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  • Des attitudes

    Des attitudes

     

     

     

     

     

        Pour vérifier ce que je dis au fil de mes articles, il suffit d'observer les gens dans la rue... Si la plupart des gens ne donnent que comme seul sens à leur vie, comme seule boussole, leur instinct de dominer, leur supériorité, leur vanité satisfaite; alors tous leurs comportements peuvent être reconnaissables, en tournant autour de ce désir, qui devient une nécessité... Rien n'échappe ici à la logique!

        On peut ainsi distinguer deux grandes attitudes: celle du tyran inoffensif et celle qui le montre  agressif. Mais nous allons voir que la frontière entre les deux est minime et qu'elle est rapidement franchie!

        Cependant, l'attitude du tyran inoffensif est la plus commune, même si elle présente des traits caractéristiques! Par exemple, en ce moment, il est intéressant de regarder autour de soi, à un passage piétons... Des individus y arrivent comme si on pouvait traverser à tout moment, et ils mettent un certain temps avant de reconnaître qu'ils doivent s'arrêter, puisque les voitures circulent... D'ailleurs, certains essaieront tout de même de forcer le passage, mais cette impatience, cette nervosité n'est pas provoquée parce qu'on est pressé: sa raison est bien plus subtile!

        En effet, l'immobilité pour le tyran est synonyme d'angoisse... En marchant, il élabore des projets; il est dans une dynamique, il est plein de lui-même! Soudain, il doit faire face au monde extérieur! Il y a des règles à respecter! L'illusion, le rêve d'un coup s'interrompt! Le tyran alors se dandine, sa tension est palpable; il est faible sur ses jambes, car il n'y a pas de bases! Le tyran ne vit que s'il est en représentation, que si son égoïsme est nourri!

        Autrement, il est comme une marionnette qui n'est plus tirée vers le haut, et cette attente, au passage piétons, peut être pour lui une véritable torture! Il dispose cependant de certains palliatifs...; notamment il peut téléphoner!

        Le succès du téléphone mobile n'est pas seulement dû à son utilisation pratique, car communiquer comme on veut permet de se sentir chez soi partout: c'est son propre univers qu'on déplace!

        Grâce à l'échange téléphonique, on reprend de l'importance; on est de nouveau le personnage principal, le centre de l'action, ainsi que le monde extérieur ne serait plus qu'un décor! On quitte l'oppression de l'anonymat! l'armée des sans-grades, le flot laborieux! 

        On brille, on semble énergique, équilibré, éminemment sociable, sur la voie de la réussite! Mais au fond on ne dupe que soi-même: le monde est vaste et chacun continue sa route... La tyrannie inoffensive devient alors agressive! La personne qui téléphone élève la voix, de sorte qu'il est impossible pour ceux qui sont autour d'échapper à la conversation! C'est l'existence d'un seul qui s'impose et qui prive les autres de la leur!

        On joue un personnage devant un public involontaire et qui souvent n'a pas d'autres choix que d'attendre la fin du spectacle! Il y a même des acteurs mythomanes! Ils parlent de New York ou de telles célébrités qu'ils connaissent bien...

        Au lieu d'essayer de découvrir le monde, le tyran au téléphone veut l'asservir... et il n'arrange rien, ni pour lui, ni pour les autres! Il n'évolue pas, ne se consolide pas et ne pourra qu'augmenter son agressivité!

        La même façon de faire est adoptée par ceux qui ont les yeux rivés sur l'écran de leur appareil! Ils marchent comme s'ils étaient devant une petite télévision: la rue est leur salon! Et quand ils relèvent la tête, ils ont l'air surpris que des inconnus existent! C'est une façade, un rôle évidemment, qui n'est pas sans mépris!

        On peut encore citer la tête pourvue d'écouteurs et dont les oreilles paraissent emmitouflées. Si la musique est perceptible, l'individu n'a pas de cerveau: les décibels l'ont dissout!

        La tyrannie de la musique devient franchement agressive avec la voiture qui assourdit tout sur son passage! celle dont les enceintes mugissent et sont sur le point de crever! Ce vacarme fait l'envie de tous les cirques! Mais là encore on veut "terrasser" le monde, au lieu d'aller à sa rencontre! C'est une impasse!    

        Les tyrans inoffensifs ont d'autres moyens pour se rassurer... A deux, ils peuvent occuper le trottoir... Dès qu'on parle dans un lieu public, on se rassérène! On est prêt à repartir de l'avant, on n'est plus un quidam quelconque! Mais de nouveau le mensonge n'est pas loin, avec ses corollaires, le trouble et la perversité!

        Car le tyran qui échange peut vous empêcher de passer, en se plaçant au milieu du trottoir... Il vous oblige de cette façon à le contourner... et tout le temps que dure cette opération, il trône à côté comme un dieu grec, ou s'il est une petite vieille, comme si elle détenait des secrets d'état: le but étant qu'on retienne votre attention!

        Soudain, le tyran s'écarte; la mine apparemment confuse... Il a tout l'air en effet de s'excuser, mais cette politesse vient trop tard pour être sincère: n'étiez-vous pas déjà en train d'éviter l'obstacle, la question n'était-elle pas déjà réglée?

        "Ah! me direz-vous, mais la personne se rend enfin compte qu'elle gênait!" Pas du tout! Cela est au contraire orchestré de main de maître... C'est le petit plus... On attend maintenant vos remerciements... Votre attention ne suffisait pas, il fallait aussi votre regard! Et il est vrai qu'il est difficile de passer indifférent, de paraître comme un rustre!

        On bredouille alors un vague merci, qui indique qu'on n'est pas dupe, qu'on est victime d'une fausse politesse... Mais on a tout de même jeté vers le tyran un coup d'œil et il nous a pris un peu de force!

        Il est sans doute surpris lui-même, car il s'attendait à plus de naïveté de notre part, ce qui se serait traduit par une reconnaissance voisine de l'effusion! Mais "les temps sont durs" et enfin son stratagème lui aura procuré quelques miettes... Mais ce qui est à retenir, c'est que les tyrans sont capables de n'importe quoi pour être le point de mire!

        Dans les zones piétonnières défilent lentement les voitures et c'est là qu' on voit combien le système, notre société s'est bâtie sur notre soif de dominer! C'est cet instinct-là qui fait l'armature de notre quotidien! La ville surtout est une scène, sur laquelle chacun peut s'exhiber, dans l'espoir de se faire admirer!

        Les carrosseries des SUV sont taillées comme des diamants et certains phares sont allumés, pour donner encore plus d'éclat! Ces véhicules larges et massifs en imposent et ils sont tels les carrosses d'autrefois, car ici aussi on veut montrer son importance sociale, sa réussite!

        Un tel spectacle ne peut qu'assombrir l'âme pur, car il est l'essentiel des individus qui le constituent et il semble impossible d'espérer le remplacer, ou tout du moins le faire évoluer, sans déclencher les hostilités les plus dures, voire les plus brutales!

        Ceci nous amène tout naturellement à la haine et au mépris déclarés du tyran! à son attitude clairement agressive!

        A première vue, celle-ci est destinée à vous gâcher la vie, à vous faire "rentrer sous terre", car n'est-ce pas là que demeure tout ce qui dégoûte?

        Sous le ciel bleu, vous devriez être atteint, marqué par le regard injurieux du tyran... et en effet ce n'est pas très agréable! Que vient faire l'animosité de quelqu'un qu'on ne connaît pas dans notre bonheur, notre tranquillité? On pourrait se fâcher...

        Mais en fin de compte l'agressivité du tyran nous rappelle que nous sommes en guerre! Sans elle sans doute nous finirions par croire aux calembredaines de la société, de la psychologie, de la psychanalyse et j'en passe! Sans elle, nous pourrions nous persuader que si nous allons mal, c'est seulement de notre faute! Sans elle, le pays de cocagne (le rêve américain en somme!) que laissent entendre les médias et l'air du temps ne serait plus un mensonge, une illusion, une destination imaginaire!

        La tyran est notre petit "Boche" à nous! Il nous rappelle que nous devons rester sur nos gardes, que la paix est fragile! Et si nous voulons vraiment ne pas inquiéter nos amis allemands, nous dirons que le tyran est notre petit djihadiste à nous! C'est lui qui avec sa bombe, son couteau et son "flingue" veut nous faire la peau!

        Pourquoi?

        Mais pour une raison très simple, parce qu'on ne s'occupe pas de lui! parce qu'on paraît libre, heureux sans lui! Ce qui est un comble! Car lui n'est pas bien et vous, vous pourriez ne pas en être affecté? N'est-ce pas de votre faute si lui souffre? N'êtes-vous pas un de ces parasites qui grèvent le France? D'ailleurs, les coupables, on les connaît! Ce sont les étrangers, les Russes, l'Union européenne, le gouvernement, les voyous de toutes sortes!

        Celui qui méprise domine! Et la haine du tyran a tous les droits! Elle peut aussi venir des personnes les plus insolites... Vous plaignez cette infirme? Mais quand vous croisez son regard, il vous jette tout ce qu'il a de plus fielleux! de plus accusateur!

        Sondez votre âme, vous qui êtes en bonne santé! Rappelez-vous... Vous étiez ivre ce soir-là et vous n'avez pas pu éviter cette femme qui traversait la route! C'est là qu'elle a perdu l'usage de ses jambes! Soyez damné!

        Vous trouvez sympathique cette face rondouillarde? Mais elle a une moue au passage..., qui semble dire:" Comment pouvez-vous être aussi repoussant? N'en avez-vous pas honte?"

        Remarquez que la haine du tyran peut encore indiquer le "beau fixe" sur notre baromètre, car c'est notre assurance qu'il envie!

        Cependant, toutes les attitudes que j'ai décrites jusqu'à présent ont un effet commun, c'est qu'elles sont épuisantes et même destructrices pour les autres! Le tyran prend sans donner! Il demande sans l'avouer! Il vide et blesse! Il vole de l'énergie!

        Voilà pourquoi nos vies restent si dures! Voilà pourquoi nous ne sommes pas heureux, alors que nous possédons tout ce que désire l'autre moitié de la planète, celle qui n'est pas riche!

        Il existe pourtant une tout autre attitude, celle de donner sans prendre! Elle est possible parce que le sage s'efforce d'établir son équilibre autrement qu'en voulant dominer les autres! Sa stabilité ne dépend pas de l'intérêt qu'il provoque ou non! Son succès est indépendant de l'admiration qu'il suscite ou non!

         Ses racines plongent au plus profond de l'existence; elles se nourrissent de lois naturelles et qui ont un écho éternel! Nul doute qu'il puisse tenir sur ses jambes de lui-même! Il est chez lui dans la beauté, dont il acquiert le rythme!

        Il ne perd donc pas de forces; au contraire il peut en donner! Et il ne cherche à nuire à personne: il n'en a pas besoin!

        Il ne fatigue pas, car il n'est pas une source d'inquiétudes! Il est disponible, curieux... Son bonheur n'est pas de vaincre, mais de comprendre! Sa victoire, c'est la sagesse! Elle est comme de l'ambroisie, car absolument rien ne peut en altérer le sens!

        Le tyran envie secrètement la force, le plaisir du sage; mais il ne veut pas en suivre les pas: il aurait l'impression de déchoir! Son orgueil y renâcle!

        Le tyran est devant un dilemme: il veut être heureux sans se priver de son égoïsme! Il veut le triomphe et en même temps la paix, la sécurité! Il s'use à essayer de résoudre cet équilibre impossible; il va vers toujours plus de tyrannie; sa haine grandit et il peut se jeter dans la guerre, pour laisser les événements décider pour lui!

        Il est comme certaines femmes qui prennent le risque d'être défigurée par la chirurgie esthétique, pour que le temps ne fasse surtout pas voir leur âme sur leur visage!

        Le sage, lui, ne craint rien!

         

       

  • De notre fragilité

    La fragilite

     

     

     

     

     

     

        Si vous avez lu mes précédents articles, nous pouvons avoir maintenant une idée assez claire sur ce qui compose notre paix et donc notre bonheur de vivre. Je tiens à refaire le point, car je parle de moments de quiétude tels qu'ils pourraient être qualifiés d'illuminations, mais je me rappelle aussi toutes les difficultés que j'ai dû subir avant d'arriver à ce résultat!

        Beaucoup d'entre vous sans doute sont en train de les connaître et en souffrent certainement, mais il n'y a pas de formules, de "trucs" pour aboutir subitement à la paix, puisque nos vies sont également des maturations... Il faut beaucoup d'expériences et de temps, bien des vicissitudes et des peines, afin de se dégager de ses inquiétudes, de ses tourments, pour voir notre quotidien d'un œil neuf, avant de jouir de nos propres connaissances!

