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  • Le Dom a peur!

    Le dom a peur

          

     

     

     

                                                                                                             "Vive les fleurs!"

                                                                                                                                 Slogan OED

     

     

     

        Jack Cariou écrivit dans son carnet: "Réflexions sur les Doms". En effet, l'agent de l'OED s'interrogeait toujours sur la nature humaine, car au fond nous demeurons des étrangers, les uns par rapport aux autres, même si nous pouvons comprendre la plupart des caractères! Notre personnalité est unique, mais Jack Cariou restait choqué par l'égoïsme des Doms et il s'efforçait encore et encore de saisir leur fonctionnement, pour mettre en évidence leurs manques, leurs responsabilités! C'était une voie qui menait au mystère de la vie, qui pouvait lui donner un sens!

        Jack Cariou nota: "La plupart des animaux luttent incessamment pour défendre leur territoire et ainsi ils définissent leur individualité! De même, des mâles combattent entre eux pour savoir lequel sera reproducteur! Chez les humains, la sélection naturelle continue et sans elle, nous perdons la conscience de notre valeur! Nous mesurer aux autres nous est nécessaire et nous permet de nous évaluer, de constater le bienfait de nos progrès!

        C'est pourquoi nous avons besoin des autres et que nous cherchons à les rencontrer! C'est la véritable raison des manifestations festives par exemple, car, bien plus que de danser ou d'écouter de la musique, ce qui nous intéresse, c'est de nous situer au contact du plus grand nombre!

        L'homme est grégaire, pour s'équilibrer, et trop de solitude le rend malade, ce qui explique notamment le "syndrome de la cabane"! Dépourvu de compagnie, l'esprit se déprécie, comme s'il s'asséchait! Il a des remords qui deviennent grotesques, exagérés, car, semble-t-il, les traumatismes poursuivent leur destruction souterraine! On se condamne, presque inconsciemment; on se noircit et on n'a plus confiance en soi!

        On se montre alors hésitant, fragile, craintif! La dépression est la matrone qui s'occupe de nous, ce qui fait qu'on répond d'une voix faible aux visiteurs! Peut-être a-t-on peur de perdre un œil ou un pied, au cas où le premier serait mal accroché et que le second ne suivrait pas! Il est possible qu'on ait encore égaré le mode d'emploi de son cœur! Jusqu'ici il fonctionnait sans qu'on y pense, mais maintenant? Ne faudrait-il pas l'aider, l'accompagner, le soutenir?

        Pour éviter ce stade infiniment désagréable, qui nous donne l'impression d'être faits de morceaux, telle une maquette, rien ne vaut comme d'aller vérifier l'immense bêtise et l'incroyable méchanceté des autres! Il est bon d'échanger avec eux, comme un candidat à la présidence américaine et comme lui de sourire, en montrant des dents éclatantes, alors qu'on reprend de nouveau conscience de la médiocrité terrible de celui-ci ou de l'infernal égoïsme de celle-ci!

        La dépression n'est plus là! Reste l'envie de chanter, car on s'éveille d 'un cauchemar! On pensait souffrir d'un cancer, mais l'anxiété nous donnait juste un peu de gaz! Nous sommes un soleil, quand l'autre est tout près du rat! Et on se faisait de la bile! Pour un peu, on se traiterait d'imbécile, mais ce serait retrouver la "cabane"! Jouissons plutôt de notre supériorité, de nouveau prouvée, absolue!

        Il n'y aura plus qu'à saluer ceux que les cars mèneront en enfer! Bon débarras! Quand on se morfondait et que même on se détruisait, ils continuaient à être satisfaits! Rien n'ébranle le vaniteux! Il parle de lui sur votre tombe! Il se plaint de l'épicier, quand vous êtes à l'hôpital! L'important pour lui, c'est que les choses ne changent pas, que la race des aveugles prospère éternellement! Le doute est pour le pauvre, le rabat-joie! Mais, on l'aura compris tout de même, les autres sont nos poteaux indicateurs: ils nous font siffloter sur la bonne route!

        Dans ce cas, quoi de plus normal que la vie des Doms? Où est le problème? Pareils aux animaux, ils cherchent à dominer, pour se construire, se développer! Leur haine devrait nous réjouir, comme un soleil hivernal! Ne suivent-ils pas le mode d'emploi de l'existence? Ne mordent-ils pas en signe de bonne santé et n'est-ce pas plutôt les gentils, les introvertis, les suspects?! Honte à ces derniers! Les psychologues vont s'en occuper!

        Dominer, c'est revigorant! C'est un coup de fouet! Etre mollasson comme un chrétien! Etre malade comme Jésus! Voilà de nouvelles et belles formules! Le Dom se frotte les mains! Sauf qu'il y a quand même une faille! Expliquons-la! Détaillons-la! Ouvrons la plaie! "Vous voyez la tumeur, là, sous le viscère?

        _ Non, je ne vois rien...

        _ Attendez, je vais remonter le tout! Et là?

        _ Ah oui! C'est énorme!

        _ Elle va de la tête au pied! Il va falloir que je scie le Dom comme une planche!

        _ Euh... Vous pensez qu'il s'en remettra?

        _ Non, mais faut bien qu'on s'amuse nous aussi! Pour cette fois, on va pas refouler, hein? On s'ra comme eux!

        _ Dans ce cas..."

        Prenons le goéland par exemple, car il est particulièrement colérique! En effet, ce qu'il demande à ses congénères, c'est de pouvoir s'envoler et manœuvrer, alors que le ciel autour ressemble déjà à la place de la Concorde! Il crie donc (un vrai gilet jaune!), il chasse, il évite lui-même les attaques, il trépigne sur ses palmes rouges, il a un œil jaune et mauvais! (F'rait même peur à sa mère! "C'est toi, Jonathan?

        _ Qui veux-tu qu' ce soit, man?

        _ Eh bien, tu m'as fait peur, avec ta manie d'arriver par le toit! Tu sais ce que te disait ton père, à ce sujet?

        _ Man, les hommes l'ont tué, man!

        _ Raison de plus pour lui montrer du respect! Oh! John, pourquoi on se dispute comme ça?")

        On comprend le goéland, car son voisinage est tendu! Mais il ne réagit donc pas sans raisons! Le DTN, qui est le summum du DOM, exerce lui une pression constante, qui est comme une radiation; alors que personne ne l'agresse, que tout ne lui est que zéphyr! Mais il ne respecte pas les autres, il ne cherche pas une place et il ne rencontre même pas la réalité, mais il la couvre, la domine de tout son mépris et de toute sa haine, ainsi qu'un sablier paraît engloutir tous ses grains!

        Le DTN a une domination anormale, excessive et qui ne permet pas aux autres de survivre! Il n'y a donc pas d'équilibre général, comme chez les animaux, mais c'est une destruction progressive, qui condamne tôt ou tard le DTN lui-même! Comment expliquer un tel dysfonctionnement, sinon par l'action souterraine de la peur, de l'angoisse!

        Le DTN veut dominer le monde, au point que celui-ci ne soit plus qu'une émanation de sa personne! C'est un contrôle absolu, qui ne fait plus sentir l'anxiété! Chacun doit être soumis et laisser place au DTN! Si on s'oppose à lui, on provoque immédiatement sa haine et sa violence peut se déchaîner, tellement que lui-même en est par la suite comme abasourdi! Il peut détruire une vie, ce qui pourtant entraîne la fin de la sienne, puisqu'il est condamné par la justice!

        C'est qu'une peur viscérale, quasi irrationnelle, tend le DTN et celle-ci provient de l'étrangeté de notre condition: c'est la connaissance qui nous détache des animaux, pour se développer dans l'inconnu! Le DTN est la meilleure preuve que la seule domination ne peut nous suffire! Elle n'est qu'une fuite en avant, d'où sa difformité et sa dangerosité! Elle ne sert qu'à échapper à l'angoisse, nullement à la guérir, ni à la maîtriser! Il est nécessaire de renoncer à sa domination, pour ne plus avoir peur, pour trouver la paix! Existe-t-il un autre bonheur?

        Mais comment y parvenir? "Moi, je sais, mec!

        _ J' t'écoute!

        _ Ben, la domination, c'est le monde de Macron! C'est les capitalistes! Faut les virer et on s'ra heureux!

        _ Ah bon? Parce que vaincre Macron et les capitalistes, ça ne va pas flatter ta domination?

        _ Ben euh...

        _ Le marxisme, c'est bien de donner le pouvoir aux prolétaires?

        _ Exact mec!

        _ C'est donc remplacer une domination par une autre! En quoi, c'est lutter contre la domination elle-même?

        _ Bon, d'accord! Alors qu'est-ce que tu proposes, monsieur je sais tout!

        _ T'as déjà regardé une fleur?

        _ Quoi?

        _ Oui, t'as déjà admiré une fleur, sa couleur éclatante, sa délicatesse?

        _ Eh mec, pour qui tu m' prends? pour l'abbé Pierre?

        _ Pourtant, il n'y a pas de meilleur moyen pour que tu cesses de penser à toi, à ton nombril! C'est la porte d'entrée pour sentir une beauté supérieure à la tienne, pour que tu goûtes un rythme plus vaste que tes appétits! pour que tu imagines un don infini!

        _ Eh mec, t'es parti là! Tu cherches à m'embobiner! Ici, c'est la guerre et moi, j' dois m' défendre! Tu pars mec? Tu vas chercher ton p'tit chapeau, pour les fous! Ouaf! Ouaf!"

        Oui, la ville est le siège du culte de soi et elle se moque de la beauté, c'est normal! La science elle-même la méprise... Nous nous rappelons ce généticien qui disait: "La beauté est une invention de l'homme!" Sans doute, mais elle a ses racines dans la sélection naturelle! La femelle invite le mâle à montrer toute sa vigueur, par le chant, la couleur... Des critères "esthétiques" se mettent en place et prennent encore en compte les particularités génétiques (l'albinisme notamment)!

        Maintenant, à chaque fois qu'un homme et une femme se croisent, ils savent en un instant si l'autre est toujours apte à la reproduction! Tous les individus malades, trop vieux, trop grands, trop petits ou trop gros sont a priori rejetés! Ainsi, nous sommes devenus sensibles à un équilibre, une harmonie, qui varie avec les époques et qui demande pour la nôtre des lignes pures, comme si elles symbolisaient la vitesse ou la performance, ce qui fait le désespoir de beaucoup, bien entendu!

        Avec le temps, notre admiration s'est étendue à tout ce qui existe, de sorte qu'elle nous est comme une "seconde peau"! Mais, si certains ont une idée pauvre de la beauté, c'est peut-être parce qu'ils sont sous le joug de leur propre domination, car c'est bien la première qui est l'antidote de la seconde! Disons-le tout net, la beauté ennuie la domination, qui la voit comme un frein ou une chose anecdotique! La beauté demande en effet de la patience, de la contemplation, une respiration plus lente... Elle semble muette et exaspère!

        Cependant, la ville se dévore et ses habitants sont perdus! Actuellement, des enfants, hauts comme trois pommes, sont de véritables tyrans et on ne voit pas comment la violence pourrait diminuer! La société n'a rien à leur proposer pour les apaiser et puisque la peur les pousse, ils briseront toutes les digues!

       La fleur qui ondule au vent est pourtant la clé! Par sa beauté, elle guérit de la domination et autrement dit, elle rend libre! Son éclat rappelle celui des femmes et il nous parle d'un sens plus profond que notre intérêt, qui grandit, mûrit!

        La beauté développe notre spiritualité et nous fait aller légers par les rues! Celui qui la connaît accepte de perdre et n'est pas gagné par la haine! Il voit chacun traîner le boulet de sa domination et faire son propre malheur, car la solution n'est pas de vaincre, mais d'aimer! C'est le message de la beauté!

