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  • Des monstres

    Des monstres

     

     

     

        Il est bon d'observer la jeunesse, car elle est l'avenir, et un lieu idéal pour cela, c'est le bus, quand il est rempli de lycéens! Nous sommes au début du printemps et les visages sont comme les jeunes feuilles sur les arbres: ils se développent, s'offrent, eux aussi sous la poussée d'une sève, et on peut lire en eux!

        D'ailleurs, ce qu'on voit pour la majorité est rassurant... La plupart des adolescents, présents dans notre bus, sont innocents... Par leur fraîcheur, ils font encore penser aux boutons de roses, qui sont si tendres, à peine sortis de leur écrin de verdure, et qui vont bien entendu se transformer en fleurs... Autrement dit, chez tous ces jeunes gens, il n'y a qu'une envie, c'est celle de grandir et de découvrir la vie, le monde qui nous entoure! Quoi de plus normal? C'est parfaitement sain et cela implique également de la docilité, de la bonne volonté, une curiosité qui s'allie au désir de bien faire!

        Cette attente correspond sans doute à une confiance et raconte par conséquent une enfance, une vie de famille sans problèmes particuliers, traumatisants! Sur chaque visage apparaissent de l'écoute, de la gentillesse; même si chacun l'exprime différemment: certains timidement, presque angéliquement, pourrait-on dire; quand d'autres sont plus hardis, peut-être plus les filles que les garçons d'ailleurs!

        Cette innocence, qui pourrait être considérée plus péjorativement telle de la naïveté, ils se la reprocheront probablement plus tard, car à cet âge on est impatient de se montrer adulte, "affranchi", mais elle permet tous les destins: le terreau est neutre, pour ainsi dire, et si la plante connaîtra bien des aléas, ses racines, elles, la nourriront toujours volontiers! Or, ce n'est pas le cas pour un certain nombre de visages que nous observons, car ceux-ci sont déjà marqués par des sentiments qu'il est possible d'identifier... Ici, quelque chose s'est passé, s'est installé et même gouverne! On n'est plus dans le domaine de la découverte, mais dans celui de la lutte, du tourment et même du vice, à quinze ans! On quitte  l'univers de la lumière pour celui de l'ombre; l'innocence est perdue! La haine, la peur, les larmes, le mépris rôdent! C'est un tout autre monde, dont le précédent ne se doute même pas! Et celui-ci est déjà fermé, quasiment sans espérance... La dureté de quelques uns semble irrécupérable et n'a rien à envier à celle des adultes!

        Par exemple, à côté de nous, se trouve une jeune fille vieillie prématurément par la tristesse... On sent chez elle une tension permanente, une gravité qui pourrait se transformer en alarme, en panique;  comme si cette personne vivait dans un monde en guerre, avait subi maints raids aériens et meurtriers! Elle passe pourtant inaperçue et seul un observateur attentif peut se demander la cause de ce trouble, qu'est-ce qui a créé le poids qu'elle semble porter, de quel drame il peut s'agir?

        L'explication la plus vraisemblable est la perte d'un proche, d'un des membres de la famille...; mais on peut encore songer à la violence d'un père alcoolique, battant la mère, avant un divorce et une famille recomposée... Mais les événements ne sont pas seuls à l'origine de notre comportement, comme semble vouloir le dire la psychologie, car, pour les mêmes traumatismes, nous pouvons avoir des réactions diamétralement opposées! Certains, face à l'injustice, aux souffrances dont ils sont les victimes, s'endurciront, deviendront aussi mauvais que leurs persécuteurs; quand d'autres, au contraire, chercheront toujours plus un sens à ce qu'ils voient et subissent, ce qui les conduit à devenir de plus en plus doux et compréhensifs! Apparemment, notre égoïsme natif jouerait un rôle essentiel dans la formation de notre personnalité, mais nous sommes là sur un terrain extrêmement complexe, comme nous allons le voir! 

        Toujours est-il que l'on peut supposer encore à notre lycéenne un caractère naturellement craintif, particulièrement émotif et qui favoriserait sa crispation, son air douloureux! Face aux événements attristants qui l'ont marquée, une autre plus ferme, moins sensible, aurait pu en prendre son parti, juste peut-être hausser les épaules! Il doit y avoir un échange entre la génétique et l'influence du milieu, entre notre hérédité et les traumatismes que nous éprouvons enfants... Croire que l'une des ces parties agisse seule est certainement une erreur et quant à savoir pour quel pourcentage l'une a une action plus importante que l'autre, cela reste une querelle de spécialistes! Mais, encore une fois, notre tour d'horizon montrera combien ce que nous sommes est une énigme!

        Un peu plus loin, toujours dans notre bus, il y a un jeune Français d'origine étrangère. Il a une allure sportive et les manches retroussées, ce qui donne l'impression qu'il est à l'aise et même que c'est un chef aimé et imité; mais il est seul! Quand on croise son regard, on voit que celui-ci voudrait se fixer, ne plus fuir, voudrait se "livrer", être présent, se montrer tel qu'il est; mais c'est impossible! Il est comme un oiseau qui a faim et qui volète autour de la nourriture placée devant lui; il n'ose se poser, car sa méfiance ne le quitte pas!

        Quelle peur peut être assez forte, pour empêcher ce lycéen de se détendre, de se reposer; pour l'empêcher d'exister? Toute l'apparence dit l'équilibre, tout le regard dit l'insécurité! Peut-être que ce jeune homme, s'il consentait enfin à se laisser voir, devrait-il se mettre à crier, tellement il aurait la sensation d'un déchirement! Craint-il une injure soudaine et raciste? C'est possible... En tout cas, il vit dans un monde qui lui paraît absolument hostile et nous espérons que quelque part il puisse vraiment se relâcher!

        Que de douleurs cachées! Mais cela nous rappelle une autre anecdote... Dans un autre bus, bondé,  alors que nous sommes debout, des jeunes soudain nous entourent et commencent à se moquer de nous, en répétant tout haut la marque de nos chaussures! Ce n'est pas bien méchant et nous ne bronchons pas, mais, quand les jeunes descendent, l'un d'eux en passant nous touche doucement le bras, comme s'il voulait prendre un peu de notre paix, de notre énergie! ("Je vous assure que quelqu'un a touché mon manteau!" disait Jésus à ses disciples embarrassés!) Ce que voulait cet adolescent aurait paru bien étrange à ses camarades et nous sommes ici très loin des apparences et notamment des égoïsmes jamais rassasiés de la télévision!

        Mais revenons à notre bus... Tout au fond, il y a une jeune fille aux traits délicats et qui semble ne pas en être consciente, alors que nous l'admirons d'un regard... Soudain, son œil se fige, presque avec irritation! On a l'impression de l'avoir dérangée et qu'elle est à bout de nerfs! Elle n'est pas du tout réceptive, car elle rumine quelque chose; son intérieur est un champ de bataille, où elle règle ses comptes!

        A côté, un lycéen nous défie alors que nous posons les yeux sur lui... Nous restons nous aussi à le fixer, puis nous sourions, car nous ne voulons supplanter personne et aussitôt le garçon s'adoucit également... Mais coup sur coup nous avons été témoin de deux réactions motivées par la haine! C'est elle qui occupe ces deux jeunes gens, bien qu'ils ne soient pas ensemble... C'est elle qui les habite et qui est prête à leur servir de protection!

        Sans doute ces deux lycéens ont-ils été blessés et ils réclament justice, mais c'est aussi leur égoïsme qui les rend aussi agressifs; car on comprend bien que plus l'amour-propre est vif et plus il ressent l'injure et veut s'en venger! Là encore, il existe un dialogue entre l'événement, le traumatisme et ce que nous sommes à l'origine... Pas plus que nous voilà les fruits seuls de notre histoire, nous sommes incapables de changer... et d'ailleurs nos deux lycéens montrent qu'ils ne sont pas insensibles aux bonnes dispositions dont on peut faire preuve à leur égard: la jeune fille, en sortant du bus, ajuste sa chevelure, essaie de se faire jolie, car elle est maintenant présente; elle a quitté son monde de haine!

        Ces deux exemples vont nous servir de palier, pour présenter les deux monstres qui suivent... Nous parlons de monstres, car, comme dit la formule: "Dieu seul est bon!" et il faudrait sa puissance sans limites pour voir là où nous allons un peu de bonté, peut-être même des garçons qui ont été un jour gentils, de bonne volonté!

        Mais en face de nous, à présent, il y a deux lycéens qui ne cherchent qu'à dominer, qui n'ont qu'un seul désir, c'est d'asservir; et nous voilà dans la nuit la plus complète, sans une once de lumière, ce qui constitue une énigme absolue, quant à la formation de nos personnalités!

        Disons le encore tout net, cette domination se veut aussi sexuelle (à quinze ans!)... En effet, des hommes peuvent a priori se plaire à être considérés telles des femmes et se réjouir d'être méprisés, quasiment maltraités... On les appelle vulgairement des "folles" et c'est la violence de leur besoin sexuel qui fait que leur plaisir s'amplifie de leur asservissement, de leur avilissement!

        Mais, comme être heureux d'être méprisé n'est pas naturel, il faut voir dans ce plaisir sexuel un désespoir, l'effet destructeur de la dépression, une conséquence de l'angoisse, qui donne envie de "disparaître dans la chair", d'en être "abreuvé", car "l'esprit n'en peut plus, il ne veut plus avancer, se tenir debout"; les nerfs se consumant et le sexe devenant de plus en plus impérieux, quasiment irrépressible!

        Ceci est aussi valable pour les femmes! Certaines, toujours pour les mêmes raisons, perdent toute dignité, se plaisent apparemment à ne plus se sentir consciente, à force de rapports toujours plus scabreux et qui les déshumanisent... C'est un soulagement, mais qui ne grandit pas et finit par laisser un goût amer... N'oublions pas qu'il y en a un qui en profite: c'est celui qui domine et qui humilie! C'est la joie de son orgueil et on voit mal ses limites: Yves Saint Laurent criait souvent à Pierre Berger: "Je te tuerai! Je te tuerai!"

        Mais nos deux lycéens, dans le bus, sont de cet acabit! Ils sont ceux qui se vouent un véritable culte, qui se placent au-dessus de tout et qui donc ne voient aucun mal à briser, à tyranniser un autre humain, à en faire une victime, d'autant que celle-ci semble aimer ça! Où est l'Evolution ici? Nulle part! On est dans l'égoïsme pur (si on peut dire...)!

        Cette domination agit d'une manière quasi invisible; il n'y a pas de violences physiques... C'est une soumission psychique qui est recherchée, car c'est elle qui entraînera la soumission physique! Mais il nous devient utile d'essayer de comprendre ce qui fait une "présence"!

        Ce n'est pas, comme on le dit souvent, notamment chez les psychologues, une attitude, une gestuelle ou une expression du visage, même si ce sont des indicateurs... Ce n'est pas non plus l'habit, qui n'est qu'une conséquence, mais ce qui constitue la présence, ce qui produit un effet sur les autres, ce n'est ni plus ni moins ce que nous pensons! C'est le degré de notre compréhension, de notre évolution, de notre maturation! C'est l'énergie psychique qui en découle! C'est elle qui fait office d'aura, qui nous signale pour ainsi dire; c'est elle que l'autre ressent!

        Mais si celle-ci est consacrée à la domination, au triomphe de soi donc, elle peut être alors vicieuse, délétère, concentrée, assez puissante, mais surtout elle a pour vocation de détruire, de supplanter, car c'est le pouvoir qui est sa nourriture; c'est l'animal qui veut vaincre, être le plus fort! C'est ainsi bien entendu que le dominateur se donne un existence! C'est si vrai que, si on lui fait obstacle, on le condamne invariablement à l'angoisse! Voici comment les choses peuvent se passer...

        Dans le bus, nous nous débarrassons assez vite des deux monstres... En effet, nous savons déjà qu'un équilibre qui repose sur la domination n'est pas solide, n'est qu'apparent, que c'est un aveuglement, puisque nous ne sommes pas des animaux et que la mort, ne serait-ce qu'elle, produit naturellement chez nous angoisse et questionnement! Autrement dit, un individu, qui n'a pas besoin de dominer et dont l'équilibre a été construit par les lois de la sagesse, celui-là "embrasse" bien le monde extérieur, ne refuse aucune de ses peurs et est par conséquent autrement plus fort qu'un autre! Il est indépendant et nous pouvons même dire indestructible!

        C'est une question d'envergure et de lucidité et dans le bus, nous plaçons nos deux "monstres", par notre seule énergie psychique, dans un monde où leur rapport de domination n'a plus cours, de sens, où il ne devient pas plus qu'un bibelot! Et la réaction est toujours la même! Le dominateur, ou le tyran, ou le monstre, connaît l'angoisse qu'il refoule grâce à sa domination... et c'est comme si le monde entier le submergeait, ou même comme si le froid de la mort entrait soudainement!

        On voit alors le "monstre" se tortiller telle une chenille sur un poêlon! Sa position devient un véritable calvaire! Manque d'air, raideur du coup, nervosité, agacement, sueur et nous en passons! Il est au bord de la panique et tout se déroule comme si notre personnage en venait brusquement à "porter un peu de sa croix", puisque pour un moment il n'est plus le "profiteur", celui qui ne prend que les avantages! "Dites bonjour à la vraie vie, merci!" (On le contraint à l'empathie, d'une certaine manière, même si on peut douter du résultat!)

