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L' attaque des Doms (34-38)
- Le 14/09/2024
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"C'est le grand Nijinsky!"
Le Magnifique
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« Bonjour Dominator, dit Ratamor, vous m’avez fait demander ?
_ Oui, j’ai là une connaissance qui peut vous intéresser ! »
Dominator s’efface, pour que Ratamor aperçoive, entre monsieur Nuit et le duc de l’Emploi, un jeune homme assis sur un fauteuil, qui paraît trop grand pour lui ! « Piccolo ! s’écrie Ratamor.
_ C’est un de vos amis ? fait le duc. Figurez-vous qu’il nous tient depuis quelques instants un discours des plus hallucinants ! Par exemple, vous n’aimez pas les voitures, Piccolo, c’est bien cela ? Et pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
_ Ben, parce que les gens ne savent pas où ils vont, ni ce qu’ils font !
_ Ah bon, ils vont pas au boulot, pour payer tes allocs ?
_ J’aimerais bien gagner ma vie, sûr ! Mais faudrait d’abord qu’on m’écoute !
_ Mais on t’écoute, mon bonhomme ! On ne fait que ça !
_ Pas vous ! Vous avez les oreilles trop sales !
_ Non, mais dis donc ! Espèce de morveux !
_ Laissez, laissez, coupe Ratamor, c’est du pur Piccolo ! Il a l’art de faire sortir les gens de leurs gonds ! Où l’avez-vous trouvé ?
_ Au camp 5, répond Dominator, qui mâche un en-cas.
_ C’est un Dom émeraude ? demande monsieur Nuit.
_ Bof, il a pas les yeux très verts ! dit le duc, qui tourne la tête de Piccolo dans tous les sens.
_ Alors Piccolo, qu’est-ce que tu deviens ? fait Ratamor en prenant un siège, pour s’asseoir face à Piccolo. Comme on se retrouve, hein ? Tu en veux toujours à la science ?
_ On peut pas en vouloir à des taupes !
_ Comment il vous parle ! s’insurge le duc.
_ Toi, t’es le duc de l’Emploi, c’est ça ? réplique Piccolo. C’est toi qui fais peur aux gens ? C’est toi qui les traites comme des esclaves ? Alors la Chose est là aussi à cause de toi !
_ Hein ? Tu connais la Chose ? intervient Ratamor. Tu sais ce qu’elle est ?
_ Bien sûr que je la connais ! Elle est mon amie !
_ Voyez-vous ça, coupe le duc. La Chose est son amie ! Le truc immonde dehors et qui bloque l’expansion de la ville est son ami ! Comment un minable comme toi pourrait en savoir plus que nous ?
_ Parce que vous êtes des abrutis !
_ Cette fois, c’en est trop ! Je vais…
_ Doucement duc, fait Dominator, laissez Ratamor en apprendre plus… auprès de ce jeune homme si charmant !
_ Que peux-tu nous dire sur la Chose ? demande Ratamor.
_ Elle est l’amie des enfants qui admirent ! C’est pour ça que vous la voyez comme votre ennemie !
_ Et tu serais capable de lui parler, de lui dire de s’en aller ? demande monsieur Nuit.
_ Mais elle est là pour vous aider ! Vous êtes toujours en crise, nullement heureux et vous détruisez la planète ! Donc, vous êtes des ignorants !
_ Ah bon ? Et qui va donner à manger aux gens ? Tu veux bousiller le système, c’est ça ? s’insurge le duc.
_ Mais non, je ne suis pas violent, ni naïf ! Mais la Chose a son mot à dire… et vous ne l’écoutez pas !
_ Très bien, j’ t’écoute ! fait le duc.
_ Mais t’as les oreilles toutes sales !
_ Lave-les-moi !
_ Bon, comme tu voudras ! »
Le duc entend un grondement… Où est-il ? Il chevauche quelque chose, mais quoi ? C’est liquide et ça porte pourtant son poids ! C’est un cheval d’écume ! Bon sang, quelle puissance ! Le cheval se dresse, se dresse, prend de la hauteur ! Sa crinière est immaculée et bouillonnante ! « Oh ! Ah ! » s’écrie le duc. Ouh ! » Il est pris d’une formidable énergie ! « Allez, vas-y ! » gueule-t-il. Le cheval fonce tête baissée ! Son dos immense se déroule, il siffle, son écume est vertigineuse !
« Ah ! Ah ! fait le duc. C’est pas possible, une telle puissance ! » Puis le cheval vient frapper les rochers et sa crinière explose dans tous les sens ! « Ah ! Ah ! » crie encore le duc au milieu d’un déluge d’écume ! Puis il rouvre les yeux ! Les autres le regardent avec surprise, effarement !
_ Vous avez vu ça ? demande le duc.
_ On a vu quoi ? demande Dominator.
_ Mais la vague, l’écume dorée, le dos émeraude !
_ Non, on te voit t’agiter et on se demande si tu n’es pas fou !
_ Mais… je dois être tout mouillé ! »
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C’ est au tour de Dominator de se rendre dans le laboratoire de Ratamor… « Du nouveau ? demande-t-il en serrant la main du professeur.
_ Peut-être bien…
_ Et Piccolo ?
_ Figurez-vous qu’il est en train de goûter ! C’est l’une de ses exigences !
_ Mais enfin pourquoi le gardez-vous ? Il était très bien au camp 5 !
_ Eh bien, j’ai comme projet de pénétrer dans la Chose, grâce à Piccolo !
_ Mais… vous n’y pensez pas sérieusement ! Vous avez vu le tour qu’il a joué au duc ? Il peut vous mener en bateau, dans la Chose, et vous y laisser !
_ C’est possible… Mais j’y songe pourtant sérieusement ! Mais, si je vous ai fait venir, c’est pour ceci... »
Ratamor désigne un microscope… « Regardez, je vous en prie, reprend-il.
_ Voyons voir, répond Dominator, qui colle son œil sur l’appareil. Qu’est-ce que c’est ? On dirait mon propre reflet !
_ Ça l’est ! Et si c’est moi qui regarde, c’est moi que je verrai !
_ Mais… mais c’est impossible !
_ La preuve que si ! Mais savez-vous ce que vous observez ? C’est un échantillon de la Chose !
_ Vous avez réussi à prélever un échantillon de la Chose ?
_ Le plus simplement du monde ! Je suis allé au bord de la Chose et j’en ai pris un morceau ! Elle s’est apparemment laissé faire !
_ Bon, mais à quelles conclusions êtes-vous arrivé ?
_ Passez-moi votre montre… Merci. Je vais déposer dessus une goutte de la Chose… Voilà… Maintenant, regardons votre montre et la mienne…
_ Mais ma montre ralentit… Elle retarde maintenant ! La Chose donc abîme le mécanisme !
_ Pas du tout ! La Chose n’est pas matérielle… Je sais que c’est difficile à croire, mais elle n’agit pas matériellement sur votre montre !
_ Ah ! Ah ! J’avoue que je suis perdu ! Mais vous avez sûrement une explication !
_ Mais oui, la Chose est maîtresse du temps ! Elle peut arrêter le temps !
_ C’est impossible !
_ Si, la perception que nous avons du temps dépend de nous-mêmes, de notre conscience ! Quelqu’un qui est stressé voit le temps s’écouler plus vite !
_ Vous voulez dire que la Chose permet de voir plus calmement les événements, ce qui ferait ralentir le temps !
_ Exactement !
_ Mais… mais comment ?
_ Grâce à un surplus de conscience ! Elle est un concentré de réalité, alors que le stress, l’énervement la déforment, la rendent inaccessible !
_ Tout cela me dépasse !
_ En fait, la Chose pourrait être un nuage de spiritualité…
_ Quoi ?
_ Une conscience du futur, si vous préférez… Je prends mon Domiseur… Je vous rappelle son fonctionnement : chaque Dom déforme l’espace, à cause de son égoïsme, qui attire les autres Doms présents…
_ D’accord, vous m’avez déjà expliqué cela…
_ Il y a des Doms de tous les degrés… A une extrême, on trouve le DTN, ou Dom trou noir, qui a un égoïsme ou une domination tellement grands que les autres n’existent que s’ils sont soumis ! C’est avec cette force que j’ai conçu le Domiseur… Il crée un champ égoïste auquel personne ne résiste ! Et maintenant, je tire sur mon échantillon de la Chose...
_ Le rayon du Domiseur change de couleur…
_ Non seulement la Chose le fait changer de couleur, mais elle remonte encore le long du rayon… et si je n’arrête pas le Domiseur, il sera envahi lui-même par la Chose ! Ouh ! Je sens sa chaleur !
_ Mais ça veut dire quoi ?
_ Eh bien, que vraisemblablement la Chose combat notre égoïsme !
_ Mais alors nous sommes perdus !
_ Non, la Chose a-t-elle attaqué ? Si elle attaquait, ne deviendrait-elle pas elle-même égoïste ?
_ Je vois… Il n’en demeure pas moins que la Chose est là dehors et qu’elle bloque la ville ! »
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D 4 entre dans le bureau de Dominator : « Les Domunistes veulent vous voir...
_ Les Domunistes ? Ils existent encore ceux-là ? Dites que je suis en réunion !
_ Ils affirment qu’ils peuvent combattre la chose !
_ Mmmmph… Bon, fais-les entrer... »
Un étrange Dom fait son apparition… C’est en fait un ensemble de Doms, mêlés d’une façon inextricable, jusqu’à former une boule, d’où ressortent les têtes, quelques unes en haut, les autres en bas ! Cependant, quand la boule roule, celles d’en bas passent en haut et vice-versa, pour que l’égalité soit respectée !
« Bon, les Domunistes, je vous connais… Vous me connaissez… je vous accorde cinq minutes pas plus !
_ Ce sera largement suffisant ! dit une tête du haut.
_ Nous n’avons pas l’habitude de bavasser ! rajoute une tête du bas. Nous allons toujours droit au but !
_ Exactement ! Le beau discours, c’est pour le bourgeois décadent ! approuve une autre tête du haut.
_ Nous, nous travaillons tous pour le bien commun !
_ L’égoïste thésaurise ! dit une tête sur le côté.
_ Chez nous, point de chef, d’où cette boule !
_ Je sais, je sais, réplique Dominator. Mais vous ne m’avez pas encore expliqué le motif de votre visite !
_ Nous allons y venir, mais c’est l’heure de tourner un peu notre boule, car j’ai l’impression que les têtes d’en haut sont en train de se sentir supérieures ! Or, cela ne se peut !
_ Vous voulez que je fasse rouler un peu votre boule ? demande incrédule Dominator.
_ Cela peut attendre ! coupe une tête d’en haut. Nous avons des choses plus urgentes à régler !
_ Minute ! Minute ! rétorque une tête d’en bas. Revoilà le venin du capitalisme ! La faiblesse de la personnalité ! L’individualisme forcené ! Tête d’en haut, tu m’entends ?
_ Je t’entends, je t’entends et je dirais même plus qu’on n’entend que toi ! C’est là le problème ! Peut-être est-ce le moment de faire ton autocritique ! N’as-tu pas mangé deux carrés de chocolat ce matin, alors que nous, nous n’en avons eu qu’un !
_ Ah ! Ah ! Tout pour rester en haut, hein, la tête ? Tout le monde ici connaît ta concupiscence ! Allez, avoue le désir de la bête qui est en toi ! Tu dois te livrer au groupe, afin de ne refaire plus qu’un avec lui !
_ Salopard ! Ordure ! Bourgeois ! Comme si chacun ici ne savait pas que tu veux te taper ma sœur !
_ Faites tourner la boule, je vous en supplie, Dominator, que je parvienne jusqu’à ce salaud !
_ Dix ans de camps !
_ Soixante ! Que les rats te bouffent !
_ Cela ne servirait à rien que je fasse tourner votre boule… Vous resteriez à la même distance ! Oh ! Et puis, vous me faites perdre mon temps ! Je vous donne une dernière chance : c’était quoi votre idée ?
_ Ben, la boule… Euh, je veux dire la Chose, corrige une tête sur le côté, elle nargue le peuple, par sa masse ! C’est-à-dire par une individualité démesurée ! Il s’agit de lui faire comprendre que le bonheur est justement de s’anéantir, en se livrant au groupe ! Là, telle qu’elle est, elle doit être bien malheureuse, chagrine !
_ Je connais effectivement vos principes, mais je doute qu’ils puissent s’appliquer à la Chose ! Cependant, je vais vous révéler un secret : elle serait plutôt de votre côté !
_ Comment ça ?
_ Elle lutterait contre notre égoïsme !
_ Mais comment, puisqu’elle est unique et que nous ne la commandons pas ?
_ Faites tourner la boule, bon sang ! Y a de l’oppression qui ruisselle !
_ L’oppression est dans l’œil de celui qui la voit !
_ Vas-y, dis nous tout ! Ne nous cache rien !
_ Vous soutenez que la Chose veut la justice en respectant l’individualité? C’est impossible !
_ Penser est le mal !
_ Oh ! Pitié ! » fait Dominator.
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Le vaisseau Dom 45TY550° continue son voyage vers les confins de l’espace… « Général, fait le Dom passerelle à la radio, on nous signale une planète habitée…
_ J’arrive ! »
Une planète habitée est une priorité dans le programme de recherche du vaisseau et le général rejoint le poste de commandement… Sans attendre, il demande les images et des caméras ultra-perfectionnées montrent la planète… « Apparemment, il n’y a plus de végétation sur cette planète ! dit le Dom spécialiste.
_ Moouais…
_ Il n’y a plus que des cubes ! rajoute le Dom passerelle.
_ Préparez la navette ! dit le général.
_ C’est comme si c’était fait ! s’exclame à la radio le Dom machine. Et une navette pour le général ! Et une !
_ Qu’est-ce qui m’a fichu un imbécile pareil ! réplique le général.
_ Vous savez bien que tous les mécanos sont un peu tordus ! explique le Dom passerelle. Les radiations... »
La navette quitte le vaisseau, dans le système du Grand Cerceau, vers la planète inconnue, qu’on songe déjà à baptiser Cube 56TI, suivant les lois galactiques… Mais, à bord de la navette, l’équipage est malmené, comme il se doit, par l’entrée dans l’atmosphère, puis soudain on découvre le paysage, ou plutôt la ville, car elle s’étend indéfiniment ! « Ça va pas être facile pour se garer ! fait goguenard le Dom spécialiste.
_ Allo, allo, est-ce que vous me recevez ? appelle le Dom Passerelle. Ici, la navette de reconnaissance du vaisseau Dom 45TY550° ! Allo ? Est-ce que vous me recevez ?
_ Tant pis, on atterrit ! coupe le général.
_ Faudrait pas qu’on prenne un obus !
_ Ce serait déjà fait depuis longtemps ! »
La navette se pose et son équipage sort à la découverte de la ville… Ce sont des blocs gris, qui s’imbriquent les uns dans les autres… Il n’y a pas de fenêtres, ni de chants d’oiseaux, ni d’arbres… « Comme c’est étrange, dit le Dom passerelle. On dirait que tout est vide !
_ Ou bien, c’est une civilisation bien plus évoluée que la nôtre, coupe le Dom spécialiste, et la vie a pris une forme qui va nous surprendre... »
Les Doms trouvent un ascenseur et se mettent à descendre… « En tout cas, il y a de l’énergie ! » dit le Dom passerelle et soudain l’ascenseur s’ouvre sur une foule, qui pousse des chariots, dans un immense supermarché ! « Eh ben voilà ! fait le général. Il n’y avait qu’à demander ! » Mais une chose frappe : tout le monde est habillé pareil, avec une combinaison blanche et surtout, surtout, il n’y a aucun bruit ! Toute cette foule se meut en un profond silence !
Le Dom spécialiste s’engage dans un rayon et s’approche d’une femme, accompagné de son enfant… L’aspect de ces gens n’est pas très différent de celui des Doms et c’est donc très naturellement que le Dom spécialiste s’adresse à la dame, comme si lui-même faisait ses courses et cherchait quelque chose ! « Excusez-moi, dit-il en souriant. Hem ! Vous savez où est la sauce tomate ? » Mais la femme ne le regarde pas et continue à remplir son chariot ! Le Dom a l’impression de ne pas exister et troublé, il regarde l’enfant, mais celui-ci est aussi indifférent que la mère !
La même mésaventure arrive au Dom passerelle et au général ! Eux aussi essaient d’entrer en contact avec les habitants, mais rien n’y fait ! Ils sont face à la même passivité, à une attitude qui a tout de celle du robot ! Partout des gens circulent, mais ils sont muets et gardent un visage fermé ! Les Doms se regroupent bientôt et sont déconcertés ! « Mais, bon sang ! Qu’est-ce qui se passe ici, général ! demande le Dom passerelle.
_ Et si nous étions pour eux invisibles ? fait le Dom spécialiste. Une interférence...
_ Et on ne percevrait pas leurs conversations, leur rires ? objecte le général.
_ Et on peut tout leur faire ! jette le Dom passerelle, qui se met à faire les plus épouvantables grimaces, à un sexagénaire qui passe sans réagir.
_ Oui, évidemment, concède le Dom spécialiste. Mais alors, comment expliquer tout ça ?
_ Peut-être que ces gens, explique le général, sont morts de l’intérieur…, qu’ils continuent leur vie par automatisme…, sans joies, ni peines !
_ Oh là ! Oh là ! Général ! s’écrie le Dom passerelle. Vous êtes en train de me foutre la trouille !
_ A moi aussi, à vrai dire, fait le Dom spécialiste.
_ Bon, OK, on rejoint la navette !
_ Le tout, c’est de retrouver l’ascenseur ! Surtout ne pas se planter ! »
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C’est la première d’un grand spectacle à Domopolis, dans le célèbre palais Domart, et les spectateurs, tous en tenue chic, montent le large escalier de l’entrée, qui pour l’occasion a été recouvert d’un tapis rouge ! On montre sa toilette, son couple, son élégance, on sourit aux caméras et on se dirige vers sa place ! On admire encore une fois le luxe de la salle, ses lustres légendaires, ses dorures connues de toute la planète ; on reconnaît un ou une amie, on lui fait un signe ; on montre une célébrité, un personnage important !
Mais ça y est : les lumières s’éteignent et le rideau se lève ! Une merveilleuse chanteuse apparaît, pleine de bijoux étincelants, les épaules nues sous une fourrure, avec un corps de rêve dans une robe à fourreau ! Les femmes jugent et les hommes ont la bouche sèche ! La voix unique de la chanteuse, cette voix ensorcelante, chaude, puissante se fait entendre ! Que dit-elle ?
« Je suis l’égoïsme !
Et je triomphe dans la ville !
Car je n’apprends jamais rien !
Je ramasses toutes les miettes !
Toujours à l’affût !
C’est moi la dent blanche !
C’est la moi la tenaille, la piqûre !
C’est moi la dent blanche qui sourit
Car si tu savais, si tu savais,
Comme… je te méprise !
Oh ! Comme je te méprise ! »
Il y a une pause et les accords langoureux, puis tragiques d’un orchestre ! La musique sert à appuyer les sentiments de la chanteuse, qui est absolument envoûtée par son sujet, qui se recueille pour mieux reprendre !
« Je ne perds jamais une occasion !
Le monde est mien et je pousse, pousse !
Je n’essaie pas de m’améliorer !
Je ne veux pas guérir mes peurs !
Au contraire, je veux tout !
Et je pousse, je pousse !
Je prends, je prends !
Car j’en ai le droit ! J’existe !
Et tant d’autres prennent… et me bouffent, me bouffent, me poussent !
Oh ! Si tu savais… Oh ! Si tu savais !
Oh ! Si tu savais, comme je te méprise !
Oh ! Comme je te méprise !
Je te méprise… ! »
Nouvelle pause…. La chanteuse baisse la tête, car toute sa sensualité s’exprime et les violons l’accompagnent ! Les spectateurs sont touchés, certains pleurent, tout le drame de cette femme trouve un écho dans les cœurs ! Cet égoïsme qu’elle exprime est universel ! C’est le leur ! Oh ! Comme elle les connaît bien ! Chacun ici se sent chez soi ! aimé enfin ! Puis, c’est le final… La chanteuse relève la tête, reprend son chant, en ayant l’air d’implorer le ciel, ce ciel apparemment muet, indifférent au sort malheureux de la chanteuse ! Quelle tragédie, quel destin incroyable ! Quelle iniquité aussi de la part des dieux : l’opéra à son point d’orgue ! Il ne pourrait pas pleuvoir de toute façon !
« Je suis l’égoïsme !
Je triomphe dans la ville !
C’est moi la dent blanche !
C’est moi la morsure !
C’est moi la tenaille !
Et je pousse, je pousse !
Car j’en ai le droit !
Oh ! Si tu savais….
Si tu savais…
Si tu savais…
Comme je te méprise !
Comme… je te mépriiiiise ! »
C’est le triomphe ! Tout le monde se lève et applaudit à tout rompre ! Les enfants jettent des fleurs !
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L' attaque des Doms (28-33)
- Le 07/09/2024
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"Vous êtes venu pour me tuer... Faites-le bien!
_ Ne vous inquiétez pas!"
Soleil vert
28
« Que se passe-t-il ? demande Dominator, tandis qu’il regarde la place, au pied de la tour du Pouvoir.
_ Ils envoient le Dom justice contre… la chose ! » répond D 4, le nouveau secrétaire.
En bas, la foule s’enthousiasme ! Elle crie que le Dom justice va les libérer de la chose et en effet, le Dom justice est très fort ! Il mesure bien trois mètres et il écrase dans ses énormes poings tous les bandits, les méchants ! C’est une boule de haine, au service du bien !
Il est préparé, pour son combat contre la chose, dans une sorte de hangar et bien des Doms sont venus le voir, remettant en lui tous leurs espoirs, car la chose arrête la ville et l’économie ! Elle semble même narguer la grandeur de Domopolis, ce qui est insupportable pour bon nombre d’habitants, très fiers de leur puissance !
On vêt d’une armure éclatante le Dom justice, pendant qu’il crie vers la foule : « Ah ! Qu’on me donne un égoïste, un riche qui méprise le pauvre et j’en ferai de la purée entre mes mains !
_ Hourra ! Hourra ! répondent les spectateurs.
_ Par pitié ! Que je rende la justice ! Que le fourbe et le profiteur ne m’échappent pas ! J’ai besoin de vider le monde de tous ces mauvais cœurs, de toutes ces raclures, qui piétinent le faible ! Aaaaggr !
_ Ouais, vas-y, Dom justice, montre-leur !
_ Ouais, fous-les en l’air ! Tous ceux qui nous veulent du mal !
_ Aaaragh ! »
On finit par lui installer un casque, avec une plumet rouge, signe qu’il va y avoir du sang ou de la justice ! Puis, le Dom se lève, ce qui impressionne toujours et tout le monde recule, devant le colosse ! « Et maintenant, en route vers la chose, les amis ! fait la voix caverneuse, sous son casque.
_ Ouais ! Ouais ! A la chose ! Le dom justice ne va en faire qu’une bouchée !
_ Ouais, ouais, à la chose ! »
On s’ébranle, avec au centre de la foule le Dom justice, géant étincelant et on avance vers la chose, puis on s’arrête, car elle est là, tout près, ondoyante, indéfinissable ! Les Doms ordinaires ne vont pas plus loin, bien sûr, et le Dom justice doit continuer seul ! Il se rassure en soupesant sa masse d’arme, une monstruosité à la mesure de son propriétaire !
