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L'ego et la lumière
- Le 26/08/2023
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"Non mais, je rêve! Le Plouc enlisé dans le fech-fech! Il y a tout un désert autour et une seule nappe de fech-fech... et il faut que le Plouc aille dedans! C'est plus fort que lui!"
100 000 dollars au soleil
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Les egos sont en vacances ! Grande étape ! Merveilleux moment ! durement gagné ! C’est la sonnerie de la récréation ! l’opium du peuple ! (Le peuple qui, comme chacun le sait, est manipulé par le gouvernement, les riches, les profiteurs et… et les Vénusiens ! Mais attention, c’est top secret !) Donc, les vacanciers soufflent et réclament ce droit, loin de la bêtise du monde, pensent-ils, puisqu’ils échappent enfin à leur quotidien !
Et que font-ils ? Mais ils s’amassent sur un terrain de camping, face à un cadre idyllique, de sorte que leur installation ressemble à un bidon ville ! Pan ! Ça, c’est un coup entre les dents de la reine Beauté ! elle, qui voudrait une attention quasi religieuse, pour la comprendre ! elle, qui est un trésor infini, qui a le secret de la paix des hommes ! Mais, ce premier direct va être suivi de beaucoup d’autres, car, malheureusement, les vacances peuvent se résumer à un combat de boxe, entre les estivants et le paysage !
Que dit ce dernier ? Mais : « Regarde ma majesté ! Vois la puissance du soleil ! Considère la vieillesse de mes rochers érodés ! Sens la finesse de mes plages, la délicatesse de mes vaguelettes ! Respire l’immensité du ciel, détends-toi ! Rêve devant mes algues qui ondoient ! Joue avec mes coquillages, le crabe, sans le brusquer ! Observe les changements de l’eau, comment elle s’assombrit au passage du nuage, elle se transforme en un miroir, à l’abri du vent ! Laisse libre cours à ta mélancolie, au couchant, car la vie est plus vaste que toi et elle a son mystère ! Le temps, ici, peut t’apaiser ! »
Voilà de vraies vacances, quand le paysage délasse les hommes de leur propre tourbillon, de leur avidité, de leur rancœur ! Mais comment se comporte le vacancier, une fois qu’il a posé ses valises ou sa caravane ? Voyons, il transporte la ville avec lui ! Il la reproduit partout où il met le pied ! Il n’arrive pas à s’en détacher et comme on le voit entre les magasins, il est au bord de la mer ! Il circule d’abord pour se faire voir et vlan ! un uppercut vient frapper la reine Beauté, qui se retrouve à chercher sa respiration dans les cordes ! Le paysage est secondaire ! Ce qui compte, c’est comme toujours le nombril de l’individu ! sa parade ! Même les mouettes querelleuses sont battues ! En été, elles ne sont plus que spectatrices, sidérées !
Ici, une famille Cro-Magnon attend, d’une manière hostile, qu’on quitte son territoire ! Là, un emballage plastique est jeté nonchalamment d’une camionnette ! Le cirque commence ! Des cris viennent de la plage, où des ados muent ! Il faut s’y faire… Mais plus loin, ça se corse ! Au bout du sentier côtier, on affronte un regard de haine ! De quoi s’agit-il ? Un camping car s’y est installé, avec un auvent et on sent vaguement une odeur de cuisine ! Le véhicule pourrait très bien finir par vendre des frites ou se transformer en bazar du genre « T’y trouves tout » ! Le regard haineux du propriétaire s’explique : il est là comme chez lui et nul ne doit contester ce fait ! C’est la détente, la bonhomie des vacances ! Son altruisme rayonnant ! Mais faisons un pas de plus vers le pire…
En plein milieu du chemin, pour continuer à suivre la côte (cette merveille de la nature, rappelez-vous !), il y a deux chiens, tels des sphinx, c’est-à-dire qu’ils montent la garde et que pour passer, il ne faut surtout pas les effrayer, comme si on pénétrait un terrain privé ! Derrière, en effet, un couple joue au palet et on se demande comment ne pas compter les points, puisqu’il bloque le parcours ! Mais là encore, c’est l’ego qui veut montrer son importance, par l’occupation du sol !
On échappe malgré tout à ces gens éminemment sympathiques, qui respectent les autres, et on arrive dans une presque-île, où des femmes se promènent, exhibant leur toilette, dans l’attente d’hommages et de rencontres ! Certaines font plus, sans pudeur, et prennent des poses qui mettent en valeur leur silhouette et même leurs fesses, ce qui est plus explicite ! Par delà, la mer et le ciel, mais aussi la lande, s’agitent avec de grands signes, l’air de dire : « Mais on est là bon sang ! Regardez-nous ! » C’est peine perdue, car on se croirait plutôt en plein centre-ville, un samedi après-midi, quand la séduction règne ! La nature, pour le coup, vient de recevoir un échange gauche droite qui l’a minée ! Elle a maintenant une sale tête grise !
Pourtant, ce n’est pas le fond, la lie… et comme le couchant approche, ce moment carte postale, on voit des jeunes boire sur une éminence et ils lèvent bien haut leurs bouteilles, n’éprouvant apparemment aucune gêne ! Au contraire, quand on s’attarde un peu sur eux, ils affichent un visage dur et ils nous défient de venir leur faire la leçon, car ils seraient heureux de libérer toute leur agressivité ! Il s’ensuivrait un débat houleux, sur la liberté, l’oppression causée par la société et il faudrait entendre que le monde est pourri ! Dans le meilleur des cas, on aurait à répondre que non, en tapotant sur le dos du garçon, avec des « Allons, allons ! »
A côté, d’autres jeunes ont pris possession d’un gros rocher : ils sont là debout, guettant l’intrus ! Il ne leur manque plus que le fusil ! Mais il y en a, plus malins, qui font savoir qu’ils ont plus de privilèges, qu’ils sont plus riches, moins grossiers et ils attirent l’attention du haut de leur balcon ! Eh oui, une villa, même si elle plus en retrait, c’est quand même moins rugueux qu’un bloc de granit ! Bref, la reine Beauté est au tapis et l’arbitre commence à compter : « Un, deux, trois… huit, neuf, dix ! » Elle est KO ! L’ego est le champion ! Le seul moment où il pourrait en apprendre sur lui-même, d’une manière intelligente, en admirant plus grand que lui, se révèle un échec ! L’ego garde sa ceinture de la bêtise !
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Nous sommes les egos ! Go, go ! Nous allons au boulot ! Go, go ! Faut bien vivre ! Faut bien suivre ! sur cette planète perdue dans l’espace ! Que nulle tête ne dépasse ! Nous sommes les egos ! Go, go ! Nous allons au boulot ! Go, go !
Nous sommes des titans ! Nous défions le temps ! Nous avons la politique, comme un chien a des tiques ! Le gouvernement nous ment, c’est dément, alarmant ! Nous crions pour rester debout ! pour pas mettre les bouts ! Nous vociférons, car le diable, c’est Macron !
Nous sommes les egos ! Go, go ! Nous allons au boulot ! Go, go ! Ce sont les vacances ! Quelle chance ! Car nous avons plein de problèmes, en dehors des matins blêmes ! Nous luttons pour l’eau, en disant : « Allo ! Allo ! » Au royaume des Francs, tout est incohérent ! Pour la liberté, il faut le pouvoir à l’échafaud !
Nous sommes les egos ! Go ! go ! Nous allons au boulot ! Go ! go ! Milliards de nombrils, toujours sur le gril ! Nuée de sauterelles, sans cervelle ! Dévorons, grognons, haïssons ! Nul nous f’ra la leçon ! Le respect, la patience, la paix, le silence ? La beauté, l’humilité, la confiance ? L’amour de l’enfant ? Graoumf, de tout effort on s’défend !
Nous sommes les egos ! Go, go ! Nous allons au boulot ! Go ! Go ! Nous piétinons, en criant : »Non ! Non ! » Nous voulons la justice, mais nos dols sont factices ! Et l’œil d’or du pigeon ? Et la toile d’araignée qui brille ? Mais c’est que nous rageons ! On nous prend pour des billes ! Quoi ? Le roi et la reine, c’est nous ! Le reste à genoux !
Nous sommes les egos ! Go ! go ! Nous allons au boulot ! Go ! go ! Au pays des tops ! Au pays des taupes ! Nous aimons not’ porcherie et nos groins derniers cris ! Tu bavasses, il bavasse…, vous bavassez, ils bavassent ! A la chaîne les thèmes ! Tapons sur le système ! Et la fleur et le ruisseau ? Non, mais tu nous vois comme des sots ! C’est ça l’injure suprême ! C’est nous de l’Univers la crème !
Nous sommes les egos ! Go, go ! Nous allons au boulot ! Go ! Go ! Acheter ! Acheter ! Magasins zinzins ! Broute route ! Broute route ! Béton égale tétons ! Sexe au complexe ! Agent, argent ! Rien ne vaut notre orgueil ! C’est pour ça qu’on gueule ! Et l’autre ? Quel autre ? Avec l’abîme en prime ! On est en prison et on voit pas la raison ! Jamais contents, sale temps !
Nous sommes les abrutis, avec nos appétits ! Et les nuages ? Plutôt le carnage ! Et notre gravité, not’ sérieux ? C’est vieux et l’amour-propre irrité ! Nul don ! Nul sacrifice ! Nul renoncement ! Nul amour ! (C’est pour les anoures!) Nulle grandeur ! Nul pardon ! Dans not’ boîte à chaussures ! Mais la haine, le bruit, l’avidité, l’égoïsme, ça c’est sûr ! La sournoiserie, le mépris, ça c’est mûr ! Seule la mort nous délivre ! Seule la mort nous fait moins pitres !
Nous sommes les egos ! Go ! go ! Nous allons au boulot ! Go ! go ! Et nous voilà bien à plaindre, avec nos maladies ! Et nous voilà bien à plaindre avec nos non-dits ! Parkinson, Alzheimer, cancer, schizophrénie ! Que de souffrance qu’on nie ! Car toujours le culte de soi, la haine courent derrière, comme sous la soie ! Et nous voilà bien à plaindre avec nos mensonges et nos pauvres songes ! Et nous voilà dans la nuit, maudissant notre ennui ! Mais rien ne vaut l’orgueil et c’est pour ça qu’on gueule !
Nous sommes les egos ! Go ! go ! Nous allons au boulot ! Go ! go ! Et le chant de la pluie ? Et l’épi mûr ? Et la rosée dans l’herbe ? Et le vent et le silence ? Et l’oubli ? Et l’espoir ? Et la pierre qui craque au soleil ? Et la mer glauque et froide ? Mais nous disons : « Rien ne va plus ! Faites vos jeux ! » C’est la prison du je ! Rengaine du nombril, jamais rassasié ! Malheur de l’ego sans pitié ! Fatigue, esclavage, maladie, c’est notre joug ! Où est l’enfant qui joue ? Où est l’innocence ? Pas dans nos ersatz de sens ! Perdus, nous réclamons notre dû !
Nous sommes les egos ! des héros et des zéros ! Go ! go ! Nous ne cherchons pas ! Nous avons peur… à chaque pas ! du ridicule surtout ! Et nous voilà bien à plaindre avec toute notre violence, nos meurtres, nos viols, notre destruction, notre folie ! Ah ! Mais changer, ça non ! C’est pas moi, c’est lui ! Ah ! Mais changer, ça non ! Ouvrir son cœur, devenir une fleur ! Être doux avec les fous ! Rire de sa haine, aimer même le méchant ! Être grand, être immense dans le chant ! Ne pas gagner, ni triompher, mais aimer encore et encore ! Voilà l’aventure, loin des durs ! Voilà le chant immense ! Voilà que tout commence !
Mais nous sommes les égos ! Go ! go ! Nous allons au boulot ! Go ! go ! Rien ne vaut notre orgueil et c’est notre deuil !
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A est un ego de première classe ! C’est un décideur, un notable ! Il n’est pas riche cependant et n’est même pas issu de la bourgeoisie ! Il s’est élevé quasiment seul, a fondé une famille et s’est engagé politiquement ! Il a un idéal en ce qui concerne la société, la justice, la droiture ! Il a une vision qu’il veut faire partager, ce qui passe par rendre service à l’autre, pas seulement personnellement, mais encore en aménageant la cité !
A se voit donc comme quelqu’un de responsable et d’utile, même s’il a une étiquette politique, ce qui lui suscite bien entendu des adversaires ! D’ailleurs, d’un point de vue catholique, A est en accord avec l’Évangile, puisqu’il est de droite (loin des rouges athées!), père de famille, qu’il va à la messe et essaie de faire le bien !
Aussi est-ce ce portrait « flatteur » que A présente dans la presse, où il est apparaît tel un bienfaiteur modeste, mais déterminé et qui ma foi a conservé des goûts simples, en rapport avec son origine paysanne ! Pour résumer, on a donc un homme d’abord préoccupé par le bonheur de ses enfants, par conséquent dépourvu d’ambitions, et qui se soucie plus de ses concitoyens que de lui-même ; ses détracteurs étant caractérisés par leur manque de rigueur budgétaire et leur amour du désordre !
En France, la scission, la fracture entre la droite héritière de la noblesse et du clergé et la gauche née de la révolte du peuple, sans oublier la violence des sans-culottes, semble irrémédiable ! Et pourtant nous provenons tous du même moule, à savoir du règne animal, ce qui veut dire que notre comportement tend toujours à la domination, quels que soient notre couleur politique ou notre sexe ! Se croire sans égoïsme, seulement altruiste, au service de la justice, vient d’une hypocrisie foncière ou d’une cécité produite justement par le bouillonnement des appétits ; l’ego de droite maîtrisant mieux sa fureur !
Cependant, la société vit sans doute grâce à son vernis et son fonctionnement doit être huilé ! S’il fallait à chaque fois, pour n’importe quelle démarche, en venir au fond, toucher à des vérités qui gênent, on n’en sortirait pas et ce serait même par trop épuisant ! Nous nous contentons donc d’obtenir des résultats et laissons ce qui fâche à l’intérieur de nous-mêmes, mais ainsi le malentendu demeure, le malaise aussi jusqu’à la prochaine crise ! Par exemple, la foi reste inacceptable pour la gauche, tant que des gens comme A, somme toute dans l’aisance, en témoignent ! Pour se réconcilier le pauvre, le croyant doit lui-même être pauvre, ce qui veut dire surtout qu’il est rejeté et méprisé, comme Jésus l’a été par le clergé de son temps !
A ne peut donc pas réparer la fracture entre la droite et la gauche, latente dans notre société ! Au contraire, il l’entretient par son mépris à l’égard du camp adverse, qu’il voit comme irresponsable, sale, braillard, etc. ! De même, A ne comprend pas pourquoi il devrait respecter la nature, car il voit la beauté comme accessoire et en effet, celle-ci ne sert pas ses ambitions et même paraît les ralentir ! A côtoie la beauté seulement le dimanche, quand il se promène en famille, et après avoir dit : « C’est beau ! » et respiré un bon coup, il revient rapidement à ses projets, c’est-à-dire à l’extension de sa ville, ce qui entraîne toujours plus de routes et de béton !
La gauche ne fait pas mieux de ce côté, bien qu’elle lutte contre l’inaction climatique du gouvernement ! Mais elle voit toujours la nature sous l’angle de son exploitation et pour elle il faut une transition écologique, surtout parce que celle-ci dérange les gros pollueurs, les riches ! C’est encore une manière d’attaquer le pouvoir, afin de l’obtenir, car pas plus que l’homme de droite, l’homme de gauche est capable d’admirer la nature et donc de calmer son égoïsme ! L’illusion, donnée par la haine, est de se persuader que seul le capitaliste est coupable, comme si soi-même on était né dans un chou, échappant à la domination animale ! Pour sauver la planète, il ne suffit pas de diminuer le taux de CO2 ! Il faut encore la regarder autrement, l’aimer dans le sens où la beauté nous apporte la paix, ce qui nous conduit à nous affranchir de notre ego !
Toujours est-il que, partout où il se trouve, A cherche à être le centre d’intérêt : il a réussi et il connaît les arcanes du pouvoir ! Il fait partie de l’élite ou peu s’en faut, et il tient à ce qu’on le sache ! Il n’est pas rare que A s’efforce de captiver son auditoire par de bons mots ou des anecdotes ! Ainsi A ne sépare aucunement son travail de la satisfaction de son orgueil et il serait bien étonné, si on essayait de le faire ! Pour lui, la réussite sociale est parfaitement naturelle et c’est aussi le point de vue de l’Église, qui voit A comme un gardien de sa morale ! Mais l’Évangile nous enseigne bien autre chose, notamment que la foi est une histoire d’amour, de confiance et que celle-ci tend donc à diminuer notre haine ! Or, cela n’est possible que si nous abandonnons notre orgueil ! S’en nourrir ne peut que mener au déchaînement, quand il est contrarié ! On parle alors d’insulte, de scandale et on rêve de vengeance !
Ce même comportement se retrouve chez la gauche, qui semble toujours à cran ! Cela vient de son sentiment qu’elle n’a jamais le pouvoir et qu’elle est exploitée ! Même quand elle gouverne, elle se dit victime d’une puissance supérieure, comme la finance internationale ! Cette rage, contre des forces obscures, s’explique par la soif de tout contrôler et par la peur de ne pouvoir y parvenir ! Mais, alors que A bénéficie de la caution de la religion, la gauche utilise celle du pauvre : ce n’est pas pour elle qu’elle combat, mais pour les plus démunis, les plus faibles ! A ce compte-là, il lui est également impossible de distinguer son orgueil de sa lutte politique et donc d’en prendre la mesure ! Ainsi, ni la gauche ni la droite ne peuvent sauver la planète ! Car, rappelons-le, c’est la beauté qui nous ouvrira le futur, à condition que notre ego reste sur le bord de la route !
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Comment regarder la nature ? Jésus dès le début dit : « Vous voyez ce lys ? Eh bien, moi, je vous dis que Salomon dans toute sa gloire n’a jamais eu un tel éclat ! » Puis, Jésus rajoute aussitôt : « Aussi je vous dis : ne vous tourmentez pas pour votre nourriture ou votre habillement ! Car votre père qui est là-haut sait de quoi vous avez besoin ! Mais préoccupez-vous plutôt de votre esprit et de votre amour pour Dieu ! »
Jésus établit une relation logique entre la beauté de la nature, qui est sans égale, et la foi ! En effet, la beauté nous enseigne que Dieu nous aime à l’infini et que sa générosité est sans bornes, puisque dans une simple fleur, que nul n’a fait pousser et qu’on peut trouver par milliers, il y a plus de splendeur que l’homme sera capable d’imaginer ! La beauté de la nature constitue une preuve, une base, à laquelle d’ailleurs revient souvent Jésus pour se détendre, se ressourcer !
Certes, la nature est matérielle, les plantes et les animaux s’y livrent une lutte sans merci et nous sommes bien obligés de l’exploiter, pour survivre, mais plus nous l’admirons et plus nous pouvons avoir une idée de Dieu et l’aimer ! La beauté de la nature devrait nous tranquilliser, car que nous sommes chez nous est son message ! Heureux celui qui s’émerveille devant la nature et on comprend quelle tragédie apparaît quand nous sommes coupés d’elle et de son réconfort !
C’est pourtant ce désastre (le mot n’est pas trop fort!) que nous subissons aujourd’hui, notamment avec le réchauffement climatique, qui nous rend la nature hostile, tout en menaçant notre avenir ! C’est là le résultat d’une longue usure, d’un piétinement inexorable dû à l’ego ! Ce n’est pas le fait d’une population mondiale toujours plus grande et qui a donc des besoins toujours plus nombreux ! Le principal responsable est notre égoïsme !
Mais encore faut-il le distinguer ! Revenons cependant un peu en arrière… L’évolution est fondamentalement une individualisation, puisque les organismes y deviennent de plus en plus complexes, et cela veut dire, pour nous les hommes, que nous cherchons naturellement à nous développer et à conquérir notre liberté ! Ainsi nous prenons conscience de notre personnalité, ce qui nous conduit à combattre toute entrave, même si nous acceptons les lois qui nous permettent de vivre ensemble ! C’est ce qui fait notre humanisme, le respect de soi et des autres !
Nous nous opposons donc tôt ou tard à tous ceux qui nous disent comment penser et la religion a vu ses dogmes contestés et son influence quasiment réduite à néant ! Ce qui nous a éclairés et soutenus dans cette quête, c’est la raison, l’objectivité et par conséquent les progrès de la science ! Comme la beauté est considérée comme subjective, elle échappe au champ de la science, qui la range tel un ornement, une chose secondaire, un plaisir annexe ! Pire, le freudisme notamment soutient que l’artiste, en s’attachant à la beauté, ne le fait que par impuissance, pour y rechercher un substitut à sa pulsion sexuelle ! L’attrait pour la beauté serait alors maladif, produit par la névrose !
Tout ce travail de sape, qui était apparemment nécessaire, nous a séparés de la beauté de la nature et a rendu muet son message, à savoir que nous sommes aimés et que nous pouvons en être en paix ! Nous voilà des êtres inquiets, tourmentés, hagards, sans but et de plus en plus violents et désespérés ! Ceux qui se font encore les chantres de la raison sont aveugles et naïfs, d’autant que nos origines se perdent dans le vague ! Notre seule bouée de sauvetage, c’est notre égoïsme ou notre ego ! C’est faire tourner le monde autour de nous, comme s’il était nôtre ! Ainsi s’expliquent tous les replis sur soi et tous les acharnements, même intellectuels ! Ainsi l’anonymat devient odieux et provoque la haine ! Ainsi l’échec est intolérable et l’orgueil notre dieu !
Pour nous rassurer, nous nous regroupons dans les villes et dévorons la campagne ! Il nous faut la puissance et nous saccageons notre planète ! Nous l’exploitons outre-mesure, pour ne pas en perdre une miette ! C’est que notre ego est insatiable ! Pensez donc : il nous faut la plus grosse voiture, la maison la plus grande, la meilleure position sociale, etc. ! Notre salut est notre réussite, notre supériorité ! Cela donne une foire d’empoigne de plus en plus dure ! Nous sommes incapables de renoncer et d’en sourire ! Nous voilà comptables haineux, à des années-lumière de la beauté et nous n’en finissons pas de rouler la nature, comme un vieux tapis qui gêne !
Nous avons perdu la clé de notre innocence, de notre légèreté, de notre confiance, alors que nous pouvons la retrouver dans l’émerveillement et l’humilité ! L’enfant qui est en nous ne demande qu’à croire, qu’à aimer et il voudrait s’enchanter, mais notre triste ego est son bourreau !
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L’ego et la lumière discutent… L’ego est très agité : « Je ne sais pas comment tu peux rester aussi calme ! dit-il.
_ Bof ! répond la lumière, qui coupe ses ongles.
_ Comment ça, bof ? Mais… mais tu te rends pas du tout compte de ce qui se passe !
_ Qu’est-ce qui s’ passe ?
_ Mais c’est pas vrai ! C’est pas vrai ! La… la canicule ! Et si on commençait par ça !
_ T’as raison, ça c’est dur ! Mais que veux-tu qu’on y fasse ? Va falloir s’adapter, comme on dit...
_ Mais… mais il faut lutter contre l’inaction climatique, attaquer les gros pollueurs ! Faut qu’ ça bouge, qu’ ça change ! Ça peut pas continuer comme ça ! On étouffe, on manque d’eau !
_ Qu’est-ce que tu vas faire ? Monter à Paris pour brûler des palettes et casser des magasins ? Tu f’rais mieux de t’assurer que tu tries bien toi-même tes déchets, que t’as bien compris à quoi sert le vrac et que tu l’utilises au mieux ! Puis, y a sûrement des ruisseaux à débroussailler dans l’ coin ! Si tu les éclaircis, tu favorises la vie ! Un point pour toi ! Évidemment, t’auras le front en sueur, c’est du taf !
_ Mais de quoi tu parles ? Moi, je pense aux grosses cheminées ! T’en as déjà vues, j’ suppose ! Hein, celles qui fument à grosses volutes sans s’arrêter ! Et les exploiteurs, les requins de toutes sortes ! Ceux qui accaparent l’eau, qui détruisent les sols, pour le gaz de schiste notamment ! Hein, t’es quand même au courant, dans ta bulle ! Y a quand même du courrier qui arrive à ton château du bois dormant ! Ce sont ces méchants, ces chevaliers noirs, si ça peut t’aider, qu’il faut combattre ! Le dragon du mal est toujours au fond de la grotte !
_ Méfie-toi, t’es au bord de l’apoplexie ! J’ voudrais bien croire à ta sincérité, mais j’ peux pas ! D’abord qui vas-tu rendre responsable, contre qui vas-tu crier ? Le gouvernement, j’ me trompe ? Comme s’il était au service des pollueurs, comme si c’était aussi simple, comme si lui-même n’avait pas intérêt à sauver sa propre peau, comme si nous n’étions pas tous embarqués ? Mais la haine t’aveugle ! Et tu sais d’où vient cette haine ? Du sentiment qu’on te manipule, qu’on te méprise ! C’est ton ego qui souffre ! Mets-le en veilleuse et j’ te dirai bienvenu dans le monde réel !
_ Ça y est, encore un sermon !
