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  • Des obsessions

    Des obessions

     

     

     

     

     

        Le mot obsession n'a plus de sens véritable aujourd'hui, même pour la psychologie moderne, parce qu'elle croit être à la source de tout et qu'elle ne peut plus concevoir un combat, un engagement en dehors d'elle! En effet, l'obsession est devenue avec le temps une idée fixe, une pensée de laquelle ne peut plus se détacher son auteur; comme s'il était maintenant douteux d'avoir des convictions et de les défendre! 

        A ce compte-là, Darwin et Freud sont des êtres obsessionnels; bien que des scientifiques puissent me rétorquer que c'est faux, puisque la science a démontré la validité de leurs découvertes. En ce qui concerne Darwin, c'est exact, quoiqu'aujourd'hui il soit impossible de voir l'Evolution comme son inventeur; car notamment la nature progresse aussi par sauts; alors que l'inverse était tel le compte en banque de Darwin; mais on ne saurait expliquer autrement la rareté des fossiles mis à jour de par le monde!

        Dans le cas de Freud, il serait assez simple actuellement de montrer avec exactitude, grâce aux IRM en particulier, que la pulsion sexuelle refoulée n'est nullement à l'origine du rêve, mais qu'elle ne fait que participer à sa construction, au même titre que les pulsions de faim ou de colère, pour ne citer qu'elles! Or, la pulsion sexuelle est la clé de voûte de la psychanalyse freudienne et que Freud ait pu expliquer toute névropathie masculine par une homosexualité refoulée ne peut que laisser sans voix! Dans quel monde vivait le savant autrichien? Ignorait-il vraiment que les hommes et les femmes se détruisent pour des raisons naturelles, ce qui produit la plupart de nos traumatismes? Ici, on se rend compte à quel point la science est aveugle sur la réalité, et sa bêtise vient essentiellement de son égoïsme! C'est celui-ci qui nous enlève notre lucidité et nous maintient au pays de Candy! Mais allez expliquer ça à des psychanalystes, alors qu'ils se croient justement dans le secret des dieux! (De toute façon, plus je considère la psychanalyse et plus je suis abasourdi par sa pauvreté d'âme! Ses propos sur l'art notamment sont aussi faux qu'abjects!)

        Mais pour en revenir à l'exemple de Darwin, on pourrait dire que la postérité a donné raison à Van Gogh ou à Baudelaire et que donc ils n'étaient pas plus que Darwin des êtres obsessionnels! A moins que l'on ne considère que l'approbation du plus grand nombre n'a pas force de loi... On prend par là une direction scabreuse, comme beaucoup d'autres concepts de la science... Mais en fait, pour que le terme d'obsession puisse de nouveau être parfaitement utilisable, il faut revenir à son sens premier; celui qu'on trouve dans les encyclopédies médicales des années trente; où on appelait encore la dépression neurasthénie, qui disait bien de quoi il retourne!

        L'obsession est une chose que l'on fait, bien qu'on la sache ridicule ou absurde, parce qu'elle permet d'échapper à une angoisse, une anxiété! Comme toutes les définitions, celle-ci n'est pas claire, mais les exemples l'expliquent immédiatement... Vérifier deux fois (ou plusieurs!) qu'on a bien éteint sous le gaz ou bien fermé sa voiture est une obsession. On sait que c'est inutile, mais on ne peut s'en empêcher; car on n'ose imaginer quel drame se produirait en cas d'erreur!

        Mais il est des obsessions moins évidentes... Par exemple, Nadal est un joueur de tennis obsessionnel, ainsi que beaucoup d'autres, comme Gasquet ou Serena Williams! Après avoir bu et de sa chaise, Nadal replace très précisément ses deux petites bouteilles sur le sol... Elles doivent être à une certaine distance et l'espace qui les sépare est lui aussi rigoureux. Cet acte demande toute l'attention du joueur et sur terre battue, les bouteilles sont légèrement enfoncées, afin que le vent ne les renverse pas!

        Si jamais l'une des bouteilles tombe, au moment où Nadal retourne sur le court, il revient la remettre debout: il ne peut pas jouer tant que les deux bouteilles ne sont pas correctement placées! C'est une condition nécessaire à son équilibre!

        De même, le joueur, avant chaque service, réajuste sa tenue; comme s'il craignait qu'elle n'arrêtât son geste! Ce qui n'est pas le cas bien entendu, mais Nadal se dégage de cette manière de l'oppression qu'il ressent pour servir! Il ne peut faire autrement et on assiste à un rite!

        La superstition est aussi une obsession et la raison devrait nous permettre de nous en moquer! Mais l'individu ne veut pas d'elle ou n'a pas la force de l'utiliser et il préfère obéir à sa peur: il évite l'échelle, le chat noir, le vendredi 13 et il remet le pain à l'endroit! C'est ce qui le soulage!

        Regarder son intérieur, avant de sortir de chez soi, comme si on avait oublié quelque chose, est encore à caractère obsessionnel... En fait, on veut avoir l'impression que tout est en ordre, pour être prêt à se retrouver dans la rue! On fait face à une inquiétude impalpable...

        Se mettre beaucoup de parfum, se laver les dents ou avaler un chewing-gum avant un entretien, ou vérifier encore que sa braguette n'est pas ouverte peuvent être toujours considérées comme des obsessions... En effet, ces actions ne sont pas indispensables, mais elles sont produites par l'inquiétude et servent à nous rassurer; car nous avons tous peur et nous sommes donc tous plus ou moins obsessionnels! Et ceux, qui par leur mépris, leur arrogance ou leur agressivité, font croire le contraire, sont les pires ennemis du progrès! La terreur est le remède de l'égoïsme le plus fort contre l'angoisse!

        Cependant, l'obsession peut être assez grave... Elle peut agir comme une plaie douloureuse dans certains cerveaux... Elle est alors comme une sorte de leitmotiv blessant et qui incite la personne qui en souffre à agir contre sa volonté! C'est un combat amer et très pénible, d'autant qu'il semble inexplicable, dépourvu de sens!

        En tout cas, on l'aura compris, l'obsession signale toujours une fragilité psychologique plus ou moins grande! Elle est là apparemment comme un repère! On doute de soi et on semble avoir besoin d'une "béquille" (le tabac en est une autre...)! L'individu a l'impression qu'il pourrait s'échapper de lui-même, comme si le vent allait l'emporter, et l'obsession agit comme une ancre! On se comporte comme si une menace invisible planait sur soi, comme si un abîme nous guettait... C'est la névrose qui pèse sur l'esprit!

        La psychologie moderne a essayé de remettre au goût du jour l'obsession en l'appelant TOC; mais une obsession est forcément un trouble et elle est forcément compulsive! Ainsi, cette nouvelle expression est du toc, même si cela fait mauvais jeu de mot, car elle n'est qu'un pléonasme long comme un jour sans pain!

        Il faut voir ici l'influence des Américains, qui sont les champions de l'efficacité et qui ont pris l'habitude de nommer certaines choses par les initiales des mots censés expliquer leur processus... Mais l'efficacité ne suffit pas à l'homme! Les Américains ont encore inventé le supermarché, parce qu'ils considéraient que discuter avec le marchand sur la qualité de ses produits, pour mieux les choisir, était une perte de temps! Le résultat est notre fameuse "tête d'enterrement" dans les supermarchés, car notre individualité n'y trouve pas son compte, parmi tous ces rayons parfaitement impersonnels, ce qui fait que nous voyons nos courses comme une corvée!

        Par ailleurs, la fragilité psychologique, dont témoignent les obsessions, peut être dangereuse pour soi... et pour les autres!

        Si on reprend l'exemple de Nadal, nous savons qu'il a gagné dix fois Roland-Garros, mais ses victoires ont toujours l'air d'une grimace sur son visage, car le joueur s'entraîne et lutte au-delà de ses forces depuis tout ce temps! Sa volonté n'a pas de garde-fous; elle s'exerce sur un cerveau qui n'est pas affermi, que des affections absentes n'ont pas consolidé! Nadal est quasiment son propre bourreau et aujourd'hui son corps dit stop, ce qui fait que le champion disparaît de certains tournois d'une manière apparemment inexplicable. C'est pourquoi aussi le suspecter de dopage est une double peine pour lui et montre une ignorance crasse (surtout pour un ancien ministre de la santé!) du psychisme!

        Mais il est possible que la fragilité psychologique d'un seul fasse également souffrir le plus grand nombre... Hitler notamment n'était pas seulement un voyou ou un monstre, car il aurait été incapable de séduire les masses, mais il était encore un mystique, persuadé qu'il remplissait une mission divine, au profit de la grandeur de l'Allemagne, d'où son pouvoir d'attraction! Mais Hitler prenait des décisions, accomplissait certains actes qu'il ne voulait pas au fond de lui-même, qui le mettaient dans un état de tension extraordinaire (voir le putsch de Munich), sous le joug de sentiments mêlant la culpabilité et l'orgueil. Ainsi apparaît-il le plus souvent comme un clown triste, regrettant d'être là et toujours angoissé. D'autres fois, il est comme un zombie, miné par le manque de sommeil, et ses colères incessantes et terribles montrent assez le surmenage de ses nerfs... Mais on ne va pas le plaindre non plus, bien entendu!

        La psychologie, et ça ne doit pas être une surprise, conseille, en cas d'obsession vraiment handicapante, une psychothérapie! Mais c'est aller vers un mirage, car il est exceptionnel qu'un traumatisme bien particulier soit à l'origine de la fragilité psychique et donc de l'obsession. C'est plutôt un "état" de guerre, qui produit un terrain sans racines, et les souvenirs du patient, comme ses explications, finissent par se diluer dans une logique qui échappe aux cas individuels!

        D'autre part, la psychothérapie, comme je l'ai déjà dit ailleurs, laisse supposer au patient que c'est lui le "problème"; même si la cure vise à sa révolte, à lui donner justice; même si certains thérapeutes, dont on doute de la sincérité, disent admirer le courage de ceux qui font appel à eux!

        Mais le patient ne retrouvera pas toute sa santé, tant qu'il ne sera pas sûr d'avoir été la victime de gens malintentionnés, ou qui ont trouvé avantage à le blesser! Si vous lui dites que c'est toujours lui qui doit changer, parce que notamment il n'est pas assez fort, nul doute que vous ne continuiez de cette façon la litanie et les coups de matraque dont il a déjà été accablé! La justice, a priori, ne condamne pas les innocents!

        En fait, la réponse n'appartient pas à la psychologie, mais relève d'une considération plus vaste. Par exemple, la psychologie parle de parents abusifs ou possessifs, mais si on comprend à peu près de quoi il retourne, de quels comportements il s'agit, on ignore par contre totalement les raisons qui pourraient les expliquer! Les expressions parents abusifs ou possessifs ont l'air autonomes, comme si les êtres étaient ceci ou cela à cause du Saint-Esprit! Et c'est encore là une occasion révélant les limites de la science, mais cette dernière, dès qu'elle trouve un mot, "joue" avec comme si elle ne l'avait pas inventé! C'est un phénomène d'autant plus troublant, que ce mot changera demain!

        Les choses prennent meilleure tournure, si on revient à mon credo, bien qu'il puisse précisément sembler un rabâchage symptomatique de la dépression! N'a-t-il pas justement un caractère obsessionnel?  N'ai-je pas tort de m'attaquer au cartel de la psychologie?

        Mais je vois plutôt ma pensée comme mon bébé, que j'élève et que je nourris, à l'instar de Darwin ou de Pasteur qui approfondissaient leurs théories. Je souffrirais alors d'un manque de maternage? Ou bien serais-je jaloux de la notoriété scientifique? Tout homme n'est-il pas un gouffre insondable?

        Plus sérieusement et pour ceux qui prendraient le train en route, je rappelle que nous voulons instinctivement dominer et que nous sommes a priori tous des tyrans! Et qu'est-ce qu'un parent abusif ou possessif, sinon un parent qui ne veut pas perdre le contrôle qu'il exerce sur ses enfants, qui cherche à ressentir le pouvoir dont il jouit à leurs dépens! Hésitera-t-il, ce parent, pour arriver à ses fins, à mépriser sa progéniture, à la diminuer, la blesser, la battre et même à la briser? Fera-t-il de sa descendance des êtres respectueux d'eux-mêmes, confiants dans l'avenir, à l'aise en société?

