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Dom Haine!
- Le 07/11/2020
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"Si vous pouviez l'arranger un peu, docteur, car je ne voudrais pas que sa mère le voie comme ça!"
Le Parrain(Chanson de Dom Haine, sur un air de Rap!)
"Je suis Dom Haine! Nom de domaine: Dom Haine! Je suis en toi, le bourgeois! Je te contrôle, quand je te frôle!
Je suis Dom Haine! Nom de domaine: Dom Haine! Je suis le phare de la cité, par le pouvoir excité! Je suis le type cassant ou le serpent glaçant! Je suis le Dom queue, des fois que... Je suis en baskets ou d'un bisness en quête! Si tu nies mon totem, c'est l'anathème!
Je suis Dom Haine! Nom de domaine: Dom Haine! Touche pas à mon pognon, c'est pas tes oignons! Touche pas à ma religion, sinon c'est des gnons! Touche pas au lion, ni à l'action!
Riche, mon béton t'écrase! Pauvre, à mort je te rase! Riche, je suis le froid DTN! Pauvre, bouillante est ma haine! Je danse, je danse, immobile ou plein de bile! Je suis Dom Haine! Nom de domaine: Dom Haine!
Laisse mon pognon, c'est pas tes oignons! Laisse ma religion, sinon c'est des gnons! Laisse le lion et l'action!
Ma banque, c'est pas pour les chiens! Mon dieu est plus fort que le tien! L'argent, c'est le pouvoir! La foi, c'est le pouvoir! C'est la scie: "Assis! Assis!" Craque et raque! Le billet vert ou le ventre ouvert! Choisis ou moisis!
Je suis Dom Haine! Nom de domaine: Dom Haine! Touche pas à ma religion, sinon c'est le lion! Touche pas au pognon, sinon c'est des gnons! L'action, la foi, c'est pas tes oignons!
Danse ami! Meurs ennemi! Pense à ma religion! Pense à mon pognon! Pense à ma case! Pense à l'occase! Ne vois-tu pas l'animal? Ne vois-tu pas le mal? La bourse me lève! La course de mon glaive! Dans la dèche, c'est Daesh! La richesse, c'est la pêche!
Je suis un dieu en ville! Fais-toi servile! Où est ma reine? Où est l'arène? Longue est ma caisse! C'est que j'encaisse! Nom de domaine: Dom Haine! Vois mes haillons et vois ton sang! Vois mes picaillons, c'est indécent! Nom de domaine: Dom Haine! Où est ma reine? Où est l'arène?
Mon dieu étend sa main! Il fait demain! A bas! Abat! C'est mon combat! Spirale, râle! Dollar, lard! Economie! Ennemi! Gratte-ciel! Gratte-fiel! Costume, thune! Je martèle, attèle! Bloque la loque! Nom de domaine: Dom Haine!
Je suis le plus fort! Pan! T'es mort! Le loup chasse le loup! Je suis la bombe! Je suis la ronde! Mon dieu, c'est moi! Quel émoi! Mon dieu c'est la règle! Touche pas à la règle! Touche pas à mon dieu! Il est dans mes yeux! Touche pas à Dom Haine, sinon c'est la peine!
Pétrole, quel rôle! T'es un chevalier? T'as pas de paliers? Broie le roi, crois! Puissance, essence! Pétrole, quel rôle? Sacré, paré? Mépris, écrit! Je te hais, Dom Haine! Je te hais, le riche! Je te hais, le pauvre! Je hais ton costard! Je hais ton retard! Quel est le prix de ton mépris? Vois je danse, à cause de ma puissance! Je suis le feu et tu es déjà feu!
Eh! je suis l'image! Eh! je vis chez les mages! Eh! je suis rutilant! Eh, je suis faible et lent! Eh! Tu te moques! Moi, mastoc! Dans les étoiles, je me voile! Galaxie, pour l'occis! Eh! dans l'univers, je suis Dom Haine! Eternel! C'est moi Dieu! Je suis la haine! Je veux casser tes os! C'est mon réseau! Eh! où est ma reine, où est l'arène!
Poésie, je suis fort! Duel à mort! Je veux ta peau, c'est pas du pipeau! Ma montre, c'est sacré! Mon culte, c'est barré! Animal, où est le mal? La Terre est plate et je te latte! Combien tu coûtes? Eh! Tu m'écoutes? Regarde la planète... Vois les manettes! C'est pas net! On dirait des chiens! On dirait des riens! Rien que la mâchoire, pour ne pas déchoir!
