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  • Sur Van Gogh

    Sur van gogh

     

     

     

     

        Quand on lit les biographies de Van Gogh et notamment celle de Wikipédia, on est assommé, abasourdi! Mais voici la teneur générale... Vincent naît dans une famille bourgeoise, d'un père pasteur... C'est un enfant sérieux, silencieux, pensif...

        A vingt ans, il réussit chez Goupil et Compagnie, une firme internationale, qui vend des tableaux et qui a été fondée par son oncle Hein. Cependant, cinq ans plus tard, il en est licencié parce qu'il est choqué qu'on y traite l'art comme n'importe quelle marchandise!

        On a donc perdu en route l'enfant sage et chez les Van Gogh, on ne badine pas avec l'argent!

        Mais, après son échec dans le commerce de l'art, voici que Vincent se tourne vers le deuxième centre d'intérêt de la famille, à savoir la religion! Quelle belle fidélité, quel beau respect pour les idées de tous ceux qui l'entourent! Vincent chercherait-il à prouver quelque chose?

        Cependant, il met la même passion à vouloir évangéliser qu'à vendre des tableaux! Son zèle inquiète même ses parents et un témoin note à l'époque: "Il ne mange que du bout des lèvres..." Vincent est par conséquent déjà dépressif, mais pourquoi?

        Ses parents, toujours attentifs à son bien-être, à son épanouissement, décident de le soutenir dans son désir de devenir pasteur et ils lui paient ses études de théologie; mais, à leur grand dam, Vincent échoue à tous ses examens et pour atteindre son but, il est finalement conduit à un poste de prédicateur laïque, auprès des mineurs de charbon du Borinage.

        Face à la misère, le fragile Vincent va se blesser cruellement! Il va se dépouiller de tout, devenant plus pauvre encore que ceux qu'il veut secourir, et il va se demander toujours plus, jusqu'à sombrer dans la plus noire dépression, en croyant suivre le message évangélique!

        Bien plus tard, quand il repensera à cette période, Vincent dira dans ses lettres que la religion chrétienne est atroce; mais ce que nous enseigne cette expérience, c'est que Vincent n'est pas "construit", qu'il ne sait pas se préserver, que sa personnalité est incapable de se "défendre"! Ceci est essentiel et devra être retenu pour la suite...

        Toujours est-il que l'autorité religieuse dont dépend Vincent ne comprend pas son "chemin de croix", qu'elle en est inquiète et pour se débarrasser de celui qu'elle juge à présent comme un gêneur, elle le soupçonne d'être socialiste et le remercie!

        De nouveau rejeté, Vincent est en proie au doute et ne sait que faire, et cet état, qui pourrait être pris pour de la paresse, provoque une violente dispute entre Vincent et son père. On imagine assez les reproches de ce dernier, qui devient las de ce qu'il considère comme les "frasques" de son fils! Mais qu'est-ce qui l'effraie dans la bouche de Vincent, au point qu'il se renseigne sur la façon de le faire interner?

        En fait, le génie de Vincent gronde, comme un volcan! La lave veut trouver sa route et elle écarte la surface, les apparences, et c'est cela qui fait si peur au père de Van Gogh! Mais également Vincent commence à voir pour quoi il est fait et ce sera la peinture!

        Cependant, les atermoiements ne sont pas finis! Au fond, même si Vincent sent bien en lui une force vive, une création, il porte déjà le poids de son inadaptation: il ne peut pas, dans la nuit de sa personnalité, ne pas se considérer comme un être repoussant, décevant (voir la Métamorphose de Kafka!), et aussi ses débuts dans son art sont-ils timides, prudents; il lui faut toujours la sécurité d'un enseignement, la perspective rassurante d'un diplôme!

        Il s'inscrit donc à l'Académie royale des beaux-arts, comme il suivra plus tard çà et là les leçons de quelques peintres indépendants, mais il ne sera véritablement l'élève de personne et il continuera de rompre avec toutes ces formations, ce qui se soldera encore par de fréquents retours à la maison familiale et ce qui renforcera l'impression de dilettantisme et même d'égoïsme que produit désormais le peintre et qui mettra de nouveau son père en fureur (celui-ci mourra d'ailleurs d'une crise cardiaque!)

        La même apparente instabilité se retrouve dans la vie sentimentale de Vincent... Avec les femmes, le peintre se montre maladroit, naïf, incertain, mais surtout chaque rebuffade est vécue comme un drame, car Vincent est devenu très sensible à l'hostilité dont on peut faire preuve à son égard!

        Il peut aussi faire peur, car, perdu dans le tréfonds, il en vient à croire que s'il n'arrive pas à conquérir, à "trouver chaussure à son pied", ce qui le ferait rentrer selon lui dans la normalité, c'est parce qu'il manque de courage, de détermination, chose qu'on lui reproche effectivement!

        Devant son insistance, qui est plutôt le fruit de l'angoisse que d'un réel désir, on s'effraie inévitablement, on "montre les dents" pour chasser l'intrus! Si en plus la jeune fille perturbée fait une tentative de suicide, ce qui se produit avec une voisine, il n'est pas difficile d'imaginer Van Gogh se prenant déjà la tête entre les mains, en se trouvant le monsieur à l'origine de toutes les catastrophes!

        Mais, baste, de fil en aiguille, il se retrouve à Paris et d'après la biographie de Wikipédia, qui n'est que consensuelle, c'est comme si on revivait l'histoire du Vilain petit canard! Vincent serre des mains, on lui tape dans le dos, il sourit à un tel, écoute un autre; c'est le cygne qui a trouvé sa véritable famille, celle des peintres modernes de l'époque! On citera Lautrec, Seurat, Pissarro, Gauguin et tant d'autres!

        Pourtant, Vincent ne s'attarde pas en aussi bonne compagnie... Il a besoin de solitude pour être lui-même, ne serait-ce que pour échapper à toute influence, dont il aurait du mal à se défendre, et il s'installe donc à Arles, comme chacun sait, sous la lumière qui le passionne!

        Mais Vincent ne sait pas vivre seul sans se blesser! Il n'a aucune confiance en lui! N'est-il pas un paresseux, un menteur, un sournois, une "planche pourrie", un dilettante, un profiteur! Il a le choix, au bord du puits sombre que les nombreux reproches qu'il a dû déjà subir ont construit! Il travaille donc en se soupçonnant du pire, en étant son propre geôlier, son propre bourreau et seul l'alcool lui apporte quelque réconfort!

        Il n'a surtout pas besoin d'une nouvelle contrariété... Ses nerfs éprouvés ne pourraient supporter de se disperser et c'est pourtant ce qui se produit avec la visite d'un autre "titan", Paul Gauguin. Tout le monde connaît l'épisode de l'oreille coupée, mais il n'est pas plus étrange que les blessures que s'infligent aujourd'hui certains adolescents, à coups de cutter! Ces actes révèlent essentiellement une angoisse extrême et sont loin d'être incompréhensibles, mais il serait trop long ici de se lancer sur le sujet...

        Toujours est-il que les habitants d'Arles, en témoignage de la charité humaine, demandent l'expulsion du peintre et son internement. Il n'en demeure pas moins qu'un seuil a été franchi: à partir d'une certaine dose de fatigue, Vincent est sujet à des crises, durant lesquelles il se comporte d'une manière absurde, en mangeant par exemple sa peinture!

        Il est quasiment impossible que Vincent soit une menace pour les autres; c'est un doux, mais il comprend que désormais il doit se ménager, et il a sûrement pris connaissance de certains signes avertisseurs chez lui, qui lui indiquent qu'il est de nouveau, à cause du surmenage, sur une pente dangereuse... Cela va-t-il lui servir?

        Après un séjour à l'hôpital de Saint-Rémy-de-Provence, qu'il avait rejoint de son propre chef, Vincent se retrouve à Auvers-sur-Oise, sous la protection du docteur Gachet. Ici, la biographie nous surprend par son optimisme, puisqu'elle nous dit que Vincent est alors tout proche de sortir de l'anonymat... et en effet, quelques articles ont paru à son sujet dans la presse..., mais on pourra même lire plus loin, dans un paragraphe intitulé Reconnaissance, que le peintre était connu et apprécié de son vivant et que, s'il est de notoriété publique qu'il n'a vendu qu'un seul tableau, rien ne prouve qu'il n'en a pas vendu d'autres!

        Vincent, lui, est plus réaliste et un dernier accès de désespoir lui fait penser que "la plaisanterie a assez duré"! Il s'est battu de toutes ses forces pour rien! Il est toujours dépendant financièrement et il n'a fait qu'aller vers le pire, puisque sa vie de forçat est maintenant agrémentée de crises de démence! Il se hait sûrement et le monde qui l'entoure également! Il se tire une balle dans la poitrine..., mais ce n'est pas fini! Il faut encore qu'il se traîne seul jusqu'à sa chambre, où son agonie commence, sans aide médicale réelle, bien que la présence de son frère Théo, prévenu, soit tout de même une consolation! 

        En fait, Vincent n'a jamais été fou; ses lettres le prouvent amplement, mais il faut beaucoup de temps pour se pacifier! Il faut aussi un peu de chance..., mais il faut surtout voir les hommes tels qu'ils sont, pour s'en faire justice! Sans cela, il est impossible de créer les fondations qui manquent et qui permettent l'assurance... et donc la paix! C'est cette opération indispensable que nous allons réaliser maintenant...

        Cependant, l'impression générale de la biographie que nous avons utilisée est celle-ci: tout le monde a donné le meilleur de soi pour aider van Gogh (même l'arme à feu qui a servi pour son suicide!) et n'était cette "stupide" maladie mentale, le peintre aurait pu réussir et avoir une vie heureuse!

        "Jo", la femme de Théo, n'a-t-elle pas, juste après la mort des deux frères, multiplié les expositions, les vernissages, au point qu'on pouvait se demander, une coupe de champagne à la main, si l'absence du peintre ne venait pas de ce qu'il n'avait pas trouvé de taxi? Ne s'en était-il pas fallu d'une cheveu? Le succès, pour ainsi dire, ne pendait-il pas au nez de Vincent?

        Mais il y avait cette maladie..., cette étrange maladie, car paraît-il plus de cent cinquante psychiatres ont voulu la diagnostiquer (gratuitement!), sans qu'on parvienne à une certitude! S'agissait-il de la schizophrénie, d'un trouble bipolaire, de la syphilis, du saturnisme, etc. 

        Il existe pourtant une piste dans la correspondance de Vincent, car il s'y plaint vivement du mépris de son père à son endroit, comme s'il n'avait jamais été pris au sérieux! Ceci est essentiel, car c'est d'abord l'affection de nos proches qui nous construit! Et d'ailleurs cet aspect, qui expliquerait parfaitement l'instabilité de Vincent, n'a pas échappé à une certaine psychologie, qui donne la raison du comportement du père...

        Il n'aurait jamais fait le deuil d'un premier enfant! Et effectivement, les parents Van Gogh ont eu d'abord un fils mort-né, qui s'appelait lui aussi Vincent! On a donc donné au peintre le même prénom, sans doute en souvenir du bébé défunt, mais cela veut-il dire que le chef de famille fût rongé par une douleur secrète, de sorte qu'il négligeât celui qu'il devait considérer comme l'aîné?

        Malgré des études très sérieuses sur ce problème, on demeure sceptique, car on voit mal le pasteur Van Gogh, clamant chaque dimanche du haut de sa chaire, que la main de Dieu est parfois lourde, mais qu'il faut tout de même aimer sa Volonté toute puissante, car la récompense sera grande; tout en n'y croyant pas lui-même! C'eût été docteur Jekyll et mister Hyde dans la sacristie!

        Par contre, au contraire de la psychologie, nous, nous savons que c'est notre soif de dominer qui est à l'origine du développement de nos personnalités, qu'elle ne peut que nous conduire à la tyrannie et que c'est pour cela que dans nos sociétés, bien que nous ayons tout, nous ne sommes pas heureux (encore faut-il le reconnaître!)!

        Aussi devons-nous comprendre que même des parents peuvent jalouser et mépriser leur progéniture, s'ils sentent chez elle une liberté, un bonheur qui semblent une injure, une menace pour leur pouvoir, leur importance! De même, il est nécessaire d'admettre qu'écraser le fruit de ses entrailles est encore une manière de restaurer son autorité et donc son amour-propre!