        S'il est facile de répondre à ces questions, encore faut-il comprendre pourquoi la situation qui produit des obsessions est la plus courante! Car la question n'est pas: "Quel est le traumatisme?", mais bien: "Comment pouvons-nous être heureux sans dominer?"!

        Tant que nous voulons être le chef (le Duce ou le Führer!), nous écrasons les autres et les plus faibles en souffrent toute leur vie! Combattre les obsessions demande une remise en question profonde de la société, et ce n'est pas là, bien entendu, la seule affaire de la psychologie!

        Verra-t-on un jour les hommes animés par le souci de trouver un sens à leurs vies, autre que celui de triompher, de se montrer supérieurs aux autres! Les verra-t-on accomplis enfin! ou tout du moins déjà curieux?

        Malheureusement, au train où vont les choses, je ne risque pas d'assister à cette nouvelle aurore!

  • De la solitude

    De la solitude1 1

     

     

     

     

     

        La solitude est effrayante, perturbante et dans bien des cas, elle semble insupportable! Mais nous allons voir qu'elle est notre futur, qu'elle ne peut être que le fruit de notre maturation! Attention, je ne dis pas qu'il faut vivre seul, mais que nous sommes naturellement conduits à prendre conscience de toute l'étendue et même de toute l'importance de notre individualité! C'est si vrai que ce qui caractérise peut-être le mieux le tyran, c'est son incapacité à vivre en toute indépendance, sans blesser les autres! Mais, pour bien comprendre les choses, nous devons d'abord revenir en arrière, en un temps où l'homme n'existait pas!

        Nous l'avons déjà vu, l'histoire de l'Univers est une lente complexification de la matière et nous pouvons logiquement penser que celle-ci est sans doute à l'origine de l'Evolution et qu'en tout cas elle se poursuit en elle! Plus les organismes apparaissent tard sur l'échelle de l'Evolution et plus ils sont complexes; ce qui veut dire aussi qu'ils sont davantage distincts, différenciés! Ainsi, on peut dire que l'Evolution est l'histoire d'une individualisation! Plus les espèces sont tardives et plus elles peuvent être fières d'accrocher leur boîte aux lettres, devant leur maison, chef d'œuvre de leur vie! Oubliée l'existence obscure des amibes!

        Cette individualisation est encore renforcée par la sélection naturelle: le plus fort se dégage et clame sa suprématie! C'est lui qui aura droit aux meilleurs morceaux et à la joie de se reproduire! A ce stade, la conscience de soi reste bien entendu indéfinissable et pourtant son chemin est déjà tracé; comme si chez les grands mammifères nous n'en étions plus qu'à la lisière; tandis qu'on cherche toujours à joindre la méduse errante! Il ne manque plus en fait qu'un changement biologique déterminant et nous savons déjà qu'il sera produit par la station debout; celle qui permettra théoriquement à notre cerveau de se développer d'une manière exceptionnelle, vertigineuse, superbe, magnifique; puisque nous en sommes toujours à nous demander ce que nous "faisons là", à puiser en nous-mêmes comme dans un rêve sans fin! 

        Evidemment, mon résumé aura de quoi faire blêmir certains scientifiques, car, ne l'oublions pas, l'Evolution se compte en millions d'années, et j'ai l'air de m'y promener comme si c'était le parc d'à côté! Mais comme les scientifiques eux-mêmes ne sont pas avares de bêtises, j'estime pouvoir exposer mon point de vue, d'autant que sa portée dans notre quotidien va se révéler vérifiable et même capitale! Je suis un peu comme un naufragé, qui doit s'organiser avec ce dont il dispose, car autour il n'y a rien pour le faire espérer, ni de vraiment utile!

        Avec l'homme, la conscience de soi devient exponentielle! C'est l'inflation galopante! Mais c'est d'abord le comportement animal poussé à l'extrême! Il n'y a jamais eu de "bons sauvages"! Ce débat des philosophes du siècle des lumières, pour ne citer que lui, n'a plus aucun intérêt! Croire en un âge d'or, en une civilisation antérieure et meilleure que la nôtre est une utopie, une farce! On peut comprendre néanmoins que certains, face aux destructions et à la violence de nos sociétés, puissent idéaliser des peuples du passé et regretter leurs qualités, car bien entendu moins on est nombreux et plus on est solidaire ou plus on respecte la nature par exemple; mais c'est aussi nier l'Evolution, c'est ne pas voir que plus on recule dans le temps et plus l'homme est voisin de la bête! Notre civilisation accorde a priori à la vie humaine plus de prix qu'aucune autre avant elle! 

        Ce qui a préoccupé les premiers hommes, c'est inévitablement la lutte pour le pouvoir, et donc si on habitait une île, on devait se rendre sur celle qui était la plus proche et y casser autant de crânes qu'il était nécessaire, pour que chacun comprît qui était le chef! Toute autre vision est enfantine! Ce qui n'empêche pas la conscience de déjà être à l'œuvre... Elle introduit dans l'esprit des choses étranges, des peurs inexpliquées, des connaissances embarrassantes! L'homme est comme "appelé" vers un destin qui dépasse celui des animaux! Il découvre notamment qu'il va "mourir"! que l'autre peut ressentir de la souffrance! La pensée interroge, place dans une position instable, ce qui favorise le développement! On cherche parce qu'on est troublé! L'humanité sent qu'elle a quitté le port de l'instinct; elle doit partir à l'aventure; même si on continue "allègrement" à tuer!

        Les civilisations antérieures ont donc pu avoir, à côté de la plus grossière sauvagerie, des comportements, des coutumes extrêmement complexes, et qui témoignent de la "richesse" de la conscience; mais les progrès sont très lents, on s'en doute, et notre société elle-même a toujours ce profil, d'associer l'égoïsme aux plus hautes valeurs morales! Un barbare sommeille en nous!

        Il existe certainement chez les animaux des exemples de solidarité et ils ont eux aussi leurs "secrets"; mais il n'en demeure pas moins que le mal vient de chez eux! de la nature! Si les animaux avaient une conscience, s'ils étaient capables de juger leurs actes, comment verraient-ils le lion qui supprime les petits de son rival! Ils le condamneraient sans appel, non? Les manchettes des journaux parleraient du monstre de la savane!

        Le guépard qui laisse choir son frère blessé..., ne serait-il pas accusé de non assistance à personne en danger? Le mâle pie qui chasse la femelle, pour manger le premier, pourrait-il continuer longtemps son manège? Le chat borgne, griffé jusqu'à la chair, n'irait-il pas se plaindre au commissariat?

        Faire le mal n'est rien d'autre pour un humain que d'agir comme une bête, mais une bête qui a le sourire, pourrait-on ajouter! Notre individualisation plonge ses racines dans notre égoïsme, mais il reste à savoir si notre feuillage sera lui pleinement conscient!

        Car le tyran ne voit pas la réalité! Si la seule boussole qu'on se donne est la domination, on n'a pas plus de clairvoyance que l'animal qui obéit à l'instinct! Tout au plus sait-on qu'en dehors de soi, il existe un code de la route et certaines lois, dont on a vaguement entendu parler!

        Pour le tyran, le monde est une pâte à modeler, qui doit se transformer selon ses désirs... Par exemple, si le tyran fait son apparition dans un commerce, il doit être servi immédiatement; ou alors chacun verra sa famille menacée! Aux yeux du tyran, les autres n'ont pas vraiment d'existence réelle! Ils sont là pour servir!

        Pourtant, tous, nous avons subi des traumatismes et nous sommes tous fragiles! Cela veut dire que les inquiétudes et les angoisses ont le même effet sur nous que la mer sur les falaises: régulièrement nous sommes la proie de nos tourments et de nos peurs et nous en souffrons! Nous devons leur résister!

        Personne n'échappe à ce régime et la solution, la réponse du tyran est la plus répandue: dominer, pour sentir de nouveau son pouvoir, sa valeur et donc son utilité! L'angoisse n'a qu'à bien se tenir! Que peut-elle faire quand on est rubicond et adulé?

        Adulé? Aimé? Est-ce qu'on aime, respecte vraiment le tyran! Peut-on être sincère quand on est oppressé, menacé, écrasé? Il me paraît vain d'espérer de la sincérité et un dévouement réel de la part de celui qu'on opprime; et c'est bien là l'erreur foncière des djihadistes notamment! Il vaut mieux pour eux qu'ils achètent des chiens, car une foi ne peut pas s'imposer!

        Mais le tyran compte donc se rassurer, dompter ses inquiétudes, en s'appuyant sur des sentiments qui sont faux, chez lui et chez les autres! Le respect, l'amour dont il croit être l'objet n'existent pas: c'est la rançon de la terreur! Et la voie du tyran ne peut être qu'une fuite en avant: il lui faut dominer toujours plus... Nous le savons, c'est une impasse, car on continue ainsi à créer un monde incompréhensible, hostile, désespérant! Le tyran meurt plein de haine, il juge les autres responsables de ce qu'il sent sa vie comme un échec, puisqu'il n'a pas réussi à être heureux! Il ne comprend pas que son attitude ne lui permettait pas un meilleur sort, pas plus qu'il ne peut imaginer que sa fin soit vécue par son entourage comme un soulagement! Il n'y a là aucune lumière, aucun progrès!

        Nous avons une conscience, pourquoi ne pas nous en servir? Pourquoi restons-nous au stade animal? Il ne nous convient pas! Et c'est là qu'entre en jeu la solitude, même si nous avons des proches ou une famille! Il s'agit de trouver un remède à son angoisse autre que celui de sa domination; ne serait-ce que pour avoir des rapports sains avec le monde! Comprendre qu'on puisse faire souffrir les autres demande d'avoir les yeux ouverts! Et l'égoïsme rend aveugle!

        Vouloir être lucide, ne plus chercher à dominer, conduit forcément à la différence, à la recherche, à s'écarter de la voie commune! C'est faire un pas vers la solitude, inévitablement! Et de suite la température semble baisser; comme si la nuit descendait brutalement! Dans les ténèbres, on voudrait demander: "Holà, y a quelqu'un?"

        Pourtant, l'aventure commence! Comme paraît déjà laid et bête le tyran! Comme a l'air bruyant et superficiel le monde, qui continue de jacasser et de se quereller! quand il ne se détruit pas!

        Evidemment, nous nous construisons dans nos rapports avec les autres et le couple est une bonne occasion de s'améliorer, mais l'attachement est souvent une petite fermeture... Il y a le risque aussi de ne plus dominer seul, mais à deux! La famille notamment peut produire l'exclusion: il y a elle et le monde! (Il n'en demeure pas moins que l'être seul verra régulièrement sa vie comme absurde!)

        Par ailleurs, si la solitude a souvent un goût terrible, c'est bien parce que la majorité n'en tâte pas! Ce qui veut dire que rares sont ceux qui recherchent le bien et le chemin de la sagesse! N'oubliez pas que le tyran préfère haïr tous ceux qui lui échappent, qui ne lui sont pas asservis, qui montrent dans la rue de l'indépendance: c'est tellement plus simple!

        Mais n'est-ce pas triste de rester figer dans son égoïsme? N'est-ce pas misérable d'être le jouet de sa peur? Quelle petite vie que celle du tyran, alors que l'infini frappe à notre porte! Ses grands vents ne demandent qu'à nous porter!

        Les joies de la sagesse sont sans troubles, inaltérables! Celui qui est seul ne peut pas résister à l'angoisse par le mensonge! Sa nourriture est forcément bonne: le pionnier doit trouver des solutions solides, sinon il ne survit pas!

         Et la qualité de sa récolte, de son bonheur est là pour attester de la valeur de son travail! Le sage n'en finit pas de voir qu'il a raison! Ce qu'il comprend se vérifie chaque jour! surtout la cécité, l'hypocrisie, le mal produits par la domination!

