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RAMURE!
- Le 12/06/2021
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"T'as qu'à prendre le train de minuit! Hi! Hi!"
Midnight Express
Comment va RAM? Des piétons traversent comme si la rue leur appartenait! Des conducteurs fulminent parce que leur Bob ne prend pas toute la chaussée! On dit bonjour pour mépriser! On devient fou furieux quand on est rappelé à l'ordre! Au fond, l'existence de l'autre nous est insupportable et tels les enfants, nous ne voulons le monde que suivant nos goûts!
Peu à peu, RAM découvre son affreux petit visage!
Mais à quoi encore comparerais-je RAM? A un sultan parmi ses coussins et qui s'ennuie! Il est repu, entouré d'or et il se plaint! Il ne se passe jamais rien de son côté et le mépris rafraîchit sa bouche!
Il est une créature de RAM très particulière! Elle est comme un morceau de scotch! On ne peut s'en débarrasser! Ou plutôt il n'existe qu'une manière d'en être libéré, c'est de lui laisser le dernier mot! C'est d'accepter qu'elle vous quitte avec le sentiment qu'elle a raison, qu'elle vous est supérieure!
Tant qu'on renchérit pour se défendre, pour faire valoir son avis, elle continue de répondre, même absurdement, car c'est une maladie! C'est plus fort qu'elle! Elle ne peut se résoudre au silence! Elle est incapable de s'arrêter, de renoncer, de se plier, d'être intelligente pour deux, de travailler pour la paix!
Car c'est son monde qui doit s'imposer! Sans lui, elle est perdue! Elle le tient à bout de bras, toujours, où qu'elle soit! C'est un chemin de granit! une bulle! un espace clos! dont la créature est la gardienne, tel un chien féroce! Même les courants d'air sont menaçants! La moindre fissure peut provoquer une catastrophe!
C'est l'une des conséquences de RAM! Ce sont des veines de domination qui se fossilisent! C'est un défi animal dans une société d'hommes! une agressivité qui empêche tout dialogue! C'est une misère morale! une rengaine asséchante! qui témoigne que RAM ne donne pas d'eau!
Heureux celui qui peut se taire! qui subit l'injustice! qui comprend, qui accepte de se plier, qui ne cherche pas à mordre! Celui-là prépare en lui la place pour son trésor! Par le vide qu'il accepte, on lui donnera beaucoup! Plus il sera serein et plus il chantera! Plus sa foi sera grande et plus il sera heureux!
Heureux celui qui ne craint pas l'appauvrissement! l'attente! Heureux celui qui se sait aimé, malgré la haine, l'indifférence et le chaos! Car il recevra le soleil! Heureux celui qui travaille pour la paix! Heureux l'enfant de l'esprit!
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mercredi 9 juin: "RAM! RAM! Réveillez-vous, bon sang!
_ Hein? Quoi? Qu'est-ce que c'est?
_ C'est encore la chaudière! répond le ministre. Elle chauffe!
_ C'est pas possible! Y a pas moyens d'avoir la paix! On peut compter sur personne! On l'a bien fait réparer y a peu, non?"
Le ministre hausse les épaules, pendant que RAM se rhabille! Puis, les deux hommes descendent au sous-sol et devant eux se dresse une énorme machine! "Pff! Quel merdier! fait RAM. Bon, là, c'est l'inflation... Mince, elle est dans le rouge! D'où est-ce que ça peut v'nir? Ici, c'est le niveau des prix... L'import... L'emploi... "Tirez vers le bas, pour baisser les minima sociaux..." J' comprends pas... "Tirez vers le bas, pour..." Et là? "Pression de la TVA"!
_ Qu'est-ce que vous avez RAM? Vous êtes tout pâle!
_ Y a qu' j'en ai marre! Mais marre! Y sont jamais contents! On a tout, vous comprenez tout! Et ils gémissent comme des chiots!
_ Oh là! Restez avec nous! Oh là, quelqu'un! RAM est parti dans le cirage! Vite un médecin!"
Un peu plus tard... "Bon, vous allez l'air d'aller mieux...
_ Qu'est-ce qui s'est passé?
_ Vous avez eu un évanouissement! Le surmenage sans doute... et on vous a conduit dans votre lit...
_ Et vous, vous êtes...?
_ Le docteur Ego! Ecoutez, je pourrais vous prescrire des médicaments, mais je préfère vous donner un bon conseil! Choyez-vous! Ne vous lâchez pas! Adorez-vous! Car à quel moment le ferez-vous? Quand je viendrai vous dire que c'est fini? Mais alors il s'ra trop tard! De toute façon, qui pensera à vous, si vous-même ne le faites pas?
_ Vous avez raison!
_ Mais oui, une belle bagnole, pour épater! Un coffre-fort taillé comme un diamant! Quelque chose de bien, ruisselant de richesse! Ecrasez les autres! Mettez-vous encore en terrasse! Vissez-vous sur une chaise! Trônez, méprisez! Soyez salace! un royal désabusé! Ennuyez-vous à mort!
_ Ah! Ah!
_ Vous voyez, vous allez déjà mieux! J'ai envie de vous dire d'être médiocre, mais vous en êtes incapable, n'est-ce pas! Et puis n'hésitez pas à vous plaindre! Même si ça va, même si vous en avez plein la gueule! Ne paraissez jamais satisfait! C'est naïf! Epongez tout ce qu'il y a! Sinon votre anxiété va revenir! Hein? J'ai une formule: "Réveillez l'animal qui est en vous!"
_ Euh...
_ Vous êtes perdu? Mais mordez, haïssez, soyez vicieux! Faites sentir votre supériorité! Y a qu' vous dans les étoiles! Et votre conscience, que faisons-nous de cette chose encombrante? Hein? Ah! Ah! Ecoutez, mettez-la dans un petit bateau et regardez-la partir au fil de l'eau!
_ Merci, doc!
_ Soyez vain! Paresseux! Ne faites pas le moindre effort qui pourrait contrarier votre égoïsme! Travaillez, mais pour l'argent, la puissance! Je compte sur vous!"
Dans la pièce d'à côté, deux sœurs jumelles pleurent: c'est Fatigue et Doute! "Tu crois qu'ils vont faire la guerre? demande Fatigue.
_ Ils en seraient capables, tellement ils sont perdus et agressifs!
_ Ils ne veulent pas du vrai remède!
_ Tu les connais, ils auraient l'impression de perdre quelque chose!
_ S'ils savaient comme on peut se libérer! danser dans l'infini bonté de Dieu! être comme une étoile vibrante à jamais! comme un coq de feu plein de bonté! comme une lame de lumière, rayonnante! S'ils savaient comme c'est riche! C'est une cascade chaque jour!
_ Mais ils vivent comme des limaces, à s' gratter le nombril... Ils limitent leur espace à un tiroir et ils haïssent tout ce qui est plus grand! Ils s'énervent! Ils s'énervent et j'ai peur!
_ Oui, ils auront tôt ou tard recours à la violence! Il leur faudra des coupables! Tout plutôt que se remettre en question! Tout plutôt que chercher! Ils ont le cœur plus sec que les pierres... et ils en crèvent!
_ Ils sont aveugles!
_ Oui, la nuit s'avance!"
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, jeudi 10 juin... Ils sont là les enfants de la nuit, de monsieur Nuit! Ils sont là les enfants de RAM, ceux de la domination!
Ils tuent père, mère, copain ou copine! Ils tuent dans le nuage de leur égoïsme et ils se filment sur les réseaux sociaux, ou se dénoncent à leurs parents ou à la police, comme si cela justifiait leur crime!
Ils ne connaissent que leur bulle! Ils ne se sentent pas coupables: ils se sont seulement débarrassés d'un obstacle! RAM, par son mensonge, son hypocrisie, sa naïveté, a été incapable de les éduquer! Ils sont là les monstres et chaque jour ils nous plongent dans la stupeur!
Mais plus l'angoisse s'étend, plus la domination devient féroce et plus les incivilités se multiplient! Il est maintenant impossible de faire confiance! Si on respecte les règles, rien ne dit que l'autre le fera! Cela produit une tension permanente, car chacun doit rester sur le qui-vive!
Le matin, encore sonnés et dans nos rues de plus en plus sales, nous nous regardons comme des étrangers... Mais que va-t-il nous arriver? Beaucoup croient encore que le salut est dans la force, l'argent et la supériorité et c'est ce qui nous conduit à la tragédie, car il en faudra une, une de plus, pour nous abattre et nous rendre humains!
Cariou ailleurs... L'hélicoptère nous laisse non loin de la station Charcot! A côté de notre équipement, le colonel Godefroy dirige ses six hommes et nous sommes donc huit en tout! Puis, nous allons au pas de course, vers le bâtiment, au milieu du blizzard!
Là, premier ennui, la porte est soudée! Mais d'un sac quelqu'un tire un chalumeau et nous observons tous la flamme bleue, comme si elle devait nous réchauffer! Puis, enfin, nous pouvons entrer!
Ce qui frappe d'emblée, c'est l'air abandonné du lieu! On voit bien que personne n'est venu ici depuis longtemps! Les motos neige semblent mortes et au-delà, c'est un vide qui se perd dans les ténèbres! Seule nous parvient la plainte du vent!
Je regarde Godefroy, tandis que derrière nous ses hommes déposent le matériel. Il devine ma pensée et dit:" Je vous assure, Cariou, que le message venait bien de la station! Nous avons vérifié!" Nous sommes parés pour l'exploration, en formant deux groupes, et nos lampes se mettent à fouiller l'obscurité!
A mesure que j'avance, des fantômes viennent me visiter! Je revois Nizou et Covillon perdant la tête et s'échappant vers la mort! Douguet me fait de nouveau face, prêt à combattre, mais c'est son corps sans vie sur son lit qui m'a le plus impressionné!
J'ai de nouveau des larmes aux yeux, au souvenir de Gestin, torturé avant d'être noyé dans sa baignoire! Un homme si doux, si intelligent! Soudain, la belle Sophie Prémel rayonne tout près! Sa bouche corail me murmure une nouvelle fois des mots qui sont comme des braises! L'altière, la magnifique Sophie Prémel, avec ses formes ensorcelantes, mais aussi sa haine féroce et son destin tragique!
Puis, des âmes plus noires s'invitent encore dans ma mémoire... Ce fou de Cressant, ce monstre à lunettes, ce professeur méthodique et sans pitié! Morizur le suit bien entendu, d'autant qu'il est la cause de notre arrivée... Morizur, l'aristo si je puis dire! L'assassin avec des manières, comme tuant de sa caste!
Ma lampe maintenant éclaire mon ancienne chambre... On ne peut parler ici de poussière et pourtant tous les objets sont comme figés, sous une "pellicule de temps"! Tout est un peu gris et me désole! Dehors, le vent continue à mugir, rappelant l'hostilité des éléments et rendant encore plus fragiles sans doute toutes les traces de mon ancienne occupation!
Le talkie du chef de notre groupe se déclenche: nous devons nous rassembler dans le réfectoire! Là, sous la clarté lunaire des hublots, il y a effectivement une anomalie: c'est Cressant, gelé, assis devant les restes de quelque repas!
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RAMEUR!
- Le 05/06/2021
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"Elle dit que la jungle fait disparaître les hommes!"
