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  • De la tortue

    De la tortue

     

     

        Un journaliste algérien, présent à Bagdad lors de la guerre en Irak, en repart déçu après la victoire américaine, car c'est encore le Sud qui a perdu face au Nord! Certes, Saddam Hussein était un dictateur sanguinaire, mais il avait osé défié les puissants! Ainsi, le monde arabe a suivi les événements un peu comme on assiste à un match de football, entre une petite équipe et une grosse; alors que la rencontre se termine selon la logique et que les supporters des plus faibles sont désespérés!

        Cette façon de voir est difficilement compréhensible pour les hommes du Nord, puisqu'ils sont toujours du côté des gagnants et que leur amour-propre est souvent satisfait; mais ceux du Sud ont l'impression d'éprouver un éternel marasme, une défaite perpétuelle, qui les ronge et les rend assoiffés! C'est la vie animale qui continue en nous et qui veut que nous soyons dominants, triomphants, supérieurs, et même les hommes du Nord sentent bien combien leur patriotisme peut être sensible!

        D'ailleurs, il ne faut pas voir d'autres raisons à la montée du terrorisme! Le 12 octobre 2000, un petit bateau, bourré d'explosifs, fonce sur le USS Cole, amarré dans le port d'Aden. Bilan: dix-sept marins tués et de nombreux blessés à bord du destroyer américain! Après cette attaque, qualifiée de grande victoire par Ben Laden, les camps d'entraînement d'Al-Qaïda se remplissent au Yémen!

        Ce n'est pas que la foi progresse; c'est plutôt que le coup porté redonne de l'espoir, dynamise et montre que tous les efforts ne sont pas vains! D'une certaine manière, le Sud échappe à sa dépression par le terrorisme! D'ailleurs, la mémoire de Ben Laden crée des situations ambigües, car il est non seulement le monstre à l'origine du 11 septembre, mais encore il reste comme celui qui a mis à genoux l'Amérique! Grâce à lui, l'islam est considéré, alors que jusque là il ne suscitait qu'indifférence  et le Sud, quand il est aveuglé par sa haine, le voit comme un champion!

        Cependant, nous pouvons nous demander quels ont été ses derniers sentiments, quand on l'a mis en joue; non par sadisme, mais pour bien préciser certaines choses, car il est impossible pour un tyran, qu'il soit petit ou grand, d'avoir une foi solide! Soit on s'admire et on est le centre de son existence, soit on y place Dieu ou Allah, en le comprenant toujours plus! Les deux façons de faire s'excluent!

        Certes, le tyran peut se servir de Dieu, mais celui-ci lui demeure une chose abstraite, comme la mort! Ainsi, quand la catastrophe survient, c'est bien sa fin que voit le tyran et Ben Laden a dû éprouver, comme la plupart de ses victimes, une surprise mêlée d'horreur! Le sage, par contre, effectue normalement en mourant un pas supplémentaire!

        Ceci étant, les Etats-Unis sont en partie responsables de leur malheur... On ne peut pas déclarer avec force qu'on est le chef, sans en subir les conséquences! Certains westerns ne racontent-ils pas comment le meilleur tireur de l'Ouest doit s'attendre à être défié, ce qui l'empêche d'avoir une vie normale?

        Plus un tyran s'obstine et s'impose et plus il se crée des ennemis; c'est inévitable! Ainsi, la réaction violente et abusive du trio Bush, Cheney, Rumsfeld, à la suite de l'effondrement des Twin Towers, a placé leur pays dans une spirale infernale! La guerre menée en Irak, notamment, a provoqué un chaos qui n'a profité qu'au terrorisme, avec l'arrivée d'Al-Zarqaoui, appartenant à Al-Qaïda, jusqu'à la naissance de Daesh!

        De même, les tortures, les humiliations infligées aux prisonniers irakiens ont nourri la haine du monde musulman et l'a fait crier vengeance! Si on méprise son adversaire, on décuple également ses forces!

        Obama, qui paraît plus mature et plus posé, utilisera pourtant les mêmes méthodes discutables que son prédécesseur, notamment l'attaque de drones sur des cibles, au risque de tuer des innocents! Quant au nationalisme exacerbé de Trump, inutile d'expliquer pourquoi il ne peut que faire pire! Mais au fond comment pourrait-il en être autrement? En effet, nous vivons toujours aujourd'hui comme si rien n'avait été dit, ni écrit, ni vécu dans le domaine spirituel! Nous nous comportons comme si nous n'avions pas d'histoire ou que les expériences passées ne servaient à rien! Le tyran prolifère et dicte sa loi!

        Par exemple, nous allons au distributeur et nous sentons dans notre dos toute l'exaspération d'une femme qui arrive! Nous sommes donc détesté, parce que nous sommes le premier devant la machine, alors que nous n'avions vu personne! Mais ce n'est pas tout... Une fois que nous avons nos billets en main et que nous nous retirons, nous butons contre la femme, qui en nous barrant la route tient à nous rappeler toute sa haine!

        Question: comment peut-on se mettre dans un tel état, pour une chose qui est tout à fait naturelle? Cependant, cette incivilité, cette agressivité se répète dix ou même vingt fois dans la journée! Elle est suivie de petites sœurs, qui lui ressemblent fortement, ou de grands frères, comme des regards chargés de haine, à l'autre bout de la rue, de personnes que l'on ne connaît ni d'Eve, ni d'Adam, mais qui ont tout de même jugé qu'on méritait leur mépris! Dieu est en ville et on ne le savait même pas!

        Ici, c'est pour nous l'occasion de revenir sur l'incroyable naïveté de Freud et consorts! Car comment peut-on croire que ce que nous sommes ne dépend que de notre histoire, de notre enfance? Comment peut-on ignorer la domination, qui a une origine parfaitement naturelle et qui nous conduit a priori à vouloir supplanter l'autre, quand on ne veut pas carrément le détruire? La seule raison qui pourrait expliquer la cécité freudienne, ce n'est pas tant qu'il fût un précurseur, un pionnier, mais bien plutôt qu'il fut un tyran lui-même, à un certain degré!

        En effet, tant qu'on exerce sa tyrannie, on ne prend pas conscience de son existence, ni du phénomène auquel elle appartient! Ce n'est qu'en se détachant complètement de son désir de vaincre ou de s'imposer, qu'on mesure pleinement la logique générale qui nous dirige et qui façonne notre monde! Ainsi, il n'est pas rare de constater combien est exagérée la portée de maintes découvertes scientifiques, au point qu'elles ont une influence néfaste!

        Dans le cas de la psychologie, c'est le concept d'extraversion que l'on pourrait mettre sur la sellette, car au fond il est vain et dénué de sens! L'extraverti est défini comme un individu parfaitement intégré, équilibré, puisqu'il ne refoule pas excessivement ses pulsions! Il aime le plaisir et est donc sociable! Mais, si on y regarde de plus près, c'est un tyran qu'on aperçoit! En fait, l'extraverti s'admire assez pour trouver absolument normal que le monde tourne autour de lui... Il accepte la hiérarchie ambiante, car il y joue le rôle de chef... Sa situation confirme son importance, qu'il soit un homme ou une femme!

        Il est aimable tant qu'on le regarde selon ses souhaits! Ses peurs, sa fragilité sont masquées par la force de son égoïsme et sa haine est là pour le protéger... Il ne voit aucun inconvénient à y avoir recours, de même qu'il assouvit sans contrainte la plupart de ses besoins! La névrose n'a pas de prise sur lui, car il est supérieur! En cas de doute, il se ferme et méprise! C'est un animal dans le cadre d'une société! C'est un tyran qui est le parangon de la psychologie!   

        Il est par ailleurs stupéfiant de voir dans quelle illusion vit l'extraverti! Tel adolescent, dans le bus, se lève, en ne finissant pas d'être ravi par la beauté de son corps! Il est déjà prêt à montrer sa suprématie, qu'il considère comme évidente! Pourtant, il habite toujours chez papa et maman, il sait à peine se moucher et son monde est extrêmement sécurisé! D'aucuns d'ailleurs pourrait le voir comme une petite crapule, mais apparemment il n'a jamais pris de coups,  ni même éprouvé l'angoisse que cause la menace d'un plus fort!

        Si, comme il est juste de le penser, nos traumatismes nous incitent à la prudence, c'est dire, malgré leurs récriminations, dans quel confort s'installent la plupart des tyrans! Une position sociale sans soucis est aussi un privilège de l'égoïsme et la timbale est gagnée quand le travail sert les ambitions, ainsi qu'on le voit notamment en politique!

        Mais tel autre, dans le train, se croit irrésistible, alors qu'une chiquenaude ferait s'envoler son corps malingre! Et une femme ici a le comportement d'une bombe sexuelle, en pesant plus de cent kilos! A croire que nous existons par intérim dans la réalité et que le reste du temps nous évoluons dans les pages d'un roman de capes et d'épées!

        Cependant, au pôle opposé, celui qui est environné de brumes et qui a mauvaise réputation, on trouve l'introverti! La bête noire de nos sociétés! L'esprit chagrin! Le maladroit! Le besogneux! Le lent! Le faible! Le boulet! L'inadapté! Le paresseux! L'éteignoir! L'ombre!

        Qu'est-ce qui le caractérise? Oh, c'est principalement sa tristesse, sa mélancolie, sa dépression comme dit la suprématie anglo-saxonne! D'où vient-elle? Mais l'introverti est plutôt un doux, un tendre, un fragile, un peureux même ou plutôt un craintif! Il est donc plus en proie aux traumatismes qu'un autre et pour parler brièvement, il a comme des nœuds dans le cerveau!

        Ses peurs, ses doutes l'empêchent de libérer sa sensualité, de lui donner satisfaction; alors que l'extraverti pérore, triomphe et jouit! L'introverti soupire, à force de se refouler; il est victime de langueurs, mais, hélas, il n'existe pas de remèdes miracles!

        Une psychothérapie ou une analyse seraient intéressantes, si elles-mêmes prenaient en compte le monde réel, mais ce n'est pas le cas! Toujours est-il que l'introverti ne verra son soleil qu'avec le temps! Ce sera le résultat de sa maturité!

        Car c'est un travail du doute et pleins d'interrogations qui se déroule dans l'introverti... C'est un chemin patient et même douloureux! La souffrance est souvent la borne du bas-côté, selon qu'elle est plus ou moins intense... C'est elle qui indique les kilomètres parcourues!

        L'introverti se consume, désespère, mais résiste tout de même... Il endure, car il sait qu'il se transforme, que des rouages jouent... Il n'est pas aveugle non plus sur le soi-disant bonheur ou l'apparente réussite de l'extraverti! Ses yeux se dessillent peu à peu... Les contradictions du monde lui apparaissent... et il y gagne à essayer de les résoudre! Le doute est formateur!

        L'introverti comprend encore qu'il a été la victime d'un tyran ou d'un extraverti! On aura pris sa douceur pour de la faiblesse... et le tyran veut qu'on lui soit soumis! Il veut des hommages et qu'on reconnaisse son importance; c'est ce qui le fait vivre!

        Mais l'introverti se demande comment on peut admirer un ballon de baudruche, d'autant que celui-ci s'imagine dense comme du plomb! Au fond, entre l'introverti et l'extraverti, c'est comme dans la fable du Lièvre et de la tortue!

        Il y en a un qui jubile, qui est fort, rapide comme l'éclair; qui tient lieu de modèle, qui est lumineux, qui rassure tout le monde! Et puis, il y en a un autre inquiétant..., qui peine, qui semble dur comme du bois; aussi laid qu'idiot! D'ailleurs, on peut s'en moquer et même s'asseoir dessus; il ne dira rien; au contraire, il sera même heureux de ce qu'il prendra comme une marque d'intérêt!

        L'extraverti est sérieux, compétent, responsable et pourtant, le bien le plus précieux lui échappe! C'est le trésor de l'introverti; le résultat de sa patience, de sa méditation, de sa contemplation, de sa lenteur, de sa sensibilité plus fine!

        Il est possible à l'introverti de devenir un sage, d'acquérir sa paix, ce qui est sa grande force! Le sage ne dépend pas des autres pour être heureux, même si bien entendu il est toujours agréable d'être aimé! Mais il trouve son équilibre dans la compréhension de la sagesse, en vérifiant les lois qui nous régissent, ce qui le conduit même à la compassion!

        Le tyran, lui, a toujours besoin de dominer, sinon il est perdu! Il faut que tôt ou tard les autres lui confirment sa valeur, et s'ils ne le font pas, alors le tyran les écrasera et les méprisera! En fait, il prend de force, ce qu'on ne veut pas lui donner volontiers, d'où son agitation, sa tension, sa violence!

        Et la logique du tyran est infernale et destructrice! Plus la situation est difficile et lui est défavorable, et plus il affirme son égoïsme et sa dureté, et plus il crée un monde tel que nous le connaissons: aveugle, stressant, angoissant, sans amour!

        Si on se replace sur la scène internationale, d'où nous sommes partis, avec la politique américaine, cela donne la guerre en Irak, ou en Somalie, ou en Afghanistan, étendue au Pakistan! Ce sont toutes des foyers de haine, qui ont vu le développement du fanatisme islamique; ce qu'on voulait justement éviter!    

        Autrement dit, suivons la tortue!

  • De la quadrature du cercle

    De la quadrature

     

     

     

        Quel vacarme! Le trafic, les klaxons, les ambulances, les perceuses, les raboteuses et plein de bruits étranges, bizarres, incongrus, dont on situe mal l'origine, mais qui vous mettent dans des situations dignes de Jacques Tati!

        Notre univers est incroyable! Nous sommes agressés, malmenés, tourmentés, comme si des dieux indifférents nous soumettaient à des expériences, à des tests, qui permettraient d'évaluer notre résistance, notre courage!

        Nous vivons dans un chaos perpétuel, dans une mer de nuisances, qui nous soûle, nous emporte, nous laisse épuisés, et tout cela sous le voyage lent des nuages, qui ressemblent à des géants placides et grotesques; et tout cela au-dessous des oiseaux qui vont et viennent, plus légers que l'air, grâce notamment aux "coups de rames" de leurs ailes!

        Parmi la foule, il y a ceux qui haïssent, terribles! Ils ne voient qu'eux, ils veulent dominer, sinon leur monde s'écroule, et les autres sont soient des rivaux à abattre, soient des esclaves!

        On les plaindrait, car ils sont des taupes, s'ils ne faisaient pas le mal autour d'eux! Ils rajoutent du stress bien entendu; ils poussent, ils défient, ils bousculent même; ils cherchent à tout prix à ce qu'on les regarde, les considère, à devenir le centre de tout!

        Quelle croisade est la leur! S'ils savaient comme nous nous en moquons! Comme si un égoïste ou un tyran pouvait être intéressant! comme s'il n'était pas une prison! Comment admirer une pierre tombale? C'est mort, un tyran!

        Ah! mais ça hait quand même! ça voudrait diriger, être un phare, alors que ça ne connaît rien! C'est vide, un nombril! C'est moins qu'un oiseau, qu'un rayon sur un nuage, qu'une feuille qui luit! Et le chant de la pluie sur les toits, dans les gouttières! comme une couverture musicale, qui apaise et endort!