        Reste à savoir comment la nature peut donner naissance à de telles personnalités! La psychologie parle de narcissisme, mais elle serait bien en peine d'en expliquer l'origine!  Notez que notre "monstre" n'est qu'un cas extrême, quoique très courant! Mais, en fait, chacun, dans l'ensemble, disperse sa domination, la fait agir plus ou moins fortement sur plusieurs autres et connaît aussi la soumission, notamment avec ce qui est regardé comme l'autorité... C'est ce mélange qui produit une impression d'équilibre!  Cependant, ne voire le monde qu'à travers le prisme de sa domination, c'est bien la mort: la fin de soi, c'est la fin de tout!

       

  • De l'agressivité

    De l agressivite

     

     

     

        Nous savons déjà que nous avons tous peur et que la première réponse que nous donnons, pour échapper à cette peur, est le renforcement de notre domination, de notre présence au monde.  Cela produit un certain nombre d'attitudes, qui dépendent de nos goûts, du sexe et même de la catégorie sociale. Mais toutes génèrent au bout du compte de l'agressivité, ce qui nous crée une vie dure et un environnement qui, en nous troublant encore plus, nous entraîne dans une impasse, un cercle vicieux! Mais regardons ce qu'il en est et à tout seigneur, tout honneur, commençons par la femme!

        Comme nous le savons déjà encore, si l'homme assure sa domination d'abord par la force physique, la femme, c'est par la séduction! Pour soulager son angoisse, elle cherche donc à séduire, mais, ici, nous ne sommes pas dans la joie, l'art d'éblouir celui qu'on a choisi! Il s'agit plutôt de la pression d'une inquiétude sourde, d'une anxiété diffuse, qui pousse à captiver un homme impérativement; le corps exhibant ses rondeurs, le visage défiant presque!

        Tôt ou tard, un homme finit par montrer son intérêt et dès lors la femme retrouve ses repères, avec le sentiment de sa valeur... Elle est en terrain connu et ne ressent plus sa peur, mais elle ne la guérit pas! Elle a en plus excité un homme, qui aura bien du mal à se calmer, car il a comme hérité de la tension de la femme, alors qu'il avait toute sa raison, toute sa paix!

        Il y a donc eu une agression, même si celle-ci appelle le plaisir, mais une relation serait très difficile... L'angoisse, en effet, fragilise les êtres et leur enlève la capacité du choix! C'est l'atermoiement qui fait le fond de la peur et si l'homme troublé veut se satisfaire, l'embarras de la femme ira en redoublant! Si elle cède, c'est par désespoir, parce que la solitude lui paraît de toute façon insupportable!

        Une sexualité qui n'est pas maîtrisée, comme on la voit le plus souvent chez les femmes jeunes, est un "sauve-qui-peut" de l'esprit... C'est un égoïsme qui jette à tout-va des étincelles et qui reprend des forces, en allumant des incendies! C'est une forme de violence, qui est très éloignée des élans du printemps (quoiqu'il soit déjà là!)! Ce n'est pas l'hormone qui agit, c'est l'angoisse qui brûle!

        Cependant, quand il a peur, l'homme n'est pas plus respectueux... Il veut un rapport de force! Dès que celle d'un autre homme l'inquiète, il s'empresse de se mesurer à lui! Il redresse son dos et passe à côté de son "adversaire", de sorte que celui-ci sente son infériorité!  Ainsi, est de nouveau "quelqu'un" celui qui était désorienté par la peur! Il n'est plus seul, en plaçant un autre dans son univers, comme la femme par sa séduction! Mais, pareillement, il provoque de la nervosité, il excite l'amour-propre de l'autre, qui pouvait être paisible, à dix mille lieues de toute concurrence et qui se voit soudain dominé!

        C'est donc encore une agressivité, qui peut faire naître du mépris et de la haine! Cette manière de régler son angoisse est tout aussi néfaste et improductive que la précédente, puisque le fond du problème n'est toujours pas résolu! C'est pourtant la plus courante! Combien d'hommes faudra-t-il défier, plus ou moins ouvertement, avant l'incident ou le vieillissement? On aura passé toute sa vie à distiller son venin! Evidemment, on évitera les plus gros, on n'est pas fou, mais on aura combattu sans relâche une inconnue, qui s'appelle la paix!

        On n'aura pas pris les vrais moyens pour être heureux et on aura rendu malheureux un grand nombre! Se satisfaire de son enfer n'est pas sans conséquences!

        Cependant, depuis longtemps, la société a raffiné la force physique en lui donnant les attributs du pouvoir ou de la richesse! Ainsi, un homme dans une belle voiture poursuit son rapport de force! Il y est d'autant plus à l'aise que le jeu de la conduite procure immédiatement du sens et rassure! Il y est encore à l'abri, mais la belle voiture, qui glisse et dont la valeur et la puissance sont évidentes, est destinée à impressionner, à en imposer: on ne va pas chez le concessionnaire  comme on achète son pain! On n'est pas innocent! (C'est encore la même chose pour le rugissement des motos!)

        Mais la femme aussi peut utiliser la voiture tel un atout de sa séduction! De quoi faire enrager les taliban!

        Notez que le port des lunettes de soleil, alors que l'astre du jour réchauffe à peine, est inspiré par la même logique! D'abord, on cache son regard et ensuite on se donne l'illusion d'un monde plus coloré! Mais les lunettes noires continuent à vouloir dominer, d'autant que la peur de leur propriétaire est masquée! Somme toute, on entre ici dans le domaine du ridicule, même si cela paraît un détail, car il ne faudrait surtout pas croire qu'il existe quelque chose de vraiment figé, qui soit en dehors de la psychologie de nos attitudes... "Tout est sensible!" disait Nerval et quand on a commencé, on n'en finit pas de dévider le réel!  

        Cependant, l'agressivité devient plus évidente avec la partie qui suit et c'est pourquoi nous l'appellerons la "zone"! Il s'agit des marginaux, qui notamment commencent à boire le samedi matin, car ce jour-là est déjà l'"antichambre" du dimanche; son rythme n'est plus celui d'une journée de travail; il est plus lent et permet ainsi à la peur de se faire sentir!

        On boit donc tôt pour parer le mal-être, mais la tentative est vaine! L'alcool procure le rêve, mais épuise et demande des doses toujours plus fortes! On est fatalement conduit à l'abrutissement et à l'agressivité! Toutefois, on évite de cette manière le vide qu'on associe au dimanche et qu'on redoute, puisqu'on le remplit en luttant contre sa gueule de bois; le corps endolori et la tête serrée, ainsi qu'on serait couché dans un cercueil rustique!

        Toujours le samedi, quand des marginaux occupent un appartement, les voisins en sont pour leurs frais! Ce sont d'abord des éclats de voix, car l'angoisse rend nerveux..., puis la musique est de plus en plus forte, jusqu'à isoler le marginal! Le voilà dans sa bulle et à partir de là, la vie est impossible autour! Ou bien c'est le marginal, ou bien ce sont les autres; mais la cohabitation est interdite, comme le dialogue! Si on se plaint, immédiatement le marginal se dresse sur ses ergots: il est de toute façon en guerre contre le système!

        Pourtant, on l'étonnerait bien si on pouvait lui faire comprendre qu'il a, face à sa peur, la même réaction que ceux qu'ils critiquent, à savoir le notable ou le bourgeois! Seuls les moyens changent! Le riche cherche à dominer en respectant des codes, tandis que le marginal crée le chaos! Mais c'est le même égoïsme qui veut s'imposer!

        A propos du bruit et comme les psychologues ouvrent parfois un œil, il est dit que le ronflement de l'ordinateur endort, met à l'abri son utilisateur, le sépare du monde réel et de ses aspérités! Ici, c'est le repli sur soi et l'absence de responsabilités qui sont montrés du doigt!

        Cela ne nous semble pas pertinent, car exagéré, mais il n'en demeure pas moins que, quand le bruit est fort, il peut produire un certain apaisement, avoir un effet anesthésiant, qu'on ne voudrait plus arrêter! Bien des employés municipaux, avec leurs souffleurs de feuilles ou leurs faucilles électriques, finissent par prendre plaisir à leur tâche et tout serait parfait dans le meilleur des mondes, si autour on pouvait encore s'entendre et vivre normalement!

        Cependant, considérons ces psychologues qui semblent dénoncer certains travers de nos comportements... Ils comparent encore, si nous ne nous abusons pas, l'état ou le gouvernement à une super maman, ainsi que le chat, dit-on, voit son propriétaire, ce qui expliquerait son ronronnement! Ils veulent ainsi s'élever contre la majorité qui fait appel à l'autorité pour régler tous ses problèmes  et qui manifestement n'arrive pas au stade adulte! (Hum! Citerons-nous les gilets jaunes?)

        De même, nous avons entendu jour un psychiatre critiquer ceux qui partent au ski, car là-bas ils vivent dans un monde poudreux et plein de blancheur, comme enchanté et irréel! Dans ce cas, encore, la frivolité et même la lâcheté des hommes étaient visées! Le skieur aurait dû avoir honte et regagner vite sa chambre, sans goûter à la fondue!

        Mais pourquoi ce mépris, cette haine, cette colère chez ces psychologues, car c'est bien de cela dont il s'agit; alors que la science n'a de valeur que si elle est objective? Mais l'explication est assez simple... Cette irritation, cette aversion sont en fait de grands classiques et apparaissent volontiers chez le névrosé! En effet, celui-ci a tendance à dépasser ses forces, à cause de sa fragilité, et tous ceux qui ne pensent pas comme lui, qui le contrarient attirent ses foudres! C'est le cri de la frustration! On fournit des efforts et on a l'impression de ne pas en être récompensé!

        La seule solution est de s'apaiser soi-même, car on ne corrige pas les autres en les heurtant, mais bien en les acceptant tout de même! Le mal devient meilleur quand il se sent encore aimable; cela seulement lui donne de l'espoir! Or, seule la paix donne la force et seule la force permet de sourire tout de même à la différence! C'est du b.a.-ba; même les escargots connaissent ça! Mais pas apparemment nos psychologues! Se croire averti sur l'esprit et ne pas voir sa propre haine! "Vous m'f'rez quatre jours, quatre! Rompez!"

        Mais l'agressivité vient aussi de notre environnement, de nos villes, de l'urbanisation... Il est normal que nos agglomérations s'étendent, puisque nous sommes de plus en plus nombreux, et le béton qui est pratique facilite ce mouvement, mais, en même temps, nous sommes de moins en moins capables de laisser une place à la nature, à la verdure, bien que nous en ayons besoin!

        Les arbres et les plantes, par leur variété, leur beauté, nous offrent un spectacle qui nous captive et nous apaise; tandis qu'une façade reste somme toute une fermeture! Mais nous sommes tentés, sur chaque chantier, de tout bétonner, pour ne laisser qu'une végétation pauvre, amaigrie, comme si nous ne comprenions pas la nécessité de sa présence et qu'elle n'était qu'un embarras!

        C'est que considérer le temps de la nature, prendre soin d'elle, respecter sa place nous contraint de ralentir, presque de nous arrêter, et c'est déjà l'ombre de la peur qui se montre à nouveau et qui nous presse derechef vers l'action, vers la solution la plus facile et qui apparemment ne demande plus d'entretien, d'y "revenir"!

        Le même problème existe avec les enfants, qui crient et qui pleurent, parce qu'ils sont fatigués, car ils ont dû suivre le rythme de leurs parents, qui fuient eux aussi leur peur, ce qui les empêche de régler les petits soucis de leur progéniture...

        Il est évident que les villes témoignent de notre angoisse, par leur radicalisation et que celle-ci ne peut pas ne pas nous agresser, mais il nous est a priori possible encore de nous tranquilliser avec un moyen qui paraît inoffensif et c'est la consommation! Si nous en avons les moyens, acheter nous occupe, nous donne de l'importance et même nous amuse! Nous rêvons encore de posséder tel objet et cela devient un but, mais, même quand il s'agit de nos loisirs, force est de constater que nous ne savons pas vivre, puisque nous nous précipitons, nous nous pressons vers les magasins, sans savourer notre plaisir!

        Certains sur le chemin tueraient père et mère pour arriver plus vite et font de la rue un terrain dangereux, et cette image sèche de l'égoïsme est l'une des plus désespérantes qui soient!

        Cependant, nous voilà à l'heure du bilan... Si nous totalisons toutes les sources d'agressivité que nous avons citées, il y a de quoi donner le vertige! Sexualité, domination, bruit, violences, environnement, consommation! Nous serions en droit de nous demander comment nous pouvons supporter la situation! Mais, en fait, nous n'y arrivons pas!

        La révolte des gilets jaunes en est la preuve, même si leurs revendications sont éloignées des causes profondes de notre mal-être! Les sirènes d'ambulances viennent encore confirmer notre désarroi et notre impuissance!

        Il n'est pas possible que nous ne soyons pas perturbés et notre sédentarisme s'explique aisément, car nous sentons tous combien il est difficile d'"affronter" le monde, comment chacune de nos sorties, qu'elle soit nécessaire ou attrayante, peut se révéler épuisante! Face aux agressions, le fil de notre pensée s'envole inexorablement et notre calme n'est plus qu'un souvenir! Même respirer correctement nous est inconnu!

        Nous restons alors chez nous, à l'abri des autres, devant la télévision la plupart du temps, tandis qu'elle nous fait croire que nous formons une seule et même grande famille éternelle! C'est absurde, mais nous sommes prisonniers de notre fonctionnement!