Predator
"A l'assassin! A l'assassin!" cria-t-on cette nuit-là dans RAM! On s'éveilla en sursaut, on alluma des torches et on courut vers la source du bruit! Des hommes en armes étaient déjà là et leur armure luisait sous les flammes! Il y avait bien un mort et c'était un commerçant du quartier, mais sa tête avait été coupée!
On se mit à la recherche de l'assassin, qui ne devait pas être loin, et on le cerna à l'aube! Il ne voulut pas se rendre et chargea, ce qui fit qu'on dut le tuer! Une épée le transperça et on put alors voir qui c'était! Mais son origine étrangère ne faisait aucun doute et on ne le connaissait pas!
Or, ce n'était pas le premier crime produit par ces gens venus d'ailleurs et la colère gagna la ville! On ferma les portes, on chercha les étrangers et des milices, avec des chiens féroces, arrêtaient le moindre suspect! Puis, on découvrit le cadavre d'une femme et la haine fut à son comble!
Mais le mari était le coupable et on finit par le pendre! Une patrouille fut attaquée dans le bas de la ville; des chariots et des carrosses brûlèrent et il y eut des pillages, des viols, des querelles avec des coups de dagues et des suicides chez les soldats! Chaque jour on était dans la stupeur et il semblait qu'une nuit sans fin recouvrât RAM!
Au palais, les ministres s'invectivaient, se traitaient d'incapables et on prenait de nouvelles mesures, toujours plus restrictives, plus autoritaires! On ne comprenait pas, on suait, on appréhendait, on grimaçait! Quelle était la source du mal? On n'en savait rien! On n'avait aucune vision d'ensemble!
De loin, RAM avait l'air d'un dragon dans sa grotte, qui crachait du feu sur lui-même!
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mardi premier mai: c'était une vieille folle! Elle ne comprenait rien et n'en faisait qu'à sa guise! Elle voulait tout le temps qu'on parle d'elle! Elle boudait dès qu'on quittait le sujet!
Certains jours, elle avait l'air morne et se plaignait! On ne lui donnait pas assez! Les autres avaient une conduite odieuse! On se moquait du monde! Elle se courbait, prenait l'expression d'une victime, si bien qu'on eût dit quelque pauvresse, quelque souillon!
D'autres fois, elle était fière et triomphait! Elle trouvait sa chance et les hommages mérités! Elle brillait comme un soleil! Où était sa peine de naguère, ses plaintes, ses cauchemars? Envolés! Disparus, comme par enchantement!
Elle avait mille tours dans son sac! Elle se déguisait en homme, gonflait son pénis et jaugeait la virilité des autres, en scrutant leurs fesses! Et sa tête, à quoi elle servait? Mais à rien visiblement et pourtant elle était là!
Quand elle était femme, attention! Tenue impeccable, lignes pures! Le regard admirait, soupirait et c'était bien normal! Elle était la maîtresse et on devait lui obéir au doigt et l'œil! Et le cœur? Quoi, le cœur? Les sentiments, le sens de la vie, les autres! Quoi? Quoi? Mais il n'y a avait qu'elle! Bien sûr, il faut aider les pauvres! C'est complexe et il y a la dette de RAM! Mais, mais, il y a d'abord moi!
Qui était cette folle, qui était comme chez elle dans la ville, qui n'apprenait rien, qui n'évoluait pas, qui fatiguait tout le monde, qui ne faisait aucun effort, sauf pour sa comédie et ses intérêts? Qui était ce monstre qu'on devait supporter chaque jour?
Mais c'était et c'est la conscience de soi! le papier buvard du quotidien! le tombeau de nos espérances! la girouette de nos bises! C'est le courant alternatif de notre chaise électrique! "Madame a bien dormi? Monsieur veut-il un peu plus de sauce? Le sel? Où j'ai mis le sel? Madame s'impatiente? Mais madame est merveilleuse, extraordinaire, éternelle même!" La crise? Quelle crise?
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mercredi 2 mai: à quoi fait penser RAM, sinon à une éponge? En effet, la ville est pleine de trous, qui ressemblent à celui du fourmilion! Si on tombe dedans, on est écrasé, dépecé, avalé! Chacun veut dominer, que le monde tourne autour de lui! Comment la vie dans RAM serait-elle possible?
"Qui êtes-vous?
_ Euh...
_ Vous travaillez?
_ Non... C'est-à-dire si!
_ Expliquez-vous...
_ Voilà quand je regarde les gens, je les vois vraiment... Je les comprends... Ils sont pour moi une parfaite réalité! Je n'essaie pas de leur marcher dessus... Je m'efforce de leur donner le plus d'espace possible, afin qu'il se développe! Je suis disponible et c'est pourquoi je vous dis que je travaille!
_ J' pige pas!
_ Cela ne m'étonne pas! La plupart des gens que je croise m'agresse tout de suite! Il me place d'emblée dans un rapport de force! Les hommes veulent me supplanter et les femmes me séduire! Je suis contraint de résister, pour préserver ma propre liberté, bien entendu! Mais ces attitudes obéissent à la même logique: on domine pour se sentir exister, d'autant que la peur, l'angoisse est derrière! Plus celle-ci est forte et plus l'envie de dominer l'est également!
_ Hum!
_ Oui, je vous présente un monde nouveau, mais il est facile de comprendre que la domination est une forme de tyrannie et que là où il y a de la tyrannie, la vie est asphyxiante, insupportable! Imaginez des hommes et des femmes qui ne chercheraient pas à dominer, qui n'auraient pas peur, qui voudraient encourager l'autre, lui faire sentir qu'il est aimé, qu'il a droit au respect, quel qu'il soit! Imaginez qu'au lieu de prendre, on donnerait! qu'au lieu d'attirer vers soi, on serait plutôt dirigé vers l'extérieur, telle une source! Imaginez qu'on ne soit pas exsangue, mais riche!
_ Vous n'êtes pas de RAM, c'est sûr!"
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, jeudi 3 mai: RAM avait un "pote" un peu louche, nommé La Com! "'Lut, La Com!
_ Lut, RAM!
_ Alors?
_ Ben, on est prêt!
_ Ah ouais? On raconte de drôles de trucs sur toi et ta bande de satellites!
_ On raconte quoi?
_ On dit qu' tu pourrais bien t'appeler La Noosphère!
_ Pfff! Qu'est-ce que c'est qu' ça? Une eau d' toilette?
_ C'est qu' j'ai besoin d'être sûr de mes gars, tu comprends?
_ Puisque j' te dis qu'on est prêt!
_ Vrai? Parce que La Noosphère, ce s'rait cette couche de la pensée, répandue par les communications et qui f'rait que la planète deviendrait comme un tout sensible!
_ Tant qu' t'es au manettes, j' s'rai méchant RAM!
_ Bien, Bien! Pas d'amollissement donc!
_ La haine, comme tu veux, où tu veux!"
Cariou ailleurs... Je me réveille à l'hôpital, comme au premier jour dans RAM! Il y a tout de même un changement, car est assis dans la pièce le commissaire Brocart! "Bonjour, Cariou, comment allez-vous?
_ J'ai l'impression d'avoir été concassé!
_ Oui, on vous a bien travaillé! Une idée sur vos agresseurs?
_ Des grands gars costauds, au visage fermé!
_ Ah! Ah! Dites, vous pouvez vous lever? J'aimerais vous faire rencontrer quelqu'un!"
Je m'habille en grimaçant et nous prenons un Bob feutré! Puis, c'est une vaste demeure et de longs couloirs... Enfin, une sorte d'huissier nous ouvre une large porte et nous sommes devant un pupitre que surmonte un disque irisé, étrangement libre dans un liquide verdâtre!
" Je suis le ministre Fauconnier! fait le disque. Ne soyez pas trop surpris par mon apparence, monsieur Cariou, mais l'immortalité a quand même un coût!
_ Mais à quoi bon l'immortalité pour les pauvres?
_ Ah! Ah! On m'avait dit que vous aviez un esprit caustique! Mais vous venez de la station Charcot, je crois? Bien, je vous prie de regarder ces images..."
Je me tourne vers un écran, où je reconnais... le professeur Morizur! "Les morts se réveillent! fait-il. Tremble RAM, car notre vengeance sera terrible! Nous avons été abandonnés! Mais l'au-delà a eu pitié de nous! Il nous a rendus à la vie, pour la justice! Nous arrivons, RAM, nous arrivons, indestructibles, puisque nous sommes de la peur!"
"C'est une mauvais plaisanterie, je fais, quand l'écran s'éteint. Morizur a été tué et je ne crois pas aux revenants!
_ Moi non plus! répond le ministre. Comme vous le voyez, notre corps est voué à la disparition! Mais nous venons de recevoir ce message et il est vrai que l'évacuation de la station, sous la menace du virus, a été pour le moins... bâclée!
_ J'en sais quelque chose... Mais qu'est-ce que vous attendez de moi?
_ Que vous retourniez là-bas, pour faire la lumière sur cette soi-disant résurrection! Moyennant quoi, nous abandonnerons toute poursuite contre vous!"
Je me gratte le menton et cela veut dire que ça m'intéresse... Je pourrais dire que c'est plutôt à moi de me plaindre, mais il y a des moments où il est inutile de discuter, tant la vérité est absente à mesure que la domination est forte! Et puis, comment mieux lutter contre RAM qu'en y étant tranquille?
J'accepte donc et je suis laissé en compagnie de Brocart, pour les préparatifs... "C'est étrange, mais le ministre ne m'a pas parlé du vaccin, je dis!
_ Non, je lui ai fait croire que c'était Friant, la formule sur pattes!
_ Ah bon?"
Nous entrons dans une petite pièce, où nous attend un militaire... "Voici le colonel Godefroy! dit Brocart. Avec ses hommes, il va vous accompagner jusqu'à Charcot!" Je suis face à une silhouette droite, surmonté d'un visage massif, quoique volontaire!
Le colonel a l'air d'un lion apaisé et j'en éprouve quelque gêne! L'œil jaune de ma névrose se rouvre et les chauves-souris de mes complexes quittent leur grotte! Mais j'adore ça dans le fond: être chatouillé par mes peurs, pour sentir combien j'ai évolué!
Sous les vieilles toiles d'araignées brille l'or de la lampe!
Mais, pour l'instant, les soldats sont à la fête, chez eux, dans cet hélicoptère branlant, qui nous emporte vers la glace!
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RAM O!
- Le 29/05/2021
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"Szell! C'est Szell!"
Marathon man
RAM contempla la plaine, sous le ciel noir... La bataille avait duré toute la journée et on s'était égorgé avec une furie extrême! Partout des corps enchevêtrés et des foyers qui se consumaient! Le sang tachait la terre et la souffrance restait figée sur les visages!
Le bruit du vent avait remplacé l'appel des cors, les cris de la hargne et les tintements de l'acier! L'ennemi avait fui, comme à présent les fumées! Sur son cheval qui s'ébroua, RAM pensa que le royaume était maintenant en sûreté et il rentra dans son château, alors qu'on enterrait les morts!
Quand il arriva, il fut assiégé par les prêtres, qui lui demandèrent une cérémonie, pour remercier leur dieu, et RAM fut soudain las! Les prêtres avaient le pouvoir sans combattre! Ils imposaient des règles, pour être les chefs! Ils demandaient une foi, des efforts, dont ils étaient eux-mêmes incapables!