Qui est Dom haine? Quel est son domaine? Je suis la grimace! Je suis la menace! Je suis la masse, qui pousse! Je bous sous la housse! Sens ma secousse! T'es sous ma botte! C'est le cadeau de ma hotte! Quoi? T'es encore là, chochotte? Je te veux sous ma botte! Quelle est ta cote? Zéro héro! Dom haine détruit! Dom haine est sans fruits! Dom Haine est comme la truie! Il a l'animal dans les yeux! Il a le mal dans les yeux! C'est ce qui fait de mieux! C'est le cadeau de son dieu! Car c'est lui Dom Haine, qui mène!
Regarde Dom Haine! Comme il est séduisant! La haine est le feu nuisant! Je suis Dom Haine! Regarde mon corps! Encore et encore! Vois ma beauté! C'est l'amirauté! Je te dépasse! Toi dans la nasse! Dom Haine: 1! Et toi, Hein? T'es qui riquiqui! Vois plus loin! Vois ton coin! Je suis mieux! Tu es vieux! Tranchant du dollar! Ouvrir ton lard! Pour que tu voies mes yeux... et mon dieu! Je suis de la city, je suis tout petit! Je suis Dom haine et c'est moi qui mène!
Ma banque est mon épée! Mon mépris ma mitraillette! Je fais le mal, chaque jour animal! Oh! Viens dans ma nuit, sinon c'est l'ennui! Oh! Viens à ma religion, sinon c'est des gnons! Oh! Viens à mon action, sinon c'est le lion! Le reste, c'est pas tes oignons!
J'ai l'air d'une vieille femme! La justice m'affame! J'ai l'air d'un travailleur! privé de radiateur! J'ai l'air d'un enfant! Et déjà je vais bouffant! J'ai l'air d'un politique! et suis plein de tics! J'ai l'air pieux! et suis un pieu! Je suis le psy sérieux! et suis furieux! J'ai l'air dévot! et suis un veau! J'ai l'air malin! et de peur je fais le plein! J'ai l'air mûr! et suis dur! Je suis Dom Haine... et c'est moi qui mène! Tout ici est mon domaine!
J' suis un titan! J'ai pas l' temps! J'écrase la planète! Faut que tout soit net! La sagesse te tient en laisse! La patience, c'est la méfiance! Sans Dom Haine, tu t' démènes! Sans la haine, c'est la chaîne! L'égo dit go!
Touche pas à mon pognon, sinon c'est des gnons! Touche pas à ma religion, sinon c'est le lion! Touche pas à mes canons, c'est pas tes oignons!
Je suis le feu originel! Et je danse éternel! Je suis dans la venelle! avec mon opinel! Je suis à Wall Street! Et je frite! Je suis au Vatican! Et c'est mon camp! Je suis à Jérusalem! Et l'étranger jamais je ne l'aime! Je suis la Kaaba! Et te vois tout en bas! Je suis du Koramchar... et déploie mes chars! Je suis journaliste... et t'es pas sur ma liste! Jai reçu un prix... et ai mal écrit! Animal, je fais le mal! Je suis Dom Haine... et c'est moi qui mène!
Viens dans mon domaine! Mon dieu est dans une boîte d'allumettes! Où veux-tu que je le mette? Mon cœur est plein de rancœur! Mon dieu est ma chaîne! Normal pour Dom Haine! Mon dieu est sans amour! J' suis pas pour! Mon honneur, c'est le sonneur! Je cogne et je rogne! Là, j' rigole! comme la tôle! Moi, mon dieu est dans une boîte d'allumettes! Où veux-tu que je le mette! Moi, l'amour, j' suis pas pour! Le respect, j' l'ai pour la haine! J' l'ai pour Dom Haine!
Trafic à fric! Vitesse, altesse! Toujours plus! Toujours luxe! Klaxon qui sonne! J' suis fort! J'ai pas tort! Je fonce, j' démolis! Des ronces et des lys! Tête en cube! Tube en tête! Oiseau, ciseau! Pognon! Gagnons! Ma tête dans une boîte d'allumettes! Je ne vois rien, car il n'y a rien! Quantique, pathétique! Ma mort, sans remords! Qui suis-je? Un souffle, un courant d'air? Invisible et le der! Pognon, gagnons!