        Tant que nous voulons dominer, nous créons du trouble, nous nous fragilisons et nous nous détruisons! La domination n'est somme toute qu'une fuite en avant et pure folie est de penser encore, au vingt-et-unième siècle, que seuls les plus forts survivront! Signé le soleil!

  • De la peur

    De la peur

     

     

     

        Tout le monde a peur évidemment et il ne saurait en être autrement! Rappelons que, si les animaux sont nos "frères", nous n'en sommes pas pour autant, comme eux, "prisonniers" de nos instincts! La conscience, devenue évidente chez nous, nous a ouvert les "portes de la liberté", puisqu'elle nous permet justement de nous regarder nous-mêmes et de nous rendre maîtres de nos personnes!

        Mais nous voilà aussi devant l'inconnu! Notre mort notamment nous interroge... Notre condition n'est pas fixe et nous devons faire des choix, prendre des responsabilités, ce qui peut sembler lourd et nous effrayer, et la tentation peut être grande de "régler le problème" par une loi stricte, comme la charia, qui fait de l'homme un automate, le ramenant somme toute au rang de l'animal!

        Nous allons voir d'ailleurs que plus la peur est grande et plus la violence, le rejet ou la tyrannie le sont tout autant! Mais que l'angoisse fasse partie de nos vies est parfaitement normal, car elle est un corollaire de notre liberté... C'est son absence qui serait plutôt troublante, mais il est vrai aussi que les choses apparaissent rarement aussi simplement... Notre société a bien "embrouillé les cartes", pour ainsi dire, et d'abord par peur également!

        Prenons le cas du travail par exemple... Il nous enlève a priori beaucoup de notre angoisse..., autrement dit il réduit considérablement notre liberté! Chaque jour, des milliers d'individus prennent le chemin de leur emploi... Ils doivent respecter des horaires, ils obéissent à une nécessité, qui est celle de gagner sa vie! Le salarié n'a donc pas à se demander ce qu'il convient de faire, il suit un fonctionnement, mais la contrainte qu'il subit devient vite apparente et même insupportable, sitôt que son travail le déçoit, ne lui apporte plus une compensation valable, comme un salaire élevé ou la possibilité de se développer!

        L'emploi qu'on occupe est alors vivement critiqué... On peut faire grève, en demandant des changements, des améliorations, et d'une manière générale, on apparaît comme victime d'un système ou même d'un certain groupe, tels les capitalistes! Mais on se voit avec "des fers aux pieds"; le travail est vu comme un fléau, un chemin de croix, jusqu'à la retraite, ce qui pour l'observateur donne à la vie un aspect absurde!

        En effet, rien que le fait de notre mort devrait nous faire sentir que rien n'est vraiment absolument déterminé! Notre interrogation, quant au sens de la vie, peut avoir de telles ramifications que la société est "mise en suspens", comme un arbre soulève un trottoir; car c'est bien nous qui mourrons, c'est bien notre individualité qui est appelée à disparaître, nullement dans le même temps le monde qui nous entoure! Le rideau de la mort est secret et personne ainsi n'est en droit de nous dire catégoriquement ce qu'il faut faire! (Au fond, c'est la mort qui donne à la vie toute sa valeur!)

        Mais la plupart des hommes accepte le monde du travail comme un prolongement de l'école! On continue à y être gouverné par des horaires, un règlement; on rend des comptes à des supérieurs; on est bien ou mal noté, etc. La mort n'est présente nulle part; seul existe un fonctionnement auquel on s'adapte plus ou moins... C'est une vue courte, mais la pression de la société s'explique aussi par sa propre peur de l'inconnu! Il suffit de voir son embarras, pour ne pas dire son désarroi, aujourd'hui, face à une violence qui dépasse son entendement. Elle est comme un lycée débordé!

        Ceci étant, la naïveté des salariés est confondante et même irritante, car elle ne peut pas non plus ne pas être imprégnée d'hypocrisie! Mais l'antienne est connue:" Ah! Si j'avais les moyens! Si je n'étais plus obligé d'aller au boulot! Ah! Comme je prendrais du bon temps! J'resterais peinard chez moi! J'f'rais ce qui m'plairait! Mais, j'suis pas libre! C'est ça le hic!"

        Ce genre de discours conduit à une haine marquée, vengeresse, à l'égard de celui qu'on suppose profiteur et qui bénéficie des cotisations, tout en ne faisant rien! On lui tordrait volontiers le coup à celui-là, et dans la ligne de mire, on trouve bien entendu le chômeur invétéré ou le bénéficiaire du RSA paresseux! Mais, si on voulait bien regarder en soi-même, on conviendrait d'un certain nombre de choses, concernant sa peur!

        D'abord que de respecter des horaires, d'obéir, permet de ne pas affronter son angoisse! Le travail est un bouc-émissaire, qui masque les véritables raisons d'un mécontentement, d'un mal-être; alors que bien souvent c'est lui qui donne un peu de dignité, le sentiment d'être utile, ce qui lui procure le rôle de garde-fou! Le chômeur qui tremble, qui se déconsidère, ravagé par la dépression, en sait quelque chose!

        Ensuite, nous défions ici tout travailleur de rester tranquille chez soi; la sécurité matérielle étant assurée! Nous pourrions même compter combien de temps l'individu supporterait la situation, avant de devenir le jouet de l'angoisse! Pour la plupart, le soulagement d'être libre ne durerait pas plus d'une semaine! Devant le choix, l'indécision, le doute, la peur prendraient place! L'inquiétude s'installerait dans la maison, ainsi qu'une menace sourde! C'est qu'en effet c'est tout un art de vivre en paix avec soi-même! Cela demande un très long et très patient travail intérieur, qui met même au second plan la subsistance! Elle reste nécessaire bien entendu, mais elle n'est nullement suffisante! Tous ceux qui jusqu'ici ont continué leur vie comme à l'école, tous ceux-là, ne leur en déplaise, seraient fatalement gagnés par l'épouvante! L'"oisiveté" leur serait insupportable, car elle ouvrirait les portes d'un monde de cauchemars! On ne tient pas la barre de la vie sans entraînement!

        Fi de l'hypocrisie... et on avancera un peu! Mais face à nos peurs, nous avons toujours a priori le même remède... Il nous est instinctif et nous vient bien sûr du monde animal... Il s'agit de réaffirmer sa domination, de retrouver le sens de son importance; ainsi que le lion dévore sa proie, ce qui lui donne une supériorité incontestable! On parle donc d'une tyrannie, à différents degrés et qui s'exerce sur les autres! Beaucoup de cas de figures sont possibles!

        Au lieu de regarder et d'essayer de comprendre le monde tel qu'il est, nous préférons, sous le joug de nos peurs, le faire à notre image, qu'il soit nôtre! Cela va dans le sens de notre amour-propre et donc de notre plaisir! Bien plus ennuyeuses et improductives nous semblent l'attente et l'humilité!

        D'une manière générale, plus nous nous imposons au monde et plus notre peur est viscérale, profonde, destructrice!  Il n'est pas rare de trouver chez l'individu le plus dominateur des craintes enfouies et vives, des traumatismes actifs, des chagrins d'enfant, qui sont masqués par la dureté des attitudes, l'agressivité, le dédain... Toute une couronne dégoûtante a ici ses plus beaux bijoux!

        Par exemple, il y a le trublion! Il apparaît comme si on devait être enchanté de sa présence! Il brille comme un robinet qui ferait couler de l'admiration! Il est impossible pour le trublion d'être calme, qu'il vive indépendamment! Son agitation doit vous rencontrer! Au besoin, il interviendra derrière vous! Il fait déjà partie de votre vie! Il cherchera toujours votre regard, il a besoin de votre bonjour, ce qui ne l'empêchera pas de vous mépriser, s'il en a l'occasion! Soyez un peu diminué, dans une position inconfortable, et le trublion vous "marchera" dessus! Il a déjà oublié que c'est lui qui vous sollicite... Le trublion est un tyran sans violence, une sorte de "pâte molle", mais il est quand même son "Dieu"!

        Il y a la vamp! L'angoisse la mène à une séduction forcenée et outrée! Le maquillage est épais; il soutient quasiment le visage, que la fatigue délite! L'alcool, par là-dessus, donne l'illusion qu'on peut être heureux et réussir quel que soit le temps, les conditions! L'hiver n'existe pas et le gris, l'effacement, le labeur c'est bon pour les gueux, la piétaille, la multitude qui grouille chez Prisunic!

        Comme la vamp est en surrégime, le moindre obstacle, la moindre contrariété et c'est l'injure, la violence, le scandale! Tout doit être consumé dans le feu de la vamp! C'est la grande prêtresse du quartier! La semaine dernière, on lui a sacrifié plus de deux cents esclaves, dont la moitié n'avait pas vingt ans, excusez du peu!

        La vamp n'a aucune empathie, ou peut-être en fin de solstice... S'excuser lui arrache la bouche! L'autre est invisible! La vamp ne vit que pour son plaisir... Son meilleur ami est son orgueil; c'est lui qui la conseille, sauf la nuit quand elle pleure comme une petite fille! La vamp est une déesse de marbre apeurée!

        Il y a le caïd! Aucune conversation ne lui résiste! Il les interrompt toutes, car il a besoin d'un service, comme de la monnaie! Il vous jauge, il vous "flaire", car il n'aime pas la concurrence et il est satisfait, quand il vous a trouvé plus petit, inférieur! Même lorsqu'il vous souhaite une bonne journée, cela semble un rappel à l'ordre!

        Le caïd s'installe volontiers en terrasse, où il a plein d'amis, qu'il terrorise! Il boit beaucoup, car la peur cavale après lui! Il devient agressif, dès que l'alcool ne fait plus son effet, et d'ailleurs il a un "mauvais coup" en vue, un moyen de gagner vite de l'argent, sans travailler! Ben dame, il est adulte... et finira mal!

        Il y a le juge! Il se tient dans la vie comme un pieu! Il contrôle, supervise, grâce à quelques principes, dont celui-ci: "Chacun son travail et ce sera déjà pas si mal!" Même la modestie a trouvé son maître! Pourtant, le juge rêve de vous écraser, telle une vulgaire punaise! Sa haine le traverse comme un éclair et son dégoût le boursoufle!

        Le juge a son pendant, le créancier! Il a l'air furibond sur le pas de sa porte et il regarde chacun tel un débiteur! Le monde entier est sur sa facture!

        Citons encore le bellâtre... Il est en chemise sous la grisaille, car lui seul est sain! Il rayonne surtout avec ses dents blanches, de sorte qu'il ne comprend pas pourquoi on l'évite et on ne l'admire pas! Bref, il a l'intelligence du soleil!

        Terminons par la mendiante, même si notre liste pourrait s'allonger sans fin! Celle-ci vante ses qualités, telle une pauvre femme en haillons raconte ses malheurs! On s'y laisse prendre et quand enfin on la loue, elle nous montre tout son mépris, un peu comme l'ami du bivouac vous tranche la gorge, la nuit, avant de rejoindre la rébellion!

        Tous ces individus nient leur peur, bien entendu, car ils ont pour maître leur orgueil! C'est la réaction animale chez nous; c'est la domination qui se traduit par le triomphe, le pouvoir, la mainmise constante de la personnalité!

        C'est une attitude rigide, qui est vouée à l'échec! D'abord, les peurs ne sont pas traitées et à faire valoir sa supériorité, on crée un monde sans pitié, dont on est bientôt la victime! On subit le sort de l'animal, qui trouve toujours un plus gros, un plus fort que lui! Il est tué, brisé ou chassé!

        D'autre part, on n'utilise pas sa liberté, sa capacité d'invention en fait! On répète un schéma, une fonctionnement qui enferme! On n'est pas libre, tant qu'on est dépendant de son amour-propre, même si les satisfactions de celui-ci sont grisantes! L'adaptation ici est quasi nulle et la mort ne peut être vue que comme une épouvante, un désastre! Pour certains, par contre, elle peut se dessiner comme une rencontre...

        Mais, vu le nombre d'individus qui se comportent comme des animaux et qui ne mettent donc pas à profit les qualités spécifiques des humains, il est normal de se demander pourquoi un tel gâchis et si peu de bonnes volontés! Pour lutter contre le désespoir, on détermine des raisons  et la première sans doute est que la société fait pression, qu'elle transmet d'une manière ou d'une autre ses peurs, de sorte que la majorité rejoint rapidement un cadre, le monde du travail, d'où il est difficile de voir plus loin que le bout de son nez!

        Mais également il est pertinent de considérer la force de la nature, de la vie! On est toujours surpris notamment de voir comment les plantes repoussent, avec quelle vigueur et dans quelles conditions! Si on compare cette force à une vague, il devient très compréhensible que le plus grand nombre soit emportée par elle, pour ne laisser sur le "rivage" que des "individus animaux"! Notre compassion ira vers eux, car ils brisent et sont brisés sans comprendre pourquoi!

        Le sage est plus souple; il sait déjà que son égoïsme le mène à une impasse et surtout il n'hésite pas à faire face à ses peurs! Il travaille donc efficacement et il s'aperçoit que son angoisse passe comme dans un prisme, pour se diffuser en peurs imaginaires et que nous pourrions encore nommer "préventives"! En effet, nous imaginons volontiers des situations qui peuvent nous blesser et nous y répondons, toujours par l'esprit, avant qu'elles ne se produisent, afin de "parer le coup", pour en diminuer l'impact possible!