        Mais le voyage en vaut vraiment la peine! ne serait-ce que quand on prend conscience de l'aveuglement cruel et destructeur de la multitude, auquel on a échappé grâce à son courage, à sa persévérance et surtout à sa bonne volonté et à sa gentillesse! La joie que l'on éprouve alors est d'autant méritée que la plupart font leur propre malheur, en ne voulant pas céder sur leur égoïsme; mais nous y reviendrons encore...

        En fin de compte, ce que je vous propose ici c'est d'étayer une histoire, celle qui deviendra la vôtre! C'est l'histoire de l'individu qui se met debout sous le ciel et les étoiles; qui essaie d'être entièrement et pleinement, en donnant le meilleur de lui-même; et qui veut connaître le bonheur, la justice; qui s'obstine dans la souffrance parce qu'il aime éperdument la vérité!

        Si nous sommes dolents, c'est bien à cause de l'injustice, n'est-ce pas? 

     

        Mais il existe trois facteurs qui constituent notre paix... Le premier est le plus général: c'est l'influence de la nature sur nous et plus précisément celle des conditions météorologiques. Notez que ce phénomène jusqu'à présent avait toute son indépendance... Ce n'est plus le cas aujourd'hui: nous sommes suffisamment nombreux et immatures pour détériorer le climat et en "payer le prix"! Plus nous sommes énervés et plus le temps nous "renvoie la balle"!

        Voilà plus d'une semaine que dans ma ville, les sirènes d'ambulance sont quasiment ininterrompues! Nous nous "fracassons", pour parler crûment, sous l'effet de l'angoisse!

        Et je suis effaré de voir à quel point les tyrans ignorent l'action aussi simple, aussi évidente de ce facteur! Cela veut dire qu'ils sont tellement obnubilés par leur égoïsme qu'ils sont incapables d'être un tant soit peu lucides et d'effectuer le moindre pas de côté, ce qui leur permettrait pourtant de relativiser considérablement l'importance de leur trouble!

        En effet, que pouvons-nous comprendre ces jours-ci? Nous savons que nous avons une origine animale; or, pour les animaux, l'hiver est synonyme de nourriture rare et de lutte contre le froid. Ils éprouvent donc un sentiment d'insécurité, dont nous avons forcément hérité! Et cela se traduit par une anxiété instinctive, à laquelle nous devons faire face jusqu'au retour du printemps! (Pour plus de détails, je vous renvoie à mon texte "Sur le temps".)

        Comment peut-on se priver d'une telle connaissance, d'une telle consolation? Car de savoir que notre réveil pénible est en réalité le lot de tous, n'est-ce pas enlever de la gravité à notre mal? N'est-ce pas apaisant de comprendre que notre souffrance ne vient pas seulement de nous, mais qu'à la ronde on la ressent également? Et n'est-ce pas revigorant d'avoir la curiosité attisée, par le comportement des autres face à l'obstacle? Comment se débrouillent-ils? Et n'est-ce pas sain de s'intéresser à autrui volontiers?

        Pourtant, la science ne fait qu'effleurer le phénomène... Elle parle vaguement d'absence de lumière, de dépression automnale... En aucun cas, elle ne mesure l'importance de ce qui se passe, car c'est chaque jour que la nature nous transforme! Une telle inertie, une telle lacune de la part de ceux qui font vocation de comprendre laissent pantois!

        Plus déconcertant encore, le deuxième facteur, lui, est absolument inconnu aux yeux de la science! Il s'agit de l'existence des tyrans! Rappelons en quelques mots ce que cela veut dire... Nous savons que l'Evolution est l'histoire d'une individualisation, car plus les espèces apparaissent tard et plus leur constitution est complexe et donc distincte!

        On peut même penser que c'est la suite logique de l'histoire de l'Univers, qui "n'est rien d'autre" qu'une lente complexification de la matière! Mais l'individualisation est poursuivie, amplifiée par la sélection naturelle, qui veut que ce soit le plus fort qui puisse procréer: la concurrence ne peut que conduire à une affirmation de soi!

        Cet instinct se traduit chez nous par le besoin de s'imposer aux autres, de faire valoir notre personnalité, notre réussite, et autrement dit, ce que nous recherchons d'abord le plus viscéralement, c'est de satisfaire notre égoïsme! même si bien entendu cela reste sous l'influence de nos hormones, provoqué dans le but de la reproduction, etc. 

        Nous pourrions donc continuer la vie des animaux, si nous étions dépourvus de la conscience! Le sujet est vaste, vous vous en doutez, mais on peut comprendre que notre capacité à analyser, à nous rendre compte, nous permet de "balancer" la force de l'instinct! C'est ce qui fait a priori notre originalité et qui a donné lieu à la civilisation... Par exemple, il fut un temps où les Spartiates tuaient les enfants mal formés, parce qu'ils ne feraient pas de bons soldats. Aujourd'hui, une telle pratique nous paraîtrait monstrueuse!

        La civilisation nous conduit à nous séparer du règne animal, grâce à notre raison, qui se nourrit elle-même des expériences et des connaissances que les hommes accumulent; et il appartient à chacun de trouver un équilibre entre la force de l'instinct et les arguments de la conscience... C'est évidemment très compliqué, car l'esprit peut s'abuser lui-même et nous avons vu que l'hypocrisie peut être totalement ignorée par ceux qui justement en montrent le plus! (Voir "De l'hypocrisie"...)

        Mais on peut comprendre aussi que le plus grand nombre cède davantage à l'instinct qu'à la raison, car c'est ce qui paraît le plus séduisant, le plus facile, et parce qu'évoluer effraie, puisque c'est d'abord un pas vers l'inconnu! Bref, la majorité cherche obstinément à satisfaire son égoïsme, se justifie même par la raison, et c'est ce qui forme ce que j'appelle les tyrans!

        Ceux-ci veulent que le monde tourne autour d'eux, comme on s'occupe des bébés, et c'est à un tel point que les tyrans haïssent et veulent détruire tous ceux qui leur échappent (en fait tous ceux qui ne les admirent pas, le sage en premier!)

        J'ai déjà expliqué maintes fois quels dégâts et quel chaos produisent les tyrans et comment ils font que la société évolue si peu! C'est donc un facteur essentiel pour comprendre la vie et l'origine de nos blessures; et pourtant, comme je l'ai dit plus haut, le phénomène est absolument ignoré par la science: les théories de la psychologie et a fortiori celles de la psychanalyse le prouvent!

        Je propose donc aux scientifiques et aux tyrans de faire don de leur cerveau, car c'est un organe qui ne leur sert à rien! (le tyran continuant la vie animale sous le couvert de la civilisation: il n'est qu'un barbare policé!) L'avenir de l'humanité dépend de la prise de conscience des tyrans à se reconnaître comme tels! non par le despotisme d'une idéologie, d'une foi; mais parce qu'on finira par comprendre que le contentement de l'égoïsme ne mène pas au bonheur, qu'elle est une voie sans issue! (J'ai déjà encore beaucoup écrit là-dessus!)

        Cependant, si on veut contrôler l'instinct, il n'est pas possible de le supprimer, sinon c'est la maladie, la névrose qui apparaît (il faut bien que les travaux de Freud servent tout de même à quelque chose!) et c'est cette problématique qui nous conduit au troisième facteur et qui est en fait le but de ce texte!

        Ce dernier facteur (à moins d'une guerre ou d'un tsunami évidemment!) est le plus connu, le plus classique quand on parle de la personnalité et c'est bien entendu notre propre histoire, qui commence par l'enfance et les traumatismes que subit celle-ci! C'est le domaine dont se réclame avec suffisance la psychologie, mais, je le répète, il est lui-même incompréhensible sans prendre en compte les deux précédents facteurs, et je vous laisse imaginer les salades infinies que produit "l'autarcie" de la psychanalyse...

        Mais comment fonctionne ce facteur, comment agit-il? Il aisé de comprendre que puisque les tyrans sont majoritaires, il est à peu près impossible que les parents n'en soient pas et les traumatismes sont donc inévitables! Car, encore une fois, notre égoïsme ne peut être satisfait (voir mes articles précédents...) et l'enfant décevra forcément ses parents...

        En fait, dès que vous venons au monde, nous intégrons une chaîne de souffrances (et de joies!), qui montre un monde toujours en évolution! Mais, là où les choses se corsent, c'est que bien sûr nous pouvons avoir tous les degrés dans la tyrannie: il y a des parents tyrans moyens, comme il existe des super tyrans!

        Ceux-ci, on s'en doute, seront encore plus traumatisants que les autres; ce qui ne veut pas dire non plus qu'ils soient absolument incapables d'affection...; entendons-nous, je ne décris pas le diable, mais ils feront tout de même plus de mal que de bien!

        D'une manière générale, le père fera "payer" à l'enfant sa frustration sociale... et la mère s'en servira comme d'un paillasson, pour retrouver sa position de pouvoir au sein de la famille! Le parent super tyran imprimera dans le cerveau de son fils ou de sa fille qu'ils ne sont jamais à la hauteur, qu'ils sont trop médiocres et qu'on n'en fera jamais rien!

        Autrement dit, ces enfants-là n'auront pas de fondations et resteront extrêmement fragiles! à un tel point qu'ils pourront éventuellement plus tard se blesser "jusqu'à l'os", puisque leur "maison mentale" n'aura pas de plancher, de défenses!

        Tout cela constitue la base du plat qu'on prépare..., mais il faut maintenant l'épicer, lui donner du goût... Et si au parent super tyran, on ajoutait un enfant super sensible! Hein? qu'est-ce que vous en dites? Un enfant au tempérament d'artiste, doux, méditatif, plein d'amour pour ses parents; ne désirant qu'une chose: leur plaire! avec de longues antennes réceptrices, de sorte qu'on les écrase sans même s'en apercevoir, ni sourciller! Bref, le meilleur petit garçon ou la meilleure petite fille, face au pire parent! Hein?

        Hummm! Je sens que notre préparation commence à avoir un bon fumet! Mais on est loin du compte! Cet enfant égaré, souffrant, misérable, malheureux comme une pierre, on va l'entourer d'une société gouvernée par l'hypocrisie, qui nie notamment son plaisir, qui paraît n'être conduite que par le travail, le devoir; à laquelle on voudrait sans tarder décerner la médaille du mérite! et qui pourtant hait, méprise tout ce qui lui apparaît différent, libre supérieur! de sorte que notre enfant n'y trouve aucun repère, aucune consolation, qu'il en soit encore plus perdu, plus désorienté; jusqu'à être comme invité à se voir toujours aussi détestable (et ce n'est pas la psychologie qui lui fera comprendre que ce n'est pas lui le problème, mais les tyrans!), ce qui le conduira à se détruire encore plus! Hein? Là faut avouer qu'on tient le bon bout! On s'en lèche déjà les babines, non?

        Il ne reste plus que la touche finale! Un héritage culturel, religieux, dont l'auteur s'est sacrifié pour les autres! (loin de moi de traiter ici un tant soit peu le "cas" de Jésus!) Hein? Si notre jeune être est bien ce qu'on pense de lui; c'est-à-dire s'il est prêt à mettre toute sa bonne volonté à se torturer! je pense que très peu d'entre vous seraient prêts à miser sur lui! Il y a très peu de chances en effet qu'il ne finisse pas comme une voiture accidentée! abandonnée dans quelque décharge!

        Si j'écris ces lignes, c'est pour vous mettre en garde, pour que vous vous montriez prudents! La première moitié de la vie peut n'être qu'un escalier descendant vers l'enfer! C'est toujours plus de peines, de nuits, d'effrois! C'est de la misère, de l'amertume, en veux-tu en voilà! tandis qu'autour rien ne bouge! Le tyran n'est pas aussi malheureux que cela, sachez-le! Il a le nez dans les plaisirs! Pour lui, la société, c'est l'école qui continue! Vous le plaindrez, quand vous-mêmes serez en paix, à même de connaître un bonheur plus enviable et meilleur que le sien!

        Et ne vous attendez pas à ce que le parent tyran reconnaisse ses torts! N'espérez pas la justice de côté-là! Car déjà il ne se rend même pas compte de son hypocrisie! La paix est une sorte de petit miracle qui vous viendra avec le temps! La compréhension des choses ne vous échappera pas! La sagesse est "prévue au programme"! Les hommes ne peuvent lutter contre la vérité! Ils s'usent à ce combat et tôt ou tard elle apparaît!