        S'il y a des tyrans qui menacent comme des chiens féroces, la majorité toutefois avance pesamment, la tête basse, pleine de questions, de remarques, de débats, d'analyses, de verdicts et de condamnations! Rien d'étonnant donc à ce que cela soit lourd! C'est comme si au quotidien nous étions en train de résoudre la quadrature du cercle ou une équation à trois inconnues! Mais peut-être cherchons-nous plutôt à définir la conscience objectivement, en étant là et absent en même temps? L'effort se lit sur les visages, la tension y est palpable, ainsi que nous serions en passe d'atteindre la connaissance ultime, de mettre la main sur la pierre philosophale ou la clé de Dieu!

        Oui, nous avons l'air d'être de professeurs soucieux ou encore d'avoir été bannis du pays du bonheur et d'aller vers l'épouvante, tel un contingent pour Cayenne: "En avant marche et régulier le sabot!"

        Nos ruminations sont en effet vastes, compliquées, ardues, douloureuses même; de sorte que de réfléchir nous pourrions faire un métier! Nous serions tout près de la fortune, vu notre rendement! Nous avons une scie circulaire ou un compteur électrique dans le cerveau! Si en plus on fume, c'est comme allumer une tronçonneuse et voilà qu'on en débite de la réflexion! On ne serait pas mal derrière un étal à la vendre! Vingt euros le kilo de pensées!

        Mais qu'est-ce qui nous préoccupe tant? Quel pré broutons-nous? Quel carburant utilisons-nous ? Quels paquets d'idées trions-nous? Quels sont nos thèmes favoris?

        Ecoutons le monologue silencieux de celui-ci: "Elle m'a dit que j'étais un égoïste... Mais elle aussi est égoïste! Le soir du 24, j'ai voulu aller au cinéma et on est resté à la maison, pour l'agréer! Hein? Pourquoi on obéirait à son plaisir plus qu'au mien? Moi aussi, je fais des sacrifices! Hein! Mais peut-être que je n'ai pas assez le sens de l'effort! Peut-être que ma mère méritait mieux, dans le fond! Hein?

        Bien sûr, y a plus malheureux! Y en a qui n'ont pas de toit, qui ont faim! Faut les voir les mendiants, assis dans le froid, avec leur petite écuelle devant eux! Et pourtant je ne donne pas! J'en ai marre! J'ai toujours l'impression d'être la bonne poire! Mais peut-être que c'est ça d'être égoïste..., quand on est toujours penché sur son cas, sur soi! Mais, j'suis pas heureux non plus... Ah! ça non! Alors? Il me manque quelque chose... C'est là, je le sens... Mais ça se dérobe, ça m'épuise! La vie, tout de même, quelle poisse!"

        Suivons encore celle-là dans sa plus profonde intimité...: "Richard, lui, c'était un homme! Il m'en a voulu de mon départ..., mais je ne pouvais pas rester! Il y avait les enfants et maman aussi! Il m'était impossible de laisser tomber maman, surtout depuis qu'elle est malade! Mais n'est-ce pas un prétexte? Parce que j'ai peur..., peur d'être heureuse peut-être? Je manque sans doute de courage...

        Corinne m'a dit un jour que je n'étais pas assez déterminée... Pfff! Où est Corinne aujourd'hui? Dans un pavillon de banlieue, avec un mari qu'elle n'aime pas! Où sont ses rêves à présent? Et pourtant je me rappelle, Corinne la révoltée! C'était du temps où on se soûlait au vin blanc, à n'importe quelle heure!

        Dans une revue, j'ai lu qu'il fallait être fière de soi à la fin de la journée..., ainsi on combat la dépression... Mais de quoi pourrais-je être fière... Je ne suis même pas sûre d'aimer maman! Et cette idée même me terrifie! Suis-je anormale?"

        On le voit et ce n'est pas une surprise, mais le sujet sur lequel nous travaillons le plus, c'est nous-mêmes! A l'examen, nous devrions donc remplir notre copie d'une plume alerte et pourtant nous levons un voile pour en découvrir un autre! Apparemment, nous sommes devant un abîme insondable! La perplexité semble être notre lot!

        Remarquez que le tyran est moins embarrassé... Il a une telle idée de lui-même que ce n'est pas le doute qui le taraude, mais c'est son mépris qui le guide! Le tyran écrase ses ennemis, balaie la concurrence, se venge implacablement, critique sans sourciller et croit ses désirs parfaitement légitimes, de sorte que dans la rue il marche comme un ministre ou passe comme une déesse!

        Mais, plus communément, la vérité nous paraît comme une luciole insaisissable et qui danserait devant nous! Sommes-nous effectivement condamnés à l'ignorance, à vivre dans un mirage? Sommes-nous seuls, abandonnés,  tels des fruits empoisonnés du hasard? La paix, le bonheur sont-ils des supplices de Tantale?

        Nos bibliothèques sont pleines de livres qui nous montrent ainsi, livrés à nous-mêmes et nous débattant dans une nuit sans espoir! Ils se veulent lucides, sans être trop amers, comme si l'homme était une sorte de funambule dans le cosmos, exécutant seul son numéro, mais assez courageux tout de même, pour éviter le rôle du clown triste! "Il faut bien vivre!" semble être le message essentiel de cette littérature et ainsi notre sort serait moins enviable que celui des animaux, puisque à l'opposé d'eux on comprendrait notre malheur, l'insuffisance de notre condition!  

        Nous sommes pourtant nés de l'Evolution, nous sommes le résultat d'une adaptation dont le temps donne le vertige! Chaque métamorphose est une réussite, sinon elle condamne et fait disparaître... Or, la conscience qui nous caractérise est a priori un progrès!

        En effet, toute espèce qui ne peut modifier son comportement est vulnérable! Il suffit que l'environnement change brusquement et c'est le danger! Ainsi s'explique la disparition des dinosaures... La météorite qui frappe la Terre répand dans l'atmosphère un nuage de cendres, qui tue la végétation, et on connaît la suite!

        Il sera sans doute possible à l'homme, et peut-être même cela l'est dès aujourd'hui, de parer une telle menace, en détruisant le corps céleste avant qu'il n'atteigne notre planète! De même, nous luttons contre le réchauffement climatique en diminuant les gaz à effet de serre, mais ne pourrions-nous pas un jour être en mesure de refroidir directement l'atmosphère, d'être les maîtres de la température? Cela semble de la science fiction, mais le chemin parcouru nous laisse déjà sans voix!

        La conscience permet à l'homme de s'affranchir de ses instincts, c'est-à-dire qu'elle lui donne toute liberté et par là le pouvoir de modifier profondément son comportement! Nous voilà avec une capacité d'adaptation apparemment infinie!

        Certes, nous pouvons être pris de vitesse et nous sommes majoritairement aveugles et chaotiques, mais théoriquement nous sommes les mieux armés pour nous maintenir en vie!

        Cependant, il y a un prix à payer, pour ainsi dire... C'est que nous ne sommes plus des robots! Nous ne répétons pas chaque jour les mêmes attitudes, comme les animaux, mais nous sommes confrontés à l'inconnu! Nous sommes conduits à nous interroger, à nous demander ce qui est le mieux! Nous devons trouver des réponses, choisir et prendre des décisions et cela ne peut pas ne pas créer en nous de la tension, des inquiétudes, de la peur!

        Mais l'homme ne peut être qu'un créateur, car sa capacité l'émancipe, le place sur un chemin que nul n'a foulé! Evidemment, les sociétés ont des lois, des règles, des gouvernements, un encadrement, une histoire, des expériences, un enseignement, des messages religieux, qui concernent essentiellement la sagesse; il nous faut encore gagner de quoi vivre et, dans la plupart des cas, cela veut dire un travail, avec des horaires, des contraintes, mais nul au fond ne sait ce qu'il faut définitivement faire; nul n'a l'autorité pour cela; d'autant que les pensées et la situation d'hier ne sont plus bien entendu celles d'aujourd'hui!

        Nous évoluons en découvrant! Nous grandissons sans tutelle et cela ne peut être que difficile! Le doute, le risque font naturellement partie de nos vies et il est normal qu'ils nous perturbent! Ceci est capital, car nos débats intérieurs, à l'origine de nos angoisses ou de nos craintes, ne sont donc pas haïssables! Au contraire, ils sont nécessaires! Et ils sont même un signe de bonne santé, de vitalité! C'est réfléchir et même hésiter qui reflètent la vie, bien plus que l'agitation ou l'action, voisines du réflexe!

        L'inconnu effraie donc chacun d'entre nous et apparemment le tyran plus qu'un autre! On peut même se demander si la tyrannie ne vient pas justement de la peur, car celle-ci produit incontestablement l'agressivité et la violence! Prenons le cas d'Hitler par exemple... Sa haine à l'égard des Juifs est irraisonnée, puisqu'il les voit comme une sorte de mal sournois, envahissant et obscur... C'est une crainte morbide, dont l'origine n'est pas à situer sur un plan sexuel, comme on le dit parfois, mais elle apparaît plutôt chez un jeune homme seul, sans le sou, dans une capitale, en l'occurrence Vienne, et qui sent inévitablement l'avenir avec effroi!

        Dans ces conditions, la paranoïa n'a aucun mal à s'installer... En s'inventant des ennemis, on se donne aussi une existence... La maladie naît de la terreur et de la fragilité, mais le tyran n'y apporte pas le bon remède! Il a un tel orgueil, une telle soif de s'imposer et de réussir, qu'au lieu d'essayer de découvrir le monde tel qu'il est, il le veut à son image! Sa tyrannie sert à le transformer! D'ailleurs, sa peur, le tyran la nie au point de l'oublier, car de toute façon elle lui semble dégradante!

        Ainsi, toujours aujourd'hui, on peut voir chez les gilets jaunes des slogans tel que celui-ci: "Nous sommes prêts pour nos propres lois!" On veut donc encore un monde selon ses désirs et remplacer un pouvoir par un autre! Ce ne peut être un progrès, car l'inconnu n'y est pas traité! Une solution nouvelle n'est possible que si on fait face à ses inquiétudes... Mais même Macron, s'il reste dans le cadre de la constitution, est poussé par sa peur, ce qui le rend agressif!

        Nous disposons d'un pouvoir créateur, mais nous n'en voulons guère! Nous préférons notre égoïsme à notre liberté! (A ce sujet, voir la peinture Les papillons, dans Dernières photos!) Pourtant, c'est bien la nature qui nous a donné le jour et curieusement elle nous offre des réponses!

        Il suffit de l'écouter... Celui qui prend patience, qui grâce à son courage ne fuit pas ses peurs; celui qui sait attendre, qui regarde ses craintes, qui connaît son angoisse; celui-là découvre bientôt des vérités, des explications qui l'apaisent, le fortifient, le conduisent sous un ciel bleu, où bientôt l'harmonie le fait chanter!

        Ce n'est pas une affaire d'intelligence, mais de modestie, d'humilité! C'est la seule voie créatrice car elle est spécifiquement humaine! C'est donc elle qui apporte le bonheur et qui améliore vraiment le monde!

        Le tyran n'évolue pas; il crie sa force pour occulter sa lâcheté! Il terrorise pour ne plus sentir sa peur!

        Le sage, lui, patiemment, ouvre la porte de l'infini!

  • Des alarmistes

    Des alarmistes

     

     

     

        Nous avons déjà parlé du temps... Nous avons déjà dit que notre notion du temps dépend de notre maturité, car plus nous sommes patients et plus le temps s'allonge, se distend; plus nous sommes son maître!

        Pour s'en convaincre, il suffit d'observer la nature (voir la photographie Le chaos sublime!)... Elle est comme une invitation à calmer notre rythme, car le sien est plus vaste, plus lent... Il contient comme un  écho de notre devenir, dans le sens où nous grandissons, en essayant de le comprendre! Regarder un oiseau sans l'effrayer nous sépare de notre égoïsme et ainsi de notre trouble, de notre agitation!

        Découvrir la beauté d'un arbre, ou s'abîmer dans celle d'une fleur, n'est possible que si l'on est déjà disponible! Le tyran, qui ne vit que par sa domination, ne l'est pas et est aveugle! La nature l'agace, le fatigue vite et même l'angoisse! La beauté est une perte de temps pour le tyran! Ce qu'il lui faut, c'est qu'on parle de lui! qu'il soit le centre d'intérêt! comme Macron malheureusement...

        C'est la nature qui nous a créés et il est normal qu'elle détienne les clés de notre paix! Le sage l'aime particulièrement, car il est lui-même comme un arbre, qui plonge ses racines dans la patience, le recueillement, pour que les branches s'étendent à l'infini! La contemplation donne des réponses!

        Le tyran s'énerve dès qu'il n'est plus question de sa personne! Actuellement, la France connaît deux rythmes, qui sont concurrents, mais qui sont tous deux aussi chaotiques, aussi fatigants, aussi destructeurs! Il y a le temps de Macron et celui des gilets jaunes! Ils alternent, l'un éclipsant l'autre!

        Celui des gilets va vers la surenchère... On ne veut pas baisser le pavillon, par orgueil!  On est dans le rouge, on est épuisé, mais on croit que le courage, le devoir, c'est de continuer! Or, il faudrait plus de force, d'abnégation, pour se calmer, retrouver son chez-soi, sa tranquillité; la joie de vivre même!

        Si les gilets arrêtent, c'est le vide pour eux; c'est leur sentiment! On se force donc, on se surmène, on devient plus agressif, plus violent, car on est proche de la rupture! Il faudra encore bien des larmes, avant le repos! La fatigue, si on ne la voit plus, nous place insidieusement dans un engrenage!

        De l'autre côté, il y a le grand débat national, celui de Macron; aussitôt projeté, aussitôt réalisé! Ici, aussi, on est dans un train! Six heures de micro pour le président, avec des interlocuteurs de tous les horizons, dans des dispositions les plus diverses!

        Il faut répondre, il faut convaincre, expliquer, se répéter! Macron aussi s'use, puise dans ses réserves, qu'il croit encore infinies! Il a déjà eu un malaise, comme Sarkosy, mais il n'en tient pas compte! Et pourtant ses petites phrases assassines, qui produisent autant de polémiques, viennent de son irritation... C'est la langue qui soulage de l'effort, de la contrainte; c'est le jet de vapeur!

        Macron n'est pas en paix avec lui-même; il détruit ce qu'il construit! Il veut la concorde et divise! Il veut le respect, l'ordre, le travail, et il parle comme un charretier! Il brusque soudainement! Il est inquiet et ne peut rassurer pleinement!

        Il a d'ailleurs fort à faire! Il est suivi par beaucoup, car beaucoup sont perdus, cherchent la lumière, une bouée, une raison de vivre! On voudrait croire à l'économie, à un futur de confort et en même temps dynamique; mais on n'a pas le rêve de Macron..., qui est aussi de réussir sur la scène internationale! Qu'est-ce qui pourrait nous donner de l'espoir? étancher notre soif?

        Certains sont des alarmistes; ils sont extraordinaires! Ne croyez surtout pas qu'ils soient plus réalistes, plus lucides! Il n'en est rien! Mais à vrai dire, ils sont "impayables"!