"A partir de maintenant, leur dit RAM, le culte sera séparé de mon gouvernement! Vous ne bénéficierez plus de ma protection et croira qui voudra!" Ils furent scandalisés et menacèrent RAM de la pire vengeance divine, mais il n'en eut cure et fit plutôt appel à des savants, des chercheurs!
Ceux-ci s'empressèrent autour de lui, heureux de diffuser leur science! Ils lui ouvrirent l'abîme du temps! RAM se vit cousin du chimpanzé et venant d'Afrique! On lui expliqua qu'il avait une conscience, parce qu'il se tenait débout, et l'âge des premiers hominidés lui donna le vertige!
On lui parla encore de phyla, de l'arbre de vie, et la taille des dinosaures lui en imposa, alors qu'il songeait avec mélancolie qu'il eût pu être une algue, à la dérive dans la mer chaude! On fut plus circonspect quant à l'apparition de la vie, mais il en avait déjà assez!
Pourtant, on ne le lâcha pas et on partit sur le cosmos! On lui dit en riant qu'il habitait une planète sans doute comme tant d'autres et que de toute façon on était dans un univers constitué de milliards de galaxies et probablement né de l'excitation de particules!
RAM alors se tassa un peu plus sur son trône, mais on lui réservait le meilleur pour la fin! Savait-il que le temps dépendait du voyage de la lumière? Connaissait-il la matière noire, qui devait accélérer l'Univers malgré la gravitation? Et la mécanique quantique? A quel moment pouvait-t-on être sûr de la réalité d'un fait?
RAM, d'une voix faible, finit par demander à ceux qui le tourmentaient maintenant, par leur intelligence si brillante, comment ils faisaient pour ne pas se mettre à crier, face à l'absurdité, à l'abandon total que rencontrait l'homme! Ils répondirent qu'ils comptaient sur les progrès de la raison et RAM vit qu'ils ne se connaissaient pas du tout et qu'ils n'étaient que des enfants!
Il les renvoya et cette nuit-là, il eut un terrible cauchemar! Il était naufragé dans une mer noire et autour les vagues montraient leurs dents blanches! Il allait se noyer, quand il aperçut une bouée qui dansait! Il s'y accrocha de toutes ses forces, mais alors un éclair lui montra que ce n'était qu'une effigie de lui-même, avec un sourire grotesque!
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mardi 25 mai: sœur Sagesse est une femme médecin, qui va par les routes en marchant, pour soigner les gens et diminuer leurs peines! Elle arriva à RAM un soir d'orage!
Elle vit que les habitants souffraient d'une étrange maladie: ils devenaient de plus en plus durs et méchants! Leur haine était palpable! Leur mépris avait soif de frapper! N'avaient été les lois, ils s'eussent détruits entre eux! Pourtant, RAM regorgeait de richesses, mais c'était comme si une malédiction s'était abattue sur la ville!
Sagesse ne savait que faire et observa... La température, notamment, agissait sur les habitants comme un pressoir! Plus elle était basse et plus l'agressivité, elle, montait! Or, pendant des jours et des jours, un vent du nord souffla avec violence, détruisant les récoltes, grêlant les fleurs et donnant l'impression que nul ne comptait!
Pire, on s'aperçut que certains étaient définitivement changés en statues! On les voyait tels qu'ils avait été surpris! Un affreux rictus marquaient les uns, quand d'autres arboraient un air hagard, teinté de défi! C'était une vision de cauchemar, alors que la bise tourbillonnait! Les sourires n'existaient plus, mais au contraire les attitudes étaient de plus en plus martiales, car on ne comprenait pas le phénomène!
On n'établissait pas de liens entre le temps, la dureté des cœurs et les statues! Sagesse demeurait impuissante et eût-elle voulu intervenir, on l'aurait chassée! Elle assista donc à la troisième étape de la maladie! Les statues se brisaient! Elles tombaient en morceaux! Leurs têtes roulaient sur le sol! Et chose étrange, elles avaient quelques larmes!
Mais ce qui plongeait dans la stupeur, c'était que parmi les débris brillaient des joyaux! Evidemment, ils firent envie, mais, si on essayait de s'en saisir, on était vite déçu! La main les dispersait! leur donnait leur liberté! et sous l'œil médusé, ils s'échappaient avec le vent! Ainsi, RAM devint la ville du regret, de la plainte, des visages fermés!
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, même jour: non loin de RAM il existe un marais, dont l'eau est sombre, parmi les joncs que courbe le vent! L'endroit est désert, sous le ciel qui paraît toujours gris, et le silence n'est perturbé que par quelques cris d'oiseau!
Evidemment, les habitants de RAM ne viennent jamais par ici, car ils cherchent plutôt à briller entre eux et pourtant une curiosité se trouve au centre du marais! C'est un monticule effrayant, fait d'arbres tordus, comme s'ils criaient leur souffrance, et de plis de terre si creusés qu'ils ont l'air le fruit de quelque cataclysme; ce qui ne serait pas loin de la vérité!
En effet, les fermiers du coin racontent une histoire... Ils disent qu'il y avait là comme une sorte d'ermitage, mais son occupant ne se dévouait pas à Dieu, mais à la magie! Il était peut-être un ancien druide et en tout cas, il se répandait en invocations et semblait jeter des sorts!
Il aurait eu le pouvoir de commander les arbres et même le sol, car un matin on ne vit plus l'ermitage parmi les troncs et les bosses, mais dans une clairière parfaitement plane! Avait-on rêvé et que s'était-il passé par la suite, pour qu'on montre le monticule telle la tombe du magicien?
On peut imaginer celui-ci repoussant la forêt par sa puissance, en devenant le maître et rêvant d'installer des cités, qui auraient révéré son nom! Puis, cédant sous l'effort, il n'aurait pas pu empêcher le retour de la nature, pareil à celui de la mer! L'homme est-il capable de vaincre celle qui lui a donné le jour?
Bien sûr, voilà un énième conte naïf, de ceux qui conviennent au chant un peu triste de l'alouette et d'ailleurs, le lieu est menacé de destruction par RAM, car la ville ne cesse de s'étendre!
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, jeudi 27 mai: connais-tu vraiment RAM? Après tout, ce n'est qu'une colonie d'hommes dans la nature! Des arbres et des fleurs, dans la ville, témoignent de notre environnement, comme les oiseaux!
Ah! Mais cette verdure est si domestiquée et autour, ce sont des champs et des champs! Où RAM n'est plus le maître, d'autant que ses avions sillonnent le ciel et ses bateaux la mer? RAM finit bien par croire qu'il domine le monde et non l'inverse!
Il se répète d'ailleurs ce message chaque jour, de toutes les manières possibles! Il se regarde dans son miroir, au point que la nature semble être secondaire, superfétatoire, à sa botte! RAM apparemment triomphe et d'où vient alors son angoisse, sa violence?
Mais RAM a des ennemis et il pense qu'ils sont l'obstacle à son bonheur, qu'il faut les vaincre pour être heureux! Sacré RAM! Il veut garder ses illusions! Il rabâche et il ne voit même pas que le ciel se moque de lui!
En effet, les nuages qui passent sont bien plus réels que l'agitation de RAM! Ces titans de coton qui filent donnent à la ville la dimension d'une maquette! Et les tempêtes à venir, c'est la nature qui marche sur RAM! Va-t-il enfin se remettre en question?
Cariou ailleurs... Je retourne chez Sacripante... et je trouve la porte ouverte! Mon ami est là dans le salon, couché sur sol, avec le crâne défoncé, à en juger par le sang qui en a coulé!
Sur le mur, il y a une inscription grossière: "L'insolence est payée!" Cela ressemble à une farce sinistre, mais il ne faut jamais oublier que la domination est aussi créée par la peur et que celle-ci peut conduire aux gestes les plus désespérés, les plus violents!
Quelques DTN auront suivi Sacripante et lui auront réglé son compte! Combien ne sont pas malades, trônant dans leur rêve, implacables devant la menace? A côté du corps se trouve le brouilleur, en miettes, mais, en y regardant de plus près, je m'aperçois que ce n'est pas l'appareil en question! Sacripante aura-t-il été génial jusqu'au bout?
Je fais le tour de la pièce des yeux et je me rappelle combien l'Italien avait l'amour des livres! Je repère sans trop de peine la Divine comédie de Dante, juste à côté de Si c'est un homme de Primo Levi! Ce n'est pas un mauvais voisinage et je bascule les livres vers moi. Bingo! Le brouilleur est derrière... et c'est la distinction de Sacripante qui m'a guidé!
Mais je quitte l'appartement en colère, car ceux qui sont dehors ne valent pas mon ami! Je voudrais confondre l'hypocrisie qui m'entoure, la mettre à bas! Le soi-disant équilibre de la société n'existe pas! Il est uniquement fondé sur la domination, ce qui veut dire que nous nous piétinons les uns les autres, en rendant au final la vie impossible!
Ce que nous appelons équilibre, c'est le sentiment de notre supériorité, sur le tas de nos victimes! Or, le brouilleur parasite la puce cérébrale, de sorte que l'individu a le sentiment d'être propulsé en pleine nature, ce qui réduit évidemment à néant et en un instant sa domination! J'utilise l'appareil comme une mitraillette, pour soulager ma rage, et les réactions ne se font pas attendre!
La panique produit aussitôt la haine et on ne rêve plus que de me détruire! Mais je n'en ai cure, car c'est la faute des gens s'ils n'ont pas plus de réalité! Par peur essentiellement, ils ne veulent absolument pas explorer la spiritualité et ne s'en remettent qu'à leur égoïsme, d'où leur superficialité, leur petitesse!
Pourtant, soudain, un Bob s'arrête brusquement à ma hauteur et avant de m'en rendre compte, je suis poussé dedans par deux malabars!
"Mais enfin où m'emmenez-vous?" "La ferme!" Cela a au moins le mérite d'être clair et nous entrons bientôt dans le parc d'une maison cossue! Puis, me voilà conduit dans un salon richement meublé, devant un grand type sec, la soixantaine dépassée! Il prend le brouilleur que lui tend un de ses hommes, l'examine une seconde, avant de se tourner vers moi...
"Je vais te raconter une histoire, me dit-il. Aujourd'hui, je suis à la retraite... Enfin, je vis de mes rentes, de celles qui viennent de mon bisness... Et là, surprise, je prends conscience que la seule chose qui me reste en définitive, c'est mon amour-propre! Je veux toujours avoir raison et l'impression que je contrôle tout! C'est plus fort que moi!
_ D'où aussi sans doute une peur atroce du ridicule! je coupe.
_ J'étais sûr que tu s'rais intelligent! Or, ton... gadget, subitement, a fait le vide sous mes pieds! J'étais dans la rue tout à l'heure et je me suis vu avec la taille d'un atome! Insupportable! Je confisque donc l'objet et Pierrot va te donner une leçon!
_ Avec plaisir patron! C'est du petit bourgeois, sans cals dans les mains, quasiment du sorbet!
_ Bien, mais ne le tue pas!"
Le premier coup m'arrive au plexus et la douleur irradie, comme si j'avais avalé un champignon nucléaire! Puis, le programme de lavage commence, mais, avant de sombrer, j'entends encore tout de même la petite voix de Julie, ainsi qu'un écho qui meurt, me murmurer: "Tu aurais p't'-être dû essayer le rameau d'olivier!"