  • Le Dom attaque!

    Le dom attaque

     

     

     

                                                                                             "Heureusement qu'il y en a qui prennent sur eux!"

                                                                                                     "La sirène est le chant de la vérité!"

                                                                                                                     Blague et aphorisme OED

     

     

        Le député franco-danois Jan Sorensen, de l'OED, parlait à ses collègues dans l'hémicycle: "Le 24 mai, dans le petit port de R..., des bateaux ont leurs amarres coupées et on les récupère le lendemain à la dérive, avant qu'ils ne deviennent des dangers pour la navigation! Le 4 juin, dans la ville de L..., qui ne compte pas plus de cinquante mille habitants, la police est piégée par des jeunes qui l'avaient déjà attaquée quelques jours auparavant! Des interpellations ont lieu et en représailles, des voitures sont incendiées! Le 10 juin, dans le bourg de A..., 800 âmes, le feu détruit la bibliothèque et son bâtiment historique et là encore il serait volontaire!

        Nous pourrions continuer cette liste sans difficultés, puisque de nouveaux faits viennent s'y ajouter chaque jour! Or, cette violence est inédite et devrait nous interroger! Elle est inédite, d'abord parce qu'elle se produit dans des lieux que d'habitude elle n'atteint pas! Ensuite, ses auteurs sont de plus en plus jeunes! Et, enfin, elle a quelque chose d'absurde, car on n'a aucun mal à trouver les coupables, ce qui montre qu'ils agissent d'une manière quasi irrépressible, qui leur échappe; même si l'alcool, ici comme ailleurs, a le rôle d'étincelle!

        Avant d'expliquer l'origine de cette violence inédite, je voudrais la replacer dans son contexte, car son importance en sera renforcée! Mais la violence éclate partout, comme si un immense incendie cherchait à ravager le pays! Des villes moyennes, jusque-là épargnées, prennent des airs de petit Chicago! La drogue y devient un pouvoir et on fait régner sa loi dans la rue, par la terreur et des coups de feu!

        On se bagarre aussi sur les places, pour un mot de trop, un regard mauvais, mais surtout parce qu'au vrai on veut en découdre, on rêve de se sentir le plus fort! L'alcool entraîne toutes les dérives! On bat et on tue le voisin, pour une réflexion! On viole par-ci par-là!

        Les couples se déchirent et scandalisent! Les violences conjugales vont jusqu'à la mort de l'autre! On reste hébété devant un tel déchaînement, un tel délire, une telle sauvagerie! C'est la violence qui est aujourd'hui la plus inventive!

        On la retrouve bien entendu dans les infractions au code de la route! On roule ivre, sans permis et pied au plancher! On est arrêté, jugé et on récidive! On s'empare d'une voiture, on la détruit et on va en prendre une autre! On renverse quelqu'un et on s'enfuie! On dirait des fous au volant! Ils s'agitent dans une sorte de cauchemar!

        Enfin, il faut toujours gagner sa vie! On vole tout ce qu'on peut, ainsi que la ville serait mise à sac! On cambriole comme si on rentrait chez soi! On arnaque, on terrorise, surtout les plus faibles, les plus fragiles! Si on bénéficie de bontés, on en veut plus! Seule compte sa personne! On est le roi des autres et on dispose, comme on l'entend, de ses sujets! Peu importe les larmes, les plaintes, les supplications! On méprise, on insulte, on écrase! On a tous les droits!

        Je ne parlerai pas maintenant des incivilités, car, quand on décrit la tempête, on ne songe déjà plus à ses signes avant-coureurs! Pourtant, ceux-ci sont toujours présents et nombreux: tapages nocturnes, ivresses, agressivité, rugissements de moteurs et véhicules comme des sonos ! Bref, l'égoïsme triomphe dans son décor, qui est constitué de déchets abandonnés, de tags et de vandalismes! On dirait la loi de la jungle, celle du plus fort!

        Au vrai, on se demande comment la police fait pour rester efficace et ne pas être débordée! On lui reproche son racisme et sa violence, mais c'est aussi se critiquer soi-même, car la police est sur le front, à la cassure, là où la société se heurte à ses contradictions, à ses manques! On ne peut pas demander à la police de les résoudre pour nous et son action reflète également nos propres craintes et aversions!

        Notamment, on pourrait se demander quelle est la part de l'émigration et de l'élément étranger, dans cette montée de la violence!

        _ Oh! Oh! firent certains.

        _ Je sais, c'est un sujet tabou, mais il ne devrait pas l'être! Pour beaucoup d'auteurs de délits, le réveil, c'est la justice! C'est devant un tribunal qu'ils ont leur premier vrai contact avec la société! Tout y est propre, ordonné, sévère, alors qu'eux-mêmes n'ont pas de stabilité, sont errants et perdus! Certains sont condamnés, parce qu'ils ont brisé des vies, mais a-t-on une seule fois parlé le même langage, s'est-on vraiment rencontré?

        Il n'y a pas de progrès sans compréhension et il serait bon d'interroger les juges à ce sujet, car on continue de construire, en méprisant la nature du sol! Mais justement demandons-nous ce qui caractérise notre époque, pour qu'elle donne naissance à cette violence inédite, dont je parlais tout à l'heure! Nous allons voir que nos résultats expliqueront encore toute violence et que c'est principalement une question de degrés qui est en jeu!    

        Mais on peut dire du vingtième siècle qu'il est le siècle des idéologies! D'abord, l'influence religieuse y est encore très forte! Les écoles chrétiennes étaient réputées pour la qualité de leur enseignement et on commençait sa vie dans le cadre des préceptes évangéliques! Il y avait là une autorité, une évidence qui protégeait de l'étrangeté vertigineuse du monde!

        Aujourd'hui, la religion catholique n'en finit pas de s'émietter, à cause des ses affaires de pédophilie ... Quant au culte musulman, ses fanatiques meurtriers rendent l'idée même de Dieu horrible!

        Mais, surtout, le siècle précédent voit l'affrontement mortel de deux idéologies majeures: le fascisme et le communisme! Ce n'est pas seulement une lutte pour des territoires, mais c'est bien plus la pensée et son développement qui sont l'essentiel, ce qui rend la guerre totale et d'une cruauté jamais vue! L'homme, au fond, ne vit que pour la liberté de ses convictions, puisque c'est la conscience qui le constitue!

        C'est le communisme qui l'emporte, qui devient un empire et qui va s'opposer à l'autre puissance que sont les Etats-Unis et qu'on peut représenter par le capitalisme. C'est la guerre froide! Mais peut-on parler d'idéologie, au sujet du capitalisme? Ses adversaires devraient mieux réfléchir à cette question, car le communisme, lui, finit par disparaître, à la fin du siècle et il ne reste plus, de nos jours, comme moteur que l'économie, la finance, la mondialisation! Mais, s'il en est ainsi, ce n'est sans doute que parce que le pouvoir, grâce à l'argent, est notre pente naturelle! Mais nous allons y revenir!

        Cependant, le vingtième siècle, c'est encore les idéologies scientifiques! A chaque fois qu'il y a une grande découverte, il y a le désir, chez les chercheurs, de tout expliquer par cette découverte! C'est un fait récurrent, dans l'histoire de la science, et sa cause est même simple et liée à mon propos... Mais le vingtième siècle foisonne de découvertes quasi extraordinaires et un jour, tout est thermodynamique, puis génétique, jusqu'à l'eugénisme, ou bien psychanalytique! D'un coup, on repeint le monde et cela, bien entendu, donne un sens à la vie!

        Mais que d'espoirs déçus! Les résultats escomptés n'arrivent pas! La situation évolue, certes, mais pas comme on l'avait prédit, ce qui fait qu'on a l'air de rabâcher! Et aujourd'hui, au vingt-et-unième siècle, que voit la jeunesse? Qu'est-ce qui peut la guider, la protéger, la rassurer? Eh bien, rien! Pire! On est non seulement dans le désert, mais en plus le ciel est noir et annonce des catastrophes!

        Le bilan est lourd, trop lourd même! Citons en premier lieu le réchauffement climatique, qui semble attendre l'humanité comme un goulot et dont nous éprouvons dès maintenant les effets destructeurs!

        Le coronavirus est venu subitement et brutalement nous dire que la situation est même plus grave qu'on ne le croit, puisqu'il serait issu de notre rapport trop écrasant avec la nature! En plus des morts, il a ruiné tous nos efforts pour redresser l'économie et il reste une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes!

        Le résultat, nous le voyons, ce sont de grandes entreprises qui licencient à tour de bras! Le chômage grimpe en flèche, alors qu'il n'offrait déjà pas beaucoup de perspectives! Comment espérer, alors que les caisses sont vides, que les dettes ont explosé, que des crises, telle celle de 2008, nous montrent que la finance est un château de cartes, à la merci de spéculateurs!

        Qui voit un rayon de soleil, un chemin, une assurance? C'est le vide infini de nos vies, c'est le froid du cosmos, c'est le vertige de notre condition mortelle, son apparente absurdité qui viennent peser sur les esprits adolescents! C'est tout le désarroi et l'hypocrisie et la lâcheté du monde des adultes que doit supporter la jeunesse d'aujourd'hui! Comment peut-elle faire avec ses faibles forces? Comment peut-elle lutter contre l'angoisse?

        Eh bien, elle a recours à l'instinct de la domination, car c'est lui qui nous pousse à nous imposer, à nous développer, à nous sentir réussir et supérieurs! Ainsi, notre égoïsme nous sert de boussole! S'il est satisfait, c'est que nous existons et alors, adieu l'angoisse! Nous voilà importants, d'autant que l'autre est dominé, en reconnaissant notre valeur! Il en a toujours été ainsi, d'où les guerres, d'où les luttes pour la justice, l'égalité sociale!

        Mais aujourd'hui l'égoïsme est seul, il n'a pas d'idées, ni de foi, ni de chef, ni de garde-fous! Il doit être impérieux, total, omnipotent! Chacun doit dominer le monde entier incessamment, pour faire un pas! Car il n'y a pas de cannes, ni d'épaules sur lesquelles s'appuyer, ni de certitudes pour soulager! Dominer, dominer et encore dominer! Puisque la vie autour n'a pas de sens, est incompréhensible, il ne faut pas quitter sa personne! Le sentiment de soi doit être permanent!

        Vous pensez que j'exagère! Mais regardez les jeunes: ils ont constamment le nez dans leurs smartphones, dans leur univers; c'est leur cordon ombilical! leur balise Argos! leur bouée pour apprendre à nager! Ils y retrouvent bien sûr leurs proches, mais aussi leurs images, leurs musiques, leurs jeux, leurs messages, etc.! C'est leur matrice, leur nourriture; c'est le terreau de leur égoïsme! C'est leur miroir, qui sert de lumière dans la nuit!

        Mais dominer, c'est encore mépriser! Pour se sentir supérieur, il faut bien juger les autres inférieurs! Les adultes, qui n'ont pas de réponses, sont donc méprisés absolument, radicalement! Une preuve? L'attitude de Greta Thunberg! Elle traite les gens de l'ONU comme des enfants pas sages et la formule OK Boomer veut juste dire: "Tu radotes"!

        C'est ce mépris qui permet la violence, bien que la cause puisse paraître juste! Des militants vegans ou antispécistes attaquent des boucheries, des poissonneries ou détruisent des élevages! Mais le plus fort, le plus déroutant, c'est de s'en prendre à la police, de lui tendre une embuscade, c'est d'essayer de la vaincre, comme si l'ordre n'était pas ce qui tient nos vies!