        Le monde n'est pas lisse, mais nous dormons! Nous préférons mille fois répéter les mêmes erreurs, plutôt que de changer! Toutefois, tant que notre instinct de domination ne sera pas pour nous une réalité, nous n'avancerons pas! Et tant que nous croirons au monde enchanté de la psychologie et de la psychanalyse, nous ne progresserons pas!

        Cependant, avec notre nouvelle lanterne, la vie de Vincent s'éclaire! Il est celui qui dérange, qui inquiète, qui remet en cause et c'est pour cette raison qu'il n'est pas aimé, mais craint, rejeté et haï!

        La nature est-elle sadique, pour placer certains dans un milieu qui leur est résolument hostile et qui les anéantit? Evidemment non, mais l'homme est la seule créature qui peut refuser de "grandir", au profit de son égoïsme! Et l'humanité devrait être jugée sévèrement pour la peine infinie de Van Gogh, puisqu'elle-même l'a déjà jugé!       

       

  • De la lutte

    De la lutte

     

     

     

     

        Chaque jour, nous nous demandons comment pourrions-nous être plus heureux. En effet, il n'est pas rare que nous nous sentions inquiets, lourds, abattus. Nous cherchons alors quelle est la faille, l'erreur de notre vie... Est-ce notre solitude ou au contraire notre couple? Travaillons-nous trop ou pas assez? Avons-nous fait preuve d'arrogance, de suffisance, d'égoïsme, ou ne sommes-nous pas plutôt trop accommodant, trop serviable, trop laxiste?

        Nous essayons de voir clair dans les brumes de notre cerveau, nous voudrions une éclaircie, un peu de joie, un peu d'espoir... Nous serions tellement heureux d'être sur la bonne route! Mais, hélas, la solution se dérobe; le raisonnement se perd; les frêles idées que nous avions édifiées s'écroulent et nous avons l'impression que notre réflexion ne sert à rien, qu'elle est vaine, puisque sans fin!

        Pour échapper à notre tourment, nous nous donnons des devoirs, des obligations... C'est d'abord un métier, avec des horaires, des ordres, un fonctionnement que l'on ne discute pas! Certes, il faut travailler pour vivre, mais on comprend bien que plus on a peur et plus on veut que sa chaîne soit lourde!

        On fonde encore une famille, plus par crainte que par envie! On se rassure de ne plus être seul  et bientôt l'éducation des enfants ne laisse guère de libertés! Il faut incessamment s'occuper d'eux et le temps passe comme un tourbillon!

        On obéit et on ne pense plus... On en vient pourtant à se plaindre de sa situation! On est exploité au travail; les enfants n'ont pas de cœur; les impôts, le gouvernement, les Russes, les émigrés! On est insatisfait, comme si notre vie nous avait été imposée, comme si on n'avait pas eu le choix, ainsi qu'on aurait habité dans l'ancien empire soviétique!

        Par ignorance, mais aussi par hypocrisie, on oublie qu'on a fui la liberté, l'inconnu, le douloureux effort d'être soi! On n'a pas voulu découvrir, attendre; on a jugé la solitude trop lourde et même anormale!

        D'ailleurs, pour éviter tout embarras, toute angoisse, nous voyons des signes, comme si la Providence décidait pour nous! Nous nous inventons des TOC ou nous consultons l'astrologie! La télévision n'est-elle pas comme une seconde famille, un indéfinissable cordon ombilical? (Mais qui n'a jamais été saisi de dégoût devant l'égoïsme de ses animateurs ou la bêtise de ses journalistes?)

        Mais on veut tout, sauf cette incertitude, ce vide qui semble s'ouvrir devant nos vies et qui nous met si mal à l'aise! De là, l'idée de la psychanalyse que nous avons la nostalgie du stade fœtal! Dans le liquide amniotique, nous étions effectivement sans soucis (quoique déjà influencés par l'environnement!) et peut-être vient de là encore notre penchant pour la perfection, car ne symbolise-t-elle pas un état dépourvu de questions, de tensions?

        Cependant, vivons-nous vraiment comme à regret? La psychanalyse est teintée de tragédie et c'est sans doute dû aux origines germaniques de Freud, car les grandes forêts font les grands rêveurs et ce sont bien les Allemands qui ont inventé le romantisme!

        Mais, par ailleurs, quel est le message essentiel de la psychanalyse? que si nous refoulons trop nos pulsions, nous sommes conduits à la névrose? Nous sommes d'accord! Mais satisfaire ses pulsions ne nous rend pas heureux pour autant! Nous ne sommes pas faits pour vivre comme les animaux; ils n'ont pas nos inquiétudes!

        En fait, la psychanalyse ne sait pas ce que nous voulons et c'est pourquoi elle ne peut pas beaucoup nous aider... Elle n'utilise pas l'Evolution... Mais nous voulons être! Nous voulons dominer, que notre personnalité prenne toute sa dimension, nous voulons réussir, sentir toute notre valeur! Et a priori quoi de plus naturel! C'est bien un héritage animal! Le cerf qui triomphe, c'est nous! La lionne qui tue, c'est nous!

        Nous glissons donc vers la victoire, l'égoïsme, le culte de soi! De là encore notre aversion pour l'anonymat, la patience et même l'effort! Ce n'est pas par nostalgie que nous fuyons ce dernier, mais c'est parce qu'il nous semble contraire à notre idéal! Pourquoi s'astreindre à la nuit, quand on veut le soleil?

        Mais regardons le monde! Normalement, la compétition sportive devrait être le meilleur moyen d'exprimer notre soif de vaincre! L'épreuve est la même pour tous et c'est le plus fort qui gagne! C'est l'instinct satisfait sans effusion de sang! C'est la domination dans la paix! C'est la loi de la jungle civilisée!

        Mais les Bleus gagnent le Mondial et les Belges les méprisent, et certains Italiens racistes les traînent dans la boue! C'est la jalousie qui parle et qui ne respecte plus le sport! On bout, on veut tellement gagner!

        [Notez qu'au lendemain de la résistance héroïque de Bir Hakeim, le ministre de Mussolini, Ciano, a déclaré que si les troupes françaises s'étaient si bien comportées, c'était parce qu'elles étaient majoritairement constituées de Juifs et de Tziganes, qui savaient qu'ils seraient condamnés à mort s'ils étaient pris! La façon italienne de dénigrer le voisin n'est donc pas nouvelle!]

        Cependant, des manifestations qui fêtent l'Equipe de France émergent des casseurs, car c'est l'occasion pour eux de se montrer, de se faire valoir, par la violence, la crainte qu'ils inspirent!

        De même, des spectateurs du Tour de France s'exhibent, gênent les coureurs, prennent quasiment leur place, ou les menacent ou les insultent!

        Chez les femmes, l'égoïsme est plus feutré, plus séduisant, plus ambigu aussi... et il est surtout visible sur les réseaux sociaux. On y expose son superbe corps, on s'adore, on se divinise sous les yeux de milliers d'abonnés!

        La réalité est toute autre: on est crispée devant l'objectif; les photos sont retouchées; on est déjà vieille ou c'est une lutte acharnée pour montrer qu'on est encore là, alors que de plus jeunes sont prêtes à tout pour s'imposer! On y fait aussi souvent preuve de mauvais goût et d'une sensualité qui se veut torride, mais qui tourne au ridicule!

        [Savez-vous qu'il est possible d'acheter des "followers"? En Russie, paraît-il, n'importe quel kiosque en vend par "paquets" de mille!]

        Quant à l'Amérique de Trump, combien ne serait-elle pas surprise si on pouvait lui faire comprendre qu'elle se comporte comme l'Allemagne nazie! Bien sûr, elle ne partage pas ses idées racistes et sa folie meurtrière, mais elle obéit somme toute à la même logique!

        Trump, tout comme le Führer, flatte l'égoïsme des masses; il le grandit, l'affirme: c'est la montée d'un nationalisme qui s'ignore! Même si Trump fait des erreurs et apparaît sur bien des points insupportable, sa popularité ne baisse pas, car la majorité y trouve son compte! On lui raconte toujours la même histoire, qu'elle est supérieure, plus puissante que les autres, qu'elle peut dominer le monde!

        Comme 1940 est passée par là (autre temps, autres mœurs!), il n'est pas pour l'instant question pour Trump d'engager un grand conflit armé, mais il mène pourtant une guerre mondiale, qui est commerciale, et l'Europe principalement s'inquiète de ses agissements, comme elle redoutait ceux d'Hitler... L'angoisse, bien qu'à un degré moindre, est de nouveau là!

        On retrouve aussi les armes de tout dictateur, l'actualité de toute dictature... Ce sont les  pressions, les ultimatums, les ruptures d'alliances! Tous les partenaires commerciaux de l'Iran notamment sont menacés de représailles, s'ils ne quittent pas le pays! Trump veut économiquement mettre à genoux l'Iran, comme si elle n'allait pas réagir, comme si on pouvait anéantir une nation et que la différence n'était pas nécessaire à l'équilibre général! Les leçons de l'histoire, du Viêt-Nam ou du 11 septembre, sont oubliées!

        Dans le même temps, Israël se voit des ailes! Le "rugissement" de Trump lui donne des coudées plus franches et on bombarde volontiers la bande de Gaza et on "fait des cartons" en Syrie! On "roule des mécaniques" sur la scène internationale, avec des morts!  

        Inutile de dire que les vues étroites de l'égoïsme tourne "l'élastique" de la planète et que tôt ou tard il faudra qu'il se libère! Il y aura alors de nouveau des pleurs et de la souffrance, mais personne encore une fois ne s'en sentira responsable! On "chauffe" la Terre, comme si elle n'était pas déjà sur le feu!

        N'en déplaise à Trump et consorts, mais la domination "absolue", la suprématie de la vie animale chez les hommes, a déjà été essayée, par Hitler, et on a vu avec quel résultat! Mais on répète les mêmes comportements, faute de les comprendre et parce qu'ils nous séduisent!

        Cependant, à l'inverse de ces attitudes, il y a le regard de la personnalité dépressive... C'est le pôle opposé, qui va nous aider à trouver le juste milieu... Avec la dépression, le sentiment de soi disparaît; l'individualité devient même quelque chose d'incompréhensible, d'absurde et même de repoussant, car on n'est plus capable de lutter! Le désespoir est un poison qui travestit les idées!

        Sous son joug, on peut par exemple faire preuve d'une générosité excessive, tel Van Gogh dans le Borinage, offrant ses chaussures en hiver à des pauvres, comme si lui-même n'en avait pas besoin! Dans ces conditions, il n'est pas rare non plus d'être habité d'un message de paix (on voudrait que tout de monde sur le champ s'embrasse!), mais celui-ci nie notre soif naturelle de dominer et il reste donc lettre morte, car il est impossible de détruire l'instinct!

        Par contre, diriger la lutte, le développement de notre personnalité, vers autre chose que notre suprématie n'a rien de maladif! Au contraire, c'est un progrès, à condition déjà de se rendre compte de l'impasse de notre comportement animal! La nature nous a dotés de la conscience, demandons-lui des comptes! puisque c'est elle qui fait notre spécificité! Si elle n'était pas capable d'invention, si elle n'était que matière inerte, il n'y aurait aucune avancée ni dans les sciences, ni dans les arts, ni même ailleurs!

        Chaque jour, inventons notre vie! Ayons le courage de sonder, d'éprouver l'inconnu! Posons le pied sur des idées, pour voir si elles sont solides! Si elles s'écroulent, on restera de marbre devant ceux qui les colportent! Si au contraire elles affermissent notre pas, personne ne pourra plus nous en faire douter! Cet exercice, cette pratique et même cette aventure ne contredisent en rien la sélection naturelle... et les Républicains américains, qui voient dans le manque de libéralisme un risque de dégénérescence pour l'humanité, peuvent être rassurés (je suis soucieux du bien-être de tous...)!

        Car on comprend bien tout le poids d'un choix quotidien! Il est tellement plus facile d'obéir! et même de crier après les devoirs, les obligations d'une vie qu'on s'est pourtant empressé d'adopter, pour se sentir en sécurité! Et même de jalouser et de mépriser ceux qui paraissent plus libres, plus heureux, bien que eux aient eu le courage de braver leur peur, de mettre en péril leur domination, leur supériorité... La connaissance, la vérité sont hors des sentiers battus et demandent moins d'audace que d'humilité!

