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  • L'Enfant et la lumière (XIII, XIV, XV,XVI)

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                                                      XIII

                                           Le dieu des Pierres

     

        Fée Lumière dora un nuage et l'enfant hébété le contempla, jusqu'à s'apaiser... "Et si le travail était le dieu des Pierres? se demanda-t-il. Il semble régner en maître... Il est nécessaire pour vivre... Il enchaîne les Pierres, mais aussi leur permet de se développer..." Il en était là de ses réflexions quand il croisa un mendiant.

        C'était une jeune Pierre, entourée de ses chiens, qui faisait la manche dans la rue..., mais l'enfant l'ignora. "Bonjour! dit la Pierre, comme si on lui avait manqué d'égards!

        _ B'jour! répondit négligemment l'enfant, qui voulait continuer son chemin.

        _ Je vous souhaite une bonne journée! rajouta la Pierre, avec un ton lourd de reproche!

        _ Mais à toi aussi! répliqua piqué l'enfant.

        _ Et une bonne santé!"

        L'enfant pensa encore répondre, car il était évident que la Pierre voulait avoir le dernier mot, afin de le culpabiliser, mais, même s'il sentait une certaine colère l'envahir, l'enfant resta muet et partit. Il avait senti que la haine, entre lui et le mendiant, ne demandait qu'à s'exacerber, ce qui était inutile. Puis, soudain, une vérité lui apparut! "Si cette Pierre, qui ne travaille pas, se dit-il, est si fière d'elle-même, c'est que le dieu des Pierres n'est pas le travail! C'est autre chose!"

        "Hem! Hum! Est-ce que je pourrais intervenir?

        _ Hein? Qui c'est qui parle?

        _ C'est moi, le Psoque! Je suis dans ton oreille... et comme tu parles tout haut...

        _ A la bonne heure! Je ne t'ai donc pas tué!

        _ Eh bien, non! Au moment où tu as brutalement refermé le livre, un souffle m'a fait sauter sur toi! Sinon je faisais le tréma d'un i!

        _ Rassure-moi, tu n'es pas comme le pou des cheveux!

        _ Il ne faudrait pas mélanger les torchons et les serviettes! Je suis un érudit, moi!

        _ Bon, bon, et tu voulais me dire quelque chose...?

        _ Oui, mais il va falloir que tu t'accroches un peu...

        _ Tu sais, je peux paraître innocent, comme ça..., mais je suis capable de me concentrer!

        _ Très bien! Alors, si tu regardes plusieurs Psoques sur une table, tu ne vois pas de différences entre eux, même avec une loupe s'entend!

        _ D'accord...

        _ Hypothèse! Attention! Plus un organisme apparaît tard dans l'évolution et plus il est complexe! Et plus il est complexe et plus il est différencié ou individualisé!

        _ Ton hypothèse me semble juste, mais où veux-tu en venir?

        _ A ceci! C'est que l'individualisation mène forcément à la domination! Car c'est l'individu qui s'impose qui survit! Celui qui défend son territoire peut se nourrir et se reproduire!

        _ Le Psoque, tu es génial!

        _ N'exagérons rien!"

        En un éclair, l'enfant avait repensé aux discours du merle et de la pie! Chaque Pierre veut a priori se développer et dominer, comme les animaux! Mais le territoire, chez la Pierre, c'est aussi sa pensée! C'est donc une domination psychique qui anime les Pierres! Mais cela veut aussi dire que c'est d'abord leur égoïsme qu'elles veulent satisfaire!

        La conclusion était évidente: le dieu des Pierres, c'est elles-mêmes!

        L'enfant commença à siffloter, heureux d'avoir fait un grand pas, mais ce fut à cet instant qu'il reçut un violent coup sur la tête, qui le fit plonger dans une nuit totale!

     

                                                                                                             XIV

                                                                                                         La Dom

     

        "Tu te réveilles enfin!" L'enfant ouvrit effectivement un œil et il avait un fort mal au crâne! Il était assis devant une table de banquet, en face d'une Pierre massive, qui mangeait calmement. "Je m'appelle La Dom, reprit-elle. Sers-toi si tu as faim!

        _ La Dom comme domination! C'est toi qui commandes les Pierres!

        _ C'est exact! Mes gardes t'ont conduit ici, car j'ai des eu des plaintes te concernant!"

        L'enfant regarda autour de lui et vit que l'immense salle était dépourvue de fenêtres, ce qui indiquait qu'on devait être sous terre! "En particulier, le duc de l'Emploi était très remonté contre toi! Que peux-tu lui reprocher? Il faut bien vivre et travailler pour cela!

        _ Au nom de l'Emploi, nous détruisons la planète! A quoi bon nous développer, si c'est pour provoquer notre perte? Et tout ça, c'est à cause de toi!

        _ Tiens, explique-moi-ça! fit La Dom en s'adossant sur son siège.

        _ En voulant dominer, nous sommes pareils aux animaux!

        _ Quoi de plus naturel! Nous sommes nous-mêmes à l'origine des animaux!

        _ Mais nous ne pouvons vivre comme eux!

        _ Non?

        _ Non, la pensée nous donne la connaissance, mais celle-ci nous effraie aussi! Par exemple, nous savons que nous allons mourir ou combien notre place est infime dans l'espace!

        _ Et alors?

        _ Alors, quand nous avons peur, nous cherchons à dominer davantage, ce qui nous tranquillise... Voilà pourquoi nous ne cessons d'exploiter la nature! Notre angoisse fait que nous dévorons le monde! A mesure que notre savoir s'étend, notre domination devient frénétique, ce qui à terme nous condamne!

        _ Mais nous sommes de plus en plus nombreux!

        _ Etre les maîtres nous protège de la réalité! C'est pourquoi nous détruisons tout ce qui n'est pas nous!

        _ Et d'après toi, quelle serait la solution? demanda La Dom, qui maintenant se curait les dents!

        _ Il faudrait... euh...

        _ Je t'écoute...

        _ Il faudrait lutter... contre la domination..."

        Un grand silence se fit... Puis, La Dom soupira... "Je vais te montrer quelque chose", dit-il. Il appuya sur une télécommande et un grand écran descendit du plafond, avant de s'allumer. A l'image, on voyait des Pierres, le nez sur leur smartphone...

        "Ces jeunes ne regardent ni les nuages, ni le soleil! reprit La Dom. A chaque seconde compte le sentiment de leur importance, à travers leurs proches, les réseaux sociaux, leurs applis... C'est comme si j'étais leur maman! Mon pouvoir est illimité et tu voudrais que j'abandonne tout ça, au nom d'une catastrophe qui n'est même pas là! Tu n'es pas sérieux!

        _ La domination est pour nous une maladie!

        _ Tu peux rentrer chez toi... Mes gardes vont te raccompagner... Je voulais te connaître, car, vois-tu, il n'y a qu'une seule manière de changer les individus, c'est par la force, par plus de domination! Et ce n'est pas ce qui t'intéresse, n'est-ce pas? Tu n'es donc pas un danger pour moi!"

        L'enfant se leva et se dirigea vers la sortie, mais il entendit encore crier derrière lui: "On va te rire au nez!"

     

                                                                                                               XV

                                                                                                         La révolte

     

        Les choses se précisaient pour l'enfant: devant l'inconnu de leur situation, les Pierres se raccrochaient à leur domination animale et devenaient des super prédatrices, créant ainsi un royaume destructeur, qui à terme les condamnait elles et leur planète! La domination psychique excluait le royaume de la beauté et ne voyait la nature que sous des critères d'exploitation!

        Evidemment, les Pierres elles-mêmes sentaient toutes les difficultés, tout le péril de leur conduite et elles en éprouvaient un grand mal-être! Des crises surgissaient régulièrement et on cherchait vainement des solutions! Vainement, car c'était un monde clos, fermé par sa domination, qui s'interrogeait sur lui-même!

        Ainsi, les Pierres étaient-elles face à des problèmes inextricables! Par exemple, un économiste disait: "Il faut une économie forte! Pour cela, il faut une consommation forte!

        _ Cela fait toujours plus de déchets et de pollution! lui répondait-on.

        _ Euh... Alors, il faut consommer mieux!"

        De même, certaines clamaient: "Il y a urgence à diminuer les gaz à effet de serre et à mettre en place des énergies renouvelables!" Mais les éoliennes détruisaient le paysage et les hausses des tarifs imposaient un retour au nucléaire, qui conservait tout sa nocivité! On tournait en rond, on colmatait ici, pour une fuite là-bas, et l'avenir apparaissait de plus en plus sombre!

        De jeunes Pierres, cependant, se révoltaient, chiffres à l'appui, et c'est l'une d'entre elles que rencontra l'enfant! Elle était en colère: "Ils ne comprennent rien! disait-elle tout haut. Le bateau coule et l'orchestre continue à jouer!" Ces paroles éveillèrent l'attention de l'enfant, car elles faisaient écho à ses propres préoccupations. Il aborda la jeune Pierre: "Je suppose que tu es en colère contre le gouvernement, parce que son action est insuffisante contre le réchauffement climatique! dit-il.

        _ Et comment! répondit la jeune Pierre, qui était du sexe féminin. Il y a des mesures à prendre, sinon on court à la catastrophe! Mais nos dirigeants se contentent de s'écouter parler!

        _ Il faut certes des décisions politiques, mais ta déception vient de ce que tu ignores comment nous fonctionnons!

        _ Qu'est-ce que tu veux dire?"

        Alors l'enfant raconta à la jeune Pierre la domination et lui demanda: "Comment espérer un changement, quand notre raison de vivre est de nous sentir supérieurs aux autres, ce qui implique de posséder toujours plus! Diminuer la pollution pour nous est une source d'angoisse!

        _ Mais qu'est-ce que tu préconises?

        _ Il faut accueillir le royaume de la beauté, lui faire toute sa place et d'abord le reconnaître! Ainsi nous respecterons pleinement la nature! Mais c'est aussi comprendre que la beauté est un don, un don d'amour! Ce n'est qu'en aimant les autres que nous laissons le royaume de la beauté nous pénétrer et envahir peu à peu le royaume de la domination!

        _ Mais... mais... tu parles d'un changement radical des individus, alors que la maison brûle!

        _ Tu as constaté toi-même l'échec de la politique! Il n'y a pas d'autres antidotes à la domination que l'amour! C'est le but de la pensée!"

     

                                                                                                              XVI

                                                                                                          L'exemple

     

        La jeune Pierre était intriguée et elle demanda: "Comment pourrais-je commencer?

        _ C'est très simple! Tu vois la boulangerie là-bas? Tu t'installes dans la queue et tu regardes tout ce qu'il y a autour, comme si c'était pour la première fois! Tu essaies de remarquer dans les gâteaux un détail que tu ne connaissais pas, par exemple un nom qui te surprend! Tu examines le décor, ainsi que tu serais un visiteur de l'espace! Tu considères la vendeuse, sa mise; tu t'intéresses à ce qu'elle est, tu imagines sa vie, tu notes si elle est fatiguée ou pas! Pour toi, le temps s'arrête! Tu es l'idiot! celui qui ne comprend rien! Surtout, si tu sens l'impatience te gagner, redouble de calme, respire et réjouis-toi de te concentrer encore plus sur le monde!