        Il faut que vous soyez là pour voir ça! Et donc ne disparaissez pas en route! Puissent tous ces mots vous y aider! Ne perdez jamais de vue les trois facteurs! (Ce n'est pas un message de la poste...)

  • Sur la beauté

    La beaute

     

     

     

     

     

     

        La beauté est un guide, et c'est peut-être le seul dont nous disposons vraiment! Certains scientifiques ignorent, dédaignent, méprisent la beauté, parce que disent-ils: "Elle est une invention de l'homme!"; au contraire de la gravitation notamment, qui existerait sans lui!

        Cette dernière peut donc être étudiée tout à fait objectivement (loin de nos pattes sales... ou pleines de doigts!) et elle garde donc toute sa valeur aux yeux de la science! La beauté serait essentiellement subjective, n'apporterait pas grand-chose à notre connaissance de la stricte réalité et bref, elle n'est pas l'affaire des gens sérieux, de ceux qui se croient lucides et qui sont persuadés de ne pas se laisser abusés!

        Mais les faits justement ne sont pas aussi simples! Einstein par exemple ne pouvait pas concevoir une bonne théorie sans qu'elle soit belle! Si sa célèbre formule E = mc2 lui paraît aussi vraie, c'est d'abord parce qu'elle est si simple; la simplicité étant un gage de pureté, d'efficacité et donc de vérité! L'esthétisme est une variable nécessaire de la logique... et donc de la science!

        La confusion, le manque de clarté provoquent inévitablement la suspicion, quand au bon raisonnement et au bon résultat; ce n'est pas un professeur de mathématiques ou de physique, corrigeant les copies de ses élèves, qui vont me contredire!

        D'ailleurs, la plupart des scientifiques découvrent leur vocation grâce à la beauté des phénomènes et au pouvoir attractif qu'elle exerce sur eux! Mais nous allons voir que ce rejet, cette indifférence que témoignent certains chercheurs, à l'égard de la beauté, n'est pas seulement un parti pris, mais que cela révèle au fond un manque, pire un vice! et nous pouvons déjà dire que ces personnes-là, malgré leur assurance ou leur morgue, sont perdues, sans espoir et sans joie!

        Pour ne pas avoir l'air péremptoire ou suffisant, je vous propose de commencer par l'exemple de la relation sexuelle, car elle nous amène à utiliser la beauté, à reconnaître son importance et même sa nécessité, d'une manière évidente!  

        L'homme est attiré par les formes voluptueuses de la femme, par ses courbes, sa peau délicate... La femme par contre recherche les lignes droites ou les angles, la fermeté de la chair; tout ce qui lui paraît opposé à son propre sexe! Elle est synonyme de sensualité, d'abandon; et l'homme représente la force, la décision!

        Mais on comprend bien que plus la découverte de l'autre est intense et patiente et plus la jouissance est puissante et complète, plus elle est un achèvement et apaisante; alors qu'un rapport précipité énerve plutôt, tant l'orgasme, s'il se produit, semble éphémère!

        C'est ce que nous désignons maladroitement par respecter ou non les préliminaires..., maladroitement parce que ce dernier terme suggère tout de même une opération chirurgicale... ou tout du moins un exploit sportif! Mais la société n'est pas non plus "payée" pour avoir bon goût, ni pour être intelligente!

        Toujours est-il qu'il existe une relation entre la beauté et notre maturation, car évidemment plus nous sommes maîtres de nous-mêmes et plus nous pouvons montrer à l'autre que nous sommes sensibles à sa séduction, à son charme!

        Quand on est jeune, on est aussi inquiet qu'énergique et on veut son plaisir tout de suite, comme la réponse à ses questions! Mais le "sens", le secret, c'est justement la beauté!

        On peut encore s'interroger sur l'origine de celle-ci, car à travers notre exemple, on voit bien que la beauté est d'abord inspirée par la force et la santé! L'équilibre, l'harmonie excluent a priori la maladie et les extrêmes: un individu trop grand ou trop petit; ou trop maigre ou trop gros ne sera pas d'emblée sélectionné!

        Et c'est en effet la sélection naturelle qui doit être à l'origine de la beauté: pour les animaux, le mâle le plus "séduisant", c'est d'abord bien entendu celui qui est le plus fort! même si c'est le plus coloré! car l'éclat des couleurs est encore un indice de vitalité!

        Les femelles semblent moins sujettes à cette compétition, mais nous voyons que chez les humains, c'est tout le contraire! Le diktat de la mode est tyrannique pour les femmes, quand l'homme ne fait qu'en hausser les épaules!

        En tout cas, nous sommes bien loin là de l'idée que la beauté est une pure invention de l'homme! Elle a ses racines dans le règne animal et le singe est bien plus près de la comprendre que la gravitation; dont il ne se soucie aucunement! A méditer...

        A vrai dire, si nous pouvions prendre conscience de l'importance de la beauté, de sa présence infinie à côté de nous (ce qui suppose aussi à sa source une générosité sans bornes, notez-le bien!), nous n'aurions plus rien à craindre! Nous serions très proches de la béatitude! Notre paix et notre joie seraient elles-mêmes infinies, à la mesure de leur nourriture!

        Si notre monde nous paraît dur, hostile ou absurde, c'est à cause de nos comportements! Et donc de nos choix!

        Celui qui a les yeux ouverts et qui voit la beauté comme un souffle incommensurable, une création perpétuelle, d'une richesse qui défie l'imagination, même à l'échelle la plus intime! celui-là peut croire au bonheur et à la félicité, car il se sait "aimé", protégé, guidé; entouré de sens!

       Sa vie est riche aussi! Elle est tout sauf absurde! Au contraire, chaque chose y prend sa place! Même la mort! qui n'est rien d'autre que le seul moyen de s'unir à ce qui est infini!

        Tant que nous sommes vivants, nous sommes bien entendu dans les "limites" de notre corps et de notre esprit; c'est ce qui fait notre existence, notre individualité! C'est notre chance d'exister, car ce que nous sommes est unique! 

        Cependant, la sagesse consiste justement à tendre vers le "pôle" infini de la beauté, dans la mesure de ce qui nous est possible: le découvrir, le contempler, le reconnaître, le comprendre, le solliciter même conduit à notre maturation, tel un arbre s'étend vers le soleil!

        C'est le sens suprême qui nous débarrasse de nos inquiétudes! C'est la paix qui apporte la joie! C'est la tranquillité qui produit la force! et donc la beauté!

        Il existe un pont avec des poutres, mais la plupart choisissent, empruntent la passerelle pourrie!

        Au lieu de chercher des solutions pour un monde meilleur, le tyran, lui, se tourne vers lui-même, il veut son triomphe, il veut dominer; c'est le seul sens qu'il va donner à sa vie, la seule boussole qui va le conduire! Et il est prêt à tout pour satisfaire son égoïsme!

        C'est le tyran qui crée le chaos! C'est lui qui peut rendre notre quotidien insupportable! C'est un bébé, car il ne fait que laisser libre cours à son héritage animal, en refusant d'évoluer!

        Mais on comprend bien qu'en se fermant sur lui-même, le tyran ne fait que s'éloigner de l'infini de la beauté! Elle lui paraît secondaire, alors qu'elle contient son bonheur, sa paix, sa joie, sa disponibilité!

        Le tyran se prive des véritables solutions; il se construit un enfer... et ce ne serait que tant pis pour lui, si, ce qui est inévitable, il n'entraînait pas les autres avec lui! Nous ne pouvons pas ne pas subir l'influence des tyrans... et combien nos vies paraissent pénibles, cruelles, sous le vol tranquille des nuages!

        Tout notre vacarme ne vaut pas un rayon de soleil sur une mousse!

        Evidemment, beaucoup n'ont pas les capacités pour voir plus loin que leur seuil, mais de là à penser qu'ils ne peuvent pas faire mieux, il y a tout de même une belle marge! 

        Cependant, il est normal que la majorité ne soit pas sage, pas plus qu'elle n'est tout à fait méchante; l'évolution ne peut être que lente, vu notre nombre..., mais le monde de demain, l'avenir est dans la reconnaissance de la beauté; ce sera de lui donner toute sa place!

        Rien ne pourra nous apaiser comme elle! Tous les autres savoirs sont et seront fragmentaires, sujets à caution, déstabilisants, impropres à notre bonheur!

        Il ne s'agit pas de croire: je ne vends rien! Je constate, c'est tout! Vous cherchez un repère, une voie, une lumière dans la nuit? La beauté est là, à profusion, sans compter!

        Il existe bien sûr celle fabriquée par les hommes; celle des objets de consommation et même celle des villes, de leurs bâtiments ou monuments! Mais cette beauté-là est trop au service des tyrans! N'est-elle pas justement destinée à montrer le pouvoir! à l'afficher! N'est-elle pas le drapeau de l'égoïsme! N'est-elle pas le signe que l'homme, la femme ou la nation "roulent des mécaniques"?

        Si vous voulez grandir, si vous voulez vous étendre, il vous faut "humer" le ciel! mesurer l'arbre, écouter le vent! Si vous voulez aiguiser votre œil, il vous faut poursuivre la lumière, celle qui transforme la goutte de pluie en petite lune sur un carreau, par exemple!

        Si vous voulez savoir ce qu'est l'éclat, observez les lances d'un laurier illuminé!

        Si vous voulez une leçon d'équilibre, regardez la mouette dans la rafale! comme elle y est tendue, appliquée, pleine de force!

        Vous vous intéressez à la légèreté? Voici la bergeronnette! C'est un éclair d'ailes!

        Vous voulez de la douceur? Le murmure de la pluie vous plonge dans votre confort, vous apporte une tristesse douce, bienfaisante! (Notez aussi que la pluie calme les abrutis, ce qui n'est pas son moindre mérite!)

        Vous voulez savoir ce qu'est la puissance? Mettez-vous face à la tempête: tiendrez-vous debout dans son hurlement?

        Vous voulez de la délicatesse, des couleurs, des parfums? Le royaume des fleurs est sans pareil! Et l'odeur d'un vieux livre!

        Vous voulez de la création? du nouveau, de l'imprévu, du roman? Les nuages vous "feront mille fois, dix mille fois la pige"! Ils vous mettent KO avec le petit doigt!

        Mais le tyran ignore tout cela! Il fonce, il roule, il écrase, il fait du bruit! Il méprise! Rien n'est pire comme de haïr et de vouloir dominer, pour ne plus avoir peur!

        Car c'est bien le but de l'égoïsme! Il faut à tout prix qu'il s'impose, pour éviter l'abîme qu'il sent sous lui! Il n'est pas difficile de voir de quel mal il est capable! L'attitude du tyran, quand il n'y a plus de lois, c'est celle du fanatique!

        Et la meilleure arme contre la tyrannie, c'est l'indifférence! Rien n'est plus odieux au tyran que le fait qu'on ne s'occupe pas de lui! Et c'est pourquoi il déteste la beauté et la nature! Il n'y est pas le roi!

        Je me répète sans doute... J'en ai régulièrement l'impression; mais peut-on résister sans insister? Il y a un tel fossé entre ce que pourrait être le monde et celui dans lequel nous vivons! Il suffirait qu'un tyran sur cent, un tyran sur mille même, change pour qu'un rayon de soleil nous traverse!

        Celui qui s'attache à la beauté est tranquille! Il n'est jamais seul! Le génie de la création est infini en tous lieux; il est une valeur fidèle, apaisante, rassurante! Les autres s'énervent et se blessent! Les autres disparaissent sans comprendre... Ils sont dans la nuit et retournent dans la nuit!

        Bien entendu, beaucoup sont eux-mêmes victimes de plus forts qu'eux! La miséricorde est nécessaire, mais sans exagération! Celui qui fait le mal ne le fait pas seulement parce qu'il est malheureux, ou ignorant! (Mais comme ils sont aveugles! Ils ne savent même pas qu'il y a des saisons!)

        Il ne s'agit pas de se détruire, de se désintégrer pour les beaux yeux des tyrans ou de la pitié! Manqu'rait plus qu'ça!

        La plupart des tyrans ne valent pas tripette! Un rat peut être éminemment plus sympathique!

  • De la joie

    De la joie

     

     

     

     

     

     

        Qu'est-ce qui vous taraude, vous inquiète, vous tourmente, vous turlupine, vous mine, vous ronge, vous trouble, vous assombrit? Avez-vous faim? En ce cas, vous ne pouvez penser à autre chose! Et votre énervement, votre agitation seraient bien compréhensibles! Mais ce n'est pas le cas, bien entendu, n'est-ce pas?