        Ecoutez-les! Pour celui-là, on pourrait encore retarder la fin de la planète, mais pas la sauver! Se voit-il déjà dans un cercueil, en squelette, riant de toutes ses dents? N'est-il pas humain? du même bois que nous? N'a-t-il pas besoin lui aussi d'espérance? Alors, comment peut-il se condamner? Cela n'est pas supportable! A moins qu'il ne pense pas vraiment ce qu'il dit, mais qu'il a trouvé là un moyen pour qu'on le considère!

        De même, celle-là dit à Macron: "On va dans le mur!" Ah bon? En est-elle réellement persuadée? Si elle en était certaine, serait-elle là à en parler? Ne se mettrait-elle pas à courir dans la direction inverse? Reste-t-on dans une voiture qui roule vers le ravin? Ah! mais nous aimons les catastrophes imaginaires! Ah! mais l'alarme est un puits sans fin pour qu'on s'intéresse à nous, qu'on nous console, qu'on prenne soin de nous, sous le prétexte du réalisme, du courage d'ouvrir les yeux, sous le prétexte que nous semblons adultes et responsables! C'est prendre la vérité pour une idiote! C'est abuser de la charité de l'intelligence! C'est faire perdre son temps aux hommes de bonne volonté!

        Les alarmistes sont des tyrans bien gluants, bien repoussants, bien sales! Et il est difficile de s'en défaire! Il ne faut pas discuter avec eux, comme le fait Macron... La seule manière de les traiter, c'est comme si on jetait une barre de fer dans les roues d'un vélo! Il est nécessaire de leur parler de leur égoïsme, d'aller droit au but, d'expliquer leur fonctionnement, quitte à les faire rager!

        Il faut mettre au jour leur puanteur et leur égocentrisme, comme on ouvre une boîte de sardines! Que tout cela soit humé et bien en vue! Sinon, il fait nuit et on bâille, tandis qu'on en est toujours à estimer à quelle la distance passera la prochaine météorite, dans deux siècles! Les alarmistes sont pires que des morceaux de scotch!

        Le sage, qui est le plus près du temps de la nature, sait qu'il n'y a aucune urgence, au contraire! C'est par la paix qu'on fait avancer les choses! C'est en rassurant qu'on fait sourire et grandir! C'est par la douceur qu'on mobilise les cœurs et les bonnes volontés, qu'on change les gens profondément!

        C'est par la joie qu'on guérit et qu'on conduit! C'est la simplicité et la sincérité qui font progresser et qui  nous améliorent! La nature parle, il suffit de l'écouter!

        Manger quand on a faim; se réchauffer quand on a froid; dormir quand on est épuisé; n'est-ce plus possible? C'est pourtant là une source sûre de plaisirs! Si notre confort est tel que nous perdons ceux-ci de vue, alors, il vaut mieux redevenir pauvres! Le bonheur est d'abord d'aimer les choses simples! Où est l'alarmiste à cet instant? Celui qui se rassasie, va-t-il dans le mur? Il en rigolerait!

        Mais l'amour-propre nous perd.... La tyrannie nous entraîne sur une mer de problèmes, où se mêlent notre bonne volonté et notre égoïsme, sans que nous puissions les distinguer! Pour la clarté, la nature n'a pas son pareil! C'est un retour à la case départ, c'est retrouver le bon pied!

        Et que nous dit la nature en ce moment, sinon que l'attente, le recueillement sont de mise! Les bois sont nus, la sève retirée et le temps paraît suspendu! Les animaux se font rares; les vaches restent à l'étable et combien de créatures ne sont-elles pas blotties dans leur terrier!

        La nature nous invite ainsi à l'introspection, qui est une forme de résistance! C'est une écoute de ce qui se passe en nous... Nous sommes conviés à guetter le moindre changement, dont nous sommes l'objet! C'est un travail interne, lent, qui permet de garder ses forces, puisque nous n'en disposons pas de beaucoup!

        Ce n'est pourtant pas une léthargie, car les progrès sont tout de même là; c'est une adaptation, avant le rayonnement du printemps, pour mieux le favoriser! Or, que voit-on? Des gens quasiment en guerre! qui récriminent, qui lèvent le poing, qui hurlent, qui sont pleins de violences et de fureur! et qui sont donc totalement à contre-courant! qui s'opposent à leur nature même et qui donc se blessent, eux et les autres!

        Or, que voit-on? Un grand débat, avec de grandes questions! On nous demande de réfléchir à toute vitesse! On veut des réponses brèves et claires sur des sujets très compliqués! On veut notre éveil complet, comme le clairon rassemble des soldats! Et Macron apparaît en chemise, pour un show à l'américaine! Voilà son modèle, alors qu'il désire redonner à notre pays toute sa grandeur... Que fait-il de notre spécificité, qui est d'une richesse infinie?

        Participer au grand débat est pour nous, en particulier, au-dessus de nos forces! Que certains s'y adonnent, ce sera se surmener à l'instar des gilets jaunes! Nous l'avons déjà dit, la fatigue est insidieuse...

        D'ailleurs, le grand débat est là pour enlever toute légitimité aux gilets, car pourquoi continueraient-ils puisqu'une tribune est ouverte? S'ils ont encore des doléances, qu'ils les expriment en participant, en cochant les bonnes cases! qu'ils aient enfin une démarche vraiment citoyenne! N'était-ce pas leur souhait?

        Le bras de fer est engagé! Que la France juge! Tout gilet qui s'obstinera sera deux fois hors-la-loi! Mais bien entendu le piège est grossier... Les gilets ne veulent pas être dissous par un questionnaire, ni voir leurs efforts emportés par le vent, et ils auront à cœur de faire la sourde oreille, comme si le grand débat n'existait pas! Il n'y a pas de réconciliation possible!

        L'hiver, en baissant notre tonus, en nous renvoyant à nous-mêmes, nous inquiète évidemment, mais la seule réponse dont nous sommes capables, c'est de faire du bruit et de nous montrer violents! Nous n'avons même pas honte devant les animaux! La moindre patience, la moindre retenue nous rebutent! La paix nous est absolument étrangère!

        Le problème est général cependant... Nos amis anglais ne savent plus où ils sont... Le Brexit est comme une mélasse, qui les englue... Theresa May est une femme qui se croit encore séduisante et qui s'habille comme si elle avait des formes... Le résultat est consternant, douloureux même, et on ne voit pas comment le pays pourrait être dirigé, quand son chef vit dans une illusion, ne se connaît pas!

        Un économiste, au sujet du Brexit, s'écrie: "Entreprises françaises, attendez-vous au pire!" Tiens, voilà encore un alarmiste! Peu importe que la tension et l'angoisse soient déjà là, il faut que l'alarmiste "en rajoute une couche"! C'est plus fort que lui! L'alarmiste est à la charge de la société; c'est un allocataire non déclaré!

        En 1940, Grasset écrivait: "Et quand ces maisons d'édition seront créées en zone libre, avec nos auteurs, dites-moi, mon cher Heller, est-ce l'autorité allemande qui se chargera de poursuivre les éditeurs marrons?" Ce n'est pas la situation de son pays, l'occupation qui préoccupe l'éditeur, mais ses intérêts! C'est là son inquiétude auprès de l'occupant! 

        Car nos inquiétudes sont à la mesure de nos intérêts, elles en sont le reflet! Plus les seconds sont forts et plus les premières sont fortes également! Le tyran a tellement peur de perdre, de manquer, qu'il ne peut discerner la situation, prendre du recul! Il devient irresponsable, lâche, traître, monstrueux!

        Mais nous ne voulons pas apprendre, ni évoluer! Nous préférons mille fois le bruit et la fureur au calme et à la réflexion! L'agitation nous paraît toujours mieux servir notre égoïsme! Le retrait, la retenue nous semblent ingrats et suspects, car a priori ils nous privent de satisfaction! Allons-y pour l'éclat, la colère et tant pis si cela nous détruit et nous remplit d'amertume!

        Car, pendant ce temps-là, les ambulances font de nouveau retentir leurs sirènes; les hôpitaux se remplissent, et très tôt le matin, certains écrasent leur klaxon; leurs nerfs crient à l'injustice, leur frustration et révèlent leur fatigue!

        Le sage, lui, continue son travail de fourmie... Il s'efforce de se pacifier chaque jour... Son effort est utile et constant! Il voit clair en lui et mesure son combat intérieur, car bien entendu il est un homme comme un autre! La sagesse est à la portée de tous, à condition de la souhaiter, de la rechercher, de la vouloir!

        Mais le sage voit sa colère, son irritation, son épuisement, son impatience, son désespoir, mais aussi sa force, sa ténacité, sa persévérance, sa douceur! Il ne perd jamais de vue son travail interne; il sait ses victoires et ses défaites; il ne s'abandonne jamais au chaos; il s'épanouit malgré les vicissitudes et nul doute  qu'au printemps, il sera prêt, beau comme un dieu!

  • Du changement

    Du changement

     

     

        Nous sommes sans doute à un tournant de notre histoire, car les gilets jaunes, malgré leur confusion, nous posent involontairement cette question: "Que peut-on faire de sa vie aujourd'hui?"

        Pour Macron le but est clair: redonner au pays sa force, une dynamique économique, qui servirait tout le monde! De cette façon, la France serait prête notamment à jouer un véritable rôle face aux grands problèmes contemporains, comme le réchauffement climatique. Aussi, Macron est-il surpris, désorienté, abattu même qu'on ne partage pas ses vues, qu'on s'oppose à ses décisions, qu'on ne soit pas au contraire enthousiaste! Ne veut-il pas le bien? Certes, mais il montre encore par là sa naïveté et même peut-être son hypocrisie!

        Nous sommes au fond dans une situation nouvelle, qui nous conduit à nous regarder en face, comme si nous étions nus! C'est sans doute une période périlleuse et climatérique, car nous voilà, sans que la plupart en prenne conscience, devant un abîme! celui de notre condition! Nous voilà libres, tout d'un coup, et nous ne nous en doutons même pas, sans doute parce que nous en serions effrayés subitement et trop terriblement!

        Cependant, ce n'est pas une situation propre à la France, mais c'est celle de tous les pays industrialisés! Considérons notre passé... Nos racines animales ont donné lieu à la tribu, c'est-à-dire à un groupement d'hommes et de femmes, avec un chef et une hiérarchie! Cela devient plus tard la monarchie, où le dominant est le roi, qui est associé au clergé, car le culte n'est pas seulement né de notre peur face aux éléments ou à la mort, comme on l'entend dire parfois, mais il est aussi le reflet de nos interrogations. Ceci est capital, si nous voulons vraiment nous comprendre!

        Toujours est-il que plus le temps passe et plus nous sommes nombreux... Les territoires se transforment en royaumes, puis en pays... Chacun est animé de son besoin d'être dominant, à son niveau, et pour cela il faut toutes les latitudes pour se développer... La liberté et donc le droit sont nécessaires! Tous les obstacles sont repoussés..., au besoin par la révolution! La monarchie est bientôt remplacée par la république, qui tend vers la démocratie...

        Chez nous, la constitution de la Troisième république mène au désastre de quarante! Celle qui suit produit les morts d'Indochine ou la crise algérienne... Notre cinquième constitution semble donc plus équilibrée, comme un achèvement et elle garde donc toute sa valeur...

        Il a fallu aussi deux guerres mondiales pour que la terre d'Europe se refroidisse, pour que les frontières se figent, que les républiques s'installent! Peu à peu, encore, les colonies sont devenues indépendantes et la carte du monde s'est éclaircie... Tout le monde ou presque connaît sa place!

        Les communications et les échanges commerciaux ont eux aussi bien évolué et la planète en paraît plus "petite": c'est la "mondialisation"! Ainsi, on se réunit régulièrement à l'ONU et on se voit en face! Le jeu des alliances est extrêmement serré et il est quasiment impossible de faire cavalier seul! C'est pourquoi un nouveau conflit généralisé serait comme tirer une fusée dans une boîte à chaussures, conduirait à un risque de destruction totale et ne profiterait à personne! Celui-ci est donc peu probable, mais les hommes nous ont souvent étonnés par leur persévérance dans la bêtise... et il est vrai encore que même en 14 on pensait que l'ère de la barbarie était derrière soi!

        Sur le plan intérieur, comme nous l'avons dit, notre fonctionnement est issu de l'expérience et correspond à une patiente évolution... Or, la demande des gilets jaunes et a fortiori celle de Mélenchon font fi de cette histoire et constituent somme toute un retour en arrière! On veut que le "peuple" soit plus présent, qu'il ait plus la parole et on tend ainsi vers un régime qui est d'abord davantage parlementaire. Mais justement notre constitution, mise en place par le général de Gaulle, qui, au-delà de sa haine des partis, avait vu et subi de plein fouet, comme tous les Français, les problèmes que posait un Parlement prépondérant, a voulu éviter un gouvernement affaibli par les intérêts des uns et des autres!

        Il faut, malgré tout, à une démocratie un chef pour une politique forte; même s'il se trompe! Rien n'est pire que l'indécision, l'atermoiement, l'impossibilité d'agir efficacement, parce qu'on ne peut disposer d'un pouvoir suffisant!

        En 40, le président du Conseil, Paul Reynaud, alors que l'armée allemande pénètre en France, est encore encombré d'un ministre de la guerre, en la personne d'Edouard Daladier, qu'il n'a pas voulu, avec lequel il ne peut collaborer, mais qu'il ne pouvait éviter sans perdre la majorité au Parlement, ce qui bien entendu l'aurait condamné à la démission!

        En 54 encore, pendant qu'à l'Assemblée on s'invective, notamment parce que les communistes, tout puissants à l'époque, ne veulent pas observer une minute de silence, en hommage aux soldats tombés en Indochine, on meurt par contre héroïquement et inutilement à Diên Biên Phu, victime d'une politique incohérente plutôt que du Vietminh!

        Il faut un responsable et si aujourd'hui certaines femmes gilets jaunes se réclament de celles qui menaient les foules durant la révolution, elles font une erreur; elles aussi ont une vision illusoire du passé! La foule, en 1789, est autant capable de tuer que de tomber à genoux devant les enfants de la reine! Elle n'a pas de réflexion, ni la capacité de construire! Elle va sous le joug de ses pulsions!

        Quant à l'Assemblée constituante, si chère à Mélenchon, elle est surtout le théâtre d'une lutte pour le pouvoir! Les partis s'y déchirent, manœuvrent pour détruire les opposants! On se craint les uns les autres, d'autant que l'ombre de l'échafaud s'étend sur les débats! C'est la peur et le calcul! C'est l'influence qui sauve du piège! L'ami devient l'ennemi, selon le vent qui tourne! On condamne, avant d'être condamné!

        Il faudra la Terreur pour que les idées de la Révolution soient appliquées, prennent toute leur dimension! C'est-à-dire qu'il faudra le pouvoir d'un seul, en l'occurrence Robespierre, pour qu'on progresse franchement! Le principe d'un chef est nécessaire à l'efficacité, bien qu'il fût à cette époque un tyran!

        Les partis ne cessent d'attaquer et Robespierre lui-même tombera, de la même manière qu'il en a trompé tant d'autres! On l'empêchera de parler, grâce à une clochette qu'on fera retentir; on le proclamera hors-la-loi, sans véritable autorité, par-dessus le brouhaha, mais la formule fait déjà son chemin: le tyran est hors-la-loi, il est désacralisé!