        Seul celui qui cherche peut savoir! C'est sa richesse! Et que vaut une existence qui balance entre l'ignorance et la haine? Elle n'a pas d'excuse! Si encore on avait essayé de voir plus loin que son égoïsme, comme on regarde au-delà d'une chaîne de montagne! Si on l'avait laissé là, comme un chien à la niche, et si on était revenu déçu par la "grande ville"; ainsi que les hommes eussent englouti, ignoré nos meilleurs efforts; alors là, oui, on pourrait murmurer et même maudire à l'aise, les pieds dans les chenets! Mais s'il y a bien une chose dont on n'a jamais voulu se séparer, qu'on a préservé comme une relique, c'est bien son amour-propre! On veut être au sommet sur une carte postale!

        On veut obstinément être le chef et peu importe au fond si on est malheureux! On juge, on discrédite, on a des opinions sur tout; on affirme qu'il n'y a pas de vie après la mort; on est fier de son athéisme, car on se sent affranchi; mais on n'a jamais même mis le nez dehors! On a toujours évité les courants d'air et a fortiori on n'a aucune idée de la puissance du vent, de l'infini de la vie, de sa richesse inépuisable, de sa force inaltérable, de son mystère prenant, captivant, ensorcelant, aussi profond que lumineux!

        On ne connaît rien de la peine, du désert, du silence; et même de la vaillance! On ne sait rien du désarroi, de l'abandon, de la peur! On ne voit pas la dureté du combat, ce qu'il demande chaque jour! On est dans son "fauteuil", ruminant, l'air altier dans la rue; on n'a qu'un dieu, soi-même! Et on s'éteint dans le brouillard, qu'on n'a jamais quitté!

     

     

     

  • De la révolte

    De la revolte

     

     

     

     

        J'aimerais reparler peinture, car le sujet, outre qu'il est bien entendu riche, va nous permettre de traiter de la nature de l'art et donc du fonctionnement de la conscience et donc finalement de la destinée de l'homme! "Rien qu' ça!", pourrait-on me dire, mais il nous faut nous donner du champ, pour laisser battre "nos ailes", afin de jouir du spectacle! Rien de tel qu'un petit tour dans le cosmos, qui nous fera voir dans notre ensemble, pour nous aérer et nous donner de l'énergie!

        Mais commençons par notre quotidien et comme je l'ai déjà dit dans quelques textes précédents, il existe aujourd'hui une nouvelle mode, qui est de peindre d'après photographies! A priori, c'est le résultat d'une bonne logique et on peut très bien imaginer que les peintres impressionnistes, notamment, eussent applaudi à un telle solution, en la trouvant idéale!

        Car, sur le terrain, à combien de difficultés ne devaient-ils pas faire face? D'abord, il fallait transporter le matériel et on se rappelle peut-être cette image de Cézanne, le dos courbé par le poids de son chevalet... C'était un moyen pour sympathiser avec les ânes!

        Ensuite, la technique à l'huile demande de revenir sur le même lieu plusieurs fois et à la même heure..., car on a besoin de la même lumière et on espère donc de tout son cœur que le temps ne change pas! Cela fait beaucoup, surtout à notre époque, troublée par le réchauffement climatique; mais il n'est pas possible de réaliser une œuvre à l'huile d'un seul coup! (Cependant, on peut s'opposer à cette "règle", mais le danger alors est de "salir" sa peinture par les mélanges: on n'est plus capable d'obtenir la couleur du tube, même en le vidant!)!

        Dès que les premières touches d'une séance commencent à sécher, on est dans ce qu'on appelle le "demi-frais" et continuer comporte un risque... En effet, une couche a été constituée et si on la recouvre, son huile détruira l'obstacle, pour pouvoir s'évaporer... C'est ce qui fait que la peinture sèche, mais il faut donc respecter le temps qu'exige ce processus et entre chaque couche, on est forcé d'attendre deux ou trois semaines, voire plus! Sinon, la sanction est terrible! Alors que le peintre est rayonnant devant son tableau achevé, plusieurs mois et même plusieurs années plus tard, il est en larmes, car son beau travail est craquelé comme un marais desséché!

        Enfin, la poussière contenue dans l'air se dépose sur la toile et va en ternir la couleur avec le temps elle aussi... On le voit, le peintre qui utilise l'huile, à force de ronger son frein, peut devenir la proie de tics, avant d'être accueilli avec patience dans un établissement spécialisé! Et on comprend que l'idée de peindre d'après une photographie, même pour la peinture acrylique, ait paru comme la panacée et qu'on crie volontiers eurêka devant cette façon de faire!

        Pourtant, le résultat est très étrange, car s'il est d'abord séduisant et même impressionnant, il conduit les œuvres à toutes se ressembler! Elles ont toutes un point commun, qui rend leur origine parfaitement identifiable! Elles contiennent une exactitude impossible à l'œil humain, mais qui est propre à l'objectif photographique! Et c'est d'autant plus vrai que le sujet est difficile à saisir, comme le ciel, une vague ou un reflet!

        Qu'est-ce que dit la photographie au peintre: "Tu disposes de l'éternité pour me peindre! N'est-ce pas merveilleux?" Et que répond le peintre: "Ma chère, je vais même te quadriller, comme ma toile! Ainsi, je vais reproduire chacun de tes points!

        _ Je savais que je pouvais compter sur toi!

        _ Appelle-moi Mimile!

        _ Hi! Hi!"

        Malheureusement, leur enfant a quelque chose de monstrueux, c'est cette exactitude inhumaine, cette précision digne de l'horlogerie! Et si on peut saluer la performance, où est la création?

        Peindre en plein air présentait tellement de difficultés et montrait tellement combien la nature par sa richesse dépasse le peintre, que celui-ci était forcément conduit à trouver des solutions, des "raccourcis", pourrait-on dire, qu'il ne trouvait qu'en lui! Autrement dit, il était comme poussé vers la création! Il se devait d'être inventif! (En fait, le génie synthétise...)

        Au contraire, la photographie laisse croire qu'il est possible de saisir véritablement, objectivement, le réel, la réalité! C'est faux bien entendu, car autrement la photographie ne pourrait aucunement prétendre être un art... Sa technique même transforme le sujet, produit un résultat particulier, qui s'étend notamment de la gestion de la profondeur de champ jusqu'à celle des couleurs, qui elle-même dépend de votre ordinateur et de votre imprimante!

        Mais il n'en demeure pas moins que la grande qualité de la photographie est la précision, mais pourquoi la reproduire, d'autant que la photographie qui sert de modèle n'a pas le plus souvent d'intérêt pour l'art photographique lui-même (un beau cliché est en effet très difficile!)?

        Comment peut-on se rendre esclave ou servile à ce point? Pour montrer qu'on peut faire aussi bien qu'un boîtier et son objectif? Presque toutes les peintures d'aujourd'hui l'affirment! Nous, les hommes, nous pouvons concurrencer Nikon et Canon, nous pouvons valoir à peu près 5000 euros, c'est le prix de nos vies, celui d'un appareil complet de qualité! Il ne reste plus au Noël prochain qu'à couvrir nos peintres d'un emballage cadeau!

        Pourquoi s'astreindre à ce travail minutieux de reproduction? Parce que c'est la normalité? parce qu'on comprend mieux ainsi la nature? parce qu'on veut être géographe, géologue, entomologiste ou ethnologue? N'est-ce pas plutôt qu'on a peur d'être original? parce qu'on veut rentrer dans le "rang"! avoir la caution de l'exactitude!

        Ah! Mais on désire une médaille, un prix! On veut être au garde-à-vous devant les journalistes, être reconnu, avoir sa place dans cette société juste et bonne! On se sert d'une soi-disant création pour être comme tout le monde! On est prêt pour la fête des mères! On est l'auteur d'une œuvre polie et disciplinée, et on voudrait être l'égal de quelques parias que personne n'a aimés, mais dont les noms brillent dans l'histoire de l'art et dans l'histoire tout court! On ne doute de rien!

        Mais qu'est-ce qui fait un véritable créateur? Mais c'est d'abord sa sensibilité, qui est unique! C'est elle qui lui fait comprendre les choses différemment des autres! Sinon, il n'y a pas d'originalité, de création!

        Et c'est d'ailleurs encore cette sensibilité qui met les scientifiques sur la piste de l'autisme, pour expliquer le génie artistique, car on comprend bien le danger: si la sensibilité est excessive, elle devient paralysante, voire handicapante, comme dans le cas où l'émotivité est si forte qu'elle conduit à la panique, ainsi qu'on le voit chez certaines personnes autistes!

        Et la science est d'autant plus à l'aise sur cette voie qu'elle considère que son propre génie possède un garde-fou, qui est bien entendu la preuve, fruit de l'expérience! C'est elle qui valide l'hypothèse et qui garantit à la science son objectivité, loin des brouillards de la création artistique; bien qu'elle-même n'explique en rien pourquoi apparaissent par exemple Pasteur ou Newton et qu'elle doive être changée avec le temps!

        Mais c'est comme si derrière chaque véritable artiste, il n'y avait pas un penseur de première force, qui réfléchit à son art et au sens de la vie! Comme si l'art n'évoluait pas grâce à un patient travail de la logique! Comme si ses tâtonnements n'étaient pas sous le joug de la raison! Comme si ses solutions n'étaient pas le fruit d'une analyse rigoureuse! Comme si ma chronique était dépourvue de fondements! Comme si mon lecteur ne pouvait pas se faire sa propre idée, en évaluant mes arguments!

        Que le véritable artiste soit le seul juge de son univers, c'est il est vrai une énigme, mais c'est aussi un fait! Que la science soit prompte à parler de maladie sur le sujet montre plus sa suffisance que sa pénétration! Freud, notamment établissait une nette distinction entre les scientifiques et les artistes... ; ceux-ci étant des névrosés, créant pour compenser leur pulsion sexuelle refoulée, à cause de traumatismes!

        Les scientifiques, eux, étaient des gens normaux, gouvernés par la raison et qui n'oubliaient de faire l'amour une ou deux fois par semaines, pour l'hygiène ou tout du moins pour la détente! Mais qui oserait dire aujourd'hui que les chercheurs ne sont pas également des névrosés? Et que se serait-il passé si on avait interdit au père de la psychanalyse de suçoter son bâton de chaise? Sur quelle gorge aurait-il sauter, ou plus simplement se serait-il mis à pleurer?

        Le regard de la science sur l'art révèle un hiatus bien plus profond et qui concerne la place de la conscience dans l'univers... Si on la considère comme un accident, on a forcément tendance à la voir comme une ennemie et on se tient alors avec une extrême rigueur à ce qui est objectif, c'est-à-dire à ce qui existe a priori sans la conscience (et donc sans nous!)!

        Par exemple, le généticien Jacquard déclarait benoîtement: "La beauté est une invention de l'homme!"; sous-entendu la gravitation ne l'est pas, car elle existerait (ou existe) sans lui! On imagine quelques beaux sujets pour le bac de philo: "Une chose est-elle réelle si la conscience l'ignore? (autrement dit: la gravitation est-elle une réalité pour le bousier?)" ou bien: "L'homme pourrait-il vivre dans un monde qu'il percevrait comme foncièrement laid?"

        Ce sont peut-être là des questions stériles, mais on peut encore voir la conscience comme une suite logique de la complexification de la matière et dès lors elle s'inscrit dans un ensemble plus harmonieux..., car revenons à cette sensibilité particulière et même exceptionnelle du véritable artiste!

        On comprend aisément qu'elle lui donne un regard neuf, d'autant que nous sommes tous le fruit d'une époque, qui ne voit pas bien entendu les choses comme la précédente, puisque nous profitons aussi de toute l'expérience passée! Mais le véritable artiste va être charmé par la beauté de la nature (ce qui est le cas pour nous tous, mais à des degrés divers...) et il va peu à peu chercher à exprimer sa vision, ce qu'il ressent. C'est sa personnalité qui se développe, c'est son être qui grandit et qui s'affirme; et son travail est une création, de même que voit le jour une nouvelle théorie scientifique!

        Mais si le véritable artiste se "mesure" au réel, ce n'est pas pour le copier! Cela ne ferait pas son affaire! Ce qu'il veut, comme chacun d'entre nous, c'est d'être lui-même; mais il est tellement riche que c'est un monde à part qui va naître! Son originalité est telle que la précision photographique lui paraît une diminution et qu'il considère tout enseignement de l'art comme une hérésie et même comme une souillure! Comment pourrait-on se prévaloir de connaître mieux que lui ou d'influencer ce qui en lui est de plus "sacré', de plus pur, de plus essentiel!