Voilà, le Dom justice entre dans la chose et disparaît aux yeux de son public… Ce qui le surprend d’abord, c’est le silence… Il est dans une sorte de brume et n’entend plus rien ! C’est nouveau pour lui ! Ce qu’il connaît, c’est l’adversaire qu’il fracasse, c’est l’égoïste qu’il broie ! Mais, ici, où sont les sournois, les rats ?
Le Dom justice bute dans un rail ! Un rail ? Il y a bien longtemps qu’on n’utilise plus les trains ! Est-ce une antiquité ? Un réseau abandonné ? Le Dom justice n’aime pas cela… Mais il ne peut pas non plus ressortir de cette brume comme ça, pour rejoindre les autres ! De quoi aurait-il l’air ? D’un lâche ? Au moins d’un imbécile ! Il faut voir où mène ce rail…
Le Dom justice s’efforce de marcher sur les traverses en bois, car les cailloux du ballast sont plus inconfortables ! Mais alors il a un pas saccadé, qui l’essouffle et lui donne l’impression d’être un peu ridicule.. Évidemment, l’armure le gêne maintenant beaucoup… Le pire, c’est que la voie file dans la brume et semble interminable !
Après une bonne demi-heure de marche, le colosse de fer-blanc, doit faire une pause ! Il est en nage… et il retire son casque, pour se donner quelque fraîcheur ! Au-delà du rail, la brume laisse deviner les contours d’un paysage : quelques falaises, des bois sombres et sans doute une rivière quelque part, car on voit des champs noyés… Mais comme tout cela paraît lugubre, vide ! « Eh ! Oh ! crie le Dom justice.
_ Eh ! Oh ! lui répond l’écho.
_ OK, ça va ! On cesse ce petit jeu et on s’affronte !
_ Ok, ça va ! Le petit jeu s’affronte !
_ Ah ! Ah ! Bande de connards ! Ça vous amuse, hein !
_ Ah ! Ah ! Connards muse, hein ?
_ Mais, nom de Dieu, montrez-vous ! Que je vous écrase ! »
A cet instant, des corneilles s’envolent et font : « Crouac ! Crouac ! »
Là-bas, dans les bois sombres, il y a un géant de fer-blanc couché ! Les feuilles et la mousse le recouvrent peu à peu… C’était pourtant un champion de la justice !
29
« Dominator, il y a l’Escamoteur, qui voudrait te voir... dit D 4.
_ Laisse-le entrer…
_ Bonjour Dominator ! fait l’Escamoteur.
_ B’jour, b’jour ! Un verre ?
_ Comme toi !
_ Alors, qu’est-ce qui t’amène ?
_ La chose évidemment ! Je veux entrer en contact avec elle !
_ T’es pas le premier ! Hier, la foule lui a envoyé le Dom justice ! Fallait voir ça ! Ils lui ont mis une armure et ils l’ont acclamé jusqu’à la chose ! Depuis aucune nouvelle ! Il y a quelques jours, j’y ai perdu D 1 ! Tiens, voilà ton verre…
_ Merci… Écoute, je suis un scientifique à ma manière ! Je ne crois qu’à ce que je vois ! Je connais toutes les théories du moment ! Celle des cordes comme celle de l’anti-matière ! Les origines et les fins, c’est mon domaine !
_ Et où tu veux en venir ?
_ Cette chose, là dehors, elle vient sans doute d’une intelligence supérieure ! J’ suis un malin dès qu’il s’agit de métaphysique ! Je jongle avec toutes les vérités, parce qu’il n’y en a pas ! J’ pense que j’ peux être un interlocuteur valable… pour la chose !
_ Tu veux la refaire, c’est ça ?
_ Disons que j’espère trouver un terrain d’entente , un langage commun !
_ J’ peux pas t’empêcher d’y aller de toute façon ! Mais je crois que tu devrais encore attendre des développements !
_ Lesquels ?
_ Ratamor travaille dessus ! La chose elle-même peut se manifester à tout instant…
_ J’ai vraiment envie de tenter le coup !
_ Sûr, t’es un malin ! Tu détruis tous les arguments, mais la chose ne réfléchit peut-être pas !
_ Du moment que j’ai ta bénédiction ! Je te tiens au courant… et merci pour le verre ! »
L’Escamoteur se présente devant la choses : « De quelle matière es-tu ? Et qui es-tu ? A quoi tu penses ? Et connais-tu les secrets de l’univers ? de ses origines ? Voilà ce qui me taraude ? Accepte-moi, comme un pèlerin de la vérité ! »
L’Escamoteur entre dans la chose et aussitôt il se retrouve sur un sentier boisé ! Le soleil y fait des taches de lumière, à travers les feuillages scintillants ! Des oiseaux chantent et des papillons se posent, montrant leurs ailes éclatantes ! Une odeur de fleurs et d’herbes pénètrent les narines de l’Escamoteur ! « Un sentier boisé ? fait-il. Pourquoi pas ? Eh bien, commençons la discussion par là... »
Soudain, l’Escamoteur entend des murmures… Il se retourne, essaie de savoir d’où cela vient et il doit en convenir, en se penchant au niveau du sol, ce sont de petites fleurs bleues qui parlent entre elles ! « C’est à vous qu’on doit s’adresser ? » demande l’Escamoteur. Les petites fleurs s’agitent et l’une paraît confuse, intimidée ! « Mais que se passe-t-il donc ? dit l’Escamoteur.
_ Vous lui plaisez beaucoup ! explique l’une des petites fleurs, en montrant sa voisine, qui se cache la tête.
_ Ah bon, je lui plais beaucoup ! J’en suis flatté !
_ C’est qu’elle voudrait se marier avec vous !
_ Oh ! Mais je suis un peu trop grand ! Pour me marier avec elle, il faudrait déjà que je fasse sa taille ! »
Aussitôt, l’Escamoteur devient lui aussi une petite fleur bleue ! « Ah çà ! s’exclame-t-il. Me voilà comme vous, Ma.. demoiselle ! Il est vrai que vous êtes fort jolie ! Alors comme ça, je ne vous déplais pas ? Est-ce que je peux vous embrasser, sur la joue s’entend ! »
Le soir tombe sur le bureau de Dominator, qui demande à D 4 : « Des nouvelles de l’Escamoteur ? » D 4 fait non de la tête ! « Quel imbécile ! J’ l’avais pourtant prévenu ! »
Là-bas, dans la chose, c’est la fête ! Sous une pluie de pétales et de vivats, l’Escamoteur vient de se marier avec la petite fleur bleue !
30
« Si on en est là, c’est à cause du gouvernement ! crie un manifestant. C’est lui qui a pas su gérer la crise ! Et vous savez pourquoi ? Parce que c’est le gouvernement des riches, des privilégiés ! Nous, le peuple, on l’a dans le baba, comme d’hab !
_ Ouais, ouais ! T’as raison ! A bas le gouvernement !
_ A bas Dominator, le président des riches !
_ Ouais, ouais, le pouvoir au peuple !
_ Enfin la justice ! »
Dans la tour du Pouvoir, Dominator s’adresse à monsieur Nuit et au duc de l’Emploi : « Non mais, écoutez-les ! C’est moi, maintenant, le responsable de la chose ! De vrais gamins ! Ils ne savent pas même pas se gouverner eux-mêmes et ils viennent me faire la leçon ! Dès qu’ils n’en ont plus dans la gueule, ils sont en colère !
_ Il y en a qui attaquent directement la chose ! » fait monsieur Nuit.
En effet, une partie de la foule se rue contre la chose, lui jette des pierres, lui envoie des pneus enflammés ! On hurle, on veut détruire et soudain la chose change de couleur ! Elle gonfle en prenant un vert luminescent, irradiant !
« Oh ! Oh ! » lâche monsieur Nuit. La chose ondoie telle une vague émeraude et brusquement elle projette une nuée de la même couleur ! Ça siffle et monte dans le ciel ! « Des flèches ! La chose balance des flèches ! » crie monsieur Nuit. Tout le monde est soudain plongé dans la stupeur ! On voit cette masse mêlée de lumière et d’or vert se répandre… On se met à courir, on se bouscule, pendant que les flèches commencent à retomber ! Puis, c’est l’hécatombe ! Les flèches se plantent dans des centaines de corps ! On entend des Ah ! des Oh !, des « Pitié » et beaucoup s’écroulent blessés !
De la tour du Pouvoir, on n’en croit pas ses yeux ! Quel spectacle ! Les rues sont jonchés de Doms ! « L’ordure ! jette le duc de l’Emploi. Cette chose n’a pas hésité une seule seconde ! Elle tue !
_ Les secours arrivent… fait laconique Dominator.
_ Y a pas ! dit monsieur Nuit ! C’est efficace pour disperser les foules ! Si seulement on avait le droit d’agir de la même manière !
_ Eh, mais certains se relèvent et … ils rient ! » constate le duc.
Dans la rue, il est vrai, les Doms se remettent debout, se tâtent, se regardent et se mettent à rigoler ! Le voisin ou la voisine a une moustache de mousse, de vraie mousse, bien verte, bien humide ! On se moque des autres, avant de se rendre compte qu’on porte soi-même la moustache ! C’est l’effet des flèches et on est partagé entre le soulagement et l’inquiétude, car une moustache de mousse, ce n’est pas banal et ça doit être bien gênant, surtout pour les femmes !
De plus, des racines sortent des moustaches et elles s’allongent et se cherchent ! Dès qu’elles en trouvent une, elles se lient à elle, ce qui fait que les Doms sont contraints de se rapprocher ! « Eh ! fait l’un.
_ Oh ! Mais eh ! oh ! s’écrie un autre.
_ Mais ça va pas ! Je ne vous connais pas ! s’indigne une femme, qui se retrouve contre un étranger.
_ Mais quelle est cette diablerie !
_ Au secours ! »
Tous les Doms sont tirés par les racines, en un inextricable réseau de plus en plus serré, de sorte que tout devient peu à peu indistinct ! La masse des Doms paraît elle-même moussue, irradiée par une lumière intérieure ! On voit encore des Doms fermant les yeux, tellement l’éclat du phénomène est intense ! C’est un nouveau nuage qui est constitué, fait de Doms et d’émeraude étincelant ! Et de nouveau cela monte dans le ciel, ondoie, s’étire, semble gouverné par une musique, tandis que des Doms redescendent un à un vers le sol, lentement, doucement et quand leurs pieds retouchent terre, ils regardent autour d’eux, transformés, étonnés ! Certains se mettent même à pleurer, alors que d’autres rentrent chez eux silencieux, songeurs !
« Il s’est passé quelque chose ! dit le duc de l’Emploi. Je donnerais cher pour savoir quoi !
_ Ouais, apparemment, ils sont calmés ! rajoute Dominator.
_ Bon sang, qu’est-ce que c’était ? demande monsieur Nuit.
_ Peut-être une drogue ! répond le duc.
_ Sans doute ! Mais alors, ça me rassure pas ! reprend Dominator. Car comment lutter contre ça ?
_ Une bombe atomique là-dessus et on y verra plus clair ! Hein ? » lance le Duc.
31
« Mon Dieu, docteur…, docteur…
_ Docteur Smac !
_ Docteur Smac ! Comme je suis malheureuse !
_ Qu’est-ce qui vous arrive, madame…, madame…
_ Schwinf !
_ Madame Schwinf !
_ C’est mon mari, comme vous pouvez le voir (il est assis à côté de sa femme, dans le cabinet du médecin…) ! Il ne dit plus rien ! Il est complètement apathique ! C’est à peine s’il mange ! Oh ! Comme je suis malheureuse (elle sort un mouchoir, pour essuyer ses larmes) !
_ Il s’est passé quelque chose ?
_ Eh bien, mon mari a fait partie de cette manifestation, vous savez, contre la chose…, quand elle a tiré ses flèches ! Mon mari a été touché et depuis il n’est plus le même !
_ Je vois… Je vais examiner, monsieur…
_ Et puis surtout, regardez ses yeux : ils sont tout verts !
_ Diable, oui, en effet ! »
Le médecin tâte le mari, lui prend la tension, l’ausculte… et dit : « Je ne vois a priori rien d’anormal… Il est possible que votre mari soit encore choqué…
_ Mon Dieu, comme je suis malheureuse !
_ Je vais contrôler les réflexes... »
Le médecin tape légèrement sur un genou et le mari s’anime… Il ouvre les mains et répand sur le bureau une poudre dorée ! « Qu’est-ce que c’est qu’ ça ? fait le médecin.
_ On dirait de l’or ! s’écrie la femme. C’en est, docteur ?
_ Je ne le pense pas… Encore qu’il faudrait demander à un spécialiste !
_ Ah ! Si ça pouvait être de l’or, mon mari serait enfin utile ! »
Soudain, le mari commence à rire et rien ne semble pouvoir l’arrêter ! Pour lui la situation paraît effectivement très drôle, peut-être même grotesque ! « Le voilà qui fait sa bête ! réplique la femme.
_ Le rire est plutôt un signe de santé, vous savez… enchaîne le médecin.
_ Bon, bon, mais c’est d’ l’or ou pas ?
_ Je ne sais pas….
_ Vous ne savez pas grand-chose…
_ Je…
_ Ah ! Ah ! »
Le mari ne cesse de rire et peu à peu sortent de son corps des branches… « Bon Dieu, mais qu’est-ce… ? sursaute le médecin.
_ Ah ! Ah ! »
Les branches se développent… Le Dom se transforme complètement ! Des feuilles naissent de la bouche, des oreilles, tandis que la peau se couvre d’une écorce ! « Ah ! Ah ! continue le mari.
_ Au secours ! crie la femme. Il est en train de devenir fou !
_ Je… je vais appeler la police… dit le médecin qui recule.
_ Ah ! Ah ! »
Le mari est maintenant à moitié arbre et il projette des éclairs verts ! La poudre d’or sur la table se met à danser, tel du pollen dans du vent ! Le bureau est renversé par les grosses racines qui ont pris la place des pieds du mari ! Ah ! Ah ! Un tableau au mur est chassé par une branche ! Ah ! Ah ! La femme hurle en quittant le cabinet et le médecin a enfin la police au téléphone : « Qu’est-ce qui se passe ? crie-t-il. Mais un type est en train de se transformer en arbre sous mes yeux ! Voilà ce qui se passe ! Hein ? Mais non, je n’ai pas bu ! Que j’appelle plutôt un menuisier ? Mais dites donc, vous faites quoi avec mes impôts ? Comment ? Vous me menacez d’un outrage à magistrat ? Mais bon sang, y a urgence ! Le type est en train de défoncer mon cabinet !
_Ah ! Ah ! »
Le plafond est crevé et les fenêtres sont pulvérisées ! « Allô ! reprend le médecin. Mais oui, c’est toujours moi ! Comment ? Vous en avez marre de cette « scie » ! Je vais vous en coller une, vous allez voir ! C’est pas ma branche ? Ici tout est vert ! Vous pouvez pas comprendre ! Le type n’est même plus visible ! Allô ? »
32
« J’ai une idée ! s’exclame le duc de l’Emploi, en entrant dans le bureau de Dominator.
_ Ouais, fait celui-ci en levant à peine le nez de ses dossiers.
_ On combat la chose comme autrefois ! D’abord un tir nourri de l’artillerie, pour enfoncer l’ennemi, l’obliger à sa terrer ! Puis, on lance la grande offensive des fantassins !
_ Et ils n’auront plus qu’à se baisser, pour ramasser les armes laissés sur place ! On ne sait pas même pas ce que c’est, duc ! C’est trop aventureux !
_ J’ai tout mis au point avec Nuit ! On bombarde la chose, avec des canons à béton ! On la noie de béton ! Et la brigade des Jardins charge dans la foulée ! Elle est d’accord ! Elle ira sur tous ses engins ! Les gars sont super motivés !
_ Des amateurs, qui vont s’enfuir à la première riposte !
_ Qu’est-ce que tu veux à la fin, Dominator ? que cette chose arrête le développement de la ville ? qu’on se retrouve, toi et moi, à la soupe populaire ?
_ Je suis le premier à souffrir de cette situation, crois-moi ! C’est ma ville, mon enfant, mon œuvre ! Je veux que mon nom soit attaché à tout ça… J’aurais l’impression d’avoir été utile… Bon, d’accord, on tente le coup… Mais on s’arrête dès qu’on voit que ça ne passe pas ! Pas de boucherie !
_ Comme tu voudras ! »
Les canons à béton sont dressés devant la chose, qui présente toujours cette surface ondoyante et opaque, qui paraît toujours aussi mystérieuse… Derrière les canons, la brigade des Jardins est toute excitée : pour la première fois, elle va participer à un combat ! On a rajouté des protections aux engins et chacun porte un casque ! La balayeuse se chauffe, en tournant sur elle-même ! Les souffleurs pointent déjà leur outil vers la chose, d’un air menaçant ! Ça vrombit, ça siffle, quand certains montrent, en rigolant, des jets de produits dangereux, ou bien un sécateur bien aiguisé, en cas de coup dur !
Monsieur Nuit et le duc de l’Emploi commandent, ont pris eux aussi un uniforme et installé un petit QG ! « On y est ! fait Nuit. Attention ! » Il a un signe pour ses canonniers, qui envoient le béton ! Il est projeté par au moins dix bouches et s’élève en un flot continu, en direction de la chose ! Elle semble d’abord ne pas réagir, mais bientôt le béton se transforme en une pâte blanchâtre, légère, crémeuse et qui est modelée par un doigt invisible ! Ce sont des nuages qui désormais s’offrent à la vue, avec des teintes rosées, mauves très délicates ! Il y en a plein le ciel et de toutes les formes ! C’est un spectacle unique, splendide !
« Elle se fout de not’ gueule ! crie le duc. A vous mes fauves ! » C’est la ruée ! Tous les engins de la brigade s’élancent dans un tintamarre épouvantable ! Ces Doms ont des visages hurlants, assoiffés de sang ! On se veut barbare pour se donner du courage et on fonce vers la chose ! C’est une charge fantastique, digne des plus hauts faits de l’histoire ! C’est une légende qui commence !
Les souffleurs et les faucheurs se distinguent, tant ils font du bruit et semblent enragés ! Évidemment, les engins ne sont pas en reste ! Les gyrophares des balayeuses sont destinés à semer la panique !
Qui chantera le destin de ces héros ? Qui racontera à la veuve, comment son mari a succombé, afin que l’enfant soit fier ? Par exemple, qui décrira ce souffleur rendu fou par les feuilles tourbillonnant sans cesse autour de lui ! Il en a vu de toutes les couleurs, c’est le cas de le dire ! Et ce faucheur appliqué, rasant les marguerites, est-ce sa faute si les pétales sont devenus une mitraille, si le pollen a fini par le noyer ?
Et les balayeuses tournent-elles encore dans la trombe qu’elles ont créée ? La chose a-t-elle fait plus que de donner libre cours à l’agitation ! N’ont-ils pas, ces Doms, été les victimes de leur propre nervosité ? On ne le saura sans doute jamais, car maintenant la chose est toujours là et il n’y a plus de combattants !
« C’est raté ! lâche monsieur Nuit.
_ Mais bon sang ! Où sont-ils passés ? réplique le duc. Ils étaient là ! On était les plus forts !
_ C’était bâché ! C’est ça que tu veux dire ?
_ Marre de cette chose ! Marre !
_ On y reviendra ! On trouvera la solution, y a pas d’raison !
_ Tout de même, c’était beau voir ! Cette charge...
_ Ouais, ouais... »
33
Les Doms touchés par les flèches de la chose sont appelés Doms émeraude, tant leur regard a un éclat vert ! Mais ce n’est pas cela qui inquiète le plus ! Non, les Doms émeraude paraissent ailleurs, absents ! On a beau leur parler, ils ne montrent pas qu’ils comprennent ! On s’agace même de leur inertie, de leur apathie, de ce qui peut être vu comme de la mollesse ! On les rabroue, car les voilà maladroits, presque idiots ! Certes, ils sont des victimes, mais le temps passant, on ne leur pardonne plus rien !
Pourquoi sont-ils comme ça ? Qu’est-ce que leur a fait la chose ? Quel poison leur a-t-elle injecté ? Est-ce que c’est neurologique ou bien cèdent-ils à la paresse ? On les conduit chez des spécialistes, qui les examinent et comme ils ne trouvent rien, on suspecte les Doms émeraude de jouer la comédie, de profiter de la situation, de vouloir du mal aux Doms normaux et travailleurs ! Les Doms émeraude ne répondent rien et n’apaisent personne ! On enrage devant un tel mutisme et on pense à de la méchanceté, voire du sadisme, mais peut-être que les Doms émeraude eux-mêmes ignorent ce qui se passe en eux, pourquoi ils sont comme ça ?
Cependant, leur comportement touche aussi la société, pas seulement les proches et plusieurs alertes sont déclenchées ! Il faut savoir que les Doms font leurs courses dans des conditions particulières ! Ils se rendent dans de vastes centres commerciaux, où tout est automatisé ! Dès qu’un Dom entre, il est entièrement scanné ! Son identité est connue, ainsi que sa capacité financière ! Mais encore ses goûts, son genre, sa personnalité sont immédiatement transmis aux magasins, qui n’ont plus qu’à lui proposer les produits qui conviennent !
Il n’y a pas d’exception ! De la fabrication à la vente, tout est codifié, fluide ! Les Doms sont catalogués sous forme de groupes et l’originalité est bannie, a disparu ! Elle n’existe pas et la révolte pas davantage ! Le Dom est le produit et vice-versa ! On se croit unique, supérieur et c’est une réussite du marketing ! La pensée se satisfait de plaire, d’être marquée ! Elle est fière du collier du fabricant ! Il n’y a aucun incident : le Dom glisse sur des tapis, sous un flot de lumière et s’équipe avec ce qui lui correspond !
Il est dans le centre commercial, comme dans un village tranquillisant, à l’abri des intempéries ! Il devient une sorte de substance aseptisée, quasiment transparente, diaphane et c’est pourquoi le Dom émeraude y surprend tout le monde ! On s’arrête quand on le voit ! C’est visiblement un étranger ! Il a l’air d’un tronc ! Il n’a pas cette légèreté artificielle, stérile propre au lieu ! Il paraît même bien vivant, avec son teint fouetté par le vent, qui est tout sauf chlorotique ! On le regarde en biais, on se demande ce qu’il va faire… et effectivement, il y a là-bas une discussion, un débat, ce qui est tout à fait extraordinaire !
Le Dom émeraude met en cause le produit ! Le vendeur n’en croit pas ses yeux, ni ses oreilles ! La chaîne est interrompue ! Le scanner à l’entrée n’a pas fonctionné ! Le Dom n’a pas été identifié ! Pire, il demande de la qualité, de la valeur, un objet original, qui aurait été fabriqué avec sérieux et soin ! C’est la surprise ! On se récrie ! On s’énerve ! On jure que tout ici est merveilleux, réputé, solide ! On ne comprend pas le Dom émeraude, qui pourtant invite les Doms vendeurs à se respecter eux-mêmes davantage ! Au contraire, ceux-ci sont effarés et appellent la sécurité ! Le Dom émeraude est emmené et il ne dit plus rien ! Au commissariat, il est retombé dans son apathie et il regarde les murs d’un air morne !
