférons mille fois conduire les autres à la baguette, pour justement échapper à notre angoisse! Nous terrorisons pour devenir les maîtres et c'est la peur de l'esclave qui chasse la nôtre! Comment notre quotidien pourrait-il ne pas en être destructeur?
Celui qui respecte encore, malgré ses craintes, celui-là oui est dans la cour des grands! Les autres... Mais je suis encore faible et je reçois avec plaisir la visite de Friant. "Comment ça va? me demande-t-il.
_ Je m'en remets peu à peu...
_ Bien! Dites Cariou, il est où le vaccin? Faut quand même qu'on le récupère!
_ Bien sûr, mais il devait être avec Cressant!
_ L'ennui, c'est qu'on a tout fouillé là-bas, y compris chez Morizur, et nulle trace du vaccin!
_ J' comprends pas...
_ Ecoutez, j'ai un fauteuil roulant dans le couloir... J' vous mets d'ssus et on va au labo! Remis dans la situation, vous allez p't'-être avoir un souvenir profitable!"
Nous fîmes comme avait dit Friant et devant la paillasse, je cherchai à me remémorer les événements... "Allez, Cariou, faites encore une effort! insista Friant.
_ Mais je vous l'ai déjà dit... Y avait bien une petite boîte, mais c'est Cressant qui l'a ramassée!
_ Pas vous donc! Désolé Cariou, mais je n' marche pas! dit encore Friant en sortant une arme. Y a qu' vous qui avez pu dissimuler le vaccin!
_ Il faut parler! lançe Sophie Prémel derrière."
Je regarde à nouveau cette femme et je me rends compte que je l'ai mal jugée! Non seulement elle a un corps magnifique, mais c'est surtout son visage qui est d'une beauté à couper le souffle! La lumière y vient comme sur un récif doré! On a l'impression qu'elle-même peine à porter ses rayons!
Mais ses yeux sont aussi d'une dureté extraordinaire et ne veulent que la soumission, ce qui fait que Friant a perdu la tête! "Si vous ne répondez pas, reprend celui-ci, je vais être obligé de vous tirer dans les jambes!" Mais soudain nous entendons un grand fracas et c'est Sophie Prémel qui a renversé un plateau et qui titube! Elle a un regard horrifié et une main sur le cœur! Puis, elle s'écroule! "Non! crie Friant qui se précipite vers elle.
_ Ne la touchez pas, bon sang, Friant! Elle a le virus!"
Mais il ne m'écoute pas et pleure son amour. Je ne reste pas inactif et me dirige vers la porte du fond... Derrière, j'entends la voix de Friant: "Tout ça, c'est de votre faute, Cariou!" et une balle vient faire exploser un bocal juste au-dessus de ma tête! Je passe la porte et la referme aussitôt! Où suis-je? Dans un garage! Il y a là une moto neige et l'équipement qui servaient à Cressant, pour faire ses récoltes comme il voulait!
Je m'habille et démarre l'engin! Mon idée est de rejoindre l'entrée principale de la station et d'avertir les autres du double danger que constitue Friand. Mais, une fois dehors, je suis pris dans la tourmente, alors que je dois contourner un éperon rocheux! Je crois l'avoir dépassé, mais je me trompe: il y a encore de la glace devant moi! Finalement, je finis par admettre que je suis perdu, et puis soudain j'aperçois des lumières et je pique dessus!
-
Dominos!
- Le 09/03/2021
- 0 commentaire
"Mais Starbuck, avez-vous vu la baleine blanche?"
Moby Dick
Journal de Jacques Cariou, station Charcot, jeudi 4 mars: ce matin, j'ai réussi à recevoir certaines informations de l'Hexagone et notamment j'apprends la condamnation de l'ancien président Sarkosy!
Je m'en réjouis et ce n'est pas parce que je suis de gauche, mais d'abord on ne compte plus les fautes du bonhomme et surtout ce jugement vient percer le mur d'hypocrisie qui tient la société et qui pourtant l'étouffe en même temps!