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RAM N!
- Le 22/05/2021
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"Ils arrivent!"
Le Jour le plus long
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, lundi 17 mai: comme d'habitude, RAM commença la semaine maussade, inquiet et agressif! Il ne pouvait en être autrement, car le dimanche ne le reposait pas, mais au contraire lui faisait peur, le minait!
Pourquoi? Mais RAM vivait pour dominer et l'inaction, le calme ne lui permettaient pas de se sentir supérieur! Il avait tout essayé! la beuverie du samedi soir, qui le laissait le lendemain assommé et avachi devant la télévision! les promenades dominicales interminables, qui l'épuisaient, le vidaient! les déjeuners familiaux, copieux et bien arrosés, qui se terminaient en débinant les absents, comme si on avait nourri l'amertume!
RAM avait même continué de travailler, ignorant le jour de repos, mais ses bruits de chantiers étaient contre sa propre loi et il avait dû s'arrêter! Il aurait pu encore jouir du silence, du spectacle des nuages, s'enchanter des oiseaux et du vent dans les arbres, mais la nature l'ennuyait, l'effrayait même! Il voulait se voir partout, que toute chose reflète son importance, sinon il angoissait!
Bref, RAM ne savait pas vivre, être en paix avec lui-même et ce matin-là, il enfila son armure avec un air sombre, avant de sortir dans la rue! Là, il voulut écraser deux ou trois types qu'il croisa, histoire de montrer qui était le maître et de donner à sa domination son petit-déjeuner! Puis, il alluma une machine infernale, dont le bruit sema le chaos, car ainsi RAM s'abrutissait, ne pensait plus et faisait régner une sorte de terreur! La ville pouvait alors s'éveiller!
Sa femme Stress ne fut pas de meilleure humeur! Elle sortit de chez elle comme si le monde lui appartenait! Elle était élégante, avec un parapluie transparent! Cependant, elle dut attendre un instant, avant d'entrer dans un magasin, et elle repéra une proie, un homme! Elle le fixa, pour lui dire qu'il était à elle!
Stress avait besoin de sexe, pour se soulager, mais, s'il devait bien y avoir un échange, elle resterait dominante! Pas question qu'elle ne commande pas! On pouvait la satisfaire, si on restait inférieur, à peine existant! L'autre n'échappait pas au brouillard qui l'entourait et qui rendait esclave! Sans doute, tout de même, récompenserait-elle son "étalon", en lui offrant un verre d'eau ou un mot gentil! Elle n'était pas toute en bois!
Ainsi, parfois elle pleurait! Elle avait passé tout son dimanche à s'inquiéter, à se ronger les sangs! RAM n'était pas un bon mari, se désintéressait d'elle et elle avait peur, sans trop savoir pourquoi! C'était encore elle qui avait à charge de faire vivre le couple! Elle pensait pour deux! Si on n'écoutait que RAM, rien ne se passerait, nulle réunion de famille, nulle promenade, nulle fête, nul espoir! On serait enseveli, enterré avant l'heure, sous l'ennui!
Et puis le lundi, elle reprenait le travail! C'en était trop et les larmes lui montaient aux yeux! Elle raconta alors à un quasi inconnu, mais qui semblait s'intéresser à elle, sa jeunesse, très sportive, qui lui causait aujourd'hui des douleurs, des rhumatismes! Elle eut de la tendresse pour elle-même et se sentit légèrement ragaillardie! Un peu de sève la réchauffait!
Comme d'habitude, ce jour-là, le monde de RAM faisait la grimace et il ne lui manquait pourtant rien, seulement l'essentiel! Au loin, retentirent les premières ambulances!
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mardi 18 mai: monsieur Nuit n'en revenait pas! On lui avait résisté! Il eût voulu détruire ce... type! ce minable! Il sentit de nouveau une haine atroce l'envahir!
Mais pourquoi s'embrasait-il ainsi? N'était-ce pas indigne de lui? N'était-il pas le plus fort, le centre de tout? Existait-il vraiment autre chose que lui? Mais il avait eu peur! Oui, une peur horrible, nouvelle pour lui! d'où sa haine, son envie de pulvériser!
Il essayait de comprendre... Il vivait à condition de contrôler le monde, que celui-ci se soumette, soit sa chose! Il était comme un aimant, avec de la limaille de fer autour! C'était la condition sine qua non de son équilibre! Bien sûr, il n'avait pas la main mise sur tout, loin s'en fallait! Mais là où il était, c'était chez lui!
Or, cet individu n'avait pas été influencé! Il était resté hors de sa puissance mentale, comme un rocher au milieu des flots! Monsieur Nuit avait eut l'impression que des barbelés avaient déchiré sa bulle, que l'oxygène s'en était brusquement échappé et qu'il avait failli étouffer! Ce type-là, il devait le retrouver, pour savoir qui il était, quel était son parcours, d'où venait son étrange force! Il fallait analyser la menace, pour mieux l'effacer!
Monsieur Nuit s'approcha de la fenêtre et regarda la ville... Elle ne lui était pas hostile, bien au contraire! Comme lui, elle fonctionnait suivant sa domination! Ses habitants se réjouissaient de se supplanter les uns les autres et ils voulaient la nature comme un miroir de leur puissance!
Ici, pouvaient naître et prospérer les enfants de monsieur Nuit! Ils seraient les enfants de RAM, ses futurs adultes! Car monsieur Nuit avait un don funeste: il pouvait semer sa nuit et la faire germer!
Il sortit et sillonna la ville et dans tous les endroits qui étaient plutôt sombres et peu fréquentés, il s'arrêtait pour laisser tomber quelques gouttes de son sang, qui n'était que de la nuit! Et bientôt, les gouttes s'agrandirent, devinrent des poches, dans lesquelles des fœtus se développaient, mûrissaient, avant de se libérer de leur enveloppe!
Des garçons et des filles, en grand nombre, commencèrent à mener leur existence dans RAM! Ils n'avaient pas trop de peine à obtenir ce qu'ils voulaient, tant ils dégageaient un pouvoir obscur! C'était quelque chose d'impalpable, qui avait la force d'une maladie, d'un déséquilibre, d'une pente!
Même les adultes, sans se l'avouer, en avaient peur! Ils étaient bien supérieurs physiquement, mais, sous les yeux de ces jeunes, ils éprouvaient une gêne, un malaise, et ils cédaient ne serait-ce que pour en être débarrassés! RAM changeait! Chaque jour, il y avait des faits d'une criminalité toujours plus étrange, plus grave, plus inquiétante, ainsi qu'un lierre aurait asphyxié RAM, déjà victime du virus!
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mercredi 19 mai: RAM avait une fille: Parole! Il l'aimait particulièrement, la choyait! C'était son rayon de soleil, sa joie et il aimait danser avec elle! Il est vrai qu'elle séduisait, envoûtait même, avec ses boucles qui étincelaient comme ses yeux! RAM ne pouvait plus s'en passer et il demandait où elle était, dès qu'il ne l'entendait plus, ne la voyait plus!
Il était inquiet sans elle et il lui arrivait de ne plus pouvoir la quitter! Ils dansaient alors tous les deux jusqu'à l'étourdissement: elle de plus en plus riante, légère; lui de plus en plus lent et comme perdu! Stress, la femme de RAM, ne voyait pas ces jeux d'un mauvais œil et c'est même elle qui les provoquait, ce qui fait qu'elle n'était pas jalouse!
Mais parfois RAM était sujet à un abattement profond, sans savoir pourquoi! Il était là hagard, comme un fantôme, avec des gestes mécaniques et il se montrait volontiers hargneux, coléreux, blessant et tyrannique! Il estimait qu'il en avait le droit, que le petit méritait d'être écrasé! Car lui RAM était malheureux et cela seul comptait!
Sa fille derrière était d'accord! Parole elle-même se montrait agressive, acerbe, mauvaise, comme si jusque-là son temps n'avait pas été occupé par des fêtes, des plaisirs! Elle se sentait étrangement lésée et sa langue de vipère le faisait savoir! La famille était odieuse, crainte, tant qu'elle ne retrouvait pas une période favorable, qui lui redonnait aussitôt le sourire et Parole et RAM recommençaient à danser!
Cariou ailleurs... Je marche dans RAM en retrouvant la domination dans tous ses états, car c'est une journée à angoisse! Quand ils ont peur, l'homme cherche à être le chef et la femme irrésistible! Par là, je vois que chacun est dans la nuit et ne comprend même pas ce qui le motive!
A chaque coin de rue, pourtant, il y a une scène prévisible! Ici, on parle haut pour se rassurer! Là, on me dépasse avec dédain, comme si je n'étais que poussière! Là-bas, on m'offre le galbe d'une cuisse, ou on se tient bien droit, pour montrer la fermeté de ses fesses!
On est en représentation, mais nullement en paix! On n'est pas heureux! On essaie seulement de masquer son effroi! Je m'enchante tout de même du monde, quand quelqu'un me heurte! "Espèce de butor! me crie l'individu. Vous ne pouvez pas faire attention!" Je vais pour répondre, mais je reconnais qui est devant moi: "Excusez-moi, m'sieur! je fais avec une voix de demeuré. J' cherche le Colysée!"
L'homme me regarde quelques secondes... "Cariou?" "Sacripante!" Nous nous tombons dans les bras et très vite nous trouvons un banc, pour nous raconter les nouvelles! On se rappelle que Sacripante est un Italien, qui travaille comme technicien à l'OED (Organisation Ennemi des Doms)!
"Sacripante, vous allez peut-être pouvoir m'expliquer ce que je fais ici, car j'étais à la station Charcot, dans mes derniers souvenirs!
_ Oui, je crois avoir entendu parler d' ça... C'est pas net, mais l'armée aurait joué un rôle! C'est de là-bas qu'est parti le virus et d'après ce que l'on sait, il y a eu une hécatombe chez vous, non?
_ Oui, c'était pas joli!
_ Ecoutez, je vais peut-être vous raconter des bêtises, mais je crois qu'on a réglé la situation d'une manière secrète! En tout cas, on n'entend plus parler de cet endroit!
_ Mais RAM, qu'est-ce que c'est?
_ RAM! RAM a toujours été là! Il avait un autre nom... et puis, vous avez sans doute évolué! Comme moi d'ailleurs, car l'OED n'existe plus!
_ Comment?
_ Oui, certains ont voulu commander, dominer et ils sont devenus eux-mêmes des Doms! Pour moi, nous avions perdu la partie et quand j'ai quitté l'organisation, elle était en pleine crise!"
Je digère ces propos et je reprends: "Venez avec moi, Sacripante! Je vais vous montrer quelque chose et vous allez peut-être pouvoir m'aider!" Nous arrivons bientôt dans une artère... "Vous voyez le jeune homme sur la gauche, Sacripante, celui qui est adossé contre le mur et qui paraît l'innocence même, le nez sur son petit écran? Eh bien, c'est un DTN (Dom Trou Noir)! Il engloutit toutes les énergies autour de lui!
_ Vous avez toujours été meilleur que moi, pour les reconnaître...
_ Maintenant, regardez sur la droite, un peu plus haut, cette jeune fille... C'est aussi une DTN et il y en a comme ça tous les cinquante mètres! Ce que je voudrais, c'est ramener un peu la réalité ici, en trouvant un moyen de troubler ces jeunes gens!"