        La tâche du sage sera de faire disparaître ces "voiles", qui le paralysent, qui l'usent et qui l'empêchent de voir la réalité dans toute sa grandeur! La raison et le repos seront ici nécessaires, car plus la fragilité psychologique se fait sentir et plus les peurs imaginaires sont nombreuses et grandes! Elles s'installent dans toutes nos "bosses", pour ainsi dire!

        Cependant, par sa maîtrise, sa paix, sa persévérance et encore par sa fidélité et son courage, et ce n'est pas exagéré tellement le contraste avec le monde extérieur est marqué! le sage retrouve une vérité ineffable, comme réapparaît une éclaircie! Cette vérité est bien entendu invisible à la foule des tyrans et des termites, qui s'agite incessamment dehors..., mais la vie est un don, qui témoigne d'une générosité infinie! Elle est en réalité d'une sérénité sans pareille! Elle est foncièrement créatrice et invite à toute liberté! Elle est donc pleine d'amour, d'où la joie du sage!

  • De l'image de Dieu

    De l image de dieu

     

     

     

     

        Il est toujours étonnant de voir quelle image se font les hommes de Dieu! Bien entendu, chacun a ses convictions, croit ou ne croit pas, mais l'idée que nous avons de Dieu est tributaire de notre évolution et le plus souvent de notre folie! Ainsi, Dieu est un personnage divers, le plus couramment sadique même, et il serait bon de lui rendre quelque grandeur, quelque bonté, de le rendre capable de nous faire aimer la vie, pour le moins!

        Reprenons par exemple la formule de Rimbaud: "Par l'esprit on va à Dieu, déchirante infortune!" Ce cri se trouve dans Une saison en enfer..., eh bien, on y est effectivement! Représentez-vous Dieu créant l'homme pour qu'il souffre! "Eh oui, mon p'tit gars! Pour me rejoindre, faudra faire ceinture!

        _ Enfoiré!

        _ Qu'est-ce que tu as dit? Non, mais qu'est-ce que tu as dit? Viens ici? Tu vas voir de quel bois je me chauffe!"

        Si la chasteté n'est pas un plaisir, un choix compris, laissez-la, par pitié! N'empoisonnez pas Dieu avec votre amertume! Nul ne voudrait vous priver des joies du sexe!

        Mais, ici, le sadisme de Dieu est teinté de logique... Il est par contre encore plus retors dans la Genèse... Là, il faut bien le dire, Dieu ou Yahvé apparaît comme un fou! un docteur diabolique dans son laboratoire! "Voyons... (Dieu est parmi ses fioles), je pétris cette glaise et voilà Adam... Le con! (Dieu s'amuse)... Et voici Eve, pas mal! Bon, je les mets tous les deux au paradis... Ils sont donc heureux, mais l'astuce, l'astuce, c'est le Malin, bien entendu! On va voir ce qu'on va voir! Ma colère va être terrible! Je prends ma grosse voix... et j'envoie tout le monde paître! Attention, ces cons-là vont croquer la pomme!"

        "Damnés! Je les ai damnés... et pas qu'un peu! Y sont tombés dans le panneau! C'était réglé comme du papier à musique! Et ma sortie: "La femme enfantera dans la douleur, etc.!" J'suis vraiment un salaud, mais j'aime ça! Rien ne vaut comme de frapper solennellement! Oh, leur tête! Et puis attention, c'est des générations qui vont suer! Tiens voilà le Malin... Hilare le serpent! Hein? T'as vu, pas un pépin! Sinueux en diable! Hi! Hi! Qui c'est le numéro 1, hein? Qui c'est ?"

        Si nous n'avons pas été plus révoltés par la Genèse, c'est surtout parce qu'elle propose une explication à notre désarroi... Nous sentons tous que le bonheur est possible, mais il y a la souffrance... De là à penser que quelque chose a "cloché"...  Et il est vrai que l'homme ne donne pas le meilleur de lui-même!

        Mais le paradis n'a jamais existé; il n'y a jamais eu un âge d'or; sinon la science et l'Evolution en l'occurrence sont fausses! Mais au contraire le paradis, la joie sont à venir; ils sont l'aboutissement d'une maturation, d'une compréhension; ils sont une découverte possible déjà sur Terre; c'est la voie de la sagesse! Nous partons en fait de la nuit pour arriver au grand jour, grâce au développement de la conscience!

        Mais bref, il n'y a pas de péché originel et Dieu n'est pas un pervers! Nous savons déjà que, si les hommes peuvent navrer, tuer, découper, empaler, rôtir et nous en passons évidemment (peut-être même le meilleur!), c'est pour des raisons naturelles, qui sont liées à notre origine animale!

        Mais de même il ne sert à rien de prier! Ou bien les lois de la physique sont exactes (ce qui ne veut pas dire toutefois que la science comprenne le réel, loin de là!), ou bien Dieu peut intervenir n'importe quand et de n'importe quel façon, quitte à déranger! Mais les deux propositions s'excluent! Or, la science est une chose sérieuse et Dieu doit en tenir compte! Ainsi, le supporter de football, qui prie pour que son équipe gagne et qui la voit effectivement remporter le match, vit dans une illusion, en pensant que sa prière a été exaucée, d'autant que, dans le camp adverse, on était aussi fervent! Les hommes, par leur prières, mettent Dieu dans un état!

        Dieu, s'il existe, agit donc d'une manière tout à fait différente sur le monde réel... Il a lui aussi ses propres lois, qui ne contredisent pas celles de la science, mais les complètent! ("Miroir mon œuf, s'il vous plaît!", "Hein?", "Mais oui, je veux une complète miroir!", "Pauvre taré, va! J'vais t'régler ton compte, attends un peu!", "Si on peut même plus rigoler!")

        Mais, la prière, si elle n'a aucun effet sur Dieu, peut en avoir sur l'individu... Elle le rassure évidemment et purifie son âme, en la hissant au-dessus de l'animal..., à condition de ne pas demander plus pour soi! Mais, bon, le sage ne court pas les rues! Il peut cependant y avoir des guérisons miraculeuses, car là bien entendu les prières sont tendues, profondes, mais personne n'a dit que la médecine est une science exacte!

        Mais, si vous dites: "Dieu m'a écouté!", quand il vous arrive un bonheur; vous devez aussi trouver que le malheur qui vous frappe est encore l'œuvre du même! Mais alors là, ça coince, très rapidement! D'abord parce que nous sommes faibles et ensuite cela mène à des questions philosophiques inextricables! Exemple: pourquoi vouloir détruire les Américains, alors que leur puissance est également due à Dieu? Vous voulez prendre leur place, être aussi célèbres et plus forts qu'eux? Nous sommes d'accord! Rien à voir avec Dieu, donc! Ne vous agitez pas comme ça, voyons... Vous allez vous faire du mal! La bombe? Vous voulez faire exploser votre bombe? Mais, nous sommes là pour ça... Cependant, une tasse de thé n'a jamais fait de mal à personne... Hein? On n'est pas bien ici? Le soleil chauffe un peu... et mais regardez, c'est un troglodyte mignon!  Un merveilleux chanteur... et si vif! L'œuvre de Dieu est admirable, non? Mais vous boudez, ma parole!

        Cette digression est presque nécessaire, car nous sommes entourés d'agités, les terroristes en tête! Ici, comme on voit Dieu est ineffable; les mots nous manquent! Croire notamment que Allah peut être un chef de guerre sans pitié, ce qui en fait en réalité un sous-homme, ou un voyou, n'est possible que si soi-même on est aveuglé par la soif de dominer; que si on ne rêve que de gloire et de s'imposer; car ne nous y trompons pas, Ben Laden, par exemple, sous ses dehors austères, derrière son visage impassible, qui semble n'être habité que par la raison; qui a l'air de quelqu'un de tout à fait respectable, avec sa veste dorée et sa barbe teinte, qui paraît avoir la sagesse des imams, sans en demander le pouvoir, par fidélité et modestie; ce Ben Laden-là se disait in petto chaque jour: "Je suis Bennie Laden! Bennie le grand! Je suis aussi connu que Zorro!"

        Il ruisselait de bonheur intérieurement, au sentiment de sa réussite! Chassé de son pays et du Soudan, où ses agissements n'intéressaient personne, il avait eu sa revanche en Afghanistan! C'est là qu'il avait connu son baptême du feu et qu'il était devenu un homme! On connaît la suite: les morts du 11 septembre lui apportent la notoriété et il comptait bien encore en profiter, mais les SEALS (sea, air, land) en ont décidé autrement!

        D'ailleurs certains de ces soldats d'élite racontent qu'en Irak, la nuit, ils s'introduisaient comme des esprits dans la maison de tel terroriste, qui se réveillait en claquant des dents, tellement il avait peur! Ces individus, effroyables par leur haine, sont des hommes comme nous!

        Cependant, Ben Laden était un bourgeois, issu des classes aisées, et il est devenu vite rétrograde... Le monde change et sa violence aussi! Avec Zarqaoui, venant de la ville de Zarqa en Jordanie, d'où son nom, le terrorisme va passer dans les mains d'un enfant de la rue! Finie la gravité arborée, on jubile en tuant! Zarqa est une ville industrielle et est un peu à Amman, la capitale, ce qu'est Manchester par rapport à Londres! D'ailleurs, Ben Laden ne voudra jamais rencontrer ce rustre de Zarqaoui et pourtant celui-ci fait entrer le terrorisme dans la pleine modernité!

        C'est lui qui invente les exécutions sur le Net, comme des clips! Le premier a y passé est un Américain un peu hurluberlu, Nick Berg, dont on va trancher lentement le coup, puis montrer la tête: effet garantie! Chacun peut faire ça chez soi, alors que la logistique du 11 septembre est très compliquée... On est dans une ambiance de carnaval, c'est populaire! D'un coup Zarkaoui atteint la célébrité, il devient le Cheik des égorgeurs! Il est près des gens! On se reconnaît facilement en lui; toute cette jeunesse européenne, qui connaît à peine sa langue, voit là une occasion de réussir, de "faire son trou"! Sortir de l'anonymat a toujours été une obsession pour Zarqaoui, lui qui s'est senti méprisé par la royauté jordanienne!

        Que dire alors d'Allah? Sa cruauté, sa folie ne sont même plus cachées sous des apparences de stratégie... Il est un boucher qui se gorge de sang, avec un QI voisin de zéro... Impossible qu'il ait inventé les fleurs! Il ne voit que lui, n'est préoccupé que par sa personne, ses haines et bref, il est déséquilibré mentalement!

        Cela devrait sauter aux yeux et pourtant les imans, face à la "cuisine" de Zarqaoui, sont surtout préoccupés par le fait qu'ils tuent également des musulmans, ce qui est interdit par le Coran: on croit rêver! Car qu'est-ce qu'un Dieu qui tue? un chef de gang? un paresseux certainement! N'importe qui peut privilégier ses appétits! C'est ce que font tous les animaux!

        "Dieu un tamanoir? La question est posée... Pour nous en parler ce soir, le professeur Jean Bonot, de l'Université de Paris III... Je rappelle que vous êtes membre du CNPPJ, que vous êtes aussi fondateur...

        _ Co-fondateur!

        _ Co-fondateur, si vous voulez, mais on va voir combien vous êtes modeste! que vous êtes co-fondateur de l'ARCA! que vous êtes un éditorialiste réputé, que vous avez été l'un des premiers à vous insurger contre les puces dans les bibliothèques et on me signale dans l'oreillette que vous êtes mal garé! Mais baste! Alors, professeur, les Américains tous des fourmis?"

        Mais revenons à notre sujet, car il y a pire: l'EI, qui est né du mouvement de Zarqaoui, est définitivement condamné par les imams, à la suite de l'affaire du pilote jordanien... Encore un dont Allah s'est repu! Rappelons les faits: on place le pilote dans une cage, on l'arrose d'essence et on le regarde se débattre, quand le feu a pris! Puis, (car ce n'est pas fini!), on écrase la cage avec le poids d'une grue, pour la faire disparaître dans la terre meuble! Le pilote? Quel pilote? Peut-on montrer plus grand mépris pour la vie humaine? Sans doute... Au bar d'Hitler, il y aura du monde!

        Mais les imams sont sidérants! Ils disent, horrifiés, que seul Allah peut détruire par le feu! L'EI a franchi la ligne et commet son "ultime gaffe", non à cause de sa cruauté, mais parce que jouer avec des allumettes est le droit exclusif d'Allah! Au secours, on est chez les fous!

        En fait, l'image que nous nous faisons de Dieu est fonction de notre degré de maturité! Tant que nous nous comportons comme des animaux, c'est-à-dire tant que nous voulons avant tout faire triompher notre domination, ce qui est aussi valable pour les imams, l'autre n'a pas d'existence réelle et nous ne sommes pas non plus dégagés de notre "gangue", pour reprendre une expression chère à Saint-Ex! Nous sommes toujours dans nos langes, nous restons des bébés et ainsi nous ne percevons pas le ridicule, l'absurdité même dont nous revêtons Dieu! Nous sommes aveugles dans notre foi, comme dans la vie!

        Gide se moque avec raison, dans les caves du Vatican, si notre mémoire est bonne, d'un homme qui dit que Dieu l'a encore "baisé"! Assassin, retors, pervers, voilà comment nous jugeons Dieu! "Il reprend d'une main, ce qu'il a donné avec l'autre!", entend-on couramment ou comment se méfier du bonheur! A chaque fois que nous rouspétons après Dieu, nous devrions nous poser la question: "Mais quelle image j'ai de lui?", et très vite on se rendrait compte combien nous sommes idiots!