        _ Eh ben, j'y vais alors?

        _ Comment t'es encore là? Et après tu me racontes!"

        La jeune Pierre fit comme on le lui avait dit, puis elle revint vers l'enfant, qui ne l'avait pas quitté des yeux... "Alors? questionna celui-ci.

        _ Je me suis efforcé de vider mon esprit et de n'être plus qu'un simple observateur!

        _ Bien!

        _ J'ai vu que certains gâteaux étaient vraiment appétissants, que le plafond se disjoint par endroits et que la boulangère était triste, malgré sa politesse!

        _ Parfait!

        _ Ce qui m'a dérangé, c'est que subitement je me suis sentie pressée par une personne derrière moi! Elle n'a pas cessé de peser par la tension qu'elle dégageait..., alors que nul ne mettait de la mauvaise volonté et que c'était à chacun son tour! J'ai été crispée jusqu'à ce que je sorte!

        _ Voilà ce que j'attendais! Par ton calme, tu as provoqué la domination psychique! Tu as semblée indifférente à son pouvoir, ce qui l'a inquiétée, heurtée! Elle veut de la soumission, que le monde marche à son rythme et toi, tu contemples, tu aimes! La royaume de la beauté  naît en toi et s'oppose au royaume de la domination!

        _ Mais... mais regarde mes mains!

        _ Ta carapace de pierre s'effrite et tombe en poudre! J'appelle Pierre tous ceux qui n'ont que leur domination psychique pour raison de vivre, car en même temps ils se ferment, ils résistent au voyage de la lumière, à sa poussée, qui nous vient du royaume de la beauté! Plus tu donneras de la réalité à l'autre et à la différence qui t'entoure et plus tu te détacheras de ta domination, de ton égoïsme! Tu sera bientôt un enfant, dans lequel la lumière aimera se répandre, afin de faire ta joie!"

  • L'Enfant et la lumière (IX,X,XI,XII)

    L enfant 9

     

     

     

     

                                                       IX

                                          Les grains de lumière

     

        L'enfant était de nouveau assis à sa petite table de bois blanc et il regardait des problèmes de mathématique. Cela ne lui parlait pas, mais il sentit une caresse sur sa joue: c'était un rayon de soleil, qui venait de le chauffer! Il se tourna vers lui et aperçut des grains illuminés, qui dansaient! De la poussière passait dans le rayon et il s'amusa à la troubler, mais les grains ne se laissèrent pas faire et entourèrent sa main! Celle-ci se mit à luire et l'enfant fut fasciné!

        Puis, comme s'il y était invité, il avança tout son bras dans le rayon, sa main continuant à jouer avec les grains de lumière! Ceux-ci s'élevaient et l'enfant aussi, dont tout le corps était maintenant enrobé de chaleur! Il remontait le rayon, mené par le ballet des diamants et ainsi il ne s'aperçut pas qu'il avait franchi la fenêtre!

        Le rayon l'emportait, le soutenait et la ville peu à peu s'étendit sous ses yeux... Partout, il y avait des chantiers et... du bruit! Cela perçait, fumait, rageait, sciait, vomissait, crevait, battait! Des grues se dressait pour construire toujours plus haut et... plus loin! La ville marchait sur la mer, la campagne et ne semblait avoir aucune limite!

        L'enfant avait l'impression d'être au-dessus d'une gigantesque termitière et il en frissonna, mais déjà il atteignait les nuages! Des titans de coton cinglaient tous dans la même direction! Il y avait là des géants débonnaires, à la tête d'un blanc resplendissant et aux joues légèrement rosées! Ils avaient l'air de gros choux-fleurs en balade!

         Mais les créatures les plus fantastiques, les monstres les plus incroyables, qui dépassaient de loin en étrangeté les animaux préhistoriques, les accompagnaient! Ils étaient parfois sombres et fuligineux et glissaient le long de scènes curieuses, charmantes, attachantes! Une vieille dame se recueillait sur un jeu, un bébé refusait de suivre le mouvement, un cheval ruait dans l'éther bleu!

        L'enfant prit place entre des poufs moelleux et se laissa porter. On survola des champs qui étalaient leur vert vif tel un damier, puis les grains de lumière plongèrent vers une vallée et l'enfant les suivit, sans peur, car le vent lui murmurait qu'il était son ami! On survola un fleuve, au ras de l'eau, comme certains oiseaux majestueux à côté! Au-dessous, la surface se ridait, sous l'effet de quelque risée, et on eût dit une fine cotte de maille, pareille à de la soie!

        Plus loin de la vase étincelait, comme si elle avait été en or, et on se dirigea vers une falaise boisée! La lumière montra deux pierres blanches et moussues, qui signalaient l'entrée d'un escalier. L'enfant le prit et il marcha sur des feuilles dorées ou amarantes, que l'humidité faisait luire, dans des odeurs d'humus!

        Plus, il y eut des buissons de houx, tels des candélabres jaillissants; des branches de sapins, ainsi que des vagues de perles; des fougères qui brillaient comme de la braise! On passa une salle silencieuse, au profond tapis rouge, parmi des troncs aussi droits que des piliers et sur lesquels coulait de la résine, qui rappelait la cire des bougies! Des doigts de lumière tombaient là en chauffant à blanc des gargouilles griffues!

        Le feuillage montrait ses cristaux nervurés; le talus ses toiles d'araignées tels de petits hamacs bleus; des arbres lisses et noueux prenaient des poses de messieurs satisfaits ou au contraire ouvraient leurs branches, pour crier à la catastrophe!

        Le paysage s'égaya cependant... et on écarta des voiles doux de pollen! Les fleurs! Elles étaient là par milliers! de toutes les couleurs! de toutes les formes, de toutes les tailles! L'enfant voulut les caresser, car elles avaient l'air de jeunes coquettes ou de vieilles vaniteuses et le vent les agitant doucement, elles semblaient rire et apprécier!

        C'étaient des fleurs fraîches, qui ne détestaient pas l'ombrage et une chute d'eau bientôt apparut. Elle était là! Ses yeux étaient argentés et ses cheveux d'un bleu étincelant! Sa robe avait le vert profond de la mousse et son visage souriait! Puis, elle ouvrit les bras, pour accueillir l'enfant et toujours accompagné par les grains de lumière, il s'élança vers elle et sur son cœur, il pleura!

     

                                                                                                             X

                                                                                                 La reine Beauté

       

        "J'ai plaisir à te voir, dit la reine Beauté, car je sais combien tu m'aimes! Depuis longtemps, je fais tes délices, n'est-ce pas? Je te regarde souvent t'émerveiller, car tu me rends heureuse!

        _ Oh! Ma reine! fit l'enfant qui pleura de nouveau.

        _ Mon pauvre enfant, continua la reine, les Pierres te font bien des misères! Mais il en est ainsi, parce que tu es un enfant lumière, partagé entre les deux royaumes! Est-ce que tu commences à comprendre cette situation?

        _ Un peu...

        _ Il y a deux royaumes... Le mien, celui de la beauté et celui des Pierres! Les Pierres ne voient pas mon royaume et pourtant elles l'utilisent, l'exploitent, pour se nourrir, se vêtir, trouver de l'énergie et toutes les choses dont elles ont besoin! Toi, tu es chez toi ici, mais tu appartiens en même temps au monde des Pierres! Cela veut dire que tu as une mission!

        _ Une mission?

        _ Oui, tu dois montrer, faire connaître mon royaume aux Pierres!

        _ Mais..."

        A ce moment, on annonça à la reine qu'une délégation voulait être reçue! La reine opina, en plaçant l'enfant à côté d'elle et bientôt des animaux, à l'air fatigué, se présentèrent... Des chevreuils, des sangliers, des lièvres, un couple de renards, avec des mulots tout à côté; toutes sortes d'oiseaux, ceux des buissons et des champs; tout le petit monde de la campagne s'offrait à la vue!

        Un blaireau prit la parole: "Reine Beauté, nous n'en pouvons plus! Les Pierres nous harcèlent! Non seulement elles nous tuent pour leur plaisir, mais encore leurs villes ne cessent de s'étendre et de détruire nos maisons! La dernière fois que j'ai émergé de mon terrier, c'était sous un bulldozer!

        _ Moi, je me suis retrouvé à chanter le printemps sur un parking! cria une alouette.

        _ Mon mari est décédé contre un pare-brise! rajouta une piéride du chou.

        _ Trop de morts! affirma un pigeon.

        _ Mes amis, dit la reine, je partage vos peines et je comprends bien vos problèmes! Je suis moi-même, en cet instant, en train de chercher des solutions... et c'est pourquoi je vous invite à rejoindre mes jardins, où vous pourrez vous reposer!"

        Les animaux s'inclinèrent et s'en allèrent. "Les Pierres sont folles! reprit la reine. Elles ne prennent pas conscience qu'elles se condamnent elles-mêmes, en méprisant mon royaume! Je ne réponds pas par de la haine, puisque j'en suis totalement dépourvu, mais la nature est gouvernée par des lois et si on ne les respecte pas, des catastrophes se produisent et des maladies surviennent! Bien des maux vont prochainement accabler les Pierres qui n'auront plus que leurs yeux pour pleurer!

        _ J'ai déjà essayé de les prévenir, enchaîna l'enfant. Je leur ai dit qu'on ne pouvait pas massacrer votre royaume impunément! que la beauté a un sens et qu'elle est même nécessaire aux Pierres!

        _ Et qu'ont-elles répondu?

        _ Elles se sont moquées de moi! Qui étais-je pour parler de ces choses, moi qui ne suis qu'un enfant? Ne faut-il pas travailler, pour me nourrir, me payer l'école? Je verrai plus tard, quand moi aussi, je devrai travailler!

        _ Bien sûr, les Pierres travaillent... Elles ne font que ça! C'est là leur sérieux! Mais c'est aussi un paravent, un mensonge, une illusion même, que tu ne dois pas hésiter à combattre et à chasser! Sinon mon royaume demeurera hors de la réalité!

        _ O ma reine, comment pourrais-je lutter contre des grandes personnes? 

        _ Tu n'es pas seulement une Pierre... Ta différence te donne un regard particulier et doit te conduire à un savoir! Les Pierres ignorent qui est leur maître et comment elles fonctionnent! Si tu pouvais le leur dire, alors elles t'écouteraient, ne serait-ce que parce que tu leur parlerais d'elles!

        _ Mais n'est-ce pas Stress qui les commande?

        _ Certes, Stress est bien dure avec les Pierres, mais elle n'est au fond qu'une servante! Il y a quelqu'un de puissant derrière Stress!

        _ Je me sens bien petit, pour découvrir qui c'est!

        _ Fée Lumière t'aidera dans ta recherche et moi-même, comme tu le sais, je ne suis jamais loin! Mes nuages continuent de passer sur les plus sombres villes!"