_ Sais-tu que certains, pour ne pas dire beaucoup, polluent juste par haine ! Ils lâchent dans la nature leur canette ou déversent des immondices, dans un endroit paradisiaque, rien que pour montrer combien ils méprisent le monde qui les entoure ! Parce que, tiens-toi bien, ils estiment qu’on ne s’occupe pas assez d’eux ! Ils sont en colère contre le système, car ils ont l’impression d’être lésés, tout comme toi !
_ Et l’injustice ? Elle existe bien l’injustice ! C’est elle qui m’ révolte !
_ Comment peux-tu espérer être juste, avec un cœur plein de haine ?
_ Mais je t’emmerde, la lumière ! J’ t’emmerde ! T’as pas vu la rentrée ? Mon Dieu, mon Dieu !
_ C’est si grave que ça ?
_ Revoilà Bambi ! Attends, j’ t’énumère ! Les écoles brûlées ! L’INFlation ! La Récesssion ! Le PIB plus bas que la dette ! Les acquis sociaux en berne ! Toujours le président des riches ! Les promesses sur la baisse des impôts, tu r’passeras, mon bonhomme ! Crois-moi, la coupe est pleine ! On est assis sur une bombe, la lumière, sur une bombe ! C’est un scoop ! Prépare-toi !
_ Bof !
_ Bof ? Comment ça, bof ? Ça te suffit pas ? Y a urgence à Malibu, man ! Pin pon ! Pin pon ! Faut sortir du coma ! On est arrivé à l’hôpital !
_ Et si tu commençais par admirer un peu le ciel ! Il était superbe tout à l’heure ! Et puis tu regarderas les oiseaux ! Non, parce que, quand tu vocifères, eux, ils volent ! On est lourd et comme ils sont légers !
_ C’est tout ce que tu trouves à dire ? On est devant un mur et tu déclames un poème ! Moi, je sais où est mon devoir ! Où est-ce que j’ai mis ma 22… ?
_ Ils doivent reprendre une année et ne voient aucune espérance ! Seulement des problèmes ! Et la porte du futur leur est fermée, par le réchauffement ! D’où angoisse ! D’où colère ! S’ils donnaient un véritable sens à leur vie, ils riraient !
_ Mais de qui tu parles ?
_ De toi… et de tout le monde ! Si vous aviez une source d’eau fraîche dans votre esprit, vous resteriez calmes et dispos !
_ J’ suis d’accord ! Faut pas oublier de penser à soi ! « Cultiver son jardin ! », comme disait Volmaître !
_ Donner un sens à la vie, ce n’est pas penser à soi… Mais bon, j’ vais pas encore m’ fatiguer !
_ Non, surtout pas ! Les autres se crèvent pour toi, c’est largement suffisant !
_ Relax ! J’ t’ai déjà dit que tu t’ fais du mal ! Respire ! »
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L'ego et la lumière
- Le 19/08/2023
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"Ah! Ah! ça m' rappelle Saïgon!"
Piège de cristal
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La lumière sort de chez elle, mais l’ego vient lui coller le canon d’une arme dans le dos ! « Pas d’ gestes brusques, la lumière ! dit l’ego. Tu montes gentiment dans cette voiture, sinon j’ t’en loge une dans la colonne et tu passeras le restant de tes jours dans un fauteuil ! Pigé ?
_ Pigé !
_ Alors monte ! »
La voiture démarre, avec la lumière à l’arrière et toujours sous la menace de l’arme de l’ego… « Je suppose qu’il est inutile de vous demander où vous m’emmenez ? dit la lumière.
_ Tu supposes bien ! » répond l’ego.
Le dialogue s’arrête là et la lumière voit qu’on quitte la ville. Il est encore tôt le matin et la campagne apparaît noyée sous la brume ! Puis, on prend la route de la mer et on s’arrête sur un parking non goudronné, où la voiture cahote un peu en écrasant des pierres ! « Terminus ! Tout le monde descend ! s’écrie l’ego, qui fait signe à la lumière de descendre.
_ Tant mieux, je commençais à m’ankyloser… » réplique la lumière.
Dehors, l’air est frais, chargé de la brise marine et des mouettes planent au-dessus ! « Marche devant ! » ordonne l’ego, qui tient toujours son arme et la lumière emprunte un sentier parmi la bruyère. On arrive au sommet d’une falaise et la mer, avec sa frange d’écume, est toute petite en bas !
« Voilà la fin du voyage ! dit l’ego.
_ Tu veux que je fasse le plongeon, c’est ça ? demande la lumière.
_ Hon, hon !
_ Ben, mon vieux, tu doutes pas d’ mes capacités !
_ J’ peux donner le signal du départ, si tu veux, avec du plomb !
_ J’pense que j’ai droit à une explication... »
L’ego soupire, réfléchit, puis lance : « Écoute, je veux que tout reste comme maintenant !
_ C’est-à-dire ?
_ J’ veux qu’ les gens continuent à être égoïstes ! qu’on reste médiocre ! que la gauche hurle contre les profiteurs et que la droite enrage après les étrangers ! J’ veux que les stars caressent toujours leur nombril ! qu’elles racontent qu’elles ont eu une enfance malheureuse ! Etc. !
_ Je commence à comprendre… Rien ne doit changer ! Personne ne va s’améliorer, en se remettant en question ! On n’est pas heureux, on ne sait rien, la violence monte, le monde craque, mais les vraies solutions, on les garde aux oubliettes ! On bouge pas, on serre les dents !
_ Tout juste ! Il faut que j’ pense à mon business ! J’ai ma p’tite place au soleil… Des gens m’apprécient et j’ fais vivre ma famille ! Je paye aussi mes impôts et bref, j’suis normal ! T’entends ça, la lumière, j’suis normal !
_ J’ t’entends, l’ego, j’ t’entends… Mais je ne savais pas qu’ j’ te faisais autant d’effet, surtout que j’ai l’impression de crier dans l’ désert !
_ Oh ! Ne crois pas ça ! Mais tu m’ fais peur, la lumière, alors j’ reste sourd ! Moi, l’ matin, en buvant mon café, je me délecte des mêmes débats creux dans l’ journal ! J’adore le vide ! Il me réconforte ! L’hypocrisie, l’ignorance, ça ne me dégoûte pas du tout, tu sais ! C’est mon paysage, mon marécage, où je joue avec joie les hippopotames !
_ Que la bêtise soit reine, que nul ne fasse l’effort de comprendre l’autre, de se mettre à sa place, pour découvrir la nuance ou l’intelligence, ça ne te soûle pas ? Tu n’es jamais en proie au désespoir ? Chapeau !
_ Si, si, ça m’arrive ! Comme je te l’ai dit, j’ suis normal ! Mais toi, ce que tu voudrais, c’est que je me combatte moi-même, au lieu d’accuser les autres ! Il faudrait que je renonce, que j’ mette un pied dans la piscine froide du sublime…, que j’ change de disque ! Et tout ça au nom de la foi, d’un amour pour quelque chose d’invisible, alors que j’ai commencé à travailler à quinze ans !
_ J’ suis désolé pour toi, l’ego…, mais t’es en train de devenir un vieux con ! Et puis t’es pas heureux, t’es plein de haine et t’as peur ! Belle épitaphe !
_ Peut-être, mais j’aime pas qu’on m’ dérange ! Le monde est égoïste et tu vas pas l’ changer ! Moi, l’ego, j’ veux pas disparaître ! Bon, c’est l’heure de ta prière… T’es en terrain connu, là…
_ Bah, tes enfants sont déjà rattrapés par la gravité ! Ils voient dans quel merdier tu les a mis, toi et ta chère normalité !
_ T’as le choix ! Ou tu pars comme un ange, ou lesté ! »
Mais la lumière n’a pas attendu et elle a sauté sur une arête couverte d’ajoncs ! Les balles sifflent, mais les buissons protègent la lumière. Là-haut, la voiture redémarre et la lumière pense que c’est une drôle de journée qui commence !
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Les egos vivent dans une décharge, qu’ils alimentent eux-mêmes chaque jour ! Soit ils répandent leurs détritus, pour s’amuser et choquer, soit ils les abandonnent dans un coin, en se disant que d’autres s’en chargeront ! Ils laissent encore leurs poubelles ouvertes, ainsi qu’elles seraient des œuvres d’art ou des mangeoires pour les oiseaux ! Dès qu’ils achètent quelque chose, ils s’empressent de déposer sur le trottoir leur ancien matériel et leur nouvel emballage, car ils n’ont pas le temps de s’en occuper et ils remontent chez eux, pressés de jouir de l’objet de leur rêve ! Leurs villes sont de véritables porcheries, où ils se dressent les uns sur le dos des autres, afin de savoir qui est le plus intéressant !
A la campagne, ce n’est guère mieux ! Il y a d’abord sur les routes des engins qui vont à toute vitesse et qui sont conduits par des aveugles, des gens qui ne savent ni où ils sont, ni ce qu’ils font, ni où ils vont ! Ils sont pied au plancher et leurs véhicules essaient d’arracher l’asphalte ! Ils n’ont pas une minute à perdre et on les entend arriver comme des bombes ! Les arbres en frissonnent, d’autant que certaines fois ils sont pris pour cible, quand les conducteurs ratent un des leurs ! On pourrait penser la faune à l’abri dans les champs, mais des tracteurs monstrueux lui donnent la chasse ! Il s’agit de cultiver et de récolter, comme si nous étions en guerre ! Il n’est plus question de regarder, d’admirer le fruit ou la graine, mais on est en plein rendement, avec des bruits de ferraille, dans un nuage de poussière ! Si les pigeons pouvaient téléphoner, ils appelleraient l’hôpital psychiatrique !
Comment tout ça se tient ? Mon Dieu, les égos ont leur tête de Turc, leur coupable ! S’ils souffrent, s’ils ont le sentiment de ne pas en avoir assez, c’est bien entendu la faute du gouvernement ! C’est lui l’incapable, qui nie les évidences ! On lui braille dessus, on le méprise, on le combat pied à pied, car il est corrompu, injuste, antidémocratique et remplace Satan ! Les egos n’en peuvent plus, puisqu’ils ont toutes les solutions et on ne les applique pas ! Ils ne voient pas que les politiques se succèdent et qu’ils en sont toujours mécontents, mais ils croient naïvement à ce qu’on pourrait appeler « le gouvernement baguette magique », autrement dit, dès qu’ils seront au pouvoir, ils construiront un décor de ciel bleu, avec un arc-en-ciel dans des fleurs ! Sans leur bouc-émissaire, les égos s’entre-tueraient probablement, sous l’œil effrayé des moineaux !
Donc, au fond, la société se plaît dans sa fange, bien qu’elle y râle et qu’elle y soit sous le joug de la peur, ce qui la conduit à la haine et à la violence ! On ne la voit pas lasse de sa sinistre ritournelle, malgré l’horizon menaçant, du moment qu’elle accuse ! Ce n’est pas le programme de la lumière ! Celle-ci propose d’abord un émerveillement ! L’ego est invité à découvrir la beauté, qui n’est pas un accessoire, un ornement, mais qui constitue au contraire la base de nos vies conscientes ! Les animaux la perçoivent déjà à leur manière, liée à leur bien-être et au sentiment de leur force, mais il appartient à l’homme de lui donner toute sa place et surtout de comprendre son message !
Car, si on sait la regarder, la beauté nous dit que nous sommes aimés infiniment, puisqu’elle est elle-même sans limites ! Pour le cœur simple et aimant, nous sommes ici, sur Terre, chez nous et nous pouvons avoir la confiance de l’enfant, à l’égard de ce que nous appelons Dieu ! C’est cette innocence, cette foi qui nous permet de nous délivrer de l’ego, comme un insecte mue en devenant une imago ! La beauté est la clé de l’amour de Dieu, qui lui-même est la grande découverte de la conscience ! Minimiser la beauté, la mépriser, l’ignorer maintient dans le chemin de souffrance de l’ego ! C’est elle qui donne confiance, nullement la religion, hélas !
Il est normal que l’homme cherche à diffuser les messages de sagesse divine, mais il élabore alors des règles, des rites, des dogmes, qui empêchent la liberté et le développement des individus ! La religion est donc normalement combattue et son influence réduite à néant et il n’y aura pas de retour en arrière ! La foi ne doit pas s’appuyer sur un fonctionnement, mais elle est un amour libre et heureux, ce qui exclut toute haine ! On ne peut pas aimer et blesser en même temps ! Le témoignage de Jésus, par exemple, n’est compréhensible que si on est déjà soi-même confiant, que si la beauté du monde nous fait enfant ! Il ne s’agit pas de se réclamer d’une religion comme d’un parti ! Seul l’amour est ici à considérer, avec tout ce qu’il a d’étrange et de vertigineux !
Évidemment, il existe une relation entre la beauté et l’ego ! On comprend bien que le seul fait d’admirer réduit l’ego, ne serait-ce que parce c’est faire preuve de patience, alors que l’ego est inquiet, avide et souffrant ! La beauté procure l’apaisement et la compréhension ! Car la foi ne rejette pas la raison, bien au contraire ! Chaque marche, chaque étape n’est possible que si l’esprit est éclairé d’une façon supplémentaire ! Ainsi, on se débarrasse de l’ego, quand sa prison devient visible, de même qu’on se sépare de l’alcool, en voyant qu’il ruine notre santé ! Mais la foi reste un amour qui nous grandit et on n’y perd donc rien ! Ce n’est pas un refoulement de l’ego destructeur ! C’est un chemin vers la joie et si elle n’est pas au bout de la route, c’est qu’on s’est trompé ! On a cultivé son ego, sous l’étiquette de la religion !
Admirer la beauté, avoir confiance mène à la paix, il ne saurait en être autrement ! Il y a un stade où Dieu ou l’infini se déploie sous nos yeux, où son temps nous apparaît ! Il n’est ni lent, ni rapide ! Il est juste, car sa puissance est incomparable ! Celui qui le perçoit chante en son cœur, car la tranquillité l’envahit ! Le voilà fort pour aimer l’ego et faire du bien autour de lui, ainsi qu’une onde se propage !
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L’ego est dans la rue ! Il est sorti de chez lui et que fait-il ? Il déambule, vaste troupeau ! Il erre, fait du lèche-vitrines, des achats, avec une tête fâchée, car ça ne va pas assez vite ! Parfois, il fonce, méprise pour une raison inconnue ! Est-ce que tout cela a un sens ? Mais oui, nous sommes là en représentation ! L’ego se nourrit des regards, comme la vache broute et se repose, d’où cette foule passive, amorphe, sans but ! Si l’homme ressemble à un animal, alors tout paraît normal et peu importe le réchauffement, les guerres, la violence ou la souffrance !
A la vérité, l’ego s’ennuie et il voudrait la lumière ! Il voudrait s’enflammer, sentir mille fois plus, voler, être présent, vivre enfin, mais il n’ose pas ! Il a peur du ridicule ou de perdre quelque chose ! L’inconnu le guette et l’effraie, d’autant qu’il y a des gendarmes, sans uniforme s’entend ! Il y a des censeurs, des egos haineux, dès qu’une oreille dépasse ! Ceux-là veulent contrôler le monde et surveillent leur troupeau ! Alors, on s’ennuie, on déambule, apathique, sans véritable désir ! On traîne, on soupire ! Où est le feu, la flamme ?
Où est l’esprit dans notre boîte à chaussures, nos magasin gris et qui sentent le renfermé ? Les partis politiques profitent de l’été, pour se préparer à un année chargée, disent-ils ! Mon Dieu, les imbéciles vont encore nous soûler ! Que se mettent-ils à chanter et à fêter la vie ? L’ego est un piège à loups ! Que n’apprennent-ils la splendeur du ciel, sa paix, la majesté de son temps ? Que n’ont-ils les doigts du magicien, qui créent de la vie, qui sont pleins de feu ? Ainsi nourrit l’esprit, ainsi donne la foi ! Mais l’ego s’ennuie, avec ses chansons tristes, où il pleure sur lui-même ! Do, do, l’enfant do !
L’ego est paresseux ! Il aime son vide et surtout il s’écoute parler ! C’est là son occupation favorite ! Il adore dire qu’il n’y a pas de solutions, rien que pour entendre le son de sa voix ! Il se contemple face au mur de la fatalité ! Il est paresseux et baigne dans son jus ! Pourtant, un défi cosmique l’attend ! Pourtant, il lui est proposé un amour sans bornes et qui lui fera demander grâce, qui le fera rire et qui le comblera ! L’homme contemple l’Univers et son imagination va encore plus loin, aussi vite que la lumière ! Qu’a-t-il là à marcher comme un troupeau de vaches ? Qu’a-t-il à traîner son ennui ? L’ego voudrait le feu, il voudrait vivre, mais il n’ose pas !
L’ego est un coq ou une poule ! Voilà ! L’ego mâle siffle et joue les caïds ! L’ego femelle se rengorge et montre ses belles cuisses ! Que croyons-nous ? Qu’on pourra y arriver comme ça, sans trop de casse ? Que l’argent nous protège ? Que le problème, c’est la constitution ou l’Europe ? Quelle naïveté ! Quel aveuglement ! Nous avons notre liberté, nous sommes en démocratie, nous n’avons pas faim, nous ne subissons pas la guerre et nous ne savons pas vivre ! Nous détruisons la planète et nos sociétés sont en plein chaos ! Nous ne savons pas vivre et alors il nous faudrait changer ! Mais que croyons-nous, que voulons-nous ? Apparemment que les choses restent ainsi, avec nos petits désirs et nos illusions, c’est-à-dire nos coupables !
L’eau va devenir rare, mais il existe une autre eau, celle de l’amour divin, qui peut jaillir à tout moment ! C’est la grande vie de l’esprit, enfin ! Nous avons conquis notre individualité, donnons-lui toute son extension ! A quoi sert notre esprit, si nous n’aimons pas ? A quoi sert notre esprit, s’il reste animal ? A quoi sert notre esprit, s’il est figé dans sa haine (haine des riches, des étrangers, du gouvernement, etc.!) A quoi sert notre esprit s’il n’a pas une dimension infinie ? Qu’est-ce qui peut étendre notre esprit au-delà de toute imagination, sinon l’amour ou la foi ?
Comme nous sommes petits et ridicules dans nos querelles ! Que n’avons-nous du courage, au lieu de la haine ? Aimer « l’invisible », un idéal ouvre tout de suite le champ vertigineux des possibles ! Pensez, on nous blesse et il nous faudrait comprendre, alors que l’animal est déjà en train de riposter, voire de tuer ! S’offrir, avoir confiance, gagner l’éternité par amour, voilà le destin de l’homme, à la mesure de son esprit, des capacités de sa conscience ! On est loin là des équations d’Einstein ou de toutes nos considérations sur l’économie ! On est loin là de tous nos combats sociaux haineux et mesquins ! Nos droits ! Nos droits ! Ma cassette ! Ma cassette ! Notre ego chéri ! Au vrai, nous n’avons rien dans le pantalon !
La femme maintenant tape sur la table, à la bonne heure ! Qu’elle devienne aimante, comme elle seule sait le faire ! Qu’elle laisse tomber ses courses et son nombril ! Qu’elle soit protégée de l’agression masculine, c’est nécessaire, car elle a droit à toute liberté, à son plein accomplissement ! Mais que toute sa passion n’aille pas pour un homme ou pour elle-même ! Qu’elle couve le monde comme une mère ! Que son don la dépasse et la transfigure ! Qu’elle se moque de sa vanité et de son rang social ! Qu’elle soit le sourire de l’Univers, son soleil !
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Le maire du coin et le directeur de la chaîne hôtelière Pax se tiennent au bord de l’eau… Ils regardent la mer, qui est ici comme un miroir, et ses rochers découverts ! C’est le soir et le ciel s’assombrit dans une symphonie de bleus, mouchetés de nuages ! A leurs pieds, des reflets émeraude s’éteignent entre des touffes d’algues mordorées ! « C’est somptueux ! s’écrie le directeur.
_ Hon, hon…
_ Bon, alors tu vois, mon hôtel s’ra juste là, derrière, avec une vue imprenable sur tout ça !
_ Les écolos vont tiquer !
_ J’ te garantis à terme une quarantaine d’emplois ! C’est pas mal pour ton bourg, sans compter que les entreprises de la région seront prioritaires dans la construction !
_ J’ pense que ça passera ! On prendra de l’ampleur !
_ Ah ! La vache ! J’ me vois déjà peinard à contempler ça ! avec mon nom lumineux sur l’hôtel ! Mais qu’est-ce qu’on entend ?
_ Des jeunes sans doute… Ils font la fête… Y pas beaucoup de distractions dans l’ coin !
_ Et si on allait les rejoindre ! Question de s’amuser un peu ! Il est bon de savoir comment va la jeunesse !
_ Si tu veux ! fait le maire en haussant les épaules.
_ Faudra quand même rehausser la plage ! rajoute le directeur qui se retourne. Dame, on aura besoin d’un accès direct ! »
Les deux egos se retrouvent bientôt entourés de bruits de casseroles, de musique plein pot et de jeunes déguisés grossièrement, qui se pavanent une canette à la main ! Ils ont l’air de s’amuser, mais il y a quelque chose de forcé, de quasi sinistre ! Leur principale occupation est de danser autour d’une prisonnière et en effet, la reine beauté est attachée à un poteau et on se moque d’elle ! Elle est une victime du culte de l’ego !
Pourtant, même ainsi, elle semble impassible, comme si elle espérait qu’on allait la détacher et l’aimer, en devenant meilleur ! Mais les visages autour sont laids, déformés par l’alcool et le vide, car c’est surtout l’ennui qui règne ici ! Au bout d’une table, la lumière est assise et se demande ce qu’elle fait là ! « Alors, la lumière, toujours pareille, tu t’amuses pas ! jette un jeune.
_ C’est vrai ! fait un autre. La lumière a toujours été vieille ! L’indérangeable lumière !
_ La triste lumière ! renchérit une fille. La peureuse lumière ! »
La lumière fixe la fille, qui baisse la tête… « Elle m’en veut ! se dit la lumière, car je ne l’ai pas regardée ! » Toutes les femmes veulent plaire à la lumière, même celles qui ne sont pas libres, quitte à fâcher leurs compagnons ! C’est plus fort qu’elles, mais c’est leur ego qui a soif et qui veut de l’admiration ! Ça n’a plus grand-chose à voir avec la beauté et la lumière s’en détourne ! On boit sur le cœur qui s’assèche ! C’est encore l’ego en représentation !
« Tu nous trouves moches, hein, la lumière ! Tu nous juges ! lance un garçon.
_ Bof ! répond la lumière. Les jeunes animaux s’essaient à la vie ! Ils miment les adultes pour devenir comme eux et avoir les bons réflexes ! C’est ce que vous êtes en train de faire : vous vous exhibez à la recherche de votre personnalité ! Le problème, c’est que vous ne vous vous respectez même pas vous-mêmes !
_ Amen !
_ Qu’est-ce que tu veux dire ? demande une fille inquiète.
_ Elle veut dire qu’elle va dégager ! Car elle nous emmerde ! coupe quelqu’un.
_ Non, moi, j’ai envie de l’entendre, hips ! reprend la fille.
_ Tu vas pas t’embêter avec cette vieille baderne ! Donne-moi plutôt un baiser ! » réplique son mec.
La jeune fille ne sait quelle attitude prendre… Elle a peur de se démarquer du groupe et pourtant elle est attirée par la lumière, qu’elle sait sans mensonges ! Cela fait longtemps qu’elle traîne avec ces egos et que cela lui paraît stérile ! Elle voudrait tellement plus et elle voit de l’espoir dans la lumière, mais son mec, déjà jaloux, lui impose quasiment un baiser, auquel elle ne peut se dérober sans créer d’incidents !
« Bon, dit la lumière, je m’en vais ! Mais j’emporte avec moi la reine beauté !
_ C’est ça ! Foutez le camp toutes les deux ! »
La lumière délivre la reine beauté et elles s’en vont sous les huées, tandis que certains se plongent dans une danse effrénée ! « Ah ! Ces jeunes sont sans pitié ! » fait le directeur de la chaîne Pax au maire. Ils sont maintenant attablés devant une bière et ils regardent partir la lumière, qui soutient la reine beauté.
Celles-ci retournent au bord de l’eau, dont elles n’auraient jamais dû bouger… La reine beauté se déploie à nouveau sur la mer et dans le ciel, sous les yeux de la lumière ! Des bleus presque noirs trouent encore la nuit et plus loin un phare s’allume, tel un diamant !
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L’ego dit à la lumière : « Dieu sonde les cœurs ! Il voit ton mensonge et ta méchanceté !
_ C’est pas vrai !
_ Bien sûr que si ! Il sait que tu es un menteur et combien tu es un méchant ! On ne peut rien lui cacher ! Et il viendra me dire ce que tu fais et il te punira !
_ C’est pas vrai !
_ Si, il voit tout !
_ C’est pas vrai, je suis pas un menteur ! Et je suis pas méchant, non plus !
_ Ah ! Ah ! Garde tes histoires pour d’autres ! Nous ne sommes pas dupes ! De la graine de voyou, voilà ce que tu es !
_ Je ne fais pas le mal !
_ Mais tout le monde est pécheur ! Tu es la proie du diable… et tu sais ce qui va t’arriver ? On te jettera dans le feu et tu disparaîtras dans les flammes !
_ Non, j’irai pas en enfer !