        Alors qu'on est sur le point de l'arrêter, il essaie de se suicider, mais, sans doute par peur, il ne fait que se tirer une balle dans la mâchoire. Un peu plus tard, au pied du "rasoir de la République", le bourreau lui arrache son pansement, pour qu'il pousse un cri de douleur, devant la foule, pour qu'il ne meure pas dignement!

         Les hommes et les femmes de ce temps-là étaient sans pitié, comme il arrive toujours quand les digues de l'autorité sont rompues, ainsi qu'on le voit aujourd'hui chez certains groupes! La haine et la violence ne demandent qu'à se satisfaire! Qui voudrait vraiment vivre comme il y a deux siècles?

        Par ailleurs, il n'est pas bon de multiplier les référendums, car la population, dont nous faisons partie, a très souvent des vues courtes et égoïstes! Prenons l'exemple du Brexit... David Cameron, dans la crainte de perdre les élections de 2015, "met sur la table" un référendum sur le Brexit!  Cette démagogie sera payante, mais aujourd'hui Cameron doit être heureux d'avoir laissé "la patate chaude" à ses successeurs!

        Toujours est-il que le Brexit a fait redouter un effet domino sur toute l'Europe; d'autres pays pouvant demander eux aussi leur retrait de la Communauté européenne, ce qui aurait conduit sans doute à sa fin! Ce scénario cauchemardesque n'a pas eu lieu, mais tout de même cette "affaire" ne laisse pas de fragiliser Bruxelles!

        Lors des dernières présidentielles, en France, Vladimir Poutine s'est affiché aux côtés de Marine le Pen! Qu'est-ce que le président russe pouvait trouver au leader du Front national? Rien, sinon qu'elle voulait le Frexit ou la fin de l'Union européenne! Or, celle-ci est encore le seul obstacle qui empêche l'ogre russe d'atteindre le miel des pays limitrophes! Et on imagine alors leur angoisse devant le vote des Anglais, qui, eux, n'ont jamais pensé aux autres!

        Mais même ce qu'on appelle l'élite se trompe sur les situations politiques et son opinion peut être surtout néfaste! Voici un autre exemple intéressant, même s'il est loin de nous... En 1774, le comte de Vergennes devient ministre des affaires étrangères de Louis XVI et trouve sur son bureau un dossier, qui concerne l'aide que pourrait apporter la France aux insurgés américains, dans le but de nous venger du traité de Paris de 1763, qui a cédé la quasi totalité de nos colonies aux Anglais!

        L'idée était du duc de Choiseul et avait déjà été exposée à Louis XV... et avec le plein accord du nouveau roi, le comte de Vergennes se met au travail! On livre par exemple des armes aux Américains, notamment grâce à une entreprise factice, gérée par Beaumarchais; mais surtout on prépare, et c'est un vaste chantier, l'armée et spécialement la Marine, pour le jour J!

        Car c'est bien ce qui va se passer: Rochambeau, général et envoyé outre-Atlantique, dira lui-même: "Tout est prêt pour le dernier acte!"; les Anglais rassemblés en grand nombre à Yorktown (1781); Washington convaincu par Rochambeau d'y aller se battre, abandonnant ainsi son projet de reprendre New York; l'amiral de Grasse, mouillé avec la flotte française dans la baie de Chesapeake et empêchant les renforts anglais; et cerise sur le gâteau, le jeune Lafayette bondissant, idole des insurgés, parce qu'il leur donne de l'espoir!

        Quoi que puissent en penser certains Américains, sans l'aide française, ils seraient toujours sujets de la Reine (d'ailleurs, les insurgés pleureront la mort de leur bienfaiteur, Louis XVI!) Et cette vérité eût pu être une réponse au "tweet" de Trump, qui ironisait sur nos cours d'allemand, en 40! Mais c'est toujours le plus intelligent qui cède, n'est-ce pas? Et il vaut mieux apprendre à ne pas se dresser trop vite sur ses ergots, car plus on sait faire preuve de patience et moins on est vulnérable!

        Mais, en juillet 1776, est publiée la déclaration d'indépendance des Etats-Unis! Ce n'est encore que du papier bien entendu; l'Anglais est toujours là, mais cette déclaration va frapper les oreilles de nos philosophes et de nos encyclopédistes, qui, dans le sillage de Voltaire, prônaient l'exemple de Londres, comme un modèle d'ouverture! Or, une liberté totale devenait soudain possible! Une vraie république était née!

        Dès lors, l'Angleterre fut l'ennemi; elle retrouvait son titre de perfide Albion! Mais encore l'opinion publique, attisée par nos penseurs, se déchaîna contre la passivité du gouvernement, qui apparemment laissait les pauvres Américains gémir entre les pinces des "homards", surnom des soldats de Sa Majesté, à cause de leur tunique rouge!

        Louis XVI et son ministre en souffraient, mais il ne pouvait révéler leur politique, sans créer une raison de conflit avec la Grande-Bretagne... Cependant, la France dut bientôt avoir le courage de lui déclarer la guerre, afin d'envoyer ses troupes régulières, mais cet exemple montre non seulement combien nous sommes versatiles, mais aussi et surtout que certaines stratégies ont besoin du secret pour réussir; ce qui ne plaide pas pour une participation incessante de la population dans le gouvernement!

        Mais, de toute façon, ni les gilets jaunes, ni les communistes, ni Mélenchon, ne veulent vraiment plus de responsabilités civiques, plus de citoyenneté; ce qui les ennuierait plutôt; non, ce qu'ils veulent c'est que le pouvoir soit plus partagé, et il y a là une très grande nuance!

        En effet, comme nous l'avons déjà dit, les pays riches connaissent sans doute une situation inédite: nous n'avons pas à nous défendre, même si le terrorisme reste une menace; nous sommes libres, dans une démocratie qui n'est pas parfaite, mais qui ne peut l'être! Qu'allons-nous faire de nos forces, d'autant qu'aucune idéologie ne nous appelle? Il y a une sorte de vide devant nous et donc apparaît notre inquiétude. Pour la pallier, nous avons recours à l'instinct, à la domination, car c'est dans le regard de l'autre que nous existons! Ainsi, plus nous montrerons notre force ou notre séduction, quitte à être agressifs et même violents, et plus nous aurons de chances de nous faire remarquer!

        Sur le plan international, cela se traduit par la progression des nationalismes... Les USA, l'Italie, la Russie, ou Israël et tant d'autres, répètent un scénario éculé et qui ne peut que mener à l'affrontement!

        En France, le mouvement des gilets jaunes est incohérent et connaîtra un échec; car on ne peut pas en même temps critiquer le pouvoir et le demander pour soi; même si ce désir est obscur! Pour Mélenchon, c'est encore plus simple: puisqu'il n'a pas pu entrer par la porte, il essaye par la fenêtre! Mais même Macron pèche par la domination, car ce n'est pas seulement une France forte et qui profiterait à tous qu'il veut, mais c'est aussi en être le représentant à l'ONU, devant le Congrès américain ou ailleurs! Il serait alors l'homme qui réussit et c'est pourquoi tous ceux qui semblent ralentir ce rêve, en l'occurrence les allocataires, sont considérés comme des soldats simulateurs ou de mauvaise volonté! La politique de Macron échouera, elle aussi, du moins en grande partie, car on ne peut pas non plus demander la collaboration de la population, tout en ne lui faisant pas confiance ou quand on la traite d'une manière brutale!

        Il existe pourtant une autre voie... Se rendre compte que c'est la domination qui nous mène, qu'elle ne peut qu'aboutir à la tyrannie et qu'elle est incapable de nous rendre heureux, car elle nous fait vivre comme des animaux, aussi sophistiqués soient-ils; c'est entrer de plain-pied dans le monde de la sagesse!

        Ce n'est pas une foi que nous proposons..., mais un raisonnement, une logique, une expérience que chacun peut éprouver et vérifier chaque jour, dans tous les comportements qu'il rencontre; à condition d'avoir les yeux ouverts, d'être averti, de posséder les bons repères, les bons paramètres!

        En 14, les Français partaient à la guerre avec enthousiasme, car pour eux la paix était synonyme d'ennui! Saurons-nous faire mieux aujourd'hui?

       

  • Du tyran du dimanche

    Du tyran du dimanche

     

     

     

        Beaucoup de gilets jaunes ont un "cœur" et en cela ils sont un peu plus lucides que la plupart de leurs adversaires! Ils veulent une société plus juste, moins égoïste, et ils voient bien qu'il s'agit de donner un véritable sens à sa vie, et non de "parader" socialement, avec une voiture plus grosse et une maison plus vaste!

        Ceci étant, les mêmes gilets jaunes ne comprennent pas que, si le système est égoïste, c'est d'abord parce nous sommes, nous les humains, d'abord instinctivement égoïstes; ce qui veut dire que tout système, toute société, tout gouvernement seront toujours plus ou moins égoïstes; d'autant que, pour gagner le pouvoir, il faut avoir un égoïsme encore plus fort que sa bonne volonté!

        C'est cet instinct que nous allons une nouvelle fois démontrer dans cette chronique, qui parlera du tyran apparemment le plus banal, le plus inoffensif, celui qui se promène en famille le dimanche, qu'il soit le "juste" qui fait vivre les siens ou celle qui l'accompagne, le soutient et qui parfois joue son rôle!

        Mais cela ne veut pas dire non plus qu'il est vain de combattre la société, pour qu'elle soit plus équilibrée! Et certaines demandes des gilets jaunes sont tout à fait intéressantes et fondées! Vouloir une baisse des salaires des élus est pertinent, car ceux-ci, afin d'obtenir leur poste, se présentent comme les serviteurs du pays et de la population! Avec une telle noblesse dans le dessin, on ne comprendrait pas qu'ils veuillent s'enrichir, ni même dominer leurs contemporains! Le sens de leur réussite ne devrait même pas les effleurer! Et ils devraient être totalement enclins à montrer des preuves de leur dévouement et de leur désintéressement, en se contentant de ce qui est juste nécessaire pour vivre! Ainsi leur sagesse atteindrait celle de certains personnages romains!

        C'est assez compliqué tout de même, car les mandats sont courts et être réélu est très aléatoire, mais un débat, pour savoir quel revenu attribuer aux élus, placerait ceux-ci devant leurs propres contradictions! Ont-ils voulu le pouvoir ou bien aider les gens? La politique est-elle un métier ou le chemin d'un idéal? Evidemment, nous sommes tous multiples, complexes, mais, si on veut demander des comptes aux autres et notamment aux plus faibles, on se doit d'être soi-même un exemple de probité, de courage et de retenue! Que pour la "chasse aux allocataires", chacun est au moins un permis en bonne et due forme!

        Hélas, de ce côté, c'est l'omerta, la dignité offensée! Le pouvoir est un mur de respectabilité, au nom sans doute du respect des institutions, de l'ordre! Voilà pourquoi, entre autres, on en est à vider son sac dans la rue! L'élu est important et méprise le rustre gilet jaune! L'élu a un fonctionnement, dans un endroit prévu pour cela; tandis que le gilet est à moitié vagabond et ignorant! 

        Mais la cavalerie arrive, car voilà les foulards rouges, qui appellent à manifester contre les gilets jaunes, pour la fin du mois et dont le slogan semble être: "Bon, ça suffit maintenant!" Ce sont des dominants qui sont las d'être dominés, plutôt que des supporters du régime de Macron! Car, comme nous l'avions prévu, occuper longtemps le devant de la scène crée chez ceux qui regardent un agacement, une jalousie, qui devient de la haine!

        Attirer à soi l'attention, même si c'est pour la plus noble cause, diminue inévitablement l'intérêt que les autres se portent à eux-mêmes, et celui-ci est d'autant plus vif que l'individu est ambitieux ou tyrannique! Evidemment, les foulards rouges parleront de défendre l'ordre et leur confiance dans le gouvernement, mais leur véritable motivation est de prendre la place des gilets jaunes, afin que ceux-ci disparaissent de l'actualité!

        Nous sortons de chez nous et tout aussitôt, nous subissons le regard haineux d'un cycliste!  Que se passe-t-il? Mais nous portons innocemment un document dans une chemise jaune! Le ressentiment de certains est incroyable, et nous espérons que les poubelles jaunes seront laissées tranquilles! Remarquez que le mouvement des foulards rouges aura moins de succès que l'autre... En effet, à quoi ressemble-t-on avec un foulard rouge, sinon à un communiste en culottes courtes! Tandis que le gilet jaune suggère une urgence, comme si la société était en panne sur le bas-côté!

        Des affrontements sont à craindre et ils seront d'autant plus violents que l'amour-propre affleure, tant les idées sont maigres! Nous pourrions voir des "combats de coqs", qui mêlent eux aussi des couleurs éclatantes!

        Mais d'autres se dressent aussi, tels les squelettes de Jason et les Argonautes; ce sont les enseignants, qui se considèrent comme les grands oubliés du système et qui se nomment les stylos rouges, comme s'ils notaient la société!

        Les médecins vont bientôt les rejoindre, dans la contestation, car leur autorité est bafouée, bien qu'ils l'ignorent encore; mais nous y reviendrons!

        Mais ainsi évolue l'humanité..., car ce qui porte l'idée, c'est d'abord la domination; le point de vue ne s'impose pas sans l'individualité, ce qui fait qu'il n'y a pas de progrès sans passion et il faut le lent travail de la raison pour le rendre universel!

        Mais entrons dans notre sujet... C'est dimanche et après un bon déjeuner, on va se promener, "prendre l'air", car c'est hygiénique et il ne s'agit pas de rester "enfermé". Mais aussi on pourra dire qu'on a fait telle ou telle chose, qu'on est allé voir ceci ou cela, et notre dimanche, surtout aux yeux des autres, en paraîtra moins vain!

        Cela nous renvoie un tant soit peu à la dure question de Saint-Exupéry, au sujet des hommes: "Mais que font-ils de leur affreux petit dimanche?" Evidemment, pour un aventurier, un pionnier de l'aéropostal, et encore plus pour un idéaliste, épris de droiture ou pénétré par le devoir, la promenade dominicale ne peut qu'apparaître fade et être traité avec mépris! Mais nous ne manquerons pas un jour d'écrire une chronique sur l'auteur du Petit prince, qui eut somme toute un parcours douloureux!

        Cependant, on prend généralement sa voiture, pour aller dans un endroit réputé, car on ne cherche pas à être original; les efforts étant réservés pour le travail! Pour certains, le but sera telle forêt, telle montagne, tel parc et pour nous, ce sera un bord de mer, puisque c'est la chose que nous connaissons le mieux!

        Mais la dune ressemble ainsi à un parking et même si elle a été aménagée pour cela, cette palette criarde de carrosseries, si près de l'immensité bleue, ne laisse pas de choquer l'œil et de désespérer celui qui aime la nature pour ce qu'elle est! Mais ce n'est pas le cas de notre promeneur du dimanche, nullement troublé par l'affluence, et qui avec les siens commence son petit tour.

        En fait, la beauté du spectacle n'est considérée que quelques minutes et elle ne devient plus qu'un cadre pour la conversation du promeneur... Il faut toute la démesure de la mer déchaînée, pour qu'il reste muet et contemplatif, ainsi que l'image de la télévision, bougeant sans cesse, fixe l'enfant!  