Nous filons chez Sacripante et il se met au travail, car c'est lui le génie de la technologie, et moi, j'en profite pour passer une bonne nuit! Au matin, cependant, Sacripante me présente un objet: "C'est un brouilleur! m'explique-t-il. Il agit sur la liaison qui existe entre la puce du cerveau et l'écran consulté, comme si d'un seul coup le sujet voyait à travers des lunettes 3D! Il ne reste plus qu'à choisir un univers!
_ Parfait! Je voudrais qu'on soit catapulté dans le ciel, dans les nuages!
Nous retrouvons la rue et essayons le brouilleur, mais la réaction est inquiétante! Elle ne témoigne pas d'une découverte, d'un émerveillement, mais elle est puissamment hostile, haineuse! Le jeune se met à donner des coups et à crier! "Diable! Nous ne sommes pas sortis de l'auberge! je fais.
_ Les gens ne veulent pas être heureux, mais dominer, Cariou!"
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RAM ROUGE!
- Le 15/05/2021
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"La lumière tamisée, mais pas trop! Le champagne frappé, mais pas trop!
Mozart, mais pas trop!"
Le Guignolo
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, lundi 10 mai: RAM étouffait, enrageait! Il ne se sentait pas libre et en était même en colère! Tout l'exaspérait! le froid, le chaud, le dehors comme le dedans! trop de lumière, pas assez d'ombre!
La moindre contrariété et il explosait! On lui conseilla le sexe, mais il leva les bras au ciel! Le prenait-on pour un imbécile! D'accord, c'était agréable, mais combien de niaiseries accompagnant l'acte! Il faudrait encore rester béat! Et puis, il y aurait tellement d'idiots dans ses souvenirs, une fois qu'il serait dans le lit!
N'avait-on pas quelque chose de plus aéré, de plus fort, de plus vaste! un espoir plus profond! un souffle plus puissant! Il aurait voulu rêver au-delà de toute limite! Il était las de tout! Ses nerfs voulaient de la fraîcheur, se revigorer comme jamais!
On lui parla alors d'un magicien, qui était en ville et qui enchantait petits et grands! "Pourquoi après tout! répondit RAM. Il est même possible que ce... saltimbanque fasse mieux que mes ministres!" L'homme entra et il était vêtu pauvrement! Mais il avait le corps droit, léger et paraissait sans soucis!
Il fit l'obscurité dans la pièce et le cosmos apparut, traversé par une rivière d'étoiles! Puis, soudain, tout s'illumina, aveugla, sous la force du soleil! On vit encore la course des nuages, avec leur liséré de lumière et les vagues australes, mornes et monstrueuses! Une fleur blanche termina la séance et son pétale était comme un drap immaculé et soyeux, tandis qu'une poussière d'or affleurait!
Mais RAM n'avait pas bougé et même bâilla, ce qui fit rire le mage! "Je vois ton mal, RAM, dit-il. Tu ne veux pas être libre, cela te fait bien trop peur! Ce dont tu as besoin, c'est ta haine! C'est elle qui te tient chaud et te rassure!
_ Exact! L'ancêtre! Et qu'on me vire ce cul-terreux! ordonna RAM à ses gardes, en désignant le mage. Bon! Où sont mes ennemis? Que dit-on de moi? Dominer, triompher, casser du bougre ou de l'arrogant! Là voilà ma santé! La discorde, le venin, la dent dure, ô vous mes remèdes! Les affaires reprennent!"
Pourtant, cette nuit-là, RAM fit un étrange rêve! Une voix lui murmura: "As-tu faim? Es-tu à la rue? Dois-tu échapper aux bombes? Ne disposes-tu pas des meilleurs soins médicaux? Alors, tu vas me dire que ça va?
_ Plutôt crever!"
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mardi 11 mai: "Non, non, Friant, je ne peux pas être à la station! Ce n'est pas possible!
_ Mais enfin où pensez-vous que nous puissions être?
_ Je... et comment suis-je arrivé ici, dans ce lit?
_ Mais on vous a retrouvé dans la neige, inconscient, et on vous a ramené dans votre chambre! Evidemment, je me suis calmé, depuis que je vous poursuivais avec une arme! Je suis désolé..."
Je regarde autour de moi, n'en croyant pas mes yeux! Ainsi, le monde de RAM n'aurait été qu'un rêve, qu'un long cauchemar! Il est vrai que lui-même était déjà étrange! Mais c'est bien ma chambre que je retrouve... Je commence à suer, à cause de l'angoisse!
"Non, non, ne vous levez pas! s'écrie Friant. L'infirmier, qui remplace Gestin, a recommandé que vous ne quittiez pas le lit! Vous êtes sous le joug d'une intense fatigue, à laquelle le vaccin apparemment ne serait pas étranger!
_ Vous parlez d'effets secondaires?
_ Exactement! A propos, maintenant que nous ne sommes plus ennemis, vous pourriez me dire où vous l'avez caché, le vaccin?
_ Mais il n'a jamais été avec moi, comme je vous l'ai déjà répété!
_ Voyons, Cariou..."
A cet instant, un homme pénètre à reculons dans la pièce... Il porte un vêtement de ville, ce qui ne va pas du tout avec les températures de l'endroit! Mais il semble craindre un autre individu qui entre à son tour! Celui-ci porte un imper et un grand chapeau!
Friant, qui s'est retourné, est soudain lui aussi en proie à une peur extrême, qui se lit sur son visage! L'homme au chapeau doit avoir quelque chose de terrifiant et soudain il me fixe! Je ne vois pas ses yeux, mais seulement de la nuit! Il s'approche, comme s'il était stupéfait, et je le sens particulièrement haineux!
Mais je ne bronche pas, car j'ai compris à qui j'ai affaire! Cet homme est de la domination pure! Il fait tourner le monde autour de lui et il est partout le maître! C'est un trou noir qui a des jambes!
Mais cela ne me concerne pas! Mon équilibre ne repose pas sur la domination! On ne peut donc pas me soumettre! J'ai traversé des épreuves, dont cette créature n'a même pas idée! Mes racines sont déjà par-delà la mort! Il y a belle lurette que je navigue dans l'océan sidéral et que le pouvoir me fait bien rigoler! Pour celui qui veut commander, être supérieur, je suis à jamais aussi imprenable qu'un poisson!
L'homme au chapeau commence à le comprendre et s'il ne domine pas, si on ne lui est pas soumis, sa carapace se fissure et dans la brèche s'engouffre le souffle du néant et de la folie! Un abîme s'ouvre sous les pieds de l'individu, qui est gagné par la panique! La tête entre les mains, il se met à crier, comme s'il se disloquait, et il prend la fuite!
Celui qui était entré à reculons vient alors près de moi... Il a l'air à la fois épuisé et soulagé! "Je me présente, dit-il, commissaire Brocart, de RAM! Excusez-moi, monsieur Cariou, pour toute cette mise en scène!" Il montre la pièce... "Mais nous avons reconstitué votre chambre de la station Charcot, suivant les indications de Friant...
_ Ils m'ont menacé de m'enlever ma retraite, si je ne collaborais pas! rajoute Friant, en baissant la tête.
_ Euh... Hum! Notre but, monsieur Cariou, était de vous mettre en confiance, pour que vous nous disiez où est le vaccin...
_ Mais il n'a jamais été en ma possession!
_ Peu importe! Peu importe! Vous m'avez sauvé la vie... et cela je ne l'oublierai jamais! Mon collègue Miniers n'a pas eu cette chance... et il a été tué par cet homme au chapeau! Il s'agirait d'un monsieur Nuit et qui par ailleurs est un assassin de femmes!
_ Cela ne m'étonne pas! Il ne peut pas supporter que les autres aient une vie propre!
_ Mais comment avez-vous pu lui résister?
_ Ce s'rait trop long à vous expliquer! C'est aussi le travail de toute une vie! En d'autres circonstances, je saluerais votre talent de décorateur, mais vous m'avez tout de même bien secoué, avec votre supercherie! Je peux donc m'en aller?
_ Oui, vous êtes libre, ainsi que Friant! Je vais oublier pour un temps cette histoire de vaccin!"
Nous sortons, moi et Friant, et sur notre passage, nous découvrons un commissariat sens dessus dessous! Puis, c'est de nouveau l'air libre... "Je pense que vous devez m'en vouloir, me dit Friant. Mais venez avec moi... J'aimerais vous faire rencontrer certaines personnes, qui pourront nous aider!
_ Pourquoi pas? Il faut de toute façon que je marche, pour m'en remettre!"
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mercredi 12 mai: nous avons dormi dans un entrepôt, sur des matelas à même le sol, mais ce n'était pas si désagréable, car on entendait le vent et la pluie, qui rendaient notre intérieur d'autant plus précieux et douillet!
Par ailleurs, des gouttes tombaient sur une rambarde, en tintant, et cela semblait le chant même du temps! Mais, enfin, une aube grise s'est levée et nous avons quitté nos lits, pour un petit déjeuner sobre, accompagné d'un bon café fumant, dont les volutes nous réchauffaient!
Maintenant, je prends conscience que nous sommes en fait dans une salle de réunion et elle se remplit peu à peu de femmes et d'hommes. "C'est un collègue de travail qui m'a fait connaître tous ces gens, m'explique Friant. Et tu vas voir, ils sont très actifs!" J'opine, en constatant que Friant me tutoie dorénavant... Cela doit être le froid, à moins que l'ambiance qui monte...
"Camarades! crie celui qui a l'air d'un chef. Nous voilà au complet! La séance peut commencer!
_ Hem! fait Friant. J'ai amené une nouvelle recrue! C'est Jack Cariou! Peut-être peut-on lui expliquer en quelques mots le but de notre mouvement?
_ C'est très simple, Jack! répond une femme. Nous sommes en guerre contre RAM! contre son pouvoir... et son système capitaliste, qui sert principalement les riches! On veut une vraie République, une vraie démocratie, une justice pour tous! Les privilèges, c'est terminé! On veut l'égalité, que le gouvernement soit entre les mains de délégués, qui pourront être révocables à tout moment! Le pouvoir, c'est le peuple! C'est nous!
_ Ouais! Ouais! C'est ça! Bien dit, ma grande! Reste encore du café?
_ Tu ne peux pas condamner notre idéal! reprend le chef. Car il n'en est pas de plus beau! A moins que tu ne sois un profiteur, un exploiteur! Alors, t'es avec nous?
_ Ben non!"
Un profond silence se fait. Tout bas, Julie me murmure: "Et voilà le grand Jack Cariou, qui nous remet d'dans!" "Et on peut savoir pourquoi?
_ Mais oui! Nous allons à l'individualité! La preuve, c'est que vous êtes là chacun pour vous développer! Or, ce que vous voulez, c'est une fusion! C'est incompatible!
_ J'avoue que je ne m'attendais pas à celle-là! continue Julie.
_ Vous ignorez comment nous fonctionnons! je reprends. Si nous allons à l'individualité, c'est que la domination animale se poursuit en nous! Vous gardez l'illusion d'une fusion, parce que vous vous donnez un ennemi: RAM et les riches! Mais, dès que vous vous retrouverez entre vous, une fois vainqueurs, vous serez en lutte les uns contre les autres, ne serait-ce que pour vous évaluer et vous connaître!