_ Est-ce que tu fais tes prières au moins ? On va les compter, tu sais ? Dieu me dira : « Voilà, il manque des prières, parce que la lumière est une menteuse ! Elle est méchante et elle doit être condamnée !
_ Non, c’est pas vrai ! Tu cherches à m’ faire peur !
_ Mais c’est pour ton bien, pour que tu t’ tiennes à carreau !
_ La vérité, c’est toi qui es méchant !
_ Quoi ? Tu oses me répondre ! J’ vais t’ dresser, moi, tu vas voir ! Tiens, prends déjà cette baffe ! »
Bien des années plus tard, l’ego dit à la lumière : « Or, donc, vous avez été castré par vos parents et vous êtes devenue incapable de satisfaire vos besoin sexuels ! Cela s’est transformé en un manque d’affection, que vous avez reporté sur un substitut, à savoir Dieu, d’où votre foi, votre mysticisme, etc ! Autre question ?
_ Je suis donc encore coupable ?
_ Pourquoi vous dites ça ? Au contraire, je vous décharge de votre sentiment de culpabilité, en vous en montrant la raison ! De là, vous pourrez vous reconstruire !
_ Vous me dites tout de même que je me trompe, que je suis victime d’une illusion ! C’est toujours vous le maître et vous continuez à me castrer !
_ Du tout, la science est objective et elle offre une voie de guérison !
_ Ainsi j’échapperai à l’enfer ! Et la reine Beauté ?
_ Quoi la reine Beauté ?
_ La merveille du monde !
_ Pff ! La même chose que pour la foi ! Substitut, illusion, castration ! Cigare ?
_ Non merci ! Et qu’est-ce qui vous tient, vous ?
_ La raison ! La simple logique, l’entendement ! C’est comme ça qu’on avance !
_ Ah ! Ah !
_ Quoi ? Qu’est-ce qui vous fait rire ?
_ Vous aimez la raison comme moi, la beauté ! Substitut, illusion, castration, etc. ! Cigare ?
_ Vous êtes quand même un sacré connard !
_ Je sais, j’ fous en rogne les gens ! Vous allez m’ dresser ?
_ C’est pas l’envie qui m’en manque ! »
La lumière part sur les routes, en compagnie de la reine Beauté, et elle retrouve sa chanson ! Elle chante : « Je ne suis pas méchant ! Je ne suis pas menteur ! J’aime le Seigneur et il m’aime aussi ! Et il m’fera justice ! Parce que je l’aime et qu’il m’aime ! C’est mon amour et j’suis pas méchant, ni menteur ! J’aime et c’est tout ! J’aime et c’est doux ! »
Et les oiseaux chantent aussi leur chanson, autour de la lumière ! Et les papillons passent en dansant près de la lumière ! Et les arbres ondoient, comme s’ils saluaient son passage ! C’est la vieille chanson de la lumière ! La chanson de son cœur et elle est pure, car c’est d’ l’amour !
« Ils n’aiment pas ! chante encore la lumière. Ils ont des yeux comme de la glace et leur visage est un cloaque ! Ils iront en enfer, sûr ! » et la lumière rit, elle peut se le permettre, car elle aime ! Elle rit ! Elle est légère comme l’enfant !
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L'ego et la lumière
- Le 12/08/2023
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"La hure! J'adore le pâté de hure!"
Capitaine Conan
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La lumière parle à l’ego… Elle prend son casque et le soulève doucement au bout d’un bâton, c’est-à-dire qu’elle commence la discussion avec un sujet assez anodin ! Car elle connaît les limites de l’ego, qui sont celles de sa haine, et il s’agit donc d’abord de « prendre la température » ! Mais, dès que le casque apparaît, il est mitraillé ! « Oh ! Oh ! se dit la lumière. Va falloir y aller mollo ! On va essayer autre chose... »
La lumière se met à découper une silhouette d’enfant, pour amener l’ego sur un terrain neutre, une vérité universelle, comme « Les enfants, c’est pas méchant ! » La lumière veut que l’ego fasse des concessions, qu’il muselle juste un peu son égoïsme, afin qu’un dialogue soit possible, ce qui ne se peut si on ne reconnaît pas que l’autre existe !
La silhouette se dresse, mais elle est trouée lamentablement par les balles, sous les yeux horrifiés de la lumière ! « Même ça, ça passe pas ! pense-t-elle. Changeons complètement de tactique ! Devenons aussi léger que l’oiseau ! Il se rit du champ de mines, lui ! Marquons donc une pause : on y verra mieux quand la fumée se sera dissipée ! Et puis, l’ego lui-même sera obligé de souffler ! Ça lui fera du bien ! »
La lumière sifflote, baguenaude, range des choses, étudie un carnet, etc. Elle pourrait faire une autre tentative, mais on n’est pas à la bourre non plus, hein ? Le plus facile, pour abaisser la tension de l’ego, c’est parler de lui, bien sûr ! C’est lui dire : « Bon sang, vous êtes formidable ! Si ! Si ! Et quelle intelligence, quel brio, quelle grandeur ! Magnifique ! » Le problème, c’est qu’on abonde dans son sens et qu’on s’en dégoûte évidemment ! Car rien ne progresse, puisqu’un dialogue implique deux personnes, pas seulement l’ego !
Il serait encore possible pour la lumière de se fermer, de renoncer ! Elle passerait outre ! Elle partirait sans échanger davantage, car à quoi bon ? Mais « la chaleur humaine » en prendrait un coup ! Peut-on se résoudre à imiter deux icebergs qui se rencontrent ? Ce n’est pas parce que l’ego est stérile, à force de s’admirer, que la lumière doive lui ressembler ! La lumière veut communiquer, rayonner, réveiller les consciences, quand l’ego, lui, veut les soumettre, les dominer et pourquoi pas les écraser ! Ainsi est le message de la haine !
Mais l’ego ne reconnaît même pas celle-ci ! Il jurerait qu’il en est dépourvu ! Il fait juste valoir son avis, ses convictions, ses arguments ! Il ne s’aperçoit pas qu’il y met tant de force qu’il balaye tout, qu’il en est injuste en méprisant la raison et qu’il s’enivre de sa puissance ! En d’autres termes, l’ego n’a pas assez pris de coup sur le museau ! C’est un enfant gâté, car, quand on est habitué à tout perdre, on devient patient, prudent ! On sait qu’on ne peut détruire la différence et qu’il faut composer ! Le respect de l’autre, voilà ce qui échappe totalement à l’ego, même s’il parle de justice sociale !
La lumière décide d’aborder un sujet brûlant, sérieux, mais en faisant preuve d’une souplesse, d’une agilité extrêmes ! C’est quelque chose que lui permet sa force et soudain, elle se met à courir, des balles miaulant autour de ses pieds ! Elle n’est pas touchée et saute dans une tranchée ! Bien lui en prend, car la langue d’un lance-flamme lui passe au-dessus ! Décidément, il n’y a rien à faire : on ne peut pas discuter avec cet ego, en tout cas ce jour-là ! Il faut en sortir et le meilleur moyen, c’est de flatter l’ego en lui posant une question, en lui donnant la place de celui qui sait ! Mais alors celui-ci se transforme en tank !
Il écrase tout sur son passage, ce qui est tout de même étrange, car c’est un ego de près de quarante ans et il devrait avoir un peu de retenue, mais il fonce, fonce, comme si le monde était à lui et n’était entouré que de valetaille ! C’est la ruée de l’Armée rouge, ivre de vengeance sur l’immensité de la steppe !
Autour de la lumière, les murs sont pulvérisés et le village est en ruines ! Parmi les gravats et malgré sa patience, la lumière ne peut s’empêcher de réagir, car il en va de sa survie ! La voilà qui s’enveloppe d’un drap blanc, afin qu’elle se confonde avec le sol neigeux, comme dans les Ardennes ! Quand la bouche terrible du char arrive, elle se glisse dessous et lui colle une mine entre les chenilles fracassantes ! Puis, elle se laisse dépasser et le char continue jusqu’à ce que la mine explose ! Il y a bien une secousse, mais c’est à peine visible, puisqu’on ne voit pas les passagers évacuer le véhicule, ni de la fumée s’en échapper ! Il est pourtant sûr que la mine laissera des traces !
Par ailleurs, il est possible maintenant que l’ego en veuille à la lumière et qu’il lui en garde un chien de sa chienne, mais il ne faut quand même pas pousser : chacun doit évoluer !
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L’instructeur ego regarde les nouvelles recrues, quasiment avec dégoût ! « C’est toujours pareil ! songe-t-il. Ils croient être de bons égoïstes et ils ne connaissent rien ! De vrais bleus, de vrais mous, oui ! » L’instructeur se rappelle des points chauds, qu’il a connus sur la planète… Là-bas, pour un billet d’avion, une bière, on n’hésitait pas à jouer du poignard, à bastonner ! C’était à qui survivait ! Mais ici ! Tout est civilisé ! Tout est lois ! On pète un peu fort et c’est la catastrophe ! Non mais regardez-moi ces têtes d’imbéciles !
De dépit, l’instructeur crache, avant d’expliquer : « Bon, première leçon ! L’ego dégage de la tension, il en est plein, tellement qu’il doit oppresser les autres, les étouffer ! Partout où il est, l’ego doit concentrer l’attention ! Le monde tourne autour de lui ! C’est compris ? Exercice ! Toi, la petite vieille, tu sors du rang ! T’as l’air gentille comme ça, mais j’ suis sûr que tu peux être bien dégueulasse !
_ C’est vrai ! Hi ! Hi !
_ Bon, j’ suis le client d’une boucherie... et le boucher me sert ! Toi, t’arrives et qu’est-ce que tu fais ?
_ J’ dégage de la tension ! J’ fais savoir que je suis là et qu’il faut que ce soit mon tour !
_ T’essaies pas de me respecter, de te calmer ?
_ Manqu’rait plus qu’ ça ! J’ pousse au cul, oui ! J’ me place même derrière toi, pour te presser ! Comme ça ! Tu dois m’ sentir, non ?
_ Pas mal ! Mais tu dois être du genre à engager la conversation, non ?
_ Oui, mais par-dessus le client, pour le dissoudre ! pour qu’il soit plus rien, car c’est moi qui compte ! Quand l’autre règle, je continue à parler à la vendeuse, comme s’il n’existait déjà plus !
_ Tu as donc fait de la com' (communication) une arme ! Tout le monde a bien suivi ? Comment tu t’appelles ?
_ Enfer !
_ Eh bien, Enfer, tu m’ plais ! On f’ra quelque chose de toi ! Rejoins les autres… On a un ennemi, c’pendant ! C’est la lumière ! Non, non, ne rigolez pas ! Elle est tenace, solide et connaît son métier ! Vous la repérerez facilement, c’est la personne qui suscite votre haine ! Pourquoi ? Mais parce qu’elle ne s’occupe pas d’ vous ! Elle est là tranquille, de sorte qu’elle paraît supérieure !
_ Quelle horreur ! s’écrie Enfer.
_ La lumière dira qu’elle est pleine de bonne volonté, poursuit l’instructeur, qu’elle cherche à nous aimer !
_ Pouah ! fait le groupe.
_ Nous, on veut pas d’ son amour ! jette quelqu’un. C’est du temps d’ perdu !
_ Ouais, ouais ! répondent d’autres. La lumière au poteau !
_ Qu’est-ce que vous avez à jouer les effarouchés ! s’étonne l’instructeur. Vous êtes là pour vous aguerrir et mettre les mains de l’ cambouis ! Faut être réaliste, vous n’êtes pas seuls au monde ! La lumière affirme aussi que nous sommes dans la nuit, prisonniers de notre ego !
_ De quoi elle s’ mêle celle-là, Qu’elle vienne ici… et elle trouv’ra à qui parler !
_ Ouais, ouais ! Aux chiottes, la lumière !
_ Elle va même plus loin ! reprend l’instructeur. La lumière dit que le problème n’est pas le réchauffement climatique…, ou la dette ou que sais-je encore ! Mais que c’est notre égoïsme au quotidien qui nous perd, nous rend malheureux !
_ Ben voyons ! jette un grand. Une claque dans l’ nez et elle dira plus rien !
_ Ouais, ouais ! T’as raison, l’ grand ! On va lui faire la peau !
_ Bon, si j’ vous chauffe, c’est qu’il est hors de question d’ s’attendrir ! Si j’ vois l’un ou l’une faire preuve de patience, d’ respect, c’est la porte ! On est bien d’accord ! Bon, Enfer, reviens ici… Tu sais que es un peu not’ mascotte maintenant ! Tu baves au coin des lèvres et c’est bon signe ! J’ai l’impression que tu es toi-même ta coke ! J’ me trompe ?
_ Ah ! Ah ! Qu’est-ce qu’il y a d’autre ?
_ Ben, y a la sonde Voyager 2 qui est à vingt milliards de kilomètres !
_ Si ça lui chante ! Du moment qu’elle tombe pas dans mon assiette !
_ Ah ! Ah ! Les distances cosmiques, c’est bon pour la lumière ! C’est une émotive !
_ Moi, la dernière fois que j’ai pleuré, c’était à la mort de ma chienne ! Depuis, j’ suis seule !
_ Ah ? Bon, ben, t’as quand même ta méchanceté avec toi !
_ Oui et je n’ai qu’elle ! C’est pour ça qu’ j’y tiens !
_ Ah ! Ah ! On va pas s’occuper d’ toi, de toute façon ! C’est pas l’ genre d’ la maison !
_ J’ sais bien ! C’est pour ça que j’ fais ce stage ! pour être encore plus dure !
_ C’est en sens unique qu’on va l’ plus vite ! Bon, Enfer, j’ vais t’apprendre un nouveau truc ! Tu vas t’ servir de tes dents ! »
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Où est la lumière ? Elle entend : « Avec le crédit Muto tout devient facile ! Vous avez envie d’un nouveau canapé, de changer de voiture ou d’un bridge pour votre enfant ? Muto est à vos côtés ! » La lumière voit une famille heureuse sur une plage, grâce à Muto ! « Quelle harmonie ! » se dit la lumière, qui maintenant trouve très étrange de se retrouver seule ! Elle aussi pourrait se marier… Sa femme serait son soleil et ses enfants sa joie ! Muto la soutiendrait !
Au fond, ne noircit-elle pas le monde ? N’est-elle pas victime de sa propre incapacité à vivre ? Tout son tralala sur l’ego, n’est-ce pas le fruit de son imagination, parce qu’elle a été blessée ou qu’elle souffre de paranoïa ? En se relâchant, elle rejoindrait l’univers de Muto et se moquerait de ses anciens cauchemars !
Où est la lumière ? Elle entend des gens rire, qui se font plaisir… C’est un ego qui est interviewé à la télévision et dans le studio, tout est blanc, solaire et les visages sourient ! On dit à l’ego qu’il est une belle personne et bien sûr il se récrie, plein de modestie ! Pourtant, sous les yeux de la lumière, il a bien trois mètres de haut et sa gueule est mieux armée que celle d’un piranhas !
Mais peut-être que la lumière est trop sensible, trop fragile ! Il lui suffirait de fermer les yeux, d’avoir confiance en elle, ainsi qu’on se lance pour nager ! On ne va pas non plus la traiter différemment, s’employer à la satisfaire ! A elle de trouver sa place et si nécessaire de jouer des coudes ! Après tout, chacun a ses défauts, même la lumière, et en l’admettant, elle accepterait aussi ceux des autres ! Voilà la clé de la grande famille humaine !
Mais la lumière ne réclame pas la pureté ! Elle demande la vérité ou la justice ! L’ego n’est pas une belle personne, mais bien plutôt un assassin qui s’ignore ! Et donc où est la lumière ?
Le professeur Zircon dit que dans le futur on pourra faire ceci, cela… Il parle de l’IA, de neurochirurgie, de nanotechnologies, etc. ! Il a une vision de l’homme en couple avec la machine, alors que le monde paraît s’écrouler ! Surtout, le professeur Zircon ne sait pas qu’il est un ego lui-même ! Ainsi encore où est la lumière ?
La commère ego se raconte à la caisse d’un magasin et n’y voit aucune gêne, puisque, dit-elle, la discussion fait partie du commerce! Mais si la lumière en faisait autant devant la commère ego, celle-ci rêverait de lui trancher la gorge ! Mais l’ego adore son hypocrisie et penser être bon, ce qui lui permet de se montrer encore plus froid, hostile et méprisant, quand il est contrarié !
Or donc, toujours, où est la lumière ?
Comprendre l’ego, ça, elle sait faire ! C’est une experte dans ce domaine ! Elle voit la peur de l’ego, ses efforts pour surnager, ses coups de griffes pour exister ! Rien n’échappe à la lumière ! Mais l’ego a sa haine et la trouve légitime ! Il la plante comme un drapeau, avec défi ! Pourtant, c’est bien elle qui donne à l’ego des œillères, qui lui enlève sa lucidité ! Pour sauver son orgueil, l’ego est capable de laisser le monde s’embraser et peu importe que des enfants meurent et que des êtres broyés crient en vain leur désespoir ! L’ego est aveuglé par sa haine, car il verrait la souffrance des autres, il se déchirerait lui-même le visage ! La haine, c’est bien ce qui tient debout l’ego !
Où est la lumière ?
L’ego est un géant ! Il se tient comme un tronc, à côté de sa soupe populaire, car cet ego fait partie d’une association qui aide les plus démunis ! Il contrôle tout ! Le pauvre qui vient là reste sur ses gardes, comme s’il devait passer un examen devant le géant ! Est-il assez miséreux, pour avoir droit à la soupe ? En tout cas, il n’est pas question d’une esclandre, car il serait écrasé ! Le géant toise la rue telle une statue ! Il tamise son mépris en disant : « Moi, j’ suis engagé ! J’ fais du social ! J’apporte un peu d’air frais dans nos sociétés égoïstes ! Eh toi, là-bas, prends pas deux soupes !
_ Tu m’a eu ! réplique le pauvre, qui veut dégonfler l’incident.
_ Comme Nicolas !
_ Hein ?
_ Nicolas M’a eu ! Ouf Ouf ! »
Le géant rit et toute sa graisse tressaute ! Où est la lumière ?
Elle va parmi les hommes comme parmi des fous ou des fantômes ! Elle ne se voit pas et doute d’elle-même ! « Qui suis-je ? » se dit-elle et elle se sent perdue ! Elle regarde les siècles et garde sa chanson ! Elle a ses diamants et s’en réjouit ! Elle a son amour, son secret et se met à danser ! La lumière danse avec la force du monde ! C’est un enchantement sans fin, c’est une joie inexprimable ! Le navire qui file à toute allure, sous ses voiles, est pareil !
Mais la lumière ne peut pas parler aux egos gris ! Ils sont campés sur leur haine ! Ils ne veulent pas être délivrés ! Leur condition d’esclaves au fond leur convient ! Ils serrent les dents, souffrent, mordent et meurent ! Parfois, las de tuer ou d’être tués, ils demandent : « Où est la lumière ? »
29
Dans le ranch, le bétail s’agite à cause de l’orage, qui gronde là-bas sur les montagnes ! Des éclairs illuminent la nuit et la pluie qui ruisselle du toit ! Macready, le propriétaire et un vieil ego, apparaît sur la terrasse et inquiet, il inspecte les ténèbres ! Soudain, il entend du bruit du côté de la grange, pense à un voleur et fait feu avec son fusil ! « Qui que tu sois, sors de là ! crie-t-il. Sinon, j’ vais t’ descendre !
_ Tirez pas, Macready, c’est moi, la lumière !
_ La lumière ? J’sais pas qui tu es mon garçon ! Mais fais voir ta mine et tes mains ! Si t’as une arme, lâche-la bien devant toi, car j’ s’rai jamais à court de plomb, pour les voyous dans ton genre !
_ Voyons, Macready, c’est moi, la lumière ! Vous me reconnaissez ? Et vous savez très bien que je ne porte jamais d’armes !
_ Est-ce une façon d’arriver chez les gens, comme un voleur, par une nuit d’orage en plus ?
_ Vous m’auriez pas laisser entrer de jour... »
Le vieux hausse les épaules, baisse son fusil et rentre dans la maison, ce que la lumière prend comme une invitation… Macready se dirige en boitant vers un rocking-chair, placé devant un feu de cheminée et sur lequel il s’affale avec un gémissement ! « Ouh ! Là ! Je ne suis plus tout jeune, évidemment ! » fait le vieil ego à la lumière, qui prend place en face de lui. « La lumière ? reprend Macready. Y a bien longtemps que t’es pas v’nue m’ voir !
_ A qui la faute ? A chaque fois que j’ai frappé à ta porte, tu as tiré sur moi !
_ Ouais, eh ! Eh ! C’est que j’ai le sang chaud !
_ Dis plutôt que tu as toujours eu peur de moi !
_ Peur moi ? Ah ! Ah ! Ici, quand j’ suis arrivé, y avait que des sauvages ! Plusieurs fois, ils ont failli prendre mon scalp ! Ah ! Ah ! Mais j’ai réussi à m’implanter ! J’ai bâti ce ranch ! Tous les pâturages, jusqu’aux montagnes, c’est à moi ! Y a pas de plus grandes exploitations dans l’ coin ! Tout le monde en ville connaît le nom de Macready ! J’ai résisté à tout ! aux mauvaises récoltes, aux maladies, aux promoteurs véreux, etc. !
_ Oui, oui, je sais tout ça… et maintenant tu es bien triste et amer, pas vrai ? »
On entend le feu qui craque et l’orage qui s’éloigne… « Où sont tes fils ? demande la lumière.
_ Partis à la ville, où ils ont bien réussi tous les deux !
_ Oui, ils ont fait leur vie, de sorte que tu es un veuf solitaire…
_ Ah ! Mais j’ m’occupe ! J’ai prévu de défricher près de la rivière ! Mes ouvriers vont récupérer encore de la terre !
_ Ouais, ouais, mais déjà tout ça te glisse entre les mains… Tu sais au fond que le ranch n’est plus à toi…, que ton temps est terminé et qu’est-ce qui va rester de ton œuvre ? Tes fils ne peuvent pas s’empêcher de penser à l’héritage et ils reviendront pas ici… Le vent emportera même ton souvenir !
_ Ah çà, les requins n’attendent que la curée ! Mais je m’ défendrai jusqu’au bout !
_ Tss, tss, comme si ça avait de l’importance ! Écoute le chant de la pluie dans ta gouttière… N’est-il pas apaisant ? Pourquoi ne m’as-tu jamais aimé ? Toute ta hargne, je l’aurai changée en espoir !
_ J’ voulais être libre ! sans maître !
_ C’est bien ce que je dis, tu as toujours eu peur de moi ! Et ça même un rapport avec ton père, je me trompe ?
_ Mon père me donnait des coups de cravache…
_ Oui et moi, quand je remplis quelqu’un, je réveille les vieilles blessures évidemment ! Tu as eu peur que j’agisse comme ton père !
_ C’est vrai ! J’ai eu peur que tu m’prennes tout ça ! que tu m’ demandes d’être pauvre et qu’ j’ continue à encaisser ! T’aurais fait d’ moi une victime, qui aurait dû garder le sourire en plus ! Pouah, quelle horreur !
_ Et je n’aurais pas pris en compte tes traumatismes ? Pour qui me prends-tu ! M’as-tu fait confiance au moins une fois ? Si seulement, t’avais marché un peu vers moi… Ma puissance égale mon amour !
_ Du temps de ma femme, j’allais à l’église tous les dimanches !
_ Ouais, t’as la carte du parti, c’est bien ! Et maintenant, tu subis les avanies des uns et des autres ! Dame, ils sont comme toi ! Ils se nourrissent de leur pouvoir ! Tu ne peux plus compter sur personne… et tu t’ méfies de tout le monde ! T’es entouré d’ charognards !
_ C’est la vie !
_ Et tu pleures tellement c’est dur ! Ton cœur sec a encore quelques larmes ! Quel gâchis ! Tu vois, avec moi, ton ranch, tu aurais pu l’avoir mille fois plus grand dans ton amour ! Et tu comprendrais que l’esprit ne meurt pas ! J’ t’ aurais apporté la paix, mais tu as gardé tes peurs... »
Là-bas, des éclairs zébraient encore la nuit bleue, révélant le sommet noir des montagnes…
30
« Alors les émeutiers ! Ça va mieux ? » lance la lumière à un groupe de jeunes noirs et arabes ! Immédiatement, deux ou trois d’entre eux se lèvent du parapet sur lequel ils étaient assis et se précipitent vers la lumière ! « Qu’est-ce qu’il y a, mec, tu cherches la bagarre ?
_ Nous, on n’était pas avec les émeutiers !
_ T’as vu comment tu nous parles ?
_ Toi, t’es mort ! »
Les réactions sont vives et la lumière s’empresse de calmer le jeu : « D’accord les gars ! fait-elle. Vous n’étiez pas avec les émeutiers ! Mais, moi ce que j’ai compris, c’est qu’avec les émeutes, vous demandiez du respect !
_ Ouais, mec, on demande du respect ! On veut pas être traité comme des chiens !
_ C’est pour ça que je vous demande comment vous allez…, car bien entendu on ne respecte pas l’autre, si on ne s’intéresse pas à lui ! »
Il y a un moment de silence, pendant lequel les jeunes ont l’air dégoûtés… « Ben, je vois, reprend la lumière, que vous êtes toujours fermés, pour ne pas dire haineux ! J’en conclus que la situation n’a pas trop changé pour vous !