        Mais, pour l'instant, la mer n'a pas une ride et chacun avançant d'un pas tranquille, on pourrait trouver le tableau idyllique. Mais, si on y regarde de plus près, on est vite troublé par certaines attitudes! Ainsi, certaines familles sont précédés de grands individus, qui sont les pères, les oncles ou des amis... Mais ils marchent comme s'ils participaient au génocide rwandais, ou comme des islamistes en colère! Il y autant d'arrogance et de menaces chez eux et la différence, qui vient à les croiser, n'a qu'à bien se tenir!

        Puis viennent les femmes; en apparence curieuses, ouvertes, douces; mais malheur à celui qui fera mine de critiquer leur progéniture ou leur mari! Il verra devant lui se dresser un serpent à sonnettes!

        La famille est la vitrine de la femme et bien des hommes l'ignorent, trop penchés sur eux-mêmes! Par ailleurs, la femme, au cours de ces promenades, joue un jeu subtil avec les pouvoirs... Tantôt elle appuiera son beau-père, qui croit qu'il faut prendre à droite... Tantôt c'est à son mari qu'elle apportera son soutien, alors qu'il dit que c'est à gauche! Cela dépend de la manière dont on s'est comporté avec elle... Sans en avoir l'air d'y "toucher", elle pose des défis très sérieux et blessants!

        Laissées entre elles par contre, des femmes sont intarissables sur les choses les plus futiles!

        Mais voici les enfants... et on peut en distinguer deux sortes! Il y a l'enfant qui boude, parce qu'on lui avait permis de regarder telle série et qu'on l'a finalement "chassé" de son fauteuil! On l'a trahi! Et il y a l'enfant "lèche-cul", si on ose dire, qui ne cesse de poser des questions à son papa ou à sa maman, avant de s'enchanter de leurs réponses! Celui-là ou celle-là, qui sait déjà donner de l'importance aux grandes personnes, aura bien mérité une part de gâteau supplémentaire... et, à moins d'un accident, réussira dans la vie!

        On le voit, sous la surface, règne une certaine tension, qui peut prendre des dimensions vertigineuses! Par exemple, un père est en train de bouillir... Il veut expliquer à son fils et même à la cantonade, en parlant fort, ce que sont les colombins que l'on voit par milliers sur le sable... Alors qu'il se lance dans une explication hésitante, un oncle se moque de lui en disant qu'il ressemble à Jamy, l'infatigable apôtre de la science, à la télévision!

        Cela fait rire le fils, dont on a capté l'attention, en évoquant son monde; mais pas du tout le père frustré! En voyant sa peine, le fils demande: "Mais où sont les couteaux, papa?" Mais c'est encore trop tôt pour le père, qui est encore sonné; d'ailleurs il ne saurait quoi répondre... A cet instant, mais le groupe ne s'en aperçoit pas, un couteau envoie un petit jet hors de la vase, comme pour dire: "Ici, je suis ici!" 

        Une femme passe, comme un guide, avec du monde derrière elle. C'est une personne volubile, qui décrit chaque chose, qui explique tout ce qu'elle voit. Elle ne souffle à aucun moment et on se demande comment les autres la supportent!

        Une autre prend ses enfants pour des robots: "A droite! Maintenant à gauche! Ne prends pas ça! Dis bonjour au monsieur!" Elle est comme une main invisible sur l'enfant; sa domination est sa canne! C'est une aveugle au bord d'un précipice!

        Mais c'est l'amour-propre qui tient les ficelles de notre être; c'est la conscience de nous-mêmes qui fait notre équilibre! Voilà pourquoi il est si important que nous nous sentions aimés, approuvés, respectés! Les traumatismes créent les névroses, qui à chaque fois qu'elles se manifestent, même de la façon la plus légère, nous font vaciller, nous rendent raides, interrompant notre harmonie, détruisant notre force!

        C'est la patience qui nous aide à maîtriser notre amour-propre, à contrôler sa flamme; de sorte que nous soyons sans tyrannie, sans haine, sans besoin de dominer! Celui qui parvient à se vaincre est paisible, doux; il n'est pas inquiet de perdre son tour; il n'est pas avide, brûlant, impatient, prompt à la colère!

        Plus l'amour-propre est vif, plus il souffre! Plus il a peur! Plus la domination est la seule source de son équilibre et plus il a besoin de la tyrannie! Le tyran ne marche qu'en dominant, c'est son seul repère! Autant dire qu'il est vide! S'il ne domine pas, il est troublé et s'écroule! Il ne connaît pas l'harmonie, ni la joie, ni la force! Il n'existe pas, ou si peu!

        Celui qui est blessé peut guérir! Nous sommes ce que nous pensons! Et ce qui est important, essentiel, est ce que nous pensons de nous-mêmes, nullement ce qu'en pensent les autres! Celui qui est sûr de sa pensée est inattaquable, inaltérable! La sagesse rend sûr de soi, pas la tyrannie, pas la domination!

        Il faut donc se livrer à la patience! Elle nourrit notre savoir, nous fortifie, nous rend immortels! La sagesse est le cœur de Dieu, mais qui est Dieu?

        Celui qui vit dans la sagesse rayonne! Il est de l'eau vive! Il est une fourmi et un aigle! Un mendiant et un richard! Il est le vent comme la pierre! Chaque jour, il s'affermit! Chaque jour, il progresse; il est toujours plus haut, plus vaste!

        Le tyran s'agite, se fatigue, se perd! Il a peur ou il brise! Il ne connaît pas la paix! Sa joie est éphémère; il a besoin d'excitation! Il est inquiet, il rumine; la haine ne le quitte pas, c'est sa conseillère!

        Le tyran du dimanche finit par se fâcher! Ses enfants l'agacent! Le voyage est trop long, les autres conducteurs incompétents, dangereux! Il est bientôt épuisé, avant de commencer la semaine! Il ne sait pas pourquoi et il laisse des victimes dans son sillage!

        Le sage a de moins en moins peur, comprend toujours davantage et existe de plus en plus!

  • De la vie en jaune

    De la vie en jaune

     

     

     

        Puisque les gilets jaunes nous rappellent leur présence, notamment dans notre ville, avec leur concert "animal" du dimanche, nous allons tenter d'expliquer l'origine de leur mouvement, son but et d'en supposer l'avenir! Mais, d'abord, il nous faut parler de la télévision!

        Voilà un étrange appareil, dont le pouvoir est aussi impalpable que profond! Les images de la télévision nous captivent et même nous hypnotisent! Ainsi est masquée notre solitude, d'autant que, dans le même temps, la télévision nous fait croire, et ce n'est pas une action malveillante de sa part, que nous faisons tous partie d'une grande famille, celle de la société!

        Ce n'est pas au fond la vérité, car la vie appelle notre individualité à se développer et c'est donc vers un être unique que nous tendons, mais c'est aussi tout ce qui fait la richesse de notre parcours et qui donne du poids à nos décisions! On ne peut jamais autant respecter et aider les autres que quand on est soi-même différent et mature!

        Mais la télévision pourrait être vue comme un foyer qui irradierait sa chaleur, jusqu'à ce que nous devenions dépendants d'elle; comme si un tardif et mystérieux cordon ombilical liait nos neurones à son univers! Ce n'est pas seulement une image: la suppression de la télévision conduirait immanquablement chez la plupart des gens à un état de manque, caractérisé par une angoisse quasi insupportable!

        Avec un tel pouvoir, le petit écran, on le comprend bien, est le ciment par excellence de la société! Il en résulte que chacun développe dans son cerveau un rêve, qu'il entretient, qu'il façonne et qui le façonne, qui ressemble surtout à un dialogue et qui a pour cadre le monde de la télévision!

        Chacun s'imagine notamment répondre à une interview, afin qu'il livre ses lumières ou qu'il présente sa réussite, ce qui montrerait sa valeur et son rayonnement! C'est en chacun de nous et même malgré nous, car nous ne pouvons pas ne pas réagir à certaines situations dont nous sommes spectateurs!

        Chacun tisse son rêve, élabore ses réponses, perfectionne ses pensées, au fur et à mesure des événements... Il se met en scène et nous sommes parfois très surpris, quand un autre nous laisse voir qu'il en est de même pour lui, alors que, sans méchanceté, nous l'avions déjà jugé banal, insignifiant! Mais chacun s'aime plus que tout et c'est bien normal, n'est-ce pas?

        Pourtant, il y a des individus qui n'ont plus d'existence propre, ni de caractère et qui ne sont plus que le produit de leur rêve télévisuel ou médiatique, comme s'ils étaient notamment des pages vivantes de magazine, consacrées à leur gloire!

         Cet imaginaire, qui nous habite et que la télévision provoque avec la plus grande puissance, a un effet social extraordinaire, puisque non seulement la solitude devient supportable, mais qu'en plus les frustrations se calment et que patiente la population! En effet, notre rêve est réparateur... Il nous rend justice, il nous donne le beau rôle!

        Par exemple, nous voilà plus pertinents, plus efficaces, plus séduisants que ceux que nous voyons à la télévision, et cette vision nourrit notre endurance, la renforce, en nous faisant même espérer! Un jour, nous aussi, nous serons en vedettes! On nous sollicitera; notre heure sera arrivée! Nous brillerons enfin!

        Mais la télévision crée aussi bien le remède que le mal, car c'est elle également qui excite notre vanité! D'abord, elle nous impose une seconde idée fausse, à savoir que nos vies ou que la vie sont constituées essentiellement d'événements, comme s'il arrivait incessamment quelque chose! Ce n'est pas encore par mauvaise volonté que la télévision produit cette impression, mais c'est une conséquence inévitable de sa technologie; l'image ne "supportant" pas l'immobilité!

        Or, notre quotidien est en réalité très routinier, au point de ressembler parfois à une "morne plaine", mais c'est aussi ce qui nous convient, car nous avons besoin de sécurité et de tranquillité. Nous ne sommes pas faits pour subir des émotions à la chaîne, dans un état d'urgence permanent! Nous ne pourrions y résister et d'ailleurs, si le mouvement des gilets jaunes dure, c'est parce qu'il "souffle" pendant la semaine...

        Mais cela montre aussi que peu d'entre eux ont un travail intéressant, qui les passionne, sinon ils seraient moins réguliers et moins vindicatifs, et c'est étonnant pour certains! Une des leaders du mouvement n'est-elle pas hypnothérapeute? Ne devrait-on pas attendre de sa part un épanouissement, une joie procurée par son activité? Mais il est vrai que la meilleure façon d'échapper à ses maux, c'est encore de se proclamer soi-même médecin, savant! Ainsi, on se donne de l'importance au regard des autres!

        (Nous ne détestons pas à l'occasion de faire preuve de sournoiserie! De toute façon, si cette femme pouvait se voir avec nos yeux, elle ne contemplerait qu'un mérou féroce!)

        Cependant, sans cette vérité que la vie nécessite naturellement de la patience, il nous est impossible de comprendre que nous sommes, comme tout ce qui existe, l'objet d'une maturation! Par exemple, le pommier jeune ne donne pas de fruits... et c'est bien la patience qui nous façonne, nous fait grandir et nous conduit à "l'esprit", au développement de notre raison. Il ne faut pas espérer une réponse à toutes nos questions, à n'importe quel moment!

        Pourtant, la télévision nous suggère le contraire... Elle veut être informée et classer de suite! Elle ne connaît pas le temps, ni son action! Elle crée un climat de tension permanent! Pire, elle fait "scintiller" devant nous les mêmes "têtes", les mêmes individus, qui se répètent et dont le vide souvent nous révolte, nous scandalise!

        C'est un monde qui à la fois nous attire et nous rejette, car nous n'en faisons pas partie; alors que nous participons à ses "fêtes"; comme si, dans une famille, nous étions tenus à l'écart! Ce miroitement inaccessible ne peut pas ne pas nous faire souffrir, nous irriter: le siècle passe, mais c'est sans nous!

        Pour guérir de cette amertume, nous avons trouvé personnellement une solution radicale: nous avons vendu notre télévision ("à de pauvres gens heureux", pour singer Jacques Brel!) Le monde de la télévision ne veut pas de nous, eh bien, nous ne voulons pas de lui! Ainsi arrive l'apaisement..., même si au début c'était comme une aventure: n'allait-on pas souffrir d'un manque? A vrai dire non... Nos soirées sont infiniment plus calmes et nous nous louons chaque jour de ne plus retrouver tout ce "cirque" journalistique, pour ne citer que lui! Nous avons même atteint une dimension supplémentaire; nous sommes plus dense, comme un fumeur qui aurait cessé de fumer... Sur notre passage, les gens s'interrogent, car nous semblons d'une autre "planète", et pour cause le temps est plus vaste pour nous! Quant aux informations capitales, on parvient toujours à les apprendre...

        Mais "l'attraction empoisonnée", que produit la télévision est très importante pour comprendre le mouvement des gilets jaunes, car, si des journalistes sont pris à partie, ce n'est pas tant qu'ils semblent favorables au gouvernement, c'est plutôt qu'ils sont vus comme des privilégiés, comme ceux mêmes qui représentent ce monde brillant et "traître"! Et si des personnalités du petit écran sont assez naïves pour s'en défendre, en soutenant qu'elles ne font que leur travail, la réaction "terrible" de certaines d'entre elles, face à leur éviction, montre trop bien quel plaisir intense produit l'œil de la caméra! 

        Cependant, il arrive que la réalité froide heurte notre rêve et le détruise... Il suffit d'un détonateur assez fort pour cela... Par exemple, l'absence d'argent! On a beau s'échiner, économiser, faire attention... et le porte-monnaie est toujours vide! A ce moment-là, le rêve devient odieux, car il laisse voir toute sa tromperie... et il faut vite trouver autre chose: c'est la révolte! Les digues se rompent... On prend les choses en main... On va changer le monde à son image! On ne supportera plus l'ancien, "qui nous menait en bateau"! Ceux qui étaient en haut seront mis en bas! C'est nous, les gilets jaunes, qui maintenant occupons le devant de la scène, qui sommes sous les feux de la rampe! C'est avec nous qu'il faut compter! C'est nous les forts! C'est nous désormais les stars!

        Nous avons envie dire que le système a engendré ses propres monstres!

        Cependant, un autre détonateur est la manière dont on est traité! Il y a, sans l'avouer, une chasse sans précédent aux allocataires! Le gouvernement veut réduire à tout prix leur nombre... et tous les moyens sont bons! On demande de nouvelles pièces, on met en doute des certificats, on cherche l'occasion de troubler, de faire chuter; on veut épuiser, briser! C'est le règne de la suspicion, de la mauvaise volonté, on a des ordres! C'est la peur qui habite Pôle emploi, la CAF, la Sécu! Même les handicapés ne sont pas épargnés! On vérifie leurs blessures, sans être satisfait, en restant méfiant, au cas où il y en aurait "un" qui se mettrait soudain à marcher, alors qu'il ne se sent plus surveiller!