        Evoluer, c'est trouver du sens, et c'est pourquoi le sage connaît une joie sans égale! Sa jouissance n'est pas éphémère, elle ne cesse de grandir et doit même s'étendre par-delà la mort!

        Si au contraire c'est sa haine ou son trouble qui augmentent, c'est qu'il se trompe lui-même et qu'il est sur le mauvais chemin!

        Il est vrai que la société commence par nous inculquer l'esprit de compétition, mais il ne peut en être autrement: la jeunesse est un fruit vert et il est normal qu'elle se préoccupe d'abord d'elle-même: elle est aussi inquiète qu'égoïste!

        Galvaniser les énergies, faire croire en soi, stimuler les qualités est un bon départ pour la vie, mais une fois dans le monde adulte, on s'aperçoit que ce n'est pas aussi simple, que les "dès sont pipés", si je puis dire. Tout y devient mouvant, incompréhensible et hypocrite. Même le sport, qui devrait permettre à notre domination de s'exprimer sans danger, est corrompu: l'avidité et les inquiétudes y sèment notamment le dopage!

        Celui qui n'est pas satisfait, dont l'âme est grande, se met donc à chercher. Il veut des réponses et il ne rencontre pas la solitude sans trembler... Celle-ci fonctionne comme la pression pour un plongeur, ou comme un ouragan pour une maison! Il est des moments où l'individu est écrasé, balayé par l'angoisse! Il a beau se rattacher de toutes ses forces à ce qu'il croit, il finit tout de même par se demander s'il n'est pas dérangé!  

        Mais l'expérience enseigne que la patience fait résister à tout et cette récompense est grande: on ne craint plus les tempêtes!

        Aujourd'hui, c'est le printemps et c'est un peu le chaos! Nous sommes comme des bourgeons qui s'ouvrent... Nous sentons nos forces revenir, mais l'hiver nous retient encore... et nous mêlons excitation et repli sur soi, ce qui fait notre maladresse!

        L'égoïsme de certains pourtant éclate déjà! C'est leur tyrannie qui fleurit! Et elle fatigue dès à présent le monde!

        La vigueur du sage va au contraire servir les autres... Son travail dans la solitude l'a rendu disponible!

  • Des repères

    Des reperes

     

     

     

     

     

     

        Il est des jours gouvernés par la peur, l'anxiété! Et nous sommes tous alors sous le joug de ce sentiment dès notre réveil! Pourquoi en est-il ainsi? Il nous faut admettre qu'il y a des conditions favorables et d'autres non...; car la personnalité de chacun ici n'est pas en cause; c'est un effet de la nature qui nous échappe et qui est général! On peut s'en rendre compte en observant les individus dans la rue, ce qui demande bien sûr d'avoir les yeux ouverts et non d'être fixé sur soi!

        Mais ces jours où règne l'angoisse sont peut-être plus intéressants que les autres, car ils nous permettent de voir si nous sommes solides ou non; un peu comme on apprend à connaître la valeur d'un bateau, quand il est éprouvé par une tempête! Inutile de vous dire que ce qui n'est pas vrai, ce qui est hypocrite ne résiste pas et est emporté sous le souffle de la panique! En fin de compte, il ne reste plus que le tuf; nos viscères pour ainsi dire, et c'est pourquoi j'ai intitulé cet article Des repères, car nos réactions face à l'anxiété vont nous situer, vont dire qui nous sommes et quel est notre degré d'évolution (n'ayons pas peur des mots!)!

        Précisons d'abord que les hommes et les femmes ont eu une manière différente d'affronter leur angoisse! Les hommes ont volontiers recours au rapport de force, tandis que les femmes font appel à la séduction: à chacun ses armes, pourrait-on dire!

        Mais examinons en détail ces attitudes... Elles sont simples à comprendre du moment qu'on regarde dans la bonne direction, et en l'occurrence vers le règne animal! Comment se comportent en effet les animaux dès que les conditions deviennent difficiles, quand la survie est menacée? La réponse est claire: ils sont sans pitié, ils se battent et c'est le plus fort qui triomphe! C'est lui qu'on voit reparaître au round suivant!

        J'ai déjà cité ailleurs l'exemple des crocodiles dans le marigot qui s'assèche et c'est à qui profitera le plus longtemps d'une place dans l'eau; la chaleur, la sécheresse, le manque de nourriture tuant les vaincus! Pour les humains, les choses ne sont pas très différentes: plus la situation est troublante, sentie comme âpre, et plus la majorité cherche à s'imposer! D'une manière générale, moins un individu est évolué et plus il voudra satisfaire son égoïsme! C'est sa domination qui comptera et qui voudra s'exercer!

        Chez les hommes, cela se traduit par des airs de défi, des regards chargés de haine, à l'égard d'autres hommes! Il s'agit de montrer qu'on est supérieur! C'est instinctif et c'est une réaction produite par l'inquiétude! Cela révèle aussi malheureusement un degré d'évolution voisin de zéro! Et s'il n'y avait pas de lois, un code social, une éducation; l'angoisse nous conduirait d'abord à l'agressivité et très vite à la pire des violences; comme si nous étions nous-mêmes dans ce marigot réduit à une peau de chagrin, à nous donner des coups de dents!

        Le sage sera d'ailleurs volontiers pris pour cible, car par son calme il sera vu comme dominant! Or, vaincre un enfant, pour un homme, n'a rien de gratifiant! Il faut donc que celui qu'on défie ait apparemment de l'importance; ainsi la victoire (et il suffit que l'adversaire baisse les yeux) créera un sentiment de confiance, revigorera l'amour-propre, donnera du baume au cœur, mettra en veilleuse l'anxiété! Rien ne vaut, pour le primate que nous sommes, une belle petite haine bien distillée! Evidemment, ce n'est pas le cri du gorille mâle qui est le plus fort; il y a moins d'ampleur, mais il ne faut pas non plus alerter la police! Pour durer, sachons rester humbles!

        Mais le sage donc doit s'attendre à des coups d'œil mauvais, à des provocations feutrés, fugitives, et il saura à quoi s'en tenir! Il pourra se dire: "Tiens, il pleut de l'angoisse! Et les singes sont de sortie!" Il veillera bien évidemment à ne pas les imiter; le sage ne travaille pas pour rien; toute son énergie lui sert pour comprendre et évoluer; ce qui l'amène bien entendu à se détacher de la haine et d'autres fariboles du même genre! Le sage essaiera d'être un ouvrier de paix et sa lutte contre l'angoisse ressemblera à une lutte de titans! Pas question de prendre un autre pour paillasson, afin de régler le problème! Nous sommes ici entre gens courageux et de bonne volonté!

        Du moment qu'on évolue, on s'écarte du troupeau et tout devient alors difficile! Il faut parfois soutenir tout un monde tout seul, comme un Atlas perdu dans la foule; alors qu'autour la plupart se croit à la fête foraine et si on veut se moquer du monsieur, eh bien, on le fait!

        Le tyran croit à ses aises, et qui le lui reprochera! Il n'a pas la moindre idée de ce qu'est un effort! Le monde doit tourner autour de lui! "Heureuses les taupes!" pourrait-on dire... Mais non, les aveugles et les égoïstes ne connaissent pas vraiment la paix! Comme les animaux, ils sont toujours sur le qui-vive! Sont-ils assez hauts? Dominent-ils absolument? Ne cherche-t-on pas à les remplacer? Ne veut-on pas les voler? Le tyran vit dans une ménagerie, avec des voisins en costume!

        La lutte du sage, elle, est profitable; elle conduit à des progrès durables et bienfaisants! Mais si les hommes se grattent toujours sous les aisselles, les femmes, pour répondre à l'angoisse, font usage de leurs charmes! Ah! (Nous voilà soudain tel le loup de Tex Avery!)

        Cependant, la réaction des femmes n'est pas plus constructive que celle des hommes... Elles sont tellement inquiètes qu'elles essaient d'attirer l'attention sur elles de toutes les manières! C'est souvent grossier, voire vulgaire et parfois pathétique! L'homme doit alors marcher sur des œufs, s'il ne veut pas blesser! Mais certaines réactions peuvent être méprisantes, haineuses, injurieuses, car des femmes ne supportent pas de voir leurs avances repoussées et par là elles montrent tout leur orgueil, toute leur sécheresse, leur pauvreté d'âme, et on se dit qu'on l'a effectivement échappé belle!

        Car quelle serait une relation avec ce genre de personnes? Poussé par la peur, on aurait dit oui et on n'aurait vu que le masque! Quelques mois plus tard, on serait dressé à la baguette; on serait le Marines de madame! Les femmes tyrans ne sont pas moins nombreuses que les tyrans masculins; un sexe n'est pas plus évolué que l'autre!

        En tout cas, on voit bien que la solution féminine, qui cherche encore à satisfaire l'égoïsme ou l'amour-propre, que cette solution instinctive n'est pas meilleure que celle des hommes, car ce qui permet justement de comprendre et vaincre l'angoisse est un effort de la conscience, de la raison! C'est un changement en profondeur, et d'une manière générale, là où il y a ressentiment et violence, ce n'est pas le bon chemin!

        Tout être qui veut évoluer doit s'armer de patience! Et celui qui se lève ne doit pas compter sur les autres! La facilité, c'est, face à l'angoisse, défier les autres, ou vouloir les séduire! C'est encore dominer! L'homme fort passe hautain; la femme belle méprise dans son sillage, ou bien la mère de famille joue au yoyo avec ses enfants! Ce sont tous des comportement qui rassurent, mais qui au fond ne résolvent rien! Il faudra les répéter à chaque fois qu'on sera dans la même situation, comme les animaux qui chaque jour refont la même chose, parce qu'ils n'ont pas la capacité de vraiment inventer! Et avec le temps, ce sera de plus en plus difficile: les forces diminuent, la beauté se flétrit et les enfants grandissent!

        Le tyran ne peut que le devenir encore plus! Autre repère! A moins de croire au miracle... Et si vous allez mal, ce sera encore pire dehors, car la majorité refuse d'évoluer!

        Evidemment, la famille semble un remède idéal contre l'angoisse... Elle forme comme un tissu qui protège du monde extérieur... On fait partie d'un clan qui s'entraide; les uns prêtant l'oreille aux autres et les rassérénant!

        Mais la famille entraîne aussi une certaine cécité, comme si on restait enfermé dans des langes... La mort coupe en morceaux celles-ci et semble pousser chacun à se "mettre debout"; les affections ayant été détruites. Chacun doit faire face à son destin et c'est ce qu'apprennent sans doute trop tôt celui ou celle qui jouent le rôle de la brebis galeuse dans la famille, car apparemment il en y a toujours une!

        Le "paria" ouvre les yeux sur l'égoïsme du clan et du monde; il en souffre certainement et à bien des égards, il est plus vite mûr que ses frères et ses sœurs!

        Pourtant, la solitude n'est pas à envier...; mais entre faire le mal, même par ignorance, et elle, il n'y a pas à choisir!

        Je me rends souvent à un supermarché Bio, mais à peine y suis-je entré qu'il m'est impossible de faire mes courses d'une manière convenable, agréable! Je voudrais me laisser inspirer par la richesse et la nouveauté des produits, mais c'est impossible! Les clients et le personnel sont si énervés, si immatures, si égoïstes, si pleins de tensions, qu'ils pressent tant que me voilà décervelé, incapable de la moindre imagination, contraint d'acheter à peu près toujours les mêmes choses, afin de n'être pas venu pour rien; alors que c'est normalement un magasin destiné à augmenter la qualité de la vie!

        Imaginez un monde où on arriverait à expliquer logiquement aux gens que la domination, qui leur est instinctive, est une impasse, puisqu'elle ne peut que conduire à la tyrannie! Imaginez les gens ne cherchant plus à se faire valoir, à attirer l'attention sur eux, mais au contraire tournés sincèrement vers le monde extérieur, vers les autres!

        Mais nous serions alors respectueux et même solidaires sans efforts! Comme la vie nous deviendrait légère! L'angoisse n'aurait aucune prise sur nous!