_ Qu’est-ce que tu veux dire ? Nous, on n’a pas besoin de toi, mec !
_ Taratata ! On a tous besoin les uns des autres ! Ce qui vous fait souffrir, c’est bien d’être tenus à l’écart ! Vous voudriez être aimés, avoir votre place ! Je me trompe ?
_ On ne nous aime pas ! C’est du racisme, m’sieur !
_ Ah bon ? La cagnotte en faveur du policier, c’est du racisme ?
_ Exactement !
_ Alors les émeutes, c’est du racisme aussi, contre les Blancs !
_ Mais non, c’est une demande de respect !
_ J’entends bien… Disons que c’est plutôt une réaction de haine, face à l’injustice commise par le policier, d’accord ?
_ Oui, nous avons voulu montrer toute notre haine, par respect pour Nahel !
_ Et ceux qui ont donné de l’argent pour la cagnotte ont tenu à montrer toute leur faine, face à votre haine ! La haine entraîne la haine ! C’est pourquoi votre situation ne doit pas être meilleure maintenant ! Car ceux qui déjà ne vous aimaient pas vous aiment encore moins ! La haine entraîne la haine, comme je l’ai dit !
_ Mais au moins on nous respecte maintenant, car on a montré combien on est fort et on fait peur !
_ Oui, j’ai entendu ça… Vous avez tenu à faire comprendre à Macron qu’il n’était pas le seul à régner !
_ Exact, mec !
_ Donc, vous représentez une menace pour le pouvoir des Blancs ! Et vous croyez qu’ils vont vous laisser faire ?
_ Mais on a notre territoire et vous avez le vôtre !
_ J’ai déjà dit que ça ne marche pas comme ça ! Il nous faut vivre ensemble ! Vous ne pensez tout de même pas détruire tous les Blancs ?
_ Alors qu’est-ce que tu proposes ?
_ Vous pouvez être aimés, si vous vous montrez meilleurs que les Blancs ! Il faudrait que le Blanc dise : « Eh ! Mais ce Noir, cet Arabe est bien meilleur que moi ! Moi, j’ai de la haine et lui n’en a pas ! Il est plus patient et compréhensif que moi ! Mon regard est en train de changer ! Je vais être agréable avec lui ! Je vais essayer de mieux le connaître ! »
_ Pfff ! Tu nous prends pour des moutons, mec ! On va nous baiser la gueule deux fois plus, si on est faible !
_ Oui, ça va sûrement arriver, car il y a toujours des salopards ! Mais y en a d’autres qui commenceront à vous accepter et à vous aimer ! La haine est sans issue !
_ Et pourquoi ce serait pas aux Blancs de commencer ?
_ Tu as raison, ils devraient être meilleurs, car ils connaissent déjà mon message ! Mais s’ils sont bêtes et injustes, c’est pas une raison d’être comme eux ! Il faut que vous compreniez une chose : toute différence entraîne chez chacun d’entre nous de l’inquiétude, de la méfiance, voire de l’hostilité ou du rejet ! C’est notre racine animale qui veut ça, car chez les animaux la différence est le plus souvent synonyme de mort ! Il est donc toujours très difficile d’accepter la différence ! Mais il faut faire un effort !
_ Ah ! Mais nous, on s’laissera pas faire !
_ J’entends bien, vous êtes jeunes et fiers ! Vous pensez qu’il faut être les plus forts, mais alors vous êtes comme les animaux... Ils veulent aussi être les plus forts ! Mais plus on reste un animal et plus on reste hostile à la différence et moins on peut vivre ensemble ! Montrez-moi la lumière, les gars ! Montrez-moi que vous êtes meilleurs que les Blancs ! Montrez-moi que malgré mon mépris ou ma haine, vous n’en avez pas et que vous m’aimez quand même ! C’est le baiser sur le crapaud, pour le changer en prince !
_ Tu rêves, mec !
_ Oui, heureusement ! »
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L'ego et la lumière
- Le 05/08/2023
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"Vous voulez voir ma chambre?
_ Oui, m'dame!"
La Guerre selon Charlie Wilson
21
La lumière gare sa voiture devant la maison de l’ego et elle laisse un peu fumer son pot d’échappement, dans l’air froid du matin... Elle veut voir si tout est calme et soudain une femme et des enfants sortent de la maison de l’ego, pour aller à l’école… Ils prennent une voiture et passent devant la lumière, sans la remarquer. Celle-ci coupe maintenant son moteur, puis se dirige rapidement vers la maison, car l’ego doit y être seul !
Après un coup de sonnette, la lumière entend du bruit et la porte s’ouvre… « Toi ! s’écrie l’ego en découvrant la lumière. Mais… je ne veux pas te voir ! Allez, va t’en ! » L’ego referme la porte, mais la lumière la bloque avec son pied ! Elle dit : « Voyons l’ego, est-ce une manière d’accueillir ses vieux amis ! Laisse-moi au moins t’expliquer, j’en ai pour cinq minutes ! » L’ego se rend compte qu’il ne pourra pas se débarrasser de la lumière comme ça et il se résout à la laisser entrer !
La lumière pénètre dans le salon en sifflant : tout y est clair, propre, quasi luxueux ! « Tu t’en es bien sorti, à c’ que je vois ! laisse échapper la lumière.
_ On s’débrouille… fait l’ego avec un petit haussement d’épaules. Mais justement, tu n’as rien à faire ici ! J’ai tiré un trait sur toi !
_ Et sur les bonnes manières aussi ! Car tes visiteurs peuvent mourir de soif ! »
L’ego regarde la lumière et se résigne finalement à s’approcher du bar : « Whisky, j’ suppose ? dit-il.
_ Avec un doigt de soda », répond la lumière, qui s’est assise dans un fauteuil.
L’ego apporte les boissons et prend place en face de la lumière… « Au bon vieux temps ! » jette celle-ci en levant son verre, mais l’ego ne porte pas le toast et reste nerveux… « Ah ! fait la lumière avec satisfaction. C’est autre chose que le tord-boyau que je m’ permets quelquefois ! Alors tu es heureux ?
_ Comme tu l’ vois ! répond l’ego, en montrant encore son intérieur.
_ Oui, et j’ai aussi vu ta femme et tes enfants partir à l’école ! L’image même de la respectabilité !
_ Qu’est-ce que tu insinues ?
_ Rien, rien, mais tu l’aimes, ta femme ?
_ Qu’est-ce que ça peut t’ faire ? C’est pas tes oignons !
_ Donc, tu ne l’aimes pas ! Et elle ne doit pas t’aimer, non plus ! Vous avez une sorte de contrat, tacite s’entend ! Vous montrez votre réussite et vous n’avez plus peur ! J’ me trompe ?
_ T’as toujours été un sacré connard ! Du temps où j’étais avec toi, déjà t’en loupais pas une ! C’est pourquoi t’es resté un raté !
_ Allons, l’ego, tu crois quand même pas que ta vitrine va tenir le coup ! J’ suis sûr que ta femme a déjà peur de toi… et que tu songes à la tromper, tellement tu t’ennuies ! J’ te connais ! Et puis, y a les enfants… Ils grandissent, se révoltent pour s’ faire les dents et ils jugent et mettent les pieds dans l’ plat ! Y en a peut-être un qui brisera la vitrine, hein ?
_ On s’ tient les coudes ! On est soudé ! On forme une famille, c’est ce qu’ t’as jamais compris !
_ Moi, c’ que j’ai jamais compris, c’est qu’on puisse écraser les autres…, même au nom d’ la famille !
_ Je sais, t’es une victime ! On te doit des comptes ! T’es le gamin figé !
_ Oh là, j’ te demande rien ! J’ suis v’nu te proposer un coup...
_ Ça m’intéresse pas !
_ Attends, y en a pour dix mille vérités ! dans un coffre en province ! Tout c’ qu’il y a de plus facile… et avec ça, t’aurais d’ quoi voir venir…
_ Qu’est-ce que tu veux que j’ fasse de tes vérités ?
_ Le bien, l’ego ! T’arrêtes de te concentrer sur toi, même si tu t’occupes de ta famille ! T’arrêtes ton mensonge, avant que ça craque ! Car tu penses bien, la mort et la vieillesse ne vont pas t’ faire de cadeaux !
_ Et que je perde tout ça ! J’ai une excellente situation ! Je fais même vivre des employés !
_ Mais tout s’ra balayé ! L’hypocrisie ne laisse que des ruines…
_ Tu as fini ton whisky ? Bon, maintenant prends la porte !
_ Comme tu voudras... »
La lumière se saisit de son chapeau et se lève… Elle s’en va, se retourne, veut dire un dernier mot, puis finalement elle sort...
22
L’ego est sous la pluie, monté sur une estrade et il s’adresse à d’autres d’egos, qui se sont rassemblés pour l’occasion et qui eux aussi ont l’air de chats mouillés (mais le courage de l’orgueil est bien connu!) ! « L’heure est grave ! tonne l’orateur. La police vient nous expulser ! Elle vient détruire notre avenir, car c’est ici même, dans ce terrain vague, que nous avons jeté les bases de notre rêve, de notre société idéale, où il n’y aurait pas de pouvoir, où nous serions tous frères ! »
Les auditeurs applaudissent et s’encouragent avec des cris, malgré le crachin qui les douche ! Il y a là toutes sortes de héros ! Le Glacier ! à cause de sa barbe blanche ! 90 ans et toujours d’attaque ! les muscles noueux ! une référence pour les jeunes, un père aussi ! Son plus haut fait ? Il aurait, à poil, effrayer un cordon de CRS rien que par ses hurlements ! D’aucuns disent qu’ils ont eu pitié de lui !
La Sorcière ! Une reine du mensonge ! capable d’imiter n’importe quelle bourgeoise ! L’espionne parfaite, qui a mille tours ! Pourrait être jolie fille, mais sa voix éraillée, ses tatouages et ses piercings glacent le dos !
Le Bossu ! plié en deux ! suscite la compassion, mais aussi rebute, car toujours une canette à la main ! Mendiant professionnel, déposé sur son lieu de travail par sa mère, qui lui prodigue les derniers conseils ! Le Bossu intrigue, mais l’orateur n’est pas mal non plus !
C’est Le Prof ! l’aîné, le guide à la voix suave ! l’intellectuel qui convainc les nouvelles recrues, qui se moque des cerveaux vierges, les hypnotise, avant de les ramener à lui ! Mais, au plus fort du combat, c’est un lâche qui se met en retrait : les coups, c’est pour les plus bêtes !
Tous, ce matin-là, face au péril qui les menace, ont le sentiment d’entrer dans la légende, en se mettant au service de la justice et en s’opposant au maire, autre ego bien plus puissant ! surnommé Moïse, à cause de ses projets pharaoniques, comme s’il lui suffisait d’étendre le bras, pour que le béton jaillisse de terre ! Dieu tonnant sur sa ville et sous le ciel orageux, ainsi que son ambition aurait été furieuse et noire ! Son rêve ? Des bâtiments immaculés à perte de vue, joints par le serpent du tram ! Une cité moderne, fluide, rare, quasi éternelle !
Qu’est-ce qu’une ZAD pourrait être à ses yeux ? Mais notre orateur reprend : « La police arrive, nous ne lâcherons rien ! Nous résisterons jusqu’au dernier ! » Sur ce, il crache, la bouche pleine d’eau et un petit poisson écarlate tombe sur l’estrade ! L’animal semble un petit morceau de soleil couchant, mais Le Prof l’écrase brusquement sous son godillot, en criant : « Les assoiffés de pouvoir, nous n’en voulons pas ! N’oublions pas notre rêve d’harmonie et de paix !
_ Ouais ! Ouais ! » crie l’auditoire, qui brandit des armes apparemment de l’âge de la pierre !
Dans la rue s’amassent les gros insectes de la police, serviteurs zélés de Moïse ! masse sombre, opaque, ténébreuse ! armée jusqu’au dents ! Des barricades sont enflammées pour l’empêcher de passer ! Des gaz lacrymo répondent et l’affrontement s’engage ! Oh ! Qui chantera ces combats modernes ? Poète, prends ton luth et raconte-nous les exploits du prince noir, dont on ne voit jamais le visage ! Ce sont des panaches de fumée, des palettes rougeoyantes, des courses effrénées et malheureusement des coups ! Ici, on entend un drôle de dialogue !
« Sale enfoiré d’ego !
_ Saloperie d’ego !
_ L’ego ne passera pas !
_ Encerclez l’ego !
_ A bas l’ego !
_ L’ordre contre l’ego !
_ Abus de l’ego !
_ Tiens l’ego, prends ça !
_ Je ne suis pas un ego ! J’ ne fais que passer !
_ Un ego à terre !
_ J’ veux la peau d’ cet ego, peu importe le prix !
_ We all need an ego !
_ Un bon ego, c’est… etc. ! »
Autour, les commentaires vont bon train ! « Enfin ! disent les uns. Ça devait arriver, la situation était intenable ! Tous ces fainéants crasseux ! Ils auraient fini par foutre le feu ! C’est le grand nettoyage et allez donc ! » « Scandaleux ! disent les autres ! Ils faisaient pas d’ mal ces jeunes ! Et puis, la police, on la connaît, c’est la reine des bavures ! Encore heureux qu’il y ait pas d’ blessés ! »
Dans son coin, la lumière hausse les épaules, puis sourit ! « Ils sont tarés ! » se dit-elle et c’est qu’elle en a vu bien d’autres ! Elle s’en va seule, philosophe, et elle se réjouit de respirer ! De temps en temps, elle encourage une petite fleur qui sort d’un mur et qui semble la saluer à son tour !
23
« A boire ! fait l’ego. A boire ! » Il est sur une place et se précipite chez le marchand de vins ! « Il faut qu’ je boive ! crie-t-il à l’intérieur. Vous n’avez pas plus grand que ces bouteilles ? » et il ressort avec un cubi ! Puis, il boit à la régalade, comme s’il prenait une douche ! « Oh ! Je n’en peux plus ! Ah ! C’est bon ! »
« A fumer ! fait l’ego. A fumer ! Où pourrais-je trouver du matos ? » et il court vers le dealer ! « Combien ? demande-t-il. Quoi ? Tu plaisantes, man ! En plus, c’est hyper mal servi ! Hein ? Non, non, je prends quand même ! » Le voilà chez lui préparant son pétard : il brûle sa barrette, s’enivre déjà de son parfum et colle ses feuilles, qui ont quasi la taille d’un journal ! Enfin, il se met à genoux et lève sa carotte, en révérant le dieu haschich !
« Du sexe ! crie l’ego. Du sexe ! Il me faut du sexe ! » Il cherche, repère, ose, aborde, se retient, se lâche, dit n’importe quoi, sourit, dit « Vous êtes extraordinaire, magnifique, incroyable, démente, vite ! Non, non, ce n’est pas ce que je voulais dire ! Bien sûr, vous avez des sentiments, du charme ! Vous êtes sûrement très intelligente ! » Il regarde sa montre et il rêve qu’il embrasse l’autre, dévore son corps et s’y dissout ! Mais la réalité est toujours là et il suffoque !
« Une haine ! jette l’ego. Et je bougerai le monde ! Donnez-moi une bonne haine et je m’enflammerai de nouveau ! Rien ne vaut un ennemi, rien ne vaut l’art de la guerre ! Connais-tu le fracas des épées ? Connais-tu la rage de vaincre, la puissance dans la main ? Ah ! Je mourrai en combattant ! en disant : « Tiens ! Tiens ! Prends ça ! », la sueur au front ! J’écraserai le serpent de la patience, l’arme des faibles ! Je triompherai dans la flamme, seul dieu vivant ! »
« De l’argent ! De l’argent ! sanglote l’ego. De l’argent ! Dieu que c’est bon ! En caressant mes billets, je caresse ma sécurité, mon pouvoir, ma liberté ! Je vois des plages de cristal, des cocktails savoureux ! Je ne ferai rien, je m’ennuierai ! Ou plutôt à moi les choses, les nouveautés, ce qu’il y a de plus cher, pour épater ! Soyons sérieux ! Je bâtirai, j’aurai des plans, un chantier... et plein de problèmes ! J’ai soif ! si soif ! Et finalement l’argent m’assèche, me désespère ! »
« Un médecin ! demande l’ego. Un médecin ! Ciel, je suis en train de perdre un œil ! J’en suis sûr, il va tomber ! Je ne peux pas me tenir sur mes jambes, c’est impensable ! Je suis obligé d’avancer en glissant sur les murs, sur le parquet ! Ma tête pèse trois tonnes ! Comment puis-je être moi-même ? Ah ! Je me fais peur ! Vite, un autre, que je me fonde en lui, que je ne me sente plus ! Quelle horreur, j’existe ! Il faut me soutenir, me donner des béquilles et m’encourager ! Des médicaments ! Il me faut des médicaments, qui procurent l’oubli, qui m’apaisent ! Oh non, encore ce chien qui aboie ! »
« Un cancan, par pitié ! gémit l’ego. Un cancan et c’est l’éclaircie ! Dire du mal me met l’eau à la bouche ! C’est comme ça, à chacun ses douceurs ! Je vois ma voisine, ma sauveuse ! Nos langues se délient et s’abreuvent ! Une symphonie commence ! On parle d’un couple, c’est du miel ! « Lui, me dit la voisine, était dans les affaires… Enfin, c’est ce qu’il disait ! Il regardait tout le monde de haut !
_ Elle, elle se croyait riche ! Elle avait des manières, alors que tout lui venait de sa famille !
_ Moi, je les ai toujours trouvés mal assortis ! Etc. »
« Du ménage ! Du ménage ! martèle l’ego. Je traquerai la poussière jusqu’en Patagonie ! Je passerai l’aspirateur dans la faille qui est dans la faille ! Je me soûlerai de son bruit ! Je tuerai l’araignée sur l’autel de la propreté ! Mes machines tourneront, vrombiront ! Je serai utile, sans pitié pour la crasse ! La tache m’épuisera, me fera vomir ! Les carreaux me casseront les doigts ! La vaisselle ridera mes mains ! L’air pur me lavera ! J’exigerai alors des comptes ! Je présenterai la facture ! J’aurai le droit d’être déçu, par l’inertie des autres ! Ma maison reposera, mais pas moi ! »
« De la reconnaissance ! réclame l’ego. De la réussite, de la lumière ! A moi le haut de l’échelle et les sommets ! Fi de l’anonymat, de la médiocrité ! Je veux plein d’histoires, des injures, des débats, des procès ! Je veux la une, qu’on se concentre sur moi ! J’ai cinq doigts et, eh ! eh ! dois-je l’avouer ? Eh oui, eh oui, j’ai encore une paire des fesses ! Voilà je l’ai dit ! Qu’entends-je ? Les fans se déchaînent, hurlent ! C’est normal ! O doux chant ! C’est comme si la mer me portait ! Attention à la nouvelle vague, il faut que j’invente un truc ! J’ai, j’ai aussi un âne ! Il s’appelle Anatole ! Hi, han ! »
« Du mystère ! L’heure du mystère est venue ! affirme l’ego. Les fantômes sont parmi nous ! Ils nous regardent et nous jugent ! Une arbre se déplace derrière moi, je le sais ! Là-bas, il y a une tour et dans la tour il y a une boîte, et dans la boîte, il y a un message ! Car ils sont déjà venus, mais on n’était pas prêt ! Ils reviendront dans leurs soucoupes scintillantes et enfin, on s’ra heureux ! »
« Un complot supplie l’ego. Un complot ! Que de noirs desseins m’accablent, me torturent ! Moi, le dernier résistant, le dernier voyant ! Je sais lire entre les lignes ! Nous sommes des milliers à recueillir l’information souterraine, la vraie ! Je suis la victime du mensonge, du mal ! Je me dresse contre l’armée des robots ! »
« De l’intégrisme, du populisme, du radicalisme, de la violence s’il vous plaît ! J’ai soif ! Si soif ! »
24
Les trois coups résonnent et le rideau se lève ! Sur la scène, la lumière rêve, la tête posée sur son bras et assise à une table ! De quoi rêve-t-elle ? Mais d’une vague bien fraîche, qui vient relever du goémon, avec des bruits de baisers, tandis que des mouettes au-dessus se chamaillent, pleines de vie !
Cette sauvagerie envoûte la lumière, quand soudain une ego frappe la table, faisant sursauter la lumière ! « Hein ? Quoi ? fait-elle.
_ Tu es à moi, t’entends ! jette l’ego. J’ t’ai repéré dans la rue et je te veux !
_ C’est que…
_ C’est que quoi ? Je ne te plais pas ? »
L’ego se tourne et montre combien ses formes sont magnifiques ! La lumière avale sa salive…Elle n’en mène pas large… « Alors ? reprend l’ego. Avoue que ça vaut le coup ! T’as l’air tout ému ! Mon pauvre bichon, tout ça, c’est à toi, si tu le veux ! Tu n’as qu’un mot à dire !
_ C’est-à-dire… que c’est assez soudain… J’ai peur… Je crains…
_ Tu as peur de quoi ? Je ne vais pas t’ manger !
_ Si justement ! Ce que je sais, c’est que l’angoisse vous fait chercher un homme, afin que vous ne soyez plus seule et rassurée sur votre séduction ! Et puis, quand vous irez mieux, faudra que je marche à la baguette !
_ J’ comprends pas !
_ Autrement dit, vous ne pensez qu’à vous ! Vous êtes immature et… agressive, car vous estimez que vous avez des droits !
_ Bla, bla ! Tu s’rais pas en train d’ virer ta cuti, des fois ? »
La lumière est embêtée pour répondre, quand on entend du bruit et des gens entrent, l’air mécontent et se dirigeant vers la lumière… « Voilà notre plainte ! disent-ils et ils déposent un papier sur la table.
_ Qu’est-ce que… ? fait la lumière.
_ Vous nous avez ignorés dans la rue ! Et c’est pourquoi nous demandons 10 000 euros de dommages et intérêts !
_ Diable ! J’avoue que je ne me rappelle pas d’ vous !
_ C’est bien ce que nous vous reprochons ! On s’est croisé sur le trottoir et vous ne nous avez même pas accordé un regard !
_ Sans doute étais-je plongé dans mes propres pensées… Mais je ne vois pas non plus pourquoi je serais obligé de m’intéressez à vous !
_ Comment ? Mais sachez que j’ai un emploi stable, avec des responsabilités et que je paye mes impôts !
_ Je n’en doute pas, mais…
_ Et ma femme ? Elle n’est pas mal ! J’en suis fière, n’est-ce pas chérie ? Pourquoi subirait-elle votre indifférence ? Et ma fille, elle promet !
_ Mais je ne peux pas regarder tout le monde… J’ai aussi mes affaires…
_ Vous allez voir qu’on ne rigole pas avec la justice ! »
A cet instant, le dialogue est interrompu par un homme qui parle avec emphase : « Les médias représentent le pouvoir et donc il ne faut pas les croire !
_ Ah ? fait la lumière. Mais je vous reconnais, vous êtes l’épicer auquel je viens d’acheter des tomates !
_ C’est exact ! Et vous m’avez déclaré que la société est de plus en plus violente…
_ En effet, cela me semble une évidence...
_ Ah ! Ah ! C’est bien c’ que je pensais ! Vous êtes une victime des médias ! Encore une ai-je envie de dire !
_ J’ai déjà remarqué que vous avez une sensibilité d’extrême gauche et apparemment elle vous aveugle...
_ Nullement ! Je vous résume la situation… Au pouvoir, les riches et les profiteurs ! Ils nous manipulent, augmentent les prix, nous exploitent ! Ce sont les maîtres du monde ! Noirs corbeaux ! Quant aux casseurs de gauche, de braves petits ! Ils essaient de lutter, pour sauver la Terre et la justice ! Là-dessus, les médias créent d’ la peur, pour qu’on ne pipe pas !
_ Vous voulez parler de la sœur de Kate ?
_ Quoi ?
_ Oui, Pipa, la sœur de Kate ! Ouf ! Ouf ! Vous voyez, je suis dépravé, irrécupérable ! Ceci étant, l’humour est une arme contre le désespoir…
_ A condition qu’il soit bon !
_ Il ne l’est pas ! J’en suis désolé, mais tout ce que je comprends, c’est que vous n’avez pas besoin d’ moi ! Vous êtes des fortiches, alors haut les cœurs !
_ C’est ça, nous nous en allons ! réplique le père de famille ! Vous ne nous méritez pas !
_ Tout à fait d’accord ! »
La lumière est de nouveau seule et avec un soupir, elle se remet à rêver…
25
Les egos mangent… « Celui-là, j’ l’ai baisé ! dit le père. Ça faisait un certain temps que je le voyais tourner autour du pot !
_ Il s’est toujours cru important ! approuve la mère, le dos droit et la cuillère en l’air !
_ Il est venu me voir, alors que j’allais prendre ma voiture… Il était dans tous ses états ! Il m’a dit qu’on l’avait oublié dans le budget! que ce n’était pas possible ! qu’on ne pouvait rien sans lui… et qu’il allait faire opposition !
_ Mais qu’il le fasse, si ça lui chante ! réplique la mère.
_ Il a toujours été contre toi, de toute façon ! ajoute la fille.