       Il a fallu que nous-même nous éprouvions la "méthode Macron", pour ouvrir les yeux et considérer avec plus d'indulgence le mouvement des gilets jaunes! Nous le comprenons, même si nous n'en partageons pas la haine, ni bien entendu la violence; même si les motivations des gilets sont difficiles à cerner, même si leur propos sont souvent chaotiques et même si certains d'entre eux et non des moindres ne valent pas mieux que ceux qu'ils critiquent!

        Mais c'est Macron qui a ouvert les hostilités! C'est lui qui a resserré l'étau fiscal avec violence! C'est encore lui qui, par son impatience, fait souffler un vent de mépris et de soupçons dans les institutions! C'est lui qui maladroitement a propagé la haine... et il ne récolte que ce qu'il a semé! Macron, c'est: "Allocataire, dégage!"

        Tout le monde, à part quelques fous, veut réduire le déficit, mais pas à la baguette! Certes, un grand nombre doit être réconcilié avec le monde de l'emploi, comme on dit, mais de qui se moque-t-on? Sarah Palin, la membre éminente du Tea Party, disait: " Nous, nous défendons l'Amérique des petites villes, celle qui travaille dur!" Elle critiquait ainsi son gouvernement, qui aidait les victimes des Subprimes, mais elle avait facturé son passage devant le micro 100 000 $!

        La classe politique se protège, elle se partage des charges (c'est une vieille tradition datant de Louis XIV!), elle veille à ce qu'aucun de ses membres ne se retrouve à la rue... et c'est elle qui pourrait donner des leçons de vie à ceux qui l'affrontent le plus durement! A-t-elle jamais attendu, la classe politique, dans un CCAS; devant des murs criards et tapissés d'affiches luttant contre l'alcoolisme ou la drogue? J'entends encore Sarkosy claironner: "Oui à la solidarité; non à l'assistanat!" Mais que peu au fond connaître un ambitieux du travail? Ce dernier n'est-il pas véritable seulement quand on essaye de lutter contre son égoïsme?

        Cependant, la réalité est même aux antipodes des ambitions du président... Le surmenage, l'angoisse remplissent les hôpitaux et augmentent bien entendu le nombre de ceux qu'il faut soulager! C'est toujours de l'argent en plus! Mais comment arrêter cette hécatombe, sinon en rassurant, en montrant de la compréhension? Il faudrait que Macron ait la maturité nécessaire pour renoncer un temps à ses rêves... Il se chargerait alors d'un vrai fardeau, mais il serait récompensé au centuple! Le saint d'Assise disait qu'il aimait la compagnie des lépreux, car ils savaient dire merci!

        Le plus curieux, c'est que du côté des gilets jaunes se réalise justement l'une des idées de Macron, celle du retour d'un service national, destiné à former des citoyens! Le gilet joue le rôle d'un uniforme! On apprend, sur les ronds-points, à se respecter, malgré les différences. Un tel en supporte un autre, car il porte le même uniforme, qui rappelle que le but est commun et supérieur! Les individualités s'harmonisent, se socialisent, se responsabilisent; alors que la société de Macron divise, déchire, piétine!

        C'est la vie en jaune! C'est plus qu'un refuge... et il est tout de même malheureux qu'il ait fallu tout ce déploiement de force pour que les choses changent, car "les lignes sont en train de bouger"! Notre fournisseur de gaz nous a téléphoné, pour nous offrir une médiation! Et des frais bancaires ont mystérieusement disparu de nos relevés! Comme quoi, les profiteurs habituels se montrent décidément un peu plus prudents!

        Macron devra battre en retraite, car on ne peut espérer rendre au pays sa grandeur, sans la collaboration de la population! Ce sera pour lui l'occasion de mûrir, d'évoluer... Il peut développer son humanité et ça passe bien entendu par de la patience!

        C'est la même chose pour les gilets jaunes... Eux aussi continuent leur histoire, qui s'étend dans le temps! Ils vivent une expérience qui les fera soit meilleurs, soit plus mauvais!

        En tout cas, on aura bien du mal à renvoyer dans leurs pénates des gens dont on a brisé le rêve, après l'avoir nourri pendant des années! On a tendu brusquement une glace à la société et ce spectacle l'a révulsée! Le monde jaune est en marche et nous ne lui serons plus hostile (à moins qu'il ne faille défendre sa vie!), car il a déjà rendu service!

        PS: Nous rajoutons une autre chronique à celle-ci (deux pour le prix d'une!)... Elle avait été mise en ligne le 30 septembre, mais nous l'avions retirée assez vite (le 2 10), parce que nous la jugions un peu trop "réactive", pas assez mûrie... Cependant, elle annonçait déjà les violences que nous connaissons, même si elle se trompait sur leurs auteurs... Nous imaginions les Français d'origine étrangère les moins bien traités et le plus près de la révolte, mais d'autres plus franchouillards, si je puis dire, les ont coiffés au poteau!

     

     

     

    Vers la violence

     

     

                                                     Vers la violence

     

                                                                             Mis en ligne le 30 septembre!

        Il n'est pas possible que les choses continuent comme ça! et je vais expliquer pourquoi. Mais la violence va surgir, il ne peut pas en être autrement! Elle ne viendra pas de Daesh, mais de la jeunesse, celle qui est la plus pauvre et celle qui est la moins aimée, celle d'origine étrangère! Cette violence sera peut-être sans précédent et en tout cas elle va nous surprendre tous par son intensité! La police sera débordée, car elle ne sera pas préparée! Des émeutes vont sans doute éclater un peu partout et le gouvernement, qui ne comprendra pas, ne pourra être que répressif! Nous serons tous choqués et le monde qui suivra ne sera plus le même!

        Mais d'abord examinons la logique de la violence... Ceux qui lisent cette chronique savent désormais que nous voulons en premier et instinctivement dominer, cela prévaut même sur le manger et le sexe! Celui qui ne sent pas sa valeur peut perdre le goût de tout autre chose; c'est l'effet de la dépression!

        La domination vient de la sélection naturelle, mais aussi de l'Evolution qui est également l'histoire d'une individualisation! Cependant, il serait bien trop fastidieux d'entrer ici dans les détails, alors que je l'ai fait dans d'autres textes qui précèdent celui-ci... Considérons toutefois que la domination au quotidien, c'est la satisfaction de notre égoïsme, c'est le désir de nous épanouir, d'être respectés; c'est ce que nous appelons réussir, c'est avoir une place, une importance, un rôle, le sentiment de notre utilité; c'est encore mieux le pouvoir et le prestige!

        Mais c'est quand ce chemin-là n'est plus possible, qu'il ne peut même pas être commencé, ni même envisagé que la violence éclate!

        Evidemment, la violence n'est jamais une solution; mais elle s'en moque! Au moment où elle crève les digues, même si son sort est sans retour, elle est déjà un soulagement!

        Certes, la société et apparemment inconsciemment s'est construite autour de notre besoin de dominer! Elle offre a priori à chacun de nous la possibilité de se réaliser, de devenir quelqu'un, d'être fier de soi! Une profession nous permet de gagner notre vie, de nous élever socialement et de faire valoir notre réussite, notamment par tout ce que nous pouvons acheter! La violence est ainsi évitée par toute la parade sociale!

        Il existe cependant des épanouissements plus subtils et par exemple ceux que produit l'art! La création artistique peut enchanter, au point même de se suffire à elle-même! La domination, dans ce cas, est réduite au minimum! Son égoïsme n'a pas besoin de s'exercer sur autrui! L' "empreinte psychologique" d'un artiste est normalement infiniment moindre que celle d 'un industriel ou d'un politique!

        D'autre part, j'explique depuis un certain temps déjà et de long en large pourquoi satisfaire notre soif, notre besoin de dominer ne peut que nous mener dans l'impasse de la tyrannie! Je ne reviendrai pas là-dessus..., mais il faut savoir qu'il existe une sagesse et ses lois qui permettraient un monde tout autre, qui serait lumineux et voisin du paradis et qui est en tout cas le seul avenir de notre planète!

        Toutefois, nous sommes à ce stade dans la crème de l'intelligence, aux antipodes de la vie animale, chez ceux qui déjà savent patienter et conduire leur amour-propre comme un chien de cirque! Nous sommes dans la densité de l'esprit et non dans la furie du pouvoir agacé! Nous sommes dans l'humilité, l'accomplissement, la persévérance, la réflexion, avec les yeux ouverts! Or, et c'est bien normal, le plus grand nombre n'en a cure! Ce qu'il veut, c'est la satisfaction immédiate! On ne peut pas lui demander la conscience de l'apôtre et ce n'est pas lui faire injure que de dire cela!

        En particulier, le désir des jeunes d'aujourd'hui, ce qui leur donnerait de l'espoir, c'est de voir qu'il y a une place pour eux, qu'ils sont aussi chez eux ici, qu'ils aient les mêmes chances et les mêmes droits que chacun, qu'ils peuvent eux aussi devenir ce qu'ils rêvent, qu'une part du pouvoir leur est accessible; ce qui n'est pas le cas, bien au contraire!

        La France, comme la plupart des pays européens, est en train de changer... Notre population est de plus en plus mélangée, hétérogène; c'est le fruit de notre histoire! Je vais peut-être en choquer plus d'un, mais il est parfaitement normal de s'en inquiéter, comme il est inutile de dire que le racisme ne devrait pas exister! Là encore, nous devons nous tourner vers nos racines animales et leur méfiance instinctive à l'égard de toute différence, et qui se change très vite en hostilité; c'est pour eux un réflexe de survie!

        Le racisme apparaît dès lors qu'on rejette les arguments de la raison, ceux-là mêmes qui devraient contrôler et diminuer notre répulsion instinctive, devant ce qui nous est étranger! Le racisme préfère son égoïsme aux efforts de son esprit; c'est pourquoi il est coupable, et d'abord de paresse! Ensuite, il domine et écrase!

        Mais il n'en demeure pas moins que d'accueillir l'autre, quand il n'est pas comme nous, n'est jamais une évidence, et il est tout à fait hypocrite de croire que les Français d'origine étrangère sont traités de la même manière que les autres! La discrimination est constante, quoique discrète, inavouée! Elle mine cependant! Une chanson aux accents maghrébins dit: "Mais où veux-tu qu'on aille, avec leur travail?"

        Ce n'est pas que l'auteur ne veuille pas travailler, mais le travail est synonyme pour lui d'horizon fermé, parce qu'il n'y a pas accès! L'expression "leur travail" indique une possession des "Blancs"! L'auteur se sent comme en prison, alors qu'on lui "chante", à lui, qu'il est libre, que sa réussite dépend de ses efforts; comme s'il avait un autre vêtement que celui du prisonnier! On se moque de lui par ignorance, parce qu'on est ambitieux et qu'on ne veut pas voir! parce qu'on est hypocrite et égoïste! parce qu'on est voisin du singe!

        Ce qui est étonnant, c'est la bonne volonté de cette jeunesse-là! c'est qu'elle ne soit pas déjà en révolte! La jeunesse "blanche" s'abrutit par l'alcool; ses problèmes sont plus idéologiques, affectifs! La jeunesse d'origine étrangère se tient mieux, se montre moins agressive, et elle est aussi plus distante... Sans doute sait-elle qu'on ne lui pardonnera pas la moindre erreur, qu'elle la paiera deux fois plus cher! Mais on use sa patience, sa docilité; on éprouve sa bonne volonté; elle souffre, elle s'interroge; elle est dans une impasse et ce n'est pas le fondamentalisme religieux qui pourra résoudre son problème! Elle sait qu'il mène aux chaos et à l'abîme; seules des exceptions vont aux meurtres!

        Le président Macron semble incarner un avenir... Sa jeunesse, son dynamisme donnent de l'espoir! Il paraît dénué de préjugés... Il serre vigoureusement des mains de toutes les couleurs! Il se félicite de la victoire des Bleus, qu'on aimerait voir comme un modèle d'intégration! Il y avait bien longtemps qu'on n'avait pas eu un président aussi libre, aussi franc, aussi séduisant!

        Mais, hélas, la réalité se dévoile de plus en plus décevante... et on a l'impression que rien ne change, que revient une vieille chanson qui mêle incompréhension et... mépris! D'abord, il est inadmissible qu'un président de la République gagne 14 000 euros par mois! Car soit on travaille pour la France, soit on travaille pour soi! Cela devrait être un honneur, une joie que de pouvoir mener ses compatriotes vers le meilleur, et tant mieux si c'est grâce à ses idées! Un pays n'est pas une entreprise!

        Il est encore inadmissible que des fonctionnaires, à l'Assemblée ou ailleurs, aient un salaire de 6 000 euros ou plus! En fait, plus des revenus sont révélés et plus on s'aperçoit qu'il existe une France qui n'a plus aucun sens des réalités, qui n'a aucune idée de la vie qui compte ses sous et qui éprouve chaque augmentation de factures comme un nouveau tour de vis!

        C'est pourtant cette France aveugle qui condamne l'autre! qui veut régulièrement une chasse aux sorcières chez des dépressifs qui ne disposent que de 400 euros par mois! "C'est normal, entend-on, ils ne font rien! Ils n'ont que ce qu'ils méritent!"; alors qu'il y a une France qui aura beau se démener et qui sera rejetée!

        Il est toujours inadmissible que le président Macron agrée la demande d'un loisir, en divisant le prix du permis de chasse par deux; surtout quand on se présente comme un champion de l'écologie, un sauveur responsable de la planète! Et ce n'est pas meilleur si on est celui qui crie que les allocations coûtent un "pognon de dingue"! Car c'est changer les rideaux quand il n'y a plus de toit!

        De même comment Macron voit la jeunesse, sinon en la soupçonnant de paresse, de mauvaise volonté, de suffisance! "Si on veut vraiment un travail, on peut le trouver!", clame le président! C'est méconnaître les problèmes des Français d'origine étrangère; c'est ne pas aimer au fond la jeunesse; c'est la vouloir selon ses propres désirs, en dépit des conditions réelles! C'est ne pas tendre vers elle, mais la tirer à soi! C'est ne pas la comprendre, mais la mépriser!

        Car que veut vraiment Macron, qu'est-ce qui lui ferait plaisir, quel est son idéal, son but? Il est clair là-dessus: il veut une France forte; il veut redonner à notre pays une grandeur, qu'il retrouve son lustre passé! Cela est louable, mais c'est encore un rêve de réussite, un désir de domination, avec tout ce que l'égoïsme contient d'impatience! Voilà pourquoi le coût de la France qui peine épouvante Macron! Il freine sa course, il lui paraît comme une gueuse qui l'entraîne irrémédiablement vers le fond! 

        Voilà pourquoi encore la ministre de la santé déclare qu'il y a trop d'arrêts maladie, au grand dam des médecins, alors qu'elle reçoit par ailleurs des rapports alarmants sur la santé générale des salariés: le stress est en train de tuer tout le monde!

        La politique de Macron est incohérente, car elle ne veut pas ralentir pour considérer toute la réalité! Or, aux échecs, cela ressemblerait beaucoup à une fuite en avant! Le mat ou la rupture sont inévitables, et si Macron est jeune, ce n'est pas là son moindre défaut!

        Cependant, si je parle ainsi, ce n'est pas parce que je suis d'une sensibilité politique différente! J'ai voté Macron parce qu'il était le moins mauvais! N'en déplaise à monsieur Mélenchon, son irritation ou sa colère ne viennent pas d'un souci de justice sociale; seul peut énerver autant l'amour-propre souffrant, l'ambition frustrée, et s'il y a bien une chose qui tient en esclave le chef de la France insoumise, c'est son égoïsme!