        Bas les pattes! Certes, il faut que le véritable artiste connaisse les bases de la technique, mais il inventera même la sienne, et qui ne sera jamais un but! Car la technique n'est là que pour servir; jamais elle ne doit être mise en avant! Et pourtant nos librairies sont pleines de livres consacrés à la technique, comme si on pouvait devenir créateur en adoptant la façon d'un autre!

        D'après le portrait que je dresse, le véritable artiste peut se voir comme un nerveux facilement irritable, et certains scientifiques en profitent pour crier haro sur le baudet! N'avons-nous pas là un beau névrosé! Mais le véritable artiste est avant tout un étranger, un paria! Son acuité, sa pénétration le place à un niveau supérieur dans l'évolution de la conscience! Il est lucide et clairvoyant, quand les autres sont aveuglés par leurs passions, leur égoïsme ou leur hypocrisie! Il est, malgré sa fragilité, une "lumière" qui éclaire les ténèbres!

        On lui en veut donc! Il provoque la jalousie et on cherche à le diminuer, à le mépriser, à le ridiculiser! quand ce n'est pas l'indifférence générale qui le broie! Il combattra pour survivre, pour faire valoir ce qu'il croit juste et vrai! Il sera souvent seul, révolté dans son coin! Il continuera contre vents et marées, persuadé d'avoir raison, sans l'appui de la science! haussant les épaules devant toute la bêtise ambiante, et les faux dieux que la société se donne, parce que ça l'arrange!

        Il connaîtra le désespoir et il supportera des souffrances, que la plupart des hommes ne soupçonnent même pas! Mais sa révolte est une chance pour l'humanité! Son témoignage, son œuvre, son regard, son analyse changeront peut-être plus nos mœurs que n'importe quelle découverte scientifique! Il nous est plus intime... et pourquoi ne pas le voir comme une sorte de mutation, qui donnerait à notre espèce une nouvelle capacité de s'adapter, afin de mieux survivre?

  • De l'Eveil

    De l eveil

     

     

     

     

        A ce stade de ma chronique, un retour en arrière me paraît nécessaire... Dès le départ, je me suis retrouvé dans un monde hostile, que je ne comprenais pas et qui me faisait souffrir. Je n'ai trouvé autour de moi aucune complicité, ni aucun secours, et c'était d'autant plus horrible qu'apparemment j'étais le seul à endurer ainsi...

        Je me suis donc isolé très tôt et je passais mon temps à me rendre justice, à donner à mes blessures une existence réelle, de sorte qu'elles puissent guérir; car il y avait toujours un doute, puisqu'on m'assurait qu'on ne me faisait pas de mal, qu'on n'avait à mon endroit nulle haine, nul mépris!

        Dans ces conditions, il est deux fois plus pénible de souffrir, car la douleur, bien que présente, semble sans raison... et il faut que la victime soit également le policier et le juge; il faut que dans son esprit elle place le bourreau devant les faits, qu'elle doit elle-même reconstituer, et c'est un travail de titan!

        Mais il n'est pas d'innocent sans coupable! Et il n'est pas de guérison sans dommages, sans peine! Si ceux-ci ne sont pas avérés, l'âme reste détruite! On comprendra alors que j'ai dû précocement réfléchir à la nature du mal, à sa logique, car il s'agissait pour moi de trouver des preuves qu'on me piétinait bien!

        N'en déplaise à la science, elle ne m'a pas donné de solutions... Pour la psychologie notamment, le mal vient des névroses, mais c'est faux! Tout au plus, nos traumatismes ou nos troubles psychiques amplifient ou même diminuent le mal, mais son origine est ailleurs et bien plus simple, comme nous allons le voir (et comme je l'ai déjà expliqué maintes fois!)

        Cependant, devant l'insuffisance de la science, j'ai dû croire encore pendant longtemps à l'explication de la Genèse, à savoir que le péché originel existait et que même le diable nous retentait! Mais l'Evolution a fini par me gagner et j'ai rejeté avec joie les calembredaines empoisonnées de la cosmogonie hébraïque! (En fait, c'est la "vérité" de l'Evangile qui nous les masque!)

        Dieu d'un coup devenait plus grand et même infini, comme il doit l'être, et je respirais à pleins poumons! Sur ma lancée, je ne tardais d'ailleurs pas à situer évidemment l'origine du mal dans le règne animal, pour des raisons que j'ai données par le menu dans d'autres textes! Mais résumons encore une fois...

        Le développement de notre personnalité est causée par notre besoin de dominer et nous sommes donc poussés instinctivement à satisfaire notre égoïsme... Voilà le mal! La civilisation est le contrôle de l'instinct par la raison, qui est elle-même nourrie par l'expérience et sa transmission, l'éducation! C'est ce qui permet la vie en société!

        La logique du mal est donc des plus élémentaires... et pourtant, sur le terrain, on ne cesse de s'interroger... Qu'est-ce qui rend le mal si aveugle? Pourquoi s'obstine-t-il? Ne voit-il pas les avertissements, la souffrance d'autrui? Il semble qu'il soit immature, que le monde n'existe que tant qu'il lui est soumis! Et c'est pourquoi je parle d'éveil...

        Apparemment, pour le mal, l'autre n'a pas d'existence propre! Le mal est tellement persuadé de sa supériorité qu'il ne voit aucun inconvénient à écraser un plus faible que lui! Celui-ci est là pour le servir! N'est-ce pas là encore un comportement animal? Le vaincu, ou celui qui apparaît tel à cause de son infériorité, doit obéir! Ainsi, le mal, en suivant un penchant naturel, n'a pas le sentiment de faire le mal et ne change pas!

        Prenons le cas d'Hitler, car "dans la partie, c'était quelqu'un"! Hitler est absolument convaincu que les Juifs sont des sous-hommes et pire, qu'ils constituent une sorte de cancer, empêchant le développement d'une Allemagne idéale! A partir de là, il décide de les exterminer totalement, comme si c'était une corvée nécessaire, sans même qu'il se sente un monstre!

        Aujourd'hui, évidemment, quand nous voyons des images des victimes des camps de concentration, nous sommes horrifiés; nous nous demandons comment il est possible d'en arriver là! Mais au quotidien, la majorité d'entre nous agit comme Hitler, avec le même mépris pour le monde, sauf qu'on reste dans le cadre de la loi!

        J'exagère? Voyons cet exemple que j'utilise souvent, car il nous est très familier, celui de la file d'attente à la boulangerie. Vous patientez pour avoir votre pain, quand subitement vous sentez une présence derrière vous... Vous la sentez parce qu'elle est oppressante, elle a l'air de vous dire: "Maintenant, il faut faire vite, car je suis là!"

        Comment se fait-il que la personne qui vient d'arriver ne calme pas son impatience, car comme chacun vous avez droit au respect... Pourquoi ne vous voit-elle pas comme un être humain à part entière? Vous pourriez susciter sa curiosité; elle pourrait se demander qui vous êtes, ce que vous faites, si vous êtes timide, etc.! Elle serait alors sur le chemin de la connaissance de l'humanité (et donc d'elle-même)!

        Mais elle fait preuve au contraire d'une tension, d'une agressivité, qui ne sont que le reflet de son égoïsme et des craintes qui lui sont attachées, comme celle de ne pas être assez respectée! On méprise donc par peur que l'autre en fasse autant! Voilà qui peut donner matière à réflexion..., mais rappelons que l'immaturité est un trouble, une incapacité à discerner, un brouillard même, un voile, comme nous allons le voir...

        Toujours est-il que de cette façon, on commande le monde à la baguette (normal, me direz-vous, dans une boulangerie)! On impose son rythme, la force de ses appétits: les autres ont intérêt à marcher droit! Un tel état d'esprit n'est possible que si on se sent au-dessus du voisin, plus important que lui; comme si on était d'une race supérieure... Mais ce n'est ni plus ni moins que de l'hitlérisme policé!

        C'est encore la tyrannie du bébé, mais sans l'excuse de l'innocence! Et on peut se demander comment arracher l'individu à ses "langes", afin qu'il prenne véritablement conscience de l'autre, de sorte qu'il évite de lui faire du mal! Pour répondre à cette question, il convient d'examiner exactement les raisons qui empêchent le développement, la croissance du plus grand nombre. 

        D'abord, notre amour-propre connaît normalement des hauts et des bas, parce que tout ce qui existe fait l'objet d'une maturation et nous devons donc traverser des périodes de doutes, et d'inquiétudes, qui sont forcément empreintes de tristesse... On doit alors faire preuve de patience et de persévérance, mais la solitude ne paraît jamais autant insupportable que dans ces conditions, car notre vie nous semble à charge et on voudrait s'en "débarrasser", en la mêlant à une autre!

        Et quoi de plus naturel a priori! Deux individus ne sont-ils pas plus forts qu'un seul? Et n'est-ce pas rassurant de rejoindre l'ensemble, de faire comme tout le monde? L'écrivain Hermann Hesse va même plus loin, en disant dans Le loup des steppes qu'il est bon d'obéir! Et en effet, nous voilà dans la vie comme dans un train, sans la nécessité d'utiliser notre cerveau!

        Mais ne devrait-on pas plutôt réduire, voire supprimer le besoin ou l'envie de se fuir soi-même, de s'échapper de soi; car si nous ne pouvons pas tout le temps être heureux, il y a des raisons pour que nous soyons plus ou moins malheureux! Qu'est-ce qui peut nous rendre dépendant de l'alcool, de la cigarette et même de la nourriture, si ce n'est le sentiment de notre fatigue, de notre usure, de notre peine?

        Il s'agit donc d'abord de se pacifier entièrement! Ne plus lutter contre nous-mêmes étend notre indépendance! Car pourquoi vouloir sortir de chez soi, quand on y est bien? Et je rappelle notre but: prendre la plus grande conscience de l'autre..., mais comment songer y parvenir, si une partie de nous-mêmes est éteinte ou remplacée par une pratique collective, d'autant que la société, au fond, n'est rien d'autre qu'un aménagement de l'instinct de domination?

        La guerre en effet ne s'arrête jamais! Les uns cherchent incessamment à dominer les autres, mais la civilisation fait croire le contraire, en changeant les armes en objets de consommation! en appelant le chef président, préfet ou docteur! Mais c'est à qui aura la plus belle voiture, les plus beaux bijoux, la plus grande maison, le poste le plus important, etc., pour en imposer aux autres!

        C'est un progrès, me direz-vous, qui évite le sang! Certes et il a fallu aussi beaucoup de temps pour que nul ne soit plus considéré comme un esclave! Et pourtant, nous continuons à mépriser notre prochain tous les jours et même nous le jalousons et voulons le détruire! Car ceux qui se sentent les plus dominants n'agissent pas moins que comme les chiens d'un troupeau!

        Ils montrent les dents dès qu'ils se croient menacés, dès qu'en réalité leur dominance ou leur orgueil n'est plus reconnu, flatté! Et c'est ce qui arrive à chaque fois que la nouveauté, le changement se présentent! Et c'est ce qui arrive à chaque fois qu'apparaît un sage, qui est toujours un étranger aux yeux des tyrans!

        D'ailleurs, notamment, il ne faut pas chercher plus loin le pourquoi de la condamnation de Jésus! Avancer, comme quelques scientifiques, que celui-ci est mis à mort, parce qu'il dénonce la corruption de certains prêtres, est de l'enfantillage! De même, soutenir, comme Scorsese, que le même homme est victime de sa seule névrose est de la haute fantaisie!

        Le rapport de forces entre les individus est bien réel et bien cruel! Le véritable artiste, qui peut être considéré comme un sage, puisqu'en nous tournant vers la beauté, il nous invite à nous dépasser...; celui-là n'aura le plus souvent qu'à affronter l'indifférence, mais celle-ci est également destructrice...

        Enfin, nous voilà devant les trois raisons qui empêchent l'Eveil de la majorité:

        1) Faire comme tout le monde, c'est la sécurité!

        2) On se débarrasse de soi, en se diluant dans la multitude!

        3) Les dominants sont hostiles au changement!

        Pourtant, le but de nos vies est le développement de notre personnalité! La mort n'est-elle pas l'individualisation ultime? Elle met un sceau sur notre unicité! Notre histoire se termine et nous ne reviendrons plus! Personne dans le passé ni dans l'avenir n'a eu et n'aura le même parcours! Et même si nous vivons en couple, c'est bien notre personne qui doit faire face aux étoiles! Nous entrons seuls dans l'éternité!