        Avez-vous froid? Etes-vous à la rue? Non plus, sans doute! Alors pourquoi ne souriez-vous pas? N'êtes-vous pas détendu, heureux de vivre? Qu'est-ce qui vous chagrine, vous ferme, vous presse, vous tracasse (comme le capitaine!)?

        Ah oui! J'y suis! C'est l'avenir! le futur! le lendemain! Oui, pour l'instant, vous n'avez pas droit à la retraite! Votre horizon n'est pas complètement assuré! Ou bien il vous reste à passer l'aspirateur, car vous êtes accablé par le nombre de chatons que vous voyez! Et s'il n'y avait que ça! Mais vous devez encore nettoyer vos toilettes; elles ne sont plus très propres! C'est du boulot!

        Non, c'est plus sérieux que ça! Vous ne savez pas si votre mutuelle a bien pris en compte votre demande de résiliation de contrat! Non, c'est votre opérateur..., vous voulez en changer! En tout cas, c'est une grosse affaire!

        Et c'est cela qui vous empêche d'être libre, joyeux, alerte, disponible? de siffloter, de chanter même? Mais voyons, considérez vraiment la chose... Regardez-vous dans le blanc des yeux! Sondez-vous au plus profond! Vous savez bien que ce n'est pas telle ou telle démarche, ou telle ou telle corvée qui vous empoisonnent! C'est bien plus obscur, indistinct que cela!

        Et puis, c'est bien de vivre la minute, le moment présent dont il s'agit, non? Vous n'allez quand même pas "pourrir" à l'instant votre existence, avec des problèmes qui ne sont pas encore là! Vous craignez des fantômes en quelque sorte!

        Ah! Mais c'est plus fort que vous! Vous êtes inquiet sans précisément savoir pourquoi! C'est indéfinissable..., alors que la paix, l'éternité même, la sérénité, le rire même pourraient être là! sont à "portée de main"! Si, si! car tous vos soucis au fond sont sans objet! Il n'y a pas de menaces immédiates! Qu'est-ce qui vous manque alors?

        Observez les autres... Mais vous n'allez pas bien, vous êtes nerveux, fatigué, déçu, frustré; en plus vous avez mal là... ou bien là! Et si ça devenait chronique? Si vous étiez dorénavant blessé, amoindri! Votre anxiété s'accroît! Vous en avez des sueurs froides! Vous n'êtes plus en état de combattre, de vous défendre, quand le monde paraît si dur, si hostile! Un animal handicapé peut-il survivre?

        Mais observez les autres... Ils ne vont pas mieux; tout au contraire, c'est pire! Parce que vous, vous savez déjà que notre état est général, que le jour imprime sa patte sur tous; que s'il y a mal-être, il est commun! Les autres n'ont pas cette clairvoyance, cette consolation même, ce soulagement! Ils croient qu'ils se débattent seuls; ils ne se regardent pas entre eux (du moins pas avec une réelle curiosité!); c'est leur égoïsme qui les perd!

        Et pourtant, comme c'est réconfortant de voir qu'il y a un phénomène, une logique plus vaste que nos propres sentiments! Comme ça rend léger d'en vérifier l'exactitude!

        Mais ça ne suffit pas pour vous apaiser totalement! pour vous égayer! pour vous redonner une complète joie de vivre! Nous sommes bien d'accord! Et nous allons tâcher de comprendre pourquoi l'éternité vous échappe! pourquoi la tranquillité lumineuse, la sérénité infinie vous demeurent cachées, inaccessibles!

        Ce qui peut se comprendre aisément, c'est que notre joie dépend de la conscience de soi! Si nous ressentons du positif, si la situation nous est favorable, alors notre importance, notre évolution semblent assurées et nous voilà léger avec le vent en poupe! Nous parlons alors de réussite! Nous sommes comme des soleils qui ont trouvé leur place et qu'on salue comme tels!

        C'est ainsi que des écoles notamment vantent leur enseignement, leur formation! La réussite, c'est l'épanouissement! Mais qu'en est-il en réalité? Oui, le haut de la société est un Elysée rayonnant de bonheur et de bonté! Les stars, les vedettes, les personnalités de toutes sortes sont des modèles de gentillesses, de tranquillité! Non? Non, c'est au contraire un infâme panier de crabes, grouillant, se pinçant, se déchirant, se dévorant! Les joies là-dedans? Elles sont malsaines, violentes; elles portent encore la trace de l'ennemi vaincu! C'est la victoire du tyran! C'est ni plus ni moins que la loi de la jungle! C'est le tapis rouge pour l'instinct! Il n'y a rien de nouveau de ce côté! C'est sans avenir, fatigant, desséchant, navrant, c'est au fond comme une crécelle de l'horreur!

        Mais cette réussite est pourtant guignée, imitée par le plus grand nombre; cette réussite ou une qui lui ressemble! C'est la plus facile, la plus séduisante, la plus naturelle; surtout si on ne veut pas voir son égout; si on tient à tout prix à sa façade! si on veut résolument habiter sa propre illusion!

        Et c'est pour cela d'ailleurs que le tyran n'aime pas le sage, qu'il le déteste même, qu'il le hait; et qu'il rêve à l'occasion de le détruire!

        Car le sage ne flatte pas le tyran! ou si peu! S'il le fait, c'est pour consoler celui-ci, quand il a l'air d'aller mal; c'est pour le mettre dans de bonnes conditions, car le tyran est irritable, discourtois, capricieux! Il a tous les défauts des despotes bien entendu!

        Mais même s'il bénéficie de la prévenance, de l'amabilité, du calme du sage, le tyran continue à ne pas aimer celui-ci! Il n'adopte vraiment que ceux qui croient à son illusion, qui la partagent, qui la nourrissent! soit parce qu'ils sont trop innocents, soit parce que eux aussi vivent dans une autre illusion, ce qui rend impossible la réalité!

        C'est par son existence même, sa présence physique que le sage menace, rend caduque le rêve, le personnage du tyran! Plût au ciel du mensonge que ce fût par ambition, par méchanceté! Entre gredins, il y aurait les moyens de s'entendre!

        Mais non, le sage est d'autant plus insultant pour le tyran qu'il est pur, paisible, sincère, de bonne volonté! C'est que le sage est à la recherche du vrai bonheur! On pourrait même dire qu'il est encore plus bourgeois dans la paix que le tyran, puisqu'il veut des aises absolument franches, une sérénité parfaite, une joie sans ombrages! Eh dame! pourquoi serait-il moins jouisseur que le tyran? Nous sommes tous du même bois!

        Mais le mensonge n'attire pas le tyran: c'est trop fatigant, et c'est une impasse, bien entendu! Le mensonge, il faut le nourrir chaque jour! C'est un fauve! Il a un appétit féroce! car il ne tient pas debout tout seul!

        Il faut constamment l'alimenter! Sitôt qu'on n'a plus rien à lui donner à manger, il se ferme, grimace, s'aigrit, se durcit! Le vide vient frapper à la porte! C'est le froid de l'hiver qui veut rentrer! C'est la nuit, le dragon des inquiétudes! C'est tout ce qu'on ne veut pas voir qui est là, à la porte! comme une assemblée de lépreux, de mendiants, tous aussi repoussants les uns que les autres!

       On a voulu boire du soleil coûte que coûte! et on a créé un décor! S'il tombe, on se mettra à crier, c'est sûr! Alors, voilà pourquoi la société s'agite au quotidien, pourquoi elle fait tant de bruits! pourquoi elle se blesse aussi! pour "briquer" son rêve, le soutenir, le faire durer, contre vents et marées!

        Voilà pourquoi on n'aime pas encore le sage... Il est pourtant comme un rocher parmi les vagues... Ses solutions sont bien réelles, sont éprouvées; elles fonctionnent! Les vrais remèdes, il les connaît! Mais on n'en veut pas! Le rêve, l'illusion, c'est plus joli! La route du sage paraît amère, morne, sans intérêt; c'est celle de l'esprit chagrin, frustré, impuissant...

        Peu importe que l'ensemble soit délirant! Peu importe la dureté, les morts et les blessés! Tout, sauf se calmer, s'apaiser, se regarder vraiment, voire pleurer enfin! Nourrir son rêve, garder son illusion, même si on part en morceaux, si on se délite, si on se désagrège! Relever le drapeau de son égoïsme, de sa soi-disant réussite, de sa grandeur, de sa fierté, de son importance, même sur cent mille victimes! sur des charniers indescriptibles, même le corps amputé, la raison en train de défaillir! L'acharnement de l'erreur qui défie le cosmos!

        Peu importe que ce soit un enfer qui ne s'arrête jamais!

        Cette duperie, cette tromperie, cette folie est un mystère pour le sage... C'est aussi une peine, car elle n'est pas évidemment sans conséquences... L'environnement ressemble à un champ de batailles! où des gens surgissent de la nuit hagards, désemparés; quand d'autres avancent misérablement sous les bombes! Pas d'entrain, pas de joie! Des sirènes d'ambulances, des visages souffrants! préoccupés, à résoudre la quadrature du cercle! Des corps lourds ou des démarches de robots, sèches, mécaniques!

        Ce que nous sommes fait notre attitude! un esprit en paix a une marche harmonieuse! Nos inquiétudes sont aussi notre reflet! Celles des tyrans sont aussi absurdes que brutales! "Devrons-nous quitter la Terre? Cet astéroïde va-t-il nous percuter? Les Russes vont-ils attaquer? Le beurre va-t-il manquer? Riri va-t-elle continuer à grossir? Est-ce déjà trop tard?"

        C'est un tourbillon, des éclairs, des fusées! C'est des crispations, des cris, des épées de glace, des épouvantes, des cauchemars! Une chatte n'y retrouverait pas ses petits! Il n'y a rien de constructif là-dedans! Ce n'est même pas pitoyable! c'est du vent!

        On pourrait prendre cette agitation au sérieux, si elle conduisait le tyran à changer, mais c'est tout le contraire: il s'en sert encore pour consolider ou ne pas voir son illusion! pour traiter même le sage de "sans-cœur"! car celui-ci reste sourd à tous ces tourments stériles!

        Ce qui ne veut pas dire non plus que le sage n'a pas à combattre, vous vous en doutez bien! car nous sommes tous "poreux"! Nous sommes tous sensibles à la pression des inquiétudes, des anxiétés, des peurs!

        Mais le sage veut lutter efficacement, nullement en vain! Je vous l'ai dit, il est à la recherche du vrai bonheur! C'est lui le plus impénitent jouisseur! Mais c'est aussi le plus sûr gourmet! Et il dédaigne tout ce qui est avarié, éphémère, faux!

        Le sage accueille ses inquiétudes avec patience et même sympathie! Ce sont de vieilles amies! Elles entrent chez lui comme chez elles! Dans la maison du sage, tout le monde se regarde en face! On n'essaie pas de tenir le monde au dehors, sauf peut-être sa bêtise!

        Mais le sage sait qu'on ne discute pas avec ses inquiétudes..., qu'il est inutile de vouloir les raisonner, les analyser..., car elles sont trop malignes! Par exemple, l'une d'entre elles vient demander de l'argent... et on lui en donne... Elle repart satisfaite... et savez-vous ce qu'elle fait? Mais une fois hors de la maison, dans un angle, alors qu'on ne la voit pas..., elle met une perruque, elle inverse promptement sa robe et elle... revient! On ne la reconnaît pas! Et on lui demande de nouveau ce qu'elle veut, ce qui pourrait la soulager!

        Elles ne cessent ainsi de faire le tour de la maison! Et elles rigolent bien sûr! à vos dépens! Mais c'est qu'elles sont infinies... et qu'elles sont créées par notre état mental! Sommes-nous fatigués, légèrement dépressifs? Sommes-nous fragilisés par le réveil? Alors les voilà maîtresses des lieux, envahissantes, et même terrorisantes!

        Pourtant, elles n'ont aucune importance! Il suffit d'attendre! de ralentir le temps! de se détendre, d'observer... des perles de pluie opalescentes sous la rambarde..., le voyage des nuages, la tache d'un merle... Peu à peu la paix descend en nous... et ma question du début nous revient à l'esprit: de quoi avons-nous peur? qu'est-ce qui nous trouble? Rien au fond!

        Le temps s'arrête... On est juste heureux d'être là en vie! On touche à l'infini! L'agitation du monde n'a plus de raisons d'être! On devient lucide, sans tribulations, sans mensonges, parce que d'abord on ne veut pas être le chef, ni supérieur, ni quoi que ce soit! On veut juste être, c'est tout!