        (Considérez encore la formule protestante: "A Dieu seul la gloire!" C'est se mettre au-dessus de lui!)

        Mais les Hutus (Rwanda) ont raison! Ils disaient: "Il faut détruire tous ces cafards!" et ils ont pris leurs machettes, pour aller massacrer les Tutsis, comme on part au travail! En effet, la patience, la retenue, la réflexion, la paix même conduisent à l'ennui, à la dépression, au gris et il faut être soucieux de sa santé! Ainsi que clame la chanson "Cette montagne que tu vois, un bulldozer et deux cents bras y passeront la route!" La voilà la vraie vie! On respire!

        Les Tutsis, quand on les tuait et cela a duré près de trois mois, se demandaient, et les rescapés se le demandent encore, d'autant qu'ils sont très croyants, où était Dieu pendant ce temps-là et on les comprend! Mais le mal est permanent! Où est Dieu quand certains rejettent et méprisent? Où est Dieu devant l'égoïsme, l'agressivité, la fermeture, l'avidité de notre société?

        Dieu fleurit dans le sourire paisible du sage... C'est là qu'il embaume et rafraîchit!

  • Du tyran dans sa bulle!

    Dans sa bulle

     

     

     

        Le monde continue évidemment, mais il est tout de même incroyable! Voyons voir... Les cimetières sont pleins, nous attendent et nous tournons à toute vitesse autour du soleil, dans un univers qui est peut-être infini... Mais qui se soucie de l'infini? Qui veut en avoir ne serait-ce qu'une petite idée?

        Non, nous sommes dans nos bulles, qui sont plus ou moins bêtes, plus ou moins agressives, plus ou moins délirantes! A la boulangerie, ce matin, comme d'habitude, quelqu'un s'est planté derrière nous, une femme, et qui a tout suite fait sentir son impatience, comme si nous devions disparaître dès son arrivée! Cette femme est à cran et au lieu de se calmer, elle fait subir sa haine devant ses pas! Cela montre qu'on ne vit que pour soi, que les autres doivent obéir, qu'on est le centre de tout! C'est la définition du tyran... et malheureusement il crée un monde quasi invivable!

        Plus tôt, dans la nuit de samedi à dimanche, nous nous sommes réveillés à cinq heures du matin: le voisin avait transformé sa propre maison en boîte de nuit! Une musique autiste envahissait toute la rue! C'était une totale indifférence à l'égard du reste! C'était même un ennui profond à l'intérieur! Tout au plus entendait-on quelques rires bêtes dus à l'alcool! C'était le triomphe froid de l'égoïsme, comme si les autres n'étaient qu'une marée noirâtre sans importance!

        Dans ces cas-là, nous appelons personnellement la police, sans états d'âme! Il ne sert à rien de discuter avec des gens ivres... Notez que ceux qui sont dérangés, par les tapages nocturnes, pour la plupart, n'ont jamais le courage d'appeler la police... Ils comptent sur une opération du Saint-Esprit, en ruminant leur haine! C'est la lâcheté contre le mépris!

        Cependant, avec la police, un autre parcours du combattant commence... Exemple: "Police secours, j'écoute!

        _ Bonsoir, j'aimerais me plaindre d'un tapage nocturne!

        _ (Soupir) Oui, qu'est-ce que vous appelez un tapage nocturne?

        _ Euh... Une sonate de Mozart, à deux kilomètres sous terre?

        _ Vous voulez bien parler d'un tapage avec musique, c'est ça?

        _ Oui, c'est ça...

        _ Et c'est à quelle adresse?

        _ Rue X, deuxième étage...

        _ Et il y a un digicode?

        _ Euh... Oui, je pense...

        _ Vous avez le code?

        _ Non...

        _ Ah! mais si vous n'avez pas le code, on ne peut pas entrer!

        _ Les fenêtres sont ouvertes; ils braillent, ils sont sur le balcon, vous pouvez les héler!

        _ Eh, mais ils pourraient refuser d'ouvrir... et on ne pourrait rien faire... C'est la loi, monsieur!

        _ Ben, vous pouvez tout de même essayer, car, ici, c'est insupportable!

        _ (Nouveau soupir) Et vous vous habitez à quel étage?

        _ Mais, moi, j'habite la maison d'à côté!

        _ Ah! vous n'habitez pas le même bâtiment?

        _ Non...

        _ Et vous êtes dérangé?

       _ Oui...

        _ Bon, bon, écoutez, pour l'instant, la patrouille n'est pas disponible... Mais dès qu'elle pourra, elle interviendra...

        _ D'accord...

        _ N'hésitez pas à nous rappelez, si ça s'arrête, hein?

        _ Je crois que je vais aller me suicider..."

        Deux jours plus tard, on sonne à notre porte: ce sont deux employés du gaz, venus voir notre compteur et les canalisations, car ils vont bientôt tout changer! Ils viennent après l'eau et l'électricité! Ils sont là, satisfaits d'eux-mêmes, comme s'ils étaient une évidence, l'image même du progrès; alors qu'ils ne font que nous déranger!

        Ils veulent installer notre compteur dehors et nous leur disons qu'il sera cassé... "Mais pourquoi donc?" s'écrient-ils, ébahis! "Parce que chaque samedi soir, par ici, on boit, on s'abrutit, on vandalise, on agresse!" répondons-nous, en nous demandant si nous ne parlons pas à deux créatures sorties tout droit du monde de Candy! Et effectivement, dans la tête de ces employés, il s'agit d'une mise aux normes; afin que tout soit parfait, que chacun se salue avec harmonie dans la rue, comme dans une publicité pour le gaz; avec un slogan du genre: "Agissons tous ensemble aujourd'hui, pour le monde de demain!"; comme si on ne se piétinait pas, ne se détruisait pas; comme si le désespoir ne hantait pas les hommes ou que la saleté n'existait pas! Ils travaillent pour un décor, un rêve, aux couleurs d'un couchant, loin du béton misérable de nos villes! Ils sont aveugles, pantins de leurs peurs et de leur pauvre amour-propre! 

        La semaine précédente, nous étions pourtant en vadrouille, dans quelque petit port, pour de nouvelles photos, que vous pouvez d'ailleurs découvrir dans les Dernières photos! Nous étions encore une fois dans un gîte d'étape, bien tranquille à cette époque-ci! Nous revenions d'une séance, avec notre appareil, et nous regardions notre travail dans notre chambre, à l'étage, quand nous entendîmes ouvrir la porte en bas! Cela voulait dire que nous allions avoir de la compagnie, pour la soirée et la nuit, et nous fîmes la grimace, car rarement nous rencontrons quelqu'un d'intéressant... Mais, il fallait tout de même se présenter et nous descendîmes... La propriétaire des gîtes était là, pour l'installation du nouveau venu, quand elle s'écria, en nous voyant: "Ah! mais vous êtes là! Tout paraissait si tranquille...et puis nous sommes en plein milieu de l'après-midi!"

        Un moment, nous avons cru entendre notre mère, qui nous reprochait de rester enfermé! Nous n'avons rien répondu... Nous avons passé l'âge de rendre des comptes! Cela veut dire que nous acceptons d'être incompris et d'ailleurs, bien que la pluie tombât dix minutes plus tard, la propriétaire n'aura fait aucun lien entre notre présence et le changement du temps! Elle aussi ne voit qu'elle, ou presque!

        Cependant, on me désigna celle qui devait partager ma soirée... C'était une jeune femme, qui me donna d'emblée son prénom; ainsi que nous aurions été dans une réunion d'alcooliques, ou dans une série américaine, avec des personnages tous positifs! Mais cela voulait aussi dire que cette femme se sentait légèrement supérieure, en montrant qu'elle connaissait des usages modernes et dynamiques; alors qu'elle parlait peut-être à quelque demeuré du coin, à quelque névrosé, qui aurait eu du mal lui-même à épeler son prénom!

        Mais peut-être encore voulait-elle ainsi prendre quelque distance avec le monde extérieur, car une extraversion, un peu excessive, permet paradoxalement de ne pas s'exposer, de rester en retrait... et il est vrai que quelque chose clocha assez vite à mes yeux... Cette jeune femme n'était pas belle et on ne voyait absolument rien de son corps... Or, si l'homme domine par la force physique, la femme, c'est par la séduction! Comme celle-ci était totalement absente, cette femme devait dominer dans un monde entièrement à elle, commandé par elle, car si elle avait rencontré la réalité, elle aurait essayé de pallier ses défauts ou ses complexes! On eût vu son embarras et ses efforts!

        Nous fûmes convaincu à ce sujet un peu plus tard... Nous dûmes en effet expliquer le fonctionnement du gîte et la jeune femme nous regardait avec un visage anxieux, comme si elle avait du mal à nous entendre et que nous avions un problème d'élocution, bien que nous fussions parfaitement clair et patient! Cette manière d'être est courante chez certains et c'est aussi une forme de mépris: d'emblée, on vous fragilise! On suggère que vous n'êtes pas capable de répondre ou alors que vous allez dire une énormité!

        D'autre part, mes explications ne recevaient aucun assentiment... Elles en restaient donc suspectes, toujours tributaires du jugement de l'autre, de la jeune femme, qui par là, loin de remercier, ce qui aurait été normal, pouvait ainsi garder une position de supériorité, de chef... C'est elle qui dominait... et sans être gênée par son manque de beauté! Elle vivait donc bien dans un monde qui n'était réglé que par ses sentiments, que par ses liens affectifs, comme un tissu sous la peau, qui n'a pas de contact avec l'air extérieur!  

        Le résultat fut assez surprenant... Comme le soir tombait, la jeune femme, qui s'était absentée, rentra en coup de vent! "Mais il n'y a pas de wifi, ici? s'exclama-t-elle! J'ai oublié de demander ça tout à l'heure! Y a un numéro où on peut joindre la propriétaire?"

        Il y en avait bien un en effet, mais je ne voulus pas le donner... Il est pour les urgences, pas pour une question de wifi... Au reste, cette femme l'aurait découvert, si elle avait pris un peu le temps de regarder autour d'elle, d'ouvrir les yeux sur le gîte... mais c'était quasiment la panique: il fallait la wifi, la connexion avec les proches, car la réalité, la différence, toute l'étrangeté de la vie frappait à la porte, avec le soir, la solitude, le silence!

        Tant d'énervement nous fit hausser les épaules et nous rejoignîmes notre chambre, mais il nous fut impossible d'y être tranquille, car la jeune femme, à côté, appelait sans doute son fils, avec son portable. Nous entendîmes qu'elle était dans un gîte "pourri", alors que quelques heures plus tôt elle nous avait affirmé avec force, comme si nous avions été faible, que tout ce qui comptait c'était d'avoir un lit pour la nuit! Les illusions qu'elle se faisait sur son comportement ne se comptaient plus!

        Elle était pourtant consciente de la nuisance que produisait sa conversation, puisque soudain elle baissa la voix..., probablement pour dire qu'elle était affublée d'un drôle d'individu, une sorte d'attardé... Cependant, nous nous décidâmes à utiliser nos boules Quies, même ici, dans ce gîte au bord de la mer et que bercent les flots, à l'écart du trafic des rues... Puis vint un grand bruit: quelque chose tombait lourdement dans l'escalier... et on claqua la porte d'entrée, de sorte que les murs en tremblèrent!

        Notre jeune femme était-elle repartie faire un tour? En tout cas, elle avait laissé allumer le couloir... Dans son monde, l'électricité est pour rien..., mais dans le nôtre, elle coûte et nous dûmes nous lever pour éteindre... Ce n'est qu'au matin que nous comprîmes qu'elle avait définitivement quitté le gîte... et que même la lampe de l'entrée avait fonctionné toute la nuit!

        Où était allée cette femme? On l'imagine rejoindre un hôtel F1, retrouvant tout l'équipement moderne de son univers  et racontant à son fils comment elle vient d'échapper à un incroyable cauchemar! Elle aurait pu toutefois évoluer..., se demander si la nouveauté de la situation ne pouvait pas lui servir, si elle n'avait pas intérêt à s'en accommoder!

        Elle aurait pu se montrer curieuse..., écouter le vent, la pluie sur le toit... Elle aurait pu saisir le temps autrement, se laisser imprégner un tant soit peu par un autre rythme... Une autre elle-même serait alors apparue; celle qui a peur, qui est toute petite, qui ne sait pas, qui voudrait savoir, se libérer aussi! 

        Mais c'est l'épouvante qui a gagné! C'est la domination! C'est l'orgueil, l'égoïsme! Que connaît-elle, cette femme, à part ses appétits? Sait-elle que le plumage des pies mêle le noir à l'émeraude? A-t-elle déjà contemplé les pétales des glycines danser dans le vent?

        Il existe un tel abîme entre la plupart des hommes et la beauté, entre eux et ce qui n'est pas leur nombril, que nous ne pouvons pas ne pas trembler et douter! Leur monde est fermé par la haine, car ils rejettent tout ce qui menace leur domination! C'est la nuit et ils ne s'en doutent même pas! 

  • Du Grand jeu!