        L'enfant se retourna et vit que les grains de lumière s'étaient transformés en une jeune fille rayonnante, avec des yeux couleur de saphir! "J'essaierai de faire au mieux! dit encore l'enfant.

        _ J'en suis sûre! répondit la reine, qui embrassa une nouvelle fois l'enfant."

        Puis, celui-ci rentra chez lui, de la même manière qu'il était venu, en suivant fée Lumière!

     

                                                                                                              XI

                                                                                                       Le psoque

     

        L'enfant allait par les rues et il ne quittait pas des yeux le ciel! Il évitait ainsi les Pierres et il souriait à fée Lumière, qui resplendissait dans les flaques! Elle transformait encore les arbres en mobiles d'or et enchantait l'enfant, mais il avait une mission et il entra dans la bibliothèque, où était réuni tout le savoir des Pierres! C'était bien là qu'on devait trouver qui les commandait!

        En tout cas, les Pierres y étaient sages et l'enfant s'empara d'une encyclopédie, qu'il ouvrit avec peine sur une table, tant elle était lourde! Bientôt, le foisonnement des connaissances lui donna le vertige et il laissa sa tête tomber sur une page! "Qu'est-ce que tu cherches au juste?" fit une voix.

        L'enfant regarda autour de lui, mais il n'y avait personne et il se demanda s'il ne devenait pas fou! Puis, de nouveau il se pencha et vit un minuscule insecte au-dessus d'un titre! "C'est ça! On y est! reprit la voix, et je te répète ma question: "Qu'est-ce que tu cherches?", car j'ai lu tous les livres ici!

        _ Ce n'est pas possible! s'écria l'enfant.

        _ Oh! Oh! Doucement! Ton souffle a failli m'emporter et on doit chuchoter dans une bibliothèque!

        _ Ah! Excuse-moi! Mais tu es un Pou des livres, c'est ça?

        _ Hum! Je suis encore un Psoque! Mais c'est vrai qu'on ne nous aime guère et qu'on nous écrase, dès qu'on nous voit trottiner! Pourtant, j'ai parcouru des milliers de paragraphes et je suis peut-être en mesure de t'aider!

        _ Eh bien, voilà... Je me demande qui est le maître des Pierres ou ce qui les pousse à agir!

        _ Eh! Eh! C'est une belle question..., à laquelle beaucoup de livres essaient de répondre! Mais, voyons, voyons... Oh! j'y suis! La science est là-dessus catégorique!

        _ J' t'écoute!

        _ Les Pierres vivent d'abord pour se nourrir et se reproduire, comme les animaux!

        _ Hum! Donc, quand elles ont le ventre plein, elles pensent à se reproduire?

        _ Euh! Peut-être pas tout de suite!

        _ Il me semble que ta réponse laisse de jolis trous, dans leur emploi du temps!

        _ En effet... Pom... Pom... Le fric! Le flouze! Le pèze!

        _ Hein?

        _ L'argent, quoi! N'est-ce pas lui le maître des Pierres? Ne sont-elles pas prêtes à tuer pour lui? Ils en sont esclaves, non?

        _ Mais l'argent permet d'acheter des choses... C'est un moyen, qui n'explique pas pourquoi on veut acheter ces choses! Qu'est-ce qui motive les pierres, quand elles dépensent?

        _ La nécessité!

        _ Hum! Si on allait dans les magasins, juste par nécessité, il n'y en aurait qu'un ou deux dans chaque ville! Et on serait tous pareils!

        _ Bon, ben, je sèche!

        _ Eh ben, moi aussi! Houps!"

        L'enfant venait de refermer brusquement l'encyclopédie et il se demanda ce qu'il était advenu du Psoque! "Tu es toujours là? fit-il. Excuse-moi, j'ai pas réfléchi!" Mais personne ne répondit et l'enfant quitta la bibliothèque, la conscience peu tranquille!

     

                                                                                                            XII

                                                                                                         Le duc

     

        Dehors, le ciel était très agité! Un vent fort et des pluies froides tourmentaient les Pierres! Cette situation convenait parfaitement à Stress, qui s'amusait beaucoup! Elle disait à l'artisan: "Comment tu ne fais rien et tu n'as pas peur? Mais oui, j'aime mieux ça! On se presse pour plaire à Stress!" Le résultat était épouvantable! Des véhicules bloquaient les trottoirs, des bruits stridents effrayaient, des jets pleuvaient et l'artisan harcelé avait des regards de haine, surtout à l'égard de ceux qui paraissaient être tranquilles! La division était palpable, mais Stress riait!

        L'enfant essayait d'éviter le chaos, mais soudain il fut percuté violemment! C'était un jeune arbre, probablement un frêne, qui était terrorisé! "Je vous en prie! dit-il à l'enfant. Aidez-moi! Ils arrivent et ils veulent ma mort!" L'enfant ne comprenait pas bien ce qui se passait, mais, instinctivement, il poussa l'arbre dans une entrée de porte, pour le cacher!

        Des chiens surgirent du coin de la rue et foncèrent vers l'enfant! Ils montraient les dents et aboyaient d'une façon assourdissante. L'enfant les repoussait courageusement à coups de pied, mais au fond il n'en menait pas large! Puis, il y eut des sons de cor et des cavaliers remplirent la rue! Ils étaient richement vêtus et leurs montures puissantes luisaient!

        Tous étaient des Pierres, sauf une créature hautaine, qui semblait toute en fer! Elle fit taire les chiens par une Pierre et s'adressa à l'enfant: "Pourquoi caches-tu notre gibier? Tu déranges notre chasse!

        _ Vous ne connaissez pas sa valeur et vous faites n'importe quoi!

        _ Eh bien, eh bien, voilà encore un de ces jeunes révoltés par le système! Et tu vas aussi me dire que les carottes ont une âme!"

        Cette remarque fit rire toutes les Pierres! "Allons cesse de faire ton bébé! reprit la créature. Ceci est une affaire de grandes personnes!

        _ Vous vous croyez sérieux? cria l'enfant. Vous ne savez même pas où vous êtes!

        _ Tu m'agaces à la fin!"

        La créature fit un signe et deux Pierres retinrent l'enfant! L'arbre apparut et les chiens hurlèrent! Une grosse Pierre, à l'air sombre, empoigna l'arbre et le traîna, pendant que les chiens mordaient ses jeunes branches et ses racines!

        Il y avait derrière les chevaux une machine et l'arbre fut jeté dedans, en même temps qu'il poussait un cri. Aussitôt, il fut broyé et haché! On vit un instant ses copaux, puis ce fut le silence. Les cavaliers et la meute firent demi-tour... L'enfant libéré et désespéré laissait aller toute sa haine! "Monstre, ignoble monstre! jeta-t-il à la créature, qui s'en montra amusée.

        _ Tu as le sang chaud, dit-elle. C'est bien, car ainsi tu auras de la force quand tu me serviras... et ce sera pour bientôt!

        _ Comment t'appelles-tu le monstre, que je retienne bien ton nom!

        _ Sache, avorton, que je suis le duc de L'Emploi et... que j'ai tous les droits!"

  • L'Enfant et la lumière (V,VI,VII,VIII)

    Phare

     

     

     

     

                                                   V

                                                Stress

     

        Des aboiements de chiens signalèrent à l'entant qu'il approchait de la ville et il devint plus circonspect, car les Pierres ont peur et peuvent réagir méchamment! La nuit s'installait déjà, quand il fut à la périphérie, et il découvrit un spectacle qui le cloua sur place! Des milliers de petites lumières rouges se suivaient, comme pour former une coulée de lave, et cela dans un vacarme étourdissant!

        L'enfant marchait sur le bas-côté et ne cessait de se répéter: "Cela n'a pas de sens, ça n'a aucun sens!" En effet, il se rappelait les merveilles, l'infinie beauté qu'il avait vues dans la nature, alors que maintenant, autour de lui, tout n'était que fracas, énervement, pollution! Il avait beau emprunté des voies détournées, il finissait toujours  par retrouver le trafic et en être assommé! Il croisait aussi des Pierres, qui le faisaient frémir!

        Certaines montraient des visages perdus, apeurés, comme si elles avaient cherché du secours! D'autres avançaient la tête basse, l'air désespéré et on imaginait qu'elles avaient subi quelque catastrophe terrible, irrémédiable! Au contraire, quelques unes faisaient tout pour qu'on les regarde et elles arboraient les tenues les plus extravagantes! Des musiques à tue-tête résonnaient, du mépris s'affichait, du malheur tendait la main, de la suffisance trônait, de la séduction mordait, si bien qu'on était telle une barque au milieu d'une tempête et qu'il devenait impossible d'avoir la moindre pensée cohérente!

        Soudain, l'enfant aperçut celle qui commandait la ville! C'était une géante, à l'habit martial et aux yeux de feu! Elle n'était pas inconnue à l'enfant, qui en entendait souvent parler, même s'il ne la comprenait pas bien, mais il savait son nom: elle s'appelait Stress! Elle régnait sur les Pierres et les conduisait avec un fouet! Elle riait dans l'orage, en les voyant se presser et tomber! Elle les écrasait sous son pied de fer! Elle les rendait malades, leur tordait l'estomac par la crainte qu'elle inspirait!

        La ville ressemblait à un chaudron et incessamment retentissaient des sirènes d'ambulance! Des Pierres avaient lâché prises, vaincues par Stress, et s'étaient blessées ou en avaient meurtri d'autres! C'était un vrai champ de bataille et l'enfant murmurait toujours: "Cela n'a pas de sens, ça n'a aucun sens!"

     

                                                                                                        VI

                                                                                                   Le merle

     

       Le lendemain, l'enfant faisait ses devoirs sur une petite table blanche et s'ennuyait. Il se leva et regarda par la fenêtre. Un merle se gavait des baies rouges du sorbier. "Bonjour le merle! lança l'enfant, qui avait ouvert la fenêtre.

        _ Chut! Moins fort! fit le merle. Tu vas me faire repérer!

        _ On te pourchasse? demanda tout bas l'enfant, qui était tout de même encore surpris d'entendre les animaux lui répondre.

        _ Et comment! Les pies veulent ma peau! sous prétexte que ce serait leur territoire! Mais c'est plutôt le mien! Les merles viennent ici depuis des générations, pour les baies du sorbier! C'est notre nourriture de l'hiver! Les pies n'en veulent pas! C'est pas assez bon pour ces vaniteuses! T'as vu leur longue queue? Est-ce une manière convenable de se vêtir, d'être toujours en tenue de soirée? C'est mon arbre, c'est mon territoire!"

        Le merle avait vraiment l'air en colère, malgré son œil d'or, et l'enfant, au lieu d'en rire, fut d'accord avec l'oiseau! "Mais, rajouta-t-il, il n'y aurait pas moyen que vous cohabitiez?

        _ Cohabiter? Non, mais t'as pas vu le gazier! C'est de la famille de la corneille! Un bec comme une masse! Et ses pattes? C'est déjà des serres! J' fais pas le poids, tu peux m' croire! Et puis, cet œil noir, pleureur, sournois, brrr!