_ C’est vrai, reprend le père, mais alors je l’ai pris en quatre yeux ! Je lui ai dit : « Dis donc, qui a soutenu le projet de la salle d’expo ? C’est bien toi qui en étais à l’origine ! Là, t’étais content de me voir ! C’est bien grâce à moi que c’est arrivé au bout ! Or, aujourd’hui, on ne fait rien pour toi ! On t’oublie ! Il serait peut-être temps de renvoyer l’ascenseur, tu crois pas ! »
_ Je me rappelle qu’il était venu ici te relancer ! précise la mère.
_ Oh ! T’aurais vu sa tête ! s’écrie le père. Il était vert ! D’un coup, j’ai refroidi ses ardeurs ! On aurait mis une figue entre ses jambes qu’on aurait recueilli de l’huile ! tellement la stupeur le faisait trembler !
_ Ah ! Ah ! Papa, t’es le meilleur ! fait le fils, enfournant une moitié de pain.
_ Sa femme est aussi sotte que lui ! jette la fille.
_ Allons, allons, mes enfants, coupe la mère. N’oubliez pas la charité ! Il ne faut pas dire trop de mal de son prochain ! Quand je pense qu’il a acheté une Porsche !
_ Son personnel se moque de lui ! lance la fille. Elles trouvent que c’est un vieux beau, qui prend sa voiture de sport !
_ En tout cas, il a les moyens ! lâche le fils, qui tend son assiette pour être resservi.
_ Penses-tu ! Toute sa fortune lui vient de sa femme ! s’écrie la mère, qui redonne à manger au fils. Chou, t’en veux aussi ?
_ Non, pour moi terminé ! répond le père. C’était très bon, mais il faut que je pense à ma ligne !
_ Ah ! Ah ! Mais t’es très bien comme ça ! s’insurge la fille. Tu te fais des idées !
_ Faut que j’aille à la réunion, cet après-midi ! fait le père dégoûté et qui se met à se curer les dents.
_ Mais enfin, papa, t’es pas obligé ! rectifie la fille. Tu peux leur dire qu’ils peuvent se débrouiller ! T’en fais bien assez comme ça !
_ Mais bien sûr que si, il est obligé ! coupe la mère. S’il y va pas, tu vas voir comment ils vont lui tomber d’ssus ! Ils n’attendent que ça !
_ Oh oui ! opine le père. Ils cherchent à me prendre en défaut !
_ Tu parles ! appuie la fille. Ils veulent ton poste !
_ Ce sont des voraces ! confirme le fils, entre deux bouchées.
_ Tu sais qu’ils vont voter contre toi, souligne la fille.
_ J’ m’en fous ! fait le père, soudain las.
_ Et toi, tu dis rien ? demande la mère à la lumière, assise en bout de table.
_ Non…
_ Non, tu préfères nous observer, avec ton petit air sournois ! rajoute la mère.
_ Je n’ai pas un petit air sournois, réplique la lumière, et je n’observe pas… Je ne juge pas !
_ Il ne manquerait plus que ça ! crie la mère, qui laisse aller sa colère.
_ Qu’est-ce qui se passe, chou ? demande le père.
_ Mais il est là… Il ne dit rien, explique la mère, car monsieur se croit supérieur !
_ Mais je ne me crois pas supérieur, répond la lumière, j’écoute, c’est tout !
_ Tu vois, lui dit le père, cet après-midi, je dois aller à une réunion, à laquelle je n’ai pas du tout envie d’aller ! Mais il faut bien que j’y aille, car il faut te payer à manger et il y a tes études aussi ! Tu verras quand tu s’ras dans la vie active !
_ Mais je sais, répond la lumière, et je n’ai rien dit !
_ Tu n’as rien dit, jette la mère, mais tu n’en penses pas moins ! On s’ crève le cul pour toi et qu’est-ce qu’on a en récompense ? Ta gueule, ton mépris ! J’en ai marre !
_ Mais…
_ Ne réponds à ta mère ! avertit le père. Si jamais tu lui manques de respect, je te casse en deux !
_ Je sais…
_ Bon, y a quand même des limites !
_ Il faut que tu changes d’attitude ! dit la mère à la lumière. Ça peut pas continuer comme ça, tu peux être sûr ! »
On commence à faire la vaisselle… Le père et la mère discutent encore et la lumière se tient sur ses gardes : on peut de nouveau la prendre à partie ! Elle agit comme un robot, dans un monde qu’elle ne comprend pas ! Son cœur est fermé et elle est triste ! Où est l’espoir ?
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Les enfants Doms (T3, 16-20)
- Le 29/07/2023
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"Ils n'ont pas besoin de Dieu...."
Stalker
16
L’ego est mort et il monte vers Dieu ! Il rejoint une file d’autres egos, qui attendent devant une porte ! A mesure qu’il s’en approche, l’ego devient nerveux et il vérifie que sa cravate est bien nouée, que ses chaussures sont impeccables et que le complet dans lequel il a été enterré n’est pas trop froissé ! Puis, c’est sont tour et il avance dans la pièce, alors que Dieu lui fait signe de s’asseoir, sans pour autant lever la tête ! Un ange passe et enfin Dieu regarde l’ego et lui sourit ! C’est rassurant et l’ego sourit aussi !
« J’suis bien content d’ te voir ! fait Dieu à l’ego. Tu sais, y en aurait que des comme toi et j’ pourrais prendre des vacances ! » L’ego a un geste comme pour dire : « Mais c’est naturel, voyons ! » « Oh ! Mais ne te sous-estime pas ! reprend Dieu. Tu es une perle ! Si ! Si ! J’ai là sous les yeux ton dossier… et il est exemplaire ! Voyons… Tu fais toutes tes prières ! Il n’en manque pas une seule, où qu’ tu sois ! Chapeau !
_ J’ voulais pas vous décevoir !
_ J’ vois ça ! enchaîne Dieu, qui a soudain un geste brusque, qui fait sursauter l’ego. Et les rites ! Tu les as tous suivis !
_ Ah ça…
_ C’est bien simple, tu es le scrupule incarné !
_ N’exagérons rien…
_ Ah ! Pardon ! Y a trente ans, tu t’ souviens ? Tu l’ voulais c’ biscuit ! Il était doré à point, tellement qu’il te faisait les yeux doux ! Mais toi, t’es resté ferme, dis donc ! T’as pas cédé ! La règle disait : jeûne et l’ biscuit, il est resté tout seul ! Il en a pleuré d’ chagrin !
_ Ah ! Ah !
_ Ah ! Ah ! C’est une souris qui l’a eu ! Et crac ! Dame, j’ nourris tout l’ monde !
_ C’est bien normal…
_ Y a quand même des choses, l’ego, qui sont un peu gênantes dans l’ dossier…
_ Ah ? Lesquelles ?
_ Ben, t’aurais insulté, menacé des femmes…
_ Mais elles étaient habillées comme des prostituées ! Elles t’insultaient !
_ Tu veux dire que tu as agis en mon nom ? Tu n’ penses pas que je peux me débrouiller seul ?
_ Si, si ! Bien entendu ! Mais ça m’a révolté !
_ T’as voulu faire ma police, c’est ça ?
_ Voilà ! J’ai tenu à ce qu’on respecte le règlement !
_ Y a aussi cette affaire d’ambassade ! T’as aidé à y mettre le feu !
_ Ils vous respectaient pas ! Maudits soient les athées, les impies !
_ Du calme ! Du calme ! Je vais te donner une bonne note… et je vais même aller plus loin ! Exceptionnellement, tu vas rester pour le cas suivant, car je tiens à te montrer comment je suis mal servi, d’accord ?
_ Très bien…
_ Tu prends la chaise qui est en retrait… et tu vas voir, on va bien rigoler ! Suivant ! »
La lumière entre… « Assieds-toi, lui dit Dieu, et autant te le dire tout d’ suite, j’aimerais avoir quelques explications !
_ Rien ne doit être caché ! répond la lumière.
_ Je vois que tu connais tes classiques ! Justement, tu aimes ma parole, tu t’en nourris et tu deviens une sorte de paria ! Ça commence dans ta famille ! Tu cherches la vérité et te voilà en porte à faux avec tes proches !
_ Oui, ça a été douloureux !
_ C’est un euphémisme, car tu donnes vraiment l’impression de t’amputer d’un membre, comme l’animal qui échappe au piège !
_ J’ avais ton amour dans l’ cœur et je ne le retrouvais pas autour de moi !
_ Tu m’ tutoies ?
_ Il manqu’rait plus que moi, ton enfant, j’ te parle avec cérémonie !
_ Tu vas m’ faire pleurer, grand dadais ! Mais ta peine ne s’arrête pas là ! Te voilà errant, anonyme, méprisé, piétiné, durant des années ! Sans haine ! Tu encaisses tout, par amour pour moi !
_ La foi, c’est la confiance ! Comment aurais-je pu montrer ma confiance, si j’avais laissé aller ma haine ? C’est ton monde et tu fais ce que tu veux !
_ Et tu fais pas tes prières ? Et tu n’observes pas les rites de la religion ?
_ Pourquoi faire ? Ma vie est une prière !
_ T’entends ça, l’ego ? Toi, tu m’as toujours pris pour un maître d’école ! Et les efforts sur toi, nada ! Du moment qu’ t’étais en règle, tu voulais commander, avoir les biftons et ne pas t’ gêner avec ta haine ! Où tu as montré que t’avais la foi, la confiance ? Au contraire, tu t’es défié d’ moi, en ne manquant surtout pas une prière ! Comme si j’étais un comptable !
_ Mais je…
_ Qui m’a aimé, qui m’a insulté ? La lumière a perdu sa vie pour moi ! Par son abnégation, elle a montré combien je pouvais être puissant ! Toi, l’ego, par ta colère, ta dureté, ta justice impitoyable, tu m’as fait voir comme un despote capricieux, faible, sadique même ! Tu es la lie des serviteurs ! Débarrasse-moi, l’ plancher ! J’ veux plus t’ voir ! »
17
La lumière est en vacances et elle voyage en paquebot ! Elle rayonne sur le pont et s’approche d’un couple d’egos, qui se prélasse sur des transats ! « Bonjour ! fait la lumière.
_ Bonjour, bonjour ! répond le couple.
_ Comme c’est merveilleux ! enchaîne la femme.
_ Ouais, y a plus qu’à buller ! rajoute l’homme.
_ Oh ! Oh ! coupe la femme. De toute façon, tu n’ fais pas grand-chose le reste de l’année !
_ Pourquoi tu dis ça ? s’indigne le mari. J’ travaille au magasin tout comme toi !
_ Oui, oh ! Ah ! Ah ! Disons que tu fais acte de présence ! Tu roules des mécaniques à la caisse, mais les commandes, la gestion et même le nettoyage, c’est moi !
_ Et voilà que tu recommences ! Et devant un étranger en plus !
_ J’en ai marre ! J’en ai marre ! Tu peux pas comprendre ça ! D’ailleurs, c’est fini, j’ vais d’mander le divorce ! »
La femme se lève et s’en va, laissant son mari atterré. La lumière ne s’attarde pas et reprend sa promenade… Elle croise un sportif, qui s’entraîne à prendre des départs et qui a l’air très sérieux ! La lumière est impressionnée, mais elle n’a encore rien vu, car le sportif essaye maintenant quelque chose d’incroyablement dangereux ! Le voilà qui se met en équilibre sur le bastingage, ce qui est complètement absurde, car le risque est de tomber à l’eau ! Le sportif oscille un peu et chute effectivement dans la mer ! L’alerte est donnée, un canot est descendu et les recherches commencent, mais elles sont interrompues par la nuit ! Tout le monde parle du drame et n’en revient pas !
Le lendemain, la lumière respire l’air frais du matin et admire la grâce d’un oiseau marin, quand elle entend une sorte de prédicateur, parlant à un petit groupe ! « Dieu est amour ! dit le prédicateur d’une voix suave. Et vous êtes tous ses enfants ! » La communion semble complète entre l’orateur et son auditoire, ce qui pousse naturellement la lumière à se mêler au groupe, mais soudain il y a un changement de ton ! Le prédicateur se met à crier : « Bande de salopards ! Tas d’ordures ! Non mais, regardez-vous ! Vous vivez dans la bauge, loin de toute sainteté ! J’ vais vous redresser à coups de trique ! Vous allez marcher selon la loi du Seigneur, c’est moi qui vous l’dis !
_ Dieu est amour ! rappelle la lumière. Ne l’oubliez pas !
_ Non mais, je rêve ! Un porc qui m’ fait la leçon ! T’as aucun respect pour l’ sacré ! Et Dieu n’aime que ceux qui l’ respectent !
_ « Aimez ceux qui vous haïssent ! » demande-t-il et lui en s’rait incapable ?
_ J’ vous aurai tous ! J’ vous f’rai tous crever ! Les uns après les autres ! »
Tous s’enfuient devant une telle haine et la lumière se remet de ses émotions un peu plus loin, où il y a une famille, spectacle charmant ! Une petite fille joue au croquet avec son père manifestement et elle dit : « Papa, y a des gens qui ont des cabines plus grandes que nous !
_ Ce sont les riches, ma chérie…
_ Et pourquoi nous, on n’est pas riches ?
_ Parce que nous, nous respectons les gens…, alors que les riches les exploitent, les traitent comme des esclaves ! »
La lumière, surpris par ce « chant » de la justice sociale, vient plus près et se place tel un curieux bienveillant ! Mais alors le père se rembrunit et d’une voix sourde, il jette : « Mais t’inquiète pas, ma petite fille ! Un jour, les riches, on les f’ra tomber ! On les brisera comme ça ! » et il casse sa canne de croquet, sous les yeux stupéfaits de sa fille !
Déçue, la lumière s’en va, mais elle n’a pas fait quelques pas qu’elle est bousculée par un Noir ! Encore choquée, elle voit des Blancs lui passer brusquement devant, à la poursuite du Noir ! « Au voleur ! crient certains. Qu’on le pende ! »
Là-bas, il y a bientôt un attroupement et l’horreur se déchaîne, puisque le Noir est effectivement pendu à une passerelle ! Cela s’est passé si vite que la lumière n’a pu intervenir et elle regarde ces visages laids et comme ivres !
Mais ainsi va la lumière en été : elle gonfle les humains comme les fleurs et l’ego montre tout son mensonge et sa folie !
18
Deux Narcissos discutent autour d’un feu, dans la nuit ! Les Narcissos sont des supers egos ! Alors que le monde est sans repères, rongé par le chaos, soumis à la violence et apparemment dépourvu d’avenir, à cause du réchauffement, l’ego se raccroche à lui-même, comme un naufragé à son radeau ! Si en plus il est jeune et donc fragile, il se crée une bulle d’égoïsme, où il ne recherche que lui-même : c’est le Narcisso !
Véritable monstre des temps nouveaux, le Narcisso a tout de même quelques excuses ! S’il regarde à gauche, il est effrayé par des gens hargneux et haineux, qui croient naïvement que tout le malheur vient des riches et des profiteurs ! S’il regarde à droite, il voit un marécage avec des crocodiles, qui disent des énormités sur la morale ou les démocraties ! Quant aux idées, à la vie intellectuelle, elle se résume à des plagiats non avoués, par des auteurs précieux, qui se noient dans un verre d’eau ! Par exemple, les expressions « Coopérez » ou « Les liens qui libèrent » sont utilisées pour ne pas dire : « Aimez-vous les uns les autres ! », ce qui est éminemment plus fort et plus vrai !
De toute façon, le Narcisso se juge entouré de Boomers, les responsables de son malheur, de sa situation périlleuse et même sans issue ! Le repli sur soi s’impose donc, car la confiance est impossible et on devient un monde psychique à part, telle une citadelle isolée ! Il faut d’abord se défendre contre les attaques des adultes, ce qui exige de monter régulièrement au créneau ! Les alertes se succèdent et demandent des remparts toujours plus forts ! La moindre faille est bouchée et malheureusement, le château se montre imprenable ! Ses murs sont lisses et le mystère plane sur son intérieur hermétique !
Que se passe-t-il là dedans ? Nul ne le sait, mais le terrain est prêt pour le Narcisso ! C’est lui le prince du lieu ! C’est son étendard qui flotte sur le toit et sa justice qui règne ! Mais pourquoi tous ces assauts d’adultes ? Mais le Narcisso est fils ou fille d’egos et ceux-ci ne supportent pas que les fruits de leurs entrailles échappent à leur contrôle, puisqu’ils vivent du sentiment de leur pouvoir ! Le Narcisso est le digne héritier de l’ego et il ne fait que pousser à l’extrême le comportement de ses géniteurs ! Le lait du bébé Narcisso, c’est l’hypocrisie et la peur du Boomer !
Le Narcisso est clos et chaque jour il doit se nourrir de son image ! Il consulte incessamment son Narcisse (portable) à la recherche de quelque chose qui le concerne, qui lui dit qu’il existe et qu’il a de la valeur ! Tout ce qui vient troubler la surface de son reflet est haïssable ! Toute interférence le fait hurler, ainsi qu’on lui arracherait l’estomac ! C’est qu’il est sous perfusion de lui-même ! Il est assoiffé de sa personne dans un désert ! La tension psychique qui l’habite et l’épuise le rend incapable de patience, de relâchement ! C’est pourquoi il ne supporte l’autre que s’il est soumis et il ne tolère l’autorité qu’à la condition qu’elle ne le dérange pas !
Mais les deux Narcissos qui sont ici autour de leur feu ont une spécialité : ce sont des chasseurs de Climatos ! Ceux-ci sont des animaux lourds, qui traversent la plaine en bramant ! Ils crient que le climat se réchauffe et qu’il y a urgence à le refroidir ! Ils importunent donc les Narcissos ! comme l’appel de leurs parents les irritait, quand ils étaient enfants ! C’est un étranger qui entre dans leur château, dont il faut se débarrasser et couchés sur une hauteur, ils tirent au fusil sur les Climatos qui passent et qui s’écroulent, pareils aux bisons ! Notons que le Climato est issu de la branche des Scientificos, qui est elle-même en partie responsable du Narcisso !
Dame ! Pendant des années, pour ne pas dire des siècles, les Scientificos ont vidé le ciel et instauré l’ère du soupçon ! Tout ce qui n’était pas gouverné par la raison et n’obéissait pas à la logique était moqué et chassé de la ville ! La foi et la beauté notamment furent recouvertes de goudron et de plumes, avant de prendre la route à coups de pieds dans le cul ! Sur le bureau du shérif trône sa devise : « De quoi est-on absolument sûr ? De rien ! Mais de ça, on est sûr ! » L’ennui, c’est que tout le monde s’est mis à regarder tout le monde avec méfiance ! La ville a perdu son attrait, sa magie et le vent de la soif est venu l’envahir, roulant des épineux ! Cet air de désolation, d’abandon a attiré le desperado, qui se voit soudain le maître ! Pour calmer son anxiété, le Narcisso triche au jeu, incendie la grange ou tue dans la rue !
« Où as tu appris à tirer ? demande l’un des Narcissos à son compagnon.
_ C’était pendant le Covid ! Quand on m’a dit de rester chez moi, j’ai pris mon fusil et j’ suis allé m’entraîner ! Il n’était pas question qu’on me commande !
_ T’as raison ! Tu sais que certains Climatos croient qu’on fait partie de l’extrême droite !
_ C’est encore un truc d’adultes, ça non ? »
19
La lumière attend… Elle écoute le vent et elle n’est ni triste, ni gaie ! Elle attend… En fait, elle cultive sa confiance et elle paraît semblable aux rochers qui l’entourent, car on est sur un plateau désertique, dont l’horizon se confond avec le ciel ! La lumière éprouve le temps, grain à grain, goûtant même les moindres éboulis !
Un oiseau se pose, il sautille, il est vibrant de vie ! Il cherche sa nourriture, puis s’en va, aussi vite qu’il est venu ! Il a son chemin et la lumière n’a pas essayé de l’en détourner, car le monde ne tourne pas autour d’elle… et c’est tant mieux, puisqu’il ne repose pas sur ses épaules ! Au fond, la lumière se sent légère, attentive, même si une impression de vide ne la quitte pas ! D’où vient celle-ci, alors qu’elle est teintée de tristesse ?
Un point noir arrive là-bas, se rapproche, c’est l’ego ! Il est agité et dit à la lumière : « Quelle chaleur, hein ? » Son visage est rouge, en sueur et il s’essuie le front ! « Oui, il fait assez chaud, répond la lumière par sympathie.
_ Dites donc, l’endroit m’a l’air bien paumé ! Qu’est-ce que vous faites ici ? En vacances ?
_ Oui et non… Disons que j’attends…
_ Et vous attendez quoi ? Le train ? Ah ! Ah !
_ J’apprends à être calme…
_ Ouh là ! La vache ! Vous êtes du genre bonze, c’est ça ? Vous ne répondez pas ? J’ voulais pas vous blesser ! Hein ? Le prenez pas mal ! Mais j’en déduis que vous êtes à la retraite !
_ Si vous voulez…
_ Comment ça, si je veux ? Soit on bosse, soit on est à la retraite ! Alors ?
_ Je n’ai pas de retraite…
_ Non ? Vous n’avez jamais travaillé ? Ah ! Ah ! C’est la meilleure ! Bravo ! Vous avez bien baisé le système, ah ! ah !
_ Qu’est-ce qui est le plus difficile ? Aimer ou haïr ? Comprendre ou crier ? Exciter ou apaiser ? J’ai choisi le plus difficile et donc le travail !
_ Ah bon ? Il vous a bien fallu de l’argent pour croûter, non ? Et vous avez profité de celui des autres, sans aucune gêne, pas vrai ? Comme ça, c’est facile d’être zen ! Même moi, j’ pourrais y arriver !
_ C’est étrange…
_ Quoi ?
_ Mais vous êtes plein de fureur...
_ Mais parce qu’il y a plein de choses qui n’ vont pas ! C’est une catastrophe ! Vous n’allez pas l’air de vous en rendre compte !
_ La seule chose que je vois, pour l’instant, c’est votre énervement et donc votre malheur…
_ Mais, bon sang, sur quelle planète êtes-vous ? La police tue ! La fracture sociale ne cesse de s’agrandir ! La précarité est affreuse ! L’inaction climatique aussi ! Y a urgence ! Mais qu’est-ce que… ? »
A ce moment, une vieille dame passe en tirant son âne et l’ego manque de la culbuter ! « Oups ! Pardon ! » fait-il à la vieille, qui s’écarte et s’éloigne sans un mot ! « Je ne savais pas qu’il y avait des gens par ici ! reprend-il à l’adresse de la lumière.
_ Oui, cette dame s’appelle la Beauté !
_ Ah bon ? Elle paie pas d’mine pourtant ! Mais vous devez bien connaître le coin, non ? Vous avez le visage frais, comme si vous saviez où il y a d’ l’eau !
_ Bien sûr ! Suivez-moi... »
La lumière entraîne l’ego sur une pente escarpée, puis elle montre dans une anfractuosité une nappe de cristal ! « Bon sang ! s’écrie l’ego. Ça donne envie de se baigner ! On dirait un bain d’ jouvence ! Mais... mais comment on y descend ?
_ Il y a un escalier là… Mais il n’est pas facile…
_ J’ vois ça ! Bon, ben, j’ vais m’abstenir tout compte fait ! De toute façon, j’ suis habitué à l’eau du robinet ! Et puis, j’ai une réunion à cinq heures ! Eh ouais, le combat continue ! J’ chôme pas, moi ! L’injustice, dès qu’on baisse la garde, elle continue d’avancer ! J’ vais vous laisser méditer, ah ! ah ! »
Ils reviennent vers l’endroit où ils étaient tout à l’heure, car y passe la piste… « Bon, ben, j’ai été enchanté de faire votre connaissance ! reprend l’ego. Entre nous, dites, vous n’avez pas peur de finir comme ces pierres ?
_ Non, en tout cas, si vous avez besoin de vous reposer, vous savez que je suis ici… »
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Un ego se précipite vers d’autres egos : « Alerte ! Alerte ! Quelle infamie ! Quel scandale ! Ah ! Je meurs ! Je n’en peux plus !
_ Mais enfin que se passe-t-il ?
_ Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui se passe ? Mais un crime ! Un horreur sans nom ! Toutes les bornes ont été franchies !
_ Pouvez-vous être plus clair ?
_ Mais la lune a transpercé le soleil ! L’ère des ténèbres a commencé ! Nous sommes les dinosaures de la justice et l’astéroïde de l’ignominie vient de frapper la Terre !
_ Nous frémissons ! Est-il question de la justice ?
_ Absolument !
_ Han !
_ Excusez-moi, mais je suis encore sous le choc ! On a dit…
_ Qui a dit ?
_ Chut !
_ La police…
_ La police ?
_ Oui !
_ Chut !
_ Quel rapport avec la justice ?
_ J’ y viens… C’est tellement horrible ! Il a dit…
_ Qui a dit ?
_ Ne poussez pas !
_ La justice…
_ Oui…
_ Chut !
_ Il a dit…
_ Oui…
_ Il a dit que la justice…
_ Han !
_ Que la justice…
_ Que la justice…
_ Non, c’est pas ça ! Que la police…
_ Que la police…
_ Chut !
_ Je… je ne me rappelle plus !
_ Ce n’est pas possible !
_ Faites un effort, voyons ! C’est important !