    Breles 1465 modifier

     

     

        Nous avons lu dans la presse, ces jours-ci, un article intitulé "Climat: la force d'un grand projet" (journal Ouest-France du mercredi 20 février). Habituellement, nous ne trouvons aucun intérêt à ce que disent les journalistes, car ils se font l'écho d'un monde dont les inquiétudes et les agitations, pour être nullement légitimes, perturbent inutilement! D'ailleurs, l'article en question ne fait pas exception, bien au contraire, comme nous allons le voir, mais nous avons acheté le journal par faiblesse, comme s'il pouvait diminuer un tant soit peu notre isolement, nous "réchauffer" pour ainsi dire; ce qu'il ne fera pas plus qu'une liaison nouée dans le fol espoir qu'elle va changer notre vie! Il n'y a pas de révélation subite et ce que nous sommes correspond à un lent travail intérieur, que nous devrions toujours respecter! La panique et l'instabilité sont de mauvaises conseillères!

        Cependant, l'auteur de l'article, propose un vaste mouvement en faveur du climat, à l'instar de celui pour la conquête spatiale, en Amérique, du temps de Kennedy, et ce d'autant que nos sociétés n'ont pas ou plutôt non plus de motivations générales, de grands combats fédérateurs!

        A priori, ce genre de discours est raisonnable et se pare de toutes les vertus, mais, si on y regarde de plus près, on voit que Ouest-France est toujours un journal lénifiant et pontifiant, ce qui ne remet pas en cause son sérieux, qui est moins fatigant somme toute que les déclarations partisanes et fracassantes d'autres feuilles de choux! Toutefois, notre journaliste montre tout de même soit son hypocrisie, soit son ignorance crasse, quant à ce que nous sommes, ou plus justement les deux à la fois (car l'une entraîne l'autre!)!

        En effet, qu'est-ce qui a permis aux Américains de se mobiliser et de refaire leur retard dans le domaine de l'espace? C'est bien d'abord que les Russes les ont piqués, dépassés, enfoncés même, avec le succès de Gagarine! C'est l'orgueil qui se réveille, qui retrousse ses manches, qui veut sa revanche! Moralité: seul un projet qui intéresse notre amour-propre est fédérateur!

        Or, on voit mal en quoi lutter contre le réchauffement climatique intéresserait notre vanité ou notre domination? "Mais c'est notre survie même qui est en jeu!", pourraient rétorquer certains! Vraiment? L'homme est à la fois plus qu'un animal et un animal et il ne réagit pas fondamentalement d'une manière contraire à celui-ci! Il y a une réaction quand il y a une attaque; il y a un réflexe quand il y a une stimulation et nous n'avons pas le couteau sous la gorge, ce qui fait justement que nous laissons aller les choses et que nous pouvons débattre de notre investissement! La nature est ainsi faite que nous nous engagerons à fond, quand la nécessité nous le demandera... ou que notre plaisir nous le commandera! Autrement, nous changeons nos habitudes, il est vrai, mais sans que nos vies en soient bouleversées et si nous nous alarmons, c'est que nous sommes fragiles et les victimes de nos inquiétudes!

        Considérons tout de même le cas où la France, grâce à la mobilisation de sa population, deviendrait un modèle d'écologie aux yeux du monde... Cela nous donnerait sans doute satisfaction, mais jusqu'à quel point? Ne subirions-nous pas un respect teinté de railleries de la part de nos voisins? Ne passerions-nous pas pour les dindons de la farce, d'autant que nous ne verrions guère de changements, dans la situation générale? Notre vertu ne serait-elle pas excessive, de sorte que, pour payer nos efforts, nous montrerions du mépris et de l'agressivité à l'égard de ceux qui ne suivraient pas notre exemple, comme se comportent déjà des extrémistes écologistes, ce qui rend haïssable leur cause?

        Toujours est-il que Macron lui-même, sur le sujet, fait machine arrière, qu'il rabat de ses ambitions et qu'au fond il apparaît tels ses prédécesseurs: intransigeant avec les autres, notamment avec les plus faibles, et de plus en plus accommodant, quand parlent ses appétits et les milieux qui les favorisent! Il est possible que nous nous trompions, mais c'est Trump qui doit bien rigoler, puisque Macron, en ardent défenseur de la planète, il y a peu encore, n'hésitait pas à le montrer du doigt!

        Mais nous sommes donc devant un projet, qui sonne creux et que pourtant son auteur voit comme un "formidable antidépresseur" et cela ne nous gênerait pas plus qu'autre chose, si tout de même on n'y trouvait pas quelque poison! Car notre journaliste, qui ne réfléchit pas beaucoup, croit toutefois en ce qu'il dit et nous lisons à un moment ceci: " Car entre la menace de la fonte des glaces et le risque de régression démocratique, la tentation peut être grande aujourd'hui de se replier, de se mettre aux abris, de baisser le regard. De cultiver son jardin, en attendant que la tempête passe. Mais dans quel jardin, puisque, cette fois, c'est l'environnement lui-même qui est le sujet? Nous sommes cernés, autant agir!"

        Vous noterez, en passant, l'affectation dans la ponctuation, puisqu'on coupe une énumération par un point, ce qui ne laisse pas de troubler, car peut-on "jouer les cygnes",  quand on est "cerné"? A-t-on jamais vu des cowboys s'admirer, alors que les Indiens les plus féroces leur tournent autour?

        Mais, comme nous l'avons dit, quand nous sommes directement menacés, nous n'écrivons plus, nous nous défendons et l'urgence que le journaliste veut nous faire sentir, lui-même ne l'éprouve pas! De là à penser qu'il nous verrait bien s'inquiéter à sa place, de sorte que nous réglions le problème pour lui...

        Mais remarquez encore le style: ne nous parle-t-on pas ex cathedra, comme en chaire? "Entre les glaces ruisselantes, où dormiront éternellement les tièdes, les mous, et la fournaise ardente du péché des villes, la tentation est forte! La tentation est forte de céder à la peur et d'enterrer son talent! Mais peut-on échapper à l'œil du Seigneur?"

        On dirait un sermon et comme tous les sermons, cela reste superficiel, dans la convention... Mais y a-t-il vraiment un risque de régression démocratique? Fait-on là référence aux attaques des gilets jaunes, à l'égard des journalistes? C'est possible, mais la diminution de la banquise et les émeutes ne nous prennent certainement pas en sandwichs! Un durillon nous semble bien plus préoccupant!

        Malheureusement, ce genre d'articles est typique de notre paysage médiatique... Du côté des journalistes, on est aveugle, parce que très fier de soi, et on n'hésite pas non plus à transmettre ses inquiétudes, ce qui rajoute bien entendu au stress général et ne témoigne pas d'un grand sens des responsabilités..., d'autant que c'est bien en restant tranquille chez soi qu'on peut le mieux lutter contre le réchauffement climatique, comme nous allons le prouver et sans doute le répéter!

        Certes, il faut une prise de conscience, des décisions politiques, une législation contraignante pour le pollueur et des gestes adaptés au quotidien, mais ce n'est pas suffisant! Un changement profond des mentalités est nécessaire, car il s'agit de modifier radicalement et durablement nos habitudes!

        Rappelons que sommes en partie des animaux et que nous voulons donc d'abord faire valoir notre domination et que c'est cela qui produit le développement de notre personnalité!  Cela entraîne également que la première chose qui nous anime, instinctivement, est la satisfaction de notre égoïsme ou de notre amour-propre ou de notre vanité; ce ne sont pas les mots qui manquent à ce sujet!

        Mais notre besoin de dominer a construit et construit toujours nos sociétés! Il est aussi à l'origine du degré de notre consommation, car et ce n'est pas difficile à comprendre, car plus nous sommes dominants et plus il nous faut de choses et de biens, ne serait-ce que pour "tenir notre rang", pour ainsi dire!

        Or, c'est bien les excès de notre consommation qui menacent notre planète, par les déchets sans nombre et les industries censées nous satisfaire! Cela est d'autant plus vrai que, si notre équilibre ne repose que sur la domination, nous serons tôt ou tard conduits à la tyrannie... En effet, la conscience ne nous donne pas seulement une capacité d'adaptation extraordinaire, mais elle suscite encore en nous des angoisses, auxquelles il est nécessaire de répondre... Si nous nous contentons "d'épater le voisin", pour ne plus sentir nos tourments, nous sommes dans une fuite en avant: non seulement nous voulons toujours plus, mais également la haine et le mépris nous habitent, ce qui est encore une manière d'assujettir les autres... Le résultat est évident, nous avons là un pollueur forcené, un assassin de la planète!

        Autrement dit, moins nous avons besoin de dominer et plus nous nous rapprochons de l'état d'humain et moins nous consommons et abîmons l'environnement! Et que l'on ne nous dise pas que baisser la consommation menacerait l'économie..., car c'est l'ensemble qui changerait, y compris l'importance de nos revenus, puisque c'est encore l'amour-propre qui a besoin d'un gros salaire!

        En fait, pour sauver la planète, il suffirait qu'un grand nombre commence à jouer au "Grand jeu"! De quoi s'agit-il? Mais de faire l'élastique entre l'animal et l'homme! de tendre vers celui-ci, en maîtrisant de plus en plus l'animal! comme on étire un muscle en somme!

        C'est de lutter contre tout ce qui découle de la domination: l'envie, la haine, le mépris, la violence; tout ce qui constitue chez nous la suprématie de l'animal (le cannibalisme en faisait partie!) ! C'est de privilégier tout ce qui est spécifique à notre conscience: la raison, la patience, la beauté, la sagesse, dans le sens où nous comprenons au-delà de l'instinct!

        Au reste, il y a déjà pléthore de manuels sur les exercices que l'on peut pratiquer, notamment les textes religieux! Le jeu s'effectue chaque jour: on sent l'animal, on le dompte et on voit l'homme apparaître! L'intérêt est vite évident: on s'écarte du mal et on souffre de moins en moins! La paix est la joie!

        Il y a pourtant une règle d'or: à aucun moment on ne doit se blesser, on ne doit ressentir de l'amertume, de la tristesse, de l'aigreur! Jamais on ne doit s'écrier comme Rimbaud: "Par l'esprit, on va à Dieu, déchirante infortune!"

        Dès que vient la douleur, on relâche le "muscle"! C'est-à-dire qu'on satisfait de nouveau l'animal, y compris dans ses haines, pas seulement dans sa sensualité, car on est allé trop vite! Si nous n'aimons pas la vie, nous ne sommes pas sur le bon  chemin! Si nous sommes malades, nous ne pouvons aider personne!  Il n'y a que les gens heureux qui sont disponibles! La sagesse ne peut s'étendre que si elle est source de plaisirs! On renonce à l'animal, non par devoir, mais parce qu'on comprend son impuissance, sa nocivité; parce qu'il ne libère pas, mais qu'au contraire il enferme, il éteint et condamne!

        Voilà le grand projet que nous proposons et que nous voudrions fédérateur! Le "Grand jeu" pour tout le monde! Evidemment, il faudrait en expliquer simplement les règles, mais sa logique n'est pas imperméable! Avec un peu bon sens, on en voit la valeur et le bien-fondé! C'est même imparable! Animal égale tyrannie! Tyrannie égale misère et injustice!

        Quelle est la vie de l'animal, du dominant? Des victoires certes! La réussite, le confort social! La considération! Mais surtout de la parade, de l'apparence! Les inquiétudes persistent, minent, dévorent, rendent agressifs, acrimonieux, jaloux! Beaucoup de mal pour peu de bien, avant le gouffre de la mort, dans lequel on tombe comme un aveugle! C'est sans discernement et entre les éclaircies, c'est quasiment la vie du rat: on se cache!

        Quelle est la vie du sage? La paix, la patience, la joie simple! On discerne l'autre, on l'épargne, on le respecte et même on lui pardonne! C'est la compassion, la compréhension à son plus haut degré! C'est une vie dans la beauté, lumineuse et qui fait goûter l'infini!  On ne piétine pas, on travaille pour le bien commun, on prend toute la mesure du temps!

        Voilà l'enjeu de notre projet: n'est-il pas plus attrayant que la vertu écologique? Ah! mais excusez-nous, on nous appelle depuis la régie... Quoi? Comment? Le tyran... Hein? Le dominant? Mais le tyran et le dominant, c'est la même chose, c'est l'animal! Hein? Il ne veut rien entendre? Il a tellement d'orgueil qu'il refuse d'écouter?

        Mais... mais dites-lui que c'est pour son bien..., que c'est pour son bonheur, ses plaisirs vous voulez! Hein? C'est la levée de boucliers! Mais... nous ne comprenons pas... Nous ne voulons pas la place du dominant... Il le sait ça? Ben, dites-le-lui alors! Ce qu'on veut, c'est juste lui expliquer certaines choses, une certaine logique... Hein? Qu'est-ce que vous dites? Bon sang, la liaison est mauvaise! On peut remballer? Comment ça éteindre les lumières? Puisque nous vous assurons que c'est pour le tyran.... le dominant, excusez-moi! que c'est pour lui, pour qu'il soit heureux, qu'il se libère!

        Comment ça, il nous méprise! Il est plus fort que nous? Il est plus beau que nous? Il est plus important? Il sait mieux que nous? Apprendre le rabaisserait? le ferait dominé? C'est rédhibitoire? Ah bon? Mais le réchauffement climatique? Des coups de boutoirs de la nature de plus en plus nombreux? Oui, certainement! Des catastrophes et des victimes? Oui, évidemment... De la solidarité tout de même... La fin temporaire des intérêts personnels? Le "Grand jeu" alors, malgré tout! Mais sans le savoir!

        Bon, bon, vous avez entendu les gars... On ferme! Le tyran est plus dur que la pierre! L'animal est sans pitié! Quelqu'un a un journal? C'est pas pour le lire, mais pour faire du feu! Il fait froid, c'est tout!