        Les inquiétudes sont parties, car elles n'ont plus de sens; c'est finalement le mensonge, son aveuglement qui leur en donnent!

        Alors vient la joie, sereine, saine, vivante, claire, belle; elle a l'éternité pour elle! car on vit la minute présente, ce qui veut dire que le temps n'existe plus!

        Rien n'est comparable à ce sentiment-là! Rien! C'est ineffable à force d'être simple! C'est la véritable réussite!

      

  • Sur Kafka

    Kafka

     

     

     

     

     

        L'exemple de Kafka va nous permettre de voir quel est le poison des tyrans et comment il nous affecte, ce qui nous amènera aussi à nous rendre compte de l'influence de l'art sur l'évolution de l'humanité, car elle est peut-être encore plus certaine et plus prégnante que celle de la science!

        Dans l'histoire de Kafka, le tyran c'est le père; et c'est peut-être plus grave pour un jeune garçon que si c'est la mère! En effet, si le tyran voit que sa séduction n'opère pas, il a recours à la terreur; il s'impose par la crainte qu'il inspire, et dans ce cas, on le comprend facilement, la force physique rajoute au résultat, crée une peur d'être anéanti totalement, au propre comme au figuré; même si la violence féminine, sa cruauté, laisse des victimes qui, si elles paraissent plus fermes sur leurs jambes, n'en sont pas moins troublées psychologiquement; comme si leur cervelle était passée sur une machine à coudre!

        Mais l'ombre du père tyrannique couvre tout l'enfant, ce qui fait dire par la plupart que "La lettre au père" de Kafka est la clé qui permet de comprendre l'œuvre de l'écrivain...; mais ce n'est pas vrai... et tout au plus nous révèle-t-elle ce que nous savions déjà, à savoir que oui Kafka avait peur de son père et tellement peur qu'il lui dit qu'il n'a pas de reproches à lui faire (et pourtant il y en a pendant plus de quarante pages!) et qu'il ne lui a jamais envoyé cette missive, sans doute parce Kafka même à un âge mûr redoutait encore les éclats de l'auteur de ses jours; à moins qu'il n'eût compris, avec le temps, qu'il est vain de vouloir changer radicalement un tyran, surtout quand il vous a vu naître!

        La clé, pour reprendre les termes de la gent littéraire qui s'aime bien, la clé est autrement plus présente dans l'œuvre imaginative, romancée de l'écrivain, car c'est justement là qu'il "se lâche", qu'il "règle ses comptes", qu'il dévoile ses vrais sentiments; grâce à l'anonymat que lui donnent ses personnages!  

        Car encore une fois, on n'écrit pas, comme le suggère la psychanalyse, pour sublimer une pulsion, mais on écrit pour simplement exister! être soi! dans un monde qui nous est pour ainsi dire complètement étranger! Le plaisir sexuel est intense, mais il n'est rien en comparaison de celui de l'écrivain qui se justifie entièrement (la raison ne pouvant être séparée du corps!) par son travail!

        L'art n'est en aucun cas un succédané (et ici on voit toute la pauvreté, toute l'ignorance de la science!); il est la réhabilitation, l'aventure, l'épanouissement même, d'un regard, d'une compréhension face à une hypocrisie générale (ce que peut aussi être la science!); il est comme le lierre dans le mur et il le fait céder tôt ou tard!

        De plus, la logique, le raisonnement, la description ont leurs limites et se révèlent impuissants pour expliquer certaines choses... C'est là que l'art a toute son utilité et sa nécessité! Voyez par exemple l'effet d'une bonne caricature, qui est bien souvent supérieur à celui de tous les discours! L'art en fin de compte exprime ce qui échappe à la science!

        En tout cas, nous allons découvrir que la joie de Kafka a été ineffable quand il a pu écrire! Il a été un de ces écrivains, un des ces artistes rares, parce qu'éminemment créateurs! Il a pu exprimer ce qui le touchait le plus profondément, garder les mains dans le feu, sentir de l'or ou de la lumière couler dans ses veines, et son expérience, si près de notre essence, ne pouvait pas bien entendu ne pas nous transformer!

        Cependant, nous nous appuierons sur deux textes majeurs, "La métamorphose" et "Le procès", et je me fais fort, moi, de vous donner une vrai clé, que dis-je, un trousseau! qui vous permettra de siffloter dans le cerveau si doux et si fragile du témoin praguois!

        Certains artistes sont tellement forts qu'ils sont inévitablement inadaptés! Ne serait-ce que parce qu'ils sont incapables de se vendre! Il y a un tel fossé entre la société et eux, que leur œuvre ne fait que susciter incompréhension, indifférence et même dégoût!

        Ce n'est nullement la faute de l'artiste, qui le plus souvent ne s'efforce que de donner le meilleur de lui-même! Il ne fait que se découvrir en somme... Par contre, nous savons déjà que l'immense majorité ne se contraint pas à s'améliorer ou si peu! Rester un tyran est un plaisir égoïste et donc viscéral... et la crainte, l'ignorance, la paresse empêchent qu'on aille voir plus loin! L'homme est libre, rappelons-le! Il peut tuer, comme sauver!

        Le véritable artiste est donc comme une fleur qui se voit se développer sur ce qui paraît comme un tas de fumier... L'expression n'est pas trop forte, puisque les tyrans eux-mêmes ne sont pas heureux et se détruisent les uns les autres! Toujours est-il qu'il y a de quoi être désemparé, quand on se sent seul et étranger! Non seulement on ne parle pas apparemment la langue, mais en plus les sentiments qu'on éprouve, les raisonnements qu'on élabore ne semblent pas davantage avoir de sens, puisqu'ils demeurent sans écho avec les personnes qu'on rencontre!

        Le résultat est prévisible: il se produit une lente, mais sûre désagrégation de la personnalité! Le véritable artiste devient (l'exception confirmant la règle!) un être fragilisé et malade nerveusement! Dans la plupart des cas, seul le temps lui rend justice (l'humanité évolue enfin!) et on devrait se demander sérieusement où les Van Gogh ou les Kafka ont trouvé assez de courage pour tout de même mener à bien l'essentiel de leur œuvre!

        Il est tout de même incroyable que le seul qui soit original, au point d'être le seul capable de faire avancer les choses, soit aussi celui qui se juge le plus méprisable et le plus inutile!

        Mais, on le comprendra sans peine, le désarroi de l'artiste est d'autant plus destructeur qu'il commence tôt, durant l'enfance, quand l'un des parents est un tyran si sûr de lui qu'il exerce son pouvoir d'une manière aveugle, qu'il juge absolument légitime, sans même trouver anormaux la cruauté et le sadisme dont il fait preuve!

        Le père de Kafka est un de ces hommes qui sont le centre de la famille... Cela vient aussi de la tradition juive patriarcale... Mais ce sont des individus qui concentrent toute l'attention de leurs proches, tout tourne autour d'eux et d'abord bien entendu parce qu'ils sont la source de revenus sans laquelle la vie du groupe ne serait pas possible!

        Et le père de Kafka ne se gêne pas pour rappeler l'importance de son rôle et tous les sacrifices qu'il a dû effectuer, avant de réussir! Il se place donc d'emblée comme celui à qui on doit plaire! qui ne peut être contrarié! qui est seul juge! C'est le roi quelque peu geignard, capricieux de son royaume, bien qu'il soit comme tous les tyrans un affreux hypocrite, qui nie tout plaisir, pour des raisons que j'ai déjà expliquées ailleurs (voir "De l'hypocrisie").

        Les femmes qui entourent ce petit monarque sont naturellement à son service! et quant à son fils, il ne peut qu'être un objet de fierté; c'est normalement le modèle réduit du père, celui qui va représenter sa mémoire et son aura dans le futur! Voilà, on a maintenant tous les ingrédients de la Métamorphose: l'égoïsme du père et l'épouvante du fils, qui ne se sent nullement "à la hauteur"!  

        Le personnage imaginé par Kafka et qui s'appelle K, puisqu'il n'est qu'une réplique de l'auteur, se réveille un matin transformé en cafard, en cancrelat! Cet animal particulièrement repoussant est censé montrer avec quel dégoût se perçoit Kafka, suite au regard des autres!

        Les caractéristiques de l'insecte: ses tortillements, ses goûts infects, ses capacités étranges (comme celle de trottiner au plafond!), sa maladresse (notamment quand il est sur le dos), son instinct de fuite sont aussi celles que l'auteur s'attribue!

        L'insecte scandalise le chef de famille, comme Kafka son père! Il a conscience de sa laideur et il en est désolé! Il fait des efforts, il lutte contre l'angoisse, il cherche à satisfaire, mais le père ne voit rien et son égoïsme est tel qu'il laisse éclater sa répugnance et sa colère! Il frappe l'insecte ou le fils et il gémit pour que les femmes autour se rallient à sa cause, s'en prennent elles aussi à l'horreur qui est dans la maison!

        Le père se croit la victime, alors que c'est le fils qui souffre!

        Finalement, l'insecte "crève" et la famille peut de nouveau espérer! Les tyrans ont gagné, pour ainsi dire, car la fille est comme le père!

        Kafka s'est sans doute amusé à mettre en scène son cancrelat... Le fantastique permet de parler de sa douleur avec intérêt, loin du raisonnement et de la sécheresse qu'il entraîne! Mais aussi la cruauté des personnages devient évidente, car ils ne font que réagir face à un animal, qui est innocent, qui n'est pas responsable de la répulsion qu'il inspire!

        Cependant, malgré son inventivité, La métamorphose garde une conception classique... Avec Le procès, Kafka passe à un niveau supérieur, puisque son univers ne sera plus que celui de sa conscience! Kafka va se "pister" dans son cerveau, à la recherche du bonheur!

        Mais l'individu fragilisé se sent forcément coupable! C'est l'écho de tous les reproches qu'il a essuyés; c'est le fruit amer de son impuissance à convenir! Et ce sentiment est le plus vif au matin, au sortir du sommeil qui nous replonge dans la nuit de nos traumatismes! Cela se traduit par une anxiété...

        Pendant ce temps-là, le tyran ronfle! Merci pour lui! Il rêve encore, car il est plein de projets, où il triomphe! Ses victimes ne viennent pas le troubler ou si peu! Il reste un enfant à la veille de Noël, mais ses caprices, sa haine, son impatience ont tout de même marqué son visage! C'est une chose sale qui va vers la mort!

        Kafka, lui, se demande depuis longtemps comment on peut dormir, car on n'est plus maître de soi dans le sommeil et la respiration, pour ne parler que d'elle, ne risque-t-elle pas de s'arrêter? Que l'on doute de ses propres automatismes montre à quel point on a été pulvérisé, pour ne se sentir pas plus qu'un peu de poussières dans l'espace!

        Mais toujours est-il que le personnage K reprend du service; il a mûri cependant, il vit désormais seul et il est banquier! un poste important! Mais on le retrouve de nouveau à son réveil, où il lui est signifié qu'il est en procès!

        C'est le sentiment de culpabilité qu'éprouve Kafka lui-même chaque matin..., car il faut bien comprendre qu'il n'y a là aucune accusation venant de l'extérieur! L'écrivain va voyager dans son cerveau et chaque sentiment qui apparaîtra pourra donner lieu à la création d'un nouveau personnage! Et puisque Kafka se sent coupable en se réveillant, il imagine naturellement des policiers présents dans la chambre de K!

        En suivant la même logique, il est normal que, malgré son procès, K puisse continuer d'aller travailler; car l'instruction a lieu dans son esprit! De même, K devra tout de même se présenter devant le tribunal le dimanche! jour oisif qui laisse l'individu en face de lui-même! (Pensez à toutes les manières qu'ont les gens pour "tuer" leur dimanche!)

        Mais K est coupable de quoi? La réponse à cette question entraîne inévitablement une tension du cerveau, ce qui a deux conséquences! D'abord, plus K essaie de comprendre la justice et plus il se trouve dans des lieux exigus, à l'atmosphère étouffante! (Nous ne pouvons pas rester longtemps concentrés!)

        Ensuite, les couloirs du tribunal sont fréquentés par des femmes, qui provoquent chez K un désir violent... et le sexe est effectivement une réaction naturelle de l'esprit quand il est trop sollicité!

        Les avocats ne sont pas efficaces, ou bien ils sont aussi juges et vice-versa... et il ne saurait en être autrement, car l'individu est son propre accusateur, son propre bourreau!