        Nul doute que les assaillants ne voient pas jusque-là! Mais la domination de la police les gêne, semble être un frein à la leur et provoque leur angoisse, leur rejet et leur haine! Le culte de soi n'admet pas la concurrence, ni la contrainte! Pensez à la susceptibilité qui existe déjà chez les animaux! Il y a de la place pour tout le monde, mais "on" se querelle tout de même!

        Mais tout ce qui représente l'ordre peut être senti comme une oppression! Les amarres des bateaux ne symbolisent-elles pas ce qui est établi, ce qui ne doit pas changer, autrement dit ce qui limite le culte de soi, car la communauté empêche le triomphe d'un seul! Et la bibliothèque du bourg n'est-elle pas un plaisir conventionnel, un obstacle qui témoigne du plus grand nombre?

        Je vois que certains s'agitent sur leur siège, parce qu'ils sont gagnés par l'inquiétude et il y a de quoi! La seule réponse au vide abyssal et spirituel de notre siècle ne pouvait être qu'un culte de soi monstrueux, qui se traduit par une domination surtout psychique sans précédent! L'enfant rayonne de dégoût et de haine! Il manipule ses parents! Il est vieux avant de vivre! Il est sec et dur, quand il devrait rire comme une eau tinte sur les rochers!

        Mais cette domination a un coût énorme! Alors que le jeune ne voudrait, en réalité, que la paix, la sécurité et même dormir, il se tend pour supplanter l'adulte, pour contrôler le monde extérieur, en rester le centre! Il est toujours sur le qui-vive et ses nerfs n'y résistent pas, d'où les dépressions précoces et la recherche de moyens d'évasion les plus brutaux! On s'assomme avec de l'alcool, on se gave de gaz hilarant ou on se lance des défis dangereux!

        C'est pourquoi on voudrait apaiser, rassurer cette jeunesse perdue et malheureuse, mais c'est trop tard, car son hostilité est si vive qu'elle impose de lui résister, de s'en défendre! C'est une question de survie et le dialogue et la tendresse semblent désormais impossibles!

        Certes, il est à espérer que la majorité reste malgré tout docile et de bonne volonté, mais nos sociétés modernes, chers collègues, sont tels des paquebots qui s'enfoncent dans les glaces de la jeunesse! La nuit arrive et nos larmes aussi!"

     

        PS: nous pensons bien entendu au chauffeur de bus de Bayonne, tué par les Doms!

  • Le Dom obtus!

    Le dom obtus

     

     

     

     

     

                                                                                         "Que veut le DTN?

                                                                                           Qu'on ait peur de sa haine!"

                                                                                                  Distique OED

     

        Nami Sato, du comité directeur de l'OED, était dans une crèmerie. D'origine japonaise, elle aimait les fromages de France et pour l'instant, elle en lorgnait un au lait de chèvre, légèrement bleuté et qui venait du Tarn-et-Garonne! Elle imaginait un paysage assez austère, caillouteux sous le soleil, mais nullement désolé et riant par endroits! Le goût du fromage devait donc être complexe: crémeux avec du caractère!

        Pendant que la vendeuse préparait son fromage, Nami Sato engagea la conversation, comme c'est l'usage au pays de Molière et le fait de gens civilisés! "Vous avez vu qu'ils ont encore brûlé des voitures! dit la Japonaise.

        _ Non?

        _ Si, dans le quartier de L...

        _ Si c'est pas malheureux! Pensez aux propriétaires des véhicules! Y en a qui perdent tout! Quelle époque nous vivons!

        _ Oui, il y a beaucoup de haine!"

        Curieusement, la vendeuse ne répondit pas à Nami Sato... Elle n'enchaîna pas, en approuvant le propos, mais elle garda le silence! "Aurais-je dit une insanité?", se demanda la Japonaise, qui était légèrement choquée par le mutisme qu'elle devait affronter!

        "Moi, ce qui me dérange particulièrement, reprit la vendeuse, c'est de voir cette infirmière jeter des pierres sur la police! Comment une personne qui soigne les gens, qui a un métier si digne, peut-elle se montrer si violente à l'égard de l'autorité? Cela dépasse l'entendement!

        _ Oui, fit en écho la Japonaise, mais elle crache aussi et on peut se demander d'où vient toute sa haine!"

        De nouveau, la crémière se tut, laissant son interlocutrice perplexe... et de plus en plus désemparée! Celle-ci pensa: "C'est bien la haine le fond du problème pourtant, alors pourquoi fait-on comme si j'étais folle ou inexistante? Cela devient blessant! Changeons de tactique, pour en avoir le cœur net!"

        "C'est vrai que cette infirmière a dépassé les bornes! reprit Nami sato.

        _ Mais oui! Elle devrait avoir honte!"

        "D'accord, songea à présent la Japonaise. J'ai compris! Quand je l'approuve et que je m'intéresse à elle, elle me répond et continue normalement la conversation! Mais, à chaque fois que je lui fais part de mes réflexions, c'est-à-dire que j'exprime ma personnalité, elle se ferme et me laisse dans l'embarras! Seule compte son existence et les autres ne sont là que pour soulager ses frustrations! C'est une Dom binaire! 0 pour la différence! 1 pour elle! Quel dommage! Je n'aurais plus de plaisir maintenant à passer chez elle, car elle pompe son environnement, sans le nourrir! Bon, finissons-en!"

        "Vous parliez d'une époque honteuse, reprit Nami Sato, mais il y a même des jeunes qui tendent des traquenards à la police!

        _ Ecoutez, s'ils veulent vraiment faire la guerre, qu'on les envoie effectivement sur un conflit! Bon débarras!"

        "Pas très généreux ça, madame! s'écria in petto la Japonaise. Mais le plus incroyable, c'est que cette femme ne perçoit pas du tout qu'elle est en partie responsable du monde dont elle se plaint, puisqu'elle-même est, disons, une DTN sociable, apparemment bien intégrée! C'est son petit égoïsme qui, joint à d'autres, en crée de grands aux extrêmes! Le Dom ne reconnaît pas le Dom! Quoi d'étonnant, car déjà il se croit innocent! Il ne voit pas... ou il ne veut pas voir sa propre noirceur!

        Cette Dom binaire me fait mal, me vide et elle fait subir le même traitement à combien d'autres? Elle propage sa haine et elle est pareille à cette infirmière qui la révolte! C'est juste une question de degrés! Là-bas, le venin est démesuré, quasi délirant! Ici, il est au compte-gouttes, petit bourgeois, quoiqu'il finisse par percer la pierre tout de même! C'est désespérant que la relation de cause à effets échappe aux Doms! C'est comme si des humains s'étonnaient d'en rencontrer d'autres, alors qu'ils se reproduisent!"

        Non loin de là, le Congolais Mamadou Gnoka, lui aussi du comité directeur de l'OED, assistait à une série de conférences contre le racisme! Il avait été invité par une association qui combattait ce fléau apparemment inextricable! Les orateurs s'étaient succédés et ils avaient été très applaudis, mais il est vrai qu'ils étaient pleins de bons sentiments et il y avait toujours des gens pour crier vive la liberté et à bas le mal! Ce n'était ni brave, ni intelligent et les choses ne changeaient pas!

        Mamadou Gnoka devait lui aussi parler et quand ce fut son tour, il respira largement, car il sentait qu'il risquait d'en choquer plus d'un! "Hum! fit-il pour commencer. J'ai entendu beaucoup de beaux discours contre le racisme, mais nul jusqu'à présent ne m'a expliqué d'où il vient, quoiqu'on ne puisse comprendre un phénomène, sans connaître son origine! Et comment espérer faire disparaître le racisme, si on ignore son fonctionnement?

        Je vais donc m'efforcer de déterrer la racine du mal qui nous intéresse... ou plutôt du mal tout court, car celle-ci explique tous nos maux et je vous demanderais un peu de patience, puisque nous allons remonter dans notre histoire aussi loin que possible! Mais, comme vous le savez, nous sommes issus du règne animal et ce qui préoccupe d'abord les animaux les plus proches de nous, c'est la domination! C'est d'être supérieur à l'autre qui permet de protéger le territoire, de se nourrir et de se reproduire!

        C'est une individualisation! Pensez par exemple au travail des parents oiseaux, pour couver leurs œufs et assurer le développement de leurs petits! Ils sont responsables de la survie de leur espèce et cette tâche ne peut que renforcer le sentiment de leur individualité, même si le terme de sentiment peut paraître discutable! Mais, de même, on peut comprendre que l'individualisation s'accompagne forcément d'une montée de la conscience! Mais, je ne vais pas aller plus loin sur le sujet, car certains, dénonçant mon anthropocentrisme, pourraient subitement jeter leur chaise et quitter précipitamment la salle! Nous voulons la paix, n'est-ce pas?

        Cependant, la domination exclue la différence! En effet, chez les animaux, la différence est presque toujours synonyme de mort, puisqu'elle signale généralement la présence d'un prédateur! Il y a donc une inquiétude instinctive provoquée par la différence, avant son rejet, qu'on ne lui montre de l'hostilité! Evidemment, plus la domination est forte et plus la réaction, face à l'élément étranger, est forte également!

        Ceci nous concerne directement, car nous avons hérité de cet instinct, de ce comportement! D'abord, la première chose qui nous motive, c'est notre personne, c'est de sentir notre valeur, notre importance! Notre réussite est a priori la clé de notre équilibre! La dépression ne vient que d'un sentiment de soi défaillant! Nous nous voyons inutiles et même détestables! Mais la base de notre personnalité est bien elle aussi la domination! Notre place est notre pouvoir, ce qui nous pousse à satisfaire en priorité notre égoïsme! C'est lui qui fait notre force, mais nous apprenons par ailleurs à le contrôler, pour pouvoir vivre en société!   

        Mais, pareillement, puisque nous cherchons à dominer, nous avons à l'égard de la différence la même réaction que les animaux! Nous aussi, nous avons naturellement de l'aversion, quand l'élément étranger se présente! Celui-ci peut être anodin ou banal... Par exemple: "Ah! Mais vous n'êtes pas du bourg! Hum!", "Ah! vous venez de la province! Mais bien sûr, comment ai-je pu être aussi aveugle!"

        Ces comportements, nous les connaissons tous... et ils nous font bien sourire, n'est-ce pas? Mais, si déjà une petite différence nous fait réagir, ô combien une grande peut nous troubler, nous inquiéter et facilement provoquer notre répulsion, notre haine! La couleur de peau, bien entendu, entre dans cette catégorie! Nous sommes donc instinctivement racistes! Je vois que certains ne tiennent plus sur leur siège! Entendons-nous... Si nous devions vivre comme les animaux, nous serions effectivement radicalement racistes, car les animaux, à cause de leur domination, de leur supériorité, ne tolèrent aucune différence... ou exceptionnellement à un point d'eau, par exemple! au bar, si vous voulez! Hum!

        Mais la nature nous a dotés de la conscience, de la raison, et c'est là que les choses deviennent vraiment intéressantes pour nous! Car la raison est là pour balancer la force de nos instincts! Notre conscience nous civilise et le mal, en définitive, se produit quand nous restons sourds aux arguments de la raison, au profit de notre domination; quand nous cédons à l'instinct, pour satisfaire notre égoïsme! L'autre est alors pour nous un esclave, un faire-valoir, un marchepied! Il a droit à tout notre mépris et nous le faisons souffrir sans sourciller! Nous pouvons être aussi implacables que les animaux!

        C'est que nous vivons volontiers dans l'ignorance! D'abord parce que l'inconnu nous fait peur et que cela nous empêche d'évoluer! Mais ensuite notre égoïsme est la pente et le plus séduisant! Toujours est-il que notre raison a constitué, contre le racisme, un dossier impressionnant, si je puis dire, puisqu'il va de l'origine commune de tous les hommes, jusqu'aux émigrés chassés de chez eux par la guerre, en passant par les ravages de l'esclavage et le sacrifice des soldats colonisés!