_ Oui, concentrez-vous…
_ La justice… La police…
_ La justice… La police…
_ Il y a une relation entre les deux, j’en suis certain !
_ Évidemment !
_ C’est tellement grave... que je voudrais pas me tromper !
_ Bien sûr ! Prenez votre temps ! Nous sommes là pour vous aider !
_ La justice… est avant… ou derrière la police !
_ Vous êtes sûr que ce n’est pas à côté !
_ Mais chut, à la fin !
_ Attendez ! Ça m’ revient !
_ Oui !
_ La police… se moque de la justice ! Oui, j’ crois que c’est ça !
_ Quoi ?
_ Qui a dit ça ? La police ou la justice ?
_ Mais la justice, c’est évident ! Comment la police pourrait-elle dire une telle énormité ?
_ La justice se moque de la police alors ?
_ Vous, vous suivez que ça fait plaisir !
_ Aux armes ! Aux armes ! La coupe est pleine !
_ Quel scandale ! Quelle déchéance ! Peut-on descendre plus bas ?
_ Triste pays..
_ Sombre pays…
_ Pays perdu...
_ Il nous faut le nom des coupables !
_ Ah ! Je n’en peux plus !
_ Je vous passe mon mouchoir… Non, pas pour vous moucher ! Tant pis, c’était pour vous essuyer…
_ Mais enfin qui est derrière tout ça ?
_ Ils ont dit…
_ Hein ?
_ Quoi ?
_ Encore ?
_ Hélas !
_ Vous marchez sur mon pied !
_ Non, c’est impossible !
_ Si, si, je vous assure !
_ « Non possumus ! »
_ « Cave canem ! »
_ A mort !
_ Marchons, marchons...
_ Mais enfin, attendez-moi ! »
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Les enfants Doms (T3, 11-15)
- Le 22/07/2023
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"L'échelle est haute, mais je grimpe!"
Le distrait
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Aujourd’hui, la lumière est bien ! Oh ! Ce n’est pas qu’elle déborde d’énergie, qu’elle soit pleine d’espoir et qu’elle ait de nouveau confiance ! Non, elle arrive tout juste à être en paix avec elle-même, ce qui lui permet de ne pas perdre sa lucidité et donc de ne pas se fatiguer outre-mesure ! C’est essentiel car, à partir d’un certain stade, on force pour échapper à l’angoisse, ce qui produit les drames ou les accidents qui jalonnent l’actualité ! D’ailleurs, celle-ci est un véritable festival d’horreurs et de bêtises !
Mais la lumière reste dense et sereine, malgré le désert qui l’entoure, et tout de suite l’ego veut lui trancher la gorge ! Ce n’est pas surprenant : l’ego vit pour lui-même, pour dominer, être le centre des autres et la lumière ne suit pas le programme ! Elle se nourrit de plus grand qu’elle, notamment de la beauté des nuages ; elle réfléchit aux grandes lois qui régissent la vie, elle étudie la sagesse, ce qui dépasse entièrement l’ego, en suscitant sa haine ! L’indépendance, la tranquillité de la lumière est ainsi tout de suite la cible de l’ego, qui montre toute sa colère et qui fait de la vie un enfer, pour lui comme pour les autres !
Mais il existe aussi des egos qui cherchent, qui doutent et qui apparaissent respectueux de la lumière, car ils voient sa puissance, sa force, alors qu’eux-mêmes souffrent au point de s’avouer leur ignorance ! Ce ne sont pas des egos jusqu’au-boutiste, qui gardent l’illusion qu’on peut triompher sur un tas de morts, et ils révèlent sans le dire que l’angoisse nous éduque, nous « travaille », nous creuse, comme le ciseau sculpte la pièce de bois ! Il y a donc, sous l’effet des inquiétudes, ceux qui deviennent encore plus durs et qui vont vers leur destruction, et ceux qui au contraire cèdent enfin, en se présentant plus malléables, plus à l’écoute, reconnaissant à la lumière sa valeur, puisqu’elle est manifestement plus heureuse et sûre d’elle-même ! On ne copie que ce qui marche !
L’angoisse n’est donc pas notre ennemie, même si elle est profondément désagréable, car sinon elle ne serait pas l’angoisse ! même si encore elle provoque généralement un regain de l’ego, ce qui ne fait que l’amplifier, car la solution la plus facile pour l’égoïsme, face à l’adversité, c’est bien entendu de se renforcer ! Et plus l’égoïsme est fort et plus nos vies ressemblent à un désert, où nous crevons de soif ! Dans ces conditions, la haine peut perdre toute mesure, exploser et commettre l’irréparable ! Mais c’est juste de l’ego qui a voulu se tromper lui-même et ne pas faire d’efforts ! La lumière, elle, se mesure à l’angoisse, car elle veut la vérité ! Elle attend, ne s’énerve pas et finalement elle ne fait plus qu’une avec l’angoisse ! La paix est à ce prix ! Le mensonge, c’est d’accuser les autres ! C’est la fuite !
L’angoisse nous transfigure ! Ce que nous avons gagné contre elle nous est acquis à jamais ! Absolument personne ne pourra nous l’enlever ! Nous sommes les vainqueurs d’une guerre silencieuse et non dite ! Heureux celui que l’angoisse éclaire ! Heureux celui qui sort du feu de l’angoisse, avec le visage serein ! Heureux celui qui ne cède pas à la haine ! Heureux celui qui dresse son angoisse comme un chien : il devient le maître d’un tourbillon ! Heureux celui qui sait attendre, car sa récompense est l’eau la plus pure, la plus fraîche ! Qui voudrait ne pas sentir la caresse d’un amour infini ? Mais l’ego mord la flamme ! Il s’enfonce dans sa haine ! Il s’agite, rugit ! On lui doit des comptes, alors qu’il est sans courage ! Il se dit guerrier, bien qu’il nie le dragon ! Il est une marionnette de la peur !
« Eh ! Attention ! » fait l’ego à la lumière qui s’écarte ! L’ego est très sérieux, plein de mouvements et porte un gilet spécial ! « Qu’est-ce qui se passe ? » demande un autre ego et voilà les egos discutant au milieu de la rue, avec de l’autorité ! L’ego est un acteur impeccable ! Son décor aussi avance, s’installe ! Un gros camion ici s’approche, pour dérouler un câble... C’est le progrès, mais aussi l’ego qui s’honore ! « Vous dégagez la place ! » crie un chef à ses hommes et le monde est maintenant suspendu à une manœuvre ! L’angoisse est partie, chic ! « Qu’est-ce que ça file ! » s’exclame le voisin de la lumière, qui réplique : « Comme Marat !
_ Quoi ?
_ Marat Ça file !
_ Très drôle ! »
L’ego n’aime pas lumière : il la trouve dédaigneuse, rabat-joie ! Rien ne compte plus pour l’ego que son théâtre !
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L’ego est malade, il vient de l’apprendre : il a un cancer ! Déjà, son visage est légèrement émacié et il se sent fatigué ! La maladie a lentement commencé à le dévorer intérieurement, comme si elle « pompait » tout l’être ! La lumière est désolée et frémit, car elle pourrait être un jour atteinte aussi et alors quelle serait sa réaction ?
Pourtant, pour l’instant, au-delà de la tristesse causée par la souffrance d’un autre, la lumière ne peut s’empêcher de penser, d’autant qu’elle connaît bien l’ego ! Pour celui-ci, la vérité est relative… Chacun voit le monde à travers ses convictions et il en est très bien ainsi ! Nous serions donc des îles isolées, uniquement reliées par les lois qui permettent à la société de fonctionner ! Il n’y aurait pas de vérité universelle et la foi notamment ne relèverait que de l’intimité de chacun !
Voilà qui est étonnant ! On peut comprendre ce point de vue, qui garantit la laïcité et donc la liberté de penser, si on ne considère les religions que d’après leurs règles, ainsi qu’elles seraient quasiment des partis politiques ! La foi alors ne serait qu’une affaire d’opinion ! Mais celui qui croit sincèrement détermine des lois et ce sont celles de la sagesse ! Il a le même regard que celui du scientifique, qui vérifie par l’expérience l’exactitude de ses théories ! La foi n’est pas quelque chose d’obscur, mais elle s’affirme au contact de la réalité !
Et l’une des préoccupations majeures de la lumière, c’est comment guérir son angoisse ! Autrement dit, quel sens peut-on donner à la vie ! Quelle n’est pas alors sa surprise, quand l’ego trouve cette question secondaire, comme si lui-même lui avait donné une réponse ! Il n’en est rien évidemment, mais l’ego est à même de s’illusionner sur son compte, grâce à sa domination ! C’est l’égoïsme qui permet à l’ego de repousser sa peur et il ressemble au trapéziste insensible au vertige, parce qu’il est tout à son numéro ! On comprend par conséquent le trouble, la haine de l’ego, car sa paix n’est que factice ! Si on lui fait obstacle et qu’il n’est plus question de lui, c’est la chute !
Ceci explique sans doute pourquoi le nombre de malades, malgré notre modernité, ne diminue pas ! Sous le vernis de l’objectivité, la tension produite par l’angoisse continue son œuvre destructrice ! Rien n’apparaît à l’extérieur, mais le corps se tord à l’intérieur, est soumis à des pressions extraordinaires et finit par céder, en se détraquant ! Ce combat est invisible et muselé, puisque l’équilibre de l’ego, c’est sa réussite ! Même de se montrer ignorant est exclu ! L’orgueil sombre, fier près de son drapeau, alors que le naufrage eût pu être évité !
Mais ainsi vont nos sociétés, comme marchant sur l’eau ! l’hypocrisie nous donnant le sourire, alors que le requin de la maladie nous saisit tour à tour et nous fait disparaître ! La foi, elle, ne peut éluder la vérité, à moins qu’elle ne se résume aux dogmes de la religion et ne devienne haineuse, si on ne les respecte pas ! Dans ce cas, le croyant ne se différencie en rien de l’ego et suit le même chemin ! Comment trouver la paix ? Comment guérir les maladies ? Comment éviter des maux comme la sédentarité, à l’origine de bien d’autres troubles ? La science a bien entendu des réponses, Dieu merci pourrait-on dire, mais sont-elles suffisantes ? Apparemment non… et ce n’est pas une question de temps, puisque le problème ne fait que se déplacer ! On éradique un fléau et un autre apparaît ! Notre confort même nous tue !
Au fond, la science accentue notre angoisse, plutôt qu’elle ne l’apaise ! Ce n’est pas que nous refusions l’étendue de nos connaissances, mais la science ne nous propose aucune vision cohérente ! Elle nous rapporte le fruit de ses recherches, tel un enfant a trouvé un objet sur la plage ! A nous de nous débrouiller ! Que faisons-nous ici ? Comment partager l’enthousiasme des chercheurs, alors que leur domaine nous dépasse ? Comment ne pas voir que bien des scientifiques sont moins mâtures que des bénéficiaires du RSA, qui eux ont dû affronter la vie jusqu’au tréfonds ? Comment ne pas être surpris de la hauteur d’un médecin ou d’un psychologue, qui bénéficient donc d’un luxe moral ?
Les médicaments, les opérations réparent sans aller à l’essentiel, c’est-à-dire à la paix factice de l’ego ! Tant que nous nous « paierons de mots », nous serons malades ! Tant que l’ego reste sourd à la lumière, il vit dans le chaos et le stress y fait des ravages ! Tous, nous en pâtissons ! Imaginons chacun, luttant contre son ego et d’abord contre son impatience, par amour ! Imaginons chacun curieux de l’autre ! Imaginons chacun courageux, car aimant ! Imaginons chacun reconnaissant à l’autre sa valeur, bien qu’il ne soit pas d’accord avec lui ! Imaginons chacun calmant sa colère ! La maladie aurait-elle encore prise sur nous ?
Aujourd’hui, c’est comme si la société toute entière était atteinte d’un cancer, celui de la haine ! C’est là le fruit de l’ego !
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La peur rejoint l’ego : « Tu cliques où sur le Captcha de l’espoir ?
_ Quoi ?
_ Ouais, regarde la société et tu cliques partout où tu vois de l’espoir !
_ Ben… Euh… A vrai dire, j’ suis plutôt mal, triste même ! En tout cas, j’suis inquiet ! Ouh ! Comme je suis inquiet !
_ Si tu vois pas d’espoir, tu cliques sur ignorer !
_ C’est pas un piège ?
_ Mais non, tu m’ connais !
_ Justement ! Tu m’ rends nerveux !
_ Bouh !
_ Ah !
_ Quel peureux tu fais ! J’ai pourtant pour toi plein d’ solutions ! J’ laisse jamais tomber un ami !
_ C’est justement ça le problème, je veux m’ débarrasser d’ toi !
_ Ben, t’as qu’à picoler ! Effet garanti !
_ Non, mais tu m’ vois la canette à la main, dans mon jean crasseux, en train d’insulter le système !
_ Mais tu peux manifester le samedi ! Ça te permettrait d’attaquer l’ dimanche !
_ Pourquoi le dimanche serait un problème ?
_ Mais parce que tu travailles pas et qu’ c’est du vide ! A quoi crois-tu que sert la cuite du samedi soir, si c’ n’est pour rester avachi devant la télévision le lendemain ? Toi, tu pourrais t’ dire que tu as gueulé la veille dans la rue, avec les camarades, et qu’ l’ combat continue ! A ce moment-là, moi, j’ devrais m’ faire tout p’tite ! Le sentiment de ton utilité me regarderait avec des yeux noirs !
_ Ouais, ouais, mais j’ suis quand même pas si bête ! Les extrêmes, c’est jamais fatigué, moi si ! J’aime bien l’intelligence, la nuance ! J’ m’ mets un peu à la place de l’autre et j’ me dis que les choses sont complexes !
_ Ce n’est pas vrai ! Tu… tu te mets à la place de l’autre ? Même s’il est différent, opposé ? Ce n’est pas possible, c’est trop pour moi ! Tu vois, ça sort à gros bouillons !
_ Allons, allons…
_ Je n’en peux plus…., tous ces abrutis !
_ Je sais, not’ pays est damné !
_ Si t’étais une femme, j’ te dirais quoi faire pour me chasser !
_ Eh ben, vas-y…
_ Oh ! Mais j’ diffus’rais mes hormones comme un parfum ! Les mecs baveraient autour ! J’en choisirais un, pas trop décati… En fait, faudrait qu’il soit sûr de lui ! L’idéal s’rait un type comme un rocher ! J’ m’accroch’rais à lui, j’ prendrais ses mesures et bientôt, j’ l dresserais ! pour qu’il gagne plus et qu’il vise plus haut ! Le soir, j’ l’ regarderais rôtir, en surveillant la cuisson ! Mais qu’est-ce que j’ raconte ? J’ suis belle et douce !
_ Ouais, ouais, ton plan manque de netteté ! J’ pensais à un truc… et la lumière ?
_ La lumière, la lumière, c’est très surfait, tu sais !
_ J’ croyais qu’ la foi t’écartait, t’ mettait au rancart !
_ Une légende ! Tu crois vraiment qu’on peut rire de moi ! Tiens, si j’vois la lumière, j’ lui dirai : « Écoute, la lumière, est-ce que tu es assez pure ? Est-ce que tu aimes tes ennemis ? Vraiment ? Est-ce que tu les bénis et les plains ? Hein ? Hum ! Hum ! Là, j’ peux te dire que la lumière n’en mène pas large ! Elle commence à trembloter !
_ C’est vrai ?
_ Mais bien sûr ! Le fuselage fait un drôle de bruit ! On est tous pareils ! C’est bien simple, la lumière est tranquille comme un lac et moi, j’ lui d’mande : « Quelle profondeur le lac ? Y aurait pas un monstre au fond ? Genre nouvelle Nessie ? » et la surface se trouble ! Et faut qu’ j console tout ça ! Dieu qu’ c’est fragile ! Me v’là à raconter une histoire, pendant qu’on mange un carré d’ chocolat ! Puis, y a les bisous et enfin, enfin, on s’endort ! Ouf !
_ Ah ! Ah ! Quand j’ pense à la lumière, avec ses grands airs !
_ La seule différence, c’est qu’elle, elle bosse !
_ Hein ? Mais, moi aussi !
_ Tu restes tout de même timide ! Elle, elle essaie vraiment d’ changer, tandis que toi, tu es comme la barque qui pourrit dans l’port ! Alors, qu’est-ce qu’on fait ?
_ Espèce de...
_ Comment ? Tu vas m’ dire que tu m’ kiffes pas ? Bouh ! Comme j’ suis malheureuse ! Ah ! Ah ! Comme si tu pouvais m’ quitter ! Une partie de baballe ? J’ te passe la balle, tu m’ la repasses et ainsi d’ suite ! Extra, non ? C’est la saison en plus ! Gi ?
_ Va t’ faire…
_ Chéri, pense aux enfants ! Hi ! Hi ! »
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L’ego rentre chez lui pour déjeuner…, mais à peine entre-t-il dans la cuisine qu’il entend des pleurs ! « Qu’est-ce qui s’ passe ici ? demande l’ego d’une voix grondante.
_ Y veut pas manger son poisson ! répond sa femme.
_ J’ veux pas manger mon poisson ! J’ veux pas ! crie l’enfant.
_ Quel maniaque ! jette le père en s’asseyant.
_ Tiens, chéri, sers-toi ! lui dit l’épouse en montrant les plats, puis elle se tourne de nouveau vers le p’tit garçon. Allez, il en reste encore ! Tu vas m’ faire le plaisir de manger tout ça !
_ Nan ! J’ veux pas mon poisson !
_ Alors, répond la mère, j’ vais être obligé d’appeler les pêcheurs ! Et tu sais ce qu’ils vont faire les pêcheurs ? Ils vont v’nir ici et ils vont brûler la maison ! T’auras plus d’ maison !
_ Non, c’est pas vrai !
_ Si ! Car quand ils sont en colère, les pêcheurs, y brûlent les maisons ! Y sont très méchants !
_ Ouin ! J’ veux pas mon poisson !
_ Bon très bien, j’ vais téléphoner aux pêcheurs ! C’est ça qu’ tu veux ! Être dans la rue sans maison ?
_ Mange au moins tes carottes ! fait le père.
_ J’ veux pas mes carottes ! Elles sont pas bonnes !
_ Oh ! Ben, alors là, faut prévenir les agriculteurs ! J’ vais leur téléphoner ! (Le père se lève, reste une minute dans son bureau, puis revient). Voilà ils arrivent ! Tu sais ce qu’ils vont t’ faire les agriculteurs ?
_ Non….
_ Y sont pires que les pêcheurs ! Ils vont v’nir ici avec leur tracteur… et ils vont t’accrocher derrière !
_ Non, c’est pas vrai !
_ Si ! Y vont t’ traîner derrière leur tracteur ! Dans la rue jusqu’aux champs ! Là, ils rigoleront de t’voir tout plein d’ terre dans l’ maïs ! A moins qu’ils t’ passent dans l’ blé ! à cause des vipères ! Si elles sont dérangées, elles mordent et c’est fini !
_ Non ! Ouin ! J’ veux pas les agricu… teurs !
_ C’est trop tard ! Écoute ! On entend l’ tracteur ! Il arrive !
_ Nan, c’est pas vrai !
_ Allez, y reste plus que deux bouchées ! dit la mère.
_ C’est froid !
_ C’est vrai, c’est froid ! Si tu mangeais convenablement aussi ! Seigneur, j’ sais plus quoi faire ! Bon, tu vas au manger ta pomme, j’espère ! Les fruits, c’est bon pour la santé !
_ J’ veux pas ma pomme, non pus !
_ Pouah ! s’écrie le père. Y a qu’à l’ vendre aux émeutiers ! Tu sais c’ qui vont t’ faire les émeutiers ? Y vont t’accrocher des pétards sous les bras et y vont r’garder danser dans la nuit, car t’ s’ ras plein d’étincelles !
_ La police viendra m’ sauver !
_ Mais elle n’aime pas les p’tits garçons qui mangent pas leur pomme !
_ J’ pense qu’on peut t’ vendre aux émeutiers pour dix euros ! renchérit la mère. Tu vaux pas cher, tu sais !
_ J’ veux pas ma pomme ! J’ veux aller jouer !
_ Laisse donc, chou ! rajoute le père. Il ira avec les Gilets jaunes, pour garder un rond-point ! Il mang’ra des raviolis en boîte !
_ Y brûlera des poubelles pour s’ chauffer !
_ Y f’ra hou ! hou ! d’vant la police !
_ Y s’ra tout sale, avec de la barbe !
_ Y cass’ra tout !
_ Il ira voler des jouets et on l’ mettra en prison !
_ Il m’ttra le feu à l’Elysée !
_ Y dira pas d’ pouvoir, c’est mon pouvoir !
_ Y s’ra fou !
_ Non, c’est pas vrai !
_ Mais alors mange, bon sang ! s’écrie la mère désespérée.
_ Et Poutine ? Y s’en occup’rait, Poutine ! reprend le père. Y viendrait là, tout gentil, mais y mettrait du poison sur ta p’tite voiture, tiens ! Et toi, tu la prendrais et hop ! faudrait t’ conduire à l’hôpital !
_ Oh ! Mais y a encore plus simple ! réplique la mère. On appelle les féministes et elles vont lui couper l’ zizi ! »
15
Ratamor a rejoint le camp du commando Science et ce matin-là, il se réveille à peu près bien ! Il sort de son baraquement et bâille, alors qu’il apprécie la rosée sur l’herbe, quelques petites fleurs et le chant d’un pigeon plus loin ! A cet instant, un climatologue passe avec une serviette et une trousse de toilettes, se dirigeant vers les sanitaires ! Ah ! La toilette du matin en mode camping ! Un carrelage peut-être pas très propre, une série de lavabos au-dessous de leurs petits néons et à côté, une chasse d’eau qui est tirée, après le premier caca de la journée ! « C’est assez plaisant, pense Ratamor, d’autant que le silence et la fraîcheur matinale accompagnent ce moment simple ! »
« Bonjour ! fait Ratamor au climatologue. Une belle journée qui commence, hein ? » Le climatologue ne répond pas, mais brusquement il souffle dans un sifflet, déclenchant une alerte ! Des hommes et des femmes de la sécurité accourent, à la stupéfaction de Ratamor, qui se voit aussitôt couché à terre et menotté, avant d’être emmené ! « Mais qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce que vous voulez ? » s’écrie-t-il, tandis qu’on le pousse déjà dans un bureau et qu’on le fait asseoir face à une femme en tenue kaki !
Ratamor abasourdi voit qu’on informe la femme et qu’on se retire, tandis qu’un lourd silence s’installe et que deux gardes restent autour de la porte ! Le sergent Fink, car tel est son grade et son nom est indiqué sur son uniforme, consulte un écran, prend quelques notes, puis enfin s’adresse d’une voix monotone à Ratamor, ainsi qu’elle aurait été lasse de l’inconséquence du monde ! « Vous vous appelez Ratamor, dit-elle, vos états d’ service sont excellents ! Vous êtes un véritable apôtre de la science ! un héros pour la jeunesse ! Vos supérieurs sont prêts à s’appuyer sur votre capacité à prendre des décisions, mais peut-être vous a-t-on trop souvent confié des missions dangereuses… et vous avez fini par craquer ! Classique, pourrais-je dire, si la situation n’était pas aussi préoccupante !
_ Mais… mais de quoi parlez-vous, bon sang !
_ Ratamor, pourquoi êtes-vous devenu climatosceptique ? Croyez bien que nous le regrettons…
_ Mais qu’est-ce que vous racontez ? Je n’ai jamais été climatosceptique ! Au contraire, je… je…
_ Ne venez-vous pas de déclarer à un de nos collègues qu’une belle journée commence ?
_ Mais… mais c’est la vérité ! Je me réjouis simplement de ne pas être à la même époque sous la sécheresse de l’année dernière ! Cela… cela ne veut pas dire que je nie le réchauffement climatique !
_ Savez-vous que ce mois-ci a été l’un des mois les plus chauds jamais enregistrés !
_ Très bien, mais il ne faut pas seulement se concentrer sur les chiffres ! Il est humain d’exprimer son bien-être personnel… et la terre elle-même utilise la moindre goutte d’eau… et il a plu quelques jours, ce dont je me suis enchanté !
_ Des départements observent de sévères restrictions ! Par solidarité…
_ Mais, s’il est bon de tirer la sonnette d’alarme, il est néfaste de s’y pendre ! On perd sa crédibilité ! »
Tout à coup, les fenêtres du bureau éclatent et un bruit de mitrailleuse se fait entendre ! Chacun s’est jeté au sol, y compris Ratamor ! Une voix dehors crie : « Sortez d’ là, bande de sales rats ! Alors les climatos d’ mes deux, on pourrit la vie des gens ! On joue les stars, avec des bulletins alarmistes ! J’ vais vous faire danser, moi ! »
Une grenade atterrit dans la pièce, sous les yeux épouvantés de Ratamor, mais le sergent Fink est prompt ! Elle a saisi la grenade et la rejette par la fenêtre ! Une explosion secoue les murs, puis Fink rageuse hurle : « Alors les gnomes, on rigole moins ! Le réchauffement est une réalité, connards ! » De nouveau la mitrailleuse entre en action et donne l’impression que des termites veulent en finir avec le baraquement !