  • Du sommeil

    Du sommeil

     

     

     

        Toutes les études le montrent, de sorte que c'est désormais un fait avéré, nous dormons de plus en plus mal! Ce qui nous le fait comprendre, c'est moins nos insomnies que notre réveil... A cet instant, nous avons l'impression de sortir d'une lessiveuse ou d'un combat de boxe! Nous nous sentons malheureusement aussi fatigués que la veille, sinon plus! Et il nous faut reprendre notre journée de travail, retrouver notre quotidien, nos idées et nos problèmes!

        Comment cela se fait-il? Nous nous interrogeons... Les meilleurs spécialistes se penchent sur la question... On utilise des cobayes... On expérimente... On cherche le remède miracle! On publie enfin des résultats, avec quelques enseignements, quelques conseils: température ni trop chaude, ni trop froide; aérer la chambre avant le coucher; le moins de luminosité possible... et pour ceux qui ont les moyens, changement de literie!

        Mais, malgré tous ces bons préceptes, nous sommes toujours hagards et sonnés au sortir du lit et nous commençons par avoir peur de notre sommeil, comme nous regardons aujourd'hui, avec méfiance, notre assiette... Rien ne nous semble plus simple! Nous analysons à perte de vue! Mais, pour espérer bien dormir, chacun développe sa méthode, qui est plus ou moins heureuse... et surtout plus ou moins nocive!

        Il y a les boulimiques, les alcooliques et les anxieux! Les premiers se goinfrent au dîner, surtout dans la crainte d'être réveillés au milieu de la nuit, avec le sentiment d'une faim lancinante... Leur fatigue est telle qu'ils ne pourraient supporter un nouveau dérangement! Il faut qu'ils sentent leurs neurones apaisés par la digestion, comme la mer berce les algues! Hélas, ils ont beau prendre du poids, la fringale, tel un éclair, surgit dans les ténèbres et les taraude, en leur distillant de l'angoisse!

        Pour la psychanalyse, l'origine de la boulimie remonterait à la mère, à la marâtre dominatrice, écrasant l'enfant perdu; comme si nous ne grandissions pas et que la domination n'était pas le monde! comme si nous vivions dans des boules qu'on renverse, pour qu'il neige!

        Le boulimique est d'abord épuisé; il ne veut que souffler, se reposer... Certes, il s'est blessé, se blesse peut-être encore, à cause de sa fragilité psychologique, mais aussi mille idées fausses l'inquiètent, le harcèlent, qui viennent des sociétés aveugles et hypocrites, car la science, elle-même, peut jouer le rôle de parasite!

        Pour l'alcoolique, les choses sont plus claires... Il y a bien longtemps que son amour est une drogue: "Jolie bouteille, sacrée bouteille, veux-tu me laisser tranquille!", comme dit la chanson... Tout au plus, aujourd'hui, celui qui boit le soir se sent toujours maître de lui-même... Il apprécie ce qui est bon, c'est tout! Pourtant, il éprouverait une certaine gêne, sans son verre! Il deviendrait nerveux et il a parfois un réveil glacé, comme s'il avait raté quelque chose! D'après ses souvenirs, il baignait dans la douceur et maintenant, il fait si froid! 

        L'individu anxieux, lui, est plein d'une dignité offensée par l'insomnie!  Comment ose-t-elle s'en prendre à lui? Il ou elle courent chez leur médecin: on va voir ce qu'on va voir! L'insomnie aura des comptes à rendre! Le médecin écoute et prescrit... On repart vengé: cela ne vient pas de nous, mais c'est une maladie, qu'il faut combattre avec des médicaments!

        Anxiolytiques et somnifères nous entraînent en enfer, pourrait-on dire! On devrait toujours avoir recours aux médicaments qu'en cas de stricte nécessité! Les antidépresseurs eux non plus ne sont pas la bonne solution, car ils reposent sur un raisonnement pervers: retrouver un taux normal de monoamines nous réhabituerait au bonheur! La science est si fière de ses découvertes qu'elle n'en perçoit pas les limites! Or, la première joie, c'est l'indépendance; c'est balayer toutes les vanités! La réponse biologique est toute petite à côté de la révolte!

        Bref, nous revoilà à notre point de départ..., à nous demander comment mieux dormir, ou plutôt qu'est-ce qui trouble ainsi notre sommeil! Il n'est pas difficile de comprendre que deux sentiments gardent nos nuit: celui de notre sécurité et un autre qui lui est fortement lié, c'est l'espoir qui nous habite ou non! C'est la conscience de soi qui détermine nos rêves et qui valide notre absence nocturne, sans que nous devions goûter la salade freudienne du désir!

        Ce sont les bosses de notre carrosserie qui nous empêchent de dormir! C'est la dureté du monde! Ce sont les piétinements! Ce sont mille fantômes rencontrés dans la rue! Ce sont de vieilles querelles, jamais résolues! C'est la bêtise de la télévision! C'est l'égoïste qu'on a derrière soi! C'est le dégoût de l'un, la haine de l'autre! Ce sont les déclarations fracassantes d'un chef! Ce sont les affres d'un spécialiste! Ce sont les alarmes d'une célébrité! Ce sont les pleurs d'un enfant; l'enfermement d'un chat!

        Nous sommes dans une situation nouvelle... et il est normal qu'elle nous inquiète! Comment, les démocraties sont déjà là et on n'entend pas au loin le bruit des canons! Mais qu'allons-nous devenir? Où sont le bien et le mal? Mais que les extraterrestres enfin attaquent! Que chacun rejoigne son poste! Un ennemi et une mitrailleuse et c'est une saine fatigue physique! C'est le devoir accompli... Un rapport? On verra ça demain... Une fuite d'eau? Ah! ah! C'est amusant! Mais non, ce n'est pas grave! Allez, on va se coucher... Bonne nuit, tout le monde; c'est ça la vie: dormir quand on est bien! Et hop, éteinte la bougie!

        Mais c'est justement l'indécision qui est notre Voie lactée! C'est l'ambigüité qui veille avec nous... C'est elle qui nous apporte un café... et qui veut discuter! C'est ça, creusons! "Or, donc, tu es trop intransigeant!

        _ Ouais, ouais...

        _ Si tu mettais un peu d'eau dans ton vin...

        _ Ouais, ouais...

        _ Vois les Plantier, comme ils sont heureux!

        _ Ouais, ouais..."

        Nous avons l'air d'apnéistes entraînés par une gueuse... Nous sombrons dans les profondeurs et il nous reste tout juste assez d'air, pour refaire surface! Chaque jour, nous plongeons et nous ramenons des bouteilles vides ou des morceaux rouillés! De toute façon, c'est une vraie purée de pois là-dessous! Si seulement, on pouvait être sûr de quelque chose! C'est pas une sirène d'ambulances qu'on entend là? Encore un ou une qui viennent de tomber! Il y en a eu toute la journée!

        A côté du tourbillon du monde, l'influence des saisons continue malgré tout à se faire sentir... C'est l'hiver, la sève est rentrée et nous cherchons vainement une raison pour nous satisfaire... Notre amour-propre est un gueux qui mendie et gémit! Mais au lieu de patienter, de nous réjouir d'être dépourvus, car c'est ce qui permet de recevoir, nous décidons au contraire de nous durcir et malheur à ceux qui ne vont pas assez vite devant!

        C'est l'illusion de la tyrannie! C'est l'animal qui triomphe de la mort! C'est l'aveugle qui crie "Place! Place!" C'est le monstre immense et hurlant de la haine pour une seconde d'attente! C'est le bulldozer qui sursaute sur un gravillon! C'est la moue, le masque, le dégoût parmi les victuailles à l'infini! C'est la maussaderie le chariot plein! C'est l'énervement avec du saumon fumé! C'est l'irritation et les larmes devant le SUV flambant neuf!  

        C'est le sexe tout azimut! C'est la tristesse de refouler! C'est l'amertume de la solitude, de l'effort! Pire, c'est la suffisance de l'orgueil; sa domination qui le fait jouir et qui humilie! La technique du sexe? L'orgasme? C'est le sentiment de sa supériorité! Voilà la santé du sexe! La fusion, l'espoir? C'est pour les enfants!

        Le sexe, pour échapper à l'angoisse, a son réveil! On découvre l'autre, la faim apaisée... On savait qu'il ne fallait pas, que c'était piégeux... On a une machine à trancher devant soi, ou un mécanisme très délicat de bombe... Faut-il couper le fil jaune ou le bleu? C'était le vert, mais c'est trop tard! On court dans l'appartement avec un bras en moins! On perd tout son sang, mais l'autre va bien, merci! On a couché avec un fauve! On a aimé un cobra! On aura de la chance si on s'en sort vivant! La chair, c'est fantastique, mais elle n'existe pas sans nous, sans notre tête!

        Vaut mieux apprendre à calmer ses peurs...; c'est plus sûr... et infiniment plus constructif! Car on s'ennuie aussi... Quoi? Qu'est-ce que tu as dit? Tu te demandes qui va gagner les Oscars? Mais, non, le rouge te va très bien!

        C'est un tableau trop sombre? Mais il y a encore les Thénardier modernes! Le couple modèle!  celui qui hache menu ses voisins! qui salue son banquier, qui va au ski, qui parade! qui ne meurt jamais! Ce sont les gens sérieux, impassibles, les voix graves! Ce sont les poses de la richesse, le théâtre des notables, les figures de la cité!

        Que veulent-ils? D'où viennent-ils? Dans quelle dimension sont-ils? Peut-on leur parler, si on ne les admire pas? Seul le cancer apparemment leur ouvre les yeux! Ils sont sévères pour l'étranger! Leurs femmes sont sèches, aigres et les hommes impatients, capricieux tels des enfants en costume!

        Ceux-là sont dangereux, car ils ont un train de vie luxueux, sans contraintes, et si la situation se détériore, ils seront les premiers à se montrer agressifs, fermés, tant leurs besoins sont nombreux! Ils sont les plus hostiles au changement, bien qu'ils soient vides...

        Mais qui patiente, qui est doux, qui regarde, considère, aime? Qui essaye de comprendre, qui veut comprendre? Qui écoute, qui a du temps, qui favorise la vie, qui la reconnaît chez les autres? Qui ne se raconte pas, ne s'admire pas, ne se contemple pas? Qui a les yeux ouverts? Qui apaise, qui calme, qui tranquillise? Qui est en paix? Qui est source d'espoir? Qui voit les larmes et la douleur?

        Qui grandit? Qui a du sens? Qui est ouvert? Qui n'est pas noyé? Qui a du courage? Qui est vrai? Qui endure et persévère? Qui ne crie pas, ne maudit pas, n'aboie pas, ne distille pas son fiel, qui ne hait pas?

        Apparemment personne! Nous faisons de la vie un désert, âpre, dur, semé de pierres tranchantes; nous empoisonnons les puits et nous nous étonnons d'être amers, inquiets et de dormir mal!

        Mais pire, nous n'apprenons rien! Pourtant, la nature, la vie nous éduquent, nous enseignent incessamment et parfois durement, cruellement, par les accidents, la maladie ou la mort de proches. Mais sitôt que nous pouvons souffler et reprendre du poil de la bête, nous recommençons les mêmes erreurs, nous retombons dans nos travers! Qu'est-ce qu'il faudrait pour que nous changions? Nous sommes raides comme du bois; sourds; nous vivons tels des voleurs ou même pareils à des vautours: malgré notre laideur, nous nous précipitons sur le moindre morceau, qui peut nourrir notre vanité, notre égoïsme!

        Qui est détaché de soi? Qui est généreux? Qui ne fatigue pas? Qui rafraîchit? Qui est humble? Qui aime les fleurs et les oiseaux? Qui sourit aux nuages et au chant de l'eau? Qui sait vivre?

        Nous manifestons pour la planète ou contre l'antisémitisme et c'est encore du trouble, du bruit, de l'empressement, du rendement, même dans le bien!

        Qui se repose et repose? Qui ne juge pas? Qui attend? Qui a confiance? Qui cherche? Qui embrasse? Qui étend sa vue? Qui prend soin du silence? Qui écoute le vent dans les cimes? Qui marche? Qui ne profite pas? Qui ne prend pas?

        Nous sommes lourds parce nous ne donnons pas! Nous sommes tourmentés parce que nous ne nous libérons pas! Nous nous croyons responsables, matures, dignes, informés, adultes, actifs, travailleurs et nous ne sommes qu'une marée perdue, incohérente, grossière, sans discernement et usante!

        Nous nous blessons, nous nous piétinons, nous nous méprisons; nous voulons nous réjouir de la faiblesse de l'autre, de sa défaite; nous voulons du sang, qui est pour nous la couleur de la victoire et nous voudrions bien dormir? Mais les hommes des cavernes, près du feu, la nuit, ne tressaillaient-ils pas en entendant les cris des bêtes sauvages? Nous sommes pareils à eux, le confort en plus!

        A chaque fois qu'un individu, dans le monde, ouvre les yeux et prend le chemin de la sagesse, il sème les étoiles de nos futurs rêves!  

  • Du bla-bla

    Du blabla

     

     

     

        Comme chaque année, des philosophes, des psychologues, des écrivains, des penseurs essaient de donner un sens à leur vie, avec une formule  ou ce qui ressemble à une recette, et c'est plus ou moins futile, loufoque ou désespéré! En effet, il est vain de vouloir se diriger selon un principe ou un mot d'ordre, car ils ne sauraient résister aux faits, aux épreuves! D'ailleurs, si ces même personnalités approchaient de la vérité, elles n'auraient aucune voix au chapitre, car c'est bien la vérité qui est insupportable!