Les Doms policiers n’ont au fond aucune charge contre lui ! Il n’a fait que poser des questions ! Mais il a fait peur ! Où veut-il en venir ? Domopolis est une ville sans histoires ! On y est libre d’acheter ce qu’on veut ? Alors, où est le problème ? Le Dom émeraude reste silencieux ! On le soupçonne de mépriser les autres ! « Est-ce vrai ? » lui demande-t-on et il hausses les épaules ! On le met dehors, mais on se dit que la chose est en train de miner Domopolis ! Vraisemblablement, elle envoie ses agents, chargés de saper la société !
On décide d’enfermer dans un camp tous les Doms émeraude, hommes, femmes, enfants ! On n’ambitionne pas de les comprendre, mais de les rééduquer, de les neutraliser ! Tout autour du camp, il y a un désert, appelé désert du Doute ! On y voit au loin des os blanchis, sous un soleil de plomb ! Le camp 5, en hommage à une grande marque de parfum, doit remettre les Doms émeraude dans le rang, grâce aux techniques commerciales les plus modernes ! On y teste par exemple des puces cérébrales, qui doivent réparer les réflexes de consommation !
Toute la journée, les Doms émeraude sont soumis à des messages publicitaires, à des offres si alléchantes qu’on s’attend à des courses soudaines vers les rayons fictifs mis en place ! Mais pour l’instant, les résultats ne sont pas bons… Les Doms émeraude semblent pris dans un sommeil sans fin, un désespoir sans bornes ! Ils sont jugés malades par des psychologues et on les traite aux antidépresseurs ! Pourtant là-bas, dans le grande centre commercial, un Dom vendeur vient de se suicider, sous le regard alcoolique ou vide de ses collègues !
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L' attaque des Doms (24-27)
- Le 31/08/2024
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" C'est ça! Va manger ton plat de nouilles!"
Inspecteur Harry
24
A bord du vaisseau Dom 45TY550° la vie a repris son cours… L’épisode du bloc de conscience est maintenant oublié, quoique que chacun en garde un souvenir au fond de soi, mais le service, c’est le service et le vaisseau continue sa mission d’exploration, dans les confins de l’univers ! Mais soudain une alerte se déclenche et le général en est informé dans ses quartiers : « Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? fait-il d’un ton maussade.
_ Une formation étrange droit devant nous ! On n’a jamais vu ça ! dit le Dom passerelle.
_ Vous en êtes sûr ? Vous êtes jeune et impressionnable…
_ Même le Dom spécialiste est bouche bée !
_ C’est bon j’arrive ! »
Le général arrive dans le poste de commandement : « Bon alors, qu’est-ce qu’on a? dit-il.
_ Voyez-vous même ! »
Le général tourne les yeux vers l’espace et se fige : là, dans la nuit étoilée, des corps gigantesques dérivent ! Ce sont d’énormes squelettes d’hommes, de femmes et d’enfants, beaucoup plus grands que les Doms, appartenant sans doute à un monde lointain, inconnu, peut-être qui n’existe plus, un monde oublié !
« Mais qu’est-ce qui les maintient ainsi dans l’espace ? demande le général. Ils devraient filer à toute allure, soumis au grand jeu des attractions !
_ Apparemment, ils sont liés à une force invisible ! répond le Dom spécialiste.
_ Quel genre de force ?
_ A vrai dire, je n’en sais rien ! Cela défie nos calculs et l’entendement !
_ Ouais ! »
Tout le monde à bord du vaisseau contemple cette scène lugubre. « Général, on va finir par heurter un de ces corps ! fait le Dom passerelle.
_ Avance deux tiers, vitesse réduite et… Mais bon sang, qu’est-ce qui se passe ? »
Tout le vaisseau est ébranlé et il se met à reculer ! « J’ai dit avance deux tiers ! hurle le général. Qu’est-ce que vous foutez aux machines ?
_ Nous avons beau pousser les moteurs, nous allons vers l’arrière ! répond le Dom machine. Nous sommes piégés !
_ Dom spécialiste, vous avez une idée sur le problème !
_ Nous subissons la force qui maintient ces corps !
_ Très bien et comment on se sort de là ?
_ Force inconnue, solution inconnue !
_ Étrangers, vous m’entendez ? »
Une voix sépulcrale et très forte retentit dans le vaisseau ! « Hein ? Qui nous parle ? crie le général.
_ Ceci est un message d’avertissement de la civilisation des Mangs ! Notre planète a été détruite à cause d’une force, qui était en nous et que nous n’avons pas su contrôler ! Si vous ne voulez pas connaître notre triste sort, il vous faut vous-même lutter, pour vous séparer de cette force !
_ Mais de quoi vous parlez, nom de Dieu ! Euh ! Excusez-moi, est-ce qu’on peut dialoguer ?
_ Vous pouvez, même si depuis longtemps, je ne suis plus !
_ Bon, ben, vous parlez d’une force qui nous menace ! De quoi s’agit-il ?
_ De la domination, de la force animale ! Abandonnez-la ou elle vous perdra !
_ Précisément, cela veut dire quoi au juste !
_ Notre planète a été détruite, car nous avons voulu la dominer ! Nous l’avons dévorée pour ainsi dire ! Nous ne l’avons pas admirée, contemplée, aimée profondément ! Nous l’avons utilisée, pour nous sentir importants et calmer nos peurs ! L’humilité nous a été étrangère et maintenant nous ne sommes plus !
_ Vous m’en voyez désolé ! Mais, ici, dans ce vaisseau comment puis-je éviter la catastrophe ?
_ Si vous voulez échapper au piège de cette force, rien de plus simple ! Renoncez à votre grade de général, car c’est vous qui commandez, n’est-ce pas ?
_ Que je renonce à mon grade ? Mais qui dirigera ce vaisseau ?
_ Vous toujours, mais au nom de la raison ! Mais vous abandonnerez toute soif de pouvoir !
_ Vous avez entendu, général, il faut que vous renonciez à votre grade ! fait le Dom passerelle. Sinon on va finir comme les copains d’à côté !
_ Le message est clair, renchérit le Dom spécialiste.
_ Ouais, général, appuie le Dom machine, faut pas hésiter ! Ici, on est impuissant !
_ Ah ! Ah ! Encore un de vos trucs, les gars ! Et vous croyez que je vais marcher ! que je vais vous laissez ma place sur un plateau !
_ Général, nous sombrons par l’arrière ! Tous les voyants sont au rouge !
_ Bande de salopards ! »
25
La Dom Clarissa est aux anges : elle a choisi sa proie ! Elle travaille pour le gouvernement Dom, en tant que Dom canon ! Elle est l’agent Clarissa tout simplement et aucune mission ratée au compteur ! Et comment pourrait-elle échouer ? Des cheveux comme une cascade d’or ! Une peau ambrée et fine ! sans défauts ! Une belle poitrine, juste ce qu’il faut ! d’un galbe à croquer ! Les lèvres épanouies, sensuelles, gourmandes ! Des yeux bleus qui vous fixent comme l’avenir ! Des jambes, oh ! mon Dieu, peut-on encore appeler cela des jambes, tellement elles sont fuselées et porteuses de promesses ? Le reste, c’est du secret bien sûr, mais l’imagination, avec ce qui est offert, visible, cavale, fond comme un bonbon, se croit au septième ciel, et elle n’a pas tort ! Ainsi est Clarissa !
Ce matin, elle prend le vaisseau de ligne direction la planète Cazioppe ! Elle est avec un petit ami, car on a toujours besoin d’un petit ami ! Ça pose ! rassure ! C’est bon pour l’hygiène aussi ! On a une épaule pour le soir ! Et puis, c’est amusant ! On le tient un peu comme un petit chien ! On joue avec lui ! On le laisse aller et on le rappelle ! On le teste, on l’agace, c’est toujours ça de pris ! Car la mission de Clarissa est de dominer le monde… et elle domine complètement son petit ami ! S’il n’y a rien d’autre à l’horizon, il faut s’en contenter ! C’est tout de même mieux que la solitude stérile et si angoissante ! Donc, Clarissa monte dans l’aéronef, en compagnie de son petit ami, qui ne dit rien, mais qui boude ma parole ! Il est vrai que Clarissa ne lui permet plus d’exister ! Il y aurait-il de la révolte dans l’air ? Le petit ami va-t-il nous faire une crise de croissance, genre : « Clarissa, tu m’étouffes ! Je n’en peux plus ! Il faut que je te quitte ! »
Ah, là, là ! Comme c’est sensible, un petit ami ! Dans ce cas-là, quand il y a de l’eau dans le gaz, pour ainsi dire, que fait Clarissa ? Mon Dieu, elle n’a que l’embarras du choix ! Elle peut rejouer la séduction, faire appel au plaisir ! Généralement, ça marche, évidemment ! Les atouts de Clarissa ferait même baver le diable ! Mais, si malgré tout, le petit ami reste renfrogné, hostile, Clarissa a recours à une arme suprême : sa larme de cristal ! Elle la laisse tomber sous les yeux du petit ami, l’air de dire : « Comment peut-on faire du mal à une femme aussi belle que Clarissa ? Est-on sans cœur ? Clarissa n’est-elle pas pure, à cause de sa beauté ? » Alors, le petit ami, qui est un tendre, fond complètement ! Il s’empresse autour de Clarissa : est-ce qu’elle va bien ? N’a-t-elle pas froid ? Désire-t-elle une couverture ? Il ne faut pas que Clarissa pleure ! Ce n’est pas humain ! Et voilà le petit ami qui caresse le visage de Clarissa ! Il est paniqué et il a replongé ! Encore plus profond ! Ah ! Ah ! Clarissa se marre !
Mais un peu de sérieux, car dans le vaisseau de ligne, il y a un client intéressant pour Clarissa ! Celui-ci doit bientôt être sous la domination de l’agent des Doms ! C’est inévitable ! C’est la mission de Clarissa ! Celle-ci se rappelle son instructeur, pour le poste de Dom canon ! Un maître ! Un petit gros moustachu, mais qui connaissait la séduction sur le bout des doigts ! Clarissa entend encore ses propos : « Tu dois occuper l’homme complètement ! disait-il. C’est toi le centre de la toile ! Tu es l’araignée et l’homme est ton moucheron ! Tu piges ? Tout ce que tu fais, tout ce que tu es doit attirer le regard ! Tu existes dans les yeux de l’homme et plus il te désirera et plus tu existeras, tu te sentiras supérieure ! Le monde doit tourner autour de toi, Clarissa ! De la domination ! De la domination ! Voilà le Credo des Doms ! » Et Clarissa était quasiment devenue une légende !
Maintenant, elle regarde sa proie : un bel homme, il faut en convenir, avec un côté enfant, doux, rêveur ! Quelqu’un sans doute de malléable ! Il en impose cependant, mais justement, c’est ce qui intéresse Clarissa : plus c’est grand et plus ça fait du bruit en tombant ! plus la victoire est belle ! Elle apprend que l’homme s’appelle Paschic ! Pas un nom courant ça ! Il est assis pas très loin de Clarissa, juste un peu en arrière, pour qu’elle se donne très bien en spectacle ! Attention, c’est pas du vulgaire, du rentre-dedans ! Non, tout en finesse : on appâte un peu, ça mord et on tire doucement, puis de plus en plus vite ! On affole et le poisson sort de l’eau prisonnier, à la merci de Clarissa !
Voyons voir ! Clarissa touche ses mèches… Non, Paschic reste indifférent ! Clarissa gonfle un peu ses seins, au galbe parfait ! Déjà là, l’œil de la moitié des mecs s’allume, mais pas celui de Paschic ! Clarisse est heureuse, on lui résiste ! Elle va devoir déployer tous ses talents ! Elle a une petite chose sur la main ; elle souffle sur ses jolis doigts ! Ses jambes sont-elles assez visibles ? Elle les entrouvre, les tourne ! Clarissa se contorsionne une peu… N’est-elle pas mal assise ? La beauté n’est pas épargnée par l’inconfort des sièges… Clarissa décide de faire sa toilette du matin ! Elle prend ses produits et se frotte ! Il faut attirer l’attention, c’est tout ! Le reste suivra ! « Je suis le centre de la toile, se dit Clarissa, nul ne peut respirer sans moi ! » ! La nymphe s’étire, lève les bras, joue avec son petit ami, en lui glissant un peu de produit sous le menton ! Clarissa occupe tout l’espace ! Elle est maître chez elle ! Elle se fait un chignon, tiens ! c’est nouveau ! Elle met ses lunettes de soleil ! Elle n’arrête pas ! Elle compte même sur l’odeur qu’elle diffuse !
Et ce Paschic ? Toujours aussi indifférent ! Ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas possible ! Clarissa n’a jamais échoué ! Elle sent l’angoisse monter en elle ! Elle ne sait plus quoi faire ! C’est irrésistible ! Elle va se mettre à crier ! Le petit ami ne peut pas l’aider ! Il y a bien longtemps qu’il est domestiqué, qu’elle en a tiré tout ce qu’il y avait à en tirer ! Vite, Clarissa se précipite vers le poste de pilotage, ce qui est interdit ! L’hôtesse arrête Clarissa, qui s’excuse, se calme, qui minimise l’indicent ! L’hôtesse est compréhensive, mais ferme ! Elle reconduit Clarissa à son siège ! Enfin on arrive ! Clarissa va pouvoir sortir, trouver d’autres proies ! Et ce Paschic ? Il n’est vraiment pas chic ! Voilà son nom expliqué !
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Domopolis, la ville de cristal et de bruit, continue de s’étendre ! Peu importe que bien des Doms soient perdus, avec des têtes hagardes, de fantômes et pleurent la nuit ! Peu importe que les Doms se détruisent entre eux et deviennent de plus en plus violents ! Peu importe que cela n’ait aucun sens ! Domopolis, comme un géant de fer aveugle, suit la même logique, celle qu’implique la domination !
La ville s’étend, sous la direction du duc de l’Emploi ! Il supervise avec un fouet ! Son message est simple : « Tu veux croûter ? Tu travailles ! Tu veux croûter ? Il faut des emplois et du développement ! Domopolis est ta patrie, ton bonheur, ta sauvegarde ! Allez, on avance, on avance, ou sinon c’est le fouet ! Le fouet de la peur ! » Le duc de l’Emploi aime ce genre de plaisanteries ! Et les doms courent, vont dans tous les sens, font rugir leur moteur et Domopolis se dresse, dévore l’espace et la planète !
Toute repose sur la domination et non sur sur le strict besoin de manger ! C’est l’entourloupe et le mensonge des Doms ! Leur cécité aussi ! Et les Doms meurent, disparaissent dans le gouffre du temps, sans avoir connu la lumière et la vérité ! Peu importe les corps déformés, les corps perdus, obèses, les corps malades, les peurs, les détresses, les sentiments oubliés, Domopolis éclate dans son rêve de modernité ! Le Dom est tenu d’admirer, d’être fier de ses cathédrales de béton, de ses goudrons lisses, de son monde rien qu’à lui, où le Dom regarde le Dom, où il est le maître incontesté ! où son nombril ne voit que lui ! Cela n’a aucun sens, mais le duc de l’Emploi et Dominator veillent ! Il faut des toits pour les gens ! Il faut du béton, de l’attraction, du cristal, de la renommée !
Ce soir-là, Domopolis s’endort, mais, dans l’ombre, des forces obscures se déploient et attaquent la ville ! Les radars s’affolent et signalent une masse inconnue qui arrive, tel une nuage d’encre ! La ville s’arrête dans sa croissance ! Les machines stoppent, le trafic s’immobilise ! Mais que se passe-t-il ? Au matin, c’est l’incompréhension la plus complète ! Les Doms ouvrent les yeux sur un spectacle qui les bouleverse ! Une armée étrange leur fait face et entoure la ville ! Qu’est-ce que cela peut bien être ? On dirait un mur liquide ! Mais on voit à l’intérieur que ça bouge, que des formes s’y meuvent, ce qui donne l’impression d’une vie étrangère, peut-être extraterrestre !
Alertés, les chefs observent le phénomène du haut de la tour du Pouvoir ! « Me demande ce que c’est ? fait Dominator. On a appelé Ratamor ?
_ Il arrive, répond D 1.
_ Laissez-moi y aller ! jette le duc de l’Emploi. J’ m’en vais dresser tout ça, moi ! Faut bien que ça bouffe, cette chose, non ? Donc, faut des emplois et du béton !
_ Mon cher, si j’étais vous, avertit Dominator, je me méfierais… C’est pas venu là tout seul… et ça dévore peut-être les Doms ! Il est là, Ratamor ?
_ Oui, oui, excusez-moi pour mon retard !
_ Vous avez un avis sur … le problème !
_ Masse liquide, mais aussi gazeuse ! Forme de vie intelligente, sans aucun doute ! Mais à vrai dire, l’inconnu total !
_ Faut envoyer quelqu’un ! dit Dominator. D 1, allez donc voir ce qu’on nous veut !
_ Moi, mais vous n’y pensez pas ! Je n’ai même pas encore pris mes vacances, cette année !
_ D 1…
_ Bon, bon, j’y vais ! »
Tout le monde regarde D 1 aller vers la chose, qui ondoie, silencieusement. On a équipé D 1 d’un micro et il décrit ce qu’il voit… « Allo, ici D 1, je ne suis plus qu’à quelques mètres de… cette forme !
_ C’est bien, D 1, continuez !
_ Ça va, ça va ! Y a pas le feu au lac non plus ! Je… je vais toucher la chose…
_ On est avec vous D 1, courage !
_ Je… je pénètre dans la chose… Vous m’entendez ? C’est étrange, c’est plein de lueurs… J’entends, j’entends la mer ! Oui, c’est ça, la mer ! Comment est-ce possible ?
_ Allô D 1, tout va bien ?
_ Il y a là une vague… Elle est toute douce, hi ! hi ! Elle a l’air de caresser le rivage, hi, hi ! Eh, mais le soleil brille, il forme des éclats ! On dirait de petites voiles de lumière, une régate du soleil en somme ! Hi ! Hi !
_ Bon dieu, D 1, répondez ! Qu’est-ce qui s’ passe !
_ Hi ! Hi
_ On l’a perdu ! »
27
« Mesdames, messieurs ! Un peu de calme, je vous prie ! » dit Dominator, à la réunion qu’il a organisée, face à la masse liquide, l’élément étranger, qui menace maintenant Domopolis ! Il y a là monsieur Nuit, le roi des promoteurs ! le duc de l’Emploi, qui joue avec sa cravache ! le professeur Ratamor, pour tout ce qui est scientifique ! La Machine est présente aussi, sur un siège spécial, appartenant à son vaisseau, car, on le rappelle, elle est mi-biologique, mi-technologique ! Elle a l’air furieuse, comme d’habitude ! Elle s’écrie : « Cela assez duré ! Nous, nous voulons des résultats ! Qu’est-ce que c’est que ce truc dehors, qui nous arrête dans nos conquêtes ! Est-ce qu’un dénommé Paschic n’aurait pas quelque chose à voir avec cette histoire ?
_ Pourquoi dites-vous cela ? demande Dominator.
_ Parce que c’est une crapule, qui se fout de not’ gueule ! J’ s’rais pas étonnée qu’il soit dans l’coup ! Tout ce que veut cette ordure, c’est nous nuire !
_ Mais nous ignorons totalement à quoi nous avons affaire !
_ Et un dénommé Zorm ? Une espèce de sauvage, aperçu dans mes chantiers, fait monsieur Nuit. Est-ce qu’il ne serait pas en cause ?
_ Un vagabond ? Je ne crois pas que vous mesuriez bien la situation, monsieur Nuit, rétorque Dominator. Professeur Ratamor, a-t-on du nouveau sur cette… chose ?
_ Pas vraiment ! Je l’ai fait bombarder avec des Domiseurs... J’ai essayé toutes les puissances… Sans résultat ! Je suis peut-être arrivé à une conclusion étrange… Cette matière pourrait être de l’anti-Dom !
_ Quoi ?
_ De l’anti-Dom ?
_ Mais comment peut-on être contre nous ! Nous sommes supérieurs et nous ne voulons que le bien de tous !
_ Expliquez-vous, professeur, coupe Dominator.
_ Je serais bien en peine de le faire, mais on peut imaginer une matière qui soit complètement l’opposé de la nôtre ! Nous vivons pour la domination, n’est-ce pas ! Eh bien, il est possible que de l’anti-domination existe !
_ Fadaises !
_ Élucubrations !
_ Et d’où viendrait cette anti-domination ? d’une autre planète ? des confins de l’univers !
_ De plus loin encore, wharf ! wharf ! se moque la Machine !
_ Mesdames, messieurs, voyons calmez-vous..
_ Monsieur, un message code rouge, sur la trois, fait une voix impersonnelle.
- Envoyez ! » répond Dominator.
Sur un grand écran, on voit apparaître une image et un Dom avec un casque et un uniforme ! « Ici, le chef de chantier, Parmissou ! dit le Dom. Vous m’entendez ?
_ Parfaitement bien ! Allez-y, Parmissou !
_ La chose a fait une incursion dans la ville, secteur 5TY ! Mon collègue Dom égout en a été le témoin ! Je vous le montre ! »
Dom égout est tout retourné, congestionné, les yeux un peu dans le vague… Il raconte : « Alors voilà, on réparait un transcérateur, quand cette… chose… a commencé à dégouliner… C’était comme un suintement, mais en réalité elle pénétrait à travers le mur ! Je…
_ Continuez... fait Dominator, alors qu’il voit le Dom baisser la tête.
_ Je me suis approché, car je croyais à une fuite… Mais c’était pas du tout ça ! Ça s’est reformé de notre côté…, ça a pris une forme… et…
_ Mais allez-y, bon Dieu ! s’écrie le duc de l’Emploi. Crachez-la votre Valda !
_ Je m’excuse… Je suis encore choqué… Je
_ Ça ne fait rien, nous comprenons cela ! ajoute Dominator, qui regarde avec des yeux noirs le duc. Reprenez votre souffle et terminez votre récit…
_ La chose, comme je l’ai dit, s’est reformée... C’était horrible ! à la fois gélatineux et vivant ! Vous entendez : vivant ! Enfin, la chose s’est lentement tourné vers moi et elle m’a regardé !
_ De quoi avait-elle l’air ! demande haletant Ratamor. Décrivez-la nous !
_ Elle avait l’air d’une fleur ! d’une fleur en Dom !
_ Quel scandale ! s’écrie la Machine. Personne ne voit que ce Dom est fou ! Il cherche à nous faire peur !
_ Une fleur ? Tiens donc ! coupe calmement Dominator. C’est tout ce que vous pouvez dire ?
_ Non, ses yeux étaient tranquilles, mais si tranquilles que soudain je me suis senti perdu, démuni ! J’ai eu envie de pleurer et de demander pardon !
_ Quelle lavette ! »
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L' attaque des Doms (19-23)
- Le 24/08/2024
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"Tu vois, Xav, tant que Serrano était vivant, il y avait un semblant d'ordre!"
Mort d'un pourri
19
« Ah ! Professeur Ratamor ! fait Dominator. Vous avez demandé à me voir ?