        Quant à l'extrême droite, on connaît ses idées bornées et sa haine latente!

        Si Macron veut une France forte, soumise, confiante, voilà les priorités!

        Il faut d'abord que nous nous regardions dans les yeux! Il faut expliquer que la France a changé! Il faut mettre les pieds dans le plat! Il faut parler du problème de la différence à cœur ouvert! Il faut dire qu'il est toujours difficile d'accepter l'autre, quand il n'est pas comme nous! que notre répulsion est instinctive! Oui! Il faut que tous les gens qui sont inquiets face à la mutation de notre société se reconnaissent, pour qu'ils soient à l'écoute, à même de faire l'effort de respecter l'autre, malgré sa différence!

        Il faut que dans la rue nous ne nous ignorons pas! Et surtout il faut que la jeunesse d'origine étrangère se sente aimée, qu'elle ait sa place, que toute discrimination soit perçue comme de la mauvaise volonté! On peut lutter contre l'instinct, à condition qu'il soit reconnu!

        A la jeunesse gauloise, si on peut l'appeler comme ça, il faut un autre discours! On doit lui dire que la vie a un sens, que le bonheur n'est pas dans la domination, que la réussite est dans la paix de l'esprit, dans la tranquillité d'âme, et que celle-ci commence dans la beauté des choses, qui témoigne que la vie est une maturation, que la patience est mère de la sérénité!

        A la première jeunesse, il faut un encouragement; à la seconde, un apaisement! Mais cela demanderait que Macron se tourne entièrement vers elles! qu'il délaisse ses rêves de grandeur! qu'il ne prenne plus l'indécision des jeunes esprits et leur faiblesse comme ses ennemies!

        Il ne perdrait pas son temps! Un fois qu'il aurait la jeunesse dans sa poche, son pays se développerait comme une fleur! Et au diable les vieilles barbes et toutes les figures de cire!

        Mais Macron peut-il ralentir? Peut-il quitter ses ambitions, pour se mettre à l'écoute? Peut-il s'arrêter plutôt que diriger? Peut-il devenir sage d'un coup? Est-il même assez indépendant, pour se montrer original?

        La violence est pour l'instant larvée; elle murmure, mais nous la connaissons tous! C'est une petite délinquance quotidienne, c'est des tags gênants qui clament une identité; ce sont des affiches révolutionnaires; c'est même la musique à outrance de certains véhicules; ce sont des incivilités sans fin, des attitudes provocatrices!

        La jeunesse est encore bon enfant; elle défie volontiers, mais sans blesser! Mais elle ne pourra endurer au-delà de ses forces et l'orage finira par éclater! Quand? Il est impossible de le dire, mais l'égoïsme se déclare toujours trop tôt et même au pire moment! Car tout est toujours pareil! Ce sont toujours les mêmes qui se gobergent et les autres qui subissent!

  • De la nécessité

    De la necessite

     

     

     

     

        Nous nous rendons chez notre médecin traitant et la petite salle d'attente, qui a tout de même l'air misérable, est pleine. Pourquoi sommes-nous ici? Oh! Maintenant, on ne dit plus: "Salut l'artiste!", mais: "Salut l'autiste!" Nous traînons en effet des maux d'une histoire qui serait incompréhensible pour la plupart, mais qui pour nous est vertigineuse, infinie, quoique douloureuse... Mais nos peines ne viennent pas seulement de nous; elles sont aussi provoquées par les autres, à cause de leur incurie notamment!

        Mais nous sommes à peu près une dizaine dans cette salle d'attente et pour notre compte, nous allons patienter plus d'une heure... Cette absurdité nous conduira à quelques réflexions... et à estimer d'abord combien de patients sont reçus par notre médecin dans la journée... Disons, pour être sûr, vingt! Dix le matin et dix l'après-midi... C'est sans doute plus, mais même avec ce chiffre, on pourra rester rêveur!

        La consultation est à 25€ et notre médecin gagne donc par jour 500€ (plus qu'un RSA!), soit 2500€ par semaine, soit 10 000€ par mois. Là-dessus, il faut prélever un salaire, un SMIC, celui de la secrétaire, et un loyer, pour le cabinet, qui ne serait pas loin de 800€. Notre médecin peut donc jouir de 8000€!

        Il y a bien sûr les impôts, les taxes, la protection sociale, "tout ce qui arrache les yeux des stars!", mais notre chiffre est plus voisin du minimum que du maximum... Bref, la question est: que fait notre médecin avec une telle somme, alors que d'autres mangent et dorment avec 400€ par mois? Comment peut-on avoir besoin de 8000€ régulièrement? Est-ce par inquiétude? Les nuits sont-elles meilleures sur de l'or?

        Notre médecin est-il pris dans une spirale infernale: s'il arrête de consulter, une bombe éclate dans son cabinet; mais il ne peut rien dire, car on menace sa famille? Est-il un joueur invétéré, maladif? Sait-il que les Russes arrivent et qu'ils vont tout confisquer? Non, notre médecin doit payer son abonnement au club de golf, sa Porsche, la fourrure de sa femme; il doit montrer qu'il a réussi, qu'il est un des nababs du secteur, qu'il existe bel et bien!

        Il rit donc avec un cigare, ou bien il est mythomane! Il s'habille en noir, met ses liasses dans une mallette et se gare dans un parking, où il rêve qu'il remet une rançon, jusqu'à ce que l'aube le réveille et qu'il reparte, toujours aussi embarrassé avec son argent! Non, décidément, nous n'arrivons pas à comprendre comment notre médecin dépense sa "fortune" et sans doute est-ce pour lui secondaire... Avant tout compte le bon fonctionnement de son cabinet, la construction de sa clientèle! Et cette remarque nous amène tout naturellement à nous interroger sur ce qui nous est vraiment nécessaire et qui seul peut nous rendre heureux!

        Par exemple, il n'est pas bon de vivre trop richement ou trop confortablement, car on perd vite de vue l'essentiel! En ce qui nous concerne, lorsque nous faisons de la photographie de paysages, il nous arrive fréquemment de connaître des situations difficiles, voire apparemment inextricables! Nous pouvons être perdu dans des halliers, le corps en sueur à force de nous débattre, alors qu'autour monte le brouillard des champs froids et humides!

        Nous pouvons encore marcher comme un damné, les jambes à moitié disloquées, pour arriver là où nous voulons, au bon moment! Nous fouillons alors dans notre sac, à la recherche de notre matériel, et il nous faut une patience d'ange, car les éléments s'assemblent précisément! Notre rythme cardiaque n'est plus celui du grand sportif qui s'épanouit, mais il devient subitement celui de l'horloger, qui s'immobilise sous sa frontale!

        Puis, quand nous sommes prêt, de la buée vient sur notre filtre! Un grain nous oblige à protéger notre appareil comme un enfant! Un nuage empêche la lumière! On prend conscience qu'on s'enlise! Finalement, on ne déclenche pas! La fête n'aura pas lieu! La lumière n'est pas au rendez-vous! Le bureau des plaintes? Il n'y en a pas! Notre héroïsme, notre sacrifice n'aura aucun témoin! On remballe, c'est tout! Après tous ces kilomètres, tous ces efforts? Affirmatif!

        Mais... mais le ciel se dégage! La photo est encore possible! Tout le monde de nouveau sur le pont! Attention, l'expo? Vert! Le point? Vert! On tire presque la langue! Car le cadrage, c'est tout un art! On vit dans le viseur, on y est comme un chien de chasse, on y renifle tous les coins! On s'y épuise nerveusement, on en devient aveugle, on a la tête de l'idiot du village!

        Mais on range, avec quelque chose dans la boîte! On sifflote sur le chemin du retour! On est un roi! On est riche d'un spectacle gratuit! Des diamants? Il y en avait plein sur la colline! Des perles? L'eau en contenait des milliers! De l'or? On en trouvait des tonnes sur le rivage! Des rubis? Faut demander aux nuages! Des topazes? Des rayons dans la verdure! Idem pour les émeraudes!

        On retourne vers la "civilisation"... De quoi on rêve? Mais d'abord d'une bonne douche, d'un verre d'eau, d'un bon sandwich! Oui, on est heureux..., mais que voit-on dès qu'on retrouve ses contemporains? Des têtes maussades, fermées, dures, dégoûtées, haineuses, méprisantes! Des visages en colère! C'est incompréhensible, incroyable, puéril! C'est désespérant! Mais le bonheur est là, à portée de main! La richesse, elle coule à flots, tout près! Ils ne savent pas! Ils se prennent au sérieux! Mon Dieu!

        Mais avoir du pain, pouvoir en acheter aussi facilement et s'en régaler, mais c'est inespéré, c'est une joie! Prendre une douche chaude, alors qu'on a froid et qu'on est sale, c'est une bénédiction, un enchantement, un paradis! Pouvoir rester assis au chaud, ou au frais, alors que peu de temps auparavant on était en train de se débattre avec la nature et le matériel, mais c'est un plaisir ineffable! On goûte sa tranquillité jusqu'à la "moelle"!

        C'est pourquoi il faut périodiquement échapper à tout confort, s'éprouver, et cela n'est plus possible si on vit tel un cosmonaute dans ses biens! Retrouver le plaisir de choses simples, parce qu'on en a de nouveau besoin, permet aussi de se demander pourquoi on ne peut rester indéfiniment béat, satisfait, ayant étanché sa soif ou calmé sa faim, avec un toit sur la tête! Car, en effet, il nous faut toujours nous remettre en mouvement, l'esprit s'agite tôt ou tard, mais pourquoi?

        Pour le comprendre, nous devons regarder nos amis et ancêtres les animaux! Que font-ils quand ils ne mangent pas, ni se reproduisent? Ils combattent pour défendre leur territoire, pour faire valoir leur dominance! Ils assurent la suprématie de leur individualité! Cela leur est absolument nécessaire, cela leur est fondamental, comme à nous!

        Evidemment, il ne s'agit plus pour les hommes de s'affronter directement dans la rue; la civilisation est passée par là! Mais il n'en demeure pas moins que nous nous mesurons incessamment... Nous nous toisons, nous essayons de dominer l'autre, plus ou moins ouvertement; soit par la force physique, soit par la séduction! La rue est le théâtre d'une perpétuelle joute, qui nous donne une existence, qui nous éprouve, nous valorise ou nous fait haïr, dans le cas où nous nous sentons inférieurs ou méprisés!

        Il en résulte que le plus grand nombre ne voit le monde qu'à travers le prisme de son égoïsme! L'Autre n'existe que dans un rapport de force: ou bien il est dominé, ou bien il est dominant! Le tyran soit écrase, soit maudit! Et si le sentiment de notre supériorité, de notre valeur, se désagrège, disparaît, nous devenons la proie de nos inquiétudes; nous nous troublons, nous souffrons!

        Revenons à l'exemple de notre médecin... Il enchaîne les patients au point de ne plus avoir de temps pour eux... Il les reçoit quasiment avec hostilité, dans la crainte que leur problème soit sérieux, car il y a encore beaucoup de monde à suivre! Nous arrivons à un fonctionnement absurde, qui comporte le risque d'une erreur de diagnostique et qui est certainement contraire à l'idéal de notre médecin! Puisque nous savons que ce n'est pas à cause de l'argent, quelle en est la raison?

        Mais la réponse vient toute seule... Notre médecin se sert de son travail comme d'une "drogue"! Il échappe à ses inquiétudes, en multipliant les patients, parce que chacun d'entre eux le reconnaît comme l'autorité, lui donne le sentiment de son utilité et donc de son importance! Ce n'est pas "terrible" pour quelqu'un qui est aux premières loges, pour voir les effets désastreux du surmenage! D'ailleurs, notre praticien a déjà un bel embonpoint et l'obésité est une réponse à l'épuisement psychique (fumer n'est pas mieux!)!

        Cependant, nous sommes donc contraints de satisfaire notre amour-propre, cela nous est absolument nécessaire; nous devons sentir que nous nous développons, que nous évoluons, sinon c'est l'angoisse qui nous étreint! Mais cela veut-il dire encore que nous sommes condamnés, à l'instar des animaux, à nous quereller, à nous battre, pour savoir qui est le meilleur, le plus fort, le plus séduisant, le plus apte? N'avons-nous pas plus de sensibilité, de liberté que le goéland?

        Apparemment non! Aujourd'hui, c'est l'hiver, mais n'avons-nous pas l'impression de le subir depuis longtemps? L'atmosphère, dans les rues, ne rappelle-t-elle pas celle des guerres? Chacun n'est-il pas prêt à montrer son agressivité, ne rêve-t-on pas en secret d'avoir un motif d'en découdre, afin de se soulager de toute une colère rentrée, de mille ressentiments?

        Les femmes ne sont-elles pas inquiètes et troublées, au point d'arborer une séduction tapageuse, outrancière, qui pourrait leur faire honte, mais qui témoigne surtout de leur instabilité, de leur douleur! Le sexe semble apaiser l'angoisse, mais comment se donner à un inconnu, quand on est fragile et qu'au fond on ne rêve que de repos? La chair tend vers le plaisir, mais l'esprit, lui, a peur de sa propre faiblesse! On fuit donc en soupirant, on est dans une spirale de souffrance!

        Nous parlons ici des plus sensibles, car des autres, hommes ou femmes, combien de haine, de morgue, de mépris! Et tous ceux qui sont effacés, éteints, inconsistants, ne sont-ils pas les esclaves des plus durs? Quel est leur rêve à eux? N'ont-ils aucun espoir? Se contentent-ils de vivre comme des fantômes? N'ont-ils pas été eux aussi des enfants radieux et enthousiastes?

        Le vingt-et-unième siècle méritait mieux; notre expérience est maintenant grande, mais nous nous comportons comme des bébés attardés; nous crions justice au bord des routes, avec des slogans puérils! Nous croyons avoir le droit pour nous, car nos revenus sont les plus modestes et c'est la légitimité du pauvre; mais ne pouvons-nous pas non plus dépasser notre égoïsme, notre colère, grandir?

        Ce n'est pas seulement une question d'intelligence, même si on ne peut pas demander au plus grand nombre de voir beaucoup plus loin que "son nombril"! Il est normal que la majorité ait une réaction quasi animale, mais que de violence, de rage, de larmes, de dépit, de rancune, de malheurs! L'amour-propre qui s'enflamme n'en finit pas de détruire, comme un feu sur l'essence!

        La France s'apprête à passer les fêtes, avec un "serin" dans la bouche! Elle s'étouffe elle-même, avec les gilets jaunes... Imaginons pourtant un être qui prendrait conscience de sa valeur, autrement que par le sentiment de sa supériorité, de sa suprématie, de sa réussite! qui se nourrirait au quotidien de la compréhension des lois qui nous régissent et qui en serait conduit à contempler l'infini de cette position, tant elle peut sembler créatrice! Celui-là n'aurait-il pas mérité le nom de sage, puisqu'il n'aurait nul besoin de blesser ou de supplanter pour exister? Ne serait-il pas le seul disponible, le seul respectueux, le seul ouvrier de paix, car il serait dominant sans dominer! Et les autres, qui ne quittent pas la sphère de leur égoïsme, qui doivent toujours piétiner ou écraser, pour se sentir mieux, ne devraient-ils pas être appelés justement des tyrans!