En effet, quelle est l'image que veut transmettre Sarkosy de lui-même et qui est relayée complaisamment par les médias? C'est celle d'une réussite totale! Président honoraire, il a pour épouse une ancienne mannequin et, après avoir renoncé par sagesse à la politique, il est encore un auteur de best-seller!
Quelle vie pleine et débordante de talents! Elle est destinée à faire envie et pourtant elle est essentiellement mensongère! La réalité est tout autre et c'est ce que montre la justice aujourd'hui, quasiment malgré elle! Car ce qui a scellé le sort de Sarkosy, c'est que par ses manières il a attaqué l'image même de la justice! Il a présenté les juges comme vénaux, corruptibles! En voulant sauver sa propre image, l'ancien président en a dégradé une autre, qui ne fait que se défendre!
Image contre image! Dominants contre dominants! Voilà qui est intéressant, car la vérité apparaît malgré tout, non parce qu'on la cherche, mais parce que les dominants se combattent! Ils dénoncent leurs mensonges, pour continuer à régner!
Il ne s'agit pas pour autant d'accabler un individu, fût-il Sarkosy! Il est ceci, cela, mais il est aussi un voyou! Il est tellement avide de dominer qu'il est prêt à tout, même au pire! Cependant, la domination exige une vitrine parfaite, car s'imposer, c'est écraser les autres et cela n'est possible que si on ne leur offre aucune faille!
Voilà pourquoi l'orgueil, qui est sans doute le sentiment qui reflète le mieux la domination, ne supporte pas le miroir! Il ne veut pas voir l'envers du décor, l'arrière-boutique! S'il reconnaît le mal dont il est capable, c'est la vitrine qui explose! C'est une vie réduite à néant!
C'est encore laisser voir ses peurs et ses faiblesses, ce qui effraie bien entendu, car les yeux des loups brillent dans la nuit! Et pourtant c'est bien la domination qui a provoqué la chute de Sarkosy, nullement un acharnement judiciaire, comme il le dénonce et voudrait s'en persuader! Il s'est placé lui-même dans l'illégalité et l'affaire Bygmalion est encore un exemple de cette dérive!
L'influence de l'ancien président est néfaste et se propage à tout ce qui le concerne, de sorte que même les maisons de presse les plus rurales sont forcées de présenter ses livres devant leur caisse!
On le voit, la domination nous maintient en esclavage et nous sommes ses marionnettes! Tant que nous ne construisons pas en dehors d'elle, nous n'avons aucun socle, nul repos! Si nous sommes menacés, la plupart s'y raccroche comme à une bouée de sauvetage, mais qui serait lestée de plomb! Car plus nous nous débattons et plus nous sommes entraînés dans les profondeurs! Le "féminicide" ne s'explique pas autrement!
Cependant, la réaction du sommet de la société est navrante, quoique prévisible! La classe politique est plutôt solidaire, car elle non plus ne veut pas voir, se remettre en question! Plus étrange est la complicité des médias, puisque, à côté d'articles qui stigmatise la justice, Sarkozy est encore invité au 20 H, comme s'il n'était pas coupable! C'est que tout ce monde se nourrit de la domination et constitue un ordre, même s'il est sale!
On est prêt à fermer les yeux, du moment que les choses ne changent pas! Chez les dominés, les petits, il en va tout autrement! Malgré les exceptions partisanes, on est plutôt content, on se félicite du verdict, qui est senti comme une justice, un rayon! Il est la preuve de la noirceur des dominants et explique bien des souffrances! Combien en effet ne se contentent pas d'une vie modeste, par scrupules?
Et puis, c'est le résultat d'une ambiance délétère! Le dominant n'a de cesse de faire croire qu'on doit l'admirer et s'il tombe, il n'est pas étonnant qu'on veuille le déchirer! Les faux dieux sont massacrés! Mais la domination entraîne encore la course au Buzz, qui fait que chacun se prend à rêver d'obtenir des millions de vue, sur Twitter ou Instagram! Sortir de l'anonymat est le symbole de la réussite! Pour cela, malheureusement, il est tentant d'effectuer n'importe quoi!