        Comment peut-on alors limiter la vie au sentiment du pouvoir, à la dominance, à la satisfaction de l'amour-propre, puisque nous disparaissons? N'est-ce pas comme jouer une pièce de théâtre, par peur de l'inconnu et de la nuit noire? Notre jalousie et notre haine ne nous mettent-elles pas comme dans un cachot? Nous murmurons, nous gémissons sur la paille, en dédaignant la lumière qui y tombe!

        Il y a là comme un paradoxe: nous voulons vaincre, briller, donner à notre personnalité tout son éclat, et nous voilà esclaves de notre soif de dominer! Je connais des gens qui se sont empressés de se fixer un boulet au pied et qui ne finissent pas de s'en plaindre!

        Ah! Mais notre égoïsme a la force de l'instinct! Il nous tient, nous mène et nous aveugle! Nous tirons l'épée dans le brouillard! Nous suons sang et eau sur des ponts de singes!  Nous succombons en tombant d'une chimère!

          Au contraire, l'Eveil nous délivre, nous libère! Sa clé, c'est reconnaître notre instinct de domination et de comprendre pourquoi il ne peut pas être notre futur, parce qu'il ne peut que nous conduire à la tyrannie! A partir de là commence véritablement l'aventure humaine! Le reste n'est qu'une histoire d'animaux sophistiqués! L'homme n'est vraiment créateur que du moment où il atteint un degré supplémentaire de conscience!

       Mais baste! J'ai déjà dit tout cela dans une autre forme et je ne dois pas m'attendre à ce que le monde change à ma vitesse, à mon échelle! Demain, à la boulangerie, on se plantera de nouveau derrière moi et on me fera sentir toute son immaturité, toute sa tyrannie! "Encore un bébé!" penserai-je, mais si c'est une femme, je pourrai me retourner vers elle, en lui demandant d'une voix métallique: "Sarah Connors?"

        Vous connaissez la suite...

     

     
     
     
     
     
     
     
     

  • Sur le foot

    Sur le foot

     

     

     

     

     

        Le Mondial 2018 bat, paraît-il, des records d'audience et a priori quoi de plus normal, puisque c'est un événement hors du commun et que le football est un jeu aussi populaire que spectaculaire?

        Mais, à bien y regarder, quelque chose de plus sombre apparaît et nous allons voir que la façon dont nous percevons les résultats des matches en dit long sur ce que nous sommes!

        Cependant, pour bien comprendre ce qui va suivre, il nous faut comme souvent revenir d'abord aux bases, aux fondamentaux, comme disent d'une voix rocailleuse les rugbymen!

        De quoi avons-nous besoin? Quelle est notre essence, notre aliment principal? Il y a bien sûr la nourriture et le sexe, mais même ces besoins sont quasiment sous la tutelle d'un autre (et c'est déjà valable chez les animaux!), je veux parler de notre besoin de dominer!

        Ceux qui lisent régulièrement cette chronique voit bien de quoi il s'agit et ils peuvent trouver que je rabâche, mais on ne le dira jamais assez: ce qui est vital pour nous, c'est que nous ayons eu dans la journée l'impression que nous avons de la valeur, que nous avons avancé, que la vie ne nous a pas "abandonnés"!

        Autrement dit, il est impératif que notre amour-propre, ou notre égoïsme, ou notre orgueil, ou notre vanité (car tous ces termes recouvrent la même réalité!), soient d'une quelconque manière satisfaits, nourris!

        Sinon, c'est la maladie, la dépression, le désespoir qui s'emparent de nous..., au point que nous perdions le goût de manger ou de faire l'amour! Voilà pourquoi notre domination ou notre amour-propre ont priorité! C'est notre instinct fondamental, bien que sans les autres nous ne puissions vivre, et il est à l'origine, il est le foyer de notre développement personnel! C'est la flamme de notre individualité, avec les risques de brûlures ou d'incendie évidemment!

        Mais dès que nous comprenons cela, alors notre attrait pour les sports et le foot en particulier s'explique aisément! La performance, la victoire sportive flatte notre amour-propre, donne de l'importance à nos existences (même si c'est par procuration); elle nous répare, nous console, nous enchante!

        Le pays qui gagne se réveille le lendemain avec de l'élan, de l'entrain: il semble approuvé dans son mode de vie, dans ses choix, dans son travail! Tandis que celui qui perd se lève avec la gueule de bois, comme on dit; il est amer, en proie aux doute, aux idées les plus sombres; l'avenir lui paraît incertain, inconsistant; son chemin de croix continue!

        Et ceci n'est jamais aussi vrai que quand il s'agit du football! C'est le jeu démocratique par excellence, à cause du peu de moyens qu'il demande et de la simplicité de ses règles! D'ailleurs, pour moi, les véritables jeux olympiques ont toujours été le Mondial: le drapeau y est représenté infiniment plus nettement que dans la myriade des jeux qui sont censés symboliser l'olympisme et qui sont par leur complexité le domaine des plus riches (presque toutes les médailles sont pour une dizaine de nations!) Le Mondial est vraiment la fête de tous les pays, même s'il y a une présélection!

        Mais qu'il y ait une audience record pour l'édition 2018 montre aussi combien notre amour-propre est exsangue, asséché, assoiffé! Nous paraissons comme des naufragés qui touchent enfin un rivage, alors que celui-ci n'est qu'un jeu, un plaisir et même une mascarade sous bien des aspects, et même aussi, nous le savons, une gigantesque "machine à faire de l'argent", notamment par la publicité!

        On peut encore rajouter que les politiques se félicitent probablement que "quelque chose" nous occupe et nous distrait de la conjoncture ou de leurs mesures impopulaires... et ils peuvent certainement, à l'occasion, nous traiter de "couillons" (même si eux-mêmes de plus en plus se montrent intéressés et voient comment utiliser l'événement!)

        Plus nous avons l'air, devant la télévision, de recevoir du pain après une forte privation et moins nous semblons maîtres de nous-mêmes, forts, matures, sereins! Nous sommes faibles quand nous sommes dépendants et comment se fait-il que nous n'ayons rien d'autre pour nous faire tenir debout, nous rendre heureux et confiants? Car il faut bien le reconnaître, beaucoup de choses déplaisantes accompagnent également le Mondial...

        Comment ne pas être pris de dégoût devant certaines attitudes, qu'elles soient celles de joueurs ou de supporters? La passion mène à des comportements animaux, d'autant que l'alcool s'y mêle! Spectateurs, nous fermons les yeux devant certaines injustices, quand elles nous sont favorables... Nous approuvons en secret quelques haines... Nous sentons en nous la bête prête à bondir!

        Et que dire de ceux qui ont voix au chapitre! Journalistes, consultants, critiques laissent libre cours à toutes leurs humeurs, à tous leurs jugements! Ils s'étrillent, se déchirent, ils bavent sous le coup de la colère; comme les philosophes du Gil Blas, au sujet du sens de la vie; ce qui est, il faut bien le dire, l'un des sommets du ridicule!

        Et comment ne pas être las et même honteux de voir à quelle tension on peut arriver dans certains matches! Si la Syrie pouvait recueillir le dixième de notre intérêt, elle serait sauvée! Que l'on ne se trompe pas, je ne fais pas le procès du football, mais de ses excès, dont nous sommes responsables! Il est bon que notre amour-propre ne soit pas affamé et que nous sachions le "tenir en laisse"! Ainsi, nous pourrons garder de la mesure, ne pas nous laisser aller dans la laideur et le mal n'aura qu'à bien se tenir!

        Mais j'ai dit que la façon dont nous recevons l'événement en dit long sur nos personnalités, et c'est évident, c'est notre amour-propre qui parle, qui se révèle! L'avis sur un plat fait voir le mangeur, ses goûts, son appétit et même sa santé!

        Il y a d'abord ceux qui sont totalement indifférents, qui vous disent: "Oh! Moi, le football, ça n'a jamais été ma tasse de thé!" On voudrait bien les croire, mais cela voudrait aussi dire que leur amour-propre a trouvé une toute autre nourriture, qu'ils n'ont nul besoin d'une victoire même sportive, qu'ils sont apparemment absolument insensibles à tout triomphe de leur pays!

        Cela ne se peut évidemment, car même si on préfère un autre sport, on ne peut pas ne pas tendre une oreille vers la performance, d'où qu'elle vienne! L'esprit de compétition ramasse même les miettes! Et, en définitive, l'indifférence marquée, radicale, cache malheureusement une monstruosité! 

        Il y a des individus qui ne sont intéressés que par eux-mêmes, au point que tout le reste, absolument, les laissent de marbre! Si ce n'est pas quelque chose qui sert directement leur nombril, ils ne réagissent pas! Ce sont des gouffres et ils se mettent si haut qu'il leur est impossible de se réjouir par procuration, ni de se nourrir du succès d'autrui!

        Ils sont seuls et asséchants! En dehors d'eux, rien n'existe! Ils attendent perpétuellement ce qui flattera leur personne et ils ne font qu'absorber et ne donnent rien! A fuir sans regrets!

        Ensuite, il y a ceux qui sont hostiles, qui condamnent l'événement avant même qu'il commence! Leurs critiques prennent le contre-pied du contentement général, de la fébrilité de tous, comme une douche froide! Ainsi la présentatrice, Anne-Sophie Lapix, dit en plein journal télévisé: "On va pouvoir regarder les millionnaires taper dans un ballon!"

        Cette remarque n'est pas dénuée de fondements, mais elle est trop acerbe, trop radicale, pour être juste et constructive! En effet, un peu plus de lucidité montrerait qu'un footballeur de vingt ans est surtout préoccupé par sa passion... Qu'il soit riche à outrance est secondaire et même abstrait pour lui!

         Mais quand la critique est trop vive, elle n'est pas le signe d'un équilibre, mais plutôt d'un égoïsme souffrant, avide et frustré, qui attire l'attention sur lui par sa marginalité et son apparente fermeté! Mais il ne sert à rien de débattre avec lui, car c'est un mur et son propos n'est qu'un prétexte, qui masque la plaie qui saigne et que nul compliment ne peut soigner! Seule l'eau de la sagesse peut apaiser notre amour-propre!

        Puis, il y a les pessimistes! ceux qui traînent les pieds, malgré l'enthousiasme ambiant! Ils cultivent le doute, l'embarras, l'objection! Ce sont des éteignoirs, qui grimacent sous l'effet de leurs craintes! Jamais ils ne sont confiants, rayonnants et ils sont même prêts à parier contre leur équipe, pour ne pas espérer, ce qui les ferait souffrir, mais aussi pour exprimer leur dégoût, ce qui les rend supérieurs!

        Et pourtant ils "boiront" la victoire avec délices, comme les autres; mais sans le montrer, cherchant déjà de nouvelles plaintes, de nouvelles restrictions, pour être encore le centre d'intérêt! Car eux aussi se sentent lésés, mais ils sont plus dolents, plus mous que les précédents!

        Leur égoïsme est plus trouble, c'est une matière visqueuse, qui englue celui qui s'y laisse prendre! Là encore, nul remède, sinon la sagesse; mais comment appeler quelqu'un à l'autre bout de l'Univers? Il est des gens obstinés, que les rapides emportent et qu'on ne peut raisonner!

        Enfin, il y a le supporter exubérant! Quand son équipe gagne, il exulte; sa joie retentit dans toute la ville! Mais si c'est la défaite, alors il est plein de tristesse ou de colère, et il demande que des têtes tombent!

        Son amour-propre est sans nuances, mais il n'a pas non plus de hauteur, et curieusement ce supporter-là, quand tout le monde est amer, remet les choses en place... Il dira par exemple que les premiers déçus, ce sont tout de même les joueurs... La simplicité est parfois bien plus sage que l'intelligence!

        En tout cas, on le voit, moins nous contrôlons notre amour-propre et plus nous blessons le monde et pesons sur lui! plus nous rendons la vie des autres difficile, et la nôtre également, par voie de conséquence! Mais encore, moins nous sommes libres, placés dans un état de dépendance!

        En effet, plus l'amour-propre est avide et même fragile et plus il a besoin de nourriture, plus il lui faut de "petites victoires", de compensations, de flatteries; toutes choses qui permettent de se sentir un peu plus important, un peu plus "existant"!

        On le redit, mais que le Mondial soit accueilli comme de l'eau dans le désert n'est pas une bonne chose, car cela laisse lieu à de l'agressivité, de l'intolérance et à beaucoup de bêtise aussi! C'est un tohu-bohu qui ne fait pas grandir! Les sentiments y sont pêle-mêle et amènent souvent des regrets!