Ratamor cherche à s’échapper de cet asile d’aliénés et il pousse avec sa tête la porte qui s’est entrouverte. Toujours menotté, il rampe dans des buissons, alors que le combat fait rage, et il se retrouve nez à nez avec un énergumène en pyjama, qui lui aussi joue les serpents ! « J’ parie qu’ c’est un complot néolibéral ! dit l’homme. Y respectent rien ! »
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Les enfants Doms (T3, 6-10)
- Le 15/07/2023
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"Let the sun shine!"
Hair
6
Te raconterai-je les exploits de la sainte, de Grobas et de ses amis ? Pour cela, il me faut prendre le vieux et lourd livre des légendes… Ouf ! Le voilà posé sur la table ! Et quand on l’ouvre, on voit d’abord des images…, des images de combats, de chevaliers s’encastrant, de tentes et de traités ! Il y a aussi des monstres, des dragons, des géants et des héros ! La sainte est représentée priant le dieu des travailleurs, dans un bois, alors que la lumière divine vient l’inspirer !
Mais ce n’est pas la méditation qui nous intéresse, n’est-ce pas ? Nous, ce que nous voulons, c’est le sang, l’aventure, la victoire de l’épée, les intrigues et pourquoi pas les amours tumultueuses ! Faut qu’ ça bouge dans la mare aux grenouilles ! La contemplation, le travail intérieur, c’est pour les jours de pluie et encore, personne ne doit être là pour proposer une partie de p’tits chevaux fracassante ! Pourtant, existe-t-il plus beau monstre que l’angoisse ? N’est-elle pas le dragon moderne ? Et celui qui la vainc n’est-il pas au-dessus de tous les champions de l’Antiquité ?
Mais point de philosophie, avons-nous dit ! De l’action, de la geste et encore de l’action ! Que l’enfer se déchaîne, pour nous distraire ! Dieu comptera les siens ! Du merveilleux ! Du rêve ! Des amours splendides, durement gagnées ! Que la sébile de l’aveugle soit celle de l’espion ! Des complots ! Que le mal se lise sur les visages hideux ! Qu’il ricane, à côté de l’innocence du travailleur ! Au revoir sagesse, synonyme d’ennui ! Qu’il y ait des quiproquos, des malentendus dramatiques, des haines sans merci, irréversibles ! Que tout soit tranché, les bras comme les avis ! Le riche est l’ennemi, le fourbe, le prince noir !
Voyons… En ce temps-là, il y avait une contrée où le travailleur vivait en harmonie ! Il effectuait les travaux des champs, mais il ne vendait pas sa récolte pour s’enrichir égoïstement ! Il la distribuait au peuple et chacun souriait ! C’était le partage et le jeune homme plongeait son regard pur dans celui de la jeune fille, qui le lui rendait bien ! Le soir, on dansait et on buvait avec modération, car à quoi aurait servi l’alcoolisme ? N’était-on pas heureux ? On accueillait aussi à bras ouvert les étrangers et ils repartaient vers le vaste monde, où ils racontaient que le paradis existait et que la clé du bonheur était celle du travailleur !
Mais c’était compter sans le prince de Wall Street ! Il vit dans une tour de glace, dont le sommet se perd dans l’orage ! A quoi rêve-t-il ? Mais il regarde luire son or, comme on est fasciné par la flamme ! Il a des projets sombres, qu’il expose à des compagnons tout aussi inquiétants ! Il y a là des traders du Nord, aux yeux froids et bleus, à force de regarder les écrans ! Bien sûr, des bandits du CAC 40 sont également présents, car ils tiennent à avoir leur part ! Ils mangent goulûment des cuissots, en écoutant leur chef ! « Alors voilà ! dit celui-ci. Le problème avec le pauvre, c’est qu’il n’a pas d’argent !
_ Hi ! Hi !
_ Ah ! Ah !
_ Eh ! Eh !
_ Je me suis donc déguisé, pour visiter le jobard ! J’ lui ai j’té : « T’as pas d’argent ? Qu’à cela ne tienne ! Toi aussi, t’as droit à ta chaumière ! J’ te prête pour que tu la construises… et dame, si tu ne peux plus m’ rembourser, j’ te prends simplement la chaumière ! On s’ra quitte !
_ Z’ êtes un vrai philanthrope, chef !
_ Pas vraiment non…, car la créance, messieurs, la créance, j’en fais un marché juteux, une valeur sûre ! Nous sommes les rois et l’argent coule à flot !
_ Hip, hip, hourrah, pour not’ chef ! »
On en passe et des meilleurs et dans le livre des légendes, on voit la sainte escalader la tour de glace, grâce à un lierre magique ! Qu’est-ce qu’il ne faut pas gober, n’est-ce pas ? Notre esprit garde volontiers un côté enfantin et qui est même lié à l’ego ! Plus nous voulons dominer et plus l’autre nous est indistinct, puisqu’il doit nous obéir ! Ce n’est qu’avec la maturité que nous arrivons à dire : « Aimez-vous les uns les autres ! » Moins nous avons d’ego et plus l’autre nous est une réalité et plus nous pouvons le comprendre et accueillir la différence ! Celle-ci nous est d’autant plus haïssable que nous cherchons à nous faire valoir, évidemment, car c’est la différence, ce n’est pas nous ! La différence est ennemie de l’égoïsme !
Mais voilà que je radote… et que je perds mon lecteur ! Que dirai-je d’autre ? Les bandits s’enfuient sous le rire gras de Grobras…, mais ils ne sont nullement vaincus, on s’en doute, et ils vont se réorganiser ailleurs, pour être encore plus forts ! La sainte saura-t-elle déjouer leurs nouveaux complots et méfaits ? On tremble un peu pour elle, car son sabre s’est légèrement ébréché sur le cou d’un Goldman Sachs ricanant, comme si l’enfer était parfaitement insensible !
7
La lumière raconte une histoire à l’ego…
« Abdallah sort de la mosquée, l’air pénétré ! Il porte la chéchia et la djellaba et il fait tout pour se sentir ici, comme au pays de ses ancêtres ! Il ne manque plus que le soleil du désert ou la fraîcheur des maisons blanches, car le quartier est constitué de hautes tours de béton, peu attrayantes sous le ciel gris ! Mais Abdallah assiste à la prière l’après-midi, où il écoute attentivement l’imam, qui lui parle normalement d’un dieu d’amour, seule preuve de sa supériorité sur les hommes ! Abdallah respecte encore bien entendu les rites de sa religion, comme le ramadan, et à la sortie de la mosquée, il salue les uns et les autres, conscient qu’il fait partie des notables de sa communauté !
Pourtant, le cœur d’Abdallah est rempli de haine, ce qui est contraire à la foi, puisque celle-ci est de la confiance ! Or, comment haïr si on est confiant ? La haine ne naît-elle pas de la peur, des inquiétudes, de l’angoisse ? Peut-on haïr quand on est heureux ? La confiance, c’est bien la paix, n’est-ce pas ? Mais Abdallah a le cœur plein de haine, car il n’est pas le maître ! Ce sont les Roumis qui le sont ! Autrement dit, le pays est malheureusement dirigé par les mécréants, les infidèles, ceux qui ignorent la vraie religion ! La pilule ne passe pas chez Abdallah ! Il est notable devant la mosquée, il n’est rien quelques rues plus loin ! Pire, il est méprisé par l’homme blanc, qui voit en lui une menace, d’autant que le contentieux entre les deux cultures reste vif et profond !
Abdallah croit qu’il est un bon musulman, mais il est dévoré par la haine et l’envie ! Comment lui, qui connaît la vraie religion, peut-il être dépendant et même commandé par des gens qui doivent faire horreur à Allah ? Car Abdallah oublie ou plutôt ne comprend pas que Dieu est amour ! Ce qui l’intéresse, c’est son importance, son pouvoir, sa domination et il se venge, à sa manière, de son infériorité face aux Blancs ! Par exemple, il prépare ses petits enfants au monde de demain ! Il leur dit : « Les Roumis aiment Jésus ! C’est parfaitement ridicule, car seul Mahomet est le prophète et connaît Allah ! Jésus, c’est de la bêtise ! Vous pigez, les enfants ?
_ Hi ! Hi !
_ Moquez-vous du Roumi, les enfants, surtout à Noël ! Moquez-vous de Jésus ! Car un chameau est plus intelligent !
_ Hi ! Hi !
_ C’est comme la nouvelle médiathèque, les enfants ! Quelle farce ! C’est de l’argent jeté par les fenêtres ! Les Roumis font les fiers, avec la nouvelle médiathèque ! Ils disent : « Comme elle est belle ! Elle va servir à tous ! C’est de la culture ! » Mais seul Allah est grand, les enfants ! Il se moque bien des Roumis et il les balaiera le moment venu ! La nouvelle médiathèque est ridicule, les enfants !
_ Hi ! Hi ! »
Pendant ce temps-là, la femme d’Abdallah est à la CAF ! C’est elle qui « traite » avec les Blancs ! Elle n’a pas le dédain du guerrier et comme toutes les femmes, elle ne perd jamais vraiment de vue le sens pratique des choses ! C’est elle qui prépare à manger et va faire les courses ! La haine d’Abdallah, elle la met en veilleuse, car il faut de l’argent ! Pourtant, l’employée de la CAF vient de lui envoyer une flèche dans le cœur ! Mine de rien et d’après les informations visibles à l’écran, il manque au dossier de la famille une pièce absolument nécessaire, qui pourrait même obliger Abdallah dans un avenir proche à quitter le pays ! C’est la stupeur chez sa femme, qui maintenant essaie de se reprendre, de comprendre exactement quelles démarches elle va devoir effectuer !
Évidemment, c’est encore du stress, de l’âpreté ! Il ne faut pas céder à la panique, alors que le confort dont on dispose peut disparaître d’un coup ! La femme d’Abdallah se raidit, c’est elle la véritable guerrière ! Elle ne lâche pas l’employée de la CAF, qui paraît si détachée, si sereine qu’elle en devient suspecte ! Celle-ci ne se réjouirait-elle pas en secret du désarroi de la femme d’Abdallah ? N’est-elle pas en ce moment la reine ? N’a-t-elle pas tous les pouvoirs ? Ne prend-elle pas comme une forme de revanche ? La Roumie ne réaffirme-t-elle pas sa supériorité ? La femme d’Abdallah est au supplice, car elle doit ravaler toute sa fierté, pour obtenir ce qu’elle veut ! Une lutte sourde s’engage, où il est quasiment question de vie ou de mort !
L’employée de la CAF donne l’impression d’être un chat devant une souris et c’est haine contre haine ! »
8
La lumière, penaude, entre dans le bureau de l’ego, qui est un petit homme courtaud, avec un cigare dans la bouche ! « Qu’est-ce tu veux, la lumière ? fait sèchement l’ego.
_ Ben, j’ sais pas trop…, comme Gwyneth !
_ Comme Gwyneth ?
_ Oui, Gwyneth Pas trop ! Ouf ! Ouf !
_ Et c’est pour me dire ce genre de conneries que tu viens m’ voir ?
_ Ben, non en fait ! J’ me sens pas très bien… Le temps passe et j’ai l’impression de parler dans le vide ! Personne ne fait attention à moi !
_ Mais à qui la faute ? T’avais toutes les cartes en mains ! J’étais prêt à t’aider ! T’aurais pu être parmi les meilleurs ! Mais t’as tout gâché ! T’as craché sur tout ! Je n’ai jamais assez été assez bien pour toi, etc. !
_ C’est pas aussi simple… J’ai cherché la vérité…
_ La vérité ? Tu la veux, la vérité ? C’est qu’ t’es un tocard, la lumière ! un perdant ! A quand remonte ton dernier combat ? Attends voir, c’était au fin fond d’un trou du cul d’ province… et tu l’as gagné avec peine ! Et encore c’était aux points et litigieux ! Te voilà une chiffe ! Quand j’ pense à tout l’ talent qu’ t’avais, c’est à en devenir dingue !
_ Hum ! J’ me disais tout de même qu’une petite avance, sur mon prochain combat…, ça pourrait m’ donner d’ l’air...
_ Ah ! Parce que tu crois que le fric, ça se trouve sous les sabots d’un ch’val ? Ça s’ gagne à la sueur de son front, mon p’tit gars ! T’es un idéaliste, un pur ! T’as des atermoiements de héron, face à la boue du marais ! Moi, j’ai les mains dans l’ cambouis ! Je bosse, j’ me bats et le pèze, j’ le mérite !
_ J’espère ! Comme Karl !
_ Comme Karl ?
_ Oui, Karl J’espère ! Ouf ! Ouf ! Excuse-moi, mais au fond, c’est pas l’argent qui est un problème ! Je n’ai pas faim et c’est l’essentiel ! Non, j’ai un p’tit coup de mou, j’ pense ! J’aimerais bien qu’on m’écoute, car j’ai des choses à dire !
_ Moi aussi, j’ai des choses à dire et plutôt deux fois qu’une !
_ C’est bien ça, le problème ! C’est qu’ t’en finis par d’ brailler dans tous les coins ! T’es en permanence scandalisé, ce qui fait qu’on n’ peut pas en placer une ! T’écoutes jamais les autres ! Comme si on pouvait faire tourner le monde autour de soi !
_ J’ai des convictions et j’ les fais valoir !
_ Oui, t’as surtout d’ l haine et d’ la folie ! La haine, ça conserve, faut croire ! Tu sais, je suis de plus en plus persuadé qu’il n’y a qu’un moyen de lutter contre la haine et c’est la foi ! Le stoïcisme, la philosophie, la science n’y pourront rien ! Seul celui qui aime se livre en entier…
_ Et c’est ce que j’appelle un piège à cons ! A chaque fois qu’ tu vas t’ retrouver à sec, tu vas dire qu’on t’éprouve, jusqu’à ce qu’on te mette dans la p’tite boîte ! Tu s’ras mort comme t’auras vécu, dans l’oubli ! Le grand perdant !
_ T’as aucune idée de ce qu’est l’aventure ! J’ai le grand souffle !
_ Alors pourquoi tu viens m’voir ? Va gémir ailleurs ! J’ai du travail !
_ Parce que tu en remets une couche, à chaque fois que ça va pas ! Tu n’ doutes pas ! Tu t’ dis pas : « C’est à moi d’ changer ! » Non, tu cries plus fort ! Tu t’ montres deux fois plus violent ! Tu n’as que cette solution ! Le résultat ? Un mur, celui d’une impasse ! Évidemment, tout le monde en souffre, moi, y compris !
_ Désolé, mais j’ peux pas m’ laisser bouffer ! Faut qu’ ça sorte !
_ Oh ! Mais dès qu’on t’ demande de réfléchir un tant soit peu, tu t’ennuies ! T’as beau crier à l’injustice ou au scandale, tu veux jouir, c’est tout ! D’où ta haine !
_ Elle est justifiée !
_ Ben voyons ! Ça pète de partout ! Mais peu importe, du moment qu’ tu peux t’ soulager ! Bon, faut qu’ j’arrête…, comme Keith !
_ Comme Keith ?
_ Oui, Keith J’arrête ! Ouf ! Ouf !
_ On s’ console comme on peut !
_ Oui, j’ vois les catastrophes de demain ! Elles arrivent comme les trains ! »
9
L’ego vient voir la lumière, qui est en train de peindre… « T’es tranquille là, dis donc ! dit l’ego. T’as même une vue sur un jardin ! Les fleurs, les p’tits oiseaux… Le bonheur quoi !
_ Tu supporterais pas cinq minutes !
_ Hein ? Pourquoi tu dis ça ?
_ Laisse tomber…
_ Mais t’as pas l’air de te rendre compte de la chance que tu as ! J’ te vois paisible devant ton chevalet, mais dehors la bataille fait rage ! J’ai pas une minute à moi ! On est toujours en train d’ me demander un service ! Et puis comme les gens sont hargneux, ingrats en plus ! T’as beau leur donner, c’est jamais assez !
_ Tiens ?
_ Mais oui, qu’est-ce que tu crois ? Vous, les artistes, vous êtes marrants ! Vous pensez que les hommes vivent d’amour et d’eau fraîche ! Vous êtes des purs et vous avez des privilèges ! Mais la beauté, c’est bon pour les nantis ! Nourrir les bouches, c’est pas du rêve ! La réalité, c’est le mal et donc le combat pour le bien ! Chaque jour, j’ai ma part de peine ! Tandis que toi… Il n’y a même pas un bruit ici ! Tu vis dans un cocon ! T’es protégé et alors tu développes tes grandes idées !
_ Tu veux un peu d’ café ?
_ Oui, merci ! Non, mais c’est vrai, tu devrais sortir de ta coquille ! t’engager ! Voilà le mot ! Y a du malheur dans l’monde… et faut crocher d’dans ! Hein ! Être utile !
_ De quoi t’as peur ?
_ Hein ? De quoi j’ai peur ? Mais…, mais de rien ! J’ai pas peur ! Pourquoi tu m’ parles de ça ? C’est toi qui es la dérive, non ?
_ Ah bon ? Où tu vois que j’suis à la dérive ? J’ suis calme dans l’ silence… Il est bon ton café ?
_ Hein ? Oui, oui, merci !
_ Et c’est bien toi qui es v’nu m’ voir, non ?
_ C’est vrai… Euh, elle m’a quitté, tu sais…
_ Ah…
_ Oui, elle a pris l’ chien et elle est partie ! Comme si j’étais rien du tout ! Elle est partie brutalement, sans explications, alors que la maison est en plein chantier ! A moi d’ régler ça ! Il faut finir la maison d’ nos rêves, la payer pour rien ! Je me retrouve tout seul, dans ces vastes pièces ! J’y tourne en rond, avec l’impression d’avoir été amputé… et je dois quand même répondre aux ouvriers ! Ça m’ demande un effort titanesque !
_ J’imagine…
_ Et d’abord, pourquoi elle a pris l’ chien ? Il était autant à moi qu’à elle ! Elle est partie avec comme si c’était naturel, son droit ! Je n’ai même pas vu faire valoir mon avis ! Sur le coup, j’ai eu envie de l’étrangler ! J’ t’assure ! Y avait un tel mépris dans ses yeux ! Mais… tout ça n’a pas l’air de te surprendre !
_ Non, pas vraiment…
_ Ah bon ? T’es l’ gars qui avait tout prévu, c’est ça ? Après coup, s’entend !
_ Oh ! Ton malheur ne m’enchante pas ! Mais nous sommes dirigés par des lois…, des lois invisibles s’entend !
_ Mais que toi, tu vois ! Alors qu’est-ce qui n’a pas marché, entre elle et moi ?
_ Ben, vous êtes deux êtres immatures et égoïstes et vous pensiez que l’autre devait vous céder ! Tant que vous aviez des projets, que vous étiez dans l’action, cela vous était masqué, car on ne se retrouve pas vraiment l’un en face de l’autre ! On est toujours dans la réalisation, nullement dans le moment présent ! Dans ton cas, le chantier a sans doute fini par être trop lourd et l’égoïsme a commandé le repli sur soi, le départ !
_ Eh ben, dis donc, tu n’ m’épargnes pas ! Et moi qui pensais que tu prendrais mon parti !
_ Ce s’rait d’ l’enfantillage ! Tu m’ vois là dans l’ silence, comme quelqu’un d’ protégé ! Mais justement j’affronte le moment présent ! J’ ne suis pas en fuite dans l’agitation et les projets ! Il n’y a pas de place ici pour le mensonge, sinon l’angoisse me dévorerait tout cru !
_ T’es quand même en marge… et tu profites du système !
_ A qui la faute ? Tu m’ vois t’expliquer que tu vas dans l’ mur, alors que tu me parles avec enthousiasme de tes plans, à côté de ta femme souriante ? Mais tu m’ f’rais la gueule et tu souhaiterais ne plus me revoir ! Donc, je me tais… et je reste seul ! La sagesse, personne n’en veut ! Tout le monde préfère garder son égoïsme et accuser d’autres quand ça va mal !
_ Mais pour qui tu t’ prends ? Dieu, le père ?
_ J’ai aussi ma peine, car vous ne m’aimez pas ! Vous tombez et vous voudriez de la pitié, mais vous ne faites rien pour changer ! »
10
La lumière avance tranquillement dans la rue, quand soudain on l’appelle : « Eh ! La lumière ! crie l’ego. J’ suis ici ! » La lumière tourne la tête et découvre l’ego assis par terre, là où pissent les chiens ! D’ailleurs, l’ego rayonnant, qui montre sa sébile, est accompagné de deux de ces animaux, à l’air avachi ou triste !
« T’as bien une p’tite pièce ! » jette l’ego nullement gêné par sa tenue débraillée, mais qui au contraire en semble très fier ! La lumière tique, car il ne voit pas pourquoi l’ego fait la manche, alors qu’il paraît en forme, sans problèmes physiques qui pourraient l’empêcher de travailler ! Il est vrai aussi que bien des marginaux ont plutôt des souffrances psychiques, qui les rendent asociaux… « Il y a bien de la douleur en ce monde et il ne faut point se hâter de juger ! » pense la lumière, qui déclare cependant : « Désolé, mais je n’ai pas de monnaie ! »
L’ego a un geste large, pour montrer sa compréhension ! Il sait que le paiement sans contact conduit de moins en moins au distributeur et puis, il y a l’inflation ! Ce qui surprend la lumière, c’est que l’ego se comporte comme si c’était lui qui dirigeait la rue et avait la situation en mains !
« Ça ne te dérange pas d’être assis dans la poussière et la crotte, au niveau des pieds des gens ? demande la lumière.
_ Eh ! Mais c’est que j’ai pas le choix ! Faut bien qu’ je croûte !
_ D’accord ! Mais apparemment physiquement, ça va… Pourquoi tu ne cherches pas un travail ? Y a rien qui t’intéresse ?
_ Bof !
_ T’aimerais pas faire de la peinture, de la photographie, du jardinage ? Si j’ te dis ça, c’est parce que, dès que quelque chose t’intéresse vraiment, alors l’État peut t’aider… et pas qu’un peu ! Il est fait pour ça ! Si quelqu’un se montre déterminé, sincère, alors toutes les portes s’ouvrent ! Tu pourrais bénéficier d’une aide financière, d’une formation, d’un logement, à condition qu’il ne s’agisse plus de toi-même, mais d’un métier que tu veuilles exercer ! L’État voit ça comme une sortie à ta marginalité !
_ Oh là, pas question ! C’est qu’ j’ai du ressentiment ! C’est pas écrit pigeon sur ma tête !
_ C’est bien c’ que j’ craignais ! T’es enfoncé dans tes problèmes d’ego… et c’est pourquoi rien ne t’intéresse à part toi ! C’est bien là le problème ! Mais c’est encore une question de temps… Il est possible qu’un jour tu sois délivré et que tu te découvres une passion pour autre chose que toi-même !
_ Mais qu’est-ce que tu racontes ? C’est plutôt toi qui aurais besoin d’être aidé !
_ J’ crois pas ! Car tes blessures, je les ai eues aussi et il est normal de réclamer justice ! Mais on comprend aussi que c’est sans fin ! On ne peut pas guérir tant qu’on se contemple, même si on est la victime !
_ Quelles conneries ! C’est toi qui es paumée, la lumière ! C’est toi qui es perdue !
_ Ah bon ?
_ Mais oui, la société, elle est dépassée ! Le bourgeois, on n’en veut plus ! La consommation à outrance, la destruction de la nature, c’est fini, terminé ! Nous, c’ qu’on veut, c’est qu’il n’y ait plus d’ pouvoir ! Chacun s’ra frère et la justice pour tous ! On vivra en harmonie ! »
A cet instant, une fille passe et salue l’ego : « Tu vas bien, l’ego ?
_ Mais oui, la fille ! Du calme ! crie l’ego à ses chiens.
_ Tu viens à la fête ce soir ?
_ Bien sûr !
_ On discut’ra aussi des prochaines actions ! Faut défendre la salle de spectacle !
_ Mais oui, le bobo ne pass’ra pas ! C’est encore la mairie qui est derrière tout ça !
_ Tu parles ! Tout le système est à changer !
_ Comme tu dis ! Si on fait rien, y nous bouffent ! »
La lumière s’en va et songe : « Il veut mon argent et me méprise en même temps ! Comment lui expliquer qu’il se trompe sur lui-même ! que le pouvoir naît naturellement en nous ! que c’est d’abord nous-mêmes qu’il faut combattre ! Mais ça ne fait pas les affaires de l’ego ! Lui, ce qu’il veut expressément, c’est triompher, dominer, montrer qu’il est le plus fort ! Il se masque son égoïsme, par la lutte qu’il mène contre des égoïsmes plus puissants ! Son harmonie est un leurre et quand il aura abattu le pouvoir, il se dévorera lui-même !
La preuve ? Que je le contrarie… et il me saut’ra d’ssus ! comme un chien qui a peur ! L’abîme est là, derrière chacun d’entre nous… et on boit et on joue les affranchis, les gros bras ! On est incapable de se calmer, de s’apaiser ! Quelle misère ! »
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Les enfants Doms (T3, 1-5)
- Le 08/07/2023
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"J'arrive, Lewt! Je vais te tuer, Lewt!"