        Ce qui crée l'abîme, le chaos et par là même la méfiance, le trouble, la peur; mais c'est la tyrannie! C'est elle qui produit le déséquilibre! Comment pourrait-on être à l'aise dans un monde où majoritaires sont ceux qui demandent de l'admiration, sous la menace qu'on devienne la cible de leur haine ou de leur colère!

        De quel droit se conduit-on ainsi à l'égard des autres? Vaut-on plus qu'eux? Sont-ils voués à la condition d'esclaves?

        Cependant, c'est le printemps (viendra-t-il jamais?) et nos comportements devraient s'adoucir... A l'instar des animaux, nous sentons que la vie va devenir plus facile, la lutte sera moins pénible...; ne serait-ce qu'au niveau des températures... Le soleil nous rend plus patients, plus aimables, mais c'est aussi le moment de faire le bilan de l'hiver, et ici on a droit à quelques surprises!

        Si on veut progresser, il faut savoir regarder et si on fait le tour de son entourage, même en comptant les personnes que l'on connaît seulement de vue, il y a de quoi frémir!

        D'abord, certaines sont parties avec le mystère de la mort! D'autres sont à l'hôpital, victimes d'un accident, mais en réalité de leur angoisse! D'autres encore sont plâtrées, handicapées pour le printemps; leur blessure a été l'ultime moyen pour que leurs tourments s'arrêtent!

        Et puis il y a ces individus qui font peur! Ils ont subitement vieillis de dix ans! Leur cheveux à présent sont blancs ou tombent en masse! Ils sont à peine reconnaissables! Ceux-là ont trouvé plus forts qu'eux! Ils se sont voulus eux-mêmes tyrans et ils ont croisé plus méchant et plus cruel! comme dans la mer où il y a toujours un poisson plus gros et plus vorace!

        On note enfin quelques êtres en mutation, avec des têtes de boxeur ou un gros bouton sur la joue, ou déformés par une surcharge pondérale qui fait pitié!

        Enfin, en attendant des jours meilleurs, je vous ai retrouvé un vieux 45 tours, qui s'intitule: "La chanson du tyran"! Il grésille un peu, mais attention, je le mets sur le pick-up!

    "C'est moi l'tyran!

    Yak moi qui compte!

    J'vais m'empirant!

    Mais appelle-moi comte!

     

    D'après Darwin,

    C'est moi qui "win"!

    D'après Sigmund,

    Chuis Paramount!

    Comme un p'tit poids,

    J'vois le monde!

    J'l'avale et quoi?

    Chuis toujours immonde!

     

    Refrain:

    C'est moi l'tyran!

    Yak moi qui compte!

    J'vais m'empirant!

    Mais appelle-moi comte! Etc."

     

     

       

       

  • De l'équilibre

    De l equilibre

     

     

     

     

     

     

        Répétons-le jusqu'à ce que ça rentre: la psychologie et a fortiori la psychanalyse sont des illusions! Ce sont des illusions parce qu'elles s'appuient sur un présupposé qui est faux, à savoir que l'ensemble, la société possède un équilibre général; de sorte que c'est à l'individu isolé et qui souffre de se remettre en question!

        Mais l'équilibre de l'ensemble n'existe pas! Il y a à peine plus de soixante ans, en Europe, on se tuait par millions! Aujourd'hui, nous sommes plus prudents; nous accordons plus de prix à la vie et cela va de pair avec notre individualisation croissante! L'homme moderne a bien plus conscience de sa valeur et de sa liberté que les populations des temps passés!

        Mais qu'est-ce qui constitue ce soi-disant équilibre du plus grand nombre? Apparemment, c'est la réussite sociale! C'est une intégration et des rapports avec les autres sans problèmes! Mais cela, c'est la surface, c'est la vitrine, à laquelle on peut tenir plus qu'à la prunelle de ses yeux! pour laquelle on peut mentir, mépriser, écraser et même tuer! En effet, derrière le rêve, il n'y a rien! ou plutôt il y a toutes les peurs qu'on n'a pas voulu connaître et qui avec le temps ont pris les proportions d'une tempête sidérale! Et c'est la panique et l'effroi qui sont essentiellement à l'origine des plus grandes violences, des plus extrêmes!

        En réalité, nous obéissons d'abord à nos instincts et celui qui nous est le plus fondamental nous pousse à imposer notre personnalité! C'est un héritage animal issu de la sélection naturelle et qui est valable aussi bien pour les hommes que pour les femmes! Nous voulons donc viscéralement nous montrer supérieurs, ce qui implique la satisfaction de notre égoïsme, et nous comprenons bien que nous ne pouvons pas ne pas faire de victimes! Ce sont tous ceux que nous avons "vaincus" et qui à côté de nous se sentent justement inférieurs! C'est la logique de notre comportement! S'il y a des gagnants, il y a forcément des perdants!

        Evidemment, il y a des lois qui nous protègent des excès: la civilisation n'est pas la jungle! Mais il n'en demeure pas moins que nous faisons le mal au quotidien et sont toujours incroyables ceux qui le découvrent seulement quand il devient "hors la loi"! Nous méprisons, nous haïssons, nous piétinons en toute impunité! Et c'est cela que nous appelons notre équilibre! Car bien entendu notre personnalité se nourrit de ses victoires! Elle s'affermit sur ses succès et elle semble alors avoir raison! Elle triomphe comme un soleil!

        Elle oublie que dans son sillage il y a des gémissements, des grimaces, des douleurs, du désespoir et parfois pire! Les victimes voient au contraire leur intégrité fragilisée! Le doute les morcelle, les fouaille, les empoisonne! L'échec les mène à la dépression; elles ont l'impression d'être en face d'un mur invisible, d'autant que rien n'est dit! rien n'est expliqué! Tous les sentiments qui réjouissent l'amour-propre sont tus! On souffre dans le brouillard et bientôt on n'a plus que l'existence d'un fantôme!

        Pendant ce temps-là, les victorieux continuent leur "tapage", jusqu'à ce que eux aussi "tombent"! C'est inévitable! Si notre équilibre dépend de notre supériorité, il nous faut vaincre régulièrement et de plus en plus (les inquiétudes se pressent à notre porte!)! La paix, le temps sont nos ennemis, car ils dévoileraient l'absurdité, le vide de nos vies! L'orgueil est notre maître et il nous commande de blesser! Le petit tyran que nous sommes ne cesse de grandir et on se donne tant d'adversaires qu'on finit par succomber (du reste la vieillesse nous enlève nos forces...)! Et puisque notre santé mental se maintenait grâce au mal, elle est suivie de la folie, de la maladie, quand celui-ci devient impossible! Notre domination est une impasse!

        On pourrait croire que je brosse de la société un bien triste tableau et on me parlera des affections, de l'amour, des sentiments! Mais qui aimons-nous? Nous aimons ceux qui nous valorisent! et notamment les enfants, car outre qu'ils sont sans défenses, dans leur regard, nous apparaissons a priori comme des dieux!

        Mais qui détestons-nous? Nous détestons tous ceux qui nous humilient, qui ignorent l'importance de notre amour-propre! et notamment les enfants quand ils se révèlent incapables de faire notre fierté! C'est si facile de blesser un être tendre, pour retrouver le goût de l'autorité!

        Il est impossible d'exclure notre désir de dominer de nos amours ou de nos amitiés et nous vivons ni plus ni moins comme des animaux sophistiqués! Et il est incroyable que ce ne soit pas aussi clair pour le plus grand nombre!

        Ah! Mais refouler ses instincts conduit à la névrose! Ah! Mais le psychiatre, qui regarde de travers le patient qui ne l'admire pas, ne fait pas le mal! Ah! Mais la femme qui vole son tour, dans une file d'attente, ne fait pas le mal! Ah! Mais celui qui se cure l'oreille, comme si son interlocuteur n'existait pas, ne fait pas le mal! Ah! Mais cette hôtesse d'accueil qui a l'air dégoûtée, avant même de savoir de quoi il s'agit, ne fait pas le mal!

        Je sui sûr que chacun peut rajouter plusieurs exemples à cette liste, qui pourrait être infinie, et à ce compte-là, comment espérer évoluer? Et le résultat est effrayant, accablant! Ce sont ces visages de pierre dans la rue, ces démarches pesantes, ces grimaces au supermarché, alors que l'autre moitié de la planète ferait n'importe quoi, pour avoir sa part du gâteau!  

        Ce sont ces hôpitaux surchargés, asphyxiés! Ce sont ces sirènes si nombreuses qu'elles pourraient rendre fou! Ce sont ces jeunes qui "zonent" avec leurs chiens, ou qui s'abrutissent avec de l'alcool! Ce sont ces actes de vandalisme commis chaque week-end: vitres de voitures brisées, pneus crevés, cadavres de bouteilles!

        Ce sont tous ces gens, altérés de respect, de reconnaissance, qui ne demandent qu'un regard! car les tyrans, s'ils utilisent les autres, ne les voient pas!

        Et par-dessus ça, c'est l'immense et immonde panier de crabes de la télévision, grouillant, se pinçant, se grimpant sur les carapaces! Et par-dessus ça, c'est la ronde éternelle des belles voitures, dont les propriétaires voudraient qu'on les admire, comme si c'était sérieux! comme si on n'avait que ça à faire!

        Ah! Il est beau notre équilibre!

        Je vois souvent des tyrans déjà malades... La dépression les ronge; leur mémoire défaille; ils sont pris de tremblements ou l'hypertension les fige; quand ils ne disparaissent pas subitement, victimes d'un cancer foudroyant!

        Ils sont comme des morceaux de sucre qui se désagrègent, sous une eau qui goutte...

        Pourtant, au prix d'un incroyable effort, ils continuent à parler d'eux! à se mettre en avant! à faire valoir leurs mérites, leur connaissances! Je les laisse faire..., car ils sont comme des crocodiles qui donnent leurs derniers coups de mâchoires, dans le marigot qui s'assèche et qui les épuise!

        Ils sont comme des marionnettes qui s'efforceraient de se redresser toute seules!

        Je pourrais les aider, les soulager...; mieux que la médecine, qui leur a déjà prescrit un traitement, mais qui ignore les racines les plus profondes de leur mal; tout comme la psychologie d'ailleurs!

        Ces personnes n'ont jamais été des enfants douloureux, éteints; au contraire, elles ont toujours eu confiance en elles! et c'est ce qui a permis leur réussite! Leur situation est devenue prospère et elles sont encore des modèles d'équilibre, selon les critères de la société! Elles ont pignon sur rue; elles ont créé une famille et leurs proches les aiment et leurs voisins les respectent! Certaines savent diriger du personnel et n'ont pas peur des responsabilités!

        Et pourtant elles ne sont plus que l'ombre d'elles-mêmes et leur agonie est inéluctable!

        Je pourrais leur dire: "La première chose pour que vous souffriez moins, c'est que vous arrêtiez de vouloir être le centre d'intérêt! Vous ne mesurez pas à quel point cela vous fatigue! Reposez-vous dans le silence, en vous montrant curieux des autres par exemple..."

        Mais quelle serait la réaction? La stupeur figerait les visages; la haine s'allumerait dans les yeux; on me trouverait soudain insupportable et je serais obligé de m'en aller!

        Mon remède n'aurait servi qu'à produire la fureur!

        Quand quelqu'un, pour grandir, se donne pour seul aliment la satisfaction de son amour-propre, il ne peut pas d'un coup changer de régime! Car c'est justement le sentiment qu'on est meilleur que les autres et qu'on n'a donc de conseils à recevoir de personne qui tient en vie!

        Et c'est encore ce seul sentiment qui repousse les inquiétudes... Il n'y a apparemment rien d'autre à leur opposer... et voilà pourquoi on a l'air d'un poisson échoué! à la recherche de la moindre impression de son importance!

        Que d'efforts en vain! Quelle litanie inutile! Quel spectacle navrant! Quel gâchis! Quelle crécelle du malheur! L'individu n'est plus qu'une machine qui s'abîme! Il est perdu et il y a pourtant une clé au mur!