Je vais, je viens, je suis la flamme! la victoire, le vrai! Eh! C'est moi sur l'écran! C'est moi le cran! C'est moi le grand! au premier rang! Plus haut, plus fort, plus beau, voilà le vrai! Voilà mon sentiment! Voilà ma raie, au milieu je mens! C'est mon ego qui dit go! Obstacle? haine! Différence? Haine! Patience, attente, haine! Univers, grandeur, infini, haine! Animaux, plantes, haine! Autre, haine! Plaine, haine! Silence, haine! Mesure, haine! Effort, haine! Beauté, haine! Ce qui n'est pas moi, haine! Ce qui n'est pas mon choix, haine! Dormir, haine! Regarde la flamme qui danse! C'est celle de mes yeux, de mes vieux, de mon dieu, des envieux! C'est celle de Dom Haine! Eh ouais! Ouais! c'est celle de Dom haine! Eh ouais! Danse! dense! C'est le chant de la puissance! J'écrase! J te rase? Haine!
Si j' domine plus, j'suis foutu! Si j' domine plus, tu me tues! Si j' domine plus, quelle est l'actu?
Touche pas à mon élection, sinon c'est des gnons! Touche pas à ma religion, sinon c'est la dent du lion! Touche pas à mon pognon, c'est pas tes oignons!
Tu entends ma musique? Elle abrutit la clique! Elle fait place nette! Elle fait ma planète! Je suis le roi! Je sème l'effroi, à coups de décibels! C'est que j' suis rebelle!
Eh! Mate mon tag! Il crie au goulag! à la dictature, car c'est super dur! J' peux pas mettre de crop! C'est pas top! Liberté, j'veux être libre! J'en ai la fibre! J'suis contre tout, sauf moi-même! Je suis moi-même contre tout! Et je danse, c'est une évidence! Je brille, je suis super divin, divine! Qui je suis? Devine!
J' suis ton miroir! Suis ton mouroir! Suis ton espoir! Suis pas ta poire! Suis ton soir! Suis ta trajectoire! Suis à voir! J' suis divine! Citadine!
Projecteurs! Producteurs! Mode! Ipod! Flash! Smash! J' suis la reine! Mais pas dans l'arène! Car j'ai peur des barbus! Au rebut les barbus! Mon plaisir, c'est l'avenir! J' suis dans ma bulle, en conciliabule! Je rejette, sauf mon jet! J' suis jet-set!
J'ai le turban! Le reste est au banc! J' suis dans ma bulle, en conciliabule! J'ai peur de l'occidental! Au rebut l'occidental! Mon plaisir, c'est l'avenir! Je rejette, sauf mon dieu! Attention tes yeux! Avec moi, tu seras pas vieux!
J' suis contre l'injustice! J' suis dans l'interstice! S'il y a du mal, c'est à cause du riche! Faut qu'on l'empale, chiche! Allez, j' suis dans ma bulle, en conciliabule! Je rejette, sauf mon parti! T'es pas déjà parti! Révolution, attention! Finis les millions!
J' suis vert sévère! J' suis pour les animaux, pas pour les mots! Le réchauffement climatique, c'est mon tic! Normal, c'est mal! C'est la mort du monde, immonde! Tu m'échauffes la bile, immobile! J' suis pour le bûcher, si t'es pas touché! J' suis dans ma bulle, en conciliabule! J' rejette tout, sauf si c'est vert! Rouge ou vert, choisis! Sinon moisis!
Vois, je danse, c'est une évidence! Car au fond j'aime! L'amour, tu sèmes? J' crève, sans rêves! Je danse, c'est une évidence! Car c'est froid autour! Y a que des tours! J' suis l'enfant dans l'univers! J' suis un fan dans l'univers! Mon cœur brûle! C'est la rule! J' suis l'enfant et le fan!
Je suis le feu, qui veut! J' veux aimer, j' veux semer et rêver! J' veux danser plein d'"ave"! Je suis le feu des étoiles! L'énergie des voiles! J' suis le brasier! sans casier! J' suis pas Dom Haine! J' veux qu'on m'aime! quand même! J' veux être libre! J'en ai la fibre! J' suis fort, pour aller encore! J ' veux pas d' murs! J 'suis pas mûr! En baskets, je pars en quête!
Et je danse, c'est une évidence! J' suis la beauté, sans privauté! J' donne et pardonne! J' suis fort, car j'suis pas mort! J' suis vivant, car plus doux qu'avant! J' suis l'espoir! pas la poire! J' suis pas Dom Haine, car j 'veux pas d' chaînes! La haine est une prison et j' suis un tison, tendu vers le soleil, cette merveille!