        Mais le raciste refoule tout cela! Ce qu'il veut c'est assurer sa domination! C'est de garder son pouvoir! Il veut se sentir supérieur quoiqu'il arrive et ceci est capital! Car on n'arrivera pas à vaincre le racisme, en luttant seulement contre lui; en prenant des mesures, en fixant des lois! On vaincra le racisme si on s'attaque à la domination elle-même! C'est à chacun de se sonder et de voir quelle importance il accorde à son amour-propre! C'est à chacun de relativiser son égoïsme, de s'en méfier et cela demande de s'interroger sur le sens du mot réussite!

        Car, on le comprend bien, si vous voulez vous élever dans la société, vous voulez aussi dominer et vous resterez donc perméables au racisme, puisque la différence sera tôt ou tard une gêne pour vous! Ne vous faites aucune illusion! Malgré nos bons sentiments, toujours l'élément étranger suscitera en nous une inquiétude, c'est instinctif et combattre le racisme demande un effort constant! Mais, si vous maîtrisez déjà votre propre égoïsme, alors le racisme n'aura aucune prise sur vous! Voilà ce que je voulais vous dire... Il n'y aura pas de victoire sans peine! Je vous remercie de votre attention!"

        Gnoka s'attendait à un silence embarrassé, mais son discours fut salué par une standing ovation formidable! On le félicitait à tout rompre et il en fut très surpris! Il quitta la tribune sous les bravos et il décida d'aller se rafraîchir à la cafétéria... Comme il se demandait quel thé prendre, il sentit qu'on le pressait dans le dos pour choisir! "Mince! se dit Gnoka. J'ai un Dom aux fesses!"

        Le Congolais jeta un coup d'œil derrière lui et il fut stupéfait d'apercevoir le responsable de l'association qui l'avait invité! Il prit tout de même le parti de l'entreprendre... "Excusez-moi, commença-t-il, mais ne pourriez-vous pas vous détendre un peu, car il me semble entendre votre impatience me crier: "Dégage! Mais dégage!"; alors que c'est chacun son tour!

        _ Mais c'est peut-être vous qui ne choisissez pas assez vite! Vous voyez, on pourrait se renvoyer la balle longtemps comme ça!"

         Cette réponse foudroya Gnoka, car il espérait une prise de conscience et des excuses! Or, au contraire, on se montrait encore plus dur et plus vindicatif! Gnoka voulut encore ajouter quelque chose, mais l'autre s'en fut brusquement!

        "Incroyable, pensa le Congolais, c'est un DTN! Comme j'ai fait obstacle à son univers, il s'est enfui, dépassé par l'émotion! Un DTN antiraciste! Autant dire un Italien qui n'aime pas les pâtes!"

        Gnoka était désemparé, quand il aperçut sa collègue Nami Sato, assise devant une pâtisserie. Il alla la rejoindre avec plaisir et lui raconta ce qui venait d'arriver!

        "Mais c'est comme moi! s'écria la Japonaise. Je viens de découvrir que ma crémière est une Dom binaire et elle se plaint de la violence de la rue! Elle ne voit pas que son propre égoïsme en est en partie la cause!

        _ Le Dom ne reconnaît pas le Dom! rappela Gnoka. Qu'est-ce que nous allons faire?

        _ Nous marier! répondit Nami Sato, la bouche pleine de crème, et tous deux s'esclaffèrent!"

     

  • Le Dom sort du bois!

    Le dom sort du bois

     

     

     

     

                                                                                            "D'une musique guerrière,

                                                                                             Le DTN fait sa prière!"

                                                                                                          Distique OED

     

     

        Pour sa première mission, Dan Curtis était assez nerveux... Il y avait beaucoup de monde autour de lui, dans la rue, et s'il était bien au point de rendez-vous, il ne savait qui il devait rencontrer et il se crispait devant toute personne qui l'approchait!

        Fedor Andropov, le directeur de l'OED, lui avait dit: "Quelqu'un nous a contactés, parce qu'il sait quelque chose sur les Doms! Apparemment, ceux-ci préparent un gros coup! Evidemment, le tuyau est peut-être du vent, mais on ne doit rien négliger! Cependant, je vous demande d'être prudent, car au pire c'est une manœuvre des Doms, pour faire tomber l'un d'entre nous! Faites celui qui ne comprend pas, en essayant d'y voir clair! Pas un mot sur ce que nous sommes!"

        Curtis avait été enchanté de cette première responsabilité, mais, maintenant, au milieu de la foule, il se sentait la victime d'une mauvaise farce! "Un billet d' loterie, m'sieur? lui demanda un vendeur mal rasé et d'aspect sale...

        _ Non, non, bredouilla Curtis, les yeux cherchant à voir au-delà du vendeur.

        _ C'est vous qui êtes de l'Oued? C'est moi, votre contact!

        _ Hein?

        _ Suivez-moi de loin!"

        Encore abasourdi, Curtis prit le pas du vendeur, en maintenant une certaine distance, et bientôt ils tournèrent dans une rue étroite et sombre... "Mon pauvre Dan, pensa Curtis, ça sent le traquenard à plein nez! Première et... dernière mission!

        _ Psst, par ici! fit le vendeur  qui s'était réfugié dans l'entrée d'un garage désaffecté. Alors, vous donnez combien, pour les infos sur les Doms?

        _ Les Doms?

        _ Oh! C'est comme ça! On ne fait pas confiance! Mais si vous voulez pas ce que j' sais, tant pis pour vous! J' trouverai d'autres acheteurs!

        _ Bon, bon! répliqua Curtis, qui se sentait vaguement ridicule, puisque toute précaution s'avérait inutile. Allez-y, déballez!

        _ Minute, faut la soudure!

        _ J'achète pas chat en poche!

        _ Pfff! Ecoutez, un renseignement, un billet, ça va?

        _ D'ac! lâcha Curtis qui vit disparaître sa première coupure.

        _ Les Doms lancent une grande opération, baptisée Sape! poursuivit le vendeur qui s'attendait à frapper Curtis comme la foudre!

        _ Et?

        _ Ils se sont donné le mot: pourrir la vie des gens! saper la société! la désagréger! désespérer le quidam!

        _ Et comment comptent-ils s'y prendre!

        _ Euh... fit le vendeur, qui se gratta la tête, comme s'il cherchait à retrouver la mémoire!"

        Curtis soupira et donna un autre billet. "Par exemple, reprit le vendeur, qui avait retrouvé tout son enthousiasme, ils veulent se débarrasser d'un vieux meuble! Eh ben, ils vont pas l'amener à la déchetterie... Non, ils vont tout bonnement le laisser sur le trottoir! sans se soucier de qui le ramassera! Hein? Peser sur l'homme de la rue, j'vous dis! Que le monde soit un immense dépotoir! avec du mépris partout!

        _ Et c'est une vaste opération? Eh ben, va en falloir des meubles!

        _ Y a une variante! Y z' achètent par exemple une télé... ou une hi-fi et ils découpent pas le carton, pour le mettre dans la bonne poubelle! Mais l'emballage tel quel est aussi mis sur le trottoir! Les éboueurs s'en chargeront, s'il est encore là! C'est leur job!

        _ Oui, l'impatience de jouir révèle l'égoïsme et l'infantilisme... Mais comment vous savez tout ça, vous?

        _ J'ai mes sources! Et elles m'ont dit autre chose, mes sources!

        _ Je vois, répondit Curtis, qui donna un autre billet.

        _ Dans les villes maritimes, y z'ont un truc vicieux! Y bourrent les poubelles, de sorte qu'on peut pas les refermer! Alors, le goéland arrive! Z'avez déjà vu un sac poubelle dépecer par un goéland? C'est des détritus plein la rue, emportés par le vent! Des fois, je vois ça comme une œuvre d'art, tellement c'est varié! Pour moi, c'est du street Picasso! J'ai une sensibilité, vous savez?

        _ Je n'en doute pas!

        _ Les Doms, eux, rigolent! Paraît qu'y lisent le journal, pour voir si y a pas un balayeur qui s' suicide! Car c'est eux évidemment, qui nettoient tout le merdier!

        _ Hélas! Je me demande effectivement comment ils tiennent!

        _ Là encore y a une variante! Mais, tiens, j' vais vous la faire gratos; vu qu' vous m'êtes sympathique!

        _ Merci!

        _ Y déposent les déchets autour des containers, sans les mettre dedans! Y z'appellent ça l'Enigme! Y veulent qu'on cogite, qu'on s' casse la tête! qu'on s'épuise!

        _ Que la colère monte!

        _ Tout juste! Alors, j' vous ai volé?

        _ Non, non...

        _ Bon, faut qu' je file! Y z'ont des yeux partout! Vous voyez le N tagué sur le mur? C'est l'une de leurs marques!

        _ N?

        _ Avec un H bien entendu! Allez salut!"

        Pendant ce temps-là, deux autres agents OED, Sarah Taylor et Dieter Stein, n'étaient pas à la fête! Intrigués par les violences qui avaient éclaté dans une ville moyenne, ils avaient décidé d'enquêter, mais, sur un terrain vague, ils s'étaient vite retrouvés cernés par une bande de jeunes hostiles, qui les avaient menés jusqu'à des bâtiments en ruines!

        L'aspect des lieux eût pu être un décor de cinéma! On marchait par endroits sur du verre brisé; les murs étaient noircis par les graffitis et on voyait des N tagués un peu partout! Des flammes montaient de quelques fûts et on avait l'impression d'arriver au milieu d'une tribu! Il n'eût pas été étonnant d'entendre des tams-tams, pour prévenir le village, d'autant que de plus en plus de jeunes filles regardaient maintenant les deux étrangers, mais c'était une radio CD, poussée jusqu'à la distorsion, qui retentissait, comme si elle devait écraser toute cervelle alentour!

        Soudain le bruit cessa et un garçon, un peu plus âgé que les autres, un peu plus grand aussi, se détacha d'une petite troupe, de sorte qu'il apparut tel le chef! "Qui êtes-vous et que faites-vous ici? demanda-t-il. Vous êtes sur une propriété privée!

        _ Nous sommes journalistes, déclara Sarah Taylor, qui n'eut même pas l'idée de sourire, et nous voulions vous rencontrer... Car nous aimerions comprendre pourquoi vous attaquez la police et commettez des violences!

        _ Mais ce sont eux qui ont commencé! On s'amusait dans l' centre, sans faire de mal à personne, et ils se sont amenés, nous cherchant des noises! Contrôles, amendes, manque de respect! De vrais caïds!

        _ Mais ils agissaient sans doute ainsi parce qu'il y avait eu une plainte!

        _ Pfff! Peut-être, mais cela ne leur donne pas tous les droits! Vous avez vu, la contestation est dans tout le pays! Non aux violences policières et au racisme!

        _ Ce sont des "massacreurs"! s'écria une fille. Y s' croient tout permis!

        _ Nous, on est du côté de Steve et de George Floyd! renchérit un autre.

        _ On veut pas d' cette race-là!

        _ Ouais, non aux oppresseurs!

        _ De toute façon, l'Etat, on l'emmerde!"

        Maintenant, les réflexions pleuvaient et on perdait le fil! Ce fut Stein qui essaya de ramener un peu de calme: "Mais, mais vous ne pouvez pas lutter contre la violence par de la violence, dit-il. On peut pas combattre le feu, en allumant un incendie!

        _ Nous, on fait que s' défendre! répondit le chef.

        _ Mais la plupart, vous allez toujours au lycée! Certains vont faire des études brillantes! Vous avez un bel avenir devant vous!