La société ressemble à une cage de fauves, avec ses odeurs et sa férocité! C'est pourquoi l'hypocrisie, si elle nous cimente, nous asphyxie aussi! Il ne s'agit pas de vouloir l'anarchie, mais une domination éclairée! Or, on en est loin et la science même peut nous entraîner dans la mauvaise direction! La psychologie, notamment, induit l'idée que c'est à l'individu de changer et non à la société! Mais il est nécessaire que le sommet, le dominant puisse évoluer, surtout en reconnaissant ses torts! C'est sa seule voie pour atteindre la paix et soulager le petit! Si demain Sarkosy admet publiquement ses erreurs, il redeviendra aussitôt aux yeux de tous un être humain et il rendra de nouveau le monde compréhensible!
Toutefois, on a déjà expliqué la folie ou la "tragédie" de l'orgueil!
PS: c'est finalement Friant qui m'a aidé à régler le cas de Gestin! Je l'ai invité dans ma chambre et nous avons discuté! Débarrassé de l'influence de Douguet, il est plutôt un homme simple et il m'a d'ailleurs raconté sa vie d'avant! C'est un ancien marin-pêcheur, qui a quitté le métier après un naufrage, dans lequel il a perdu son meilleur ami!
Il a pas mal roulé sa bosse, jusqu'à ce qu'on lui propose ce poste ici, où il s'occupe des moteurs, car il adore les voir fumer! Cela le rassure, dit-il et au fond la machine peut être vue comme une victoire sur les éléments ou la mort!
Quand j'ai vu son air radouci, je lui ai raconté la fin de Gestin et son visage, sous ma lampe, a semblé perdu, au point qu'il m'en a rappelé un autre! Dans un quartier que j'ai habité, il y avait un homme qui tout le temps marchait! Il avait un petit sac sur le dos et des chaussures de sport! Il arpentait les trottoirs chaque jour, inlassablement, et il n'était pas difficile de comprendre qu'il ne pouvait rester chez lui, à cause sans doute d'une angoisse qu'il ne maîtrisait pas! Incapable d'être en paix avec lui-même, il se calmait ainsi!
Mais, peu à peu, sa marche est devenue plus difficile, reflétant sa lassitude et ce sont ses yeux lointains, hagards, que j'ai revus chez Friant, ainsi que le malheur nous rattraperait toujours!
Mais, quand je lui ai demandé son soutien, l'ancien marin, celui qui sait qu'il est perdu s'il n'agit pas, a repris le dessus et nous sommes allés nous occuper du pauvre Gestin! Nous l'avons placé à côté des autres, dans la chambre froide, en gardant le secret, car il faut trouver l'assassin, avant d'effrayer l'ensemble!
Pour cela, Friant m'a conseillé de me rendre auprès de Michel Cressant... C'est un spécialiste des lichens et on l'appelle le Vieux, car il est le plus ancien sur la base... Il est l'un des premiers à s'être installé ici! D'après Friant, il connaît chaque recoin et c'est un bonhomme paisible, qui pourra m'orienter... J'irai donc le voir!
Vendredi 5 février: matin maussade, du vent et moins quarante à l'extérieur! Ou bien est-ce moi qui aie le cœur glacé! Le désespoir n'est pas loin... et ce monde toujours aussi imbécile, aussi fermé, aussi hypocrite! Il tourne en rond, à force de vouloir briller! C'est la domination qui mène la danse et qui n'est donc nullement inquiétée!
Je suis assoiffé et je voudrais un peu d'eau! Au fond, le seul espoir, c'est Dieu! Quand on le "ressent" à nouveau, c'est un bonheur ineffable; le seul qui soit aussi complet... et alors tout le reste, toute cette boue, cet égoïsme, cette bêtise n'a plus aucune importance! Patience donc et je me dirige vers chez Cressant!
Il m'accueille agréablement et à première vue, il est selon le portrait de Friant. Il a l'air parfaitement inoffensif et semble même débonnaire. Il a un gros bonnet sur la tête, qui doit tenir sa tête bien au chaud! Une bedaine et d'épaisses lunettes amplifient la rondeur du personnage et le font paraître presque pataud!