_ Mais on ne peut pas se laisser dévorer! clame la jeune femme.
_ Non, mais RAM est déjà une république et une démocratie! Il y a une hiérarchie et des inégalités, car elles sont inévitables! Mais pourquoi jalouser et vouloir renverser des gens, qui ne savent même pas être heureux! Si vous étiez en paix avec vous-mêmes, si votre ego n'était pas souffrant, vous plaindriez même les profiteurs! Le bonheur, c'est vivre avec ce qu'on a!
_ Je crois qu'il vaut mieux que tu partes! me dit le chef.
_ Bien sûr, je détruis votre rêve! Mais vous faites fi de la nature, alors qu'au contraire il faudrait plutôt l'utiliser! C'est-à-dire reconnaître d'abord que nous voulons tous le pouvoir! Pour nous construire, nous avons besoin d'oppresser! Demandons-nous alors comment tenir debout, sans commander?"
Je voudrais m'expliquer davantage, mais je n'ai devant moi que des visages haineux et je sors. De nouveau seul, je regarde le ciel et les oiseaux, qui ont l'air heureux de vivre!
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VIET RAM!
- Le 08/05/2021
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"Dire que les meilleurs sont morts le nez dans la boue!"
The Big Lebowsky
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, lundi 3 mai: l'aube pointait à peine quand la mère de RAM prépara son voyage et elle pleurait en remplissant son sac! Elle songeait à l'ingratitude de son fils, à sa dureté! Certes, il devait faire sa vie, mais de là à ignorer sa mère!
La vieille femme prit son bâton et quitta la ferme, sous l'œil interrogatif des animaux! Elle marcha longtemps, s'abîmant les pieds sur les pierres, mais tout de même elle était partout chez elle et toute chose la fêtait à sa manière! Enfin, le soir tombant, elle vit les murailles de la ville!
Elle s'approcha des gardes et expliqua qui elle était et qu'elle voulait voir son fils! Les gardes furent d'abord incrédules, mais, face à l'insistance de la vieille, ils envoyèrent un des leurs prévenir leur chef!
Cependant, RAM était fort occupé! Chaque jour, en effet, la ville était en ébullition! On s'y battait, s'y injuriait, s'y soulevait et RAM était comme ses sujets, à cran! "Quoi? Qu'est-ce qu'il y a? cria-t-il à son ministre. Ma mère est à la porte? Bon sang! C'est bien le moment! Dites-lui qu'elle repasse plus tard! Hein? Parce que moi, j'en ai jusque-là!
Elle paraît lasse, gémissante, suppliante? Mais, avec elle, c'est toujours pareil! Il faudrait l'écouter, se réjouir de sa présence! Comme si on n'avait qu' ça à faire! Un poison! Mon dieu, que de simagrées! Mais que croit-elle à la fin? Qu'on va donner à manger aux gens avec des fleurs et des beaux discours! On est dans une cage remplie de fauves ici!"
On retourna donc vers la mère, pour lui dire qu'elle ne pourrait rencontrer RAM, car il avait trop de travail! Elle baissa la tête et se mit de nouveau à pleurer et même les gardes en furent émus! Puis, elle s'écria: "C'est moi, sa mère, je peux l'aider! le consoler, l'apaiser! J'ai apporté des philtres pour le soulager! Je lui chanterai ses anciennes chansons, celles qui le berçaient et l'endormaient! Il se sentira de nouveau en sécurité! Il a besoin de paix, vous savez!"
Les gardes étaient d'accord, mais ils ne pouvaient pas désobéir et la vieille dut repartir dans la nuit; son châle se confondant dans les ténèbres! Mais ainsi RAM nie la beauté!
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mardi 4 mai: il existe une machine très particulière dans le fonctionnement de RAM! Chaque jour, chaque individu y est soumis! C'est pourtant une machine invisible et elle doit agir avec des ondes sur le cerveau!
Celui-ci est étiré dans tous les sens, réduit en des milliers de fragments, à l'instar de ceux d'un kaléidoscope! Et il faut chaque matin reconstituer le tout! C'est épuisant, comme si on commençait la journée, en se réveillant sur une grève, après avoir failli se noyer!
C'est qu'au fond RAM est pareil à la mer! Les peurs, les inquiétudes, mais aussi les envies, les ambitions y soulèvent des vagues incessantes, puissantes, qui heurtent la coque du cerveau! C'est un festival d'incohérences, de hargnes, de bêtises effrayantes d'égoïsme, ainsi que les lames semblent rivaliser de brutalité contre un quai!
Le repli sur soi, le sédentarisme ne sont que des tentatives maladroites, inconscientes, pour essayer de trouver un peu de paix, celle des profondeurs! Pour le penseur aguerri, qui a déjà plongé des milliers de foi, qui connaît tous les pièges de la concentration, le danger de ses mélanges, pour celui-là, il est possible de voir dans le bleu le plus dense, presque étouffant, la dorsale de RAM!
Elle est une réalité, malgré l'agitation folle de la surface! Mais, même si on la connaît et qu'on sait qu'elle donne du sens, on perd bientôt son souvenir, car la machine de RAM est tout le temps en route et elle brise toutes les certitudes! Au mieux, on est comme un horloger affectueux devant une montre cassée! Au pire, on se laisse emporter par la furie, en essayant de mordre!
Commissariat de RAM: "Patron, y a un Psycho-RAM qui voudrait vous voir!
_ Bof!
_ Y dit que c'est au sujet du virus et du patient zéro!
_ Mais faites entrer, Miniers, faites entrer!
_ Bonjour! fait le Psycho-RAM, qui entre par-dessus Miniers. Je me présente: Psycho-RAM, Alphonse Boucherat!
_ Enchanté! Enchanté! Je suis le commissaire Brocart! Un peu... d' café..."
La voix de Brocart meurt, car évidemment comment donner du café à une boule qui se déplace? "Eh! Eh! Commissaire, du surmenage sans doute!
_ Evidemment, nos journées sont longues! Vous disiez avoir quelque information au sujet de l'épidémie, du patient zéro....
_ Oui, figurez-vous qu'il m'est arrivé de drôles de choses ces derniers temps!
_ Ah?
_ Oui, j'ai d'abord secouru un va-nu-pieds, un cuistre, un nommé Jack Cariou! Il avait un coup de blues et j'ai essayé de lui apporter des solutions! Peine perdue! Le bonhomme savait tout! prenait chacun de haut! J'ai tout de suite flairé le paranoïaque, souffrant d'un complexe du père! Ces individus sont les plus sournois, les plus paresseux, la vraie lie, si vous voyez ce que je veux dire?
_ Euh! Pas tout à fait! Mais quel rapport avec ce qui nous préoccupe?
_ J'y viens, commissaire, j'y viens! Vous savez que grâce à RAM nous pouvons déchiffrer le passé, voir les images de l'enfance! Manifestement, ce Jack Cariou n'était pas d'ici... Il semblait détenir un secret!
_ Hum!
_ Ne vous impatientez pas, commissaire, car c'est ici que les choses se corsent! Quelques jours plus tard, j'ai recueilli un autre individu, un nommé Friant! Il délirait et on l'avait trouvé à demi-noyé dans les égouts!
_ Dans les égouts? Tiens!
_ Oui! Il disait qu'il n'était pas le patient zéro et que Jack Cariou mentait! Il pleurait encore la mort d'une certaine Sophie! Le pauvre homme était bien tourmenté et choqué! Mais je l'ai remis d'aplomb! Je lui ai demandé si à cinquante ans il avait droit à la retraite et il a ouvert des yeux effarés! Je lui ai montré l'abîme qui l'attendait! A partir de là, il fut aussi doux qu'un agneau! Il devrait être possible de le retrouver, car à l'heure qu'il est il doit courir après une embauche! Ah! Ah!
_ Mais voilà des renseignements fort intéressants, monsieur... Boucherat! Nous allons effectivement nous mettre à la recherche de ce Friant!
_ J'en étais sûr! J'aimerais cependant formuler une requête!
_ Je vous écoute...
_ Quand vous aurez fini avec Cariou, je voudrais l'interner!
_ Ah?
_ Oui, j'ai envie de l'entendre gémir et me supplier! Ce s'rait pour moi très doux!
_ Et parfaitement déontologique! Mais je ne peux rien vous promettre! On verra, comme disait la truie!
_ On verra... comme disait la truie? Ah! Ah! Commissaire, je sens qu'entre bons vivants on va pouvoir s'entendre! Ce n'est pas la peine de me raccompagner!"
Le Psycho-RAM s'envole et quitte la pièce... "Nous les tenons, Miniers! Allez en route!
_ Vous oubliez, patron, ces femmes assassinées! Elles sont six maintenant!
_ Très juste, Miniers! Je vous charge de l'enquête... et je m'occupe de Friant!"
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mercredi 5 mai: une voix retentit dans la rue: "Bienvenue dans notre nouveau jeu, monsieur Cariou!
_ Tu entends ça, Julie? Comment savent-ils mon nom?
_ Tu as dû passer devant une borne qui reconnaît les puces! Il y en a un peu partout!
_ Et si je refuse de jouer! je crie moi aussi.
_ Nous nous fâcherons!
_ Je vois! Alors de quoi s'agit-il?
_ C'est très simple! Comme vous le savez, les conducteurs sont toujours désireux de rendre service... et ils ralentissent pour laisser passer le piéton! Le but du jeu, c'est de ne pas les décevoir! A chaque fois qu'un "Bob" veut vous obliger, vous devez traverser!
_ Même devant ceux qui arrivent à fond?
_ A vous de juger, Cariou! N'en peinez aucun, c'est tout! Attention, top départ! Ouais, c'est bien! Premier passage réussi! Allons du nerf! Ouais, deuxième bon également!
_ J'en ai marre de courir, Julie!
_ Normal, avec toutes les cochonneries qu' tu manges!
_ Il faut que je salue aussi?
_ Mais oui, tu remercies! Tu ne vas pas faire comme certains, afficher un visage hautain!
_ Eh! Eh! Cariou, c'est le rond-point! Et des Bobs bienveillants, il en vient de tous les côtés! On tourne, ouais, c'est ça! Ah! Ah!
_ Y s' fout d' ma gueule! Bon, je vais m'enfuir, Julie!
_ Mais tu es de moins en moins ridicule!"
Je me mets à courir tout de bon, loin de la voix, mais mes jambes sont soudain molles! Je vacille et j'ai l'impression d'être englué! Je lutte pourtant, je force, mais c'est inexorable! C'est comme si on me pompait toute mon énergie!
"Il se passe quelque chose d'anormal, Julie! Je n'arrive plus à avancer!
_ Je crois savoir! RAM aurait mis au point un rayon, qui ne serait qu'un concentré de haine! Celle-ci te dévore en quelque sorte!
_ J' sens que j' vais m'écrouler!"
Effectivement, je glisse contre un mur et sombre dans l'inconscience! A mon réveil, j'ai une drôle de surprise: la tête de Friant est penchée sur la mienne! "Friant? comment se fait-il?
_ Tout doux, Cariou... Voilà un bon moment que vous délirez!"
Je regarde autour de moi et brusquement je suis sujet à la panique! "Friant, bon sang! Où sommes-nous?
_ Mais quelle question! A la station Charcot!"