        _ Y a pas d'avenir! Y a qu' du chômage! Et puis y a le réchauffement climatique et le Covid! Y a pas d'issues!

        _ Mais alors qu'est-ce que vous voulez?

        _ Nous, on veut être libres! On veut l'anarchie, le chaos!

        _ Ouais! Ouais!

        _ Mais ça n'a pas d' sens! Y a déjà une hiérarchie ici!

        _ Oui, c'est la loi du plus fort!

        _ Moi, c' que je comprends pas, coupa Sarah Taylor, c'est que votre combat est perdu d'avance! On n'a aucun mal à vous identifier... et des policiers connaissent même vos parents!

        _ On est des éléments de la lutte! Tôt ou tard, nous vaincrons, car la révolte sera partout!

        _ Je crois plutôt que c'est plus fort que vous! que l'alcool vous rend fous, car vous ne supportez plus aucune autorité! car la seule chose qui vous donne une raison de vivre, c'est votre égoïsme! Non mais, regardez-vous, même pendant que nous sommes en train de parler, vous continuez  à manipuler vos smartphones! Vous êtes toujours dans votre petit univers! Si vous en sortez c'est la panique! d'où votre agressivité et votre violence! La police vous angoisse et votre comportement est absurde!

        _ Toi, t'es pas journaliste! T'es psy ou même pire! Le supplice du tambour!"

        On amena un fût vers les agents OED! "Le principe est simple, reprit le chef, on vous plaque au sol et on vous roule le "tambour" sur le dos! Si vous criez: "J'étouffe! J'étouffe!", on ne vous entendra pas, à cause de la musique! On s'ra aussi sourds que la police! Mais, après dix passages, si vous êtes encore en vie, vous pourrez vous en aller! Seulement, ce s'ra sans doute en rampant!

        _ Ah! Ah!

        _ Mais vous êtes dingues!

        _ La police! Elle arrive! jeta quelqu'un. Elle a même des chiens!"

        En un instant, Taylor et Stein furent abandonnés! "On a eu chaud, murmura Stein. De vrais lycaons!

        _ Oui, c'est un cauchemar!"

  • Doms exquis!

    Doms exquis

     

     

     

     

                                                           "Jack? Y a des hommes de Detroit qui voudraient te voir...

                                                            _ Ah? Bien, je viens..."

                                                                 Définition OED du courage

     

     

        Où était Jack Cariou? Il y avait à peine une heure il aimait la vie, il était plein d'enthousiasme et il parcourait un paysage riant! Maintenant, il était sombre, découragé et il avait l'impression de traverser un marécage brumeux! Pire, ses sens étaient de nouveau en alerte!

        Que s'était-il passé? Pourquoi cette transformation? Elle ne venait pas de Cariou lui-même; il n'était pas l'artisan de sa tristesse! Soudain, l'agent OED prit conscience qu'on lui parlait! Une femme, d'un certain âge, se tenait effectivement devant lui et sa voix était dolente...

        Elle disait: "Nous sommes venus ici, à cause du travail de mon mari... Auparavant, nous étions plus dans le sud... C'était très difficile pour moi au début... Je passais des journées à la maison, sans amies!"

        Cariou comprenait pourquoi cette femme était seule, mais il ne pouvait le lui expliquer, sans la scandaliser, et il continua de l'écouter patiemment... Il était assez fort pour cela!

        "Nous voudrions devenir propriétaires dans le coin, poursuivait la femme, d'autant que, d'après ma fille, ils détruisent tout dans ma région natale! Mais la campagne nous effraie un peu et il nous faut tout de même l'animation de la ville... Mais je suis en train de vous raconter ma vie et je dois bien vous ennuyer!"

        L'attitude de Cariou ne changea pas: il attendait! Cette femme l'enlisait peu à peu, mais se débattre, regimber, n'aurait fait qu'empirer les choses, de même qu'on panique dans les sables mouvants! Si Cariou voulait retrouver sa bonne humeur, il devait supporter la situation, jusqu'à ce qu'elle cessât d'elle même, ce qui ne manquerait pas d'arriver! Quand on ne dit rien, les gens s'inquiètent et finissent par se sanctionner! Plus exactement, l'angoisse les rattrape!

        Mais, soudain, la femme leva un grand couteau de cuisine et essaya de le planter dans le cœur de Jack Cariou! L'arme ne fit qu'effleurer sa cible, car Cariou avait énormément d'expérience! A force de prendre des coups, il connaissait les hommes et prévoyait le pire! On le blessait certes, mais sa science lui était comme une armure et il ne bronchait pas, de sorte qu'il paraissait inatteignable, ce qui fatalement décourageait!

        Mais, tout de même, en cette occasion, il fut surpris de la méchanceté de cette femme, puisqu'il s'était montré attentif à son égard... Certains, pour ne pas dire la plupart, n'auraient pas hésité à lui montrer toute leur irritation et ils l'auraient "écrasée", comme elle-même venait également, à sa manière, de mépriser Cariou!

        Ah! Mais, pour rester dans ses bonnes grâces, il eût fallu, sans doute, lui être totalement soumis, prendre vraiment au sérieux son ton plaintif et ses soi-disant difficultés; chose impossible pour Jack Cariou! Car, à présent, la situation était de nouveau parfaitement claire dans son esprit!

        Il était en face d'une DTN (une Dom Trou Noir), qu'on pouvait appeler spécifiquement un Dom Chagrin!

        Celui-ci vit dans un monde de misères, qui ne sert qu'à dominer les autres! Son malheur, qui n'en est pas un, pourrait arrêter un rhinocéros en pleine charge! Sa pesanteur anéantit toute individualité et elle est bien la cause d'un effondrement psychique alentour, de même que le trou noir entraîne un "abîme" gravitationnel!

        On ne peut donc pas compatir, car on ne cherche qu'à survivre! Tout le soleil que l'on a en soi est détruit par la pluie du Dom Chagrin! Plus il parle, plus on pénètre dans ses catacombes et plus, bien entendu, il prend lui-même de l'importance! Là, dans l'ombre où il pleure, ses tentacules s'étendent à l'aise, mais, si on leur résiste, ils ne tardent pas à attaquer!

        Il s'agit de revoir le jour, de réentendre les oiseaux, de sentir de nouveau l'air frais! Mais, souvent, le Dom Chagrin occupe un poste clé, que l'on ne peut éviter, et c'est précisément ce qui arrivait à Jack Cariou! Il voulait passer quelques nuitées, dans un gîte d'étape, et c'était cette femme, cette Dom Chagrin qui encaissait le service! Il fallait donc la ménager, même si c'était au prix de ne plus vouloir vivre!

        Cependant, on comprend que le Dom Chagrin, comme tous les DTN, fait son propre malheur! Il voudrait être aimé de l'Univers entier, tout en dévorant l'espace, ce qui est absurde! Par ailleurs, il n'a même pas la reconnaissance du ventre, comme s'en apercevait Cariou, dont la bonne volonté était mal récompensée! Tout de même, ce "mangeur d'étoiles" informa l'agent OED que le gîte avait déjà un autre occupant, un ouvrier. "Fort bien!" répondit Cariou, qui eut un dernier sourire, avant de s'en aller; ultime témoignage de sa force!

        Une fois dans le gîte, il fallut récupérer, goûter de nouveau le silence, pour retrouver la paix! De nombreux oiseaux s'animaient dans le jardin et peu à peu, le temps reprit sa consistance! Ce n'était pas de la morosité, ni même de l'attente, mais de la disponibilité, de l'entrain pour la vie!

        Tout le malheur des hommes vient de leur domination! Réussir, s'imposer, ne pas perdre est leur principal souci! Au loin, Cariou entendait le trafic furieux d'une route, qui devenait une folie en comparaison du rythme tranquille de la nature; même si les animaux s'entretuent, évidemment!

        Le soir arriva et l'ouvrier rentra! Cariou alla à sa rencontre, car la coutume du gîte n'est pas d'ignorer les gens et c'était l'heure également de préparer le dîner! Toutefois, l'agent OED était déjà prévenu contre l'ouvrier, à cause de certains détails! Par exemple, la porte qui menait à la chambre de ce dernier, dans la salle commune, était restée ouverte! Qu'est-ce que cela voulait dire?

        Soit l'ouvrier était parti précipitamment le matin... Soit il se considérait comme chez lui dans tout le gîte! Soit il était claustrophobe et ne pouvait supporter l'idée d'être enfermé! C'est vers cette dernière hypothèse que se tournait Cariou, car elle était confirmée par un élément autrement plus gênant: les radiateurs (on était au début de l'hiver) avait été laissés en mode "confort", comme si l'ouvrier passait sa journée ici! Il y avait pourtant un mode veille!

        Comment se fait-il qu'on ne soit pas vigilant sur cette question, quand on voit le coût de l'énergie pour la planète et le portefeuille? Comment un homme, qui connaît certainement le prix des choses, peut-il se montrer aussi négligent? Veut-il, comme certains, se venger de ses propres efforts d'économie, parce qu'il paye? Ou bien, plus vraisemblablement, a-t-on affaire à un Dom, qui angoisse quand il ne domine pas, dans la solitude et qui chauffe plus que de raison, parce que cela, quasi inconsciemment, étend, donne plus de poids à sa présence?

        Jack Cariou ne se faisait plus d'illusions, sur le complet équilibre mental de l'ouvrier, mais il le salua d'un joyeux bonsoir, afin de rendre le moment le plus léger possible! L'ouvrier garda toutefois le silence... Le bonsoir de Cariou fut pesé dans son cerveau... Pouvait-on opposer à Cariou un total mépris, ou bien valait-il mieux lui répondre? Cela dépendait de la catégorie de l'agent OED: était-il un esclave ou un fort?

        Finalement, le bonsoir de l'ouvrier tomba et Cariou, qui avait donc été jugé sérieux, pensa que c'était pire que ce qu'il avait imaginé. Cependant, il passa dans la cuisine, suivi par l'ouvrier, et alors commença un étrange dialogue!

        "Vous faites quoi? demanda l'ouvrier.

        _ De la photographie, répondit Cariou.

        _ C'est un métier ou un loisir?

        _ Les deux!"

        L'ouvrier eut un grimace, exprimant le doute et Cariou expliqua: "C'est à la fois un travail et une passion!

        _ Mais vous en vivez?

        _ Oui, mentit effrontément Cariou!"

        A cet instant, le téléphone de l'ouvrier se mit à sonner et il le manipula. Cariou décida qu'il ne ferait plus d'efforts, pour la conversation, car au fond l'échange ne l'avait pas surpris... Il avait affaire à un Dom Contrôleur, qui est encore un type de DTN!

        Le Dom Contrôleur parle comme si on devait lui rendre des comptes! On ne peut pas avoir d'existence  propre sans son approbation! Il faut d'abord l'apaiser, en répondant à son interrogatoire, et ce n'est qu'après qu'il commence à s'entretenir... de lui! Il est le centre absolu de son univers!

        D'ailleurs, pour l'heure, il croyait que Cariou continuait à suivre chacun de ses gestes et quand il referma son téléphone, il fut frappé de voir que l'agent OED, visiblement, n'était plus sous sa dépendance! Des hommes pouvaient donc tenir debout tout seuls!

        Ce constat fit que la fatigue creusa son visage et qu'il prit sa bouteille de whisky! Il la tenait comme un cuisinier sa cuiller en bois, puis il se plaignit: ses collègues ne savaient pas travailler!

        Sa souffrance était réelle, mais lui aussi était l'artisan de sa peine! Il eût respecté les autres, il eût moins senti sa responsabilité! Mais renoncer à sa domination demande de l'humilité, pour affronter ses peurs, et il n'en était pas question pour notre ouvrier: il s'aimait trop et il était prisonnier de son égoïsme!