        Mais, naguère et comme un naufragé s'accrochant à une bouée, un psychiatre  proposait dans les médias de suivre les pas de Proust... Cela n'était pas très clair, on s'en doute, mais on pouvait comprendre qu'une sorte d'immortalité ou d'éternité était possible, à force de restituer ses souvenirs... Le temps de la mémoire remplaçant le quotidien, la mort et les angoisses seraient vaincues... Mais qu'est devenu ce psychiatre, puisque qu'on ne l'entend apparemment plus? Continue-t-il, déguisé en madeleine, à essayer de convaincre quelques passants, pour rentrer chez lui le soir, épuisé et amer, comme si on l'avait trahi?

        Cependant, aujourd'hui, un autre a lui aussi son idée: l'année 2019 sera placée sous le signe de la légèreté! A bas donc tous ces gens sérieux qui s'agitent, comme une mare de pétrole visqueuse! Que rien ne vienne altérer l'esprit aérien et immaculé de l'auteur, qui réclame le droit d'être primesautier, sautillant, génial!

        Cette façon de faire n'est pas nouvelle... Sacha Guitry, dans sa prison, alors qu'on se demandait s'il ne fallait pas le fusiller, pour sa collaboration durant la guerre, lui aussi prônait la légèreté, comme une qualité fondamentale et même fatale, pour dénigrer la gravité de ses accusateurs... Mais la justice, elle, prenait en compte tous ceux qui étaient morts, certains dans les plus grandes souffrances, afin de libérer leur pays et que le plus grand nombre, à l'instar du dramaturge, pût lui aussi imiter les oiseaux!

        Cependant, on ne devient pas ceci ou cela, parce qu'on le décide! En ce qui concerne la légèreté, voisine de l'insouciance, elle ne peut que provenir de la force et de la confiance, qui elles-mêmes sont impossibles sans être en paix avec soi! C'est d'autant plus vrai que se moquer de l'hypocrisie, ne pas partager les tristesses affectées, suscitent inévitablement la haine de ceux dont l'orgueil est piqué et qu'on peut alors, devant la violence de la réaction, douter, se demander si on la bonne attitude, ce qui laisserait la place à d'anciens sentiments de culpabilité, comme si on revenait dans le temps! Autrement dit, pour une légèreté durable, voire inaltérable, on se doit de construire sur le roc, être sûr de son fait, revenu de toutes les tempêtes, grâce à la boussole de la vérité, qui montre toujours le nord dans son écrin!

        Comme on le voit, on est loin ici de taper du pied, tel un enfant capricieux! On est au contraire tellement profond que la différence des autres et leurs critiques sont compréhensibles, puisqu'elles correspondent à un degré moindre d'évolution... Il n'y a pas de rejet, de parti pris, ni même de lutte! Seul triomphe l'enthousiasme, car il est vrai et se nourrit de lui -même! La vérité n'a pas besoin de suffrages, mais elle est une victoire! Celui qui la détient, ou qui l'aime, est gagné par la joie! Il est à la fois grave et léger, soucieux et indifférent, chaleureux et distant en même temps! C'est cela la force, être consterné par le mensonge, avant d'être capable d'en rire! C'est l'enfant dans le maître!

        Mais de quelle vérité parlons-nous justement et pourquoi disons-nous qu'elle est insupportable? Pascal, qui imaginait déjà les distances sidérales, s'interrogeait sur l'inconscience des hommes... Comment pouvions-nous ne pas être épouvantés par notre petitesse? L'auteur des Provinciales voyait là une preuve de Dieu, comme si une gaine invisible nous protégeait!

        Rilke, lui, nous comparait à un homme s'éveillant brusquement en haut d'une montagne et qui serait forcé de se mentir à lui-même, pour ne pas être écrasé par son sentiment de solitude!

        Plus simplement, aujourd'hui, nous pouvons dire que si nous gardons notre équilibre, malgré notre isolement dans l'espace et notre mort, c'est à cause de notre origine animale! En effet, nous sommes issus d'un règne qui ne se soucie aucunement du sens de la vie, car il ne connaît que ses instincts! De plus, nous savons que tant que nous voulons satisfaire notre domination, nous affirmer comme les meilleurs, nous ne faisons que donner libre cours à l'animal qui est en nous, même s'il mange avec une fourchette et n'essaie pas d'épouiller son voisin!

        Ainsi, il n'est pas étonnant que notre quotidien semble éternel, comme si la Terre ne tournait pas à toute vitesse autour du soleil, comme si les cimetières ne se remplissaient plus! Ce qui masque le caractère étrange et même effrayant de notre situation, c'est bien le rayonnement de notre individualité, son pouvoir; ce sont les victoires de notre amour-propre, ses projets, ses stratégies... Plus notre animal triomphe et moins nous sommes inquiets! Plus nous sommes dominants et plus nous sommes ivres de nous-mêmes... Peu importe que l'univers soit infini, s'il se résume à notre nombril!

        Certes, tout cela n'est pas aussi catégorique, aussi fermé! Malgré notre réussite, nous sentons parfois le froid de l'abîme... Nous entendons murmurer ses eaux souterraines... La mort notamment reste pour nous un mystère. Quand nous songeons à nos proches décédés, nous en gardons un souvenir assez net et qui nous habite, mais brusquement nous nous rappelons qu'ils ne sont plus que des squelettes et la tristesse nous étreint... N'est-ce pas comme si une partie de nous était également absente, voire irréelle?

        De tout temps, les hommes ont essayé de comprendre les choses; nos cosmogonies en témoignent... et nous sommes aussi sensibles à la souffrance des autres, de sorte que nous avons nos monstres, comme Hitler ou Ben Laden; tous ceux qui pour le pouvoir sont capables de détruire, sans respect pour la vie humaine... Mais cette sensibilité-là a des degrés variables et justement celle qui fait le sage ou le prophète, n'est-elle pas particulièrement développée, tel le muscle d'un sportif d'exception!

        Si le sage paraît à l'écart, se tient en marge; s'il ne participe pas à l'effervescence de l'ensemble, s'il n'accepte pas d'être un chef ou d'assumer des responsabilités, ce n'est pas par impuissance, par gêne, parce qu'il serait névrosé, comme certains le soutiennent, mais c'est bien plutôt à cause de sa clairvoyance... Quand les autres ne voient que leurs intérêts et que leurs personnalités se satisfont, le sage, lui, ne perd pas de vue l'égoïsme de chacun et donc une étroitesse, qui n'est pas sans blesser, ni faire de victimes! 

        Le plus grand nombre ne se départit pas de sa vie animale et c'est ce que constate le sage... Comment pourrait-il alors s'aveugler, se leurrer, au point de rejoindre la mêlée des autres, de partager les propos et les sentiments issus de leurs tribulations! Le sage a l'air ainsi hautain ou indifférent et c'est l'une des raisons qui explique qu'on ne l'aime pas! Pourtant, c'est bien là la moindre!

        Jésus disait: "Vous m'accepteriez, si j'étais du monde... Mais je ne suis pas du monde!" Quelles paroles étranges et qui pourraient refléter une extrême arrogance, ou la folie! Mais de quel monde parle Jésus, si ce n'est celui de la vie animale? En effet, ceux qui ne visent que leur domination, leur supériorité, suivent, obéissent à une logique commune, où les autres sont soit des adversaires, soit des alliés; où ils sont soit au-dessus, soit au-dessous; où le sage paraît une énigme, voire une menace!

        Certes, chacun a son égoïsme, même Jésus, mais celui qui trouve sa valeur, dans la compréhension de la sagesse, celui-là n'a plus besoin du pouvoir, ni de goûter le sentiment de sa réussite! Son bonheur n'est pas dans sa supériorité, mais dans celle de la sagesse! Jésus s'exclame: "Je te loue, mon père, d'avoir laissé la vérité aux enfants et de la rendre invisible aux savants!" Voilà la joie du prophète, le triomphe du sage: c'est sentir l'infini, c'est goûter la liberté absolue! Ici, l'enfant connaît la vérité, mais ne peut l'exprimer; le savant, au contraire, a les moyens de la décrire, mais il ne la voit plus! Ainsi, elle reste fraîche et pure; aux antipodes du pouvoir et de l'envie!

        Le Sanhédrin, constitué par les docteurs de la loi, demande encore à Jésus: "Tu te dis Fils de Dieu..., mais qui pourra témoigner pour toi?" Notez que nous assistons là à la naissance de la science, car les savants de cette époque étaient les prêtres, qui connaissaient les cosmogonies, le pourquoi et la fin des choses, mais également, si un autre homme peut venir approuver  Jésus, alors la parole de ce dernier prend de la valeur... C'est la base de l'expérience scientifique d'aujourd'hui, qui doit donner les mêmes résultats pour au moins deux personnes la pratiquant... Sinon, nous restons dans la subjectivité...

        Cependant, Jésus a une réponse aussi simple que sublime! Il dit:" Si vous connaissiez Dieu, vous me connaîtriez aussi!" On ne peut pas être plus juste et plus laconique en même temps! En effet, de quoi s'agit-il, sinon que nous nous reconnaissons par le regard! Le cœur pur salue le cœur pur! Et même le mauvais sait la différence, quoiqu'il ne l'avoue pas! A travers le regard, nos âmes, notre feu intérieur apparaît un instant... C'est une leur fugitive, qui est plus ou moins claire, plus ou moins intense... Mais quel scandale, quelle gifle! Comment oser dire à des ministres du culte que justement ils sont ignorants de leur religion ou de leur dieu, ce qui signifie au fond qu'ils ne l'aiment pas! La rage et la haine se jettent sur Jésus!

        Car c'est un fait récurrent, cet homme, qui ne parle que de paix et de pardon, suscite les plus violentes haines sur son passage et notamment on manque de le lapider dans son village natal! Pourquoi est-ce ainsi?

        D'abord, il faut bien comprendre qu'actuellement nous ne pouvons plus parler de péchés ou du diable, qui ne sont que des inventions de la Genèse, mais notre vision de la société ne peut pas non plus être très différente de celle de Jésus, qui voyait le plus grand nombre se livrer au mal, d'autant qu'on avait du pouvoir, même si c'était essentiellement par ignorance! En effet, la société "animale", que nous décrivons dans ces chroniques, a les mêmes caractéristiques, le même aveuglement et les mêmes comportements injustes, bien que les lois aient évolué, car nous ne changeons pas radicalement et nous allons essayer d'en donner la cause...   

        Mais la parole du sage ou du prophète sera donc toujours scandaleuse! Elle remet brusquement tout en question; elle balaie d'un coup toutes les certitudes; elle anéantit tous les orgueils; elle relativise toutes les ambitions; elle ouvre un abîme; elle fait saillir toutes les failles et ressurgir toutes les inquiétudes! Imaginez la bombe que la "société animale" peut produire!

        Tous ceux qui ont du pouvoir, un poste important, qui sont considérés, qui estiment avoir réussi, voient avec raison qu'ils bénéficient du fruit de leur travail, car ils ne ménagent pas leur peine, contrairement à d'autres, qui n'hésitent pourtant pas à les critiquer! Mais il n'en demeure pas moins qu'ils satisfont également leur égoïsme, qu'ils cherchent à dominer, qu'ils doivent éprouver le sentiment de leur supériorité  et que c'est la condition sine qua non de leur équilibre et donc de leur écoute et de leur bonté!

        Le résultat est un parcours semé de victimes, car il a bien fallu des dominés, où le mal est aussi fort que le bien, sinon plus... Même s'il n'est pas question de juger, le regard du sage suffit à provoquer le rejet et bien que les cris et la condamnation du Sanhédrin ne soient plus de mise, sa haine, sa virulence, elles, sont toujours présentes et le plus profond mépris apparaît, comme pour se persuader qu'on n'a rien entendu!

        C'est une protection et d'une manière générale, plus on réagit violemment et plus on montre la fragilité de ses convictions! Pour ce qui nous concerne personnellement, nous sommes ouvert à toutes les idées et notamment aux découvertes de la science... Ce que nous ne connaissons pas devient pour nous un enrichissement et ne saurait être une menace! A priori rien ne devrait troubler notre paix, car ce que nous savons est bien réel, a été dûment éprouvé! Le fait que, s'ils visent la satisfaction de leur amour-propre, les hommes continuent la vie animale est une vérité!  

        De même que dans ces conditions leur perception et leur équilibre n'ont pas de bases solides... Cela peut être vérifié chaque jour au regard de l'agressivité des comportements et de la souffrance générale! Nous ne sommes pas heureux et nous ne voulons pas l'être, si cela demande de l'humilité et de la patience! L'animal considère qu'il a trop à perdre!

        Mais seuls les forts sont contents d'être surpris et nous préférons donc notre monde de rêves, notre quotidien factice et irréel! Gare à celui qui nous inquiète, qui n'est pas comme nous! Mais place aux faux sages et aux faux prophètes, qui nous rassurent, nous endorment et même nous flattent, car ils nous font croire que sommes bien dans un bouillonnement culturel, bien vivants!

        Ainsi, donc, chers amis, nous déclarons l'année 2019 ouverte et placée sous le signe de la légèreté!

        Curieusement, le sage est un terroriste à sa manière; il a sa bombe lui aussi!