        L'homme n'est pas fait pour vivre comme les bêtes; il ne peut pas se raccrocher à son égoïsme comme à une planche qui serait son salut! Sa conscience lui murmure trop bien comment il est seul dans le cosmos et combien sa destinée peut sembler absurde!

        N'est-ce pas étrange de chercher à se développer, pour donner les meilleurs fruits, tout en étant condamné par la mort? Comment supporter l'injustice à ce compte-là? La plupart ne préfèrent-ils pas d'ailleurs garder leurs illusions?

        La seule issue, c'est de donner à notre principale qualité, la conscience, toute sa richesse! Son trésor s'appelle la sagesse et c'est elle qui produit l'homme nouveau!

        L'homme nouveau! Quel sera son profil?

        A la lumière de ce qui a été dit, on comprend bien que l'équilibre de l'homme nouveau ne reposera pas sur la domination, même si l'amour-propre doit être satisfait, car on ne peut pas, et c'est heureux, anéantir l'instinct!

        L'homme nouveau se réjouira donc de découvrir les lois de la sagesse et de les voir exactes!

        L'homme nouveau sera fier d'évoluer, car c'est toujours plus de tranquillité et de disponibilité!

        L'homme nouveau évitera le tyran, qui veut être admiré et qui hait quand il ne l'est pas!

        L'homme nouveau ne sera pas dupe de la sévérité!

        L'homme nouveau aura pitié de la multitude, car elle est aveugle et se détruit!

        L'homme nouveau pourra soulager, mais sans s'épuiser!

        L'homme nouveau favorisera la croissance des autres!

        On recherchera le regard de l'homme nouveau!

        L'homme nouveau sera doux, mais solide!

        L'homme nouveau lira en chacun!

        L'homme nouveau suscitera l'étonnement!

        L'homme nouveau semblera toujours se promener!

        La paix guidera ses pas!

        L'homme nouveau rira de ses peurs, car elles sont comme les abeilles autour d'un ruche!

        L'homme nouveau aimera le temps, pour le rendre éternel!

        L'homme nouveau sera parfois heureux d'une manière infinie, car rien, pas même la mort, ne saura l'atteindre!

        L'homme nouveau chantera alors comme l'oiseau!

        Sa vie aura l'air d'un arc-en-ciel!

        Il finira comme un enfant marié au soleil!

  • De l'emploi

    De l emploi

     

     

     

     

     

     

        _ Dis, grand-père, raconte-nous une histoire!

        _ Eh! Mais n'est-ce pas l'heure pour les enfants d'aller se coucher?

        _ Oh! Grand-père, tu nous avais promis!

        _ Je n'ai rien promis du tout!

        _ Grand-père, une histoire! Une histoire!

        _ Bon, mais après, vous irez au lit!

        _ Promis, grand-père!

        _ Hum! Alors... Hum! Je vais vous raconter l'histoire d'un ogre...

        _ Super! Chouette! Un ogre! Grrrrr!

        _ Eh oui! Un ogre... Il s'appelait L'Emploi!

        _ Comme le travail?

        _ Oui.

        _ C'est un drôle de nom, grand-père!

        _ C'est aussi une drôle d'histoire, les enfants!

        _ Et il était méchant, L'Emploi, grand-père?

        _ Terrible! Il était si grand que sa tête avait l'air dans les nuages! Et quelquefois des enfants, cachés dans les buissons, regardait son dos immense... Mais alors il se retournait brusquement et se penchait vers eux...

        _ Oh!

        _ Oui, les enfants étaient effrayés... et ils s'enfuyaient! Mais l'ogre les suivait avec son énorme œil noir comme une cheminée!

        _ Ouh! Tu nous fait peur, grand-père!

        _ Eh! Eh! Même le roi craignait L'Emploi!

        _ Même le roi?

        _ Oui, même le roi! Chaque jour, il demandait à tous ses conseillers: "Et l'Emploi, où en est-il? Comment il va? Qu'est-ce qu'on peut faire pour lui? Veut-il quelque chose?" Il posait toutes ses questions, car personne ne voulait mettre L'Emploi en colère!

        _ Oh non!

        _ Y avait même des spécialistes qui donnaient leur avis!

        _ Des spécialistes?

        _ Oui, des économistes, on les appelait! Toute la journée, ils essayaient de comprendre L'Emploi! Ils avaient des tas d'instruments de mesure! Ils étaient perchés sur le donjon et ils notaient des chiffres, dessinaient des graphiques... Ils surveillaient la santé de L'Emploi comme des docteurs!

        _ C'est vrai?

        _ Oui, comme ça de loin, sans approcher l'ogre, ils disaient: "Il est malade, il lui faudrait des vitamines, des légumes, des fraises des bois!" Ils cherchaient des remèdes, car si l'ogre souffrait; par exemple s'il avait mal aux dents; il pouvait se mettre à hurler, à s'agiter, à donner des coups de pieds dans les maisons, que sais-je!

        _ Oh là là!

        _ Mais même si on s'occupait de lui, L'Emploi était dur et sans pitié! Par exemple, s'il voyait un bois, il criait: "Coupez-moi tous ces arbres! On va construire ici des maisons, des usines!", ou bien il demandait de détruire une colline toute jolie, couverte de fleurs, pour faire passer une route!

        _ C'est pas gentil!

        _ Non, et si certains refusaient, parce qu'ils aimaient la nature, L'Emploi se mettait à gronder... "Vous ferez comme je veux! disait-il, car c'est moi le plus fort! C'est moi le chef!"

        _ Et on détruisait la petite colline?

        _ Oui... Il y avait pourtant une chose qui calmait L'Emploi: c'était la princesse!

        _ Ah!

        _ Oui, elle était fraîche comme une rose... et tenez-vous bien, les enfants, c'était une princesse qui travaillait! Elle était boulangère, elle vendait du pain chaque matin au pied du château!

        _ Eh ben...

        _ Oui et c'était un ravissement que de la voir, avec sa belle robe blanche.... et son magnifique sourire, qu'elle adressait à chaque client! Elle aimait son travail, elle se sentait utile... et elle ne savait pas à quel point, car pendant ce temps-là L'Emploi ne pouvait cesser de la regarder... Il rêvait, il était heureux quand il contemplait la princesse... Il s'asseyait dans l'herbe et restait tranquille... Tout le royaume profitait de cette paix et chacun en venait à penser qu'il faisait bon vivre! Mais un jour vint une sorcière, qui était pleine de ruses...

        _ Ouh! Une vilaine sorcière, grand-père?

        _ Oui, toute vieille, toute fripée, avec des boutons sur le nez!

        _ Beurk!

        _ Elle voulait du pain, mais elle n'avait pas d'argent! Elle dit pourtant à la princesse: "Tu es très belle et tu as l'air heureuse, mais il te manque tout de même quelque chose!" "Ah bon, et ce serait quoi ma pauvre femme?" voulut savoir la princesse. "J'ai là un parfum d'une fleur très rare, qui ne pousse qu'en Mongolie, expliqua la sorcière. Si tu t'en mets quelques gouttes, tu auras l'air d'un lys après la pluie et nul homme ne pourra te regarder sans être charmé!"

        _ Oh! oh!

        _ "Et quel est son prix?" demanda encore la princesse. "Deux pains! tu vois, je ne suis pas bien gourmande!" répondit la sorcière. Et l'échange eut lieu, les enfants! Le soir même, la princesse essaya le parfum... Il répandait une odeur délicieuse, qui enchanta la princesse et la fit s'endormir comme un ange. Hélas! elle ne se doutait pas que le parfum avait un pouvoir maléfique!

        _ Et c'était quoi, grand-père?

        _ C'est là que les choses se compliquent les enfants, car il n'y eut pas de changements spectaculaires! Le lendemain, la princesse avait l'air comme d'habitude... Elle vendait son pain avec le sourire, mais à chaque fois qu'on lui parlait du temps ou des problèmes des autres, elle faisait comme si elle n'avait rien entendu et elle se mettait à raconter quelque chose sur elle! A l'écouter, elle était la plus belle, la plus intelligente, la plus séduisante et même la plus courageuse!

        _ Eh bien, c'est beaucoup!

        _ C'était trop, les enfants! On était gêné de voir la princesse se donner autant d'importance, autant de qualités! On la trouvait soudain désagréable! Pourtant, on ne disait rien, car on ne voulait pas la contrarier, puisque c'était elle qui calmait L'Emploi!

        _ Ah oui! Si on avait énervé la princesse, c'aurait pu mettre en colère L'Emploi!

        _ Exactement! Mais un jeune chevalier passant par là se moqua un peu de la princesse! "Vous prétendez que vous êtes la plus courageuse, dit-il à la princesse, mais si une bande de brigands vous agresse, que ferez-vous?" Le chevalier demandait cela, parce que lui, il savait ce que c'était que de se battre! "Vous ne connaissez pas mon caractère de feu! répondit la princesse. Je chasserai vos brigands avec quelques mots bien sentis... et en les menaçant d'une fessée, si c'est nécessaire!"

        _ Hi! hi!

        _ Oui, c'est aussi cela qu'a fait le chevalier: il a ri! Mais la princesse s'est vexée: "Puisqu'ici on ne me prend pas au sérieux, a-t-elle répliqué, j'arrête de vendre du pain!" Et elle partit vers le château. Autour, personne ne comprenait pas la violence de sa réaction! Le chevalier n'avait pas voulu être méchant; il avait juste plaisanté... et ma foi, il avait exprimé le petit agacement que tous ressentaient au sujet du nouveau comportement de la princesse! Mais soudain, ce fut comme si tout le monde eût pris froid! Chacun commença à avoir peur: comment L'Envoi apprendrait-il la nouvelle?

        _ Han!

        _ Oui, le roi lui-même était inquiet! Il fit venir ses conseillers et aussi le chevalier... et tous se mirent à la fenêtre pour observer L'Emploi... Celui-ci était vert de rage et il tapait sur le sol, de sorte que tout le royaume tremblait! Il criait: "Où est ma princesse? Et pourquoi un chômeur de plus?" Un chômeur, les enfants, c'est quelqu'un qui ne travaille pas!

        _ Comme not' papa alors!

        _ Hein? Hum! Bon! Je continue mon histoire, les enfants... La situation paraissait désespérée, dans un bref délai les maisons pouvaient s'écrouler! Mais le chevalier aperçut dans les jardins du château la princesse en compagnie de la sorcière; et la plus jeune recevait une petite bouteille des mains de la plus vieille! "Voilà qui est étrange, pensa le chevalier qui connaissait de vue la sorcière. Ce flacon est peut-être la clé de l'énigme! Et cette nuit, j'en aurai le cœur net!"

        _ Et il a escaladé le mur du château, en s'agrippant à un lierre, qui montait jusqu'à la chambre de la princesse!

        _ Oh! oh! Je vois que j'ai affaire à des connaisseurs, les enfants! On ne peut pas vous surprendre! Et effectivement, au cours de la nuit, le chevalier entra silencieusement dans la chambre de la princesse! Elle dormait paisiblement... et ses longs cheveux noirs étaient comme des algues étendues dans la mer! Mais le chevalier avait un souci, il devait trouver le flacon... et quand il le découvrit, il vit que sur une étiquette il s'appelait: Vanité! Sans plus réfléchir, il échangea le parfum avec de l'eau et il repartit!

        _ Et alors, qu'est-il arrivé?

        _ Le lendemain, la princesse était de retour pour vendre son pain. Elle était aimable avec chacun et s'intéressait à tous! Elle ne parlait plus d'elle! Le pouvoir du parfum n'existait plus! Et L'Emploi avait lui aussi retrouvé le sourire! Le roi appela de nouveau le chevalier et lui demanda: "Comment expliquez-vous tout ceci?" "Mais sire, répondit le chevalier, travailler, c'est servir et aimeriez-vous servir, vous qui êtes le roi?" Non, parce que je suis le roi!" répliqua le roi. "Voilà, vous comprenez maintenant le comportement de la princesse, continua le chevalier. Un moment elle a cru qu'elle était la reine!" "Mais... mais elle le sera peut-être un jour, puisqu'elle est ma fille!" ajouta encore le roi. Le chevalier haussa les épaules: "Vous voulez vraiment fâcher L'Emploi?" dit-il pour terminer et il s'en alla.