        L'amour-propre doit veiller à son indépendance, s'il veut éviter le mal et même garder sa santé! Car, notamment, comment peut-on espérer se séparer de l'alcool ou de la cigarette, tant qu'on recherche obstinément des satisfactions rêveuses, à se mettre en scène... L'introspection peut devenir une sorte de culte..., mais c'est surtout sans fin! En tout cas, nul fumeur ou nul buveur ne peut sérieusement parler de liberté!

        Notre besoin des autres est encore lié à notre amour-propre... Bien sûr, il y a le sexe qui nous rapproche d'un partenaire, mais, si on y regarde bien, c'est bien plus notre amour-propre défaillant et pauvre qui nous entraîne dans ces moments-là, car il rend notre solitude absurde et même insupportable!

        Il nous faut parfois à tout prix quelqu'un et dans le pire des cas n'importe qui! Malheur à celui ou celle qui ne sondent jamais son amour-propre ou sa soif de dominer... Il recommencera les mêmes erreurs, produira les mêmes blessures et sera toujours plus désolé!

        Il est bon de se contraindre, et même de tâter de la solitude... Il s'agit de trouver une "nourriture" qui rend indépendant et qui doit être différente de celle que notre amour-propre a priori apprécie... Elle doit être plus haute et plus large!

        Cela pourrait être le sommet de l'orgueil, remarquez...; si cette même nourriture n''était pas la sagesse, qui est elle-même dépourvue d'égoïsme! Elle est tournée vers les autres, dans le sens qu'on veut vivre mieux ensemble (on sait déjà le prix du triomphe personnel!)

        Le sage aime la vie, comme un navigateur solitaire ou un alpiniste... Il attend d'elle des vérités et c'est la récompense du risque! Dès qu'il sent une dépendance, il s'en méfie, il cherche à s'en défaire...

        Il explore alors son amour-propre et conquiert sa liberté!

  • De la jalousie

    De la jalousie

     

     

     

     

     

        Rien n'est plus lénifiant, ni même consternant, comme de lire la presse! Les faits s'y succèdent apparemment sans raisons, comme si nous n'étions que des vaches, broutant chaque jour; pendant que la mort nous "gobe" les uns après les autres, dans un monde qui nous serait au fond étranger!

        Mais n'est-ce pas ainsi que vit le plus grand nombre, l'ensemble de la société?

        Certes, nous sommes "forts en gueule", nous nous voulons acteurs, et nous croyons réellement à notre importance, mais nous subissons plus les événements que nous les comprenons; nous sommes tout de surface et nous n'avons pas plus de poids que des ballons qui s'envolent!

        Finalement, la société n'est pas plus fortement attachée à la réalité qu'une toile d'araignée à un mur! Sa vie est celle du souffle qui soulève le voile arachnéen et elle semble ainsi "être à son affaire", mais elle ignore ce qui la motive au plus profond, comme l'insecte ne voit pas les nuages, qui annoncent le vent qui pourrait détruire son abri!

        Je prends un exemple... Je lis dans le journal: "Collision frontale entre deux véhicules, sur la route dite des..." Une photographie montre la violence du choc, car une des voitures n'a plus de moteur! Heureusement, il n'y a que des blessés légers, mais c'est quasiment un miracle!

        Imaginez maintenant à la une: " Aujourd'hui, montée d'angoisse et risque accru d'accident!" Dans l'article, on ferait appel à la prudence, de même qu'en cas de verglas! Car nous savons, ici, que notre moral n'est pas unique, qu'il est partagé par les autres plus ou moins chaque matin, et qu'il est sous l'influence de la quantité de lumière, de la température, de la pression, de la saison...; autant de facteurs que la science (dès qu'elle commencera à travailler) pourra déterminer avec précision!

        Si on voyait les choses ainsi, on arriverait à mieux se comprendre; on serait sur le chemin des grandes lois qui nous régissent; sûrement pas encore avec le flair d'un chien de chasse, mais on aurait au moins l'air un peu plus digne, comme un commandant qui regagne son bord et donc ses responsabilités, après une regrettable nuit de beuverie!

        Cependant, comme on approche du soleil, on approche de la vérité et déjà certains auraient l'encolure qui les démangerait... L'hypocrisie en effet est comme un âne qui refuse d'avancer... Quoi? Reconnaître qu'on peut, que tout le monde même peut être sujet à l'angoisse? Mais ne vaudrait-il pas mieux se pencher sur l'énigme du saint suaire, puisque nous avons l'air décidés, hein?

        L'orgueil empêche le progrès, la connaissance! Il est une façade de théâtre que l'on veut impeccable! C'est une affiche du bonheur portée par des morts! C'est la vitrine de Noël qui cache le taudis! "Messieurs, l'orgueil meurt, mais ne se rend pas!"

        L'orgueil n'avouera jamais son malheur, ses peurs, car il devrait reconnaître son impuissance, sa faiblesse, son ignorance! On peut lui chauffer les pieds, c'est un monstre de glace! Et il n'a qu'un seul destin, c'est d'être marié à la réussite!

        Pourtant, son origine est des plus simples... Il n' a pas, comme le suggère la Bible, la marque de Belzébuth sur le front! Il vient bêtement de notre instinct de domination, qui lui-même, bien qu'ignoré de Freud (comme on voit la lune et pas le soleil!), est le fruit de l'évolution!

        Vouloir dominer, être supérieur, nous érige évidemment en guerrier tout puissant, ou en reine implacable! Notre orgueil trouve là sa raison d'être, son auberge, où il sera traité comme un coq en pâte, à côté de l'égoïsme, de la vanité ou de l'amour-propre, car tout ce beau monde constitue la même chambrée et ronfle à l'occasion tout son soûl!

        Mais imaginez encore que tout le monde finisse par comprendre que la domination qui nous mène fait de nous des tyrans et que c'est cela le mal qui nous éloigne du bonheur! Ne pourrait-on pas alors rêver de la scène suivante?

        Le maire d'une grande ville arpente son bureau: " Je veux évidemment que ma ville se développe, soit la plus dynamique et même la plus belle! Mais quelle est la part de mes ambitions personnelles dans mes projets d'urbanisation, car détruire la nature plus qu'il est nécessaire, c'est aussi nous condamner?"

        Ce serait là un véritable travail de discernement, qui témoignerait d'une élévation générale de la conscience et qui éviterait sans nul doute des situations empoisonnées, comme celle de Notre-Dame-des-Landes! Un maire mâture provoquerait une discussion infiniment plus saine et n'aurait aucune peur d'exposer ses arguments! Il serait sûr de son fait et d'ailleurs il pourrait juger de son honnêteté, par son calme, à mesure que se dresserait l'opposition, car notre égoïsme est bien plus sensible que notre sentiment de la vérité! On se regarderait enfin!

        Imaginez toujours Macron disant à Trump: "Nous savons que vous êtes un tyran... Non! Ne montez pas sur vos grands chevaux! Ecoutez-moi jusqu'au bout! Ce que je veux dire, c'est que vous prêt à tout pour qu'on parle de vous, pour que vous soyez la vedette! Et c'est ce qui explique pourquoi que vous avez rejeté les accords de Kyoto, ceux établis avec les Iraniens et que vous avez installé votre ambassade à Jérusalem! Nous comprenons cela, mais pas au prix de faire des morts (50 terroristes selon l'ambassadrice israélienne de Bruxelles!), ni de menacer la paix mondiale!"

        Hein, ce serait mettre Trump au pied du mur..., ce serait le responsabiliser, le faire grandir; lui qui, avant d'être président, participait à des shows télévisés, où il adorait dire à de pauvres candidats: "Vous êtes viré!"

        Imaginez enfin que tous hors de chez nous, nous pensions: "Dominer ne servant à rien, qu'est-ce que je peux faire? Mais je peux me montrer curieux de mon prochain, et même prévenant avec lui, car plus je lui faciliterai la vie, et plus la mienne sera libre et agréable elle aussi!" Nous aurions alors de véritables êtres humains dans la rue! Et ce serait encore mille fois mieux que dans la chanson de John Lennon!

        Mais non, nous ne voulons pas de l'évidence! de la vie au grand air et du soleil! Nous ne voulons pas de la santé, de l'avenir, du changement et de l'espoir! Bien au contraire! Ce que nous voulons, c'est vivre comme des rats! d'affreuses araignées! sous le joug de notre instinct, de notre orgueil, de notre amour-propre! Ce que nous adorons, ce sont les sentiments bien sales, c'est notre petite cuisine poisseuse, nos machinations, nos calculs d'usuriers, nos victoires de demi-sel!

        Et l'un des poisons que nous goûtons particulièrement, c'est celui de la jalousie! Il nous saisit, nous fige, nous ferme, nous fait bouillir et de la marmite monte la haine, l'envie de détruire!

        Et c'est le mépris qui est notre arme de civilisés! Le dégoût, l'indifférence, le dénigrement sont destinés à rabaisser, à blesser, à nous conserver dans une position supérieure, car il est inutile de dire que plus nous cherchons à dominer et plus nous sommes susceptibles de jalousie!

        Mais les hommes heureux n'envient personne (sinon ils ne seraient pas satisfaits!)! Et ici les bras m'en tombent! Je connais des gens qui ont tout ce qu'on peut espérer, qui possèdent le paradis aux yeux des plus pauvres, qui gagnent bien leur vie, avec un travail intéressant; qui vivent en famille dans une belle maison et qui pourtant sont capables de jalousie, de la haine la plus sombre!

        Mais alors qu'est-ce qu'il leur manque? Pourquoi ne sont-ils pas épanouis? Qu'est-ce qui pourrait les rendre heureux?

        Pour le savoir, il faut se demander ce qui déclenche leur jalousie... et c'est toujours la même chose, c'est la liberté, la joie, le plaisir que semble ressentir en plus l'autre! Mais pourquoi ne pas s'en réjouir pour celui-ci? Eh! C'est que cette satisfaction qui émane de l'autre nous enlève a priori de notre pouvoir, comme si on comptait subitement moins, comme si notre route était moins importante ou moins bonne!

        L'air nous manque à présent et la haine nous remplit, aussi sûrement que si nous étions une bouteille sous un robinet!

       Mais pourquoi alors ne pas courir vers l'autre, vers celui qu'on envie, pour lui demander comment il fait, quel est son secret, sa méthode, celle qui le fait si radieux, si à l'aise, si libre?

        Eh! Mais c'est que l'orgueil nous retient, nous ceinture, nous dit que nous sommes fous, ainsi qu'on voudrait se jeter à l'eau! L'orgueil est l'ami sournois, apparemment dévoué, mais qui dans le fond ne nous aime pas, en voulant notre perte!

        Reste qu'on pourrait tout de même faire taire la haine en nous, car c'est un sentiment laid, destructeur, indigne de nous-mêmes, et on pourrait se consoler en se remémorant les qualités qu'on possède, l'évolution que nous savons être la nôtre! Du moins, ainsi serait-on sur le chemin de la sagesse, puisqu'on contrôlerait l'instinct!

        Mais non! La plupart ne voit aucun inconvénient à leur jalousie, leur mépris, comme s'ils étaient un droit! Leur dominance leur paraît si légitime, leur orgueil si important qu'ils ne pensent même pas une seconde à se remettre en question! Ils blessent, ils détruisent en toute impunité! Ils créent un enfer pour eux, comme pour les autres, et ils sont tout étonnés de leur malheur, car les années passent, sans leur apporter de solutions, mais au contraire la maladie et le désenchantement s'installent! Et on finit par rejoindre le domaine des vers, ou on part en fumée, non sans avoir maudit la vie et les autres tous les jours, et on pourrait conclure ainsi: une taupe rejoint sa famille, ou du vide l'atmosphère!

        Mais même d'exposer que la jalousie révèle un manque de joie, un échec, est impossible! Car immédiatement tout le monde est parfaitement heureux, équilibré, sans haine et on vous demande si vous n'avez pas rêvé, si vous n'êtes pas vous-même paranoïaque, pour soupçonner chez les autres un sentiment aussi vil, aussi dégradant que la jalousie! Et vous voilà comme David Vincent, dans une petite ville du désert! On vous regarde avec commisération, alors que vous savez chacun dans l'impossibilité de bouger son petit doigt, signe que tous sont des extraterrestres, venus pour détruire la Terre!

        Face à l'orgueil, il ne vous reste plus qu'à reprendre la route, avec le secret espoir que vous arriverez, un jour ou l'autre, à en convaincre d'autres; qui se mettront en marche, vers un monde meilleur!