_ En effet, en effet ! J’occupe volontiers mes loisirs, avec des inventions de mon cru ! Et je vous ai concocté une nouvelle arme !
_ Une nouvelle arme ? Vous me prenez par les sentiments ! Mais de quoi s’agit-il ?
_ De ceci : le Domiseur !
_ On dirait un pistolet…
_ C’en est un, mais il sert à domiser ! Il envoie un rayon domisant ! Il effectue une domisation ! En clair, il transforme tout individu en Dom !
_ Vraiment ? Je n’ose croire à une telle merveille ! Voilà qui réglerait bien des problèmes ! Mais comment cela fonctionne-t-il concrètement !
_ Eh bien, il transforme tout le monde en crapule !
_ Ah ! Ah !
_ Ah ! Ah !
_ Si c’est une plaisanterie, elle est de mauvais goût !
_ Disons que j’ai parlé un peu trop crûment ! Mais tout le monde sait qu’avant que vous ne deveniez Dominator, vous vous livriez déjà à des trafics ! Vous aviez des accointances avec la pègre !
_ Vous êtes sur un terrain dangereux, professeur ! Mon passé est top secret, pour ne pas nuire à ma carrière politique !
_ Certes, mais pour concevoir cette arme, j’ai tout le temps penser à vous ! Et ce, dans le but de vous donner entière satisfaction !
_ Admettons ! Mais où voulez-vous en venir ?
_ Mais comme vous n’avez jamais été honnête, il est vous impossible de considérer quelqu’un comme tel !
_ Vous dépassez les bornes ! Je ne sais pas ce qui me retient de…
_ Mais la possible efficacité de cette arme ! Vous savez que vous pouvez avoir confiance en moi ! Toujours est-il que dès qu’on vous critique, on est selon vous à la solde de l’étranger, de l’ennemi ! On a un but caché, dangereux ! On ne peut pas aimer la vérité pour la vérité ! On est forcément corrompu ! La vertu vous dépasse complètement !
_ Aaaargh ! Espèce de salopard ! Je vais vous faire pendre pas les pieds ! Les mouches vont vous dévorer le visage !
_ Alors vous ne connaîtrez pas la suite ! Ah ! Ah ! Donc le Domiseur envoie un rayon de Dominator, de vous-même ! La cible est corrompue immédiatement ! Elle se met à voir le monde, comme vous le voyez vous-même ! Tous les gens lui en veulent, sont pleins de plans troubles, de mensonges... Ils sont malhonnêtes, vils, achetables, etc. !
_ Bon sang, voilà une jolie trouvaille ! Chacun en Dominator !
_ Chacun en Dom !
_ Et si j’essayais sur vous, pour me venger de vos sarcasmes !
_ Cela n’aurait aucun effet ! Je suis déjà un Dom hypocrite et je ne crois pas à la vérité !
_ Ah ! Ah !
_ Ah ! Ah !
_ Fantastique professeur ! La domisation est en marche !
_ Finies les démocraties braillardes et chaotiques !
_ Oui, l’ordre et le pouvoir des Doms !
_ La bulle de la paranoïa enfin chez soi ! Ah ! Ah !
_ Oui, le culte de soi accessible à tous ! Les masses muselées par une hiérarchie exemplaire !
_ Les purs traités de menteurs, traînés dans la boue ! Plus besoin de les assassiner !
_ Vous m’enlevez une épine du pied ! Non que j’aie peur du sang ! Mais il faut des complices, la justice à sa botte, etc. ! C’est lourd !
_ La stagnation de l’économie est à éviter !
_ On peut toutefois la masquer par la guerre ! Mais vous m’ouvrez des horizons nouveaux ! J’ai un peu l’impression de retrouver ma jeunesse !
_ Je vous en prie ! Si j’ai pu apporter un peu de souplesse à votre quotidien...
_ Que diriez-vous d’une médaille, du statut de héros de la patrie ?
_ Je préférerais que vous me retrouviez mon ennemi juré !
_ Ah bon ? Et qui s’agit-il ?
_ D’un certain Piccolo ! »
20
Les Doms continuaient leur guerre dans tout l’univers ! Leurs rayons du mensonge, ou des enfants écrasés, ou le Domiseur fonctionnaient à plein régime ! Il s’agissait avant tout d’occulter les consciences, de les plonger dans le chaos, mais dans quel but ? Ce n’était pas le gain de territoire qui intéressait les Doms, ils en avaient déjà suffisamment ! Non, pourquoi tenaient-ils à attaquer leurs voisins, à semer le trouble parmi les milliards de planètes ?
Tous ensemble, ils formaient une gigantesque bulle de domination, qui étendait ses tentacules vers des planètes étrangères et ils englobaient, créaient l’effroi et rendaient fou ! Mais cela avait-il un sens ? Que voulaient-ils en définitive ? Dominer ? Certainement ! Mais, plus profondément, ne voulaient-ils pas aussi se faire aimer ? Ne souffraient-ils pas de ne pas occuper une position centrale ? Bien sûr, le triomphe du Dom était visé (n’était-il pas supérieur?), mais peut-on apprécier son importance ou sa valeur, quand l’hommage est forcé et vient d’esclaves ?
La guerre des Doms n’était-elle pas au fond un aveu d’impuissance ? Une rage de ne pas plaire ? Les Doms ne disaient-ils pas en substance : « Nous vous envahissons, car vous n’êtes pas venus à nous ! Nous vous détruisons, car vous nous marquez de l’indifférence ! Nous vous écrasons, car vous exister sans nous ! »
Il y avait là un combat qui rendait perplexe ! S’il n’y a pas d’admirateurs, il n’y a pas non plus de vedettes ! Pour se faire aimer, il semble nécessaire d’aimer aussi l’autre, car alors c’est le meilleur de lui qui nous aime ! Son respect ne vaut-il pas mieux que sa crainte ?
Cependant, à bord du vaisseau Dom 45TY550°, les choses se passent comme d’habitude, quand la sonnerie d’alerte retentit ! « Général, ici Dom passerelle. Excusez-moi de vous déranger, mais le radar signale un problème !
_ Un vaisseau ennemi sans doute !
_ Justement non ! Nous ne parvenons pas à identifier la menace !
_ Très bien, j’arrive ! »
Le Dom général est bientôt lui-même dans le poste de commandement et interroge le Dom passerelle : « Du nouveau ?
_ Le Dom spécialiste se penche sur la question…
_ On dirait un bloc de conscience ! fait justement le Dom spécialiste.
_ Un bloc de conscience ? s’étonne le général. En plein espace ?
_ Je partage votre surprise, mais nos analyses sont formelles ! Il s’agirait d’un bloc de conscience pure et celui-ci se dirige droit vers nous ! Temps estimé avant la collision : trois minutes !
_ C’est une blague ! Tous nos canons braqués sur le bloc ! Toute puissance ! Nos rayons mensonges et nos Domiseurs prêts à faire feu ! La vérité n’existe pas… et ce bloc ne peut être qu’un attrape-nigaud !
_ Si c’est une farce, on sait d’où elle vient ! ajoute le spécialiste, d’un air entendu.
_ Doms canonniers, à mon commandement : « Feu ! » »
Les rayons du vaisseau partent dans l’espace en direction du bloc de conscience, invisible à l’œil nu ! Le bloc frémit sous l’impact ! Les rayons le transpercent de part en part ! « Rien ne peut résister à un tel chaos psychique ! rugit le général !
_ Il semble que le bloc soit dissous ! s’exclame le Dom passerelle.
_ Hourra ! Hourra ! fait-on dans le vaisseau.
_ Je savais bien qu’il n’y a pas de vérité universelle ! reprend le général. Un bloc de conscience, pfff !
_ Remarquez, général, dit le Dom spécialiste, si le bloc nous avait percutés, on pourrait aussi se demander si notre guerre n’est pas absurde ?
_ Qu’est-ce que vous voulez dire ?
_ C’est pas tout à fait faux ! coupe le Dom passerelle. Car pourquoi on détruit les gens, si on cherche à s’en faire aimer ?
_ Eh ! mais…
_ Nous, on est assez d’accord avec eux, général, renchérissent les Doms canonniers. Pourquoi toute cette guerre ?
_ Bon sang, vous ne comprenez pas ! Nous n’avons pas détruit le bloc de conscience ! C’est lui qui nous a atteint !
_ Quoi ?
_ Mais oui et nous sommes maintenant les jouets de nos ennemis !
_ Vous n’êtes pas sérieux !
_ Oh si ! Et le premier qui avance, je l’ crève, avec mon Domiseur ! »
21
La Machine des Doms avance dans l’espace… Elle mesure cinquante kilomètres de long, tout en acier, bardée de canons, avec une figure de proue furieuse ! Elle entre dans l’atmosphère d’une planète et là le même schéma se répète ! Des milliers de Doms sautent sur le sol, se répandent telle une nuée de sauterelles ! C’est la Domisation ! Des villes sont construites en un temps record ! Des chantiers immenses crèvent la terre, arrachent la végétation, détruisent toute vie, au profit de bâtiments hérissés ! Les Doms sont masqués, pour éviter toute contamination, et on avance ! C’est inexorable ! La Machine survole la nouvelle ville, l’inspecte et on passe à la suivante ! C’est comme une nappe sombre, qui couvre peu à peu tout ce qui existe ! Et tout cela dans un vacarme assourdissant, abrutissant !
« Halte ! » crie la Machine, car c’est un vaisseau mère vivant ! La biologie y est mêlée à la technologie, d’une manière inextricable ! « Halte ! répète la Machine ! Forme de vie autochtone repérée à cinq kilomètres ! Images ! » Les écrans montrent un homme assis sur un trône, au sommet d’une colline ! « Qu’est-ce que c’est qu’ ça ? s’écrie la Machine énervée.
_ On dirait un de ces anciens souverains, dont parlent les légendes ! répond le général D 1, qui accompagne la Machine.
_ Ah ! Vraiment ! Un souverain ! Un concurrent donc ! qui défie notre pouvoir, qui le veut, qui le conteste ! Décidément, on ne sera jamais tranquille !
_ Il a l’air assez âgé ! Peut-être est-il mort ?
_ Négatif, il est en bien en vie ! Les détecteurs ne se trompent pas ! Envoyez des Doms déloger cette épave ! Elle freine notre progression ! »
Sous le vaisseau tombent des Doms, un gros commando, avec des Domiseurs et qui se mettent à cerner le vieillard ! Les Doms approchent cependant prudemment… Ils craignent quelque piège, d’autant que c’est la première fois, sur cette planète, qu’ils rencontrent une forme de vie analogue à la leur ! Ils sont maintenant tout près et touchent le vieux, mais celui-ci ne bouge pas, n’oscille même pas ! Il est là paisible, les yeux bien ouverts, mais il reste indifférent !
Les Doms pourraient passer à côté, l’ignorer et poursuivre leur destruction plus loin, mais cette tranquillité, cette apparente irrévérence à leur égard devient odieuse, surtout pour la Machine, qui redouble de fureur ! « Envoyez-moi ce débris enfer ! » crie la Machine. » Les Doms s’exécutent et tirent avec leurs Domiseurs sur le vieux, mais il ne se passe rien ! Il paraît immunisé ! Aucun trouble ne se lit sur son visage !
« Aargh ! fait la machine. Tous des incapables ! Je vais encore devoir m’en occuper personnellement ! » Le vaisseau Machine bombarde le vieux et lui fonce finalement dessus ! C’est un déluge de feu, de violence, de rage et c’est normalement le choc, mais le vieux se laisse transpercer par le vaisseau ! Il est même possible de le voir à l’intérieur de celui-ci, comme un hologramme ! « Mais qu’est-ce que c’est qu’ ça ? s’écrie la Machine ! D’où vient cette sorcellerie ?
_ Peut-être que nous ne prenons pas les choses par le bon bout ! Les Pleureuses auraient peut être plus d’effets sur lui ! dit D 1.
_ En effet, c’est pas une mauvaise idée ! Personne ne résiste aux Pleureuses ! Envoyez les Pleureuses ! »
De la soute du vaisseau descendent sur le sol les Pleureuses ! Ce sont de pauvres femmes en haillons, avec de longs cheveux, comme des goémons sur les rochers ! C’est une arme utilisée par les Doms, pour renforcer le chaos psychique de leurs victimes ! Elles se dirigent lasses, la tête courbée, l’air abattues vers le vieillard ! Elles l’entourent et là leur travail commence !
« De quoi tu vis ? dit l’une. Tu n’es pas inquiet ? L’économie est au plus mal !
_ Sûr, on t’exploite ! fait une autre.
_ Ta retraite va fondre ! On a vu des inflations tout ravager !
_ Ne le vois-tu pas ? Le système est obsolète ! Tout est perdu !
_ Que vas-tu devenir ? Tu n’auras bientôt plus à manger ! Et puis, ici, qui s’occupera de toi, quand tu tomberas malade !
_ Tandis que dans nos villes, on pourra t’aider ! te protéger !
_ Viens avec nous, nous sommes tellement inquiètes pour toi !
_ Dis-toi que rien n’est certain ! »
Les pleureuses se lamentent, se tordent, tellement que l’air devient sombre, menaçant ! On dirait qu’elles effacent elles aussi toute vie, mais le vieillard se met à rigoler et son rire éclate dans le vaisseau mère et dans toutes les oreilles des Doms !
_ Mais bon sang ! Qui est-tu ? s’exclame la Machine.
_ Je suis la Paix ! »
22
« Chef ! Chef ! On vient d’en capturer un !
_ Bon sang ! Qu’on l’amène ! »
Des soldats Doms, envahissant une planète, ont trouvé un individu suspect, car celui-ci était seul dans la campagne, apparemment sans occupations ! Il avait tout d’un espion par conséquent, car est-il concevable pour un Dom qu’on puisse ne rien faire ! Ne faut-il pas d’abord travailler ? Pour le Dom, chaque chose doit être claire et tout le monde doit être à même de réciter son état civil, en un éclair !
« Comment t’appelles-tu ? demande le chef des Doms au prisonnier.
_ Paschic, parce que je ne suis pas chic !
_ Très drôle ! Tu fais de l’esprit, si je ne m’abuse ! Mais tu n’es pas chic pour qui ?
_ Ben, pour la plupart, d’après ce que je vois !
_ Hum ! Tu m’as tout l’air d’un parasite, d’un égaré ! J’ai été formé pour rééduquer les gens comme toi ! Si, si, moi aussi, j’ai fait des études, malgré mon uniforme ! Et je suis prévenu contre les parasites, les fruits de l’espace décadent !
_ Mais tout cela me paraît prometteur !
_ Ah ! Ah ! L’insolence, un luxe de l’espace décadent ! On va te dresser, tu vas voir ! Mais n’allons pas trop vite, faisons preuve de psychologie ! Le Dom n’est pas méchant, tu sais ! Mais il a des valeurs ! Les connais-tu ?
_ Pas spécialement !
_ Ce que nous aimons par-dessus tout, c’est la dignité, la morale, l’ordre ! Pour y arriver, le respect de la famille est par exemple nécessaire ! Il faut encore respecter les anciens et l’autorité !
_ Cela me convient ! Le respect de l’individu, c’est mon Credo ! Accepter la différence, se montrer tolérant, c’est…
_ Eh mais, où tu te crois ? Ici, c’est moi qui enseigne, qui éduque ! Je considère que je n’ai rien à apprendre de toi ! Tu es un décadent et nous, nous sommes des Doms !
_ Je pensais bien aussi.. Donc, ta morale, c’est de l’esbroufe ! Seule compte ta supériorité ! Quelle surprise !
_ Ah ! Ah ! Une forte tête ! La psychologie été inefficace… Revenons aux bonnes vieilles méthodes ! Crois-bien que je le regrette ! »
Paschic est violemment giflé ! Il tombe de sa chaise et on le bourre de coups de pieds ! Puis, on le rassoit et on le gifle encore ! « Commences-tu à comprendre ce que le mot dignité veut dire ? crie le chef. Je viens t’apporter la bonne parole ! Je suis un serviteur de l’Évangile des Doms ! Je fais preuve de bonne volonté, de patience et même de man… suétude ! Voilà c’est ça ! Et qu’est-ce que je reçois en échange ? Moqueries, mensonges, morgue ! Décadence !
_ Vous pouvez me rappeler vos valeurs ? demande Paschic, la bouche gonflée. J’ai dû manquer quelque chose !
_ Ah ! Si tu voyais le pays des Doms ! Nos vies en harmonie ! Le patriarche bénissant les ouailles ! L’enfant qui rit ! La mère si belle ! Le mari si fort !
_ Pas d’ivrognes, de pauvres, de perturbateurs ! Les rues sont propres !
_ Exactement !
_ Alors pourquoi êtes-vous ici ?
_ Mais pour porter la bonne parole, je te l’ai dit !
_ En tuant et en violant ? En détruisant et en écrasant ?
_ A qui la faute ? Vous résistez ! Mon rêve, t’apprendre à être bon !
_ Commence par me donner l’exemple !
_ C’est-à-dire ?
_ Montre-moi que le maître n’est pas plus que le serviteur ! Lave-moi les pieds !
_ Tu voudrais que moi, je… te lave les pieds ?
_ Ainsi, tu me montreras que Dieu seul est grand !
_ Comprends pas !
_ La bonté, c’est la fin de l’ego ! ce qui n’est possible qu’avec la foi ! En me lavant les pieds, tu réaffirmes ta confiance en Dieu, dans l’abandon de ton ego !
_ La vache ! T’en as sous la cafetière, Paschic ! Les autres, ils avaient raison de me mettre en garde contre la décadence ! J’ai jamais rien vu d’aussi vicieux que toi !
_ J’essaie d’être un peu plus sincère que vous, les Doms !
_ Toujours à la ramener, Paschic ! Y a pas moyen que tu la fermes cinq minutes !
_ Désolé, je suis tellement impatient de rendre justice à la justice !
_ Mais en taule, tu vas pouvoir être le juge des araignées ! Tu pourras encore réfléchir à ta perversité !
_ Donc, tu veux vraiment pas me laver les pieds ?
_ Plutôt crever ! Tu vois ces médailles ? Je les ai gagnées à la sueur de mon front ! Tu ne crois tout même pas que je vais jeter ça aux orties !
_ Alors, tu seras toujours malheureux ! »
23
Zorm court… Il court pour sauver sa peau ! Derrière, des Doms le poursuivent comme des loups et dès qu’ils sont assez près, ils essaient de mordre ! Ils grondent et Zorm voit leurs crocs blancs ! Zorm rêve en courant ! Il paraît qu’il existe une planète pleine de lumière, où les Doms sont débarrassés de leur bulle de domination ! C’est une planète où chacun est curieux de l’autre, cherche à aimer et à ne pas dominer ! C’est une planète pleine de lumière, où le repos est permis, où la justice est rendue, où l’amour règne , car tous y sont des enfants dans la lumière ! C’est une planète resplendissante !
Mais Zorm court encore, alors qu’il se met à pleuvoir ! Des doms surgissent çà et là et il faut de nouveau courir ! Zorm recueille un cristal de rosée et entre à l’intérieur ! C’est quelque chose qu’il a appris avec le temps ! Il devient ainsi invisible et Les Doms passent devant lui, sans le voir ! Zorm les regarde s’éloigner… Ils sont toujours aussi féroces !
Zorma a appris certaines choses… Il s’est découvert un don : celui de se fondre dans la beauté, quelle que soit sa dimension ! Ce n’est pas à la portée du premier venu ! Les Doms par exemple en sont incapables ! Ils ne se doutent même pas que ça existe ! Mais Zorm a appris ! C’est arrivé un jour, à force de contempler ! Et avec l’expérience, Zorm voit la beauté partout, ou presque, et il peut donc se cacher à peu près n’importe où !
Il lui arrive de monter sur un goéland, il s’accroche à ses plumes immaculées, il monte avec lui dans l’azur ! Zorm encore saute de nuage en nuage ! Il passe d’un chou-fleur à un autre ! Il chevauché des dragons de coton, des chimères délirantes, des titans impassibles, des sorcières échevelées !
Mais Zorm est devenu un maître ! Il peut être une petite fleur dans un mur, un simple reflet dans une flaque, le vent, une veine colorée dans une pierre ! A chaque fois, les Doms passent en hurlant, ne se doutant même pas de l’existence de Zorm, à quelques centimètres d’eux !
Zorm court encore et les Doms de nouveau l’ont aperçu et se lancent à sa poursuite ! Il paraît qu’il existe une planète pleine de lumière, où le Dom est débarrassé de sa bulle de domination ! Pourquoi ? Parce qu’il a aimé et aime ! Là est le secret ! Haïr est facile ! Il suffit de dominer ! Mais aimer ! Haïr vient de l’orgueil, de la domination ! Mais aimer, c’est justement lutter contre son égoïsme ! Vertigineuse perspective ! Merveilleuse perspective ! Zorm court encore… maintenant plus vite et les Doms grondent, en montrant leurs crocs !
Zorm va être rejoint ! Il sent déjà la morsure, mais il aperçoit une fougère et disparaît en elle ! Les Doms referment leur gueule sur du vide ! Déconcertés, il cherchent la piste, reniflent, gémissent ! Ils vont plus loin, pour trouver une autre proie ! Zorm est au frais, au calme ! Il respire lentement l’odeur de la fougère ! Elle est verte, épanouie, mais elle deviendra bientôt dorée, avec l’automne ! Elle prendra la couleur du feu ! Le Dom ne s’en doute même pas ! Il est tout à ses haines, à ses revendications ! Il se croit lésé, alors que la fougère est d’une richesse infinie ! Zorm s’endort, bercé par la fraîcheur !
Aimer, tel est le secret ! Étrange secret ! C’est l’eau du ruisseau, le maître de Zorm ! C’est l’eau du ruisseau, le maître de Zorm ! C’est elle qui enseigne, éduque, murmure ! Écoute son chant, Dom ! Écoute son chant ! Il emporte ta plainte ! Il emporte ta peine ! Écoute son chant, Dom et la paix descend sur toi ! L’eau est la parole muette ! C’est le maître qui emporte ta peine ! C’est son scintillement qui éblouit ! C’est son murmure qui apaise ! C’est sa veine dans le champ qui enchante ! C’est la lumière qui parle à l’enfant !
Aimer est le secret de l’adulte ! Quelle étrange chose ! Haïr est facile ! C’est la bulle de domination ! Zorm a repris sa course ! Et les Doms leur chasse ! Aimer quand les autres veulent mordre et tuer ? C’est la leçon de la beauté ! C’est la leçon de la lumière ! Peut-on cesser d’être Dom sans aimer ? Peut-on cesser d’être Dom sans lumière ! Aimer, tel est le secret ! Étrange secret ! Les Doms se rapprochent ! Aimer les Doms aussi ! Mais Zorm de nouveau s’échappe ! Il est dans une vielle écorce, en compagnie de fourmis et de cloportes ! A côté, du lichen couleur émeraude le fait presque éternuer ! Il va être repéré par les Doms, mais ceux-ci passent à toute vitesse ! Ils flottent dans leur bulle de domination ! Ils y sont pourtant pleins de fureur ! Ils veulent déchirer leur bulle ! Ils veulent la justice, la liberté ! Ils veulent l’eau de vie !