C'est la lumière, mon adoration première! Je suis né étoile! Je suis né force! Je suis né beauté! Et je danse, c'est une évidence! La haine m'enchaîne! L'amour me délivre! J' veux être libre, j'en ai la fibre! Comprendre, attendre, respecter, voilà mon programme, ma politique! Voilà ma musique!
Eh! j' suis l'animal sans mal! J' suis l'œil de la biche, le vol de l'oiseau, le puissance de la baleine! Rapide comme le serpent! Dom Haine? J 'le mène! Et je danse, c'est une évidence! J' suis comme la vague, fort comme elle et aussi doux qu'elle! J' suis une aile dans la nuit étoilée! Je suis la comète, boule de feu comme elle!
Regarde, je danse, c'est une évidence! Ma haine se dissout! Elle ne vaut plus que dix sous! J' suis divin! Plus fort que le vin! J' suis un mystère, au-delà d' la Terre!" -
Chat Dom!
- Le 31/10/2020
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"Vous croyez quand même pas qu'on va s' faire des papouilles sous la douche, non?"
Le maître de guerre"Je vais vous parler de ma journée, bien qu'elle soit toujours la même, ou plutôt parce que justement elle est toujours pareille! Car c'est cela qui me blesse! Mais d'abord je suis devant une pâtée, qui n'est ni vraiment appétissante, ni particulièrement rebutante! "Le service est correct." pourrais-je dire! Cependant, au fil du temps, mon rapport à la nourriture a profondément changé!
Autrefois, je mangeais sans y penser, par pur plaisir, car j'avais faim et je dévorais la vie! J'étais enthousiaste, joueur et j'exerçais mes talents! Je me détendais sans efforts, pour attraper au vol un papillon! Je ne quittais pas des yeux un bourdon, ce qui peut rendre dingue, croyez-moi! J'allumais ma vision nocturne, pour terrifier le rongeur, avant de le promener tel un trophée ! Mais je pouvais encore prendre l'apparence d'une pierre, de sorte que l'oiseau s'y laissait prendre!
Tout cela maintenant a l'air d'un rêve, tellement c'est loin et oublié! On mange différemment et même on considère bizarrement son corps, à partir du moment où on ne se libère plus, quand les circonstances conduisent à se recroqueviller, parce que l'espoir meurt et que le monde constitue un obstacle trop grand, infranchissable! On est alors comme dans une prison et l'attention, qui ne peut plus s'exprimer au dehors, ainsi qu'elle serait portée par un nuage, se porte sur soi et trouve des maux, des anomalies, des troubles, qui se développent justement à mesure qu'on s'y intéresse! C'est la force empêchée, contrainte, désorientée, qui nuit à son propriétaire!
Comme vous le voyez, j'ai eu tout le temps pour devenir savant! Toujours est-il que je me nourris aujourd'hui, avec brutalité, parce que c'est mon seul plaisir et que j'ai l'impression de n'en avoir jamais assez! Le résultat est pitoyable, à pleurer! J'ai l'apparence d'un tuyau de poêle, qui se meut lourdement! Si je devais chasser, les moineaux auraient l'air de se moquer de moi et un rival pourrait me prendre en pitié! Mais, de toute façon, ces situations, qui me font rêver, ne me sont plus possibles et donc je me laisse aller! C'est l'œuvre destructrice du désespoir!
Pourtant, mon maître me croit heureux! Ce qui est plus exact, c'est qu'il ne me voit plus, ainsi que je ferais partie des meubles, pour ainsi dire! Mais, après m'avoir nourri, il me tapote un peu la tête, en me laissant à ma chance, croit-il! En effet, j'ai accès libre au balcon et je ne suis donc pas enfermé, comme d'autres que je connais et qui suivent le monde derrière un carreau! De temps en temps, ils s'arc-boutent contre leur prison de verre, comme s'ils priaient muettement, pour toucher les choses animées!
Apparemment, je suis mieux loti, mais il n'en est rien! Au début, certes, je trouvais mon "nid d'aigle" fantastique! A l'époque, tout n'était que vie, ciel bleu et blancheur d'ailes! Dans la rue, des chiens en laisse reniflaient dans les coins, avant de laisser éclater leur fureur contre un autre! C'est manifestement une manière de se croiser! Le trafic me semblait aussi dense que passionnant, mais surtout des goélands passaient à proximité! J'étais à leur niveau, comme à celui des merles et des pies! Je sentais qu'il n'y avait pas loin entre mes griffes et leur plumage!