        _ La pie a quand même un bel éclat émeraude sur la queue!

        _ On le voit à peine! comme si elle en avait honte!

        _ C'est vrai qu'elle a les couleurs de l'épaulard...

        _ J'ai l'impression que tu crois qu'on peut tous être copains, pas vrai?

        _ Ben, la nature est tellement belle...

        _ Alors, plonge ton regard dans mon plumage... Allez, vas-y!"

        L'enfant fit comme on le lui disait et il se concentra sur le corps de l'oiseau, au point que plus rien n'exista autour. Puis, soudain, il poussa un cri: "Mais c'est la nuit, la nuit la plus noire!

        _ C'est cela! Apprends qu'elle existe et n'oublie jamais combien la lumière du soleil est extraordinaire et qu'elle chauffe!

        _ Je n'oublierai pas..., mais je comprends maintenant pourquoi tu es l'oiseau du soir... et de l'ombre aussi, car, dans l'arbuste, on ne te voit pas du tout!

        _ Attention, je les entends!"

        En effet, un bruit mitraillette, qui ressemble encore au sifflement du crotale, retentissait: c'était les pies! Le merle quitta le sorbier et se posa sur un mur, non loin de là. Alors, son propre cri déchira l'air comme une paire de ciseaux et sans attendre les pies, il prit la fuite, ainsi qu'il eût voulu se moquer d'elles!

     

                                                                                                   VII

                                                                                               Les pies

     

        Les pies, désormais, inspectaient le sorbier... Elles comptaient peut-être débusquer la merlette, mais le merle était venu seul... A côté, indifférente à toute cette agitation, une mésange prenait sa douche! Elle était bien trop petite pour intéresser les pies et elle gazouillait en se frottant avec de la rosée! Plus tard, elle sauterait de branche en branche, à la recherche d'insectes, comme si elle était chargée d'épouiller l'arbre!

        L'enfant eut l'idée de donner aux pies des croûtes de fromage, qu'il éminça jusqu'à les réduire en poudre, et il revint les répandre sur le rebord de la fenêtre. Comme ce n'était pas la première fois, les pies ne se firent pas prier et elles se jetèrent sur la nourriture! Mais alors le mâle chassa brutalement la femelle, qui avait osé picorer sous son bec! L'enfant cria au mâle: "Mais il y en a pour tout le monde! Elle a autant le droit de manger que toi! Mieux, tu devrais par courtoisie lui offrir les meilleurs morceaux!"

        Le mâle fut stupéfié par cette sortie! Puis, il dit: "Ah! parce que tu crois que je me comporte ainsi par méchanceté! parce que je ne respecte pas ma propre compagne?

        _ Je ne vois pas d'autres raisons! Tu es égoïste!

        _ T'es bien un bleu! Tu ne sais pas et tu juges! Hum! Il y a un arbre de l'autre côté de la rue, pas vrai?

        _ Bien sûr! répondit l'enfant qui avait levé la tête.

        _ Et qu'est-ce que tu vois dans l'arbre?

        _ Euh... Un autre... un autre couple de pies!

        _ Exact! Et maintenant, monsieur Je sais tout, qui va devoir affronter le mâle de cet autre couple?"

        La pie finissait d'avaler des morceaux avec frénésie, pendant que l'enfant réfléchissait... "Eh ben, euh, c'est toi! répondit-il enfin.

        _ Oui, c'est moi, car, si je n'interviens pas ou si je perds, ma femme et moi, nous n'aurons plus de territoire et donc plus de nourriture et nous ne pourrons pas avoir de petits! Tu dis rien? Je t'ai cloué le bec! Ah! Ah! Oui, c'est moi qui vais devoir aller au charbon, pour reprendre une expression des hommes!

        _ Et il te faut des forces, murmura l'enfant.

        _ Oh! mais je n'ai pas affaire à un idiot! Mais oui, il faut que je sois en pleine forme, et c'est pourquoi je mange en premier et que je prends les meilleurs morceaux! C'est par nécessité, car la vie des animaux est une guerre permanente! Vu?

        _ Vu!

        _ Bien et maintenant regarde le spectacle!"

        Le mâle fonça vers le couple adverse et il fut même suivi par sa femelle, car elle-même participait au combat en jacassant! L'affrontement fut bref et le mâle, qu'avait nourri l'enfant, gagna encore cette fois-ci, peut-être à cause du fromage! L'enfant referma sa fenêtre et se dit que le monde était décidément bien compliqué! Il était à la fois beau, merveilleux et cruel et dur!

     

                                                                                                          VIII

                                                                                                      Les Pierres

     

        Comme il n'y avait plus de pain, on envoya l'enfant en chercher. Cela lui plaisait de sortir, mais les Pierres ont un jeu terrible: elles veulent s'écraser les unes les autres! L'enfant marchait sur le trottoir, quand il vit une Pierre du sexe masculin qui allait le croiser et il en eut la gorge noué. Il se prépara et se raidit, mais la Pierre homme ne le laissa pas tranquille!

        Elle se dressa de toute sa hauteur et demanda à l'enfant: "Ne suis-je pas le plus fort, le plus puissant, le maître?" Elle se penchait maintenant sur l'enfant, de sorte qu'il fut dans son ombre, et elle reprit: "Tu as vu mon costume? Quelle élégance! Hein? Et mon allure? Ne suis-je pas droit comme un i? Je surclasse tout le monde! C'est que je suis riche, moi! Je ne suis pas n'importe qui! J'ai du pouvoir! Et ma voiture?"

        La Pierre homme appuya sur un bouton et sa voiture tout près lui répondit en clignotant, comme un chien! "Non, mais regarde ces lignes!" La Pierre homme caressait maintenant la carrosserie! "Le luxe, la pureté, c'est qu' ça coûte! Attends, je vais te faire entendre ma musique!" La voiture maintenant chantait à tue-tête et on avait l'impression qu'un cirque était arrivé en ville!

        Puis, tout s'arrêta et la Pierre homme coinça l'enfant contre un mur: "C'est moi le maître et toi, l'esclave! dit-elle. Tu me dois la soumission!" L'enfant essaya de s'échapper par un côté, mais la Pierre lui ferma le passage: "Comment, Comment? s'écria-t-elle. Tu me résistes? Tu ne reconnais pas mon importance, ma supériorité? Va au diable!" Et la Pierre subitement s'abattit sur l'enfant, mais il fut le plus vif, car il avait déjà l'habitude de ce genre de situations!

        Il avait glissé le long du mur et retrouvé l'air libre. Sans se retourner, il filait vers la boulangerie, mais il était encore choqué, troublé et il admira les nuages et un arbre doré par le soleil, pour se calmer. Il avait eu chaud!

        Il entra dans la boulangerie et prit la file d'attente, mais, soudain, il sentit qu'on le pressait par derrière! De nouveau il se tendit, mais fit comme si rien n'était! Alors la pression augmenta, ainsi que la Pierre, dans le dos de l'enfant, eut des proportions gigantesques, de sorte qu'elle éclata: "Comment? Comment? cria-t-elle à l'adresse de l'enfant. Tu..., tu es toujours là! et je suis entrée! Ce n'est pas possible, car, quand j'arrive dans un endroit, on doit me servir! immédiatement!"

        L'enfant tremblait maintenant! Il savait qu'il avait affaire à une Pierre femme, mais c'était tout! Il ne voulait pas se retourner vers elle et voir son affreux visage! Il tenait bon et voulait son pain! Derrière la colère redoubla: "Mais tu... tu m'ignores! éructait la Pierre. Je t'écraserai, avorton! Je ne supporte pas d'attendre! C'est moi qui commande! C'est moi qui existe, pas toi! Le monde est mien et doit plier sous ma loi!"

        L'enfant parvint tout de même à acheter son pain, mais, quand il se retourna, la Pierre femme se dressait devant lui et l'empêchait de sortir! Il s'excusa , pour que la Pierre s'écartât, mais elle ne bougea pas! Il dut passer entre ses jambes, grâce à sa souplesse, et il se sauva! Arrivé chez lui, il déposa le pain dans la cuisine et remonta dans sa chambre... Il était épuisé!

  • L'Enfant et la lumière (I, II, III, IV)

    Dytique

     

     

     

        Avertissement: revoilà L'Enfant et la lumière sous la forme d'un quasi conte de fées, parce que c'est ce qui m'amuse en ce moment... Cariou reviendra plus tard, il ne perd rien pour attendre!

     

                                                     I

                                             Le dytique

     

        L'enfant était assis au bord du ruisseau. Sous le feuillage émeraude, il écoutait le murmure apaisant de l'eau et regardait des poissons, sous les taches de lumière qui doraient le fond. A côté flottaient des étendards de vase, mais l'enfant était triste! Il était comme accablé, assommé même et il ne comprenait pas pourquoi! "Comment se fait-il, soupira-t-il qu'ici tout est beau, doux, merveilleux, alors que chez moi, dans ma famille, il y a autant de bruit, de fureur et de douleurs? Comment est-ce possible? Cela n'a pas de sens!"

        Ainsi parlait l'enfant et il lui semblait que le ruisseau l'écoutât, mais ce fut un gros dytique qui lui répondit! Il était venu à la surface, chercher sa bulle d'air, et il avait aperçu l'enfant qui avait un sanglot! "Tiens! avait-il pensé. Voilà un enfant bien triste! Je vais essayer de le consoler!" "Eh! l'enfant! cria-t-il. Pourquoi tu ne t'amuses pas? C'est l'été ici, la fête de la lumière! Ecoute les oiseaux comme ils chantent! Ne sont-ils pas heureux! Et les fleurs? Ne sens-tu pas leur délicieux parfum? Et moi, je ne me porte pas mal non plus! Alors, qu'est-ce qu'il y a ?"

        L'enfant fut très surpris, car il n'y avait personne autour de lui! "Qui parle? demanda-t-il.

        _ Par ici, dans l'eau! cria de nouveau le dytique."

        L'enfant, enfin, découvrit l'insecte... "Mais, mais tu parles? fit étonné l'enfant.

        _ C'est vrai, quand j'ai quelque chose à dire... Mais tu sais, chacun ici discute! Suffit de tendre l'oreille! Mais, dis-moi, pourquoi as-tu l'air d'être l'enfant le plus triste du monde?

        _ Mais... je ne sais pas moi-même! A la maison, tout n'est que heurts, sévérité et même violence! Apparemment, je ne fais jamais bien les choses! Je suis vilain, méchant, menteur, fourbe et j'en passe! Or, je ne suis rien de tout cela! Je ne veux qu'être gentil... et c'est pourquoi j'aime cet endroit et toute la beauté que j'y trouve!

        _ Oui, j'aurais dû comprendre tout de suite... ton cas, si je puis dire! Tu te sens un étranger chez toi, c'est bien ça? Le problème, c'est que chez toi, c'est le monde des Pierres!

        _ Le monde des Pierres?

        _ Oui..., mais c'est un peu compliqué tout ça... et je ne suis qu'un dytique! Pour bien t'expliquer les choses, il faudrait que tu ailles voir le magicien de la forêt! Il s'appelle... il s'appelle Galorn! Il est quasiment incollable!