Et ils passent à côté ! Zorm ne bouge pas ! Il respire avec le grand feuillage ! Des Doms à la traîne pleurent… Zorm veut les secourir, mais ils donnent l’alerte ! « Zorm est là ! crient-ils. L’ennemi est là ! » Zorm reprend sa course et derrière la meute hurle ! Elle a de nouveau sa cible, sa proie ! Sinon elle est perdue !
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L' attaque des Doms (14-18)
- Le 17/08/2024
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"Le problème est le suivant: qui a eu cette idée de génie?"
L'assassin habite au 21
14
« Dominator, entrée en scène dans une minute ! » Dominator tourne la tête, alors qu’on finit de le maquiller ! Il va faire le show, sur une immense scène, devant son public ! Des lumières dansent, la musique est assourdissante, des fumées, des feux ici et là… et voilà Dominator qui apparaît, sous les applaudissements et les cris de ses admirateurs !
« Bonjour les Doms ! fait-il dans le micro, très fort.
_ Hihhii ! Hhhi !
_ Vous allez bien ?
_ Hiiihhiihhi !
_ Et pourquoi ça n’irait pas ?
_ Hhiiihhii !
_ Nous les Doms, on va bien merci ! Nos ennemis doivent l’accepter ! Et pourquoi on va bien ? Parce qu’on est fort !
_ Ouiiiouiiouiiu !
_ Parce qu’on est fort et qu’on en est en sécurité ! Notre économie va bien ! Nos familles aussi ! Nous sommes forts et personne, absolument personne n’a à nous dire le contraire, pas vrai ?
_ Ouiioououii !
_ C’est grâce à vous ! C’est vous les Doms, le miracle ! Je ne suis là que pour vous aider, je ne suis que votre humble serviteur !
_Ouiiiouiouii ! »
« Allô, la sécurité ? Ici D1 ! J’ai repéré un gêneur, dans le coin 7 C ! Il fait des gestes le pouce en bas ! Enlevez-moi cette ordure !
_ Compris D 1 ! »
« Et moi, je vous dis qu’on va aller encore plus loin ! reprend Dominator. Nous, les Doms, sommes le peuple élu ! Nous avons une grande destinée, avec l’aide de Dieu ! Oui, mes amis, Dieu est avec nous, contre nos ennemis ! On ne nous menacera pas sans conséquences ! Si on nous attaque, nous avons les meilleures bombes, les meilleures fusées ! Nous ne nous laisserons pas faire, car nous les Doms, nous sommes supérieurs, aimés de Dieu !
_ Ouiiiouuioui !
_ Vous m’avez choisi parce que vous vouliez une guide ! Vous vouliez la prospérité pour vos familles et la sécurité ! Vous vouliez l’ordre et je vous l’ai donné ! Et maintenant nous devons regarder vers les étoiles, vers le haut ! »
« Allo D 1 ? Ici la sécurité ! Le type nous a glissé entre les doigts ! Il est difficile d’intervenir violemment parmi la foule !
_ Mais qu’est-ce que vous foutez, bon sang ? Vous allez tous finir comme gardiens de prison dans l’ désert ! Il s’agit d’ faire son travail, c’est pas compliqué ! Crevez-moi ce suspect !
_ Mais…
_ Exécution »
« Bang ! Bang ! » entend-on un moment au-dessus du discours de Dominator ! Il y a même un petit mouvement de panique ! « Oh là ! On m’annonce des pétards ! dit Dominator ! Dangereux pour la sécurité ça ! Mais nous les Doms n’avons pas peur ! Nous sommes les Doms, les doms fiers d’être des Doms !
_ Ouiiouiiiuoui !
_ Euh ! J’ sais pu ce que j’allais dire ! Il ne faut pas réfléchir, je suis là ! Non, c’est pas ça ! Euh ! Demain nous attaquerons une autre planète, d’accord ! Une planète remplie d’ennemis ! Hein, on les battra à plat de couture, ça vous va ?
_ Ouiiouiioui !
_ Euh… A nous la gloire et la victoire !
_ Ouiouioui !
_ Et les pauvres t’y penses aux pauvres ? crie une voix.
_ Ouiiouii
_ Bien sûr, mais qu’est-ce que... ?
_ Bang ! Bang !
_ Et l’argent qu’ t’as volé, t’y penses ?
_ Ouiouioui !
_ Mais enfin, c’est quoi, c’ merdier ?
_ Bang ! Bang !
_ Allo D 1 ? On l’a eu !
_ T’es viré, salopard ! T’es viré t’entends ! »
15
La salle de boxe sent la sueur et est mal éclairée ! Son aspect est assez minable et pourtant c’est de là que viennent les meilleurs combattants contre les Doms ! Ils sont entraînés par Paschic, ancien champion lui-même ! Un jeune frappe un sac et Paschic vient lui donner des conseils : « Ouais ! Voilà c’est ça ! Droite, gauche ! Droite, gauche ! Pense au crochet ! Ouais, tes jambes ! Pense à ton jeu de jambes ! Souplesse, dextérité endurance ! Ouais, c’est pas mal !
_ Pas mal ! J’ donne tout, coach !
_ Et t’estime qu’ t’es prêt, j’ parie !
_ J’ vais l’ bousiller, l’ Dom ! J’en suis sûr, coach !
_ Attends un peu… Qu’est-ce que tu crois que c’est ton sac !
_ Ben, j’imagine un Dom !
_ Et tu le mets KO, c’est ça !
_ Y a un problème, coach ?
_ Un peu qu’il y en a un ! On ne bat pas un Dom ! On peut le convaincre parfois, mais on ne rétame pas un Dom !
_ Ah bon ? Mais alors qu’est-ce qu’on fait là ?
_ Mais p’ tit, ce sac, c’est ta domination, ton amour-propre !
_ Je lutte contre mon amour-propre !
_ T’as pigé ! C’est comme ça qu’on lutte contre les Doms ! Faut d’abord vaincre sa domination !
_ Alors, j’apprends à lutter contre elle ! Bon, mais je suis prêt tout de même !
_ Ah Bon ? Et moi, j’ dis qu’ tes un loser de première classe !
_ Faut pas dire ça coach, ça non !
_ Mais si ! J’ te dis les choses net : j’ai jamais vu un tocard comme toi !
_ Faut pas dire ça, coach ! Faut pas
_ Sinon quoi ? Tu vas faire pipi dans ta couche ? »
A ce moment, le jeune essaye de frapper Paschic, qui évite ! « Oh là ! Oh là ! Tu perds pied ! reprend Paschic. Et tu crois qu’ t’es prêt contre le Dom ? Mais à la moindre vexation, tu vas te jeter sur lui ! Il va rire de toi ! Il va dire qu’ t’es comme lui, que tu vaux pas mieux ! Je te le répète, on ne vainc pas le Dom ! Faut tirer un trait là-dessus ! T’auras pas raison !
_ Mais c’est insupportable !
_ C’est insupportable à ton ego ! C’est pourquoi qu’il faut le combattre ! T’es là pour ça, pour domestiquer ton ego ! Et là, t’es carrément pas prêt !
_ Mais comment il faut faire ?
_ Mais chaque jour tu apprends ! Tu tords le cou à ta haine, à ton amour-propre ! Tu quittes ta propre bulle de Dom ! Il faut que tu voies le Dom prisonnier de son ego ! Là, t’es arrivé à le vaincre !
_ En combattant ma domination ?
_ Fais-le par amour, par renoncement ! Élargis ta vue ! Dès que tu verras le Dom suer, à cause de son ego, tu te sentiras vainqueur ! Tous tes efforts paieront ! Tu plaindras plutôt le Dom, car toi-même tu seras libéré !
_ C’est mon rêve coach, je veux être un champion comme vous !
_ Allez ; on reprend l’entraînement, Le sac là, c’est ton amour-propre ! Ouais, droite gauche ! Ouais, n’oublie pas le crochet ! Ton jeu de jambes, souple ! Ton ego est vicieux ! Il est chevillé à ton corps ! Le Dom va t’exciter ! Tu vas vouloir le détruire, de toute ta haine et ça pour la vérité, la justice ! Or, il faut pas, tu serais perdant !
_ Ouf ! Ouf ! C’est dur !
_ Sois sans pitié avec ton ego ! Pare ses coups ! Te laisse pas avoir par ce qu’il te raconte ! Ok arrête ! Faut pas t’ blesser non plus ! J’ vais t’ donner le secret !
_ J’écoute coach !
_ La confiance ! Tu renonceras grâce à la confiance ! Sérénité ! On respire ! Plus tu maîtriseras ton ego, plus tu seras doux avec le Dom, car tu seras dans une autre dimension, la spirituelle ! Tu seras inaccessible au dom !
_ Comment ça ?
_ Quant tu n’auras plus besoin de dominer, le Dom n’aura plus aucune prise sur toi !
_ Wouah ! Comme j’ai hâte, coach ! Moi aussi, je veux me moquer du Dom !
_ Mais personne ne se moque du Dom ! du moins pas méchamment !
_ Oui, oui, bien sûr ! Mais moi aussi, j’ veux être... inaccessible, comme vous avez dit !
_ Ouais, ouais !
_ Être un champion de la spirituelle, tout comme vous !
_ Ouais, ouais, Y a du boulot ! Allez, on ferme ! Fini pour aujourd’hui !
_ Droite gauche ! »
16
Dominator s’adresse de nouveau à sa population… « Vous allez bien ?
_ Ouiuouioui !
_ J’ veux que vous soyez heureux ! J’ veux qu’on soit fort, nous, les Doms ! J’ veux que vous soyez fiers d’être des Doms !
_ Ouiouiouioui !
_ J’ai la solution pour vous ! Le confort ! La belle vie ! Le matérialisme !
_ Ouiouioui !
_ On va être super développé ! moderne et tout ! A partir d’aujourd’hui, écoutez bien, je vous offre un crédit préférentiel ! Oui, vous avez bien entendu ! L’État remboursera la différence aux banques, par rapport au taux usuel ! C’est pas merveilleux ça !
_ Ouiouiouioui !
_ Alors qu’est-ce qu’on dit ?
_ Merciiiii !
_ Bon sang, les Doms, devenez propriétaires ! Achetez-vous une maison et soyez heureux !
_ Hourra ! Hourra ! »
C’est le déchaînement, les Doms courent au crédit ! « Un crédit, un crédit s’il vous plaît ! », « Ma maison, je veux une maison ! », « Poussez-pas, y en aura pour tout le monde ! », « Dom ! Dom ! Dom ! », « Achetez Dom ! Achetez Dom ! », « Vendre, argent, choses, confort, bruit, épater, j’épate, nous épatons ! Parader, choses, fric, maison, crédit », « Vive la matérialisme ! », « Allez le troupeau des Doms ! Meuh ! Meuh ! »
« Touche pas à mon crédit ! », « J’ t’ai vu, t’as touché à mon crédit ! » « Tu touches à mon crédit et j’ te crève ! », « Mon emploi ! Mon emploi ! Et comment j’ vais rembourser mon crédit ? », « Quoi, la situation est mauvaise, c’est la crise ! Et mon crédit, comment j’vais l’ rembourser ? », « Touche pas à ma voiture ! J’ t’ai vu toucher à ma voiture ! Retire tes mains de ma voiture ! », « T’as bien fermé la maison, chéri ? A cause des voleurs ! », « Ne t’inquiète pas, ils auront une drôle de surprise ! Un bon coup de fusil en pleine gueule ! », « Touche pas à mon confort ! »
« Regardez-les ! dit Dominator à D 1. Les voilà soumis ! bêtes ! Et moi, j’ai le pouvoir ! Qui vais-je pouvoir assassiner, pendant qu’ils dorment ? Montrez-moi la liste de mes opposants ! »
Dans la plaine, des milliers de Doms avancent, courbés sous le poids de leur crédit ! Le vent est rude et fort ! Les pas sont lourds, mais le Dom progresse au nom du matérialisme ! Le confort, la vanité à son côté lui crient : « Allez ! Allez, tu y es presque ! Encore un effort ! Encore une mensualité ! On ne lâche rien ! » Le Dom serre les dents et ne voit pas la fin ! Aveuglés par le sable soulevé, les Doms tombent un à un dans le gouffre du temps ! Le cimetière du crédit s’étend à perte de vue !
Le silence parfois retombe… Le long de la marche terrible des Doms, on aperçoit des carcasses, des squelettes de Doms, qui sont morts en plein effort, en tirant leur crédit ! Œuvre titanesque ! Les documents sont arrachés par le vent et se dispersent ! Ô Dom, quel sens a eu ta vie ? Tu n’as pas échappé à la peur, elle a toujours été présente à côté de toi et elle t’a tué d’une maladie ! Cancer, Parkinson, etc. ! L’esclave du matérialisme a été terrassé et on l’oublie !
Et la lutte pour le pouvoir ! La domination ? Elle continue de faire rage ! Autre soleil ! Autre illusion ! Empoignade, meurtres, mensonges ! Que reste-il ? Où est l’eau de vie ? Qui aura donné ? Qui aura répandu la lumière ? Qui aura transmis la paix et l’espoir ?
Le vent tourbillonne sur les carcasses des Doms et plus personne ne pense à eux… On entend encore l’écho de Dominator : « Laissez-moi commander ! Et je vous donnerai le confort et la sécurité ! » et les Doms ont obéi et pourquoi ? La vie est-elle possible seulement dans l’égoïsme ? sans idéal ? sans grandes espérances, sans le souffle de la liberté ? La vie est-elle supportable, si l’on ne pense qu’à soi ? Dominator enlève l' âme des Doms ! Il les a rendus esclaves de leur crédit, de leur égoïsme ! La peur les a momifiés !
Les Doms prient, pour que Dieu protège Dominator ! Les Doms prient pour leur sécurité et leur confort ! Les Doms prient et n’aiment pas Dieu, n’ont aucune confiance en lui, mais en Dominator ! Les Doms prient la force et la domination, nullement pour l’amour ou le renoncement qui rend libre !
17
A Domopolis, on trouve de drôles de personnages ! Ils sont tous pareils : ils portent un petit chapeau melon, une barbichette, le même imperméable clair et leur visage est rondouillard ! Leur aspect paraît anodin, mais si on les approche, on est surpris par leur expression figée, comme s’ils regardaient au loin et ne se souciaient pas de ce qu’on leur dit ! Ils restent muets et les très rares, qui les ont vus sans leur imperméable, racontent que leur corps n’est fait que de briques, tel un mur ! Ainsi, on a appelés ces étranges individus les Doms murs !
Leur comportement étonne lui aussi ! A chaque fois que quelqu’un se plaint, gémit, à cause d’un problème administratif, d’une injustice sociale, d’une allocation rognée ou supprimée, d’un droit bafoué, le Dom mur apparaît, comme par enchantement ! Il est là présent, semblant attendre, sans marque d’hostilité ! Mais, si la personne qui se plaint se met en mouvement, elle trouve en face d’elle le Dom mur ! Il bloque le passage ! Bien sûr, on essaie de le contourner, mais le Dom mur alors ferme les côtés ! Si on tente un tout autre chemin, on retrouve bientôt le Dom mur devant, avec toujours cet air absent !
On finit par essayer de le bousculer, mais en vain ! A peine le Dom mur oscille-t-il sur sa base ! Même son chapeau reste collé ! On se dit que ce n’est pas possible, qu’il faut bien qu’on se plaigne, car on est traité comme un chien, mais le Dom mur nous en empêche ! On en vient à le supplier, à le frapper au torse en criant, en pleurant, rien n’y fait ! Le Dom mur garde son impassibilité ! On se sent prisonnier angoissé ! On fait les cents pas, pareil qu’en cellule ! On a le visage perdu, épuisé ! Nos forces s’en vont ! Une destruction psychologique s’effectue ! On devient triste sans raison ! On est cassé à l’intérieur, comme si on était plein de débris de verre !
Le Dom mur s’en moque ! Même son expression semble plus joviale ! Mais peut-être sont-ce nos sens qui nous jouent des tours ? En effet, la douleur enlève la lucidité ! A force de buter contre le Dom mur, on est sans énergie, vide ! L’injustice ne peut plus sortir, il faut la digérer ! On en devient malade ! On perd tout espoir, on meurt petit à petit ! On voudrait de la vie, revenir à un temps où on était insouciant, mais c’est trop tard ! On a vu l’abîme et on ne peut plus l’oublier ! On sait que le Dom mur existe ! D’autres doms plus chanceux l’ignorent et font la fête !
On se reprend pourtant et on s’efforce de convaincre le Dom mur lui-même ! On lui parle, on lui explique notre affaire, on lui expose nos griefs ! On a des preuves, on raconte des situations, on donne des exemples, on fait avancer notre procès ! On lui montre combien l’injustice nous a frappés, combien nous sommes des victimes, combien nous souffrons ! C’est patent ! Toutes les pièces à convictions sont là ! On est d’ailleurs sanguinolent ! On découvre nos blessures, notre cerveau nu et meurtri et on est certain qu’il y a là de quoi frémir, mais le Dom mur ne bronche pas ! Il est dépourvu de pitié ! Autant s’adresser à un mort ! On baisse de nouveau les bras ! On se rassoit, anéanti ! On regarde encore le mur… Les heures passent… On agit tel un robot, mécaniquement ! Les jours se ressemblent… On a de vagues plans… On se désintéresse de tout ! On n’a plus goût à rien ! On a tout essayé et le Dom mur nous a vaincus ! C’est pas faute de courage, c’est le Dom mur qui est le plus fort !
De son côté, Dominator s’ennuie ! « Appelez l’Escamoteur ! dit-il à D 1. Lui seul pourra me dérider !
_ Vous m’avez demandé ? fait l’Escamoteur un peu plus tard.
_ Oui, regarde ma population ! Elle est sans vie ! Elle paraît complètement apathique ! On dirait des veaux ! Il est impossible de les faire bouger ! Le pays stagne ! Il me faut un remède !
_ C’est assez simple ! Tu dois laisser à chacun la possibilité de se développer, de s’exprimer, de donner son avis ! Pourquoi veux-tu qu’on donne le meilleur de soi, quand on ne peut pas être soi-même ?
_ Il y a l’argent, le crédit !
_ Ce n’est pas suffisant ! Il faut un idéal, de l’espoir !
_ Hum et en clair, qu’est-que ça veut dire ?
_ Mais le pays sera dynamique, uniquement s’il est une démocratie ! Certes, il y aura du ramdam, mais il faut que chacun puisse se sentir respecté, avoir le sentiment qu’il peut s’épanouir !
_ bah…
_ Tes Doms murs tuent tout enthousiasme, toute joie de vire ! C’est l’injustice et le mensonge qui règnent ! Ton mépris est évident ! Comment s’étonner de la dépression du plus grand nombre !
_ Mais la démocratie, c’est remettre en question mon pouvoir !
_ Certes !
_ Mais c’est ça que j’aime, le pouvoir ! C’est ma raison d’être, ma vanité !
_ Dans ce cas, je ne suis pas un faiseur de miracles ! »
18
Zorm s’approche du champ des Pendus… C’est un endroit sinistre ! Ici, tout a commencé par une pendaison : un Dom, qui n’avait jamais reçu de Likes de sa vie, est venu mettre fin à ses jours ! D’autres l’ont suivi et ainsi est né le champ des Pendus ! Il y a là de vieux arbres, à grosses branches, et les pendus y restent plusieurs jours ! Le pouvoir ne veut plus s’occuper de ces choses, par trop déprimantes et qui, si on les creusait, seraient capables d’inquiéter le régime de Dominator, feraient qu’on s’interrogerait sur son bien-fondé !
Le résultat, c’est qu’à côté des corps qui se balancent, on trouve des suicidés différents et de toutes sortes ! C’est devenu le cimetière des mal-aimés, des sans Likes, des anonymes qui meurent de trop d’indifférence ! On voit des corps de jeune filles, presque intacts, des squelettes et des charognards ! Le vent semble pleurer ! Personne ne visite ces lieux, réservés aux délaissés ! Zorm a eu le courage d’y venir la nuit et c’est comme ça qu’il a pu voir à quoi ressemblent exactement les Likes !
Ce sont de petits esprits, analogues aux feux follets ! Dans l’obscurité, ils deviennent visibles et ont bientôt entourés Zorm ! Ils ont des faces d’anges et sont très séduisants ! Ils murmurent des paroles douces, ils enchantent, bercent, mais leur vrai visage est impitoyable ! Si on les rejette ou les ignore, ils deviennent affreux ! Ils disent qu’on n’est rien, méprisable et qu’on ferait mieux de disparaître de la planète ! C’est pourquoi ils hantent le champ de Pendus ! Ils sont là pour contempler leur proies! Les suicidés leur donnent une idée de leur puissance !
Autrement, dans Métropolis, ils sont à la fête, quoique cachés par le jour ! Mais il suffit de voir la tête des Doms, pour se rendre compte combien les Likes sont actifs et fascinants ! Ils cernent le Dom comme un parfum et celui-ci est enivré, au point qu’il ne quitte plus son smartphone ! Le Like lui dit : « Regarde combien tu es aimé ! comme tu comptes, comme t’es bien comme il faut, combien tu séduis ! La route des gagnants t’est ouverte ! »
L’effet du Like est si fort qu’il ne peut plus cesser sans que le Dom éprouve un malaise, de l’angoisse ! C’est comme une drogue, dont le Like se réjouit le premier ! Si on commence à s’en effrayer et à vouloir prendre de la distance, le Like intervient de suite et martèle à l’oreille du Dom : « Veux-tu rejoindre le champ des Pendus ? Veux-tu la nuit et le désespoir ! Connais-tu la souffrance d’être seul et méprisé ? »
Le Dom aussitôt réaffirme aux Likes sa dépendance, sa confiance et ceux-ci s’en amusent autour de lui ! Il faut être très fort pour lutter contre les Likes ! Il faut pouvoir mettre autre chose à leur place, mais quoi ? Zorm a appris à les domestiquer ! Il les fait tourner autour de ses doigts et la colère des Likes ne peut rien contre lui ! Zorm est libre ! Mais celui qui est dépendant des Likes est forcément un esclave de Dominator !
A croire que les Likes sont de mèche avec lui ! Mais les deux forment un tout, à la logique très simple ! On ne domine pas sans avoir une bonne place dans la société ! Il faut de la richesse, de l’influence ! Cela ne peut exister si on vit en marge ! L’aura du pouvoir conditionne les Likes ! On est intégré sous l’aile de Dominator, en adoptant une forme de pensée et les Likes sont là, ils pleuvent, ne serait-ce que parce qu’on est à la mode !
Les Likes ne sont au fond rien de plus que de la domination ! On est positionné dans le groupe, grâce à eux ! Plus on a de Likes et plus on est un leader ! Les sans Like se sentent exclus ! Le système de Dominator est impitoyable ! Les Likes y sont comme des maîtres ! On pourrait comparer la société à une grappe d’or, ou à un essaim bourdonnant de Likes et qui se protège ! Là sont la sécurité et le confort ! Là gît l’égoïsme ! Là vit le faux, car les sentiments sont tout prêts à changer ! Il suffit que le Dom du jour tombe et on ne le reconnaît plus ! Toute la sympathie qu’on lui voue ne sert qu’à se hisser soi-même, ou à se rassurer !