        _ C'est fini, grand-père?

        _ Oui.

         _ Oh là là! Quelle histoire!

        _ Et maintenant, il est l'heure d'aller au lit!

        _ Bonne nuit, grand-père!

        _ Bonne nuit, les enfants!   

  • Du plaisir d'évoluer

    Du plaisir

     

     

     

     

     

        Je ne connais pas de plaisir plus ineffable que celui d'évoluer! Bien sûr, il y a le plaisir sexuel qui nous illumine comme un sapin de Noël, mais il est fugace et surtout il ne nous mûrit pas en profondeur: il nous "échappe" pour ainsi dire!

        Evidemment, il y a la science des caresses, l'"apprentissage" de l'autre; mais très souvent nous sommes pareils après l'amour, avec les mêmes soucis, et des fois cela peut être pire! En effet, quand on n'est plus aveuglé par le désir, quand il est enfin assouvi, on peut faire la grimace: le partenaire peut sembler une pieuvre avec un masque, quelque chose de repoussant, et commence alors la danse du mensonge, ou si on aime, on est à l'épreuve!

        Si c'est l'idylle, on n'en finit pas de se contempler, de se répandre; c'est sirupeux et non solide; on est sur la route de "Mièvre" et vite un marteau et un roc, qu'on attaque dans le vrai; qu'on construise! De l'air!

        Il y a encore le plaisir de manger quand on a les "crocs" ou de boire comme si on venait du désert, mais ces satisfactions, bien que vitales, n'en sont pas moins éphémères! Et si on parle d'évolution, on parle aussi de temps; y a pas moyen d'y couper!

        Mais avant de parler vraiment de notre sujet, commençons par dire un mot sur l'Evolution au sens scientifique; on donnera ainsi de l'extension, de l'ampleur à notre propos!

        Le paléontologue Teilhard de Chardin a inventé un mot, la Noosphère, calqué sur atmosphère; pour désigner la sphère de la pensée, la communication entre les hommes, le développement, l'extension de l'esprit!

        Car pour Teilhard, l'Evolution continue essentiellement en nous, en l'espèce humaine... Evidemment, cette vision ne fait pas l'affaire de la science matérialiste, car elle est anthropocentrique; elle place l'homme tel un apogée de l'Evolution, comme si celle-ci était dirigée!

        La plupart des scientifiques veulent avoir les coudées franches et croient ne pas pouvoir rester objectifs s'ils font tourner le paysage autour d'eux, si je puis dire. Se considérer comme une fin, c'est déjà préjuger; cela fausse les résultats... Seul le spectateur anonyme a bien vu l'accident, car il n'y a pas a priori d'intérêts!

        Pourtant, s'il y a bien une poursuite de l'Evolution; si on peut constater encore un développement vraiment important et même spectaculaire, c'est bien chez les hommes qu'on peut le trouver!

        "Attendez de voir la suite! s'écrient immédiatement des chercheurs, car qu'est-ce l'âge de l'humanité par rapport aux ères géologiques! J'serais curieux d'voir combien de temps vont tenir les hommes au regarde de celui des dinosaures!"

        Etrange réaction du monde scientifique, qui paraît se tirer une balle dans le pied! Etrange aversion pour soi-même! Etrange situation aussi, dans laquelle notre existence semble toujours aussi incompréhensible!

        La science matérialiste ne sait toujours pas quoi faire de la conscience: cadeau, accident, excroissance futile, instinct sophistiqué, boîte noire? Elle "refilera" peut-être la patate chaude à quelque E.T. de passage!

        Teilhard n'a jamais vraiment été aimé par ses pairs, qui le jugeaient pas assez rigoureux... Il n'a pas été plus appréciée par l'Eglise, bien qu'il fût jésuite; mais c'était un fervent défenseur de l'Evolution et à l'époque cette théorie sentait encore le fagot!

        Le Vatican n'a pas par ailleurs une meilleure position sur la question aujourd'hui: reconnaître pleinement l'Evolution, c'est accepter la fin, la destruction de la Genèse et on peut alors craindre pour le témoignage de Jésus... Mais Teilhard a montré qu'il n'en était rien! 

        Là aussi curieux mélange... Malgré le monde moderne, on continue de croire au diable et au péché originel! ce qui est prendre Dieu pour un imbécile, un sournois, un être mesquin! (Ceci étant, chaque cosmogonie ne pouvait pas être plus que la somme des connaissances d'une civilisation!)

        Reste qu'il est impossible de comprendre vraiment notre condition si nous ne prenons pas en compte que la sagesse se développe naturellement en nous; qu'elle a des lois que chacun peut apprendre; qu'elle invite la conscience à s'étendre tel un arbre infini! et que cela produit un plaisir de la même grandeur! C'est la jouissance d'un espoir sans bornes... et cela ne se refuse pas! 

        ("J's'rais tout de même curieux d'voir combien de temps vont tenir les hommes, au regard de celui des dinosaures!" fait malgré tout une voix hargneuse.)

        Bienvenue dans la Noosphère donc! Mais ça n'a pas l'air de vous enchanter! Vous pensez que c'est pas forcément un cadeau! rapport à l'anxiété, au volume quarante de Kant ou à tous les monstres que vous avez serrés dans le placard!

        Avec le temps, vous êtes devenu aussi prudent qu'un marines au Vietnam... De la fougère, la mort, la peur, la souffrance peuvent surgir à tout moment! Vous avez plus de trente ans de Noosphère derrière vous et vos yeux de vétéran se posent déjà sans chaleur sur les jeunes recrues!

        Vous savez que votre cerveau est comme une écumoire! Vous sentez comme les trous sont larges! Vous en avez froid à la tête (il vous faudrait peut-être un pansement...)! Vous vous demandez si vous n'allez pas subitement perdre un œil ou un bras! Cela semble impossible de tenir debout et vous préférez vous asseoir!

        On vous a obligé à jouer au Mikado au sommet d'une grue! ou bien vous avez compté les dents d'une scie, quand on vous chatouillait le menton! Vous pouvez être plus mince qu'une feuille à cigarettes!

        "Alors la Noosphère! Hein! Si ça intéresse quelqu'un, j'lui donne ma part! J'la vends pas! J'la donne!"

        Et puis il y a tous ces "Chinois" obscurs! qui ne font rien! qui vous narguent, vous poussent; qui braillent, qui font "la gueule"! qui suent, qui grimacent!

        Et puis il y a tous ces crocodiles, heureux d'être laids! qui vous croqueraient bien, qui se croient importants, qui se déplacent avec des bruits d'écailles!

        "Eh oui! Chapeau, la Noosphère! Les problèmes? Mais on les range avec un bulldozer! Les plaisirs? Un café, par-ci, par-là! Les bonnes nouvelles? Qu'est-ce que ça cache? J'ai marché près du râteau, là, non?"

        Pourtant, c'est passionnant!

        Bien sûr, il y a nos fatigues, nos doutes, nos énervements; mais cela reste tout de même enchanteur! Les spectres les plus hideux peuvent même devenir des curiosités!

        La machine, là, celle qui broie trente enfants à la seconde, va-t-elle prendre à droite ou à gauche?

        Tiens, elle sort un lance-flammes!

        Hi! Hi! Que c'est bon! ça brûle presque! Quasiment pile à l'heure! J'avais prévu une attaque c'matin... et il est midi! C'est la précision des lois de l'Univers!

        Quand on les connaît, tout devient facile! Les méchants sont aussi bêtes que les trains!

        Mais le plus intéressant, c'est s'améliorer soi-même! C'est étendre sa serviette, là où naguère on ne tenait pas en place, on se prenait la tête à deux mains! On sifflote maintenant, on a évolué!

        Hier, on criait presque; aujourd'hui, on est tranquille, on fait des mots croisés avec la vie!

        On demanderait presque une flèche empoisonnée, pour garder la forme!

        Rien ne vaut une attaque d'Indiens, pour vérifier que son revolver est bien graissé!

        A côté, y a des bagnards, des malades! On comprend, on voudrait les aider; on a l'antidote, mais ils n'en veulent pas!

        Oui, oui, leur boulet est lourd! Oui, oui, il faut des réformes! Oui, oui, tout ça, c'est la faute des rouges! Non? Des bleus! D'accord, des bleus!

        On sait de quoi souffrent ces gens; ils tournent en rond, ils n'évoluent pas!

        Leur haine, leurs jugements catégoriques finissent par fatiguer... On les quitte, c'est bientôt le printemps; les oiseaux chantent, la température remonte; elle prend son temps, comme nous!

        Les filles sont amusantes; elles sont comme les guêpes; elles agacent, puis leur beauté fascinent... et elles piquent, pour nous réveiller!

        Même la mort paraît drôle; elle est comme une sœur pour la vie!

        Et dire qu'il fut un temps où tout était noir! On suivait des tranchées; il pleuvait des bombes comme vache qui pisse!

        Mais on a tenu bon! On a fait les bons choix! On a eu raison! C'est pas absurde! On n'est pas dans un labyrinthe, avec des questions insolubles! Le gruyère est à portée de main!

        Et quel fumet! Mais au bout du compte qu'a-t-on (pas le Romain!) fait pour aller mieux? On est resté soi-même! On a été patient, confiant; on s'est efforcé à la simplicité; on a goûté le travail de l'arbre! On a attendu!

        Certes, on a été courageux! On a serré les dents! Mais surtout on ne s'est pas abusé! On a fui le mensonge; on a quitté la maternelle!

        La vie est un trésor inépuisable! On peut se mirer dans ses diamants! rigoler avec ses topazes! jouer avec ses émeraudes! rêver avec ses saphirs!

        Dehors, des fantômes passent... Ils murmurent, ils grincent, ils aboient presque; mais le bonheur n'est pas un os!

        Qu'est-ce qui use le plus? Le théâtre des vanités!

        Quel est le plus mauvais maître? L'orgueil!

        Il est sans pitié, il rend esclave, cruel! Il fait courir, il agite, il tord, il secoue ses marionnettes!

        L'égoïsme est comme une éponge aigre! C'est le sang des cadavres! C'est le rhumatisme du riche!

        Le sage a les pieds en éventail; le tyran calcule et donne des ordres à son état-major!

        Le sage est un idiot; le tyran a tous les diplômes!

        Le sage est un nuage, une musique; le tyran un poids de fonte, une fosse!

        Le sage est un reflet doré; le tyran a autre chose à faire! Il a des problèmes à régler! Il doit contrôler les "Russes" et le niveau d'oxygène!

        Le sage écoute, le tyran parle!

        Le sage aime le temps; le tyran le déteste!

        Le sage a pitié du tyran; le tyran le hait!

        Le sage vit, le tyran meurt!

        L'art d'être sage? C'est d'aimer même ses doutes! C'est d'en rire!

  • De la différence

    De la difference

     

     

     

     

     

        Se sentir différent est toujours difficile! On se retrouve seul dans sa propre famille, dans sa propre "maison"! On a les sensations d'un étranger et on souffre, et on ne sait pas pourquoi! Les autres ont l'air si à l'aise! Ils vont et viennent, tout à leurs occupations, à leurs projets! On paraît triste à côté d'eux... et on se demande ce qui nous manque!

        Bien sûr, même adolescent, on a entendu parler de certaines choses, venant de la psychologie... On connaît des mots inquiétants comme schizophrénie! On sait vaguement que ça veut dire à moitié fou, "dans son monde"! Le poison du doute coule dans nos veines; on doit avoir un problème, sinon on ferait partie de l'ensemble! 

        On se dit qu'on se regarde trop, qu'on se croit le centre du monde, que c'est ce défaut qu'il faut corriger, pour être aussi libre que les autres, aussi heureux! D'ailleurs, on est l'objet de beaucoup de reproches et on paraît si gauche, si perdu qu'autour ils rient, ceux qui sont cohérents! Pourquoi est-on si lourd?