Quelques insectes encore venaient m'égayer et je m'amusais même avec des jouets de l'enfant de la maison! Des plantes vertes enfin reposaient mes yeux et me tenaient compagnie..., mais un jour il y eut des cris et mon maître se retrouva seul et mon balcon devint complètement nu! La vérité sur ma situation m'apparut clairement, car je dus me rendre compte que toute la vie, l'animation, qui me plaisait tant autour, m'était en définitive inaccessible! Je n'étais qu'un spectateur de toutes ces merveilles! En aucun cas, je n'y participais! Mon nouveau désert me dessillait les yeux!
Une autre existence commença, car je ne pouvais pas, bien entendu, faire un saut de plus de trois mètres, jusqu'en bas! Que dire? Que je connais chaque centimètre, oh! avouons-le! chaque millimètre de mon balcon? Que j'ai respiré l'odeur de son béton, au point de m'en soûler? Que j'ai passé la tête entre tous ses barreaux? Que j'ai fini par me désintéresser totalement de la fête autour? Puisque je n'en suis pas un des convives! que je n'ai pas reçu de carton d'invitation, qu'on m'a oublié sur le bord de la route, comme un pestiféré, comme si je n'existais pas!
Oh là! Le camion! Tu mugis dans la côte et tu triomphes à son sommet! Adieu donc! Le prisonnier reste ici! Même si tu es moche et puant, tu es libre et tu vas vers de nouvelles aventures, de nouveaux paysages! Moi, je vais boire l'endroit jusqu'à la lie! Salut la mouette! Ouais, ouais, c'est encore une question de territoire et tu cries pour te faire respecter! Tu es censée avoir de la peine, mais je donnerais mille ans pour une querelle, un contact, un incident, une brèche, une rupture, un éclair, un foudroiement même! Enfin, il arriverait quelque chose!
Et vous, les moineaux braillards, les virevoltants imbéciles, alors que je suis fait pour vous attraper, vous foncez vers une urgence et effectivement: "Pi!Pi!" fait votre escadrille! Ah! Ah! Ah! Hum! Moi, je reste seul dans l'ombre, peut-être sous les sarcasmes de l'oiseau au corps d'orque! à moins qu'il ne soit noir avec un tricot blanc! C'est de la pie dont je veux parler... Elle va et vient, implacable, raillant avec un bruit de serpent à sonnettes, un reflet émeraude à la queue! En voilà une dont on n'est pas prêt de rabattre la fierté! "Oh là! sur le balcon, y a quelqu'un?" "Non, y a juste que la touffe d'un balai à cirer!"
Des enfants vont à l'école, des chiens pissent, d'autres chats sont plus malheureux que moi, le soleil brille, les nuages étincellent, ça me laisse froid, ça ne m'intéresse plus! Les jours alternent, la lune est pleine, il pleut, peu importe! Je n'ai plus goût à rien! Je suis dans une impasse radicale! Ma seule préoccupation, c'est comment supporter la journée, l'heure, la minute, la seconde qui s'écoulent!
Comment meubler le vide? Par la philosophie? Mais oui! Je vais m'interroger sur la réalité... Je vais commencer par distinguer ma conscience de ce qui est objectif, ce qui ne veut pas dire que je ne peux pas moi-même être objectif, comme dirait le photographe, hi! hi! Voilà que je deviens fou! Sans doute faudrait-il s'attacher à quelque chose de plus simple... Par exemple à comment réparer son vélo! Qu'est-ce qu'un pignon, une cassette, une fourchette? Des freins V-brake, peuvent-ils avoir des bras de frein ou des étriers? Je pourrais faire suer des professionnels!
L'ennui, c'est que je suis un chat et donc fait pour chasser! Les moyens d'évasion des humains ne sont pas pour moi! Aujourd'hui, je vais me tenir uniquement de ce côté du balcon... Il faudra être fort, patient, imperturbable! Pourquoi un tel travail? Mais parce que demain je me tiendrais dans le coin opposé et qu'ainsi j'aurais l'impression d'un changement! Hein? Y en a sous la cafetière! Survivre, c'est pas pour les nantis, ceux qui galvaudent leur temps et qui se goinfrent! Tenir dans le désert, c'est tout un art et je suis devenu un maître! Je côtoie le désespoir, comme s'il était l'air que je respire! Je suis quasi un linceul!