        Je crois qu'à la lumière de ce qui a été dit, il devient facile de décrypter l'œuvre..., mais pour le lecteur non averti, elle paraît décrire l'occupation communiste, dans l'empire soviétique! On y retrouve cette atmosphère lourde, délétère que nous connaissons bien! La délation, le soupçon règnent! La police est toute puissante! L'incompréhension, l'angoisse sont le quotidien! On guette ses moindres pensées: n'est-on pas coupable d'une quelconque manière, face au parti?

        Cette espèce de prémonition que constitue l'œuvre de Kafka n'a rien de surprenant au fond, car la tyrannie d'un seul est aussi celle d'une nation; il n'y a que l'ampleur des moyens qui change!  

        En décrivant son mal, avec son don, Kafka a donné à l'humanité le regard et même les défenses de celui qui est opprimé! Il a montré à quelles destructions mène la tyrannie! Chacun peut s'y reconnaître et donc s'y consoler! Mais attention, le tyran dort!

  • Du sexe

    Dusexe

     

     

     

     

     

         Le sexe est toujours un sujet tabou, non parce qu'il offense encore une morale bourgeoise, mais au contraire parce qu'il est devenu le soleil qui masque l'hypocrisie de nos sociétés! Il est l'habit doré de la vitrine, que tout le monde doit désirer en passant! Il est censé être le témoin de notre modernité, de notre évolution et donc de notre bonheur!

        Il est la chose resplendissante qui implique le retard des pays plus stricts et moins développés! Symbole de notre bonne santé, il doit montrer combien notre mode de vie est légitime et enviable! Il est l'emblème de notre réussite, ce qui nous permet de continuer de fonctionner, sans vraiment nous remettre en question!

        Malheur donc à celui qui ose le critiquer, en parler même raisonnablement, il sera immédiatement qualifié de frustré, de névrosé, de puritain, de fanatique; j'en passe et des meilleurs! Pourtant, je vais prendre ce risque; je vais tout miser sur le rouge et je suis à peu près sûr de ne pas être perdant! Car au fond, je ne cherche nullement à priver qui que ce soit de son plaisir... Au contraire! Mais à mon sens il ne peut y avoir de véritable jouissance si on fait l'amour sur un marécage, qui retentit des milliers de cris des gens qui s'y noient!

        Commençons notre examen par le chantre de la vie sexuelle par excellence, à savoir Freud lui-même! Que le père de la psychanalyse ait mis en lumière un domaine qui avant lui appartenait à la nuit de la sorcellerie et qu'il ait donné ses lettres de noblesse aux maladies psychiques, cela est indiscutable!

        Mais il est tout aussi exact d'affirmer qu'il s'est trompé sur les bases de sa nouvelle science et qu'il lui a donné des prolongations qui aujourd'hui encore empoisonnent notre façon de penser!

        La grande erreur de Freud a été de croire que la pulsion sexuelle était la racine de nos personnalités et que ses avatars déterminaient ces dernières! Mais même les animaux se développent selon d'autres lois et la sélection naturelle veut que ce soit le plus fort qui puisse se reproduire. C'est donc l'individualité qui prime! C'est elle qui effectivement va commander notre activité sexuelle!

        Comment Freud a-t-il pu être aussi aveugle? Il y a plusieurs raisons à cela...

        D'abord, l'idée même d'Evolution balbutiait à l'époque et elle ne s'est pas encore correctement imposée de nos jours...

        Ensuite, la science des gènes ou génétique est née à peu près à la mort de Freud, et même si elle reste une affaire de spécialistes, elle a profondément changé notre regard sur notre héritage animal, car nous savons à présent que certains de nos comportements les plus complexes peuvent avoir une origine génétique!

        Mais surtout Freud a totalement ignoré l'importance de son amour-propre, de son égoïsme, ou de sa vanité ou de son orgueil, car tous ces termes recouvrent la même réalité; puisqu'il s'agit d'abord pour chacun d'entre nous de faire triompher sa propre personnalité!

        Ce qui produit la névrose, ce n'est pas le refoulement sexuel, mais c'est bien le refoulement de soi! C'est lui qui est le plus dangereux et le plus destructeur!

        Mais comment peut-on être aussi naïf quant à ce qu'on est? Comment peut-on, si on a l'ambition de voir les choses en grand! s'occuper du ruisseau, alors que sa force est donnée par la montagne? Comment croire qu'on va faire venir le bateau, quand on tire sur un seul brin de l'amarre?

        L'explication est assez simple... De même qu'on prend conscience de ses organes quand ils vont mal, on réalise l'importance de son amour-propre (ou de son égoïsme) quand il est blessé radicalement! Avant, on se raconte des histoires!

        Mais voyons si le parcours d'un thérapeute convient à cet événement et à cette découverte!

        Les étudiants en psychologie sont d'abord de bonne volonté: ils veulent comprendre leurs propres problèmes, afin d'aller mieux et de trouver leur place dans la société, ce qui les rendrait évidemment utiles!

        Mais très vite on leur fait croire qu'ils deviennent dépositaires d'un savoir quasi occulte, d'une "gnose"; qu'ils entrent dans un cercle d'initiés et que donc les autres restent ignorants des véritables raisons de leurs actes, ce qui les fait voir inévitablement comme des pantins (ou des malheureux, si vous êtes particulièrement hypocrite!)!

        Ceci n'est pas un plan machiavélique, il suffit simplement que les professeurs laissent parler leur passion; mais il est inévitable que les amours-propres soient caressés, dorlotés et que même ils se mettent à ronronner!

        D'autre part, les vertus du silence analytique, qui laisse libre le patient de se soulager lui-même de ses affects, placent forcément le thérapeute comme un spectateur (agissant, si vous êtes particulièrement pointilleux!) et cette position va lui constituer à la longue une sorte de gaine protectrice; car tout ce que vous allez pouvoir dire, même (et j'ai envie de dire: surtout) en dehors de la psychothérapie, sera traité comme une émanation de votre âme, de vos propres problèmes; sera perçu comme le seul reflet de votre débat intérieur; ce qui permettra au thérapeute de vous regarder avec affection, voire avec commisération, tel le Suisse face aux déchirements guerriers de la planète!

        A l'abri, l'amour-propre du thérapeute rigolera des bombes et continuera à grossir, comme une souris bienheureuse dans un trou d'emmenthal!

        Mais ce n'est pas tout! Qu'un patient tape du poing sur la table, en disant que ça n'avance pas! et on lui laissera entendre qu'il n'est pas allé assez loin en lui-même, qu'il n'a pas encore brisé les défenses que lui-même s'est créées! que le fin mot de l'histoire est enfoui très profondément, que l'Eldorado n'était pas derrière cette chaîne de montagnes, mais après cette autre!

        La nuit du souvenir, du temps! Regardez cette boule, regardez-là bien! N'y voyez-vous pas un paysage de neige? Tout est calme, tout est blanc... Et maintenant vous fermez les yeux et vous dormez... Et en effet, il s'agit bien d'endormir toute critique! Le thérapeute a encore ici à sa disposition la technique de la seiche! Quand elle est attaquée, elle libère un nuage d'encre, dans lequel se perd son ennemi!

        Evidemment, je fais passer le thérapeute pour un escroc, un sale individu, ce qu'il n'est pas a priori, mais il n'en demeure pas moins qu'on voit mal comment son amour-propre pourrait ne pas être protégé, gonflé et se sentir supérieur! Nous avons là tous les ingrédients pour faire un dieu!

        Mais m'objecteront des thérapeutes blanchis sous le harnais: "Nous devons nous aussi suivre une psychothérapie ou une analyse, ou tout du moins être conduits à nous examiner très attentivement, avant d'exercer; afin que nos propres sentiments ne viennent pas parasiter nos soins... Nous devons donc être lucides quant à nos désirs les plus secrets et à l'importance de notre amour-propre!"

        La bonne blague! C'est dommage qu'on ne puisse pas en faire une histoire drôle! Car peut-on comparer un affront véritable, une humiliation sans rémission, avec une recherche voulue, une mise au jour encadrée, même si c'est de choses apparemment pénibles? Qu'est-ce qu'il y a de commun entre un écrasement dur de godillots et une larme versée sur un divan?

        D'un côté, il y a le monde de la rue, celui du quotidien brut, avec ses nécessités, ses peurs viscérales et ses coups bas! Et de l'autre il y a l'univers feutré du cabinet, ses voix teintées de componction et l'immobilité de ses livres!

        L'un vous maintient les yeux ouverts, car il est capable de vous cingler! L'autre vous endort inévitablement, car il est là apparemment pour vous rassurer...

        J'ai dit ailleurs qu'un bénéficiaire du RSA avait infiniment plus de chances de connaître les réactions de son amour-propre, car il est vital pour lui qu'il sache le contrôler! Un mot de trop, une révolte trop vive face à son tuteur, et le voilà déjà sentant le froid du dehors, car la porte est grande ouverte!

        Un amour-propre qui s'ignore, qui a été choyé, ménagé, a une réaction d'autant plus violente quand il est blessé! Car jamais il n'a été contraint de dissimuler, de se museler! Et je peux vous dire que le thérapeute vexé est comme un serpent à sonnettes dont la queue vibre au maximum! Il va mordre et libérer le plus de venin possible! Je pourrais ici vous parler de vengeances de thérapeutes qui vous feraient froid dans le dos, car ils utilisent bien entendu les moyens que leur donnent leur fonction et leur autorité! Des noms de maladie vont pleuvoir sur votre tête et priez qu'ils ne soient pas suivis de mesures plus tordues!

        Pour clouer le cercueil, j'affirme ici qu'il est impossible pour un homme d'écouter les histoires des autres si sa vanité n'est pas satisfaite! Autrement dit, un thérapeute ne peut supporter ses patients qu'à la condition expresse que ceux-ci reconnaissent son savoir et sa supériorité! L'argent ne suffit certainement pas pour bénéficier d'une patience a priori extraterrestre!

        Et si un thérapeute vous soutient le contraire, abattez-le sans hésiter! car il est encore plus dangereux que les autres!

        Mais pourquoi est-ce que je m'étends sur un tel sujet, alors que c'est du sexe dont il s'agit? Mais, on l'aura compris, on ne peut pas dissocier le sexe de l'amour-propre! Il ne faut pas que nous soyons plus bêtes que les animaux! Et la libido de Freud n'existe pas!

        Mais, maintenant, nous pouvons regarder la situation actuelle avec un certain intérêt! Et parlons d'abord des hommes, les pauvres!

        La civilisation est le fruit de nos consciences et elle mène l'humanité sur un chemin qui s'écarte de la nature, qui est nouveau... Mais elle a ceci de paradoxal que, si elle veut notre bonheur, elle se développe à mesure que le pays est stable, ce qui entraîne un recul de l'importance de la gent masculine, dont le premier rôle est la défense du territoire! Les hommes d'aujourd'hui doivent donc s'adapter, trouver une nouvelle identité, et ils sont évidemment en proie aux doutes, à l'inquiétude, voire au désespoir!

        Concrètement, cela se traduit par certains symptômes... On parle notamment de la baisse de vitalité des spermatozoïdes... Pour la science, il faut un agent pathogène sûr, mais nous savons également qu'un moral tourmenté est à l'origine de la plupart de nos maladies, même si c'est indirectement!

        L'éjaculation précoce est encore produite par le manque de confiance en soi... On est tellement nerveux à l'idée de décevoir, que l'on consterne effectivement! Quant à l'impuissance, ceux qui en souffrent sont recroquevillés en eux-mêmes... et se demandent s'ils sont bien là!

        Les femmes n'aident pas vraiment les hommes... Elles voient leur tour arriver et il est normal qu'elles réclament les mêmes droits, les mêmes égards, la même liberté! Mais comme leur poussée est provoquée par le même égoïsme que celui des hommes, elles tombent facilement dans leurs travers! Elles traitent le sexe opposé avec le même mépris dont il est capable! Elles adoptent ses attitudes les plus repoussantes, les plus condamnables! celles dont elles-mêmes ont eu et ont encore le plus à souffrir! Les unes se demandent si l'homme est toujours utile, quand d'autres multiplient les conquêtes et s'en moquent!

        Enfin, qu'est-ce qu'un individu sexuellement épanoui, sinon un amour-propre épanoui; c'est-à-dire un tyran satisfait? Certains et certaines estiment en effet que ceux et celles qui partagent leurs lits ont déjà trop de chances! et ils sont donc à dix mille lieues de la panne sexuelle (pas leurs partenaires!)!