        On comprend aussi pourquoi les hommes ont toujours cru qu'il y avait comme une sorte de damnation en nous..., car nous pouvons tous être le témoin de l'impasse dans laquelle nous conduit l'orgueil!

        Pourquoi cet acharnement, cette fermeture, ce gouffre? Comment expliquer une telle persévérance dans la nuit, l'ignorance et le mal? La seule solution qui me vient à l'esprit est que le tyran n'est pas développé, qu'il est encore un bébé dans ses langes!

        Rappelez-vous, le bébé crie et ses parents accourent normalement pour le satisfaire... et n'est-ce pas ainsi que fonctionne la jalousie? En blessant de son mépris ou en affichant son dégoût, ne fait-on pas tourner le monde autour de soi, comme si les autres n'avaient pas d'existence propre, ni droit au respect? N'est-on pas ainsi le centre de l'Univers, la seule personne qui compte? Ne reprend-on pas le pouvoir?

        Je crois que si... et le tyran vit encore dans l'illusion qu'on peut triompher sur les autres et que c'est cela le bonheur! Si seulement, il pouvait regarder autour de lui! voir qu'il ne mange en fin de compte que des cailloux, que sa peine est sans fin, sa soif inaltérable et que le chemin de la domination n'est qu'un immense désert!

         Et le sage doit affronter cet obscurantisme désespérant! Mais apparemment nous ne vivons qu'en lutte...

        "A la gare, il y avait trois cache-poussière... et dans les cache-poussière, il y avait trois balles!

        _ Non! l'Harmonica! Non! C'était pas mes hommes! Mais surtout pas de fausses notes, hein, l'Harmonica!

        _ Zzzzouitt! Comme celle-ci?"

       

  • De la marche

    De la marche

     

     

     

     

     

        La marche est peut-être ce qui nous permet le mieux de comprendre ce que nous sommes et le montrent, bien que sans le vouloir, ceux qui prennent inconditionnellement leur voiture, qui ne savent plus marcher et qui constituent le tumulte du trafic.

        En effet, la conduite, même si elle est sérieuse, est d'abord un jeu, avec ses règles, et l'automobiliste qui prend les commandes de sa voiture est aussitôt rassuré! Il intègre un fonctionnement reconnu par tous; il a un rôle qu'il peut élever jusqu'à la virtuosité. Sa place dans le monde ne fait plus aucun doute!

        Mais la connaissance de soi est ainsi amputée... Elle perd ce que la conduite offre... Elle gagnerait à s'étendre dans l'inconnu... et ce n'est pas par hasard que tant de gens évitent de marcher, ont recours à leur véhicule..., car conduire sécurise, tandis que marcher fait peur!

        On voit aussi, par cette simple observation, combien il est impossible de lutter efficacement contre le réchauffement climatique, sans un changement profond des mentalités; car bien entendu le trafic pollue, d'autant qu'il n'obéit pas à la seule nécessité!

        Marcher est sans média et n'est que le fruit du corps, qui n'est lui-même que le fruit de l'esprit, et comme on pense, on marche!

        Autour du marcheur, il n'y a plus le cadre métallique de la voiture, ni ses commandes, ni son confort... Toute son attitude est alors le reflet de son "âme", de son équilibre, et chacun peut l'observer, quasiment comme s'il était mis à nu!

        On comprend que le plus grand nombre craigne cet effort, cette position...

        Cependant, toutes nos pensées influent sur notre pas, mais c'est aussi le pouvoir du regard des autres. La marche a donc deux niveaux: l'un extérieur et l'autre intérieur, en nous!

        Ce sont deux "sources" qui communiquent, qui se répondent: ce que vous êtes fait réagir et vous positionne à votre tour!

        En voiture, l'échange est pauvre, souvent agressif, car la conduite éprouve les nerfs et la carrosserie masque autant qu'elle protège!

        Notez que le succès du SUV n'est pas innocent... Ce véhicule est une berline habillée en tank, ou l'inverse!

        La marche au contraire calme, mais rend forcément plus vulnérable... L'esprit en effet n'a rien de métallique et sa fluidité n'est plus à démontrer!

        Cependant, cette exposition elle-même conduit à une communication plus riche avec les autres... Ce que nous percevons d'eux et sur nous est forcément plus prégnant et plus révélateur aussi! Le mensonge n'a plus de protection et ne résiste pas au regard!

        Quand les hommes (et les femmes) se croisent, ils comparent leur présence au monde: sont-ils forts, séduisants? sûrs d'eux-mêmes? dominants ou dominés? heureux ou malheureux? perdants ou gagnants? On se jauge en un coup d'œil, puis on s'éprouve...

        Mais avant d'aller plus avant, il vaut mieux d'abord considérer le niveau intérieur de la marche, c'est-à-dire le fonctionnement de notre esprit!

        Comme nous sommes exposés, c'est bien sûr notre fragilité, notre perméabilité qui se signalent le plus intensément... et notre tête est une véritable passoire! Cela peut paraître une évidence, mais nous allons voir qu'il n'en est rien pour la majorité!

        En réalité, tous nos traumatismes, toutes nos blessures constituent autant de "trous" dans notre cervelle! Et c'est par ces "trous" qu'entrent et nous pressent nos peurs, nos phobies! C'est par eux que murmurent, parlent et même crient nos névroses!

        Un exemple... Si je suis fatigué, j'ai parfois l'impression que quelqu'un arrive derrière moi et va me bousculer. Cela vient sûrement de mon enfance pleine de tension, de heurts, de drames aussi!

        On m'a si souvent tourmenté que j'en porte forcément l'empreinte et dès que j'ai ce sentiment gênant, qu'on vient à grands pas dans mon dos, ma marche évidemment se tend, se contracte et je finis même par m'écarter, en me rapprochant des façades... Il me faut faire un petit effort pour me retourner et constater encore une fois que j'ai été victime de mes nerfs... ou d'un fantôme!

        Mais, ainsi, chacune de nos pensées commande notre pas et même tout notre corps! C'est notre psychisme qui nous tient comme une marionnette, qui nous redresse ou au contraire nous affaisse! Evidemment, notre condition physique, si elle est bonne, pourra nous aider d'autant... Celui qui a du souffle sera à même de respirer plus facilement et donc de plus vite récupérer! Il possède là un atout qu'il ne finira pas de louer!

        Cependant, une inquiétude et la marche perd de sa souplesse, devient dure... Chacun de nous d'ailleurs à une zone corporelle où toutes les tensions se concentrent... C'est une zone qui devient symptomatique: elle indique par sa douleur notre état de stress et sa dégradation peut conduire à la maladie...

        Je ne saurais trop vous conseiller à ce sujet la lecture du Curiste, d'Hermann Hesse... Ce sont les rhumatismes qui y sont à l'honneur et les vicissitudes de l'écrivain sont aussi drôles que pertinentes!

        Mais l'angoisse même est capable de rendre nos jambes flageolantes! L'individu vit alors une véritable torture et ne cherche plus qu'à se dérober! Il est donc nécessaire de bien connaître son psychisme, afin de mieux le contrôler, et le sage, lui, connaît ses peurs, comme un agriculteur ses vaches...

        Elles ont beau être nombreuses, il pourrait donner à chacune un prénom et il les conduit aussi paisiblement qu'un troupeau qui rentre des champs... Il est donc capable de trouver un équilibre... Il marche avec harmonie, il sait se détendre, éviter les points douloureux... Il ne s'use pas et gagne toujours en force!

        Maître à l'intérieur de lui-même, le sage ne se prive pas de contempler l'extérieur, ceux qu'il croise et il voit avec intérêt quel effet il produit, comment sa présence est perçue!

        La logique est quasiment toujours la même: on essaie de susciter l'attention et l'admiration du sage, car il est considéré comme dominant: sa force est évidente et sa présence et donc son regard comptent! Les femmes veulent lui plaire, car c'est par la séduction qu'elles cherchent elles-mêmes à dominer! N'oublions pas que ce besoin ou ce désir de dominer est instinctif!

        Les hommes voient le sage comme un concurrent, un rival et ils tentent de le supplanter. Ils bombent le torse et font voir un aspect physique dont ils sont fiers! Cela va de la démarche altière jusqu'aux biceps saillants, en passant par la très grande taille ou les abdominaux de fer! Il faut que l'adversaire se sente écrasé!

        Mais c'est un numéro de cirque pour le sage, qui n'y voit que du ridicule et qui n'y cède jamais! Car lui-même n'a pas besoin de se montrer supérieur, pour être à l'aise. De même, il ne répond pas aux femmes, car pourquoi irait-il avec une personne qui est encore en proie à son égoïsme, qui ne s'est pas éveillée en se séparant de lui! Le sage aurait tout à perdre en nouant une telle relation!

        Il est tout de même des réactions qui surprennent le sage, l'inquiètent et le consternent même! Ce sont les femmes chez qui la séduction est absente et qui haïssent d'emblée! Je me rappelle une montée dans un car, au cœur d'une petite ville... J'achetai mon billet auprès du conducteur et regardai où il y avait des places... Je dus alors croiser le regard résolument hostile d'une dizaine de lycéennes et j'aurais été mieux accueilli par des loups affamés!

        Que signifiait une telle haine à l'égard des hommes? Autrement dit que veut cette nouvelle génération de femmes, sinon exclusivement dominer? L'homme est tellement méprisé qu'il n'est même plus vu comme un marchepied, ce qu'il peut être au pire! Le romantisme, visiblement, n'a pas fleuri chez ces femmes et si elles fondent un foyer, elles en seront les maîtres absolus!

        Aujourd'hui, les femmes se plaignent avec raison des abus des hommes, mais elles semblent ignorer que parmi celles qui sont le futur, beaucoup ont déjà quelque chose de monstrueux!

        Pourtant, la haine est la voisine du sage, car si on ne l'impressionne pas, on le méprise! C'est là en effet l'ultime façon de se sentir encore dominant! Mais ce comportement montre aussi combien l'équilibre général, celui de la majorité, n'existe pas, qu'il est une fable, une tromperie, un leurre!

        En effet, tant que nous voulons dominer, nous ne sommes pas libres! Nous avons besoin des autres pour les assujettir ou les tyranniser! C'est leur infériorité qui affirme notre supériorité!

        Mais ce n'est qu'une fuite en avant! Car dans ces conditions nos questions, nos craintes, nos angoisses ne sont ni examinées, ni traitées! Elles n'ont que pour seul remède notre domination et si celle-ci ne fonctionne pas, nous haïssons, car c'est encore l'abîme de l'inconnu qui nous menace!

        Il n'y a pas de paix ici, ni d'évolution! On reste tourmenté, malheureux, prompt au mal!

        Le sage, lui, voit dans la marche son triomphe! Il est sans dominer; c'est ce qui fait sa force d'attraction, sa densité exceptionnelle! Il ne peut rien lui arriver: l'abîme est vaincu!

        Par quel miracle?

        Aucun! Ce n'est que le fruit d'un long travail de patience et de sincérité! Pendant que les autres voulaient jouir, s'imposer, le sage, lui, se demandait s'il était juste; il se diminuait, s'interrogeait laborieusement, même douloureusement!

        Le chemin du sage était plein de cailloux, quand celui des autres avait tout d'une autoroute!

        La nuit du sage paraissait sans fin, quand les autres semblaient briller!

        Le sage avait de la peine, les autres de la morgue!

        Le sage était gauche, hésitant; les autres sûrs d'eux et fonçaient!

        Le sage avait l'air stupide, les autres s'en moquaient!

        Le sage se croyait le dernier, les autres les premiers!

        Le sage était écrasé, les autres péroraient!

        Le sage pleurait, les autres riaient!

        Mais la récompense est là!

        Le sage marche et les autres s'attachent à lui!

        Le sage est tranquille, les autres troublés!

        Le sage est heureux, les autres fermés!

        Le sage sourit, les autres grimacent!

        Le sage devient plus fort, les autres se brisent!

        Le sage rayonne, les autres s'éteignent!

        Le sage aime, les autres détestent!

        Le sage est confiant, les autres maudissent!

        Le sage chante, les autres ruminent!

        Le sage respire, les autres s'étouffent!

        Le sage vit, les autres meurent!   

  • D'un casse-tête

    Casse tete

     

     

     

     

     

        Comme il est dur de changer les gens! On a les solutions, pour que la vie soit meilleure et même pour que le plus grand nombre soit plus heureux, mais on est forcé de garder pour soi ce que l'on sait; on est condamné au mutisme, ou peu s'en faut, et chaque jour on voit se répéter les mêmes erreurs, les mêmes pièges et donc les mêmes larmes, les même cris, les mêmes désastres!