         Cependant, un autre ouvrier passa prendre celui-ci et Cariou se retrouva seul avec soulagement! Comprendre et ne pas pouvoir expliquer, car cela susciterait les foudres, est usant! On finit par avoir l'air idiot! Le pire, c'est quand l'autre cherche quand même à savoir ce que l'on pense... Il croit être à la hauteur et il ne faut pas trop le décevoir! C'est comme chasser une mouche!

        La nuit vint et Cariou regagna sa chambre. Par la fenêtre, il admira toutes les étoiles brillamment éclairées! C'était d'une beauté extraordinaire! Les hommes n'en parurent que plus bêtes à Cariou et... plus perdus!

        Pour évoluer, il faut aimer la patience, l'adorer même! Il faut lui faire confiance! Elle apporte la paix! C'est le bébé qui est en nous qui nous fait souffrir et qui blesse ceux qui nous résistent! C'est lui la source de notre avidité et de nos tourments! C'est lui qui veut écraser!

        La patience libère! C'est la maturation qui agit! Le Dom n'est jamais tranquille! Il garde ses peurs! Il rugit, il frappe, avant d'être assommé à son tour et de contempler ses plaies! Le Dom refuse de grandir! Il veut vaincre et échoue!

        La haine signale le Dom! Elle est son piège! Nul n'est libre quand il hait! Cariou haussa les épaules: qu'avaient affaire les hommes avec la sagesse? Tout ce qu'il voulait, c'était du sang, du scandale; c'était cela qu'ils appelaient vivre! La beauté, comme le reste, les ennuyait!

        Si on ne parlait pas d'eux, ça n'avait pas de valeur! Cariou poussa un soupir, car l'amertume le gagnait, et il se coucha. Il tiendrait bon tout de même, c'était tellement riche! Est-ce qu'il aurait pu imaginer tout ce qu'il voyait maintenant? Certes non, c'était vertigineux, quoique le découragement affleurât toujours!  Mais dans la moindre fleur, la plus petite goutte d'eau, il y avait encore plus de magnificence que dans toute l'humanité!

        L'homme était libre, pour développer sa conscience... Qu'il en usât mal, c'était son affaire, sa responsabilité! Cariou, lui, était en paix avec lui-même, ce qui lui permettait de ne pas haïr! Il savait être heureux... et enfin il s'endormit!

        Le lendemain, il se rendit à la boulangerie. Sur la place, un homme, à forte carrure, pivotait et sifflotait. Son chant aurait dû traduire la gaité, mais il était forcé et avait même quelque chose de glaçant!

        "Un Dom Siffleur! reconnut Cariou. Je me demande quelle serait sa réaction, si je marchais vers lui, pour lui dire: "Vous sifflez non seulement parce que vous avez peur, mais aussi pour dominer les autres, grâce à une aisance que vous n'avez pas!" Il en resterait sans doute baba, avant de s'emporter!"

        Le sifflotement paraissait maintenant suivre Cariou, qui déplaisait déjà au Dom Siffleur et au fond, celui-ci est comme un agent réglant la circulation! Mais ainsi commençait une nouvelle journée au pays des Doms, où la foi n'existe pas!

  • Le Dom en fiches!

    Le dom en fiches

     

     

     

     

                                      "Qu'est-ce qu'il y a de pire pour le Dom? Qu'on n'ait pas besoin de lui!"

                                                                                               Aphorisme OED

     

        Dan Curtis écoutait attentivement son nouveau professeur, car c'était Jack Cariou, l'ami de son père et une légende à l'OED! Dans une petite salle du siège, on apprenait individuellement qui étaient les Doms! 

        "Bon, dit Jack Cariou, tu connais déjà quelques Doms...

        _ Oui, le Dom Queue et le DTN!

        _ Effectivement, ils sont importants, mais eux-mêmes présentent des variantes... Ce que je voudrais voir avec toi, aujourd'hui, c'est les Trois Evitements...

        _ Les Trois Evitements?

        _ Oui, ce sont les trois manières principales qu'ont les Doms, pour éviter le regard. Il y a d'ailleurs un lien entre les Trois Evitements et la nature des Doms! Tu comprends bien que plus le Dom est dur et plus sa manière d'éviter le regard va être radicale: pas question que tu sondes son âme! Verboten!

        _ D'accord!

        _ Au contraire, plus le Dom est faible ou hésitant et plus son évitement est fragile, superficiel... En fait, l'évitement est proportionnel au degré d'infection!

        _ Bien!

        _ Note qu'il faut prendre ces connaissances avec prudence... Nul n'est juge d'autrui! Tu ne va pas condamner d'après un regard! Mais que tu saches les Trois Evitements te permettra de garder un fil conducteur, pour ne pas crier au secours, dans ce monde de fous!

        _ Ah! Ah!

        _ Il y a vraiment de quoi être perdu... Tu vas t'en apercevoir... Mais commençons... le Dom Leurre représente le premier évitement... et on peut dire le plus courant! C'est un évitement léger, mais assez efficace! Le Dom détourne donc le regard qu'on lui porte, sur une partie de son visage, parfois sur une partie du corps! C'est comme s'il utilisait un leurre, qui captive l'attention!

        C'est souvent l'arête du nez qui joue ce rôle, car elle peut se lever comme un petit mur... Mais un sourcil épais qui s'abaisse, le clignement d'un œil, une ride qui se creuse profondément ou même l'éclat d'une boucle d'oreilles semblent encore aux Doms des moyens de faire obstacle!

        Car, il faut bien que tu comprennes une chose, l'évitement n'est au fond qu'une défense! Le Dom ne cherche qu'à arrêter le regard! En fait, nous avons tous une réaction instinctive, à chaque fois que nous ressentons la présence d'un autre! C'est plus fort que nous! Nous nous protégeons ainsi! Il suffit de voir comment nous nous raidissons devant une terrasse, par exemple, pour s'en convaincre!

        _ Mais cela veut aussi dire que le Dom a peur et c'est étrange! Lui qui veut être le chef, pourquoi aurait-il quelque chose à cacher?

        _ C'est une très bonne question et tu devrais la poser aux Doms! Un bout de la réponse se trouve sans doute dans le degré d'évitement, car plus le Dom parasite son hôte et plus celui-ci semble insensible à la peur...

        _ D'accord...

        _ Mais il ne faut pas non plus perdre de vue la grande hypocrisie, qui voudrait nous faire croire que tout est normal, quand rien ne l'est vraiment! Tous nos actes révèlent notre psychisme!  Il est possible de percevoir la haine de certains, à la manière dont ils ferment leur portière de voiture, ou qu'ils ouvrent leurs volets! Comme si on leur devait quelque chose! C'est une tyrannie incessante, quoique inavouée! Nous communiquons bien au-delà des apparences et notre monde est autrement plus mouvant qu'il n'y paraît, ce qui fait qu'il existe un lien étroit entre la peur et la domination...

        _ Tu vas me dire que plus la peur est grande et plus la domination l'est également!

        _ Oui, d'où sa haine quand elle est menacée! Mais la peur est refoulée, à mesure que la domination prend sa place! Il y a donc des Doms qui sont incapables de reconnaître leur peur et même leur terreur! Celles-ci sont tellement enfouies que le Dom peut les nier de bonne foi!

        _ C'est dire si leur domination est totale!

        _ Oui, malheureusement et cela explique pourquoi nos sociétés ne changent pas, ou si peu! Pour faire évoluer les Doms les plus durs, il faut un travail de titan, avant que le degré d'infection n'apparaisse! L'enfant, celui qui a peur, est comme dans un coffre fort! La haine la plus violente le défend!

        _ Et tu as déjà libéré des Doms?

        _ Sans doute, mais, dans la plupart des cas, seul Dieu peut de nouveau séparer l'être humain du Dom et ainsi appeler le premier à juger le second!

        _ Ce n'est pas très engageant!

        _ Mais vivre est un travail et c'est pourquoi voici notre deuxième évitement, plus rebutant que le premier: le Dom Cocotte-Minute!   

        _ Quel nom!

        _ Ah! Ah! Oui, mais il est représentatif! Alors le Dom Cocotte-Minute, ou plus simplement DCM, se caractérise par une impassibilité complète! Apparemment, il ne cherche nullement à se défendre! Il a l'air de dire: "La vérité? Quelle vérité? Il n'y a rien! La lumière n'existe pas! Il n'y a que moi! Je règne, je domine! Je suis le pouvoir, je suis Dieu!"

        _ Brrr!

        _ Oui, le DCM donne froid dans le dos! Son impassibilité, ou plutôt sa dureté dilue le regard! Quand on regarde le DCM, on peut perdre tout espoir... Il est impénétrable! Le Dom Leurre est un enfant à côté! Rappelons que c'est notre égoïsme qui produit le doute, l'incohérence!

        _ Mais pourquoi ne l'a-t-on pas appelé le Dom Banquise, par exemple?

        _ Parce que, tu t'en doutes bien, toute cette hauteur est trompeuse! Le DCM a bien enregistré ton regard et à l'intérieur, il est en train d'affûter son couteau! Il bout de se venger de ton incursion, de ton examen, de ta folle "témérité"!

        _ Ah! Ah!

        _ Il n'attend que l'occasion pour frapper! Note que les DCM occupent généralement des postes plus importants que les Doms Leurres! Ils ont plus de pouvoirs et de responsabilités!

        _ Ils sont donc plus dangereux!

        _ Oui, mais, avec eux, il suffit de savoir que leur indifférence est feinte et qu'ils ne témoignent donc pas contre la vérité! Cela rend secondaires leurs coups! Connaître permet de résister! Mais maintenant notre dernier évitement: le Dom Phare ou DP... En fait, c'est une astuce! Le Dom va échapper au regard, en augmentant l'intensité du sien! comme si c'était lui-même qui avait une âme! La matière dont est constitué ton regard, il semble te la rendre au centuple, ainsi qu'il en aurait à profusion ou même qu'il l'aurait inventée! Cela enlève toute valeur à ton regard, car tu parais un camelot devant un professionnel!

        _ Je vois...

        _ Mais cet éclat du Dom Phare, et tu comprends pourquoi maintenant on l'appelle ainsi, est bien entendu forcé, artificiel et encore sert à rester caché! L'impression finale est que tu dois te sentir tout petit face au Dom Phare et cet évitement est souvent utilisé par des gens dont le pouvoir repose sur leur savoir, comme des scientifiques, des médecins, des psys... Tu ne vas tout de même pas leur en remontrer!

        _ Hi! Hi!

        _ Bon, la plupart des humains sont des Doms Leurres, si on se réfère à leur évitement, mais ils peuvent aussi être en même temps des Doms Queues, etc. Mais c'est heureux que la majorité soit aussi peu endurcie, car cela veut dire qu'elle combat tout de même le Dom! Pour les autres cas, quand le Dom a pris toute la place, n'hésitons pas à le dire, mais on a affaire à des morts! Ils ne le savent pas, ils continuent leur activité de Doms, mais ils sont morts tout de même... et ils haïssent les vivants! Mais ça suffit pour aujourd'hui... Je suppose que tu as amené ton goûter?

        _ Oui, mais... tu as l'air de le vouloir?

        _ Oui, je suis le Dom Goûter!"

     

        PS: des schémas étaient insérés dans le texte, mais ils n'ont pas pu apparaître au moment de l'enregistrement sur le site, d'où un texte plus court...

     

  • Le Dom harangue!

    Le dom harangue

     

     

     

                                             "Le Dom se regarda dans la glace et pleura, tellement il se trouvait beau!"