        _ Mais... où pourrais-je trouver ce magicien?

        _ Eh ben, dans la forêt!

        _ Mais où ça dans la forêt!

        _ Oh! Oh! Tu trouveras de toute façon! Moi, j'ai ma bulle d'air... et ma famille qui m'attend, au fond de l'eau! Reviens me voir, quand ça te fera plaisir! On discutera plus longuement!"

        L'enfant vit disparaître le dytique et se releva... "Je vais chercher le magicien Galorn, car j'ai besoin qu'on réponde à mes questions... Je ne peux pas continuer à être triste comme ça... C'est bien trop de peine!"

     

                                                                                                             II                                      

                                                                                                       La Loche

     

         L'enfant marchait dans le bois et autour les premières feuilles tombaient doucement. De temps en temps, un oiseau venait voir le visiteur et celui-ci remarquait alors une boule de plumes claires, l'œil noir et profond du rouge-gorge ou le bleu vif du geai! De petits chants singuliers charmaient l'oreille et donnaient aux branches un air de fête, mais l'enfant se sentait tout de même étranger et il voulait vraiment rencontrer le magicien Galorn, pour avoir des réponses, mais où le trouver?

        A cet instant, l'enfant manqua de marcher sur une énorme loche orange, qui traversait le chemin! "Eh bien , ma pauvre loche, tu l'as échappé belle! dit l'enfant. Pour un peu, je te marchais dessus! Rassure-toi, ma brave loche, je ne te vais pas t'écraser comme certains enfants méchants, qui n'ont que dégoût pour toi, ce qui n'est pas mon cas! J'ai bien trop conscience de ton effort... Mon dieu, comme tu es lente! Si j'avais ton rythme, je ne verrais pas le magicien Galorn avant la fin de l'année! Hi! Hi! Mais, au moins, tu es patiente!

        _ Moi? Mais pas du tout! J' suis une fonceuse, même que ça m'a déjà joué des tours!

        _ Hein? Mais qui parle?

        _ Mais moi, la loche! Et si je le fais, c'est parce que j'ai vu que tu m'aimes bien!

        _ Mais oui! Mais, excuse-moi, j'ai tout de même à croire que tu es une fonceuse! Hi! Hi!

        _ C'est parce que tu n'es pas à mon échelle! Tu vas où?

        _ Chez le magicien Galorn... Mais je ne sais pas où il habite!

        _ Et voilà la jeunesse: ça cause et ça ne sait pas! Mais monte sur mon dos! Moi, je vais t'emmener chez Galorn!

        _ Tu veux que je monte sur toi? Mais je vais t'écraser!

        _ Puisque c'est moi qui te le demande! Fais-moi confiance!"

        L'enfant regarda la loche qui rampait sur le sol... Il hésita, puis leva une jambe... "Je vais en faire de la bouillie!" pensa-t-il. Puis, il posa le pied dessus, comme on le lui avait dit, et d'un coup, il se retrouva sur le pont d'un immense navire! "Alors, qu'est-ce que t'en penses, fiston? demanda la loche.

        _ C'est... c'est incroyable! répondit l'enfant, qui voyait au loin la tête ou la proue!

        _ Tu sens l'air du large?

        _ Oh oui! Nous allons vite!

        _ Jette un œil au sillage!

        _ Il est brillant! cria l'enfant qui s'était déplacé.

        _ Spécialité maison! Reviens vers moi maintenant! Eh! C'est qu' j' en ai connu des océans! J'ai affronté toutes les mers! toutes les touffes d'herbe, je veux dire! Il y a des zones de calme, avec des feuilles multicolores..., des marées basses terreuses, où j'échoue parfois! Mais évidemment, ce que je préfère, c'est la vague d'herbe, bien ruisselante! Là, je glisse parfaitement! Je montre tout mon sens marin!

        _ Mais j'en vois une justement! Elle est très haute! On dirait qu'elle va déferler!

        _ En effet, c'est un joli monstre! A l'assaut fiston! Accroche-toi!"

        L'enfant se coucha sur le pont et trouva des prises dans la peau même de la loche. Puis, ce fut l'escalade, contre les brins d'herbe qui retombaient déjà, menaçant d'engloutir la loche! Mais celle-ci émergea soudain en haut de la touffe! "Waaaohh! Fiston! T'as vu ça? Domptée la vague! T'es encore là?

        _ Oui... oui, balbutia l'enfant, qui était tout mouillé et qui avait cru un moment qu'il allait se noyer!

        _ Hein? Et toi, qui me voyais comme un modèle de lenteur! C'est du sport, ça non? T'as pas le mal de mer, dis?

        _ Non, non, mentit l'enfant, qui sentait maintenant son estomac dérangé!

        _ De toute façon, on est arrivé! On débarque! Il te suffit de poser le pied par terre!"

        Ainsi fit l'enfant et il reprit sa taille normale. Il regarda la loche et lui dit: "Merci la loche! Ce fut une expérience inoubliable!

        _ Pas de quoi moussaillon! Tu seras toujours le bienvenu!"

        La loche continua sa route et l'enfant découvrit une vieille maison en pierres, celle du magicien Galorn!

     

                                                                                                            III

                                                                                                        L'épeire

     

        "Halte là!" A ce cri l'enfant s'arrêta net et chercha qui s'adressait à lui. Soudain, dans le coin de son œil droit descendit une épeire, reconnaissable à son abdomen comme un petit œuf! "Et maintenant, tu me vois, je suppose..." dit l'araignée.

        _ Oui, oui, balbutia l'enfant, qui n'osait bouger.

        _ Bien! Mais tu allais déchirer ma toile! Tu fonçais dessus!

        _ Mais...

        _ Mais, il n'y a pas de mais! Il faut que tu saches une chose... Je travaille... et tu dois respecter mon travail!

        _ Bien sûr! Mais...

        _ Mais, il n'y a pas de mais! Je ne file pas pour m'amuser, mais pour chasser, ce qui me permet de me nourrir, et donc ma toile n'est pas une cible pour les enfants!

        _ Je ne l'avais pas vue!

        _ Parce que tu allais trop vite! Le temps, pour toi, n'existe pas! Seuls comptent ton besoin ou ton envie! Il faut que tu te calmes et j'ai un bon moyen pour ça! Tu sais compter?

        _ Mais oui, évidemment!

        _ On va voir ça!"

        L'épeire sauta sur sa toile et montra à l'enfant un collier de perles de rosée: "Tu comptes combien de gouttes? demanda-t-elle.

        _ Hein? Euh... fit l'enfant, qui écarquillait les yeux pour mieux voir.

        _ C'est comme un boulier! Je vais faire glisser les perles une à une... Attention!

        _ Une, deux, trois... Eh! Moins vite! quatre, cinq..."

        L'enfant marmonnait ses nombres et s'écria: "Vingt! J'en ai compté Vingt!

        _ Bon! Sachant que la toile comporte, entre ses quinze rayons, trente branches et qu'on perd deux gouttes à chaque fois qu'on se rapproche du centre, cela nous fait combien de gouttes au total?

        _ Oh! Là, là! Je perds le fil!

        _ Mais monsieur est un malin! Si, si, monsieur est un malin! Il perd le fil d'un problème d'araignée!

        _ En tout cas, c'est magnifique!

        _ Vrai? On m'a déjà dit que j'avais quelque talent!

        _ On dirait un nuage de rosée!

        _ Voilà le titre que je cherchais! Car je veux exposer, tu sais! Je rêve qu'on défile devant mes toiles et qu'on s'extasie à la vue de Nuage de rosée! Hem! Peut-être es-tu plus doué pour la littérature que pour le calcul!

        _ J'aime beaucoup lire!

        _ J'en étais sûr! Et tu as l'air d'un garçon bien élevé! Mais maintenant ma toile est vi... vi...?

        _ Vivante!

        _ Oui, l'art anime les choses, c'est entendu! Mais ma toile est vi... visi...

        _ Visible!

        _ Bravo! Et si elle est visible, on fait le... le....?

        _ Le... le... Le spectateur!

        _ Oui, mais non! On fait... On fait le tour!

        _ Ah?

        _ Oui, allez, allez, je te surveille! Voilà, il fait un pas, puis un autre... N'est-ce pas merveilleux?"

        L'enfant marchait avec prudence et il dit: "Au revoir!", mais l'épeire ne lui répondit pas! Elle était sans doute trop occupée!

     

                                                                                                       IV

                                                                                               Le magicien

     

        Soudain, l'enfant fut devant la porte de la vieille maison et il se trouva fort intimidé. Il frappa cependant et il y eut un bruit de casseroles renversées! Puis, brusquement la porte s'ouvrit et un vieillard hagard, avec une longue barbe grise, apparut! "Vous avez mes poils de rat? demanda-t-il.

        _ Non, je... Bonjour... bredouilla l'enfant.

        _ Non, bien sûr, vous n'avez pas mes poils de rat! Car vous n'êtes pas non plus mon livreur! Mais, sans mes poils de rat, je suis cuit!"

        Puis, il retourna à l'intérieur, où finalement l'enfant, ne sachant que faire, le suivit. C'était un vrai capharnaüm! Partout pendaient les choses les plus hétéroclites et on avançait avec précaution, dans un dédale de coffres, de paniers et d'outils! En plus, il y faisait très sombre, car le jour n'était produit que par une petite fenêtre jaunâtre!

        Dans l'âtre, cependant, bouillonnait une grosse marmite, autour de laquelle s'affairait le vieillard. Il ouvrait de petits pots, sur le manteau de la cheminée, en disant:" Pas de poils de rat, pas de potion magique!

        _ C'est une potion pour quoi? s'enquit l'enfant.

        _ Contre! C'est une potion contre les rats! Figure-toi qu'une famille de rats prend ma maison pour un hôtel de luxe! On ne la voit jamais, car elle fait la fête toute la nuit et dort dans la journée! N'est-ce pas une vie magnifique? Mais elle laisse ses crottes partout! Est-ce que tu sais que les rats aiment se rouler dans leurs déjections!

        _ Pouah! C'est dégoûtant!

        _ En effet! Mais, au fait, qu'est-ce que tu fais là?

        _ Eh bien, le dytique m'a dit que vous pourriez m'aider...

        _ Le dytique! Comment il va?

        _ Mais... bien...

        _ Parfait! Une fois, je l'ai capturé, car je voulais le voir dans un bocal... Il m'a pincé si fort que j'ai dû le lâcher! J'en frémis encore rien qu'à m'en souvenir!

        _ C'est normal qu'il se soit défendu... Chacun aime sa liberté!

        _ Oh! Oh! Voilà un garçon bien éveillé pour son âge! Nous avons peut-être là un futur philosophe! Et pourtant, tu aurais besoin d'aide?

        _ Euh... C'est-à-dire... Ce n'est pas facile à expliquer... Mais je suis malheureux chez moi! je ne comprends pas la dureté de mes parents!

        _ Ils sont inquiets...