        Parce qu'on réfléchit énormément sans doute! On analyse, on dissèque, on examine, car il y a quelque chose qui "cloche"! On a mal parce que les autres nous blessent, mais si on s'en plaint, les coupables nient toute attaque, toute action ou pensée malveillante: on est seulement la victime de son imagination! Il suffit peut-être de suivre le rythme..., d'imiter les comportements alentour; quasi de s'endormir comme dans un train!

        Mais de nouveau on nous réveille; on "veut notre peau" et ça hurle, ça crie, ça pousse, ça écrase, ça mord, ça cause de la peine! Et de nouveau on est dans le brouillard! Nos papiers étaient en règle, on contemplait le paysage, on était tranquille, on était poli, attentif, serviable; on était pour une fois "intégré"; on touchait nous aussi au bonheur... et soudain ce contrôle, cette colère, cette haine!

        Le problème ne vient donc pas que de nous, et pourtant c'est ce qu'on essaie de nous faire croire, et c'est pour cela qu'on ne comprend pas, qu'on navigue à la corne de brume! C'est peut-être au fond notre différence qui excite la haine! Car le groupe, lui, ne semble pas en souffrir! Mais alors cela voudrait dire que ses membres ne sont pas différents, qu'ils sont tous pareils! ou bien qu'ils ont signé un pacte! (Si c'est le cas, on n'était pas là ce jour-là!)

        On est comme Rouletabille sans sa vivacité! Les engrenages du cerveau ne cessent pas de fonctionner! " Donc, j'ai mal, mais c'est une illusion... C'est donc moi qui ai rêvé que j'ai mal... Les autres étaient dans l'autre pièce... et la porte de la salle à manger était fermée... Elle était fermée ou ouverte? Il faudra que je demande au domestique... Bien, on avance... Pour ne plus souffrir, il faut que je cesse d'être différent..., pour être comme les autres? Oui, mais si eux m'attaquent, ils ne doivent pas être bons! Ah! Mais je reviens à mon point de départ, qui est: ma peine est imaginaire! Voilà, au moins, ça c'est clair! (de notaire!)"

        Les années passent... On a été mineur en Alaska; on s'est marié trois fois! On a créé un journal qui a fait faillite! On a manqué de mourir de la rubéole! On a été indigné de voir l'invasion de Beltégeuse III, par Le Troisième quadrant! On a renoncé au tabac; on a construit un pont, aimé un chat; on a rompu tout lien! On a secouru des pauvres, lu beaucoup, pensé tout autant! On a même vu les amis réussir, devenir connus! Finalement, on est resté le même, aussi perdu, aussi différent, aussi compliqué!

        On aura tout raté! Une malédiction pesait sur nous! Non, on ne s'est pas assez analysé! On n'est pas remonté assez loin! Là encore, on n'a pas été à la hauteur! Irrécupérable pour soi, comme pour les autres, la société!

        Elle est toujours là! Rien ne paraît pouvoir changer! Et pourquoi cela le devrait-il? Ne vit-on pas dans le meilleur des mondes? N'est-ce pas notre différence qui était à changer? Si on souffre, c'est bien nous qui devons évoluer, non; c'est pas ça qui "traîne" un peu partout! Ah! Si on avait pu être comme les autres! Mais voilà on est "différent"! Voilà!

        Et les attaques, et les blessures, et les bourreaux, et les peines, illusion! Personne n'est méchant! A quoi bon?

       Mais pourquoi persévère-t-on? Si on se trompe du tout au tout, changer devrait s'imposer, être simple! La solution serait devant nous, comme un sourire engageant! Pourquoi y renoncerait-on! Et si c'était pas aussi simple? Et si notre nature, c'était justement notre différence, ce qui nous est viscéral? Autrement dit, en étant nous-mêmes, on souffre! Mais alors, la nature serait sadique, folle! sans logique! L'évolution ne serait qu'un mythe, comme la science!

        Qui se trompe? qui ment? Qui dit: "Je n'attaque pas!" et qui attaque! Qui dit qu'il ne connaît pas le plaisir? Qui abuse qui? Pourquoi s'ajusterait-on à ce qui est faux? Et si c'était l'ensemble qui devait se transformer et non pas nous-mêmes! Examinons le raisonnement suivant... Chacun est différent et donc conduit à devenir lui-même, unique, avec ses particularités! Chacun devrait donc connaître les mêmes difficultés (ou peu s'en faut), mais ce n'est pas du tout le cas! Au contraire! Celui qui se sent vraiment différent est exclu! Il est quasiment face à mur! Où sont ses frères de misère? ses compagnons de route?

        Et si les autres refusaient leurs différences? d'être eux-mêmes? Mais pourquoi le feraient-ils, mon Dieu? Pourquoi refuseraient-ils leur bonheur? Mais par peur par exemple... Hein? Quelle peur? Personne n'a peur! Chacun est responsable et fait son devoir!

        Ah bon! ça ne fait pas peur d'être soi; ça ne fait pas peur de dire "Je ne suis pas d'accord!; ça ne fait pas peur d'être lent quand tout va vite; ça ne fait pas peur d'être seul; ça ne fait pas peur de ne pas mentir, de ne pas se moquer, de se retenir, de montrer de la mesure, de paraître discret, tranquille, aimable, alors qu'autour on tempête, on juge, on jure, on frappe! ça ne fait pas peur de se sentir misérable, débile, incapable, repoussant même pour sa propre personne; ça ne fait pas peur de se croire dans la nuit en plein jour; ça ne fait pas peur de trembler sur ses jambes, écrasé sous le ciel?

        Et si les autres n'ont pas peur, pourquoi nous attaquent-ils? Pourquoi sont-ils agressifs? en colère? Qu'est-ce qui les inquiète à ce point? Qu'est-ce qui leur fait tellement peur? Ce serait pas notre différence, des fois? parce qu'elle montre qu'ils n'ont pas voulu de la leur? parce qu'ils n'ont pas cherché ce qu'ils étaient et ce qu'ils auraient pu devenir?  

        Ils protègent quoi? Si c'est la sagesse, si c'est la vérité, y a pas de quoi s'énerver! Il faudrait juste faire preuve de patience à l'égard de ceux qui sont un peu plus bêtes, qui sont mous du cerveau, qui ne savent pas se débrouiller avec leurs différences... Hein? Quand on est heureux et qu'on sait qu'on a raison, on ne peut qu'avoir pitié pour plus faible que soi! Pourquoi vouloir le faire danser et le traumatiser? Hein? A moins qu'on est peur bien entendu! Alors là tout s'explique!

        Et si le groupe avait peur et que c'était justement cette peur qui le cimentait! On tient quelque chose par là, non? Car on comprendrait les attaques... et pourquoi on peut pas s'intégrer! Car nous, on veut pas avoir peur! On veut comprendre, évoluer, connaître un vrai bonheur! C'est quoi cette existence de rat de cave qu'on nous propose?

        Hein? Mais regarde ma belle bagnole! Regarde mon pouvoir, ma situation! Et ma femme, comme elle est belle, hein? Et ma maison? Et tes chaussures, tu as regardé tes chaussures? C'est celles d'un minable! Peur, moi! A d'autres! C'est moi le caïd ici! Fainéant, va!

        OK! Mais alors pourquoi cette violence, cette colère, cette haine?

        _ Mais c'est dans ton imagination, tout ça! Tu sais bien ce que t'a dit le docteur! Tu es paranoïaque! Si au moins tu pouvais te rendre utile, au lieu de te contempler le nombril!

        _ Ainsi soit-il... et donc, vous n'avez pas le visage tout rouge? Vous n'avez pas les yeux qui jettent des flammes? Vous ne grimacez pas? Vous ne bavez pas! Vous êtes détendu, serein, aimable, patient!

        _ J'suis en colère parce que tu fais exprès de ne pas comprendre!

        _ A cause de ma mauvaise volonté?

        _ Exact!

        _ Et qu'est-ce que je dois comprendre?

        _ Peuh! Mais tout bon sang!

        _ Vous voyez, moi, je suis vraiment calme, sans haine même... Je ne m'énerve pas et savez-vous pourquoi? parce que je n'ai pas peur...

        _ Mais moi non plus!

        _ Et je n'ai pas peur, parce que j'ai voulu voir ma peur... J'ai accepté ma différence et je connais maintenant ma peur!

        _ Mais moi aussi!

        _ Mais tout à l'heure vous étiez en train de la nier!

        _ Va t' faire voir!

        _ Décidément, vous n'arrivez pas à vous calmer..."

        Bien, tous les protagonistes de l'affaire ont été réunis dans le salon... Il y fait bon, le feu crépite dans la cheminée et il n'y aura sans doute pas de problèmes d'inattention... Nous allons pouvoir expliquer les faits...  

        Voyez-vous..., dès le début de cette histoire, on nous a trompés! Vous vous souvenez? Lady Société agissait comme tous les jours! Son attitude était parfaitement normale! Et pourtant à quinze heures précises, on trouvait le corps de celui qui était différent dans la bibliothèque! Il y avait donc un assassin dans la maison... et un assassin très fort, puisqu'il nous faisait croire que le crime était absolument dépourvu de mobile!

        Le seul indice était cet acharnement avec lequel on avait frappé la victime... Quinze coups de couteaux révèlent une grande haine; une haine féroce, tenace! On devait beaucoup en vouloir à celui qui se disait différent! On avait manifestement tué sous le joug d'une passion violente!

        Quel lourd secret voulait-on cacher? Quelle avanie voulait-on venger? Qu'est-ce qui avait fait naître une telle envie de détruire? Quelle chose connaissait la victime que l'assassin redoutait? Lord Peur m'a donné un détail qui m'a éclairé sur le sujet!

        Souvenez-vous, au début de la soirée, il a dit: "Si quelqu'un refuse de me connaître et qu'il construit un barrage, celui-ci sera sans réelles fondations... Malheur alors à celui qui en dénoncera les défauts, car on ne voudra certainement pas tout refaire!"

        Eh oui! On profite du barrage... et... on pourrait tuer celui qui en discute la solidité, le bien-fondé même! Mais l'assassin a d'abord essayé de rendre fou celui qui se sentait différent! Rappelez-vous! Le "différent" rentre dans sa chambre et il y trouve le coq ensanglanté! Il est effrayé et sort pour appeler les autres, mais quand tout le monde revient dans la chambre, le coq n'est plus là! Et naturellement, on soupçonne la folie!

        Mais le "différent" a persévéré, c'est dans sa nature... et on l'a frappé, avec toute la haine que dictait la peur! Ce n'est pas une perte financière qu'on craignait, mais c'était justement toutes les peurs qu'on avait jusque-là évitées, chassées de son quotidien! On a tué à cause d'un abîme, ou de ce qu'on croyait tel!

        Vous êtes tous coupables dans cette pièce! Chacun a donné son coup de couteau! Et tout cela parce que vous n'avez pas voulu être vous-mêmes! être différents! Par peur! Et pour pouvoir tout de suite en profiter!

        Vous avez menti, à vous-mêmes et aux autres! Votre vie est devenue mauvaise, violente, haineuse, faute d'autres solutions! Vous n'avez pas cherché! Plutôt que d'évoluer, vous avez préféré détruire, c'est tellement plus simple! Par orgueil, vous êtes des assassins! Vous êtes des enfants... terribles, sanguinaires! Il vous fallait juste un peu d'humilité! Mais c'était déjà trop pour vous!

        Rien que vous et rien d'autre! Qu'on les emmène!

  • De la science

    De la science

     

     

     

     

     

     

        Disons-le tout net: la science nous ennuie, car elle est un peu comme le bébé qui vient de faire caca dans sa couche et qui regarde sa mère l'air de dire: "Je sais que ce n'est pas agréable, mais je n'ai pas pu faire autrement!" En d'autres termes, la science empoisonne notre quotidien, parce qu'elle croit détenir la vérité et que celle-ci doit être dite, même si c'est pénible! Bref, la science n'a pas le choix et nous non plus devant ses besoins!

        Mais la science comprend-elle vraiment le monde? Nous allons montrer qu'elle ne le fait qu'à moitié et que c'est justement pour cela qu'elle a des effets néfastes sur notre développement! Nous verrons comment les "apôtres" de l'objectivité nous brisent le moral, comme des spectateurs jettent des peaux de bananes sur un ring! Les scientifiques, des irresponsables? Nous le prouverons sans forcer! Mais auparavant il est bon de recadrer certaines choses...