D'ailleurs, son laboratoire est à son image! Un peu partout, on trouve de drôles d'objets, récupérés et qui donnent l'impression d'avoir trouvé ici une seconde vie, ainsi que des animaux abandonnés, qui auraient été de nouveau adoptés! Au final, nous sommes dans une chambre d'enfant, mais avec une activité d'adulte!
Un éclair blanc traverse parfois le regard de Cressan, ce qui indique que sa "balourdise" est plus feinte que réelle et d'ailleurs, à mesure que la conversation s'engage, je suis de plus en plus déçu, voire nerveux! Evidemment, je ne sais par où commencer... Je dois d'abord sonder le terrain, avant de parler de Gestin, mais je m'aperçois que Cressan, inexorablement, ramène tout à lui!
Il ne répond pas toujours à mes propos, comme un homme normal, et autrement dit il ne fait pas preuve d'empathie, mais au contraire cette manière de laisser certaines phrases en suspens n'a qu'un but et m'est bien connue! Il s'agit pour Cressan de sentir toute sa supériorité, ses silences opérant tel du mépris! Peu à peu, il n'y a plus que son humeur qui vaille et qui écrase la mienne, ce qui me navre bien entendu! Mon diagnostic OED est sans appel: j'ai affaire à un DTN! et je suis donc dans une impasse!
A un moment, un objet sur la paillasse derrière Cressant me frappe, mais, quand j'essaie de savoir pourquoi, la tête bigleuse, sous son bonnet comme une cocotte-minute, me demande si je veux du thé! J'acquiesce et regarde de nouveau la paillasse, mais l'objet n'est plus là! Ai-je rêvé?
Le thé est bon et chaud et j'entends la voix de Cressant me dire: "Cariou, je vais vous raconter une histoire! C'est celle d'un jeune chercheur fringant et qui a plein d 'ambitions! Il rêve de faire une découverte sensationnelle, ce qui devrait lui apporter la gloire, l'aisance et les femmes! Mais, bien qu'il soit plein d'ardeur, les années passent et rien! Il ne découvre rien!
Pire, il voit des collègues, qui ne le valent pas, être soutenus par la chance et avoir eux du succès! Ils occupent des places enviables, alors que moi, je suis ici, dans le froid, anonyme et déjà vieillissant!
Remarquez les lichens sont presque devenus des amis... et ils ont des propriétés étonnantes! Par exemple, celui que j'ai infusé dans votre thé a un effet anesthésiant... Non, non Cariou, ne vous agitez pas! C'est inutile! Ma voix devient plus grave et mon visage se trouble, n'est-ce pas? C'est comme si vous me voyiez au ralenti! Hi! Hi! Détendez-vous, je finis mon histoire!
J'ai fini par comprendre que Gestin avait bien identifié un virus et qu'il avait même trouvé son vaccin! Eh bien, ça a fait tilt dans ma tête! Voilà mon billet de sortie, je me suis dit! Voilà enfin que la chance me sourit, à moi aussi! Je vais retrouver l'Hexagone en gagnant, que dis-je, en héros! On va me faire un pont d'or, Cariou, car dans une main j'aurai la mort et dans l'autre la vie! Mon pouvoir sera illimité!
Oui, Cariou, l'objet que vous avez vu était bien dans la chambre de Gestin! Hélas, je suis resté un éternel distrait! Alors, voilà comment ça va se terminer pour vous: vous avez été frappé par la mort de Gestin! Distrait vous aussi, vous vous êtes égaré dans la neige et vous y avez trouvé votre dernier sommeil! Vous allez faire un merveilleux gisant! Encore une à deux minutes et je pourrai vous porter comme un gros sac à patates! hi! hi!
_ Vous n'irez nulle part, Cressant, car le vaccin est pour moi... et vos rêves aussi!
_ Morizur? Mais qu'est-ce que vous faites là?
_ Mais mon bonheur, tout comme vous! J'ai une arme et je sais m'en servir!"
Pan! pan! Il y a deux coups de feu, puis plus rien! Ah si, dans mon brouillard, je vois apparaître le visage de Friant! Il me sourit et je me détends. J'ai tout de même encore la force de tourner un peu la tête et je découvre deux corps: Cressant et Morizur se sont entre-tués!
Bah, deux dominants en moins!