Duel au soleil
1
Sainte Dicaliste devient une légende ! Les travailleurs parle d’elle avec des tremolos dans la voix ! Elle est leur messie, leur libérateur ! Quand le travailleur exploité rentre chez lui le soir, après une rude journée consacrée à sa sécurité, il s’assoit devant l’âtre rougeoyant, qui constitue la seule lumière de l’humble demeure ! Les enfants du travailleur regardent leur père avec respect, mais aussi sont-ils à ses pieds pour entendre une de ses magnifiques histoires, pendant que la mère attendrie range les derniers vestiges du souper ! Alors le père raconte l’un des exploits de la sainte et c’est comme si une aurore boréale s’échappait du toit !
Cependant, sainte Dicaliste découvre un nouveau village, tandis que son équipement a pris une forme définitive ! Elle est vêtue d’une robe unie, serrée à la taille et assez rêche, pour ne pas amollir la peau ! Une besace sans ornements est suspendue au cou et ne contient que le strict nécessaire ! Il ne manquerait plus qu’on y voit comme un début de capital ! Même le pauvre d’aujourd’hui la traiterait avec mépris, n’y trouvant rien d’intéressant ! Mais c’est surtout une épaisse canne en bambou qui intrigue : la sainte serait-elle rattrapée par l’arthrite ? C’est ce que nous allons voir…
Comme à son accoutumée, sainte Dicaliste s’arrête à l’auberge du village, pour se reposer de la fatigue du chemin ! Elle prend place à une table dehors et n’attend que du thé, avant de se rafraîchir les pieds, à une fontaine là-bas ! Mais le monde est ce qu’il est et l’oppresseur partout ! Le mal ne perd jamais une seconde et il continue son œuvre destructrice ! En face de sainte Dicaliste, à une autre table, un groupe d’hommes fait grand bruit, visiblement enivré et en paraît effrayant ! Ce sont des riches, des figures arrogantes, des blousons dorés, qui exhibent fièrement le chiffre 40 ! Ils font partie d’une célèbre bande de bandits, appelée CAC 40 ! Ils ont la main mise sur la région et la police elle-même est à leur service ! Rien n’arrête leur soif de pouvoir et ils broient volontiers le travailleur, qu’ils considèrent comme leur esclave !
La sainte renifle, en constatant qu’elle est en présence de ses pires ennemis ! Cependant, la jeune serveuse de l’auberge s’approche en tremblant de ces « messieurs », pour leur apporter de nouvelles bières… Aussitôt, bien entendu, ils tournent vers elle leur visage grossier, ils s’en moquent et leurs mains la chahutent, la pelotent ! La serveuse est au supplice, quand soudain la voix claire de la sainte claque comme un coup de fouet : « Laissez-la tranquille, bande d’ignobles porcs ! » Le silence qui suit est total et ne fait qu’exprimer une stupeur sans bornes : comment peut-on commander, insulter même, des hommes qui se croient les maîtres ? Jusqu’ici les bandits n’avaient même pas remarqué la sainte, mais maintenant leurs yeux sombres, tels ceux du fauve, se fixent sur sa personne !
« Il y a quelque chose qui t’ démange ? demande l’un d’eux. Hein, le sac de pommes de terre, tu voudrais p’t’être qu’on s’occupe de toi ! Tu s’rais trop contente ! Ah ! Ah ! » La sainte est triste, car elle n’aime pas la violence ! Le travailleur est bon et alors pourquoi suscite-t-il autant de haine ? Toujours il a été victime du pouvoir et il ne fait que se défendre ! Pourquoi ne respecte-t-on pas le travailleur, bien que ses intentions soient pures ? La sainte rêve d’un monde juste, où tous les travailleurs seraient heureux et fiers ! Pourquoi le capitaliste cherche-t-il à empêcher ce paradis ?
Mais le mal est inexorable et deux CAC 40, les plus hideux, les plus costauds, ont quitté leur table et s’approchent de la sainte ! Manifestement, ils vont s’en prendre à elle et la sainte soupire, car encore une fois elle déteste avoir recours à la force ! Ce n’est pas son rôle, qui est celui d’une ouvrière de paix ! Mais enfin elle ne peut pas non plus se laisser faire et elle met la main sur sa canne, pour dégainer son sabre ! Les deux types hilares l’empoignent, mais déjà la lame a jailli ! Elle jette un éclair et siffle ! Le premier CAC 40 a le visage tranché et le second, avant même de comprendre quoi que ce soit, a un gros bouillon de sang qui lui sort du cou !
C’est le massacre, ponctué de hurlements ! C’est un boucherie libératrice pour la sainte et un naufrage pour les bandits ! Pas un n’en réchappe, alors que le sabre vole, devient invisible, avant de se redresser comme un serpent ! Chaque coup est mortel et les corps gisent dans une mare de sang ! La serveuse ne bouge pas, hébétée, tandis que la sainte s’adresse à elle : « Dieu sait si j’aurais voulu éviter ça ! Mais ils l’ont bien cherché, n’est-ce pas ? Je ne peux pas supporter qu’on malmène le travailleur ! Bon, ben, faut qu’ j’y aille ! Allez courage ! »
La sainte a repris sa besace et son allure modeste… « Que la peste soit du devoir, se dit-elle. Si ça s’ trouve, j’ai pris une ride ! »
2
L’ego rend visite à la lumière : « Salut ! dit-il.
_ Lut !
_ Alors ? Les événements ? Inquiétants, hein ?
_ Oui…
_ Quelle déferlante ! Ça fait peur, hein ?
_ Qu’est-ce que tu veux au juste ?
_ Oh moi, rien ! J’ passais, quoi ! Ils ont brûlé le magasin d’à côté ! T’as vu ? Tout de même, comment ils nous traitent, hein ?
_ Oui, c’est triste…
_ Sûr ! Ah ! Ils veulent être les maîtres ! Faut les voir sur leur dalle de béton ! A toujours se demander qui est le plus fort Ils ont qu’ ça à foutre ! Alors forcément, un jour ou l’autre, ça craque !
_ S’ils sont sur leur dalle de béton, comme tu dis, c’est qu’ils ne sont pas aimés ailleurs non plus ! C’est très difficile d’accueillir la différence ! Rappelle-toi, elle suscite instinctivement notre aversion ! Ce n’est que par le travail de la raison que nous dépassons les animaux !
_ Bien sûr ! Bien sûr ! Mais c’est d’autant plus difficile qu’ils veulent être les maîtres ! Hein, quand ils passent dans leur voiture de sport, qu’aucun Smic ne pourrait payer, avec leur musique plein pot, en jouant les caïds, hein, tu l’as mauvaise, non ? Remarque que ces messieurs n’aiment peut-être pas le travail ! Ils le trouvent dégradant, comme de faire la vaisselle ! Ça les efféminerait ! Eux, ce qui les intéresse, c’est faire le coq, le mâle ! Il ne fait rien, sinon se préparer à être un guerrier ! Ils en sont encore à la défense du territoire ! Ils en créent même un, pour garder la tradition !
_ Et nous, nous ne sommes pas égoïstes au quotidien, ni fermés, alors que nous nous piétinons chaque jour ! Et la police elle-même a renoncé totalement à sa domination et ne fait qu’obéir aux lois, ce qui explique son exaspération, ses avanies, ou son manque de lucidité, tous signes qui viennent pourtant d’une absence de paix, d’une usure, d’une fatigue liées à la soif de commander ! C’est encore toi l’ego qui est en cause, de chaque côté d’ailleurs !
_ Tout de même, ils s’attaquent à la République, à nos institutions ! Les maires sont particulièrement visés ! Notre pays est en danger ! Ton calme, ta tolérance me paraissent hors de propos !
_ Et quelles solutions as-tu en tête ?
_ Ben, je ne vais quand même pas te dire qu’il faut les renvoyer chez eux ! Ils sont nés ici… et ils sont donc chez eux ici aussi ! Mais… mais on pourrait les frapper au portefeuille ! S’ils ne veulent pas travailler, c’est qu’ils vivent d’allocations ! Leurs parents tout du moins ! Faut fermer le robinet ! On va pas continuer à nourrir et à loger des gens qui nous méprisent !
_ Tu sais comme moi qu’ils ne trouvent pas d’ travail facilement ! On n’en veut pas ! On s’méfie d’eux !
_ Mais regarde-les ! Ils nous narguent ! T’as pas envie de leur rentrer d’dans ! Toi aussi, tu bous à l’intérieur, pas vrai ? Tu as peur aussi, évidemment ! Mais tu voudrais pas non plus les écraser ? leur rendre la monnaie d’ leur pièce ? Ils sont dangereux !
_ Oui, la haine est séduisante ! Elle est comme un serpent d’or dans nos ventres ! Elle ne demande qu’à bondir et à répandre le chaos, comme on le voit maintenant ! Mais elle est aussi mariée à l’ego ! C’est toi qui la suscite ! Plus on a d’ego et moins on comprend les autres et plus on est en colère de ne pas être le maître ! La haine naît de l’ego ! C’est l’animal qui est en nous et qui voit rouge ! Mais c’est une illusion : on ne peut pas détruire l’autre ! Et le but, c’est de vivre ensemble !
_ Tu les a vus ! De vrais sauvages !
_ Il y a une chose qui est à la portée de chacun : c’est combattre sa propre haine, à son niveau, humblement, même si cela paraît dérisoire ! Évidemment, c’est aussi combattre son ego, c’est respecter l’autre, quel qu’il soit ! Or, là, tout est à faire ! Nous sommes aux antipodes de ce qui s’rait possible ! Mais je ne vais pas m’exciter de nouveau sur le sujet ! C’est un abîme !
_ Mais y a des fautifs ! Il faut prendre des mesures ! C’est politique !
_ Toute personne qui a de la haine ne peut nous aider, car c’est la haine notre ennemi commun, qu’on soit d’un bord ou de l’autre ! Toute personne qui manifeste actuellement de la haine, même au nom de la justice ou du bien-être social, ne nous est d’aucune utilité ! Il ne faut pas l’écouter ! Mais je sais encore qu’on préfère les solutions faciles, c’est-à-dire des coupables, plutôt que de se remettre en question soi-même !
_ Si on t’écoutait, on n’ f’rait rien ! On s’ laisserait bouffer !
_ Ce qu’il y a de plus difficile, c’est de se débarrasser de son ego ! Mais sais-tu que les épis de blés dans les champs, en ce moment, dansent dans la lumière ? C’est à méditer ! A croire qu’ils sont plus intelligents que nous !
3
Comment sainte Dicaliste a-t-elle rencontré Grobras ? Voilà qui mérite d’être raconté ! Grobras aime penser et dire qu’il appartient au petit peuple ! non au peuple, mais au petit peuple ! car il existe quelque chose de plus pur que le peuple, c’est le petit peuple ! Tout le monde connaît la pureté du peuple, puisqu’il est victime des riches, des exploiteurs et qu’il n’a donc aucun égoïsme, ce qui fait que son origine n’est pas animale, comme celle de ses oppresseurs, ni même végétale, les plantes elles-mêmes se menant une guerre sans merci ! D’où vient alors le peuple ? C’est une question à laquelle il ne répond pas lui-même, tellement il est préoccupé par l’injustice qu’il subit !
Mais enfin le peuple peut se voir suspect à lui-même à bien des égards ! N’a-t-il pas tendance à prendre la place des riches, à cause de son égoïsme naturel, dû à son origine animale ? Voilà que nous mettons en colère le peuple, en lui demandant de réfléchir, mais toujours est-il que bien des « héros » du peuple se sont révélés décevants, en se montrant corrompus ! A force de se rapprocher du pouvoir, ils ont fini par y prendre goût et ils se sont encore enrichis, etc. ! Le peuple donc pourrait être jugé corruptible, influençable, de par ses nombreux combats qui l’opposent aux capitalistes et qui le feraient maintes fois traiter avec l’ennemi, jusqu’à ce que les frontières entre les deux camps deviennent floues !
Pour éviter ces dérives et tout soupçon, il existe une expression qui garantit une pureté à cent pour cent et qui implique que l’on ne fait que subir (ce qui exclut toute ambition !) et c’est le « petit peuple » ! On y est recroquevillé, à l’ombre de la chaussure du riche ! Le peuple y paraît même déjà une chance, une sorte d’aisance et de liberté bourgeoise ! C’est déjà le « grand vent » ! Le petit peuple, lui, ne demande rien : il est une victime, c’est tout ! Il n’a même pas l’espoir du bousier, qui marche vers la crotte ! Il est invisible ou a juste l’épaisseur d’un papier calque ! Rien que son nom devrait faire honte aux riches ! Le petit peuple est à peine plus que les morts et encore ceux-ci connaissent le repos ! Le petit peuple, pour sa part, n’en finit pas « d’encaisser », c’est sa vie, il ne connaît rien d’autre ! Évidemment, à côté de ce martyr, le reste du monde apparaît monstrueux ! Chaque jour, le petit peuple tire enchaîné le lourd navire du capitalisme !
Cette souffrance quasi muette, en fait cette impossibilité, cette impuissance du petit peuple, alors qu’il veut, comme tout le monde, s’enrichir, avoir plus de pouvoir, pour écraser son voisin et le rendre jaloux, le fait s’ériger en censeur impitoyable de la société ! Puisqu’il semble « condamné » à la pauvreté, le petit peuple se soulage en dénonçant inlassablement la corruption et les abus des riches et des puissants ! Pour le petit peuple, tout le malheur est d’être pauvre et tout le bonheur de piétiner les autres ! Il ne lui viendrait pas à l’idée que le riche est malheureux, puisque lui-même enrage de ne pas l’être ! Mais, ainsi, Grobras n’est pas seulement un colosse, gâté par la nature, il tient encore d’épais livres de compte, où sont notés tous les manquements de ceux et celles qui ont du pouvoir ! Dès que l’actualité dévoile une corruption, un scandale, Grobras s’en saisit et s’en sert comme d’une mitraille, destinée à couler bas le navire société ! Grobras ou le prophète, celui qui annonce la fin du pécheur devant les rois ! qui fustige la décadence du monde ! qui n’en peut plus de toute cette boue et qui renifle le bourgeois, pour mieux s’en débarrasser comme d’un sale rat !
Ce jour-là, il est au milieu d’un pont et personne n’échappe à son grand corps vêtu d’une robe de bure ! Sitôt qu’il sent une bourse, un bijou, une riche étoffe, il imagine la corruption, des amours ignobles de riches et hop, le couple coupable d’aisance passe à la baille ! « Ah ! Ah ! », fait alors Grobras, qui voit venir à lui sainte Dicaliste ! Il se renfrogne… Serait-ce que la sainte n’apparaît pas comme une source de jouissance, par son maintien évidemment austère ? Où est cet air dédaigneux, qu’on prend tant de plaisir à humilier ? Mais la sainte a quelque chose de sympathique… Elle dit : « Trente ans de boîte !
_ Cinquante !
_ Jamais vu la mer !
_ Moi, la montagne !
_ J’ai pris une seule fois le train !
_ Qu’est-ce que ces oiseaux d’acier au-dessus de nos têtes ?
_ Je lisais Marx en colonies de vacances !
_ J’ai déchiré l’Evangile à treize ans !
_ J’étais à la Bastille, quand on a étripé son commandant !
_ Sur les barricades, mon œil a fait frémir les Versaillais !
_ Regarde : la trace d’une balle du CAC 40 !
_ Regarde cette estafilade ! Le CAC 40 encore lui !
_ Ami ?
_ Ami !
_ Dans mes bras !
_ Boouououh ! »
4
L’ego et la lumière débarquent sur la plage, où il fait un p’tit peu frais ! L’ego très excité tourne autour des jambes de la lumière et celle-ci lui dit : « Ah ! Tu veux jouer, c’est ça ? » La lumière prend un bâton, pour la plus grande joie de l’ego, et elle fait : « Attention ! » Le bâton siffle dans l’air, guetté par les yeux de l’ego, qui le ramasse bientôt, montrant son agilité et sa musculature ! Puis, l’ego ramène le bâton aux pieds de la lumière et de nouveau il est plein d’impatience !
« Oui, tu es un bon ego ! dit la lumière, qui caresse un peu l’ego. Attention ! » et hop ! Le bâton repart au loin, suivi à toute vitesse par l’ego, qui referme encore une fois ses mâchoires dessus ! Et c’est le retour et les félicitations : « Bravo l’ego ! fait la lumière. Tu es presque aussi intelligent qu’un kitesurfer ! J’ suis vache, mais lui aussi tire des bords sans fin ! Voyons, si je ne veux pas m’énerver, il faut que je corse un peu le dressage ! D’accord, l’ego ? Je vais t’expliquer quelques trucs !
_ Ouah ! Ouah !
_ Bien ! La haine vient de toi, l’ego… La haine, c’est une réaction face au mépris ! C’est l’animal qui est en nous qui se sent menacé, diminué ! D’accord ?
_ Ouah ! Ouah !
_ Bon ! Si la haine vient d’ l’ego, il s’ensuit que plus on a d’ego et plus on peut avoir de la haine, car plus on a besoin de respect, pour se sentir supérieur, important ! Plus on a d’ego et plus on est sensible au mépris et plus la haine nous gagne vite ! Tu m’ suis toujours, l’ego ?
_ Ouah ! Ouah !
_ Formidable ! J’ai l’impression que tous les voyants sont au vert et qu’une belle matinée se prépare ! Maintenant, avec tous les éléments que je t’ai donnés, la conclusion coule de source ! Tu vas répondre sans difficultés à cette question : « Comment baisser la haine ? » C’est du gâteau l’ego, pas vrai ?
_ Ouah ! Ouah !
_ Voyons l’ego ! Plus tu es important et plus tu es sensible au mépris et donc capable de haine ! Comment baisser la haine ? En baissant l’eg…
_ Il faut changer le gouvernement ! C’est lui le responsable !
_ Là, tu m’ scies, l’ego ! J’ pensais vraiment qu’on était proche du but ! Tiens, je m’ voyais déjà fier de toi… et t’achetant un os supplémentaire ! Mais nous voilà de nouveau dans la carrière, devant les blocs de pierre, avec not’ p’tit marteau ! Le soleil cogne et on transpire avant même de commencer ! Bon, qu’est-ce qui te rend idiot comme ça ?
_ Rien ! J’pense que le gouvernement n’est pas à la hauteur, d’où la violence des émeutes ! C’est la faillite de tout un système !
_ Et si c’était ta haine à l’égard du gouvernement qui t’aveuglait !
_ Mais j’ai pas de haine, moi ! J’ suis juste réaliste !
_ Et t’as pas d’ego, non plus ?
_ Non, j’ veux la justice, un point c’est tout !
_ Bon, j’ te demande tout de même d’enregistrer le principe : « Pour baisser la haine, faut baisser l’ego ! » C’est à chacun d’appliquer c’ principe !
_ Nan, faut changer le gouvernement !
_ Et tu veux pas faire un effort sur toi-même ? comme ça, cool, sur ta p’tite personne, sans même avoir l’air d’y toucher ? C’est quasi aussi simple que d’ baisser le gaz !
_ Nan, c’est le gouvernement qui pèche !
_ Et tu n’as pas de haine à l’égard de Macron ?
_ Nan ! Grrr ! Aaaargh !
_ Qu’est-ce qui s’ passe, l’ego ? Tu baves, tes yeux sont rouges ! On dirait que la logique ne t’atteint plus !
_ Grrr ! Haine ! Macron !
_ Et tu n’as pas de haine ? Mon Dieu, quand on te voit, on s’dit que ton ego doit être colossal !
_ Grrr ! Aaaargh ! Grrrr !
_ Bon sang, tu m’ fais peur ! Couché l’ego ! Tu veux l’ bâton, l’ego ? J’ vais devoir te calmer ! Tu vas prendre un coup sur le museau ! Et j’ vais même t’étonner, car ce s’ra fait sans haine ! juste pour me protéger ! »
5
Cariou habite « Fort Perplexe », car il vient de recevoir deux messages : l’un de madame Peine et l’autre de Baluchon, et tous deux disent à peu près la même chose : « Du nouveau sur Belle Espoir ! Venez vite ! »
Cariou reprend son autociel fatiguée et il commence par aller voir madame Peine. Il retrouve donc les deux gardiens du château : « Mais c’est le retour du fouille merde ! dit l’un.
_ Ouais, on le reconnaît rien qu’à l’odeur ! fait l’autre.
_ J’ai connu un gars, répond Cariou, qui était tellement constipé qu’on avait fini par l’appeler la Chèvre !
_ Et alors ?
_ Rien, je voulais juste vous détendre un peu !
_ Ben, c’est raté !
_ C’est ce que je vois ! »
Cariou arrive au château, où il est reçu, comme il se doit, par le maître d’hôtel hautain, Bruce. Cariou suit Sa Dignité et se retrouve devant madame Peine : « Ah ! Monsieur Cariou ! dit-elle. Les choses changent ! Mais venez par là ! »
Madame Peine a l’air guillerette et elle mène le détective près d’une machine, qui ressemble à une caisse enregistreuse ! Celle-ci crépite et éjecte au fur et à mesure une liste ! « Depuis les émeutes, explique madame Peine, ça n’arrête pas !
_ Qu’est-ce qui n’arrête pas ?
_ Mais les inscriptions à mon parti ! Écoutez ça ! A chaque fois un nouveau nom ! Ah ! Ah ! Alors est-ce que Belle Espoir n’est pas là, devant vous ?
_ Excusez-moi madame Peine, mais tous ces gens, qui se joignent à vous maintenant, le font par haine ou par peur ! On les agresse, on les méprise et ils tiennent eux aussi à montrer leur propre ressentiment ! La haine engendre la haine ! C’est œil pour œil, dent pour dent ! Même si c’est naturel, ce n’est aucunement une source d’espoir ! C’est juste une impasse !
_ Quel rabat-joie vous faites ! On va enfin pouvoir fermer le robinet de l’immigration ! Comme je suis heureuse ! Imaginez un pays propre, fier de nouveau de sa valeur !
_ Comme ça les Blancs pourront se haïr entre eux ! Vous savez, la différence est toujours difficile à accepter et c’est pourquoi elle pose un défi et qu’elle est au fond la vie ! J’ai l’impression que vous souhaitez une sorte de bêtise congénitale…
_ Vous n’arriverez pas à m’assombrir ! J’ai la légèreté d’un papillon, une seconde jeunesse ! Bruce va vous reconduire ! »
Cariou s’échappe du château et part voir Baluchon. Celui-ci l’accueille dans son bureau particulier : « Vous entendez ? demande-t-il à Cariou. C’est la révolution ! Le peuple fait entendre sa voix, contre ce gouvernement gangrené, inféodé au CAC 40, cette nouvelle Bastille !
_ Comme vous y allez, Baluchon ! Ce sont des tirs de mortiers, des destructions, des saccages contre des commerces, nos villes, le monde des Blancs ! contre la République !
_ Oh ! Vous n’y êtes pas du tout, mon p’tit gars ! C’est la police qui est responsable et donc le pouvoir, le gouvernement ! Ecoutez-les ! Quelle force, quelle vigueur ! C’est le cri de la justice ! A bas les néolibéraux, les exploiteurs ! Le nouveau sans-culottes est arrivé ! Hein ! Belle Espoir ressurgit dans les flammes, tel le phénix !
_ J’ vais un peu jouer les pompiers sur vos ardeurs, mais en ce moment même certains perdent tout ! leur établissement, leur voiture ! Je doute qu’ils aient votre enthousiasme !
_ Il faut savoir regarder au-delà des intérêts particuliers, quand s’écrit l’histoire !
_ Vous savez au fond ce qui se passe ? Une population de Noirs et d’Arabes, pleine de vitalité, veut sa place ! Car il est faut de croire qu’un Noir ou un Arabe trouvent du travail ou un logement comme un Blanc ! Ils se heurtent chaque jour à notre hostilité, plus ou moins sourde ! La différence crée toujours de l’inquiétude ! Mais, ce que vous voyez là, c’est une révolte contre nous, les Blancs ! Le pouvoir n’y est pas pour grand-chose !
_ Qu’est-ce que vous me chantez là ! Ils attaquent bien la police ! cette police née pour tuer et servir les ambitions de Macron !
_ Je crains que votre haine à son égard ne vous fasse divaguer ! D’ailleurs, ces émeutes sont plus troubles qu’il n’y paraît ! J’ai pu lire un slogan qui disait : « Eat the cops, not the pigs ! » Autrement dit : « Mange les poulets, pas les cochons ! » Vous voyez tout de suite à quoi ça fait référence, non ? On a aussi attaqué un bar LGBT près d’ chez moi et d’après le patron, c’était clairement les « PD » qui étaient visés ! Vous devriez réfléchir à ça, puisque vous vous présentez comme le champion de la laïcité et de la République !
_ Vous ne me ferez pas bouder mon plaisir, Cariou ! C’est Rome qui brûle ! C’est le cœur qui parle ! la vague que j’attendais et qui emporte tout !
_ Même la mort ? Le cœur que vous imaginez met aussi le feu à des habitations, où dorment des gens ! Les torts sont des deux côtés et c’est à chacun de changer !
_ Comme vous êtes petit, médiocre ! L’édifice de l’argent est en train de s’écrouler ! C’est l’aube d’un nouveau monde !
_ Dans votre cerveau, à côté de l’altimètre, y a une manette pour sortir le train d’atterrissage ! Utilisez-la par pitié !
_ Mes hommes vont vous sortir d’ici ! comme la dernière fois ! »