                                                                                                                         Aphorisme OED

     

     

        C'était l'Assemblée des Doms! Du moins, ils infectaient la plupart des députés, qui ne s'en rendaient même pas compte, tellement le pouvoir les absorbait! Pour voir son Dom et s'en débarrasser, il fallait un moteur puissant, un amour qui inclinait à la patience, à la persévérance, à la compréhension, à l'écoute, au respect de l'autre... C'était un travail long et solitaire, anonyme, qui rebutait et qu'exécrait le Dom, parce qu'il le comparait à la mort et que lui voulait de la fureur, du renom, de l'action; seules choses dans sa bouche capables d'améliorer la société!

        Le franco-danois Jan Sorensen, agent OED, mais également député, suivait le débat en cours attentivement, car il s'agissait de construire le monde de demain, celui qui devait profiter de l'expérience du virus! Comme d'habitude, chacun était passionné et semblait de bonne foi, mais on ne voyait pas la véritable solution... En effet, le virus, comme le réchauffement climatique, est né de l'"énervement" des hommes et son meilleur antidote ne peut qu'être la paix, que justement le Dom ne connaissait pas!

        Mais encore, il n'est pas possible d'imposer la sagesse, car elle est fille du temps et pour commander les hommes, des lois, une constitution, des décrets sont nécessaires... Sorensen assistait donc à ces progrès pénibles et douloureux de l'humanité, dont toute la portée n'apparaisse qu'à l'échelle des siècles! Qu'il fallût changer était présent dans tous les esprits, mais la plupart ne voulaient rien y perdre et ainsi l'égoïsme désignait complaisamment des coupables, pour ne pas devoir se contraindre lui-même!

        Par ailleurs, puisque le Dom tirait les ficelles, la haine, comme un fruit mûr, était toujours près d'éclater, car plus la domination est forte et plus la haine est vive! Mais, tout de même, il y avait là des orateurs! Par exemple, Julius Fergus! Il était issu du mouvement des Gilets jaunes, qui au départ avait compté des individus vraiment sincères, dont les Doms ne comprenaient pas les profondes aspirations!

        Certains jeunes, notamment, désorientés par le monde qui les entourait, à la recherche d'une vérité, d'un sens, d'une cause juste et belle à défendre, avaient pensé trouver leur place dans ce soulèvement populaire, mais la violence et les événements les avaient peu à peu balayés et il ne restait plus en jaune que des partisans, des extrémistes, des Doms qui gardaient toutefois, dans leurs paroles, la trace d'un idéal au-delà des partis!

        Julius Fergus était un ancien chauffeur routier et on ne pouvait mettre en doute son honnêteté! Il représentait le peuple et les autres députés, plus nantis, le craignaient et le voyaient comme un vivant reproche, d'autant qu'il était massif et que sa voix tonnait! Au fil des rassemblements, il s'était découvert le don d'exprimer les revendications de chacun et il était devenu une figure! Pourtant, c'était un Dom...

        Mais pour l'heure il se leva et déclara brutalement: "Les pauvres sont toujours plus pauvres! Ils sont abandonnés par le gouvernement, car c'est celui des riches! Le peuple est asphyxié par les taxes, car c'est lui qui sert de marchepied aux capitalistes! Le peuple est fatigué, à force d'être exploité! Il montre les dents, il se révolte avec raison! Car que veut-il, sinon la simple justice?

        Les riches continuent leur œuvre de mort! Non seulement ils grillent la planète, pour se remplir les poches; non seulement leur mondialisation permet à un virus de décimer les plus faibles, mais en plus ces messieurs contrôlent les gouvernements, dirigent le monde, derrière la façade glacée de leurs banques et de leurs holdings! La Terre est comme Saturne, sauf que ses anneaux sont en argent!

        L'homme n'est plus qu'une marchandise comme une autre! Or, le peuple est pur! C'est lui l'humanité! Chaque être veut se développer, se connaître, s'épanouir! C'est pourquoi il demande la liberté et l'égalité! Même les bêtes disposent de ces choses! Mais nous, nous sommes tenus à l'écart du pouvoir! Le Tiers Etat est toujours là, face aux nouveaux aristocrates que sont les riches!

        La solution, nous l'avons exprimée bien avant le virus! Le peuple doit retrouver toute sa place dans la vie politique! Le pouvoir doit l'écouter! Son avis doit résonner entre ces murs! Ce n'est pas aux riches de commander! Ce n'est pas à une élite de faire la loi! Le peuple, c'est la masse, c'est la force, mais c'est aussi la violence et la tempête! Que les riches s'écartent devant lui!

        _ C'est une menace? cria un député, jeune et fier de l'extrême droite.    

        _ Non, un avertissement!

        _ Messieurs, messieurs! intervint le président de l'Assemblée. Pas d'injures, s'il vous plaît! Respectons les règles de la démocratie!

        _ Mais les coupables, on les connaît! s'écria le leader de l'extrême gauche. Ils sont ici, parmi nous! Ce sont les vassaux de la finance! Ce sont les Girondins du CAC 40! Que veulent-ils? Mais nous endormir! Ils sont chargés de calmer notre colère! Leur mission est d'engluer notre révolte! A qui tendent-ils l'oreille? Mais aux puissants, aux profiteurs, à ceux qui paradent dans les salons feutrés du Siècle!

        Le murmure empoisonné du patronat les remplit au-dessus de la vaisselle de luxe! Leur cœur est repus, quand nous, nous sommes assoiffés de justice! Ils se disent responsables! Ils nous invitent à la mesure! Ils nous parlent chiffres! Seuls, eux, sont dépositaires de la réalité! Ils seraient de la glace sur notre front fiévreux! Comme si la situation n'était pas alarmante!

        Voilà déjà des lustres que le peuple sonne le tocsin! Dans toute la France s'est levée une armée de Gilets jaunes! Puis, ceux qui craignent pour leur retraite se sont mis en marche, eux aussi! Les femmes, les braves femmes, victimes de la domination masculine, ont levé le poing également! Le personnel soignant, héroïque pendant la crise du virus, n'en peut plus! Les hôpitaux sont dans un état lamentable! Il y a un manque d'effectifs, de moyens!

        _ Les armoires à pharmacie sont vides! coupa un député modéré. Les murs sont couverts de traces de doigts! On couche les blessés par terre, faute de lits! Les toilettes sont bouchées et s'écroulent! Des vieillards squelettiques se lavent au-dessus d'un seau! Et certaines pièces n'ont plus de toit!

        _ Mais qu'est-ce que...?

        _ Je vous décris un hôpital africain, pour effectivement vous calmer un peu!

        _ Alors c'est un complot! Cette Assemblée est vendue! Les ennemis des pauvres se sont donné le mot! Les espions de la mondialisation sont partout! Trahison! Je réclame une enquête et des sanctions! On veut écraser l'opprimé! On veut salir le peuple! A bas les endormeurs! les indignes! Sus au président au style américain! Alerte!

        _ Très bien, la parole est maintenant au Premier ministre!

        _ Evidemment, le président et le gouvernement ont essayé de trouver des solutions à la crise actuelle! En février, nous avons relevé le CINGB de 3%! A la demande du ministre de la santé, nous avons abaissé les taux de facturation, sur les DHI, mais aussi sur les fonds RBE, de 15%! Tout cela bien entendu en accord avec nos partenaires européens! L'aide aux différents RS a été augmentée de trois milliards! Les collectivités ont pu bénéficier de dégrèvements à hauteur de cinq millions d'euros!

        _ La barbe! cria quelqu'un.

        _ Elle est poivre et sel! répliqua un autre.

        _ Ah! Ah! fit un bon nombre.

        _ Vous demandez le respect, reprit le ministre, mais vous n'en faites preuve d'aucun! Je continue! Le montant des aides ERF s'élève maintenant à plus de dix milliards, prélevés sur le capital de la BCE! En mars, le président et moi, nous avons tenu à ce que les MRI ne payent pas de taxes cette année!

        _ Bof!

        _ Et j'ajouterai pour terminer... et j'ajouterai que cinq milliards seront bientôt versés aux OHN qui, comme vous le savez, connaissent actuellement nombre de difficultés!

        _ Je vous en prie, silence! La parole est maintenant au député Sorensen!

        _ Mesdames, messieurs, que font la plupart des animaux toute la sainte journée? Ils défendent leur territoire! Car, sans lui, ils ne peuvent ni se nourrir, ni se reproduire! Mais défendre le territoire, cela veut dire imposer son individualité, c'est se montrer plus fort que l'autre! C'est ce qu'on appelle la domination!

        Mais que font les êtres humains toute la sainte journée? Mais ils cherchent également à se sentir supérieurs! Ils disent: "Regarde comme je suis plus grand, plus costaud que toi! Regarde comme ma voiture est plus belle, comme je suis plus riche et plus puissant que toi! Regarde ma maison comme elle est plus grande, comme mon affaire est plus importante! Regarde comme je suis plus belle, comme mes bijoux sont plus beaux, comme j'ai plus d'aisance, de pouvoir! Regarde où vont mes enfants à l'école, où je suis partie en vacances! Regarde mon équipe comme elle triomphe!"

        Mais aussi: "Regarde comme je parle mieux que toi, combien je suis plus intelligent, plus responsable, comme je comprends mieux les choses, les pauvres, la justice!"

        Autrement dit, que font les êtres humains toute la sainte journée? Mais ils se comportent comme des animaux! des animaux sophistiqués certes, mais des animaux quand même! Pourquoi en est-il ainsi? C'est que l'homme a peur de l'inconnu que crée sa conscience et il échappe à l'angoisse en se raccrochant naturellement à l'instinct, c'est-à-dire à la domination!

         L'homme est alors un super animal, un super prédateur, car toute son inventivité  est mise au service de son égoïsme! Il règne en maître sur autrui, les animaux et toute la planète! d'où le réchauffement climatique, d'où le virus! Par conséquent, si l'homme continue à vivre comme un animal, il se détruit lui-même et tout ce qui l'entoure! Et s'il veut survivre, il doit changer d'attitude!

        Or, le confinement nous a obligés à certaines choses! Par exemple, à nous tenir à une distance réglementaire entre nous! Par là, nous avons dû reconnaître l'existence de l'autre! Nous ne pouvions plus le piétiner, comme à l'habitude! Mais encore, le confinement nous a fait changer de rythme! Il a diminué nos ambitions et calmé nos appétits! Il nous a demandé de la patience et même du recueillement! Bref, il a anéanti notre domination!

        Il nous a montré la solution! Car le problème n'est pas de changer de politique, ni de gouvernement, ni d'économie, ni de je ne sais quoi! Le but est que nous nous changions nous-mêmes! C'est de lutter contre notre soif de supériorité! C'est de respecter l'autre! C'est d'aimer aussi la beauté de la nature! C'est de devenir enfin un être humain! Et ce travail, car c'en est un! devrait commencer ici plus qu'ailleurs, puisque vous avez l'instruction et l'intelligence!

        Mais vos propos sont toujours aussi acerbes et agressifs! Maintenant que la crise est passée, nous sommes repartis comme avant! Notre égoïsme fonctionne de nouveau à toute vapeur! Partout, c'est la même frime, le même mépris, le même vacarme, la même agitation et quelquefois c'est pire!

        Mais, dès qu'il s'agit de se remettre soi-même en question, il n'y a plus personne! Nous pensons être durs à la peine et nous nous choyons! Nous crions au scandale et nous nous adorons! Pauvres ou riches, nous nous pavanons! Nous voulons le pouvoir et non le bien, car nous ne l'aimons pas! Et c'est malheureusement là notre tragédie!

        _ Dehors les étrangers!

        _ Fumier!

        _ Suppôt du capitalisme!

        _ Et, bien entendu, nous haïssons ceux qui menacent nos plaisirs!"

  • Le Dom a soif!