        Le sage, lui, sait qu'il ne s'agit pas d'imposer son individualité, mais qu'il peut donner le meilleur de lui-même à l'être qu'il a choisi, et c'est cela sans doute aimer!

        Toutefois, on peut voir encore plus loin, car si le couple permet de grandir, il n'en demeure pas moins une possession égoïste, une fermeture sur le monde extérieur; et le sage ou la sage peuvent vouloir embrasser l'Univers tout entier! C'est à chacun de juger... Affaire suivante!

  • Des autres

    Des autres

     

     

     

     

        Chaque jour nous place dans un certain état d'esprit, bon ou mauvais, et nous savons déjà que celui-ci ne nous est pas unique, mais que les autres l'éprouvent également, et c'est pourquoi nous avons tout intérêt à les observer!

        En fait, c'est par là que commence vraisemblablement l'éveil, puisque nous apprenons ainsi les grandes lois qui nous régissent!

        Le tyran, lui, vit dans l'obscurité de son égoïsme... Il croit, à tort, que ses sentiments lui sont particuliers et il se débat avec eux comme un animal qui réagit à son environnement!

        Nous allons voir plus loin de quelle manière précisément, mais l'individu qui part du principe que ce qu'il sent est général, commun aux autres hommes, celui-là s'enlève déjà un certain poids, si notamment il éprouve de l'anxiété; car bien entendu il sait alors que son trouble ne vient pas que de lui!

        Il est déjà plus léger que le tyran, et il va très vite pouvoir vérifier le bien-fondé de son point de départ! Nous pouvons même dire qu'il va aller de surprises en surprises, qu'un nouveau monde va lui apparaître et que celui-ci ne cessera de grandir, de s'étendre jusqu'à l'infini même!

        En somme, dans la vie, toute la question est de se débarrasser de ses langes, de quitter son état de bébé, pour se mettre debout sur ses jambes! C'est difficile évidemment, car l'égoïsme constitue une sorte de folie qui évite de "mettre le nez dehors", si je puis dire; mais regarder lucidement les choses vaut vraiment la peine!

        Mais prenons un exemple pratique, ce sera plus parlant, et c'est une joyeuse balade que je vous propose! Pourtant, elle semble commencer mal...: vous vous réveillez anxieux (ou anxieuse, bien entendu!). Vous sentez votre tourment, même s'il reste sourd, obscur... Vos nerfs sont légèrement tendus... Vous auriez aimé un matin plus libre, plus ensoleillé, plus serein; alors que là, vous êtes pressé par votre mal-être, il vous serre et la tristesse n'est pas loin... Il vous faut du courage, mais déjà vous vous allégez; vous vous faites la réflexion suivante: "Je ne vais pas très bien, c'est vrai, mais les autres non plus ne doivent pas être à la fête! Je vais bien voir comment ils s'en sortent!"

        Ici, je me permets d'énoncer un grand principe que vous pourrez vérifier quand vous voudrez...: plus le réveil est difficile et plus l'environnement est agressif! Cela est simple à comprendre: comme les tyrans forment la majorité et qu'ils n'ont pas d'autres ressources, face à l'obstacle, que de renforcer leur égoïsme, vous ne pouvez absolument pas vous attendre à ce que le monde, lui, vous soulage de votre désarroi! Au contraire, il aura tendance à l'amplifier!

        Mais vous êtes averti(e) et vous avez les yeux ouverts, et tout se passera bien! Disons un mot sur le trafic automobile, bien que la marche permette de côtoyer les autres d'une manière infiniment plus intéressante... Mais vous vous en doutez, dans le cas qui nous intéresse et si vous prenez votre voiture, vous allez devoir faire face à une circulation oppressante, hargneuse, sans pitié... et notez que même le véhicule révèle la personnalité; dans la plupart des cas, il n'a pas été choisi au hasard, et son avant notamment est pour ainsi dire comme un visage qui exprime un sentiment! 

        Telle voiture aura l'air agressive, déterminée, imposante, puissante, quand d'autres laisseront voir leur "bonhomie", leur "innocence" et leur faiblesse, leur fragilité...

        Un mot encore sur cette nouvelle mode qui est de laisser allumer ses phares, quelles que soient les conditions de luminosité... La sécurité routière est ici peu concernée; il s'agit plutôt de briller encore plus, comme un diamant ou un sapin de Noël; c'est une manière d'imposer davantage sa présence, car seule la vanité peut étouffer le besoin de faire des économies, puisque les ampoules s'usent ainsi plus vite et j'imagine mal la plupart des conducteurs sachant les changer sans avoir recours à un professionnel!

        On peut trouver que je m'étends un peu trop sur les détails, mais je voudrais que vous compreniez que rien n'est innocent en réalité! Nous avons un cadre qui est bâti par les habitudes et nous ne le remettons pas assez en question! Or, tous nos comportements ont un sens; nous réagissons tous à ce que nous voyons, bien plus que nous ne le supposons! Nous sommes tous sensibles les uns aux autres! Et chacune de nos attitudes nous informe sur notre état d'esprit, sur ce que nous pensons et vivons... et comme je l'ai dit plus haut, c'est à pied, en croisant les autres, que le vrai spectacle commence! Il est extraordinaire et n'est jamais ennuyeux! Il est incroyable pour celui qui sait regarder!

        Mais revenons à votre anxiété! Vous êtes sur le trottoir et vous la contrôlez d'autant mieux que vous êtes curieux de la façon dont les autres supportent la leur... Il y a d'abord la manière de se tenir... Est-ce qu'on marche nerveusement à côté de vous? Est-ce qu'on a le corps droit, penché? Vous prenez la température... Vous sentez si la tension qui vous habite est palpable aussi chez les autres...

        La tenue continue de vous renseigner... Porte-t-on un jean? Alors on n'a pas eu la force de faire un effort! Chaque jour est comme le précédent! On veut passer inaperçu! On se distingue à peine des façades! On révèle ainsi sa fragilité, sa passivité, même si le jean peut servir aussi à exciter les sens! Mais c'est d'une manière qui n'engage pas! C'est le vêtement passe-partout par excellence!

        Porte-t-on des vêtements inadaptés pour la saison, la température du jour? Un homme est-il en tee-shirt et une femme en jupe courte, bien qu'ils aient l'air d'avoir froid eux-mêmes? C'est un signe d'instabilité, de souffrance ou même d'arrogance! On est perdu, on veut trop que les choses changent, on n'accepte pas la réalité, on défie le quotidien et on s'épuise à tenir seul son rôle!

        La situation inverse existe aussi... Voici une personne vêtue d'un lourd manteau, d'un bonnet, d'une écharpe et qui avance lentement sur de grosses chaussures... Il ne lui manque plus qu'un compteur Geiger, car elle se déplace dans un espace radioactif... A tout moment, l'horreur peut arriver!

        Mais plus sérieusement, se montre-t-on déjà hostile à votre égard ici et là? Un visage ou deux vous présentent-ils déjà leur dégoût, leur haine?

        Si oui, cela sent bon! Car cela veut dire aussi que les apparences craquent, que l'hypocrisie ne retient plus les sentiments, que l'angoisse est à l'œuvre dans la ville, qu'elle presse les gens comme des citrons!

        Tant mieux, la matière va être dense! Ce que vous allez observer va être riche! Et vous voilà ardent comme un chien de chasse, aussi capable que lui d'interpréter le moindre événement comme une odeur! Vous êtes sur la piste et vous jubilez! Car votre raison, votre logique, votre cheminement triomphent!

        Par votre calme, votre sincérité, votre travail, votre persévérance, votre haine du mensonge, vous suscitez autour de vous des réactions plus qu'aucun autre; vous êtes devenu la célèbre "pierre angulaire"; celle qui par sa stabilité, sa solidité attire les consciences! Car l'angoisse a au moins ce mérite: c'est qu'elle est tellement troublante qu'elle fait tomber le décor et les masques!

        Et comprenez bien ceci: personne, absolument personne a priori n'a la réponse à vos questions! Personne, absolument personne n'a forcément un meilleur équilibre que le vôtre et sait mieux vivre que vous! On fait comme si, mais il n'en est rien!

        Pour ma part, j'ai dû trouver les solutions tout seul! Bien entendu, beaucoup d'écrivains, de penseurs m'ont inspiré, guidé; mais la dernière touche, celle qui devait me combler, est de mon crû! Aujourd'hui, je ne lis plus que des romans policiers (et encore les anciens!) pour me distraire; le reste ou presque ne m'est plus utile!

        Mais examinons les comportements les plus caractéristiques que vous allez rencontrer sur votre route! L'angoisse conduit à deux réactions principales, le sexe ou l'agressivité! L'être humain n'a rien trouvé de mieux, pour apaiser son inquiétude, que de s'unir à son semblable!

        On ne veut plus de sa vie, on ne la supporte plus, qu'un autre s'en charge! La relation sexuelle permet de ne plus penser; on disparaît dans la volupté; c'est si intense, bien qu'éphémère! Mais plus vous serez paisible et plus vous serez sollicité par le sexe opposé! Car plus vous semblerez le remède!

        Comme je suis un homme, je parlerai seulement des femmes, mais je suppose qu'elles pourront intervertir les rôles...

        D'habitude, nous masquons notre désir, pour préserver notre orgueil et c'est bien compréhensible... Mais quand l'angoisse règne, la femme peut perdre toute dignité! Son attitude est sans ambages! C'est quasiment celle du naufragé! Et apparemment il n'y aurait qu'à tendre la main, pour que la relation se noue!

        Mais que vaudrait-elle? Comment regarde-t-on l'autre quand on va mieux, quand on réussit à prendre un peu de recul? On se dit qu'on a bien mal choisi, on trouve à l'autre subitement bien des défauts, et nous voilà en train de le bousculer, de le critiquer! On part là pour un drôle de voyage!

        Il vaut mieux avoir la force avant le choix, non? Mais attendez, voilà une femme qui a une tout autre attitude! Son charme est si flamboyant qu'il attire votre regard comme un aimant et pourtant elle semble nullement s'en soucier! Séduit-elle innocemment? Non, car sa démarche trop nerveuse la trahit! Elle veut votre admiration, tout en la méprisant! C'est l'orgueil qui parle!

        De même, cette autre que vous croisez et qui est d'une beauté si glaciale que vous vous écartez humblement, comme un esquimau devant un brise-glace russe!

        Le mépris et l'hypocrisie ne vous rappellent-ils rien? Mais si, voyons! Ce sont les outils préférés du tyran! C'est lui qui choisit l'agressivité pour répondre à l'angoisse!

        D'ailleurs en voici un spécimen qui entre dans la boulangerie! Va-t-il s'apercevoir qu'il y a déjà une file d'attente? Non, il arrive tellement vite qu'il fonce vers le comptoir, pour se saisir de son pain, et il sort en enfonçant le mur opposé, qui garde la trace de sa silhouette, dans la poussière des briques! "Vous avez vu ça?" crie quelqu'un.       

        Dehors, un autre tyran est à sa fenêtre... Il a l'air d'avoir été giflé avec des fers à repasser et il vous fixe furieusement, comme si vous lui deviez trois mois de loyer!

        Un peu plus loin, vous en repérez un troisième! Il semble vous attendre, comme un boxeur son adversaire! Ah! Mais c'est qu'il guette la moindre étincelle pour en découdre! Comprenez, un affrontement, une querelle et d'un coup sa vie, sa journée auraient un sens! Envolée la sensation de l'angoisse! Drôle de manière de régler les choses!

        Ce n'est pas fini! Celui-ci ne répond à votre bonjour... Pourtant, vous aviez pris l'habitude de vous saluer, car c'est un commerçant que vous fréquentez... Qu'est-ce qui lui a pris? Vous êtes légèrement blessé par ce mépris... Eh dame! Un duc dit-il bonjour à un manant? Votre commerçant, par son indifférence, a réaffirmé sa supériorité; il est de nouveau quelqu'un et l'angoisse le quitte, penaude (elle s'est attaquée à trop gros pour elle!) Mais pour le tyran, il n'y a pas de petits profits! (Reste à savoir si vous tomberez dans le même piège, avec cet individu...)

        Sous les nuages qui passent; dans un univers qui compte plus de cent milliards de galaxies comme la nôtre, et qui contiennent chacune plus de cent milliards d'étoiles pareilles à notre soleil! le tyran, face à l'angoisse, ne cherche qu'une seule chose, attirer l'attention sur lui! Il fonctionne comme un petit trou noir: il absorbe et détruit tout ce qui l'entoure!