On est pour ou contre le pouvoir ! On est du côté de Dominator ou son ennemi ! La haine se déchaîne à l’égard de ceux qui dénoncent le rêve, l’artifice du groupe ! On en veut à ceux qui réveillent nos peurs, qui nous remettent en question ! Les Doms aiment leur personnage et les Likes les illuminent !
Dans le champ des Pendus, un jeune n’en peut plus de sa solitude ! Il n’en revient pas qu’un tel abandon soit possible ! Le ciel et la terre sont vides apparemment ! Le jeune comprend qu’on peut mourir, sans que personne ne bouge ! Cela lui laisse un goût amer dans la bouche… Le désespoir devrait l’anéantir, mais il n’est même plus capable d’avoir mal ! Songe-t-il encore à quelque fête des Doms ? Un pendu grince à côté, comme s’il riait ! Le jeune a décidé de s’en aller et il s’en va…
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L'attaque des Doms (9-13)
- Le 11/08/2024
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Touche pas au grisby
9
Zorm avance la nuit dans le désert… Il aime le silence et les étoiles éparpillées comme de la poussière argentée ! Quelle profusion, quelle gratuité ! Mais soudain, Zorm perçoit un bruit, un chant, une clameur encore sourde… Pourtant, le sang de Zorm se glace, car il a reconnu le mot Dom et c’est bien celui-là qui est répété, comme une incantation : « Dom, Dom, Dom ! »
Zorm devient prudent, progresse en se cachant, puis, du sommet d’une dune, il découvre le spectacle ! Les Doms sont là par centaines ! Ils prient, ils vénèrent une étrange créature… Elle a un gros ventre et apparaît de sexe féminin ! Elle a une tête rouge, comme si elle était en colère ! On la voit assez bien, grâce aux feux que les Doms ont allumés ! La scène fait froid dans le dos, mais cette créature ne serait-ce pas la mère des Doms ? la domination en personne ?
Dom, Dom, Dom ! C’est un sacrifice ! On conduit à la mère des Doms un pauvre bougre ! Il est là nu et tremblant et on le pousse vers la créature ! « Que va-t-il se passer ? » se demande Zorm. La mère des Doms s’ouvre ! Oui, son corps s’ouvre littéralement ! Comment est-ce possible ! Les chairs peuvent se séparer ! C’est une horreur et toujours ce visage en furie !
Le sacrifié hurle ! Mais que peut-il faire ! Il est saisi par ce monstre béant ! On entend un dernier cri, puis la victime disparaît dans le ventre de la domination ! Zorm baisse la tête, mais il n’est pas au bout de ses surprises ! Le pauvre bougre ressort ! Il est libéré par la créature ! Tout cela tourne au cauchemar !
Le sacrifié, de nouveau parmi les vivants, semble changé… Il regarde autour de lui, comme étonné ! Puis, il crie : « Doooommmm ! » et tous lui répondent : « Dom ! Dom ! Dom ! » « Bon sang, il est un des leurs ! se dit Zorm. Il est cuit ! Mais alors ils se phagocytent et se multiplient ! Qu’est-ce que ça veut dire ? »
Cependant, une lumière descend du ciel ! Elle a l’air d’une flamme elle-même, mais elle est encore plus vive que les feux qui l’entourent ! Le plus étrange, c’est qu’elle ne semble pas dévorante, destructrice, mais plutôt recueillie, calme, comme si elle attendait les coups ! A sa vue, la mère des Doms gronde, quand les autres Doms sont plongés dans l’expectative ! La lumière ne bouge pas !
La mère des Doms au contraire entre dans une rage folle ! Elle cherche à piétiner, à détruire la lumière et ses cris sont épouvantables ! Mais la lumière ne s’en effraie pas et reste tranquille ! Les coups que la créature lui donne ne l’atteigne pas, ce qui fait que la fureur de la mère des Doms redouble ! Elle en appelle à ses hommes, qui attaquent la lumière, la transpercent de leurs flèches et de leurs lances ! Mais la lumière ne bronche pas, elle a toujours cet aspect recueilli ! Elle ne veut pas le pouvoir, ni vaincre les Doms qui sont là !
On devrait donc s’en désintéresser, mais qu’on ne puisse pas la détruire est un scandale, un crime pour les Doms ! La mère des Doms s’ouvre à nouveau et essaie d’avaler la lumière, mais c’est peine perdue : l’éclat impose à la créature de reculer ! La lumière dégage de la paix, de l’amour et c’est insupportable pour les Doms ! Devant une telle situation et sans qu’il sache vraiment pourquoi, Zorm repense à l’Escamoteur !
En ce temps-là, il y a bien longtemps Zorm passait dans une ville, où régnaient les marchands… Parmi les échoppes, au milieu de la foule, il y avait un homme dont on ne voyait pas le visage, sous une capuche ! Il était assis derrière une table et on avait l’impression d’être en face de la mort ! L’homme cependant proposait un jeu ! Il disait : « Qu’est-ce que la vérité ? Vérité ici, mensonge là-bas ! Tout n’est que songe ! Toi, viens ici ! » Il désignait Zorm, qui s’approcha… « Tu as l’air d’un bon garçon, hein ? dit l’homme. Un corps sain, dans un esprit sain ! J’adore la franchise, la générosité de la jeunesse ! Veux-tu jouer ?
_ Ca dépend à quoi ?
_ Sache qu’on m’appelle l’Escamoteur ! Mais le jeu est simple ! Il y a là trois cartes… Voilà celle de la Vérité ! Tu la vois bien... et maintenant ou est-elle ? »
L’escamoteur avait mélangé les cartes... « Là ! avait dit Zorm.
_ Non, tu as perdu ! Retiens la leçon : la Vérité est ce qu’on en fait ! »
Zorm n’avait pas aimé l’Escamoteur, mais peut-être n’avait-il pas voulu voir comme les choses peuvent être complexes, relatives ! Depuis, la haine des Doms l’a maintes fois troublé et il se sent souvent perdu ! Mais maintenant il y a cette étrange lumière qui tient tête aux Doms ! N’est-elle pas une vérité supérieure, indubitable, indestructible ?
Cependant, elle disparaît, aussi vite qu’elle est venue, laissant les Doms désemparés et furieux ! Cela été si soudain que Zorm se demande s’il n’a pas rêvé, été victime de ses sens !
10
On ne peut pas vraiment parler à un Dom ! Il est dans son monde ! Sa tête est pleine de brouillard ! Il vous dit qu’il est manipulé, que les méchants habitent derrière la colline et qu’ils veulent sa peau ! C’est la bulle de la domination qui veut ça : elle ne permet pas de donner à l’autre une totale réalité ! Il reste un ennemi, un étranger ! Il n’est pas comme le Dom, dans sa bulle lui-même !
Le Dom accuse le Dom ! ce qui fait que le Dom s’innocente ! Il n’est jamais question de lui, mais les coupables sont d’autres Doms ! On veut acheter trois peaux et le Dom vous en vend deux, plus un calumet, qu’il fume devant vous ! Vous lui rappelez que le marché est un cheval contre trois peaux et il vous traite de profiteur ! Derrière, d’autres Doms vous regardent d’un air menaçant !
Le Dom a ses repères et n’en changent pas ! Il vous identifie à votre camp et si vous n’en avez pas, il vous place tout de même dans un ! Il ne viendrait pas à l’idée du Dom que c’est lui le problème, que c’est d’abord lui qui doit changer ! Non, non, c’est la tribu d’en face l’ennemie, ceux qui ont une raie au milieu, alors que lui, le Dom, la fait du côté gauche !
D’où vient le Dom ? Il n’en a aucune idée, vu que lui n’est pas un Dom ! Pourtant, le Dom vient bien de quelque part ! Le Dom hausse les épaules ! Il ne sait pas… Il convient que le Dom doit bien avoir une origine, mais laquelle, ce n’est pas son affaire, vu que lui-même n’est pas un Dom, qui est son ennemi ! Vous pouvez manger votre chapeau, ça ne changera rien ! Le Dom vous regarde en souriant, fier de sa bêtise, imperturbable dans son égoïsme et son ignorance !
Attention, si vous insistez ! Il ne faut jamais coincer le Dom ! C’est comme si vous perciez sa bulle ! En un instant, le Dom débonnaire, jovial, sûr de sa logique, se change en monstre ! Il veut vous accrocher comme un cochon dans un frigo ! Vous l’avez poussé à bout ! Vous l’avez invité à faire un pas dans l’inconnu et il ne le vous pardonne pas ! Si le Dom savait, il tomberait en pleurant devant vous, pour vous demander pardon ! En effet, il verrait d’un coup les déserts sans bornes qu’on peut traverser ! Car le monde est infini à côté de la bulle du Dom ! Mais il garde sa bulle, comme des pionniers entourés d’Iroquois ! Il tire sur le moindre buisson que le vent agite !
Le Dom vit dans sa bulle et meurt dans sa bulle ! Ci-gît le Dom, victime de ses convictions ! On pense à lui, car il n’a jamais changé ! Quel Dom ! Le seul malheur du Dom ? De ne pas avoir vu son monde rêvé, enfin débarrassé du Dom ! Il est décédé avant !
Avec le Dom, il faut faire preuve d’une prudence extrême ! Il ne faut jamais perdre de vue que seule compte sa bulle ! Cela veut dire qu’il doit toujours avoir le dernier mot et le sentiment qu’il vous est supérieur ! Par exemple, il ne vous dira pas au revoir, comme s’il avait été trop bon de discuter avec vous ! Si vous inquiétez le Dom, il pensera tout de suite que vous lui voulez du mal, que vous êtes un traître, un espion à la solde de ses ennemis ! Sa haine alors viendra vous frapper de plein fouet !
Le Dom est malade, il faut en prendre son parti et effectivement, la bulle de domination est aussi une bulle affective ! Notre présence au monde est quelque chose de complexe… Ce que nous sommes dépend de nos traumatismes, mais c’est la persistance de la bulle de domination qui empêche tout argument d’y pénétrer ! Plus la domination est importante et plus la paranoïa l’est autant !
Il y a des Doms qu’on voudrait rattraper, parce que ce qu’ils disent est profondément injuste ! Vous faites intervenir le meilleur raisonnement, les meilleurs exemples, peine perdue ! Le Dom vous échappe irrémédiablement et vous jette son mépris, comme le poulpe son encre ! C’est à faire douter du genre humain ! Il eût fallu sans doute essayer le langage des signes ou bien attendre la pleine lune !
D’où l’intérêt de lutter directement contre sa propre bulle de domination ! Plus nous forgeons à la patience, à ne pas répondre à la haine par de la haine, à diminuer notre amour-propre, à tendre notre vision bien au-delà de notre nombril, à nous confier à l’amour divin et plus notre bulle se dissout, en même temps que l’autre devient une réalité ! Nous voilà peu prompts à haïr et surtout à dominer ! A quoi bon se sentir plus fort que l’autre, quand on possède la foi ? Comme quoi bon lutter contre les dictateurs, en s’en montrant un soi-même ?
11
Domopolis est en ébullition ! Mais que se passe-t-il ? Un vendeur de journaux crie : « Domopolis dernière ! Un Dom avec un cœur ! Du jamais vu ! La menace est parmi nous ! Demandez Domo dernière ! » Paschic donne une pièce et prend un journal ! Il est normal de retrouver Paschic, car le combat continue ! Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire de Dom avec un cœur ? Paschic lit fébrilement l’article : « Hier, dans le centre-ville, un Dom a été pris en flagrant délit d’avoir un cœur ! Alors que des centaines de Doms se pressaient dans les magasins, formant un joyeux chaos, car nos vies sont difficiles et nous n’avons pas les moyens, un Dom s’est excusé auprès d’un autre Dom ! Ni plus ni moins ! C’est-à-dire qu’il a considéré l’autre comme réel et non comme un marche-pied à sa domination ! Ce fait, au milieu de la fièvre d’achat, aurait dû passer inaperçu, mais c’était sans compter sur le courage du bénéficiaire, qui a subitement crié : « Il y a ici un Dom avec un cœur ! Je vous en prie ! C’est un traître à la patrie ! »
Ses supplications ont été telles que la foule s’est enfin arrêtée, pour prendre conscience de la gravité de la situation ! Un Dom avait trahi les siens ! Il avait fait preuve de prévenances à l’égard d’un autre ! Il lui avait donné une existence ! La stupeur était partout visible ! Très vite, la police est intervenue, mais elle a été rapidement dépassée ! Le « Dom avec un cœur » a finalement été lynché par des Doms honnêtes et bien connus du quartier, justement révoltés par l’abomination ! Plus tard, dans la soirée, notre président Dominator a rappelé qu’il ne fallait pas relâcher son effort, que des étrangers sont parmi nous , qu’ils cherchent à nous nuire, par leurs idées fantasques sur la bonté et ou la dignité ! »
Paschic abaisse son journal… « Comment un ennemi des Doms a-t-il pu montrer autant de légèreté ? se demande-t-il. Un pauvre bougre qui a craqué sans doute ! J’ comprends ! On est écœuré par cet égoïsme frénétique ! ce vide sidéral dans les magasins ! On rêve de plus d’humanité et crac, on se met à regarder l’autre ! On le considère ! On s’excuse… et c’est la catastrophe ! Bon sang, quel amateurisme ! La résistance, c’est autre chose ! Enfin, paix à son âme ! »
Paschic reprend sa marche et pourtant sa colère ne diminue pas ! « Tout de même, quel imbécile, ce type ! Il pouvait encore tenir ! Rester inhumain comme les Doms ! C’est quand même pas difficile de ne penser qu’à soi et de se servir des autres, jusqu’à plus soif ! Grimacer, faire la gueule, saisir la moindre occasion de mépriser, voilà la vraie couverture ! Ça, c’est de l’intégration, du mimétisme aux p’tits oignons ! N’est pas caméléon qui veut !
Il faut être vigilant ! Il y a le Dom qui ne jure que par son sexe et qui essaie de vous soumettre, en faisant de vous son esclave sexuel ! Psychologiquement s’entend ! On est bien entendu dans la domination psychique ! Mais c’est tout de même une tension sexuelle !
Dans ce cas, il faut être aussi bête que le Dom et se gonfler aussi soi-même comme un coq, de sorte qu’on transmet qu’on en a une encore plus grosse ! Il n’est pas rare alors de voir le Dom se troubler : on a percé sa bulle, en jouant le même jeu que lui et il est surpris ! Il étouffe et angoisse, bien qu’il n’eût aucun scrupule à vous faire subir cette épreuve ! Tss ! Tss ! Ils se croient vraiment tout permis ! Et quelle petite existence ! Comme si la vie se réduisait à savoir qui est le plus fort !
Mais c’est le Dom et on parle bien de bulles ! Il y a aussi la Dom, qui vous fixe à plus de cinquante mètres parfois, comme si vous étiez déjà sa chose ! Celle-là ne doute de rien ! Vous lui plaisez et il n’y a donc aucune raison pour que vous ne soyez pas séduit ou que vous lui résistiez ! Si on se retrouve sous cette emprise, attention au coup de barre ! Si on est dépressif, un peu en dedans, on est prêt à abandonner sa vie et on se livre à la Dom, par désespoir, parce qu’on ne peut plus avancer seul ! Trop de vent !
On entre alors dans la bulle de la Dom et bonjour le réveil ! Il va falloir marcher au pas et accepter le théâtre des Doms, le prendre au sérieux ! On est en couple et on expose son bonheur, sa réussite ! On s’enchante du vide ! On ne pense plus à la mort ! On écoute des imbéciles ! La santé va peut-être mieux, car on obéit à des règles ! On ne mange pas à n’importe quelle heure, ni n’importe quoi ! On est plus doux, on opine à des fadaises… L’intérieur est plus propre et on réfléchit moins, car on fait ce que dit la Dom !
L’autre est une sécurité, on est au chaud et on ferme les yeux, quand la Dom commence à découper le voisin ou une de ses amies, dans la cuisine, avec une scie égoïne ! C’est à chacun de voir, la vie solitaire n’est pas pour tout le monde ! Le tout, c’est de ne pas perdre de vue les nuages, au-dessus des Doms, car leur beauté est infiniment plus réelle que l’agitation de la ville ! »
12
Zorm part à la chasse ! Il prend sa lance, sort prudemment de chez lui et s’en va vers les plaines, là où il sait trouver du gibier ! Effectivement, après quelques kilomètres, Zorm atteint le sommet d’une colline et derrière il découvre un spectacle fascinant ! Des milliers de Doms s’y meuvent, soulevant de la poussière ! De loin, ils paraissent paisibles, mais il ne faut pas s’y tromper : ils se livrent une guerre sans merci !
Ce sont des Doms pélicans, comme les appelle Zorm, car sous la bouche ils ont une grande poche ! Ils s’en servent pour avaler les Doms qui sont devant eux et qui sont plus petits ! Chaque Dom fait sa pâture de celui qui précède, à condition qu’il puisse rentrer dans la bouche ! De grands Doms ont donc la gueule pleine de Doms hurlants et pourtant ils gardent leur air morose, comme si ce n’était rien ! Le Dom pélican a cet air désabusé, qui lui est peut-être particulier !
Zorm descend dans la plaine, car il a décidé de chasser un grand Dom ! Pourquoi ? D’abord par respect pour lui-même ! Si on se laisse faire, les Doms envahissent tout et on est tôt ou tard leur victime ! Il est bon de les chasser, de leur montrer qu’il y autre chose qu’eux !
Zorm choisit un Dom assez gros, c’est-à-dire assez vieux, mature, car plus le Dom a de la bouteille et plus sa bulle de domination est forte ! Il vit dedans depuis longtemps, ne connaît que elle et il a pris l’habitude d’écraser tout le monde ! Tss ! Tss ! Il est bon de remettre les pendules à l’heure !
Un gros Dom pélican avance, l’œil morne, et dans sa gueule disparaissent des dizaines d’autres Doms, qui gémissent horriblement ! Puis, c’est le silence et ça recommence ! Zorm s’attaque à la bulle, qui fait au Dom une seconde peau ! Il ne s’agit pourtant pas d’amener le Dom à la réalité, en crevant sa bulle ! Pour qu’un Dom ouvre les yeux, sur la réalité de l’autre et cesse sa domination, il faut que ce soit volontairement ! Cela doit être un choix du Dom, par amour ! C’est lui-même qui enlève sa bulle, en essayant de comprendre et d’aimer ! On ne change pas un Dom par la force !
Ce que veut Zorm, c’est s’entraîner à la lutte, entendre rugir le Dom, car celui-ci se moque de la vérité ! Il est bon de sentir un peu la justice et de ne pas tout le temps « encaisser » ! La vie n’est pas un éteignoir pour les ennemis des Doms ! Au contraire, la Lumière est vivante et elle n’admet pas le mensonge, la lâcheté, l’hypocrisie ! Elle est énergie, bien plus que la domination ! même si les Doms sont innombrables !
Zorm se met à courir.. il a repéré un Dom dans ses cordes et il lui envoie sa lance dans le poitrail ! Immédiatement, le Dom cesse d’engloutir et se tourne furieux vers Zorm, qui est déjà monté sur lui ! Zorm récupère sa lance et maintenant il lacère, taillade le bulle dominatrice ! Le Dom est de plus en plus enragé ! Il ne comprend pas ce qui lui arrive, car pour lui les autres doivent être soumis ! Il les voit comme ses esclaves et ils n’ont pas d’autres choix que de se comporter comme tels !
C’est ce qui explique l’air morne des Doms pélicans ! Il ne se sentent pas des Doms ! Ils ne font pas le mal ! La normalité, c’est qu’ils dominent et ils ne comprennent pas la souffrance qu’ils causent ! Un esclave obéit, point final ! Ce sont eux les chefs et qu’on les remette en question est forcément une surprise, un scandale ! Zorm frappe encore, découpe, lacère, le sang gicle ! Ce n’est pas de la cruauté de la part de Zorm, c’est juste faire honneur un tant soit peu à la vérité ! Le Dom hurle, puis le vide du dehors entre finalement dans sa bulle, plongeant le Dom dans la stupéfaction l’horreur de la peur !
Le Dom appelle au secours, chose étrange, puisque les Doms se nourrissent des Doms, mais la menace est telle qu’une solidarité peut s’éveiller… et en effet d’autres gros Doms se mettent à secourir la proie de Zorm ! Il est temps qu’il reparte, mais avant il observe une dernière fois le Dom qu’il a combattu ! Celui-ci est tellement bouleversé qu’il semble en catalepsie ! Sa tête est figée et il bat lentement des paupières, quasiment suffoqué ! Sa bulle de domination ne le protège plus et pendant quelques minutes, il a éprouvé le monde extérieur, c’est-à-dire l’autre libre, à part entière et n’obéissant pas forcément à ses ordres !
Zorm s’en va, légèrement satisfait, car ce qu’il recherche, ce n’est pas le pouvoir ! Triompher sur le Dom lui serait chose aisée, mais presque stérile ! Zorm est plus fort que les Doms , car il a une connaissance de la réalité plus vaste, ne serait-ce que parce qu’il sait que le Dom est un Dom et ce qui le meut ! Le Dom, lui, est enfermé dans sa bulle et son pouvoir ne s’exerce que dans celle-ci ! Au-delà, le Dom est perdu et vulnérable ! Mais encore une fois ce n’est pas la domination qui intéresse Zorm, mais la justice et la vérité !
Ainsi, plus tard, quand le soir tombe, il regarde le troupeau de Doms avec une certaine amertume ou fatigue ! Ils sont si nombreux et ils continuent chaque jour à s’avaler les uns les autres !
13
Le Dom est dans sa bulle ! Il est comme une fleur qui ne veut pas s’ouvrir ! Il a peur ! On lui en veut ! Le monde est fait de forces maléfiques ! Le Dom voit des vampires, il discerne le mal, car il s’en voit la cible ! Le Dom est inquiet, jamais heureux ! Le Dom se méfie ! Il est derrière ses murs ! Il rumine ! Il sermonne ses troupes, car le Dom a des gardes ! des esclaves, des faire-valoir ! Allez, au trop, sus à l’ennemi !
Le Dom n’avoue jamais sa peur, ni son orgueil, c’est impossible ! Le Dom est toujours furieux, insatisfait ! On lui manque de respect, les choses ne vont pas assez vite, on se moque de lui ! Le Dom commande ! Il rayonne, il supervise, il rayonne ! Il est le centre d’intérêt ! Le Dom se pavane ! On s’occupe de lui ! Il a sa cour ! On le craint ! Il dédaigne et ne remercie pas ! Ce n’est que justice !
Le Dom n’a pas de pitié, s’il n’est pas la vedette ! Le Dom ne s’ouvre pas ! Qui est l’autre ? Est-ce qu’il existe ? C’est la supériorité du Dom qui compte ! La bulle du Dom voudrait avaler l’univers, c’est un tyran !
« Dominator ! Dominator ! On nous attaque !
_ Hein ? Impossible ! On ne peut m’attaquer ! Je suis Dominator !
_ Dominator ! Dominator ! On nous attaque !
_ Impossible ! Personne ne peut m’attaquer, car personne n’est mon égal !
_ Un autre nous attaque !
_ Un autre, quel autre : celui qui est sous mon pied et que j’écrase ?
_ Dominator, Dominator, on nous attaque !