    Le dom a soif

     

     

     

     

        "Suivez le couloir!" disait le haut-parleur du marché et les Doms avançaient lentement, lourdement, en soulevant un léger nuage de poussière! Puis, ils arrivaient devant les étals et ils s'animaient! Leurs bras, comme s'ils avaient été mécaniques, examinaient les produits: vêtements, bibelots, livres, bijoux! Les nez frémissaient tels des groins! Les yeux s'allumaient, car acheter se révélait être une drogue!

        Bien sûr, on n'avait besoin de rien, mais consommer donnait le sentiment d'exister, nourrissait la domination et c'était si bon après le confinement! On retrouvait enfin la vie d'autrefois, celle qui pourtant avait provoqué la catastrophe! Mais quel lien y avait-il entre ces achats et le virus? Ce n'était tout de même pas cette activité aussi bénigne qui était responsable de quoi que ce soit!

        Les Chinois, l'incurie du gouvernement, la mondialisation et à la rigueur la pollution de la voiture, voilà les causes néfastes de la crise et il n'y avait qu'à les montrer du doigt, qu'à les dénoncer! C'était cela être citoyen! Surtout les erreurs du pouvoir! Et, grâce à ses têtes de Turcs, le Dom ne se sentait nullement le besoin de se remettre en question! Il était parmi les articles, comme une taupe dans ses galeries! Son troupeau s'égrenait et il n'avait jamais été aussi attentif!

        Sarah Taylor, l'agent de l'OED, regardait tristement ce spectacle. Elle se sentait abattue, devant la bêtise et le pouvoir des Doms! "Ils ne changent pas, se dit-elle, et pourtant s'ils ont envahi notre planète, c'était pour fuir la leur, qu'ils ont détruite! Ils ont agi envers leur ancien sol telles des sauterelles et maintenant, c'est le nôtre qu'ils menacent!"

        La haine voilait légèrement le visage de Sarah Taylor et aussitôt, des membres du service d'ordre des Doms la fixèrent avec hostilité. Ils avaient des visages rouges, à cause de l'alcool, et certains se campaient sur leurs jambes écartées, fiers de leurs muscles! "Attention, ma chère Sarah, lui dit Dieter Stein, l'autre agent de l'OED qui l'accompagnait, vous êtes en train d'attirer l'attention sur nous!

        _ J'ai peur Dieter... Ils sont tellement... sombres!

        _ Venez, ma chère Sarah, éloignons-nous...

        _ Comment peuvent-ils être aussi soudés, Dieter, alors qu'ils se dominent aussi entre eux?

        _ C'est justement l'élément étranger qui les rassemble! Quand ils ont vu que vous n'étiez pas des leurs, ils ont immédiatement resserré les rangs! Le reste du temps, leur fonctionnement est assez libre pour permettre une domination aux degrés subtils! Ils s'arrangent, ils baignent dans leur jus, quoi!

        _ Je n'ai jamais pu accepter la hiérarchie... et cela m'effraie!

        _ Je vois... Une inadaptée sociale, à tendance schizoïde et sans doute atteinte du syndrome de la cabane!

        _ Ne vous moquez pas de moi, Dieter!

        _ Comme vous le savez, nous autres, Allemands, sommes sans pitié!

        _ Mais les Doms sont si nombreux qu'il est normal parfois de se sentir perdu, non?"

        A cet instant, ils croisèrent un personnage qui répétait: "Il est grand temps de reprendre le contrôle de la mer et des cinq régions! Il est grand temps...

        _ Vous voyez, chez les Doms ça ne va pas très bien non plus! murmura encore Stein à l'oreille de sa partenaire et tous deux pouffèrent!

        _ C'est la belle saison et comme les plantes, nous sentons tous une nouvelle sève en nous! rajouta l'Anglaise.

        _ Mais cela veut aussi dire qu'il nous faut beaucoup d'eau! Notre égoïsme a soif!

        _ D'où sa haine, s'il n'est pas satisfait!

        _ Nous sommes prêts pour le Bac!"

        Ils pouffèrent de nouveau... Pendant ce temps-là, victime de ses insomnies, Jack Cariou somnolait dans son bureau, au siège de l'OED. Il avait un rêve animé, car sur un remblai il essayait d'alerter une pelleteuse, qui menaçait de l'écraser! "Eh! Eh!" criait-il au conducteur, qui demeurait impassible, la clop au bec. Finalement, Cariou dut échapper lui-même à l'engin, parmi des tuyaux et dans un tourbillon de poussière!

        Plus loin, une jeune femme traversa brusquement la rue, figée comme un robot, avant de foncer sur l'agent de l'OED, qui se demanda ce qui se passait, mais, tout aussi vite, elle se détourna tel l'animal au comportement imprévisible! 

        Encore troublé, Cariou rencontra le regard d'un homme, qui ouvrait sa voiture et qui avait l'air de dire: "On t'a repéré, toi, et on t'a à l'œil!"

        Un sentiment de malaise traversa Cariou, qui ne s'attarda pas, mais un autre homme, non loin de là, le fixait la tête penchée et son message semblait le suivant: "C'est curieux... On ne m'a pas prévenu qu'il existait de tels types!"

        Cariou se demanda quelle folie habitait tous ces gens et l'idée qu'il était sur la planète Dom elle-même lui apparut! Mais alors pourquoi les Doms avaient-ils encore un apparence humaine, sur leur propre sol? L'émotion avait toujours rendu Cariou un peu bête et délaissant cette énigme, il arriva sur une place, où il y avait beaucoup plus de monde!

        Mais ici se sentait une certaine tension... On eût dit que chacun y murmurait: "Dom!", ainsi qu'une meute renifle sourdement, et Cariou se réfugia dans un magasin de vêtements. Il effleurait des modèles plus ou moins réussis, quand il fut gêné par une paire de fesses, qu'un client lui mit sous le nez! Que lui voulait-on?

        Pour échapper à toute nouvelle question métaphysique, Cariou retrouva l'air du dehors et entra dans une épicerie, parce qu'il voulait acheter à manger. Mais le marchand, un Dom Queue, surgit du fond du magasin avec un couteau! Cariou battit en retraite, mais il reçut tout de même une estafilade!

        Il en était encore à examiner sa blessure, quand il céda obligeamment le passage à deux jeunes Doms, qui, pour le remercier, lui crachèrent dessus! Las, Cariou se mit à courir et tomba dans un trou sans fin. Dans sa chute, il regarda vers le bas et vit que mille mâchoires luisantes l'attendaient! Il avait fini dans le Web et il poussa un hurlement! Il était réveillé et en sueur!    

        "Tout va bien, Jack? demanda Fédor Andropov, le Russe directeur de l'OED, qui venait d'entrer. Vous avez une petite mine... Ce sont toujours vos cauchemars, qui vous remuent comme ça?

        _ Oui, ils sont associés à mes insomnies et je suppose que je souffre d'un profond sentiment d'insécurité!

        _ Comment pourrait-il en être autrement, Jack? Vous avez vu leurs gueules, dehors?

        _ Ah! Ah! Vous savez, je viens encore de me rendre combien les Doms nous font peur, pour masquer leur mal-être!

        _ Oui, il en a toujours été ainsi... Le Dom est incapable de donner lui-même un sens à sa vie... Sa révolte est parfois justifiée, mais tôt ou tard il lui faut des ennemis, qu'il doit vaincre! Ce comportement explique par exemple les terreurs de la Révolution française et du régime nazi!

        _ Mais, en luttant contre les Doms, n'agissons-nous pas de la même façon?

        _ Le grand Jack Cariou qui doute! Votre fatigue vous diminue, n'est-ce pas? Mais, ne pouvez-vous pas être heureux du seul fait que vous avez à manger?

        _ Si!

        _ Vous savez donc être en paix... et le Dom ne vous en voudra que davantage, puisque par là vous échappez à sa domination, qui constitue son équilibre! Bon, j'ai besoin de votre coup d'œil d'expert... Nous avons à choisir entre deux recrues, dont l'une est le propre fils de Ralph Curtis!

        _ Quoi? Dan est ici? Il veut travailler pour l'Oued?

        _ Tout comme son père! Mais pas de favoritisme! Vous jugez objectivement lequel des deux fera le mieux notre affaire! La procédure habituelle, quoi!

        _ Bien!"

        Evidemment, l'OED avait une couverture et elle se présentait comme une ONG. Quand elle recrutait, c'était pour un poste qui semblait dans l'humanitaire et elle affinait sa sélection en testant l'amour-propre des candidats, selon le principe qu'un Dom haïssait plus que tout l'humilité!

        Cependant, on ne révélait la véritable tâche de l'OED à la nouvelle recrue que quand on avait une entière confiance en elle et même Dan Curtis ne devait pas précisément savoir quel avait été le métier de son père! Mais, pour l'instant, Jack Cariou pénétra dans la salle d'entretien et s'assit en face d'un jeune homme qu'il voyait pour la première fois.

        Sur la table, il y avait un dossier que Cariou fit mine de consulter, puis il regarda franchement le candidat. Ce fut rapide comme l'éclair, mais le jeune homme esquiva l'examen de Cariou, en présentant l'arête de son nez!

        "C'est un Dom Leurre, pensa Cariou. Incroyable!" Le Dom Leurre était le type le plus courant chez les Doms! Il cachait son psychisme, ou son âme, en détournant le regard qu'il subissait sur une partie de son visage; de même qu'un avion sème des leurres, quand il est la cible de missiles!

        Certains utilisaient un sourcil broussailleux, une ride frontale, un reniflement, un épi dans la chevelure! D'autres étendaient même leur défense à une bague, une boucle d'oreille, au bleu de leurs lunettes! Tout était bon pour distraire l'attention, mais cela indiquait une peur et une duplicité! La domination était à l'œuvre, mais ne s'avouait pas!

        Toujours fidèle à la politique de la "maison", Jack Cariou ne ménagea pas le jeune homme et lui déclara tout de go: "Je regrette, mais nous n'allons pas vous prendre..." Au lieu d'accepter la chose et de s'en aller, le candidat ne bougea pas et il y eut un lourd silence...

        "J' comprends pas! dit enfin le jeune homme. T'arrives ici, mec, et tu poses pas d' questions! Puis tout d'un coup tu m' dis qu' j'ai pas le poste! après tous les tests que j'ai passés! Mais qui t'es mec, pour m'éjecter comme ça!"

        Puis, soudain, le candidat balança sa chaise! "Bon sang! s'écria Andropov, qui suivait la scène sur des images, en compagnie de Nami Sato, un autre membre du comité directeur. C'est un Dom qui est passé sous les radars... et il est en train de péter les plombs! Venez!" Lui et la Japonaise foncèrent vers la salle d'entretien et quand ils y entrèrent, le Dom avait déjà bondi sur Jack Cariou, pour le saisir à la gorge!

        Andropov, qui était un géant blond, ne fit pas de détails: il tira en arrière le Dom et l'assomma d'un coup de poing! Aidé par Nami Sato, Jack Cariou se releva. "C'est un Dom Leurre, dit-il, mais aussi sans doute un DTN (Dom Trou Noir)! Seulement, l'infection doit être naissante!

        _ Eh bien, nous allons nous occuper de lui, poursuivit Andropov. Pouvez-vous recevoir encore le jeune Curtis?

        _ Oui, oui, le temps de me repoudrer..."

        Dan Curtis avait un visage fin et régulier... Il était tendu certes, mais on le sentait aussi impavide, tranquille... Il ne cilla pas devant le regard de Cariou; il n'avait rien à cacher, il était pur! "Bienvenue chez nous! lui dit Jack Cariou.

        _ Vrai? Vous m'embauchez?

        _ Oui, car tu es aimé de Dieu!"