        C'est que l'orgueil, ou l'amour-propre, empêche l'écoute, la docilité, le changement, le progrès; chacun tenant à se montrer le plus fier, le plus fort, comme ayant le mieux réussi! Chacun aurait l'impression de s'humilier, s'il venait à demander conseil, s'il se présentait diminué, désemparé... et on en veut à ceux qui nous ont vus ainsi!

        Il n'est pas question non plus d'imposer les remèdes, de menacer, de terroriser, même si c'est la raison qui nous guide, même si le but que l'on veut atteindre est le plus louable qui soit! Que serait un sage qui s'inquiéterait? qui réclamerait comme n'importe quel quidam, comme n'importe quel égoïste primaire, son droit de parole, sa juste place dans la société, les égards qui lui sont dus?

         Ce serait un sage illogique, absurde, inconséquent, qui prônerait la modestie, la patience, avec morgue et colère! Il ne serait pas une bonne enseigne pour sa pensée, une bonne publicité pour son savoir! Il vaut mieux que le sage attire justement par sa différence, sa force mystérieuse, sa beauté même! Il doit être un questionnement pour les gens, une sorte d'extraterrestre! On doit se demander comment il fait, quel est son secret?

        On doit avoir envie de le regarder, de le croiser, de susciter son attention! On doit vouloir s'en faire remarquer, car on doit penser que son œil compte, que son avis est important! Que serait un sage qui ne serait pas l'image même du bonheur qu'il est censé posséder? Il serait comme un psychiatre ou un nutritionniste qui fument! à peine plus qu'un charlatan!

        Mais même si le sage provoque l'intérêt, il ne peut brusquer et il intervient beaucoup moins qu'il n'est témoin! Pour qu'un individu accepte de changer, il faut qu'il soit placé devant une impossibilité, une impasse, et peut-être même faut-il qu'il soit "anéanti", que ses défenses soient brisées, que son orgueil ait disparu!

        Tant que les conditions de vie sont les mêmes et surtout si celles-ci sont confortables, l'homme ne voit aucune raison d'évoluer, de "s'ouvrir" à la nouveauté (ceci ne concerne pas les gadgets) et encore moins de se laisser conduire! L'histoire est riche d'exemples qui illustrent bien ce quasi principe!

        Revenons aux événements les plus extraordinaires et les plus dramatiques qui ont touché l'Europe et sans doute l'humanité! A peine la deuxième guerre mondiale est terminée, que le peuple anglais limoge son guide, son défenseur, son meneur, Winston Churchill! Il ne reste pas un jour de plus en place!

        On lui avait remis les clés de la maison, quand l'ombre d'Hitler la couvrait en entier, mais sitôt le soleil revenu, l'orgueil de chacun reprend ses droits, crie de nouveau famine! Dehors le leader, on n'a plus besoin de lui! N'avaient été les bombes, l'autorité d'un seul aurait été insupportable!

        Ce fut différent en France, où l'écrasement, le malheur fut plus complet, fut radical; où on ne fut pas moins menacé que d'"extinction"! La France de Vichy, c'est la nuit, c'est la trahison qui s'ajoute à la défaite; la honte à la terreur! On ne peut pas tomber plus bas! Il n'y a aucun honneur auquel se raccrocher, aucune compensation à la reddition! Cela n'a été qu'un renoncement, un glissement de vieillard!

        Aussi, du fond de son cachot, la France désespérée salue-t-elle la lumière du général de Gaulle, comme celle du sauveur! Elle ne veut que lui! Elle ne veut être conduite que par lui! Car l'épreuve l'a anéantie! Son orgueil n'existe plus! Elle veut simplement "boire", respirer, et le général est son eau, son air! Elle sera docile, elle lui obéira!

        Et le général construira sa politique grâce aux referendums, au soutien, à l'amour, au respect de la population, pour celui qui l'a libérée, qui a mis fin à son cauchemar! Cela durera des années! Tous les chefs de parti, qui rêvent du pouvoir, devront se plier à cet hommage, à cette façon de faire; devront reconnaître l'autorité, la suprématie du général, jusqu'à ce qu'il "tire trop sur la corde"!

        En 1969, lors d'un referendum sur les régions, il dira:" Françaises, Français, dans ce qu'il va advenir de la France, jamais la décision de chacune et de chacun de vous n'aura pesé aussi lourd!" Comment le général peut-il faire croire que dans une réforme administrative, il y va comme à la libération du pays? La situation a bien changé; depuis longtemps déjà le quotidien est redevenu rassurant, l'effroi est bien derrière!

        Les paroles du général jettent même un voile sur sa conduite passée, puisque la gravité d'hier semble confondue avec la tranquillité d'aujourd'hui! Et la sanction tombe: le referendum est hostile au général, de sorte qu'il démissionne! Le prophète s'en va de lui-même, après s'être inexplicablement discrédité! Mais cette histoire d'amour était sans doute trop forte, pour que le général accepte un refroidissement, et c'est une rupture, sèche!

        Cependant, les catastrophes naturelles produisent un terrain également favorable à la diminution des égoïsmes... Faut-il entasser des sacs, pour empêcher l'eau d'envahir la ville? Et voilà tous ses habitants mobilisés, soudés, retrouvant le sens du mot solidarité; et même plaisantant, présentant tous les signes du bonheur, malgré le danger! C'est que celui-ci focalise l'attention, enlève le poids des tourments quotidiens, clarifie pleinement la voie à suivre, ce qui en définitive apaise et responsabilise!

        Bien sûr, il y a toujours des esprits contraires, des brebis radicalement galeuses, qui voient au contraire dans le moment une occasion supplémentaire d'accroître leur profit, leur pouvoir; mais, dans l'ensemble, les circonstances exceptionnelles, si elles ne nous détruisent pas, nous rendent meilleurs, selon la formule presque consacrée aujourd'hui. 

        Mais cela veut dire que tant que l'environnement ne change pas, nous ne sentons nul besoin de grandir, et pourquoi alors se contrarier? C'est donc à un tumulte journalier, à une ménagerie bruyante et féroce, qu'assiste le sage, en se demandant quel pourrait être son rôle, s'il sert vraiment à quelque chose et ses questions peuvent finir par l'étioler, comme une fleur qui ne peut pousser faute d'espace!

        Prenons par exemple un problème qui préoccupe en ce moment l'actualité, celui du gouffre produit par les aides sociales! Il est normal que Macron, qui veut rétablir la puissance de la France et son équilibre, soit horrifié par ce budget aussi bigarré que colossal! Il est normal encore qu'il s'interroge sur la valeur, la nécessité de ses aides, car elles sont sans pareilles dans le monde vraisemblablement, et nous savons combien ailleurs il faut lutter pour vivre et que même le sens de l'existence ne peut se passer de cette lutte!

        Notez cependant un signe inquiétant chez Macron, c'est qu'il peine à formuler exactement ses phrases, ce qui traduit son impatience et son manque de sang-froid, tant il est vrai que s'énonce bien ce qui se pense bien et précisément! L'inexpérience et même l'immaturité de Macron seront certainement pour nous, comme pour lui, la source de bien de déconvenues et de chagrins!

        Mais de l'autre côté, face à lui, il y a bien entendu les ardents défenseurs de ces mêmes aides sociales, et qui crient aussitôt au président des riches, comme si on les égorgeait au coin d'un bois! Ceux-là, on les comprend aussi, mais nous savons tous que "ça" ne peut pas continuer comme ça; que nous sommes trop privilégiés, que nous vivons au-dessus de nos moyens, etc.!

        Il faut donc des réformes, mais le problème est autrement plus complexe qu'il n'y paraît, comme le sait le sage. De même qu'on ne pourra pas résoudre le réchauffement climatique, uniquement en diminuant les gaz à effet de serre, de même on ne peut traiter la pauvreté uniquement sur le plan économique... Il faut voir d'une manière bien plus profonde et considérez par exemple ceci...

        Beaucoup de bénéficiaires du RSA sont des exclus; ils ont été écrasés par l'égoïsme ambiant, en fait des plus forts! Ce qu'ils demandent d'abord, c'est un peu de sécurité, afin de panser leurs plaies! Mais cela veut dire qu'on ne pourra éradiquer la pauvreté, si on ne travaille pas à une justice plus générale, ce qui implique un changement dans les comportements, qui ne pourra lui-même se faire sans donner les raisons qui font que l'égoïsme constitue une impasse, en étant incapable de nous rendre heureux! Ouf!

        Imaginez le sage expliquant cela, en plein débat sur la question! Il ne serait même pas entendu, tant les passions sont fortes! On se demanderait quel doux dingue il est! Et on passerait rapidement aux choses sérieuses, à l'affrontement musclé, et on n'apporterait rien de solide pour l'avenir!

       Le sage doit donc en prendre son parti; il sera toujours en butte à l'incompréhension... et même à la haine! En effet, le bonheur et la paix du sage, qui apparaissent comme sa réussite, suscitent bien des jalousies et donc de la colère et du mépris! Ce sont les ingrédients du même poison!

        Les plus voraces d'entre nous ne cherchent pas à comprendre, mais à détruire! Ils suspectent aussitôt le sage de mille travers, de mille fourberies, car pour eux une telle santé, un tel éclat ne peut que venir d'une tromperie... C'est comme une injure à leur propre intégrité! Et comme ils sont prompts à faire valoir leurs qualités, leurs efforts, leur valeur! Ils pourraient même faire trembler Fouquier-Tinville, tellement ils sont persuadés d'être justes!

        Il ne viendrait même pas à l'idée de ces mêmes violents que c'est justement leur avidité, la férocité de leurs appétits, qui les condamne et en fait des âmes en peine! La sagesse est accessible à tous, il suffit de vouloir la comprendre et l'acquérir! Mais même cela donne la nausée et provoque le dégoût de cette France irascible et tout le temps inquiète!

        Là encore le sage est poussé vers le calme de la nature, où sûrement Dieu se repose! Le sage reprend ses esprits au contact de la beauté des fleurs et des animaux... et il pourrait céder à la mélancolie des solitudes, si lui-même n'était pas au fond un homme comme les autres, que le printemps influence et fait fleurir!

        Car le sage a dû gagner en force, à la suite de l'hiver! Si ce n'est pas le cas, il était et est sur la mauvaise voie! Pour son plus grand plaisir, il doit être maintenant capable de dire à certains leur fait! La clarté de son jugement, la finesse et l'étendue de sa compréhension doivent éclater au grand jour! Car c'est celui qui est proche de la vérité qui est le maître! Car le monde n'est pas abandonné au chaos et aux mensonges! 

        Le tumulte des villes ne règne pas sous les nuages; tout au plus peut-il avoir cette illusion! Le sage est la lumière du monde, car lui-même a cherché la lumière! Sa force, sa paix témoignent de la bonne direction de ses pas... et peu importent les rages et les grincements de dents, de tous ceux qui le jalousent et ne veulent pas l'imiter!

        Le sage doit à présent être capable d'essuyer la contradiction, la mauvaise foi, le reproche et la haine! La fleur de la sagesse a gagné en maturité et en solidité, sinon elle ne poussait pas dans le bon sens! Ce qui l'effrayait hier doit maintenant lui faire hausser les épaules; ne pas lui donner de sueur froides, ou l'envie de fuir!

        C'est le sage qui sait, c'est lui qui possède le monde, car celui-ci est aussi gouverné par la sagesse! Le sage, de par sa perfection, en est le garant! Ce n'est pas le violent, celui qui crie, qui est amer, ou même sournois, qui commande! même s'il en donne l'impression!

        Le sage n'en finira pas d'être toujours plus tranquille, et plus heureux! Les conditions de la vie lui feront toujours de moins en moins peur... Il se dégagera de lui comme un parfum d'éternité, et pour celui qui sait regarder, un espoir sans bornes!

        Le sage pourra réduire le tyran à la taille d'un petit pois, et lui montrer que sa vie, que les honneurs qu'il croyait posséder, ne sont rien! que la puissance dont il se targuait a disparu! Le sage fait voir que le vent emporte le méchant (ou la méchante bien entendu!), qu'il suffit d'un souffle pour le chasser!

        Le sage est utile à la société sans qu'elle s'en doute et donc le reconnaisse... Il organise, il solidifie, il répare, il construit sans le dire, sans le revendiquer... Il travaille aussi à la justice, mais sans haine et sans s'énerver... Il est comme un trésor au-dessous des vagues; il est comme un baume dans le flot des blessures!