_ Impossible ! Je suis l’immense, l’incroyable Dominator !_
_ Des morts, des morts partout !
_ C’est la guerre ! Il faut riposter ! Mon orgueil va en prendre un coup
_ Des morts Dominator, des morts partout ! Des jeunes pleins de sang !
_ Comment a-t-on pu oser m’attaquer, moi, Dominator !
_ On nous blesse, on nous tue, oh tristesse !
_ Ils vont le payer et très cher, sortez la bombe ! Comme je t’aime toi, la bombe, tu es parfaite, tu seras mon dard, ma vengeance ! Va dire comme je suis grand et fort ! Va crier mon nom dans un déluge de flammes ! Que j’entre dans la légende !
_ Dominator, Dominator ! La tristesse, les larmes, les mères sont là, à la porte ! Pitié, pitié crient-elles ! Arrête dominator !
_ Va ma grande que la fête commence ! Je ne veux plus de cette planète ! Mon orgueil est trop gtrand pour ce petit monde !
_ Dominator Dominator, pitié, votre orgueil est cause de tout cela !
_ Que dis-tu ! Mais ils m’ont cherché, menacé ! La mort réparatrice à présent !
_ Dominator, pitié pour les enfants ! Plus de morts, plus de sang !
_ Et plus de fête ! Mon nom doit retentir, être crié ! Envoyez les chars, la troupe, envoyez les bombes ! Ceux qui m’ont trahi paieront !
_ Dominator, l’autre, l’autre est un autre nous-mêmes, pitié, l’autre existe !
_ Hélas !
_ Dominator, Dominator ! »
Le dom habite au fond d’un puits plein de boue et chaque jour il ramène ses seaux sur le monde ! La fleur est confiante ! Elle monde droit vers la lumière et tend ses pétales ! N’importe qui peut la couper et l’écraser et pourtant elle monte, se dresse, grandit et ouvre ses pétales ! Elle vaut mieux que le Dom !
Le dom chaque jour déverse sa boue sur le monde ! Sa haine et son mépris se répandent dans la rue ! Le Dom violent attire les violents ! Le Dom qui crie attire les Doms haineux et revanchards ! Le Dom qui écrase ceux qui veulent écraser !
La Lumière voit l’autre ! La lumière voit chacun ! La lumière respecte ! La lumière voit l’autre !
« Dominator Dominator, pitié !
_ A-t-on eu pitié de moi ?
_ Dominator, vous pouvez tout !
_ J’ai les mains liées ! Ils veulent ma perte !
_ Dominator, réveillez-vous ! Les autres existent !
_ Nul n’existe sans moi ! »
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L' attaque des Doms! (3-8)
- Le 03/08/2024
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3
Zorm a entrevu quelque chose ! Oui, oui, il a vu quelque chose et il essaye de s’en souvenir ! Il était en vie et avait un goût de paradis ! Il était incroyablement vivant ! Quelle sensation ! Mais c’était éphémère… et maintenant où est-il ? Il regarde au-dessus de lui le magnifique ciel bleu ! Quel splendeur ! Mais à ses pieds, il n’y a qu’une immense décharge ! Des ordures à perte de vue ! Pourquoi tout ça ? Zorm pourtant garde en lui l’impression qu’il a eu et qui lui réchauffe le cœur… Il était vivant, incroyablement vivant ! C’était tellement simple !
Mais Zorm ne se fait aucune illusion… Ils sont là et vont revenir ! C’est toujours ainsi ! Et il n’y a pas moyens de leur expliquer ! D’ailleurs comment le leur expliquer ? Ah ! Ah ! Zorm se voit en train de leur décrire sa vision, sa vision du bonheur qu’il a entrevu, là il y a quelques minutes et ce n’était pas un rêve, mais une réalité, la réalité !
Autour de la décharge, il y a un désert, où les déchets s’éparpillent et finissent par ne plus se voir ! Au-delà, dans une petite oasis, se trouve la cabane de Zorm, son chez-lui ! Ce n’est pas très confortable, mais Zorm y arrive à être au calme ! Il regarde à droite, à gauche et aperçoit son premier Dom ! Il est là-haut, sur une carcasse de voiture et il va sans doute donner l’alerte !
Zorm soupire, c’est toujours comme ça : il a cette vision du paradis, il a ce regard clair sur la réalité, mais les Doms vont détruire tout cela ! Ils vivent dans la haine, aveugles comme des taupes ! Ça y est le cor retentit ! Les Doms se lancent à l’attaque ! Zorm lui aussi prend son départ, il a l’habitude, c’est un coureur hors pair ! Pour ce qui est de la résistance, il ne craint personne ! Les Doms ne peuvent pas rivaliser avec lui, car ils sont plaintifs, tout le temps en colère ! Ils sont enfermés dans leur mépris et ça les ralentit !
Zorm court et les Doms maintenant de partout tirent des flèches, des flèches de haine ! D’abord, Zorm les enlève, dédaigneux, avec une incroyable facilité, presque en rigolant, car il est fort et cela d’autant plus qu’il a plongé dans l’eau de la vérité, là-bas, quelque part, là où ne vont jamais les Doms, dans des lieux qu’ils ne connaissent même pas ! qu’ils ne soupçonnent même pas !
Mais il y a trop de flèches ! Et elles diffusent le poison de leur haine ! C’est inutile de continuer à les enlever ! Il faut courir avec ! Plus vite ! Il ne faut pas succomber ! Un Dom puis deux viennent s’accrocher à Zorm et essaient de le mordre ! Cela fait mal, mais Zorm s’en débarrasse ! Il saigne pourtant, mais il garde encore la tête claire !
La cabane est en vue ! Le palmier qui lui donne de l’ombrage est un ami ! Zorm va atteindre sa cabane, épuisé comme d’habitude, mais encore en vie ! Derrière la meute hurlante des Doms n’en finit plus ! Ils se mangent, se dévorent même entre eux ! C’est un spectacle consternant ! Zorm entre chez lui et referme violemment la porte ! Dehors, les Doms se déchirent ! C’est ce qui sauve Zorm en définitive, c’est que les Doms sont tellement occupés à se battre les uns contre les autres qu’ils en oublient Zorm !
Il prend une chaise et s’essuie le front ! Évidemment, il ne sait plus ce qui a fait son bonheur, il n’y a pas si longtemps ! D’ailleurs, qui est-il ? Existe-t-il vraiment ? Il écoute les Doms et seuls eux ont une réalité à présent ! Zorm est épuisé… Comment combattre les Doms, comment les raisonner, comment les changer ? Une vérité au-delà de leurs querelles, de leur rage est bien réelle pourtant ! Mais peut-on enlever un os à un chien enragé ?
Mais Zorm repartira là-bas, où l’eau de vie coule ! Il connaît les sources ! Il lui faudra lutter contre les Doms pour repartir ! Il faut mille ruses, pour leur échapper, sans trop de peine ! Et puis au retour, il les aura de nouveau sur le dos ! Mais au fond, ce ne sont pas eux les vainqueurs ! Ils ne savent même pas où ils sont, ni même qui ils sont ! Ils se battent, ils enragent, puis ils meurent, et c’est tout ! Ils n’ont pas ouvert les yeux ! Ils sont pleins de leurs illusions et ils ne voient rien d’autre !
Oui, Zorm retournera là bas, où est l’enchantement ! Il connaît les sources ! Il sait la vérité ! Il retrouvera le silence ! La majesté des arbres ! L’herbe, plus douce que la caresse d’une femme, apaisera ses jambes ! Il sentira de nouveau l’humus, le parfum des fleurs, des souches ! C’est une terre d’attente et qui ne cesse de murmurer pourtant ! C’est une terre de secrets, où le temps fait son travail ! C’est le rire de la source ou la vitesse du papillon ! C’est un lieu de trésor, car rien n’est vide ! C’est le reflet de Zorm, qui lui parle ! C’est le terrain de jeu des simples !
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« Ici, le chasseur D Cobra 6 ! Secteur Acaranis, vog 112 ! Quadrant 7MP ! Cible en vue !
_ Votre cible, Cobra 6, est un transporteur civil ! Je répète, Cobra 6, un transporteur civil !
_ Un transporteur civil ! Mon œil ! Ce sont des ennemis des Doms, dans une putain de forteresse volante ! Ça grouille là-dedans !
_ Bon sang, Cobra, décrochez ! On vous dit que c’est un transporteur civile, nom de Dieu !
_ Tous mes potes sont morts, là-bas, dans la boue de Delta 3... et tout le monde s’en fout ! Mais pas moi ! L’ennemi du Dom, je le sens à des kilomètres et aujourd’hui, c’est mon anniversaire ! Je vais le leur faire payer ! Ils ont voir ce qu’est un Dom !
_ Cobra 6, je vous ordonne de décrocher ! Ce n’est pas une cible militaire ! Il n’y a aucune gloire à dézinguer des civils ! »
Mais Cobra 6 n’écoute plus ! Il ouvre le feu et en un instant, sur tous les écrans de l’univers, on voit le transporteur être pulvérisé ! Les images sont filmés par des vaisseaux avoisinants et même par des passagers avant de mourir ! Des femmes et des enfants en pleurs disparaissent dans un déluge de flammes !
« Nom de Dieu ! s’écrie le général D 1, en voyant le transporteur se désagréger.
_ On va passer pour des monstres, approuve D 3 !
_ Non, on va tourner ça en notre faveur ! rectifie Dominator. Vite, faites passer les infos ! Il faut bourrer le crâne de tout le monde ! Vous allez dire que les soutes du transporteur étaient pleines d’armes ! que c’était un vaisseau espion ! Mieux, que tous les passagers étaient fictifs, générés par l’IA ! Appuyez sur le champignon du mensonge, brouillez toutes les cartes et les esprits ! Exécution !
_ Bien ! Et le pilote ?
_ Amenez-le moi, on va le décorer ! On va le faire passer pour un héros, pour bien montrer qu’on ne ment pas et qu’on a raison !
_ Chef, vous êtes génial !
_ Faut bien que quelqu’un tienne la baraque ! »
Peu après, effectivement, se tient la cérémonie pour remettre une médaille au pilote, un certain Klamaour ! Dominator a les larmes aux yeux et prononce son discours : « Beaucoup sont tombés au champ d’honneur ! Ce sont nos héros ! Ils n’ont pas servi mes intérêts, ni ma folie, car, comme vous le savez, mes détracteurs me traitent de bandit, mais ils ont servi la patrie et peut-on rêver d’un destin plus beau ! Ils ont donné leur vie pour les autres et j’ trouve ça magnifique ! Honorons ces chevaliers des temps modernes, car nous ne sommes pas dignes d’eux, moi, le premier ! Klamaour, je te décore de l’ordre impérial des Doms !
_ Quel bonheur ! Quel honneur, j’ veux dire ! Pour la patrie, chef, j’suis prêt à en bouffer encore !
_ C’est ça ! C’est ça ! On réglera nos comptes après !
_ Mais…
_ Applaudissons notre héros du jour, le grand pilote Klamaour !
_ Bravo ! Bravo ! »
Le patriarche Krill est là aussi… Il s’approche de Dominator et lui dit : « Bien joué, j’ crois que ça va passer !
_ Ouais, j’suis quand même entouré d’une belle bande de crétins !
_ A qui le dites-vous, mon cher, puisque j’ai dû mettre Dieu lui-même dans ma poche ! Ma poche, soit dit en passant, où j’ai dû cacher pour la cérémonie mes bijoux ! Mais les temps sont durs ! Il faut se montrer modeste et respectueux ! Le culte du héros nous demande bien ça ! Savez-vous, Dominator que je songe qu’un grand destin nous attend !
_ Ah oui ? Et à quoi pensez-vous ?
_ Vous savez que nous sommes le peuple élu, celui qui défend Dieu et ses valeurs et qu’on ne peut faire le mal, ou plutôt que notre quête exige tous les sacrifices ! C’est la tambouille qui justifie vos visées impériales !
_ Et qui vous enrichit aussi !
_ D’accord, je suis une crapule tout comme vous ! Mais j’imaginais un final grandiose ! Nous, Dieu et un apocalypse nucléaire, qui engloutirait l’univers entier ! Car à quoi bon un monde sans nous !
_ Euh..
_ Ça aurait de la gueule ! Cigare ? »
5
Tous les Doms vivent de la même manière, dans de grands ensembles créés par la peur ou l’orgueil ! En effet, ceux-ci sont destinés à montrer le grand savoir-faire des Doms ou bien à les protéger du monde extérieur et de la nature ! Car rien ne doit déranger le Dom, pas la moindre mouche ! Tout doit être réglé comme du papier à musique, même les impôts ! La surprise est le plus grand ennemi du Dom ! L’aventure est son cauchemar ! L’inconnu est son drame !
Il se serre donc dans un ensemble, d’où il maudit la vie et les autres ! Car le Dom en plus n’est jamais content ! jamais satisfait ! Il geint tout le temps ! On veut sa peau ! Personne ne s’occupe de lui ! Le gouvernement surtout est en dessous de tout ! Ah ! Il en a des griefs, le Dom ! Il vous montre ses plaies ! Est-ce qu’il raconte aussi comment il boit le café le matin avec les copains, avant de commencer sa journée ? Euh non… Il est d’abord le martyr de son patron !
La sphère des riches rigole bien de lui ! Elle se marre ! Elle utilise le pauvre Dom, l’essore ! Le Dom fait voir ses stigmates ! Il est un esclave, qui travaille pour rien ! Il ne connaît que les coups de fouet ! Il vous fait voir la bougie qui éclaire son intérieur, ses enfants hagards, fiévreux, sans solutions, sa femme qui a perdu toute sa beauté, à force de travail ! Cela rend-il le Dom plus solidaire, plus aimant, plus respectueux ? Non, il est encore plus en colère, plus haineux, car il n’en a jamais assez ! Il briserait le riche, s’il le tenait dans la main !
Le riche, lui, est-il plus heureux ? L’exploiteur profite-t-il ? Non, tout l’ennuie, tout lui fait peur ! Le pauvre surtout ! Parce qu’il est sale et qu’il ne respecte rien ! A quoi rêve le riche ? Mais à une dictature, où il n’aurait ni affaire aux pauvre, ni aux étrangers, l’autre plaie du riche ! Le riche est aussi désespéré que le pauvre ! Son monde n’est plus ce qu’il était ! C’est le paradis perdu ! Des murs, il faut des murs pour se protéger ! Le riche comme le pauvre veulent des dictatures ! des mondes fermés, réglés par leur autorité, leur haine, leur dégoût !
Le riche comme le pauvre ne savent pas regarder ! Ils ont le même ego ! les mêmes terreurs ! la même absence de respect pour l’autre, la même paresse, le même dédain ! Ils sont aussi abrutis l’un que l’autre ! Ainsi sont les doms ! Ils ne savent pas écouter ! Ils ne savent pas admirer, ni attendre ! Ils ne savent pas contempler ! Ils ne savent pas sentir le bois pourrissant ! Ils ne connaissent pas la fraîcheur de la rosée, l’éclat des fleurs après la pluie !
Ils n’ont jamais été sous le ciel vide, ni abandonnés ! Le riche comme le pauvre ne cessent de vouloir se goinfrer ! Les pierres sont plus jolies et plus patientes ! les fumées plus légères ! Les Doms ont le cœur sec !
Le riche est las ! Il dit : « Touche pas à ma voiture ! Touche pas à ma maison, à mes bijoux ! Fous le camp ! Touche pas à ma religion ! C’est sacré ! » Il est l’ami de Dieu ! Le pauvre, lui, n’y croit pas et s’en trouve très intelligent ! Pas bête ! Dieu, c’est une invention des riches, pour encore exploiter le pauvre !
Le riche aime bien parader ! Il est aussi suffisant que le pauvre ! Car le pauvre est lucide, très intelligent ! Il parle de masse, d’économie, etc. ! Le riche a ses actions, ses dividendes ! Il est aussi lucide que le pauvre, ou l’inverse ! Tout deux ramènent tout à eux ! Ce sont des egos sur pattes ! Ils ne connaissent rien, sauf leur nombril ! Ils sont incapables de faire un pas de côté, de réfléchir à autre chose qu’eux ! Ce sont deux abrutis, mais ainsi est le Dom !
Qui aime le silence ! Qui attend au bout du chemin ? Qui écoute la colombe, le chant de l’eau ? Qui regarde le rayon dans le feuillage émeraude ! Qui cesse de geindre ! Qui laisse son nombril pour admirer ? Qui aime ce qui n’a plus aucune gloire, les épaves, la boue, le paysage désolé ! Qui aime le désert ? l’effort du carabe ou du scarabée ? Qui connaît l’éclat rouge des fleurs poussant sur la souche ! Qui s’émerveille des spores soufflés par le champignon ?
Le Dom vit dans ses ensembles en maudissant le Dom ! Il n’a aucune force, nulle patience, nulle compréhension, nulle intelligence ! L’histoire de ses jours est une litanie de la plainte ! Ainsi le Dom veut le fer, le pauvre comme le riche ! la prison et la chaîne pour le riche ! le fouet et la correction pour le pauvre sale et irrespectueux ! Nul dom pour aimer le Dom ! Il aspire, c’est tout ! Il boit, c’est son dû ! Remercie-t-il pour le soleil, la fraîcheur, le froid ou la source ? Remercie-t-il pour l’air ? la nourriture ?
Remercie-t-il pour le sourire de l’enfant, pour la beauté de la femme et celle de l’homme ? Remercie-t-il pour le sommeil et la fierté du travail bien fait ? Remercie-t-il pour l’épi, qui donne le pain ! Respecte-t-il la tomate, la pomme de terre ? Les sent-il dans sa main ? Éprouve-t-il leur densité, combien il y a d’efforts et somme toute de magie derrière ces simples choses ? Non, le Dom est un nombril sur pattes !
6
Le Dom veut à tout prix rêver, dans le mauvais sens du terme ! Il veut rêver à son orgueil, à lui-même, à son petit monde, où il brille, où il montre sa voiture, sa moto ! Vrooom ! Vrooom ! C’est le monde de la ville, de la frime ! Perdue dans l’espace, notre toute petite planète est couverte de frimeurs et de frimeuses, bien entendu ! Pour garder ce rêve, ce confort, cette scène de carton-pâte, eh bien, le Dom est prêt à toutes les lâchetés, à toutes les ordures ! Il saluerait bien la dictature, la condamnation de tous ceux qui le dérangent, même à voir des capitalistes crucifiés ! Une telle naïveté étonne, un tel égoïsme sidère ! Un tel enfantillage laisse sans voix !
La vérité ? Dans la rue, la crasse et le mépris ! Des regards perdus aussi ! craintifs ! des haines bien senties ! des déchets sauvages ! Les animaux sont plus propres ! moins dangereux ! mieux élevés ! Mais le plus triste, ce sont les doms écrasés ! Certes, il y a bien des douleurs chez les Doms ! Il y des doms tout petits, sans défenses, mal-aimés apparemment par la nature ! Mais il y a les Doms écrasés ! Il y en a quelques uns et ceux-là méritent beaucoup d’amour et de respect ! Car il y a des Doms, qui enfants ont été piétinés par leurs parents Doms ! Ils ont été lessivés, nettoyés par leurs parents Doms, pour que ceux-ci puissent continuer à parader et à faire le Dom, sur les planches des Doms !
A quoi reconnaît-on les enfants écrasés ? Eh bien, ils ne s’aiment pas ! Ils sont tout le temps tendu, tout le temps en train de s’excuser ! De quoi ? D’exister ! Ils se trouvent repoussants ! C’est le travail d’écrasement des parents Doms ! Pour briller, le Dom a besoin d’esclaves, de victimes, de paillassons et c’est là le rôle joué par les enfants écrasés !
Les enfants écrasés sont pleins de blessures, de verre pilé ! Ils perdent leur sang, à s’excuser tout le temps ! On a envie de les prendre dans les bras, de leur dire que eux aussi sont aimables ! On a envie de les rassurer, de les consoler, mais ce sont des robots ensanglantés ! Ils sont cachés à l’intérieur d’eux-mêmes ! Là-bas, tout au fond de leur esprit, ils crient au secours, mais ils ont crié tellement de fois au secours, et personne n’est venu ! Ce sont des esclaves, les enfants écrasés !
Ils ont été dressés à obéir ! pour que les Doms puissent parader ! jouer à leur jeu ! Debout enfant écrasé ! Souris ! Fais le beau ! Tiens-toi droit ! Pan ! Tu l’as pas volée, celle-là ! Oui, ma chère, y a pas pire que cet enfant ! On n’en fera rien de bon ! Ainsi est l’enfance des enfants écrasés !
L’enfant écrasé est beau pourtant ! Il est plein de lumière ! C’est un doux, une douce, qui a été écrasé, parce qu’on écrase la douceur, on la méprise ! C’est un signe de faiblesse pour le Dom ! Il en profite ! Il s’essuie les pieds dessus !
Viens enfant écrasé, moi, je t’aime, dit la Lumière ! L’enfant écrasé est pourtant insupportable au Dom ! Tout ce que fait l’enfant, aux yeux du Dom, n’est jamais bien ! C’est que le Dom ne vit que pour lui et n’est jamais satisfait ! Il en veut toujours plus et son esclave est l’enfant écrasé ! Qui se déteste, déteste le monde ! est plein de tristesses, de blessures, de rancœur, de haine, qui voudrait mille fois mourir, qui cire à l’injustice ! qui a soif, mille fois soif ! et qui n’a que le mépris du Dom !
Mange les pierres, enfant écrasé, mange les pierres et la boue, car le Dom se goberge, avale goulûment ! Enfant écrasé, voilà ton dieu, c’est le parent Dom ! Tu es à lui et un raté, car personne ne peut satisfaire le dieu Dom ! Toujours tu sera un minable et tu traîneras ta peine ! Car le dieu Dom n’est pas content et comment pourrait-il l’être, alors que toi, enfant écrasé, tu n’es rien et si mauvais ! Va dans ta nuit, sale cancrelat !
Et moi, la Lumière, je te dis enfant écrasé, bois ! Bois ma Lumière, elle est pour toi ! Elle est pour les doux ! Elle est la vérité et le bonheur et je te rafraîchis, enfant écrasé ! Je verserai la Lumière en toi, pour que tu rigoles et te moques du Dom ! Car je t’aime, moi, la Lumière, toi qui n’a jamais été aimé ! Je te montrerai le Dom, comment il est égoïste, noir et même malheureux ! haineux et repoussant ! Je te montrerai son mensonge, dit la Lumière, car je console et apaise !
L’enfant écrasé est plein de blessures et il est là à se blesser encore, car on l’a fait pour ça, pour qu’il se détruise, indigne qu’il est d’aimer le Dom ! On voudrait prendre l’enfant écrasé dans les bras et lui dire qu’il est aimé de la Lumière, car il est doux ! On voudrait le consoler et lui dire que la vérité existe et que c’est le Dom qui ne voit rien ! Et l’enfant écrasé continue à perdre du sang et on le regarde et on sent la colère contre les Doms ! Et on a pitié, sans humilier ! Et on voudrait réconforter, car l’hiver vient des Doms ! Et on regarde l’enfant écrasé, comme une chose cassée, toute fragile !
7
« Chef ! Une délégation de la planète des Gentils ! s’écrie D 1.