        Pour notre part, nous nous efforçons d'être simplement heureux d'être là, en vie, chaque jour, et nous sommes peut-être le seul ainsi, quoique notamment nous n'ayons jamais eu les moyens de nous payer une voiture (et nous voyons des gilets jaunes dans des SUV dernier cri!).

        Si nous pouvions considérer sincèrement ce qui nous est vraiment nécessaire, nous verrions les trois-quarts de ce que nous consommons comme superflus et la moitié de nos déplacements ou de nos actions comme inutile! Mais notre amour-propre nous aveugle: c'est lui qui nous inquiète, qui nous crée des besoins et qui nous empoisonne, d'autant que le dénuement de l'hiver nous place en face de nous-mêmes!

        Nous le sentons tous, un chien hargneux est dans nos cœurs! Il a peur de perdre, de ne pas avoir sa part! Il gémit, il gronde et il serait facile de le lâcher, pour qu'il morde, alors que la haine nous emporte et nous détruit!

        Nulle sagesse chez les gilets jaunes, mais ce n'est sans doute pas à eux qu'il faut la demander en premier!

        Grand est celui ou celle qui vit en paix!

  • Du tyran vorace

    Du tyran vorace

     

     

     

        En 1789, à la demande de l'aristocratie, qui s'oppose à l'absolutisme du roi, sont réunis les Etats généraux: la noblesse, le clergé et le Tiers état, qui représente le peuple. Cette réunion témoigne de l'évolution de la société, qui répond à notre besoin de nous affirmer, de sentir notre personnalité se développer et dominer, ce qui se traduit d'abord par plus de libertés et plus de droits... et cette nouvelle Assemblée fait renaître l'espoir dans tout le pays!

        Ainsi, paradoxalement, ce sont les aristocrates qui commencent la révolution... Cependant, on s'interroge sur l'importance du Tiers état: combien de sièges de députés lui seront-ils attribués et votera-t-on par ordre ou par tête? La monarchie, bien entendu, ne veut pas voir augmenter le pouvoir du peuple et elle essaie de dissoudre le Tiers état, qui s'est proclamé Assemblée nationale! En vain, c'est le serment du Jeu de paumes!

        Le peuple sent qu'il a fait un pas en avant vers la justice, que la voie est ouverte à un avenir meilleur, mais il s'effraie, il craint le recours à des troupes étrangères, pour mater toute révolte, ce qui le replongerait dans la nuit! Il cherche donc à se défendre, mais où trouver des armes? A la Bastille!

        Celle-ci n'est plus qu'une prison vieillissante... Si on en a les moyens, on peut y faire venir ses meubles et ses repas! On y reçoit aussi ses amis et on y prend sans trop de peine son mal en patience! La forteresse est commandée par un homme de valeur, Jourdan de Launay, qui a sous ses ordres une trentaine de Suisses, mais surtout des invalides... On le somme cependant de se rendre au nom de la nation; ce qu'il ne peut accepter... Aux assaillants se joignent des gardes-françaises, avec des canons... La situation semble sans issue et de Launey capitule, à condition que lui et ses hommes seront épargnés... Il est finalement massacré dès sa sortie, ainsi que quelques invalides... Il se sera défendu "comme un lion" selon des témoins!

        On le voit, cet événement montre plus de lâcheté et de cruauté que de courage et de grandeur d'âme! Mais peut-on demander à la foule de la mesure, de la sagesse? Cependant, ceci n'est qu'un hors-d'œuvre! On trouve bientôt Foulon... C'est un vieillard, secrétaire d'Etat et qu'on soupçonne de spéculation sur les grains!

        On le pend à la lanterne... La corde casse deux fois et le malheureux se brise les genoux! Comme la troisième pendaison est la bonne, on lui coupe la tête, qu'on bourre de foin, avant de la tendre au bout d'une pique! Ce spectacle affreux est infligé au gendre de Foulon, Bertier, qui est un honnête homme et dont pourtant on finit par arracher le cœur! Même l'Assemblée constituante, qui ne travaille que pour le bien du peuple, ne pourra rien y faire: la foule est incontrôlable, paranoïaque et sanguinaire!

        Est-ce à dire qu'elle ne peut pas évoluer? Aujourd'hui, des gilets jaunes soutiennent que le gouvernement complote contre eux, au profit des riches! Les hantises de 1789 sont donc toujours actuelles, plus de deux cents ans plus tard! Qu'est-ce qui peut expliquer un tel aveuglement, une telle immaturité? Qu'est-ce qui empêche notre connaissance, notre clairvoyance?

        Le sentiment qu'on nous méprise, quand, malgré nos efforts, nous nous voyons toujours aussi limités, parce que nous devons payer plus, est naturel! L'impression qu'on se sert, qu'on profite de nous est inévitable et la haine nous envahit! Mais comment croire à un coupable?

        L'égoïsme qui nous blesse n'est-il pas le reflet d'une attitude générale? L'injustice n'est-elle pas partout? Ne voit-on pas que chacun "se sucre"? Comment peut-on s'abuser, au point de désigner un responsable, comme si on vivait soudain dans un monde dominé par un démon?

        Ah! Mais, tant qu'on ne prend pas conscience du mal qu'on fait, on s'imagine innocent! Et dans ce cas, tous les contes, toutes les "fariboles" sont possibles! Il s'agit donc d'ouvrir les yeux!

        Au fond, plus on se détache de soi-même et plus on découvre la réalité! Ainsi, comme nous allons le voir, il existe un lien très étroit entre l'amour-propre et l'ignorance: vaincre le premier, c'est aussi vaincre la seconde! Un secret: c'est la patience qui fait grandir! C'est la maturation qui provoque l'Eveil!

        Mais voici une jeune tyran, c'est G! Elle est boulangère... Enfin, elle vend du pain le matin, travaille dans une agence immobilière l'après-midi et les jours fériés, elle tient le guichet dans une patinoire! On le voit, G est issue d'un milieu modeste et elle doit cumuler les emplois pour pouvoir vivre; mais est-ce là tout?

       " Oui, diraient les gilets jaunes, G a le profil pour rejoindre nos rangs... Sa situation, quoique courageuse, reste précaire!" Mais nous, allons au-delà des apparences! Regardons qui est vraiment G... Découvrons ce qui réellement la motive et ce qui l'empêche d'être heureuse... "Changeons le système!" crient les gilets jaunes! "Changeons plutôt nous-mêmes!", devrait-on dire! Car c'est nous qui faisons le système! (En fait, les gilets jaunes avouent ingénument qu'ils voudraient être en haut et non plus en bas! Nul changement de système en cela!)

        Quand G prend son poste de boulangère et qu'on lui explique sa tâche, nous sommes là. G nous regarde, ravie, et nous comprenons que nous lui plaisons..., mais son expression est tellement suffisante que nous nous sentons déjà la propriété de G, comme si de nous faire tomber dans ses bras ne serait qu'une formalité, et nous nous fermons, bien que G soit jolie! En fait, son incroyable égoïsme nous est révélé et nous ne voulons pas non plus être transformé en saucisses!

        G domine le monde! Nous sommes ici dans la vie réelle et non plus en face de la dialectique simplifiée et même hypocrite des gilets jaunes! L'instinct est bien présent et il gouverne G! D'ailleurs, devant notre résistance, elle cherche bientôt à nous blesser de son mépris: bien que nous soyons planté devant elle, pour avoir notre pain, elle demeure plongée dans ses écritures! Puis, soudain elle lève la tête et s'écrie: "Oh! Bonjour! Je ne vous avais pas entendu arriver!" Autrement dit, nous sommes encore moins remarquable qu'un courant d'air!

        D'autres pourraient s'offusquer d'un tel traitement (surtout G si elle le subissait!), mais il est tellement grossier, enfantin, que nous préférons nous en amuser et rester aimable, et nous faisons bien, car nous apprenons des choses! G voudrait suivre un BTS d'agent immobilier, mais ce serait dans une autre ville et ça pose problème... G en effet ne peut avoir droit à l'APL... Comme nous nous en étonnons, G nous avoue involontairement que c'est l'homme avec qui elle vit qui paie le loyer et qu'il gagne trop! Ainsi donc, G nous méprise parce que nous lui résistons, alors qu'elle n'est pas seule, mais qu'elle vit déjà en couple! Nous en restons pantois! Une légère rougeur sur le visage de G nous indique qu'elle a pris conscience de sa gaffe, tandis que son portrait deviens de moins en moins honorable... Apparemment, G utilise les hommes comme des chevaux: elle en change dès qu'apparaît la perspective d'aller plus vite vers la réussite! Ouf! Nous l'avons échappé belle, mais avec G nous ne sommes pas au bout de nos surprises!

        Un autre jour, elle nous fait part de ses craintes, si elle devait vendre des maisons aux plus riches..., car, nous explique-t-elle, ce sont eux qui ont le plus d'exigences! A cet instant, G reste rêveuse, comme si elle avait parlé d'une région secrète des dieux... et l'effarement nous envahit! Comment? G prend donc au sérieux les riches? Elle les respecte et même peut-être les vénère? Elle ne comprend pas que c'est seulement par leurs exigences que les riches peuvent goûter le sentiment de leur supériorité et qu'ils révèlent par là, paradoxalement, combien ils sont pauvres! Elle ne comprend pas que leur seule raison de vivre est justement qu'on les envie et que cela les rend malgré tout esclaves de ceux qu'ils tyrannisent! Qu'on nous montre un riche heureux ou libre, et nous traverserons l'Atlantique en courant!

        Quel aveuglement, quelle naïveté chez G, comme chez les gilets jaunes! Car que nous disent-ils en substance sinon qu'ils ne veulent plus "être les dindons de la farce"! qu'ils endurent quand d'autres en profitent au soleil, comme si ces autres-là connaissaient la joie, étaient satisfaits, en paix, étaient forts, radieux, disponibles, bons! comme s'ils n'étaient pas au contraire inquiets, durs, haineux, jaloux, querelleurs et même vides! Il suffit de regarder le monde la télévision pour s'en convaincre: ses vedettes n'ont-elles pas tout, argent et influence, pour être au paradis et que font-elles de leur journée, à part se disputer, se dénigrer, se détester?

        Ayons le courage d'aller au-delà des apparences, car, rappelons-le, le "système" n'est pas mauvais, il n'est pas né d'une "tocade", ni machiavélique, mais il est le fruit de plusieurs siècles de combats, d'expériences, de révoltes, de tâtonnements! Sa logique s'inspire de la nature, de notre nature! D'autres pays ont essayé le communisme et ont connu un échec, car on ne peut nier l'instinct et durer! D'ailleurs, si on s'efforçait encore de niveler les inégalités, les gilets jaunes seraient sans doute les premiers à vouloir les remettre en place, puisqu'elles sont a priori les seuls critères qui montrent notre supériorité, notre réussite!

        Il y aura donc toujours des inégalités, des hommes en haut et d'autres en bas! et il vaut mieux voir les choses autrement, en comprenant que le bonheur n'est nullement la domination, mais la paix de l'esprit! C'est elle qui permet d'être libre, quelles que soient les conditions; car, on le comprend bien, l'amour-propre crée des besoins et rend esclave! Mais ici justement il renâcle... Il craint un piège... Il confond sagesse et sacrifice, et il se hérisse, car précisément il se sent déjà victime! Le comble serait de donner encore plus! Et l'orgueil peut être si âpre qu'il peut même refuser le bonheur! Il veut tellement ne rien perdre qu'il fait son propre malheur et celui des autres! N'est-ce pas Jésus qui disait à ceux qui le suivaient: "Pourquoi m'appelez-vous maître et ne faites pas ce que je dis!" Mais la voie de la sagesse est réellement joyeuse et ne conduit pas à la destruction; même si beaucoup se sont trompés par là!

        Cependant, revenons à G... Comme nous lui faisons remarquer que, si elle toussote avant chaque phrase, ce n'est pas parce qu'elle a froid, mais parce que c'est probablement un TOC, pour calmer son émotion, G s'en inquiète et nous le voyons à sa glotte qui monte et descend rapidement! Comme nous ne voulons pas non plus blesser G en aucune manière, nous la rassurons en ajoutant qu'il est parfaitement normal d'avoir peur de la vie et nous lui tendons ainsi une sorte de perche, on ne peut plus franche et amicale, afin que, si elle le désire, elle demande à en savoir plus, ou tout du moins elle enchaîne là-dessus, car la connaissance, la confrontation avec la réalité est la seule façon de guérir de ses TOC!

        Notre déception est donc certaine quand G nous affirme qu'elle n'a pas peur et qu'elle doute que son toussotement soit vraiment un TOC! Il fallait s'y attendre, c'est l'amour-propre qui réagit, qui se défend et qui se ferme! Pourtant, G ne toussotera plus jamais en notre présence, ce qui prouve que nous avions raison!

        Mais G continue à s'abuser... Elle nous annonce bientôt qu'elle cesse son travail de boulangère, car, dit-elle, il lui faut à tout prix un trente-cinq heures, sinon elle ne peut pas sans sortir! Et G va devenir vendeuse dans un magasin de vapotage... Nous pourrions parler à G de son instabilité, lui expliquer qu'elle choisit un nouvel emploi plus contraignant et moins intéressant, non par nécessité, puisque son ami subvient à ses besoins, mais bien parce que son temps libre l'inquiète, ce qui la conduit à "se mettre des fers aux pieds" sans plus tarder, mais à quoi bon? G niera encore ses sentiments et ne sera même nullement gênée, si plus tard elle en vient à pester contre la lourdeur de son travail!

        Mais voilà pourquoi il est si difficile de se faire comprendre des gens et notamment des gilets jaunes! L'hypocrisie protège l'amour-propre et empêche la connaissance et donc le progrès! Ainsi, le RIC (le Référendum d'Initiative Citoyenne) n'est qu'une manière détournée pour demander plus de pouvoir, de reconnaissance... et ne servira sans doute aux gilets jaunes qu'à faire une sortie honorable, car ils ne sont pas plus intéressés par la politique que la plupart! Ce qu'ils veulent, c'est gravir les échelons!

        C'est le cas aussi pour Mélenchon, qui veut une Assemblée constituante à la place d'un président fort... Ce retour en arrière lui permettrait de pêcher en eau trouble, comme on dit aux échecs, quand le mat est inéluctable et qu'on attaque n'importe où, dans le secret espoir de déstabiliser son futur vainqueur!

        Le seul mérite, selon nous, du mouvement des gilets jaunes, est de montrer que nous ne pouvons pas continuer à vivre comme nous le faisons, sans donner un véritable sens à nos vies! Ceux qui sont nantis ne sont pas heureux, mais ils le font croire! Cela n'est pas possible aux revenus les plus modestes et les gilets agissent comme des fusibles!

        La question est maintenant celle-ci: allons-nous en rester aux faux-semblants, ou bien, avec l'apaisement, une petite brèche se sera-t-elle ouverte, une petite lueur se sera-t-elle allumée? C'est à chacun de changer en profondeur, car c'est la sagesse qui est l'avenir!