        _ Oui, je vois ce que vous voulez dire... Mais ce n'est pas seulement ça, ils sont aussi injustes! Ils me traitent comme un méchant, alors que je ne le suis pas! Ils ne sont pas honnêtes avec eux-mêmes! Ils ont des plaisirs qu'ils ne s'avouent pas!

        _ Eh ben! Si tu as les yeux aussi ouverts, c'est parce que tu ne fais pas seulement partie de leur monde! Tu es peut-être un enfant lumière!

        _ Un enfant lumière?

        _ Oui, écoute, il y a deux royaumes, celui des Pierres et celui de la Beauté! Toi, tu serais entre les deux... Tu ferais la liaison, d'où ta position inconfortable! ton sentiment douloureux d'être étranger!

        _ Je ne comprends pas...

        _ Cela n'a rien d'étonnant! Les plus grands savants ignorent aussi ces choses! Car, note bien, tu me vois et tu parles au dytique, mais pour les Pierres, c'est impossible! ce qui prouve que tu es bien différent!

        _ Ah?

        _ Oui, ah! J'avais d'anciens poils de rat, j'en suis sûr! Mais où sont-ils?

        _ Mais... mais qu'est-ce que je dois faire? Est-ce que je suis vraiment un enfant lumière?

        _ Hum! J'ai des relations auprès de la reine Beauté...

        _ La reine Beauté?

        _ Et tu vas répéter tout ce que je dis...?

        _ Excusez-moi...

        _ Je vais donc demander à mes relations de parler de ton cas à la reine Beauté! Et quand il y aura des réponses, on te contactera!

        _ Merci!

        _ Maintenant, il est temps que tu rentres chez toi, car le soir tombe! Les voilà, mes anciens poils! Tu portes chance, c'est bon signe!"

  • Le retour de Jack Cariou

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                              "Vous ne savez même pas pourquoi l'eau bout!"

                                               Révélations (Michael Mann)

     

        Journal de Jack Cariou, station Charcot, mardi 16 novembre: je suis revenu à la station Charcot! Pourquoi? Parce que l'hiver revient et que les forces diminuent, ce qui fait que je suis fatigué de RAM! J'ai besoin de silence, de paix, car RAM continue comme un disque rayé!

        J'ai marché longtemps sur la glace, pour arriver par mes propres moyens! Il reste toujours les jambes, quand on veut bouger! J'ai retrouvé des gestes simples, une économie saine: il faut se protéger du froid, faire à manger, ne pas transpirer, etc. Tout le bourdonnement de RAM a disparu, emporté par la plainte du vent!

        On ne se rend jamais assez compte combien nous sommes encombrés par notre confort! La station Charcot est dans un triste état, mais peu importe! J'ai ouvert la grande porte, qui maintenant grince et menace de se coincer! A l'intérieur, beaucoup de ruines, mais j'ai aménagé mon petit chez moi et mon parcours quotidien.

        La seule pièce vraiment chauffée est ma chambre, où je me sens bien. Je n'ai pas peur de la solitude, ni des fantômes, car désormais je ne pense plus à ce qui s'est passé ici... J'ai changé, encore mûri et c'est heureux, car en apparence le monde est toujours le même et navrant! Je vais régulièrement de ma chambre à la cuisine et au grand réfectoire! Tout cela est bien démesuré pour un homme seul, mais j'y accueille encore plus le silence! Ce que j'aime viscéralement c'est de sentir le temps, comme s'il était un compagnon ou une goutte de rosée, que je recueillerais dans la main!

        Ainsi, je m'aperçois que des heures, qui semblent un peu tristes, sont au fond à chaque seconde lumineuses! C'est un bonheur tranquille, qui ne demande rien, qui est au plus près de l'instant! Rien n'est pire à mon avis que de se vider, à force de discussions, de se répandre dans l'autre! C'est une ivresse stérile et c'est ce qui fait principalement le malheur de RAM, qui pourrait aussi s'appeler le Royaume de la domination!

        Le vent gémit et j'adore ça! Il a l'air de souffrir et moi pas! J'attends! Je pèse le temps! Bien sûr, l'homme ne peut vivre sans compagnie! Il a besoin de ses semblables, de communiquer, d'échanger, mais celui qui ne se bonde jamais ne voit nulle profondeur et n'évolue pas! Ainsi va le flot désespérant de RAM!

        Je prépare donc mes repas, comme un nain dans la cuisine d'un géant et je mange sur une table, en ayant l'air de devancer tout le monde! Chacun de mes mouvements entraîne un bruit qui résonne, mais je suis tranquille, les yeux sur la neige qui tombe! Le moindre changement dans le ciel m'intéresse et je prévois de mieux en mieux les conditions du lendemain... C'est ce que j'appelle le repos! J'ai en effet d'arrêter d'expliquer, d'essayer de me faire comprendre et d'être en bute pour cela à la haine!

        Car donner la solution n'arrange rien, bien au contraire! C'est bien cela aussi l'hiver! Il ne s'agit plus d'exposer ses fruits, de faire feu de tout bois, d'être solaire, vif à la bataille! La sève se retire et il importe de jouir du calme, de désormais s'économiser, comme les bêtes et les plantes! Malheur à celui qui ne peut supporter cette situation, à cause de son angoisse! Tôt ou tard, il se blesse! Le corps fragilisé s'est rompu!

        Je lis un peu, joue quelquefois aux échecs électroniques..., mais je me garde de pester contre la machine, si je perds... Il n'est plus temps de vouloir gagner! Le vent me réveille la nuit, car il me donne l'impression que des gens discutent ou complotent dans le couloir! Alors je tends l'oreille et l'attention qui est créée me sert encore dans la journée... Une des questions qui me revient le plus souvent, évidemment, c'est pourquoi si peu sont intéressés par Dieu? Pourquoi il y en tant à vivre sans l'aimer, sans même se demander s'il existe?

        Cette indifférence est si grande qu'il est normal que celui qui croit doute! Il ne peut en être autrement et rien qu'une phrase comme celle-ci: "Ne vous préoccupez pas de ce que vous mangerez, car Dieu y pourvoira!", si elle était encore dite haut et fort, elle provoquerait un hurlement d'un bout à l'autre de la planète! Ce ne serait que moqueries et cris d'indignation partout! Pourtant, ce n'est que la suite logique de la foi, car, si Dieu existe, il est normal qu'il veille à nous nourrir, même si on ne doit pas taper du pied dans un coin, en disant: "J'attends!"

        Celui qui a une foi sincère se retrouve donc seul, tandis que les autres assurent leur sécurité, leur retraite! Il s'agit bien de ne pas avoir peur, d'avoir confiance, de croire! Et la porte s'ouvre, car, pour moi, les choses sont à présent bien plus claires et même évidentes! Le Royaume de Dieu est le royaume de la beauté! C'est la nature vue par la conscience qui voit la beauté comme un don infini, une preuve d'amour sans pareille! Et comme c'est un don, il inclue l'autre! Il s'adresse à tous les hommes!

        Encore faut-il le recevoir et cela n'est pas possible si on reste attaché à sa domination, si l'horizon, c'est soi! Alors, la beauté paraît facultative; on ne la voit que de loin en loin! Elle n'est pas essentielle et le don de Dieu, son amour donc, son existence échappe à l'individu, qui continue d'avoir peur et de lutter contre les autres! Ainsi se forme le second Royaume, celui de la domination, qui n'est en fait que celui des hommes, puisqu'ils y sont presque tous rassemblés!

        Dans ces conditions, il est inévitable que le Royaume de la domination essaie de détruire l'autre Royaume, celui de la beauté! Puisque celle-ci reste invisible et semble n'être là que pour être dominée! La nature est saccagée, polluée et nous arrivons à la situation actuelle, où le Royaume des hommes est en danger, à force de détruire l'autre Royaume! Il n'y a pas de salut sans la reconnaissance du Royaume de la beauté! Il n'y a pas de salut sans prendre conscience du don , de l'amour de Dieu! Il n'y a pas de salut sans foi!

        Car, on ne peut pas vivre sans la domination, s'il n'y a pas de fraternité humaine! La reconnaissance de la beauté mène forcément à la fraternité et à l'extinction de la domination! Mais, comme nous ne voulons pas comprendre, ni écouter, nous apprendrons dans les larmes! Quand nous aurons tout perdu, nous serons fraternels, solidaires! Nous aurons enfin le cœur léger et la vie nous semblera belle, mais à quel prix, après combien de disparus et de larmes? Il a fallu les millions de morts de la Seconde guerre mondiale, pour calmer nos ardeurs guerrières!

        Quand nous aurons tout perdu, alors nous serons fraternels et solidaires et alors nous n'aurons même plus peur du lendemain! comme dans la parole citée plus haut! Elle n'est donc pas si idiote que ça! Evidemment, celui qui voit le don de Dieu n'est plus le même homme! Il a une assurance, une légèreté, une force que les autres n'ont pas! Sa foi est tel un rocher, ce qui n'est pas le cas pour la plupart des croyants! L'Eglise et les temples sont sous le joug de la domination! Même pour eux, le Royaume de la beauté est invisible!

          Mercredi 17 novembre... Dans le silence et la paix, les choses m'apparaissent avec beaucoup de recul et comme extrêmement résumées! Je vois notamment l'humanité se dévorer elle-même, puisqu'elle menace la planète... Mais la domination pour l'homme est une maladie! A quoi nous sert la conscience, si nous ne dépassons pas le stade animal? C'est comme si nous refusions de nous développer, d'utiliser un "muscle" qui nous est propre et qui par conséquent s'atrophie! Combien ne fonctionnent pas comme des disques rayés? Ils se persuadent par exemple que le problème, leur souffrance vient du gouvernement et il se lève et tape sur celui-ci! Puis, il se couche et se lève et de nouveau tape sur le gouvernement! Puis, il se couche, etc.!

        La domination est une maladie pour l'homme! C'est un cancer, dont nous assistons à la progression aujourd'hui! Nous polluons l'atmosphère, nous nous détruisons, mais notre attitude face à la menace reste celle des crocodiles, quand leur marigot s'assèche! Nous avons une conscience collective, mais à peine et comment pourrait-il en être autrement! C'est la domination qui nous régit! Cela veut dire que ce qui donne un sens à notre vie, c'est le sentiment de notre supériorité sur l'autre, essentiellement grâce à l'argent et au profit! Voilà notre arête, notre garde-fou et il faudrait en changer brusquement, trouver subitement une autre raison de vivre, alors que celle-ci nous paraît si naturelle et que le danger n'est même pas imminent?

        C'est impossible et nous continuons à croire qu'on est le plus fort et qu'on survivra! Comment obtenir un accord satisfaisant au niveau mondial, quand, dans notre quotidien, nous ne voyons déjà pas pourquoi il nous faudrait changer? Et comment espérer enrayer le réchauffement climatique, sans une modification profonde, radicale de notre comportement? Tant que la domination nous tient, nous nous condamnerons!