         Malgré les apparences, la science, telle que nous la connaissons aujourd'hui, est une "invention" récente! Aux origines, elle est sans doute née de l'art, puisqu'elle est d'abord une observation, une description de la nature; ce que sont déjà les peintures pariétales!

        On pourrait m'objecter que le sens de l'art, en ces temps farouches, était sans doute très différent du nôtre... et effectivement il n'y avait pas encore de musée d'Orsay! D'ailleurs, je défie n'importe quel scientifique de me donner une définition satisfaisante de l'art!

        Cependant, on peut comprendre que le pouvoir de créer, le génie en quelque sorte, ait été rattaché très vite à la cosmogonie, au culte! La conscience appelle la conscience! Ceux qui ont essayé d'expliquer le monde, grâce à des dieux, se sont naturellement servis de ceux qui paraissaient les plus doués pour les choses de l'esprit!

        Ainsi, les premières connaissances étaient les lois du culte... et les premiers savants étaient des prêtres! Les druides en sont un exemple remarquable... et il faudra beaucoup de temps, comme on le sait, pour que la laïcité s'impose et permette à la science de prendre son envol!

        Il y eut pourtant des esprits scientifiques isolés et on ne peut qu'admirer comment ils ont abouti à de grandes découvertes, avec si peu de moyens! Par ailleurs, la science aime à rappeler ses martyrs, comme Galilée et Bruno, qui ont été les victimes de l'autorité religieuse...; mais pour combien de morts pour leur foi? Enfin passons...

        Le siècle des Lumières prépare la révolution... La philosophie s'affranchit du dogme de l'Eglise; elle réclame son indépendance, pour pouvoir étudier sans préjugés les phénomènes, la matière... La République s'installe vraiment au dix-neuvième siècle, qui sera celui de la révolution industrielle: les découvertes de la science sont mises en pratique!

        Le vingtième siècle est leur apogée: on passe de l'invention de l'électricité à l'ordinateur domestique! Un tel bond ne peut être comparé qu'à l'effervescence des arts au siècle précédent... et il sera peut-être unique dans l'histoire de l'humanité!

        L'Evolution invente "définitivement" la science moderne, ce qui fera dire à son principal auteur, Darwin, qu'il est agnostique: c'est-à-dire qu'a priori il ne sait rien, que seul compte l'objectivité, le résultat de l'expérience! La science purement matérialiste est née, défiant tout anthropocentrisme! et donc toute spiritualité!

        De plus, arrivée la dernière, la science est tentée de penser que tout ce qui l'a précédé appartient à l'obscurantisme, y compris l'art et la religion! Heureusement, elle s'est libérée de tous ces idiots qui par peur voyaient des dieux partout! Et en ce qui concerne les excités du pinceau ou de l'archet, grâce aux travaux de Freud, on sait quoi en penser! (Les seuls problèmes sexuels de Léonard ont de quoi faire frémir!)

        C'est pourtant curieux que la science, qui explique le génie artistique par la névrose et même l'autisme, ne se soit pas regardée elle-même dans le miroir! Ah! Mais peut-être a-t-elle trouvé une autre origine au génie scientifique d'un Darwin, d'un Einstein ou d'un Pasteur? Si oui, pourquoi restons-nous dans l'ignorance? Si non, c'est le serpent qui se mord la queue et il vaudrait mieux la mettre en sourdine, non?

        Toutefois, la science est devenue l'étrave de nos civilisations... C'est elle qui fait désormais  autorité pour comprendre l'Univers et nos misérables vies! La spiritualité ne correspond plus qu'à nos sentiments personnels, qui restent bien au chaud, dans le domaine du privé!

        La laïcité est certainement un bienfait, car la foi s'accompagne volontiers de passion et peut faire des victimes; mais nous aboutissons à une situation quelque peu étrange... D'un côté, une science qui progresse et qui nous vante ses découvertes; et de l'autre une opinion qui dit oui, oui, mais qui dans le même temps n'en pense pas moins, qui garde ses convictions! Tout se passe comme si le plus grand nombre savait inconsciemment la seule science insuffisante pour expliquer le monde! A méditer...

        Cependant, nous avons droit régulièrement, de la part de nos chercheurs, à des prédictions! Dame! Elles s'établissent sur des chiffres! Les faits sont là! Et il n'y a plus qu'à laisser aller la logique! (Toujours cette science victime de la vérité!)

        Inutile encore de dire que ces prédictions sont les plus pessimistes, et même les plus lugubres, les plus noires! Dans les années cinquante, c'est l'armement nucléaire qui allait pulvériser la planète! Toujours à la même époque, on prévoyait pour l'an 2000 une famine monstre: les trois quarts de la planète devaient en souffrir! Certains penseurs avaient même prévu de supprimer par prévention un pourcentage de l'humanité, pour qu'elle puisse continuer! Je n'invente rien: ces idées ont été développées dans différents articles...

        Et la dernière prédiction qui remporte la palme du désespoir, c'est celle de l'astrophysicien Hawking, qui nous annonce que nous devrons tôt ou tard quitter la planète! Bien sûr, il ne faut pas être dupe: Hawking a des actions chez Cook ou chez Samsonite!

        Cela peut paraître moqueur, mais nulle prédiction ne s'avère exacte! On n'en finirait pas de mesurer l'égarement des scientifiques, même si les problèmes qui les préoccupent sont eux bien réels! Mais il est impossible de prédire l'avenir! Il faudrait réunir toutes les connaissances des hommes pour cela; et encore!

        Ainsi, nul n'avait prévu le Printemps arabe! Et la crise des "subprimes" n'a-t-elle pas surpris le monde? Pour l'anecdote, quelques jours avant un tremblement de terre, des sismologues italiens affirmaient qu'il n'y avait aucun danger! Ils ont d'ailleurs été poursuivis par la justice, sans suite, mais le cas fera peut-être jurisprudence!

        Mais au fond qu'est-ce que révèlent les prédictions sinistres des chercheurs sinon leurs propres inquiétudes? sinon leur incapacité à être heureux, en paix avec eux-mêmes! sinon leur impuissance à vivre le moment présent? sinon que la science ne peut à elle seule être notre avenir?

        Demandons-nous ce qui est le plus utile, le plus efficace, le plus nécessaire? Quelqu'un qui nous alourdit, nous accable, nous fait peur? Ou bien quelqu'un qui nous libère, nous apaise et nous conduit à espérer?

        Qui croire? Celui qui est figé, tourmenté et triste, ou bien celui qui est fort, serein, ouvert? Si la paix ou la joie n'ont pas de bases solides, elles ne peuvent qu'être le fruit de l'ivresse, d'une excitation malsaine, et elles ne font pas longtemps illusion!

        Certains scientifiques rayonnent, car ils ont la vision d'une science qui ne serait qu'à l'aube de son développement et qui un jour résoudrait tous nos problèmes; mais nous ne pouvons les croire, car nous connaissons le cœur de l'homme et nous savons que ces personnes défendent d'abord leurs intérêts, leur raison d'être, leur égoïsme en somme... Nul ne peut se satisfaire de n'être qu'une brique dans l'édification d'un mur! Un tel détachement, une telle abnégation, un tel héroïsme ne sont permis que par l'hypocrisie et la naïveté! Que se passe-t-il quand la vieillesse et la proximité de la mort font ouvrir les yeux? quand on comprend le prix d'une vie? Qui paie alors les pots cassés? Qui essuie la haine due aux frustrations?

        Il ne s'agit pas bien entendu de nier les mises en garde de la science, de "faire l'autruche", mais les mesures à prendre, les réponses à donner, les nouveaux comportements à adopter ne doivent pas être dictés par l'épouvante, la menace, le "trop-plein"; sinon il y a naturellement rejet; l'esprit se ferme instinctivement! car il ne trouve pas sa nourriture!

        Si c'est écrasant, sans issue, on ne peut mobiliser l'énergie! Il faut que les hommes s'aiment pour qu'ils agissent! Rappelons que nous voulons d'abord sentir notre importance, notre valeur, et on peut nous sermonner, nous corriger, mais il ne sert à rien de nous étouffer, de nous accabler! Et c'est pourtant cet effet-là que produisent les déclarations comme celle de Hawking! "Il va nous falloir quitter la Terre!" "Mais où ai-je mis cette paire de chaussettes que j'aime tant? Je vous préviens: sans elle, je vais être malade dans la fusée!"

        Comment réagit un agriculteur à cette annonce, lui qui mieux que nul autre connaît la générosité de la terre? Il sait des choses sur la nature dont Hawking n'a absolument aucune idée! Que peut-il penser sinon que certains scientifiques n'ont plus de contact avec le réel et qu'ils sont payés à ne rien faire!

        Ah! Mais le spécialiste a une analyse plus globale et il devine l'avenir! Qu'on me permette d'en douter! Si on ne comprend pas les petites choses, comment pourrait-on évaluer les grandes? Un astrophysicien, hors de son univers de chiffres, a-t-il déjà admiré la force d'une graine?

        Si les adultes grincent des dents aux mauvaises nouvelles, les jeunes, eux, les absorbent et s'en désespèrent! On entend certains dire: "De toute façon, c'est foutu! C'est perdu! On a raté le coche!" Ils croient réellement que notre planète est condamnée et que toute leur vitalité est donc inutile! Comment alors ne pas comprendre leur désir de s'assommer, de se "supprimer" avec de l'alcool? Quelle douleur, quelle angoisse ne doit-on pas ressentir à se développer dans un monde mort?

        Et les propos sinistres, inquiétants et catégoriques de la science ne font qu'amplifier un tel mal-être, et c'est pourquoi nous pouvons parler de scientifiques irresponsables! Et nous sommes maintenant en droit de nous demander qu'est-ce qui chez eux peut provoquer de tels tourments, un tel scepticisme, une telle agitation?

        Nous savons que nous sommes tranquilles et forts quand nous sentons que nous avons raison, quand nous sentons notre réussite! A ce moment, rien ne nous paraît impossible!

        Au contraire, nous devenons inquiets, fragiles, irritables même, dès que notre personnalité devient diffuse, anodine, invisible; et c'est bien encore cela qui est en question ici! A travers leurs troubles, les scientifiques cherchent à retrouver leur place, leur rang et c'est pourquoi encore ils nous montrent une carence, un manque plutôt qu'une réalité, une vraie urgence!

        Mais qu'est-ce qui permet d'atteindre la paix? d'être heureux de vivre le moment présent, d'être serein devant l'avenir? Ce n'est pas de s'élever socialement, d'être meilleur que les autres, car c'est sans fin! Pouvons-nous croire à la satiété de notre amour-propre? Ne faut-il pas seulement une journée pour de nouveau nous assombrir, quand bien même nous aurions gagné au loto ou nous serions une star? Nous savons bien qu'il en est ainsi...

        Mais celui qui se ferait une idée de l'infini ne pourrait-il pas se sentir protégé, tranquillisé? Ne verrait-il pas la petitesse de nos vies, l'absurdité de nos inquiétudes? Ne serait-il pas à même de se détendre comme nul autre et de voir clairement notre folie? ce qui ne l'empêcherait pas de nous aimer, tout au contraire: car seul celui qui est paisible est disponible!

        Cet infini, chacun peut le voir, le découvrir: il se donne par la beauté... et elle se révèle d'autant qu'on se sépare de son égoïsme!

        Ainsi, l'art nous est aussi et peut-être plus nécessaire que la science, car il est naturellement une porte vers la beauté...

        Ainsi encore, malgré son étymologie, science n'est pas sagesse, car il lui manque d'ouvrir les yeux sur la beauté (c'est quelque chose qu'elle a sans doute perdu en route...)!

        Ainsi toujours, le sage vaut mieux que toutes les madame Irma de la science! Mais nous réglerons nos comptes plus tard...

        Ceci étant, tous les troubles ne sont qu'un vol de pollen pour l'éternité!