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DEMANDEZ L' PROGRAMME!
- Le 01/05/2021
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"Monsieur Malaquet est demandé au bureau de monsieur Guiton!"
Le Distrait
Journal de JACK Cariou, monde de RAM, lundi 26 avril: RAM n'est pas une ville ordinaire... On croit qu'on y habite, mais il n'en est rien! On y reste étranger!
Soudain, la ville apparaît telle qu'elle est: un cristal de forme cubique et doré! une pyrite! Sa face lisse, au reflet métallique, est fermée et maintient à l'écart! Pourtant, il y a des gens de l'autre côté, à l'intérieur du cube! Ils vivent bien dans RAM, s'y sentent à l'aise et on comprend peu à peu que ce sont eux qui font RAM et qui excluent!
RAM dérive dans l'espace et elle a comme ancre son illusion! Celui qui ne rêve pas est chassé par RAM! Il regarde alors la ville souffrir et se détruire! RAM apprend, mais sur ses ruines!
Palais de RAM: les disques cérébraux de nouveau s'animent! Le président Romuald reprend la parole: "Alors, professeur Bourdon, où en est-on avec cette épidémie?
_ Hum! C'est grave, président! Des milliers de personnes sont infectées et nos hôpitaux n'ont plus de place! Nous plongeons!
_ Voyez-vous ça! Et du côté du patient zéro et du vaccin... Quelles nouvelles, monsieur le ministre Fauconier?
_ Ahem! Nous n'avons toujours pas retrouvé les deux individus! Le commissaire Brocart, chargé de l'enquête, nous a révélé un fait étrange... Un groupe des forces spéciales a été anéanti dans les égouts... On parle d'internautes mutants et anthropophages!
_ Seigneur!
_ Professeur Bourdon, voilà plusieurs fois que vous évoquez le nom de Dieu et à ce niveau, c'est une mauvais plaisanterie! surtout pour un scientifique! Je me demande s'il ne faudrait pas réviser votre statut d'immortel!
_ Excusez-moi, président... Je reste un éternel émotif! Mais je vous promets que ça ne se reproduira plus!
_ Bien, mais, somme toute, vous ne m'apportez aucun bon résultat! J'ai déjà commencé à vous expliquer pourquoi la situation est inédite, mais je vais me montrer beaucoup plus précis! RAM est en suspension dans le cosmos... Notre monde y est comme un grain de sable, éclairé par le soleil, qui un jour deviendra tout rouge, avant de claquer la porte! A ce moment-là, RAM disparaîtra et sa mémoire aussi!
_ Mais nous aurons peut-être essaimé, grâce aux voyages spatiaux!
_ Bien sûr, professeur, nous ne pouvons accepter notre fin totale! Notre esprit doit trouver une échappatoire et c'est pour cela que même aujourd'hui nous nous tenons dans une sorte d'ivresse! celle du mouvement, de la construction, de la réussite! Ainsi, nous ne voyons pas la nuit qui nous entoure, même si notre développement a l'air d'une "fuite en avant"!
_ Mais nous sommes positifs! A chaque problème, la raison trouve une solution!
_ Exact! Alors voilà le problème! Le virus agit sur nous comme un couvercle de cocotte-minute! Il freine notre élan! L'abîme, le vertige réapparaissent donc! La peur s'installe et donne lieu aux réactions les plus imprévisibles, les plus violentes!
_ Nous notons en effet une forte augmentation des troubles mentaux!
_ Ce n'est pas pour rien que je suis le chef, professeur! Evidemment, dans ces conditions, notre société est menacée! Le chaos nous frappe comme un bélier! La bizarrerie agit comme le salpêtre dans nos murs! Nous devons à tout prix retrouver notre vitesse de croisière, en relançant l'économie!
_ Je vais mettre la pression sur les enquêteurs! Les deux fugitifs ne sauraient nous échapper!
_ De notre côté, nos chercheurs travaillent d'arrache-pied, pour trouver un vaccin!
_ Bien, douce musique! Qu'on nous régénère!"
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mardi 27 avril: d'où vient-il? Personne ne le sait! Peut-être de SgrA*? Peut-être a-t-il échappé au rayon de Schwarzschild? Il viendrait alors de l'immense trou noir de notre galaxie!
En tout cas, il est de la nuit, mais de la nuit sans étoiles! Quand on le regarde, on ne voit que de l'ombre très dense, impénétrable, insondable! Il a jeté son dévolu sur RAM et il s'est habillé comme ses habitants, pour se fondre en eux!
Il porte un grand chapeau et un imper et paraît un peu rustre, mais ainsi on ne cherche pas ses yeux, qui sont absents! Il parle la tête baissée, comme quelqu'un de malade, et on ne s'en inquiète guère. D'ailleurs, on s'en méfie, car il représente une menace sourde, quoique indéfinissable!
Appelons-le monsieur Nuit, puisqu'il faut à chacun un nom! Il a un comportement étrange... Par exemple, il peut attirer à lui tous les objets! Quand il se déplace, il veut de la soumission! Il fait peur, voilà tout et on se courbe autour de lui! On reconnaît implicitement sa supériorité et il en est satisfait!
Ce qui le guide, c'est la docilité des âmes, des esprits! Il est alors unique, quasi divin! Le soir, il prend une femme, une qui angoisse, fragile et qui ne peut plus supporter sa solitude! Il lui fait un peu de baratin; il dit qu'elle est belle et même si sa voix paraît lointaine, sans chaleur, il emmène sa conquête!
Il jouit de ce corps, qu'il possède et qui le demande! Il est le maître! Il atteint le plaisir comme un roi et... le reste ne l'intéresse pas! Les petites mots doux, les promesses, les questions, il n'en veut pas! Et surtout il ne supporte pas les adieux, quand la vie de l'autre redevient une réalité!
On ne quitte pas monsieur Nuit! On n'existe pas sans lui et il tue la jeune femme, alors qu'elle est encore alanguie, sans défenses! Il lui vole son âme, qu'il absorbe dans son ombre! Au matin, il n'y a plus qu'un cadavre, que la police découvre tôt ou tard!
Et monsieur Nuit est déjà en route, soumettant les passants, terrible, vers une autre femme!
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mercredi 28 avril: c'est la première journée de travail pour Friant! Il a eu du mal à trouver un emploi, car il n'est plus tout jeune, mais il voulait être rassuré et surtout il pourra de nouveau cumuler des points pour sa retraite!
La vie a de nouveau un sens, d'autant qu'il fait beau, et Friant est exact au rendez-vous qu'on lui a fixé! Il est devant un vaste entrepôt, dont les alentours sont déserts et balayés par le vent! Une grande flèche indique la voie à suivre et Friant entre dans le bâtiment, alors que la porte se referme lourdement derrière lui!
Quel silence! Ne percevant que son pas, Friant avance entre des étagères monumentales et qui sont remplies de toutes sortes de produits! De temps en temps, il arrive à une allée transversale, qui présente le même décor et qui paraît s'étendre à l'infini! Soudain, un petit bruit attire l'attention de Friant: sur un carton, un clown miniature joue du banjo!
Amusé, Friant se penche, quand un souffle passe au-dessus de sa tête et une barre de fer vient brutalement frapper un montant! Ce fut moins une et il eût pu avoir la tête arrachée! Friant a gardé son sens marin et il plonge dans les produits, pour échapper au prochain coup! Il sort dans une autre allée et se met à courir, puis de nouveau il se cache dans l'ombre des marchandises.
Son agresseur ne tarde pas et d'où il est, Friant peut l'apercevoir. Son sang se fige, car il vient d'être attaqué par un robot! Celui-ci a une grosse tête scintillante et la barre de fer est bien entre ses pinces! Puis, il s'éloigne en glissant sur des roulettes!
"On a un peu d' temps devant nous! murmure une voix juste derrière Friant, qui se retourne. J' suis avec vous, relax! C'est vous le nouveau?" Friant opine et demande: "Mais qu'est-ce qui se passe, nom de Dieu?
_ On nourrit les algorithmes!
_ Quoi?
_ On est embauché pour ça! pour que les robots soient toujours plus performants! Ils s'occupent des livraisons et leur situation évolue sans cesse! Nous, en servant de cibles, nous enrichissons leur expérience! Nous sommes des antirouilles, si vous voulez!
_ Mais il a failli m' tuer!
_ C'est le jeu, ça ne marcherait pas, si c'était pas vrai! Mais ils sont pas très malins, vous verrez! Y a déjà un an que j' suis ici! Et puis, l'adrénaline, ça me convient! Y a des boulots bien plus chiants!
_ Bon sang!
_ Au fait, pourquoi vous êtes là?
_ Pour avoir une retraite!
_ Ben, où est le problème?"
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, jeudi 29 avril: regarde dans ton miroir, mon cœur! Que vois-tu dans l'espace digital? Ton image bien sûr! C'est ton existence qui se reflète!
L'image de RAM, qui glisse, qui s'efface et qui renaît, c'est ton voyage, ta lumière! As-tu d'autres repères, ô voyageur! Cette image qui flotte, te captive, qui frissonne, qui en devient liquide, que te dit-elle?
Que tu es le plus beau, la plus belle, n'est-ce pas? Car qui suivre à part toi? Qu'est-ce qu'il y a dans les ténèbres? Des monstres! que tu ne comprends pas, qui sont repoussants, qui écrasent et qui ne sont pas toi! de toute façon!
Tu es ta propre lumière! Adore-toi! Vénère-toi! Car toi seul comptes! Le mal n'est pas en toi! Tes intentions sont pures! Le mal, c'est pour la loi! Toi, tu es nacré! Sonde-toi, vois-tu le mal? Il y a tes proches, tes amis, tes envies, tes achats! Quoi de plus naturel?
L'Univers n'existe pas! Seul vaut ton clic! Tu vas gagner, réussir, c'est dans ton miroir! Tu n'as pas de haine! Tu ne détestes pas! Tu ne veux pas mépriser, écraser, détruire! Ces choses laides ne vivent pas en toi, n'est-ce pas? Cher cœur! Tu es pur et tes intentions sont magnifiques!
Ta langue critique, mord, empoisonne; tes yeux méprisent, envient, sont pleins de feu: oublie! Il ne s'est rien passé! Personne n'a rien vu, pas même toi! Oublie, mon ange! Ce n'est pas contre la loi! Trompe-toi, comme tu trompes les autres! Ainsi, tu restes en sécurité! Tu n'es pas un bandit! Ils sont pour la loi! La police s'en occupe!
Mon cœur, mon ange, si tu savais comme je t'aime! Moi, RAM! Moi, la société folle! Si tu savais comme je délire dans la nuit du cosmos! Comme je me mens! Je danse dans l'Univers, fille pure! Veux-tu mon secret? Mais tu le connais déjà! Tu sais comment je ris de l'immensité et de la mort?
Mon nombril est mon foyer, ma maison, ma lumière! Je ne prie pas, je ne crois pas, je suis trop fort pour cela! Je danse dans la nuit, les yeux sur moi-même! Et surtout, je ne fais pas le mal! Je ne fais pas le mal! Mes intentions sont bonnes! Je travaille! Je veux juste réussir! Tu veux mon secret: le mal n'existe pas! Pourquoi RAM se condamnerait lui-même?
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PIC ET COLEGRAM!