        Or, la solution est merveilleusement simple! Imaginons que les crocodiles, face à la sécheresse, ne se battent pas, mais au contraire ils commencent à se respecter les uns les autres! Ils partageraient donc l'eau, ils n'auraient pas peur et auraient une chance de survie bien supérieure! Chez les hommes, ce serait encore plus évident, car ils veilleraient à ce que la situation ne se répète pas! Ils construiraient des digues, etc. La solution est merveilleusement simple, car c'est: "Aimez-vous les uns les autres!" Il n'y en a pas d'autres, comme le montre l'échec des accords! Evidemment, par là, on quitte la domination! Il ne s'agit plus d'imposer son ego! Et c'est ici que ça coince! Car comment faire le pas, accepter de ne pas vaincre, avoir confiance, sans connaître le deuxième Royaume, celui de l'esprit, de la beauté, du don de Dieu?

        Le renoncement amène a priori et aussitôt l'amertume et le dégoût! Encore s'amputer de soi-même, se restreindre, encaisser sans rien dire? Quelle horreur! Mais respecter l'autre, l'aimer, c'est se respecter, s'aimer soi-même! Ce que vous pardonnez à l'autre, vous vous le pardonnez à vous-même! Ce que vous louez chez l'autre, vous le fêter également chez vous! Donner toute sa dimension à l'autre, c'est se grandir tout autant soi-même!

        La domination est une maladie pour l'homme! En effet, ce n'est pas seulement une espèce qui met son environnement en péril, mais c'est aussi des individus qui veulent être le centre de tout, car la domination est portée à l'extrême, pour combler un vide et échapper à l'angoisse! Nos sociétés sans boussole accouchent de monstres! Des bandes attaquent les forces de l'ordre, car ce sont elles la loi! Des adolescents en tuent un autre, qui les gêne, ainsi qu'il ne serait qu'un paquet de linge sale, puisque la domination doit être totale, incessante! Elle est telle que, si elle est menacée, elle conduit au drame! De même, une fille déclare faussement avoir échappé à un rapt, de sorte qu'elle devient unique sur le devant de la scène! La séduction est la domination féminine et elle appelle instinctivement les regards, mais aujourd'hui elle peut mobiliser tout un pays!

        Le pas à franchir, pour libérer la domination, est forcément spirituel et même il ne peut être guidé que par l'amour! Celui-ci se révèle à nous par le don de Dieu, par l'infinie beauté de la nature, dont nous faisons bien sûr partie: car la beauté et l'amour de Dieu peuvent se retrouver en chacun d'entre nous! Mais nous ne voyons même pas le ciel, le nez sur nos écrans et nos smartphones! Nous ne regardons rien à part nous-mêmes! Nous sommes rivés à notre domination, à notre nombril! Nous n'avons aucun intérêt, si nous ne sommes pas concernés! Pourtant, les magnifiques nuages continuent chaque jour à nous donner leur spectacle gratuit! La beauté est la clé du Royaume de Dieu!

        Jésus témoigne aussi de cette proximité! Le Royaume de Dieu est une réalité ici et maintenant et il est un don d'amour, voilà la Bonne nouvelle de Jésus! Lui-même est comblé d'amour par l'esprit et il veut le faire comprendre. Il voit tellement bien cet amour qu'il accepte d'offrir sa vie! Il n'y a pas de preuve de foi plus grande et ce serait vain, si cela ne servait à chacun pour croire et s'affermir! C'est comme une porte constamment ouverte dans la nuit!

        Le Royaume de Dieu n'est pas à voir comme une récompense future, même s'il est une forcément, car le croyant en mourant rencontre son amour, mais il est d'abord à comprendre comme un don, de sorte que l'on se sente aimé, avant même d'aimer! Fi des histoires de péchés, de contrainte, de renoncement, bien que ce dernier vienne tôt ou tard, mais sans peine! Le Royaume de Dieu est d'abord une joie, une chose incroyable, insensé même, car cela veut dire non seulement que Dieu est amour, mais que notre futur l'est également! L'homme ne pourra survivre que s''il aime!

        On est là aux antipodes des discours ambiants, faits de chiffres notamment! Mais on ne peut voir et comprendre le Royaume de Dieu qu'avec une âme d'enfant, qu'avec sa simplicité. Dieu est et nous aime, c'est cela le miracle! Cela n'exige a priori aucun effort! Ce dernier ne vient que librement, quand on aime à son tour, plein de l'amour divin! Notre monde s'enfonce dans la nuit et c'est maintenant que l'amour est le plus lumineux!

  • Les deux royaumes

    Deux royaumes

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    La domination s'approcha terrible!

    Elle tourna vers les Pierres sa tête bestiale

    Et leur cria: "Quoi? Nous serions la risée du monde?

    Il faudrait être gentil!

    Se réfréner!

    Se museler!

    Avoir peur!

    Mais ne sommes-nous pas les plus forts?

    Ne sommes-nous pas les maîtres?

    Les meilleurs?"

    Les Pierres exultèrent!

    Un immense "Si" sortit de leur bouche!

    La domination eut un sourire,

    Puis elle reprit: "Je maudis le faible!

    Le perdant!

    Le gentil!

    Le donneur de leçons!

    Le moraliste!

    Tous ceux qui n'ont pas de sang dans les veines!

    Tous ceux qui empêcherait le nôtre de bouillir!

    Car ce qu'ils veulent au fond, c'est nous détruire!

    C'est notre place! Celle des premiers!"

    Une clameur secoua la foule comme une onde!

    Des Pierres pleuraient, impatientes, hystériques!

    D'autres levaient le poing, pour montrer leur haine!

    La domination frappa son pupitre:

    "Je vois des villes d'or à l'infini!

    Une économie puissante, prodigieuse!!

    Je vois de l'argent pour tous!

    Du pouvoir pour chacun!

    Je nous vois au sommet!

    Je nous vois triomphants!

    Je nous vois vainqueurs!

    Rayonnants pour l'éternité!"

    Maintenant les Pierres étaient ivres!

    Certaines attrapèrent des passants

    Et les tuèrent!

    Les yeux étaient rouges!

    Pleins du feu de la colère!

    Le temps de subir était révolu!

    La domination étendait son aile!

    S'imposait dans tous les cœurs

    Et les Pierres se mirent en marche!

    La ville prit de l'ampleur,

    Les routes se multiplièrent,

    Les usine fonctionnaient à plein régime!

    On repoussait la nature incessamment!

    "Place! Place!" lui disait-on!

    On l'écrasait!

    Le domination criait: "Plus vite! Plus fort! Plus grand!"

    Elle attisait la violence!

    Elle répandait le mépris, la haine, sa nuit!

    Et les Pierres suaient, montraient les dents,

    S'injuriaient, se blessaient, se tuaient!

    Mais la domination était sans pitié!

    Elle faisait peur si on n'allait pas assez vite!

    Son char passait sur ceux qui tombaient!

    On entendait gémir au royaume des Pierres!

    L'impression d'un désert rendait triste,

    Mais nul n'osait se tourner contre la domination!

    Et puis il y eut une sonnerie d'alarme!

    Un avertissement!

    Puis, un autre et encore un autre!

    D'où cela venait-il?

    La reine Beauté avait le visage grave...

    Elle savait ce qui se passait,

    Mais elle écoutait les plaintes de ses sujets!

    Il y avait là toutes sortes d'animaux et de plantes...

    Ils étaient affolés, harassés, harcelés!

    Des petits étaient hagards, livides!

    Un chef parlait:

    "Les Pierres envahissent ton royaume, ô ma reine!

    Elles ne respectent rien!

    Elles saccagent tout!

    Nous fuyons devant elles,

    Car rien ne les arrêtent!

    Ceux qui restent en arrière sont condamnés!

    Nous n'en pouvons plus, ô ma reine!

    _ Je ne le vois que trop bien!

    Mes pauvres enfants!

    Rejoignez mes jardins,

    Vous y serez en sécurité!"

    Les animaux et les plantes laissèrent la reine

    Et elle se tourna vers la fée Lumière...

    "Les imbéciles! lui dit-elle.

    Les Pierres scient la branche sur laquelle elles sont assises!

    Elles se condamnent elles-mêmes!

    Mon royaume a ses propres lois

    Et celui qui les méprise

    En subit les conséquences!

    Des catastrophes vont se produire

    Et elles n'y résisteront pas!

    Elles sont bien trop fragiles!

    Mais pourquoi s'obstinent-elles?

    Pourquoi si peu se tournent vers toi, fée Lumière?

    N'avons-nous pas été assez clairs?

    _ Elles sont aveugles, malades! Elles ont peur!

    _ Oui, mais elles ont tous les éléments!

    Des messages sont sans équivoque!

    Beaucoup leur a déjà été donné!

    L'Amour leur a parlé en personne!

    L'Amour est mort pour elles!

    Pour qu'elles voient et qu'elles croient!

    Elles sont terribles,

    Car elles ne changeront que contraintes et forcées!

    Mon royaume se défend a sa manière,

    Sans haine!

    Mais on ne peut le détruire sans se détruire soi-même!

    Combien de larmes faudra-t-il pour ouvrir le cœur des Pierres?

    Pour qu'elles cèdent!

    Qu'elles aient en horreur leur maître!

    Pour qu'elles aiment au lieu de dominer?

    Où est l'enfant?

    _ Où veux-tu qu'il soit? Il s'amuse dans ton jardin!

    _ Allons le voir! dit la reine avec un sourire."

        L'enfant était dans les voiles de la beauté! Des risées sur l'eau semblaient des cottes de mailles, fines comme de la soie! Le reflet des nuages dessinaient un dragon aux grandes dents blanches et à la queue bleue! A chaque seconde, le paysage changeait, se transformait avec des nuances infinies... Sa majesté, sous le vol calme des oiseaux, ravissait l'enfant... La reine s'adressa à lui: "Tu le sais, tu ne peux rester ici indéfiniment! Ta place est parmi les Pierres! Tu as besoin d'elles malgré tout, car tu ne peux exister sans exprimer ce que tu vois! Ton être ou ta conscience doivent se défendre, sinon tu t'étioleras et tu seras écrasé!

        _ Oui et ce que je vois ici, c'est un don, un amour infini! C'est le jour et le repos, quand les Pierres sont dans la nuit et l'agitation! Mais, ô ma reine, elles n'écoutent pas!

        _ Je sais... Mais les événements, qu'elles provoquent elles-mêmes, devraient les conduire à réfléchir..."

        L'enfant opina et repartit pour le monde des Pierres... La haine, la hargne étaient visibles chez les premières qu'il rencontra... L'enfant commença à suer: "Et voilà! Les difficultés reviennent! Chacune est prête à exploser! veut vaincre, avoir raison! Je vais prendre ma gourde à Respect, qui m'a été donnée par la reine, et je vais en verser quelques gouttes à chaque fois, tout en gardant le sourire! Ainsi, la lumière se répandra! L'amour sera semé!"

         Ainsi allait l'Enfant, parmi les dents et les visages mornes!