_Diable ! fait Dominator. Ou bien devrais-je dire encore ! Ils sont inquiets, bien entendu ! Ils n’aiment pas la guerre ! Ce sont des mous, des lavettes ! Décadence D 1 ! Décadence ! Ils n’ont plus aucune valeur ! Ils ont perdu leur virilité !
_ Des homos ! Des efféminés !
_ Exactement ! Mais fais entrer D 1, nous allons bien nous amuser ! Je vais me foutre de leur gueule, comme c’est pas permis ! »
On laisse passer la délégation et il y a là, entre autres, un président assez vieux, bien sage, qui a déjà vu beaucoup de malheurs ! C’est le président Bacalon, qui dit : « Dominator, mon Dieu, alors c’est la guerre ! Vous venez de détruire un transporteur civil et vous envahissez d’autres planètes, comme la ED ! Mais, mon Dieu, pourquoi ?
_ Pourquoi ? Pourquoi ? Mais c’est bien de votre faute !
_ Non ? Comment ça ?
_ Vous, le cinquième quadrant, vous êtes toujours à manigancer contre nous ! Vous voulez notre perte ! Vos espions sont partout ! Vous êtes pleins de complots contre nous ! Vos forces ne cessent de progresser, de nous étouffer ! Je vous ai mille fois prévenus qu’il y avait des lignes rouges à ne pas dépasser !
_ Mais ce que vous dites est parfaitement insensé ! A notre époque, on ne fait plus la guerre ! On parlemente ! On discute, on échange ! On se parle ! On ne détruit plus ! Vous mettez tout l’univers en péril ! Quant aux complots, à nos menées, à notre volonté de vous supprimer, tout cela est faux, et vous le savez, nous ne désirons que la paix !
_ J’ai les preuves, elles sont là, dans des dossiers !
_ Eh bien, montrez-les nous !
_ A quoi bon, votre hostilité est évidente ! Nous les Doms, nous ne voulons plus êtes bafoués !
_ Ah ! Nous y voilà ! Ce n’est pas notre agressivité que vous nous reprochez, mais plutôt notre indifférence !
_ Comment ça ?
_ Mais d’abord, vous voudriez que le rôle des Doms, dans les guerres précédentes, soit beaucoup plus valorisé !
_ C’est exact ! Et ce ne serait que justice ! Vous savez combien de Doms sont morts, lors du conflit Razi ? 2 milliards de Doms ont donné leur vie, pour que vous puissiez, vous, les Gentils respirer ! Et vous nous traitez de méchants !
_ Je sais bien que vous souffrez de ce que vous voyez comme notre ingratitude ! Mais ce n’est pas, tout, il y a votre position excentrée !
_ Qu’est-ce que vous voulez dire ?
_ Vous n’êtes pas au centre des échanges ! Le monde a l’air de tourner sans vous ! Vous êtes adossé à un système unique et vous voudriez une position plus centrale ! d’où vos idées sur un EuDomasia ! Mais nous n’y sommes pour rien ! C’est à vous d’être attractif par votre vitalité économique et vos richesses culturelles ! Par la guerre, vous serez encore plus isolé
_ Ça suffit, vous me fatiguez !
_ La vérité est toujours dure à entendre !
_ Pauvre débile, je vous écraserai tous, car vous êtes des minables !
_ Pour que vous ayez une richesse économique, il vous faut être une démocratie ! C’est la condition de la liberté d’entreprises !
_ Et alors, c’est bien notre système !
_ Hum ! Vous savez que vous êtes sans opposition ! Autrement dit, c’est vous-même, par votre dictature, qui appauvrissez votre planète !
_ Co... comment ? Vous osez me donner des leçons ! Vous, les efféminés du cinquième quadrant ! Oh ! Comme je vous déteste ! Mais comme je vous hais !
_ Chef ! Chef ! fait D 3 alarmé.
_ Il va avoir une crise ! coupe D 1
_ Une crise ? demande Bacalon.
_ Oui, à ce moment il ne sait plus ce qu’il fait ! explique D 3. Vous l’avez poussé à bout !
_ Aaaargh ! Je vous briserai, espèce de salopards ! J’en ai maté d’autres que vous ! Oh ! Que j’en ai marre ! Mais marre ! gémit Dominator.
_ Voyons, chez, calmez-vous !
_ Oui, c’est ça chef, calmez-vous.
_ Il vaut mieux que vous partiez ! dit D 1 à la délégation des Gentils.
_ Ils veulent ma peau !
_ Bien sûr, chef ! Ils sont partis, tout va bien, maintenant !
_ Demain l’univers ne sera plus que cendres et je pourrai respirer !
_ Voilà, chef ! Tout sera calme ! »
8
Dominator se rend dans ses laboratoires, car il n’y a pas d’argent pour aider les pauvres, mais s’il s’agit de créer de nouvelles armes, tous les crédits sont ouverts ! L’un des « génies » employés par les Doms est l’ineffable professeur Ratamor, qui a déjà tant donné pour la science ! « Alors professeur, avons-nous quelque chose de neuf ? quelque chose de vraiment méchant ? A-t-on fait un pas vers la destruction, la cruauté, cette source si rafraîchissante ?
_ Hi ! Hi ! fait D 1
_ Eh bien, Dominator, c’est votre anniversaire, je crois… et j’ai tenu à vous faire une surprise !
_ Mais c’est que j’adore les surprises, moi !
_ Voici notre nouveau rayon, le REE !
_ Le REE ?
_ Oui, le rayon des Enfants écrasés !
_ Eh ! Mais c’est que ça sonne bien ! N’est-ce pas D 1 ?
_ C’est prometteur, chef !
_ Allons-y, professeur, expliquez-moi, comment ça fonctionne !
_ Eh bien l’idée, c’est de rendre l’ennemi aussi pâte molle qu’un enfant piétiné ! Il faut que toutes ses défenses soient anéanties, de sorte qu’il se trouve complètement perdu, se sentant même coupable ! Il est alors à notre merci, aussi docile qu’un robot ! Il erre soux le joug d’une dépression noire !
_ N’attendant plus que nos ordres, pour obéir comme un enfant !
_ Exactement !
_ Superbe !
_ Splendide ! renchérit D3.
_ Évidemment, la partie technique est extrêmement complexe, mais je vais la résumer comme suit… Nous avons isolé des molécules de paranoïa, qui attaquent le sujet avec une férocité… Je ne vous dis que ça !
_ Eh ! Mais c’est que vous me mettez l’eau à la bouche, professeur !
_ Vous avez que le paranoïaque ne veut pas découvrir le monde, mais que le monde devienne le sien ! C’est le monde qui doit entrer dans sa bulle ! Vous imaginez la puissance destructrice que cela induit ! Il faut se plier en quatre, en dix pour entrer dans la bulle du paranoïaque ! On n’y résiste pas !
_ Eh ! Eh ! fait D 1
_ Oh ! Oh ! fait D 3
_ L’individu perd toute sa personnalité ! conclut Ratamor.
_ Démonstration ! Démonstration ! demande impatiemment Dominator.
_ Le cobaye est un mauvais Dom, qui avait dans les mains dans les poches ! Votre Sécurité l’a arrêté aussitôt !
_ Comme il se doit ! Un Dom, c’est la rigueur même ! Il faut être fier ! »
Un pauvre bougre, au visage meurtri, regarde devant lui, quand il reçoit le REE ! Les molécules l’entourent et dans chacune d’elles, il y a un dominator sévère qui le menace, quoique cela reste invisible à l’œil nu ! Mais voilà ce qu’entend l’individu : « Tu n’es pas sérieux ! Tu nous mens ! Tu nous ridiculises !
_ Moi ? Non, je vous jure que non !
_ A d’autres ! Tu fais tout pour nous rendre fous ! pour nous décevoir !
_ Mais non, je vous jure que non !
_ Oh ! Arrête, s’il te plaît ! Tu crois pas que t’en a déjà assez fait comme ça !
_ Mais qu’est-ce que… Je…
_ Si tu répliques encore, j’ te cogne !
_ Mais enfin, qu’est-ce qui se passe ?
_ En tout cas, va falloir que tu changes !
_ Mais qu’est-ce que je dois faire !
_ Oh rien ! Mais rien ! Monsieur se croit supérieur de toute façon !
_ Mais non, ce n’est pas vrai !
_ Alors tiens-toi mieux qu’ça, bon sang de bonsoir ! Sois un homme !
_ Très bien, je me rectifie...
_ Mieux que ça ! d’autant que tu es un menteur !
_ Mais de quoi vous parlez ?
_ Tu me fais de la peine, c’est tout ! !
_ Laissez-moi, par pitié ! Laissez-moi !
_ Quelle lavette ! Tu es prêt à nous satisfaire ?
_ Oui, oui !
_ Bien ! Demain, on commence ! Va falloir bosser, crois-moi ! On te lâchera pas ! »
Le cobaye est à genoux, prostré ! « Impressionnant ! fait Dominator.
_ Joy...eux anni...versaire ! » chantent tous.
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L' attaque des Doms!
- Le 27/07/2024
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Plus l’enveloppe du Dom est forte et moins les autres pour lui ont une existence propre ! Car il attire les autres pour son intérêt, être admiré ou pour qu’il sente son importance ! De ce fait, l’autre n’est pas un sujet de curiosité pour le Dom ! Celui-ci n’essaie pas de le connaître, encore moins de le respecter : il l’utilise seulement, puisque dans le monde du Dom, il n’y a que le Dom ! Donc, plus on se sépare de son enveloppe de Dom, c’est-à-dire plus on lutte contre sa domination, et plus l’autre devient une réalité et plus on est en marche vers une cohabitation paisible ! A l’inverse, plus l’enveloppe du Dom reste forte et plus on se ferme au monde extérieur et plus on en a peur ! On va donc de ce côté-là vers la haine, le rejet et la destruction !
Il existe ce qu’on peut appeler le Dom Petite Terreur (ou DPT) ! C’est généralement un Dom qui ne paie pas de mine, par exemple une personne âgée du quartier ! Il n’y a a priori rien d’agressif chez le DPT et physiquement il ne fait pas peur et pourtant c’est une petite terreur, au bout de la rue ! Vous vous approchez et le DPT est en l’occurrence une vieille dame menue, en train de discuter avec sa voisine… Vous sentez bien la domination qui émane de cette DPT… Elle a l’air de dire : « Attention, si tu ne me dis pas bonjour ! Si tu ne reconnais pas que je suis une personne importante du quartier, je vais te maudire de toute mon âme ! Et cela veut dire que, si jamais on enquête sur quelqu’un, je dirai que tu es forcément suspect ! Malheur à toi, si tu n’es pas en règle, avec tes factures, tes impôts ! Tu es devant une sommité, qui a tout pouvoir ! Je n’hésiterai pas une seconde à demander la mort, s’il y a quelque chose qui cloche ! »
Face à la DPT, si vous êtes un peu en dedans, affaibli, hésitant, vous allez effectivement vous soumettre, par un bref salut, car c’est aussi les conventions : on est tenu de montrer son respect aux personnes dites vénérables du quartier ! Votre réaction peut être un bon indicateur de votre état de forme ! Dites-vous bien que si vous saluez la DPT, elle se réjouira de vous traiter avec le plus de mépris possible, surtout devant son amie, puisqu’elle démontre ainsi son pouvoir ! Il advient cependant que la DPT vous salue aussi poliment, mais ce serait étonnant, car, ne cessons pas de le rappeler, le Dom se nourrit de sa domination ! Il n’est pas là en vacances !
En tout cas, si vous n’avez pas résisté à la DPT, vous avez alimenté la « machine » Dom, le fonctionnement habituel qui nous entoure ! Vous pouvez aller vous cacher chez vous et regarder un « traître » dans la glace ! Nous plaisantons bien entendu, car la vie est difficile et même si vous avez ignoré la DPT, il est fort probable que vous le regrettiez, car la peur de ne pas obéir aux normes est insistante et ne demande qu’à nous envahir !
Au contraire, si vous passez devant la DPT avec « superbe », plus exactement en ne perdant pas de vue qu’elle est une canaille, une égoïste et que c’est à elle d’évoluer, vous lui posez une énigme ! La DPT se demande alors qui vous êtes, pour n’être pas tombé dans son « piège », car la dame est bien consciente de répandre sa petite terreur ! Elle n’est pas innocente, elle a fait courber le cou à des milliers comme vous ! Sa dictature, c’est son existence même, sa marque de fabrique, son travail quotidien ! Mais il est possible que votre indifférence la conduise à réfléchir et à changer d’attitude, car vous n’avez pas cédé à la peur !
De toute façon, celui qui marche vers la Lumière est forcément confronté aux conventions, car il a une autre lecture de la société ! Il est donc aussi en proie aux doutes et s’interroge régulièrement sur sa santé mentale ! Pourtant, le Dom est bien une réalité et la Lumière doit avoir le courage de s’écarter du « troupeau » ! La foi, c’est l’avenir dans le sens où l’amour de Dieu est un mystère spirituel ! Ce n’est pas seulement la raison qui est en jeu et le champ d’action du Dom est d’abord une domination psychique ! C’est une pression apparemment invisible, que seul l’esprit perçoit ! C’est une affaire de sensibilité, de sentiments, et qui pourrait être vue comme subjective, mais qui n’en constitue pas moins la base de nos rapports, bien avant que des mots ou des gestes soient échangés !
Nous dégageons tous une présence, qui est la somme de ce que nous pensons et de notre santé ! Nous faisons tous plus ou moins impression les uns sur les autres ! Nous nous influençons à distance et nous transmettons notre désir, et celui du Dom veut du pouvoir ou de la possession ! C’est par l’esprit que d’abord nous existons et que nous nous percevons, même si nos corps y contribuent évidemment !
C’est une lutte constante, qui use sans le dire ! Mais la résistance qu’on oppose au Dom est pour lui une chose nouvelle ! Il est habitué à soumettre, à vaincre et voilà que la Lumière lui échappe, justement parce qu’elle n’a plus besoin de dominer ! Elle pose au Dom un problème quasi insoluble, car on n’est plus sur son champ de bataille ! La Lumière n’entretient pas un rapport de force, mais elle défend une vérité, un savoir, une espérance ! Elle essaie de déchirer l’espace de mensonges qui lui fait face, car elle est bien consciente que le Dom n’est pas une solution, qu’il est perdu lui-même et qu’il commet l’injustice, de sorte que le désespoir provoque la violence !
L'ATTAQUE DES DOMS!
1
Pendant ce temps-là, à Domopolis, la capitale des Doms, et dans la Tour du Pouvoir, on s’agite, on s’empresse, on bout intérieurement, car on se prépare à conquérir l’Univers ! Dominator, le chef des Doms, a réuni ses généraux, Dom 1, Dom 2 et Dom 3, pour revoir le plan d’attaque ! « Notre cible, dit Dominator, est la planète ED ! Elle est peuplée de gens violents, haineux, rancuniers, sournois et frustrés ! Bref, ce sont des gens malléables, qui ont à peine dépassé le stade animal ! Nous allons essayer sur eux notre nouveau rayon déstructurant Domination Perverse ! Nous allons semer l’effroi dans leur esprit, encore plus efficacement qu’avec une bombe atomique !
_ Ah ! Ah ! fait D 1.
_ Ils vont rien voir venir ! ajoute D 2.
_ Ils sont cuits ! renchérit D 3.
_ Est-ce que tout a été vérifié ? demande Dominator.
_ Le canon a été bien positionné !
_ La charge est en place !
_ Les Doms autour sont fin prêts !
_ Bien, bien, je ne vous cache pas que c’est un grand jour ! Depuis le Grand Effondrement, chacun d’entre nous a dû lutter pour survivre ! Notre empire s’est écroulé sans crier gare et nous sortons à peine la tête de l’eau ! Nous étions les maîtres du monde ! Notre nom était autant respecté que craint ! Nos vaisseaux de guerre passaient pour les meilleurs de la galaxie ! Les Doms alors contrôlaient de nombreuses planètes ! Et puis, du jour au lendemain, nous nous sommes retrouvés comme des va-nu-pieds ! Nos gouvernants avaient cédé à je ne sais quelle folie étrangère ! Ils ont laissé partir le pays à la ruine ! »
A cet instant, on entend une voix dire : « Tir moins dix minutes ! » « Mais nous avons remonté la pente ! crie Dominator. Nous avons de nouveau stabilisé les choses ! Le pouvoir est revenu entre nos mains, plus fort que jamais !
_ Et c’est grâce à vous ! dit D 1.
_ Ah ! ça oui ! approuve D 2. Sans vous, on s’rait encore j’ sais pas où !
_ C’est bien simple : vous êtes notre sauveur ! rajoute D 3.
_ Et je n’en suis pas peu fier ! Mais comme ce fut long ! Quand je pense à tous ceux qui m’ont fait obstacle, une rage sourde m’envahit encore ! J’ai dû me débarrasser de tous mes adversaires ! Ils m’ont contraint à couvrir mes mains de sang et je leur en veux pour ça ! Ils n’avaient qu’à m’aider à relever la grandeur des Doms ! Car tel est mon unique but : que la supériorité du Dom soit reconnue partout dans l’Univers !
_ Tir moins cinq minutes !
_ Où en étais-je ?
_ A la grandeur des Doms !
_ Oui, nous allons rebâtir notre empire ! Personne, vous entendez, personne ne pourra résister à nos nouvelles armes, uniques dans tout l’Univers ! Elles sont issues de notre longue tradition d’excellence dans ce domaine ! Nous savons comment répandre le poison du mensonge, comment rendre fou l’ennemi, en profitant de ses moindres failles ! Nous sommes les maîtres de la nuit !
_ C’est pas comme nos routes ! Ah ! Ah ! Dans quel état elles sont ! Avant d’arriver ici, j’ai même crevé ! Regardez, j’ai encore les mains un peu sales !
_ Dis-moi, D 2, tu aimes ton travail ?
_ Ben...
_ Tu aimes être avec nous, faire partie de l’élite, car nous nous sucrons ! Nous sommes des privilégiés, alors que le population, dont nous nous moquons éperdument, tire la langue !
_ Ben oui, j’aime bien manger ! Il manquerait plus que je sois un privilégié triste !
_ Alors, pourquoi j’ai l’impression que tu es un idiot ! Peux-tu me donner une seule raison, pour ne pas me débarrasser de toi ?
_ Ben, j’aimerais pas ça !
_ Gardes ! Saisissez-vous de D 2 et conduisez-le à l’Oubli !
_ Non, non, je vous en supplie, Dominator ! Pensez à ma fille, votre filleule !
_ Elle comprendra et me remerciera !
_ Tir dans cinq secondes ! »
On emmène D 2 et soudain un rayon, en partant, tonne vers la petite planète ED !
2
Les Eudistes sont les habitants d’ED et ils sont très étranges ! Ils se meuvent imbriqués les uns dans les autres ! De forme rectangulaire, ils se touchent et créent une couche comme un mur de briques, mais qui bouge ! Toute la planète est ainsi, de sorte qu’il est impossible pour une créature, qui ne serait pas un Eudiste, de s’y installer, ce dont les habitants sont fiers !
On raconte que c’est leur amour pour l’ordre qui a peu à peu façonné les Eudistes, mais de temps en temps, le matin et le soir principalement, l’un des leurs ouvre sa boîte, ce qui lui sert d’enveloppe, et il se met à crier ! Quoi ? On ne comprend pas bien, mais cela ressemble à des injures ! Le phénomène est d’autant plus étonnant que tous les Eudistes autour font de même et on assiste à une cacophonie cinglante, abrutissante ! Puis, au bout de quelques minutes, le calme revient, les boîtes se referment, laissant les quelques rares spectateurs s’interroger sur cette sauvagerie !
De quoi se nourrissent les Eudistes ? Mais de valeurs ! Oui, vous avez bien entendu, de valeurs ! Qu’est-ce que c’est ? Seuls les Eudistes le savent ! Sous leur boîte, il y a une ouverture qui permet de brouter la valeur, à condition qu’il la trouve, car l’Eudiste ne cesse de demander : « Où sont nos valeurs ? Rendez-nous nos valeurs ! » Certains pensent que la valeur est une sorte de fleur rouge, qui pousse sur les balcons, dans de petits villages, quand beaucoup sont à la messe et d’autres au bistrot ! Mais cette explication et des variantes ne témoignent sans doute que des représentations culturelles des étrangers et la définition des valeurs reste encore à trouver !
Cependant, le rayon déstructurant Domination Perverse touche de plein fouet la planète ED ! Oh ! Ce n’est pas franchement visible ! L’atmosphère dissout le rayon, pour ainsi dire, et le transforme en une sorte d’aurore boréale, quoique sa charge pénètre bien les Eudistes et bientôt c’est le désordre et même la panique ! Des boîtes ont un mouvement circulaire ou bien prennenet la position verticale ! Il y a des heurts, des altercations, des prises de bec, des empoignades, avec un dénominateur commun : l’incompréhension !
On entend des dialogues incroyables ! « Qu’est-ce que tu fais debout ? fait un Eudiste à un autre.
_ Debout ? Mais je ne suis pas debout !
_ Ah bon ? Mais t’as bien la tête en haut et les pieds en bas !
_ C’est ta façon de voir ! Reste à savoir ce que tu cherches !
_ Mais je ne cherche rien ! C’est la vérité, c’est tout !
_ Mais la vérité est ce que tu veux qu’elle soit !
_ Non, je vois juste que tu es debout…
_ Mensonges !
_ Réalité !
_ Tu agresses nos valeurs !
_ Pauvre débile !
_ Répète un peu, pour voir ! »
Les Eudistes ne savent plus où donner de la tête ! Ils sont perdus, plongés dans le doute ! Ils se tâtent, pour être sûrs d’être bien réels ! Certains s’arrachent les cheveux de rage ! D’autres pleurent, accablés par le désespoir ! On ne sait plus qui est qui ! On voudrait tant retrouver la sécurité d’autrefois ! On se regarde avec suspicion ! L’ami d’hier est devenu un étranger, voire un ennemi ! Puis, sous les yeux ébahis des Eudistes, la planète elle-même se met à tourner en sens inverse ! C’est un mouvement colossal, épouvantable, mais le soleil d’ED fait demi-tour, remonte le temps et on ne va plus vers le soir, mais on retourne au matin ! Ou alors le soir a toujours été dans la direction du matin, mais on ne le savait pas ! On se trompait !
Un vent de folie traverse la fragile population et c’est à ce moment que paraît dans le ciel, tout autour de la planète, le visage glacial de Dominator ! « Je suis Dominator, dit-il, le chef des Doms ! Ce qui vous arrive est une tragédie, mais je suis là pour vous aider ! Acceptez-moi comme guide et je vous promets de vous rapporter toutes vos valeurs ! parce qu’elles sont aussi les miennes ! Nous avons un ennemi commun, qui cherche à vous nuire ! Je ne le nommerai pas ici, mais nous le connaissons tous, n’est-ce pas ? Combattons-le, sinon il nous détruira ! »
Les Eudistes sont stupéfiés, tandis que des vaisseaux Doms les survolent maintenant ! Puis, le trafic des boîtes se rétablit et le soleil reprend sa course normale ! Les Eudistes, la mine encore sombre, retrouvent leur quotidien et acceptent la présence des Doms ! Mais ont-ils vraiment le choix ?