        Il ne veut pas comprendre, mais il tape du pied, il demande des comptes, ou il cravache et piétine les cœurs!

        Il est comme le bédouin ivre, qui tue les chameaux et empoisonne les puits!

        Le sage, lui, adoucit la vie, la sienne et celle des autres! Il rafraîchit la terre, pour qu'elle fleurisse! Sa force lui sert pour être disponible!

        Lequel, du sage ou du tyran, est le plus utile? Lequel travaille vraiment?

  • De la liberté

    De la liberte

     

     

     

     

     

         Le nouvel an est l'occasion de faire le bilan et donc de se résumer, même si c'est au risque de se répéter, car il est bon que les bases, les fondations soient claires et saines, pour continuer à élever l'ensemble!

        Mais d'abord j'aurais très bien pu me donner comme titre: 'De la liberté ou l'absurdité de nos sociétés!" En effet, le mauvais temps peut nous faire voir comme sous un microscope et ce que nous découvrons a de quoi nous laisser sans voix!

        Tout se passe comme si nous étions commandés par des Vénusiens! et qui nous traiteraient comme du bétail! Nous allons au travail, maussades, stressés... A peine fait-il jour... Ce ne sont que bruits et inquiétudes! Nous donnons l'impression de ne suivre qu'un long tunnel... Les sourires, comme les éclaircies, sont rares! Il n'y a pas de force, d'enthousiasme, mais de la crispation, du désenchantement, quand ce n'est pas pire! mais nous y reviendrons...

        Et tout ça pour quoi? Voilà une planète appelée la Terre et perdue dans l'espace! Et nous avons l'attitude de prisonniers, qui vont vieillir, tomber malades et mourir! Comme si ce n'était pas nous les maîtres de notre destin! comme si nous n'étions à pas l'origine de notre système! comme si nous ne pouvions pas faire évoluer les choses! comme si notre gêne, notre malheur, notre désarroi était fatal, inéluctable, irrépressible; ainsi que le fait que l'eau mouille!

        Ceci étant, nous savons déjà que notre mode de vie est tout de même né d'une logique... Rappelons les faits, mon cher Watson! Notre société de consommation s'est édifiée sur notre premier instinct, qui est d'imposer notre supériorité ou pour parler plus crûment de satisfaire notre égoïsme!

         (Ceux qui croient encore que ce sont les pulsions de faim et sexuelle qui nous animent en priorité sont priés de retourner à mes précédents écrits! La personne dépressive se désintéresse du sexe et même du manger, ce qui prouve que la personnalité est bien la chose qui nous occupe le plus! Et il est impossible de comprendre la vie à travers le prisme de la psychanalyse! Et je déteste personnellement ces thérapeutes qui sont des tyrans qui s'ignorent! Fin de la parenthèse!)

        Cependant, les symboles, les objets qui nous servent à atteindre notre but sont en vente chaque jour; ils se sont affinés et multipliés plus la civilisation a avancé... Il vaut mieux aujourd'hui affirmer son importance grâce à un SUV plutôt qu'avec un coup de hache!

        La hiérarchie sociale a suivi la même voie! Nous sommes passés des privilèges exorbitants d'un petit groupe à la chance apparemment offerte à tous d'accéder à une portion de pouvoir, à une position forte, à une fonction nécessaire!

        N'oublions pas non plus que notre soif de dominance provient de la sélection naturelle: c'est le patrimoine du plus fort, du plus apte qui doit se transmettre, afin que la survie de l'espèce soit le mieux assurée!

        Ceci est valable aussi bien pour les hommes que pour les femmes! Si nous ne voyons pas de femelles triomphantes dans la nature, ce n'est pas par discrétion; c'est parce que le rôle du mâle est d'abord de défendre le territoire! Et nous voyons à notre époque comment les choses sont en train de changer, comment la femme "monte aux créneaux!"  Nous avons donc le même moteur, ce qui veut dire aussi que l'égoïsme n'a pas de sexe! Sorry girls!

        Mais ce n'est pas tout! Nous pouvons encore dire que l'Evolution est également l'histoire d'une individualisation! car plus les organismes apparaissent tard et plus ils sont complexes et donc distincts (individualisés)!

        De là à dire que, avec tout ce que nous savons, la conscience ne pouvait que naître et se développer, il n'y a qu'un pas, que je ne franchirai pas! Car je tiens à ma peau! J'entends déjà en effet la meute des scientifiques! hurlante, bavant, rugissante! Au son du cor bondissent les habits couleur de sang!

        Revenons plutôt à notre état de casseurs de cailloux... C'est plus modeste, mais infiniment plus tranquille!

        Nous comprenons que notre évolution dépend de la relation qu'entretient notre raison avec nos instincts, comment elle les contrôle! Nous ne perdons pas de vue non plus que cette même raison s'enrichit de toute l'expérience humaine, des progrès de la civilisation! même si l'instinct bien entendu continue son œuvre, exerce toujours sa poussée!

        Et aujourd'hui justement nous pouvons nous en plaindre! Comme les conditions sont difficiles, les égoïsmes sont exacerbés! (et j'ai déjà donné cet exemple des crocodiles devant leur marigot qui s'assèche!) Les tyrans nous en font voir de toutes les couleurs! Soit ils roulent des mécaniques, l'air de dire: "Non mais, regardez-moi! Ne suis-je pas grand, admirable, beau et fort?" Soit il nous font part de tout leur mépris, de tout leur dégoût, de toute leur haine!

         Notez qu'au printemps le tyran aura le même comportement, mais pour une raison contraire: la sève remontant en nous et nous donnant de nouvelles forces, le tyran en profitera pour se faire valoir d'autant plus! Il semble qu'il n'arrive jamais à se remettre en question!

        Cependant, souvenons-nous de ce qu'il est précisément... Le tyran est un homme ou une femme qui veut avant tout s'imposer aux autres, être leur centre d'intérêt! C'est donc un être immature qui veut que le monde tourne autour de lui!

        C'est encore un bébé adulte qui constitue malheureusement la majorité; d'abord parce qu'il est toujours plus facile de céder à l'instinct plutôt que de le combattre, c'est ce qui paraît le plus séduisant; mais ensuite parce que l'autre voie, celle de la maturation, qui demande de la patience, paraît ennuyeuse, amère, injuste et surtout inquiétante! Chacun renâcle en premier lieu à s'écarter du troupeau!

        Je ne recommencerai pas ici le portrait complet du tyran, mais par exemple les voitures brûlées et les agressions de policiers du nouvel an sont le fait de tyrans jeunes, que l'on peut tout de même mieux comprendre que les tyrans mûrs, car l'intelligence n'a jamais été l'apanage de la jeunesse!

        Mais rien n'est pire que le tyran en pleine possession de ses moyens! Imaginez que vous soyez à bord d'un bateau qui coule et que vous vous occupiez d'évacuer les personnes les plus fragiles... Dans le même temps, tout un groupe de bien-portants se met à trépigner et à crier pour réclamer leur tour! Ne seriez-vous pas tenté d'avoir recours à votre arme de service pour calmer ces égoïstes?

        Je crois que si... et pourtant c'est bien ce genre de situation affreuse que nous pouvons vivre actuellement! Les personnes de bonne volonté, qui pour un tas de raisons serrent déjà les dents, doivent en plus se heurter à la paresse, à l'ignorance crasse et à la suffisance du tyran!

        Car vous ne pouvez pas croire non plus que votre serviteur est sur une île du Pacifique, un cigare au bec et entouré de vahinés souriantes! Je dois moi-même chaque jour lutter pour conserver mon équilibre et mes propos n'auraient aucun intérêt s'ils n'étaient pas nés de l'expérience!

        En fait, vouloir être soi-même, c'est comme soulever une dalle de béton: dès que vous relâchez votre effort, elle retombe sous le poids de toute l'hypocrisie et de toute la folie ambiantes!

        Vous pouvez même vous demander si vous ne vivez pas un affreux cauchemar, ou si ce n'est pas vous qui êtes dérangé mentalement!

        Rappelons tout de même pourquoi le destin du tyran est une impasse! C'est toujours utile, car on ne voit pas les tyrans mourir! L'individu, qui voit le sens de son existence dans le seul pouvoir qu'il exerce sur les autres, va au-devant des plus grandes déconvenues, puisque chacun ne rêve a priori que de devenir lui aussi un bon petit tyran!

        Seule une tyrannie encore plus forte permet au tyran de se maintenir! Et c'est encore plus de nuit, de destruction, car rien ne se règle vraiment de cette manière; ni les angoisses, ni la paix!

        Cependant, les scintillements de l'égoïsme restent très forts; c'est un feu qui nourrit notre personnalité, sinon notre développement et donc notre liberté et donc notre évolution s'arrêterait devant l'obstacle! Nous serions alors moins obstinés que les plantes!

        Mais de même que nous apprenons à contrôler notre pulsion sexuelle, car elle peut causer bien des chagrins! de même nous devrions être lucides quant aux conséquences néfastes de notre égoïsme!

        On peut maintenant poser le défi qui nous intéresse! le défi du futur pour tous les individus de bonne volonté, gentils, prévenants et qui ont un peu de jugeote! le défi de la "nouveauté" et qui est le suivant: "Comment être soi sans écraser les autres?" ou encore: "Comment être libre sans enchaîner les autres?"

        Réussir ce défi fera honneur à notre conscience et nous procurera une paix qui charmera même les animaux!

        Sur le papier, la marche à suivre est simple: notre développement doit donc favoriser aussi celui des autres! Cela ressemble tout de même à un rébus! Et il vaut mieux parler des dangers qui guettent le sage ou le gentil; l'aspect pratique va nous rendre les choses plus claires...

        Le principal risque de la bonté, c'est la dépression, la névrose et la destruction de soi! Quand on se sent peu de valeur, on a tendance à dépasser ses forces, en trouvant même normal que les autres en profitent! C'est ce que d'aucuns voient comme l'héritage judéo-chrétien, mais ce mécanisme est bien plus naturel que culturel!

         Cependant, l'épuisement qu'il cause, le désespoir auquel il peut conduire peuvent montrer le suicide comme seule issue! Autant le dire tout de suite, celui-ci n'est jamais, jamais un acte raisonnable! quelques que soient les arguments du désespéré!

        Si le tourment pouvait laisser sa victime souffler et faire un pas de côté, elle ne perdrait pas de vue qu'il est toujours agréable de prendre une café au soleil, ou que le parfum des primevères est toujours aussi suave! La vie n'a rien de viscéralement détestable! Au contraire!

        Et il ne faut surtout pas croire non plus qu'on va bouleverser le tyran au point qu'il change! J'en connais qui avaleraient le monde comme un petit pois, si on le leur servait sur une assiette, et qui en plus vous regarderaient dans les yeux, l'air de dire: "Et alors?"

        Ce n'est pas que les tyrans soient des diables, mais l'égoïsme est capable d'aveugler un individu jusqu'à lui enlever toute humanité! Pourquoi croyez-vous que nous pouvons nous laisser entraîner dans des guerres, qui font des millions de morts?

        Il faut donc garder les yeux sur le voyant de notre fatigue: si nous avons tendance à nous irriter, à faire preuve de haine, il faut alors lever le pied! trouver quelque chose qui nous repose, nous délasse vraiment!

        Attention, ce que je vous propose n'est pas un équilibre à la façon de la psychologie! et qui serait forcément boiteux! Il ne s'agit pas de se concentrer uniquement sur soi! Ce que nous sommes ne dépend pas uniquement de nous! Nous ne pouvons pas ne pas subir l'influence des tyrans, car ce sont eux qui font principalement notre environnement!

        Et nos sentiments, comme je l'ai déjà dit, ne nous sont pas uniques: si nous allons mal, les autres aussi, même si c'est avec des degrés divers; et si nous allons bien, les autres encore sont mieux également, ce qui est un petit coup pour notre modestie!

        Il s'agit donc d'avoir un œil sur soi, mais sur les autres également! Evidemment, que vous franchissiez mieux les épreuves que la plupart sera une source de joie et d'intense satisfaction! Vous aurez l'immense plaisir d'être sur le bon chemin!

        En conclusion, être libre, ce n'est pas croire en rien; c'est se dégager de son égoïsme! sinon il nous mène, comme la carotte l'âne!

        Le tyran est un esclave, qui ne veut même pas qu'on lui enlève ses fers! alors qu'il s'en plaint chaque jour! et qu'il déteste celui qui marche d'un pas plus léger et qui a l'air plus heureux!

        Le sage comprend tout cela et n'en est que plus en paix avec lui-même!