  • La fée Lumière

    La fee

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Les beaux jours étaient terminés

    Des pluies froides battaient la ville

    Les pierres avançaient la tête basse

    Les nouvelles étaient mauvaises

    On disait que le dieu Argent

    Se révoltait au Nord

    Qu'il réunissait des troupes

    Et qu'il marcherait bientôt sur la ville!

    Les cœurs étaient serrés

    Par l'inquiétude

    On comptait ses sous

    On se privait

    On regardait l'autre avec colère

    On était sans espoir

    On avait une impression de ténèbres

    De couloir sans fin

    D'une vie mécanique

    Où la joie était absente!

    On recommençait les mêmes choses!

    On avait les mêmes craintes

    Les mêmes discours!

    Comme un malade délire!

    Il fallait tenir

    Certains se livraient à des fêtes

    On les haïssait!

    On eût voulu de l'espoir

    Un vent frais

    Et non de l'ivresse!

    Du tapage!

    Les vols augmentaient!

    Des jeunes, venus du Sud, étaient sans vergogne!

    Aux abois

    Avaient toutes les audaces!

    Ne respectaient rien!

    Se moquaient de tout!

    Cela présageait d'autres catastrophes

    Comme le ciel qui était de plus en plus noir!

    La haine gagnait du terrain

    Elle se comprimait

    Telle une vague avant de déferler!

    Il y avait des gémissements

    Dans les coins obscurs

    Des mains tendus

    Des supplications muettes!

    Le dieu Argent savait tout cela!

    Il pouvait compter sur ses partisans

    Qui attisaient la violence

    Demandaient des milices

    Des jugements sommaires!

    La maladie n'avait pas non plus quitter la ville

    On portait encore le masque!

    On pensait aux morts d'hier

    D'aucuns disaient que "ça" allait repartir

    L'ambiance restait morne

    La drogue et l'alcool étaient les seules fenêtres!

    Pourtant, la fée Lumière s'apprêtait comme chaque matin!

    Il y eut d'abord une légère lueur bleue

    Dans laquelle, pour se réchauffer,

    Les pigeons de la ville volèrent,

    En groupe, les ailes bien écartées,

    Dessinant un ballet plein de grâce!

    Puis, des châteaux de nuage s'enflammèrent!

    Leurs donjons prirent une couleur orange!

    Enfin, la fée Lumière se jeta sur la ville!

    Illuminant les murs

    Réchauffant les corps

    Jetant dans les arbres mouillés mille petites flammes!

    La féerie était partout!

    Mais les pierres ne la voyaient pas!

    Y demeuraient insensibles!

    Certaines crachaient!

    La nervosité régnait!

    On se préparait à recevoir le dieu Argent!

    On était dur,

    A son affaire!

    On avait l'œil comme un silex!

    La peur était là, oppressante,

    Bien qu'inavouée!

    On voulait plaire au dieu Argent!

    Qu'il soit favorable!

    On rêvait de force, de grandeur!

    On rageait après une puissance perdue!

    La fée Lumière reposait...

    Ses nuages avançaient tranquilles!

    Dans du ciel bleu...

    Des rayons paraient les taudis

    Les logements sombres

    Où les pierres tournent en rond!

    Elles n'étaient pas heureuses!

    Que ne regardaient-elles pas le ciel?

    Que ne s'inspiraient-elles pas de la paix des nuages?

    Que ne remerciaient-elles pas la fée Lumière?

    Mais elles parlaient de catastrophes!

    Elles donnaient des chiffres!

    Elles ne comprenaient pas sœur Beauté!

    Elle seule pourtant aurait pu les apaiser!

    Mais la pierre voulait se dresser!

    L'enfant contemplait une grappe de rosée

    Sur une toile d 'araignée

    Il trouvait tout merveilleux!

    Il admirait!

    Il faisait: oh! devant sœur Beauté

    Tout l'enchantait!

    La couleur des feuilles

    Leur luisance, leur mollesse à cause de l'humidité

    Il voyait cela sur le trottoir!

    C'était un tapis pour les rois!

    Il rêvait et la fée Lumière l'aimait!

    Elle lui dit: "Va vers les pierres!

    Dis leur combien je les aime moi aussi,

    Car tu sais combien c'est magnifique!"

    L'enfant alla vers les pierres...

    Il leur dit: "Regardez sœur Beauté!

    Regarde fée Lumière!

    Une infinie magie nous entoure!

    De quoi pourrions-nous avoir peur?"

    Les pierres haussèrent les épaules!

    "Tu vois bien qu'on a autre chose à faire, non?

    _ Ah bon? Mais vous n'êtes pas heureuses!

    _ Non, parce que la vie est dure! Il faut gagner son pain!

    _ C'est vous qui faites la vie dure! J'ai votre solution!

    _ Ah ouais?

    _ Oui, aimons-nous les uns les autres!

    Ainsi, nous serons solidaires! Personne n'aura faim ou froid!"

    Ils rirent!

    Quelqu'un rota

    Puis, ils parlèrent politique!

    Si ça allait mal, c'était à cause du gouvernement!

    Il fallait diriger comme ceci, changer cela!

    Alors l'enfant vit qu'elles ne voulaient pas la beauté

    Et que le bien les ennuyait!

    Ce qu'elles voulaient, c'était se faire valoir, jouer des muscles,

    Etre plus importantes que l'autre!

    L'enfant s'échappa de la ville

    Il était presque en larmes

    Il se calma devant un vieux chêne

    La fée Lumière était là, tranquille

    "Il ne t'aime pas! dit l'enfant.

    _ Je sais! mais toi, tu es heureux!

    _ Tu es ma joie! Mon extraordinaire joie!"

    Ainsi va l'enfant parmi les pierres!

    Libre, léger, plein de forces

    Grâce à la fée Lumière

    Et les pierres disent: "Qui c'est celui-là qui est joyeux, léger?"

    Et certains le haïssent et veulent le voir tomber!

    Mais plus rien ne fait peur à l'enfant!

    Comment pourrait-il en être autrement?

    Le dieu Argent est dans la ville,

    Mais la fée Lumière le traverse!

  • Le Maître

    Le maitre

     

     

     

     

     

           

                                                           

     

     

     

    Je te parlerai du Maître!

    Du Maître de toutes choses!

    Je te parlerai du Maître,

    Car ce n'est pas un maître ordinaire!

    C'est un maître d'amour!

    Peut-on être un maître d'amour?

    Peut-on aimer et être le maître?

    Dieu est le maître,

    Car il a créé tout ce que tu vois!

    Mais il est un maître d'amour!

    Et ce qu'il veut, ce n'est ni ta soumission,

    Ni tes efforts,

    Ni ta peine,

    Ni même ton adoration!

    C'est que tu sois heureux!

    Que tu sois entièrement, pleinement!

    Joyeux et rayonnant!

    Que tu t'aimes

    Dans la joie

    Tellement que tu aimes alors tout le monde

    Et dieu et toute sa création!

    C'est cela l'amour!

    C'est la lumière qui illumine toute chose!

    L'enfant comprend cela!

    Il s'en rend compte

    Et il dit: "Ce n'est pas possible!

    C'est incroyable!

    C'est un miracle!"

    Et le mystère de l'amour de Dieu

    Commence à peine à lui être visible!

    Mais l'enfant voit bien qu'il est libre  

    Et qu'il atteint un bonheur inespéré!

    Simplement parce qu'il a gardé un cœur simple, aimant!

    Le miracle est là pourtant!

    La gratuité,

    Le don sans limites de Dieu

    Existe!

    Autant dire que le paradis est présent sur Terre!

    Il est dans la majesté

    Et le charme infini de la beauté!

    Il suffit de regarder les femmes et le ciel!

    Alors être heureux est possible

    Dans cette relation intime avec Dieu!

    Il est le père avec l'enfant!

    Il ne veut que son bonheur!

    Avec Dieu,

    Il n'est seulement question que d'amour!

    Et c'est un mystère!

    Car l'amour n'ampute ni celui qui aime,

    Ni celui qui est aimé!

    Mais l'enfant paraît étrange à la société

    Et je vais dire au monde des pierres!

    L'enfant est un sujet d'étonnement!

    Une bizarrerie!

    Qui suscite selon de la haine,

    Ou de la curiosité, ou de l'admiration!

    En tout cas, l'enfant surprend!

    Il apparaît fort, libre,

    Léger, heureux!

    Alor qu'autour tout est gris,

    Amer, terrifiant!

    Sans joie!

    Et je vais t'expliquer pourquoi!

    Les pierres ont un autre maître!

    Ce n'est pas Satan,

    Le diable n'existe pas!

    Non, le maître des pierres

    Vient de la domination animale!

    Il la prolonge, la continue tout simplement!

    Si tu veux connaître le dieu des pierres,

    Observe l'animal!

    Il chasse tout le monde de son territoire,

    Il triomphe sur les plus faibles,

    Il règne pour survivre et se reproduire!

    Ainsi est le dieu des pierres!

    Il veut le sacre de soi!

    Sa réussite!

    Sa domination!

    Rien à voir avec l'amour donc!

    Rien à voir avec Dieu donc!

    Mais Dieu est essentiellement évolution!

    Connaissance!

    L'amour est comme un arbre qui grandit,

    Vers la lumière,

    Et qui donne tous ses fruits,

    Car le voilà capable de les porter!

    Ainsi l'arbre a une histoire!

    Mais le dieu des pierres refusent de grandir!

    Il reste dans la domination!

    Au stade animal!

    Il ne profite pas de la conscience!

    Il n'en veut pas vraiment!

    Il dit qu'elle est un accident!

    Une chose étrange!

    Incompréhensible!

    Insondable!

    Mais tu vas voir quel dieu est celui des pierres!

    Car on peut lui donner un autre nom:

    Il s'appelle encore Orgueil!

    C'est un dieu terrible,

    Cruel,

    Atroce!

    D'abord, il t'impose d'avoir toujours raison!

    D'avoir toujours le dernier mot!

    Ben dame, il manquerait plus que tu paraisses inférieur!

    Ignorant!

    Petit!

    Le dieu orgueil surveille tout!

    Il ne faut pas que la moindre mèche dépasse!

    Qu'il y ait la moindre erreur!

    Ben dame, que vont penser les gens?

    Le dieu orgueil épuise, rend esclave!

    Il contrôle tout!

    Ne pas montrer qu'on a besoin!

    Qu'on a de la peine!

    Qu'on ne sait pas!

    Qu'on veut tout simplement!

    Il tue à la tâche!

    D'autant qu'il murmure: "Tu es seul! Le ciel est vide!"

    Alors comment la vie ne pourrait-elle pas être terrifiante,

    Amère?

    Pourtant, l'enfant témoigne!

    "La beauté est partout! chante-t-il.

    "La lumière existe!

    Le bonheur est possible!

    N'ayez pas peur!

    C'est l'amour roi!

    L'amour triomphant!

    Personne n'y perd!

    Tout est possible à l'infini!"

    Ainsi témoigne l'enfant!

    Mais les pierres sont hautaines et dures!

    Elles font peur et elles ont peur!

    Ben dame, elles sont libres

    Et pourtant aimées,

    Mais elles ne veulent pas le croire!