- Le 24/04/2021
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"Vous l'avez sentie?
_ Oui, Amiral, je l'ai sentie!"
La Ligne rouge
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, lundi 19 avril: il y a des marées d'or, qui traversent l'Univers! Elles sont mal connues et pourtant elles influencent RAM! Quand il en est baigné, il est heureux! Il est alors comme un bon vivant, qui se gratte le dos et qui chante, dans sa baignoire!
Quand elle se retire, RAM devient maussade, inquiet et ou bien il se terre, ou bien il écrase quelque petite créature! En somme, RAM ne sait même pas quand il est fatigué ou non!
A quoi comparerais-je RAM? A un enfant perdu dans la nuit!
On dit que RAM est un assassin! C'est vrai, RAM peut tuer, quand il ne sait pas! Car ce qui fait RAM, c'est exclusivement RAM!
S'il reconnaît son ignorance, alors il n'est plus RAM! Ce qui ne se peut! RAM détruit donc tous ceux qui le mettent en défaut! Ainsi, RAM évolue peu, de loin en loin, et encore parce qu'il ne peut pas faire autrement!
Qu'est-ce qui donne à RAM le sentiment de vivre, sinon sa supériorité, ce qui nécessite d'écraser, d'effrayer? A quoi comparerais-je RAM? A un homme qui s'attend au coin de la rue, avec un couteau!
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mardi 20 avril: "Voulez-vous vous joindre à nous pour la prière? me dit l'homme souriant qui m'a accueilli.
_ Non.
_ Ah? Seriez-vous incroyant?
_ Non, non, mais ma vie est déjà une prière! Qui vous priez, avec vos génuflexions?
_ Mais le Très-Saint, le Créateur de toute chose!
_ Eh bien, il vous a créé, non? Il connaît le secret de votre cœur, alors pourquoi ne lui parlez-vous pas simplement? A force d'être mis sur un piédestal, il va trouver ça louche!"
A cet instant, un énorme individu s'approche: "Un problème, père Léon? demande-t-il à mon interlocuteur.
_ Je vous préviens, je fais, que la haine ou la colère sont incompatibles avec la foi! En effet, la foi, c'est la confiance... et la haine, la peur! Les deux sont donc contraires, voyez!
_ Mais c'est que vous allez nous faire la leçon! répond l'homme souriant, en montrant ses belles dents, comme un crocodile enthousiaste! Vous devez cependant respect et même adoration au Très-haut!
_ J' crois pas qu'on va pouvoir s'entendre, car si Dieu a fait les hommes pour en être adoré, y vaut pas mieux qu'une star de RAM!
_ Et pourquoi nous serions là alors?
_ Mais pour avoir la chance de vivre... et d'être libres! d'où notre conscience et notre capacité d'analyse! Mais par manque de simplicité et aussi pour commander, les hommes ont inventé le sacré! Sacrée maladie, ouais!"
Je veux sourire, pour montrer que je les aime quand même, mais je n'en ai pas le temps! Une main comme un étau me saisit le col, quand une autre me soulève en serrant ma ceinture. Je gigote et ma voix devient frêle, puis la porte capitonnée est ouverte par le gars souriant et hop, je suis jeté dans la rue!
Ouch! "Le Seigneur me rendra justice! je crie devant la porte déjà close. Y aura des grincements de dents le jour du jugement!
_ Chut! fait Julie. Tu crois pas qu'on a assez d'ennuis comme ça!
_ Sans doute, mais leur foi est dangereuse, parce que dominatrice! Eh! Mais c'est Friant là bas! Eh! Friant!"
Je cours vers le seul homme que je connaisse ici, mais son accueil est froid! "Bon sang, Friant, que je suis content de vous voir! Je vous croyais mort!
_ Ah! C'est vous... Excusez-moi, mais il faut que je fasse mes courses!"
On entre dans le magasin, où les paniers sont en suspension à côté des clients! "Mais vous vous en êtes sorti, Friant, c'est merveilleux!
_ Oui, oui, j'ai été recueilli... et soigné!
_ Parfait! Et vous avez cherché un sens à notre présence ici?
_ Excusez-moi, mais tout ça, c'est loin à présent... J'ai pris conscience de certaines choses... et je n'ai plus le temps...
_ Qu'est-ce que vous voulez dire?
_ Figurez-vous que je n'ai pas de retraite! On m'a ouvert les yeux: je suis devant un abîme!
_ Evidemment, il y a toujours la peur du lendemain! Mais la vie, Friant, c'est bien maintenant! Lui donner un sens, une richesse, c'est à faire aujourd'hui! Si vous n'êtes pas heureux du jour, à quoi vous servira la sécurité plus tard?
_ Oui, tout ça, c'est bien gentil, mais, pendant que nous parlons, je perds des points!
_ Bon sang, Friant, qui a pu vous changer autant, vous, l'ancien marin?
_ J'ai été soigné par un Psycho-RAM, figurez-vous! Et je lui vouerai une reconnaissance éternelle!
_ Un Psycho-RAM? Mince alors... et il vous a fait peur?
_ Non, au contraire, il m'a fait affronter la réalité! Le temps passe... et je n'ai pas de points! Comment je vais faire?
_ Mais calmer sa peur, grâce à sa foi, c'est autrement plus réel et costaud, et même plus profitable, que de rentrer la tête, comme ses ailes! Vous ne pensez tout de même pas que les gens qui atteignent leur retraite soient enfin heureux! Pour la plupart, le bilan est calamiteux! Les regrets sont là! La paix, qu'on aurait pu conquérir, elle, est absente!
_ Oui, oui, ce sont encore discours d'extrémistes! Alors qu'il me faut des points, des points, vous comprenez? Je suis pour l'instant bon dernier... et on va pas m' louper!
_ La paix n'a pas de prix, Friant, et elle n'est pas une affaire d'argent!
_ Oui, oui, la paix, c'est bien, mais les points, c'est plus sûr! Excusez-moi!"
Friant veut s'en aller, mais soudain je lui rappelle quelque chose d'essentiel: "Vous avez sans doute oublié que vous êtes le patient zéro!
_ Non, vous ne m'aurez plus là-d'ssus, Cariou! Le Psycho-RAM m'a bien mis en garde contre mes sentiments de culpabilité! Je ne suis pas le patient zéro, je ne ressens rien... et je suis même totalement étranger à cette épidémie!
_ Vous rigolez?
_ Non... et d'ailleurs si vous m'importunez davantage, je vous dénonce à la police! Car vous, vous devez vous faire du souci: vous n'êtes certainement pas en odeur de sainteté dans RAM! Et qui croira-t-on: un singe excité et perturbateur, ou quelqu'un qui n'a à présent qu'un rêve, celui d'être en règle avec tous et toutes!
_ Je vous laisse Friant... et je vous souhaite bonne chance!
_ Et moi, je souhaite ne plus vous revoir!"
La différence, quand elle est radicale, nous isole et nous en éprouvons de la peur! Je regarde partir Friant et j'essaie de passer outre mon chagrin...
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, jeudi 22 avril: RAM est marié, le saviez-vous? Sa femme, si tant est qu'on peut dire que RAM est masculin, s'appelle Stress! C'est même elle qui porte la culotte!
Stress est partout dès le matin! Elle secoue les gens dans leur lit: "Réveillez-vous! Réveillez-vous! crie-t-elle. Ah! Ah! Je vais vous angoisser moi, si vous paressez! J'aime bien vos membres froids et douloureux! Et vos maux de têtes! Et vos sourcils froncés! Et vos idées ténébreuses, macabres, empoisonnées!
Debout, bande de lavettes! Vous n'avez pas dormi vos sept heures, à cause de moi? Mais, mes chéris, c'est extrêmement grave! Vot' santé va en prendre un coup! Ouh! ça vous flippe de nouveau! En avant marche! Toilettes, petit déj': mange ceci, mange pas ça! Je surveille tout! Je ne vous quitte pas de l'œil!
Vous savez ce que j'aime le plus, c'est la bagnole! C'est faire vroum, vroum! J'adore klaxonner! Eh! pauvre con va! Ah! Ah! je m'amuse comme une folle! J' fais peur à celle-ci et hop dans le mur! Pim! Pom! Pim! Pom! Ah! Ah! c'est gratuit et j' rayonne! Du sang! et on court, on court!
Des fois, j'arrête des vies! J' fais mal, j' tue! Bang, plus personne! Un cycliste, une feuille morte! Eh! Eh! Le chauffard s'enfuit! C'est que j' suis avec lui! On repart à fond de train! On sue! Une nouvelle vie commence, pleine de cauchemars! Un nouveau disciple, un nouvel amant!
Allez le trafic! J'abrutis à mort! Et pas seulement les humains, les animaux aussi! Les chiens? J ' leur dit subitement: "Attaque! " et ces cons-là attaquent! Ils dévorent tout! Autre chien, bébé, petite fille, pauvre gars, femme enceinte! La fête!
RAM est mon aimé! J' le rends dingue! J' le ruine! J 'le bousille! J' le mets à genoux! Mais c'est d'sa faute! Il est mou, faible, lâche! Y veut pas voir, ni entendre! Tout c' qui veut, c'est rouler des mécaniques! Faut l' voir dans l' soleil! Qui c'est le plus beau? C'est RAM! le plus fort, le plus riche, le plus puissant? RAM! RAM! et encore RAM! J'suis fier de lui! Plus il est dur et plus il me donne du plaisir!
Nous formons le couple parfait, battant, gagnant! J' suis la locomotive! J' le hisse au sommet, l' p'tit RAM! Des fois, pourtant, il en peut plus! Y s' plaint de son dos, de son estomac, de tous un tas de maux! Y dit que j' le mine, que j' l'épuise! Y sait pas c' qui veut! Pour le pire et le meilleur, c'est dit!
C'est ma personnalité! S'il voulait une bien sage, y s'rait encore dans sa campagne, en train de ramasser une par une ses pommes de terre! Y s'rait encore un minable! avec sa chaumière, sans électricité, sans eau chaude, pouah!
Avec moi, y a la ville scintillante! la gloire, l'éclat! Allez, sue, mon RAM! La réussite est à ce prix! Moi, le vert, ça me dégoûte! Oh! bon sang, qu'est-ce que c'est triste! Et les gosses! j'aime bien les gosses! J' suis près d'eux et je leur raconte des histoires horribles! J' leur dit: "T'es seul... y a pas d'avenir! Regarde tes parents: y sont paumés! Y sont même responsables de ta peine! Des boomers!
Et non seulement t'es seul, mais autour on t'aime pas! Y a que toi! Et si tu te suicidais? avec d'autres, pour leur montrer! Tu veux de la cam! Pas de problèmes! Tu préfères boire, Allez glou, igloo hi! hi! Sauvage, je t'aime sauvage, brutal, violent! Fais peur à ton père! Tire-lui les pieds! N'attends pas qu'il soit mort! Prends son fric!
Ah! Ah! La vie est drôle! C'est moi la reine! RAM m'a dans la peau! Pour se séparer de moi, y faudrait qu'il change... et ça plutôt crever, hein! Alors qu'est-ce qu'on mange aujourd'hui? Quelles injures? Quel scandale, quel meurtre? Combien de morts?
Et voilà la nuit et... les insomnies! Non, décidément j' suis gâtée! Bon anniversaire, Stress!"