Il me reste tout de même un rayon... Il est faible, mais il existe bien: c'est le voisin! Il habite un pavillon en face et de ses fenêtres, à l'étage, il n'est pas insensible à mon sort, je le sais! Il observe mon mal-être et dernièrement il m'a vu faire le poirier, car je me suis effectivement tenu à l'envers et verticalement contre le mur! C'est une de mes ultimes trouvailles, pour sentir une nouveauté!
Mais, tenez-vous bien, le miracle a eu lieu! Le voisin a traversé la rue, il est allé à la rencontre de mon maître, alors que celui-ci était sur le trottoir! Cela s'est passé juste sous mon balcon, où j'étais aussi avide qu'un reporter devant Kennedy et Khrouchtchev! La tête sous la rambarde, j'ai miaulé comme pour dire: "Oui, c'est bien de moi dont il s'agit! Ma peine est entre vos mains!"
Mais voici le dialogue (avec mes commentaires): "Excusez-moi, monsieur, mais votre chat a l'air malheureux..., a commencé le voisin. (En plein dans le mille! O douce musique! Celle de la clé qui ouvre la cellule, qui rappelle qu'il y a un dehors, un horizon, des arbres, le vent!)
_ Ah oui! C'est un vieux chat! a répondu mon maître. (Un vieux chat! Qu'est-ce que ça veut dire? Que je suis comme un bibelot? Que je n'existe déjà plus? Qu'il ne faut plus se soucier de moi? Quelle réponse étrange! Mais elle suffit à ébranler le voisin! Le voilà qui doute, qui se reproche peut-être de s'être mêlé de ce qui ne le regarde pas!
Non pas ça, par pitié! T'as vu juste le voisin! Accroche-toi! Crois en toi! Il en va de ma vie!)
_ Ah! Bon... Excusez-moi, je me suis sans doute trompé! Je n'ai pas voulu vous importuner!
_ C'est rien! C'est un vieux chat! J' l'ai depuis des lustres!" (Mais qu'est-ce que ça veut dire à la fin? Horreur! Le voisin s'en va! Il devait être fragile lui-même! Il a laissé partir la lumière! Il a été vaincu par les ténèbres, le chaos, l'égoïsme! La foi est KO! Je suis assommé et je tombe dans un gouffre sans fond!)
Je ne repartirai pas pour un autre tour! Non! Car c'est sans espoir! C'est le vide absolu! Je regarde la nudité de mon balcon et je ne referai pas les mêmes efforts! C'est fini! Je ne ferai plus l'âne! Qu'on trouve un autre pigeon! J'ai résisté tant qu' j'ai pu! On peut pas m'en demander plus! Comme si c'était pas moi, la victime!
J' veux crever! Là, à cet instant même! Que le dégoût soit un poison foudroyant! J' veux crever, que j' dis! Tout le reste m'indiffère, me fait vomir! Est-ce qu'un animal peut se suicider? Oui, il se laisse mourir! Il se force à mourir et il adresse même une prière au grand manitou là-haut, qui doit le prendre en pitié!
Tout de même, j'ai de la haine, car tout ça n'est pas fatal! C'est la conséquence de comportements humains! Comment peut-on broyer un autre, par son indifférence? C'est facile, il suffit de ne pas chercher à devenir meilleur! Il faut avoir pour seul objectif la satisfaction de son égoïsme! Alors, les autres sont là pour servir! Ils sont faibles, on les écrase! Ils résistent, on les respecte (ou du moins on s'en méfie!)!
Ce que j'aimerais, c'est qu'un fléau vienne briser les hommes! Une épidémie par exemple! Elle bousculerait leur univers, les désorienterait, leur ferait perdre la tête! Ce n'est pas par cruauté que je dis ça, c'est pour qu'ils doutent, qu'ils deviennent humbles et attentifs! Mais ils ne changeront pas, tant qu'ils ne seront pas à genoux! Leur orgueil leur sert d'armure et ils méprisent à l'abri!
Il faudrait au moins qu'ils aient soif, qu'ils soient perdus, hagards, qu'ils connaissent ma situation! L'épidémie les confinerait! Ils ne seraient plus libres, tout puissants! Evidemment, cela susciterait au départ beaucoup de haine et de violence, mais la maladie serait inexorable! Son indifférence broierait, comme la leur m'a détruit et continue de détruire!
Ils seraient eux aussi face au vide! Ils verraient d'abord qu'ils ne sont pas les maîtres! que la Terre n'est pas un paillasson pour leurs appétits! Ils tourneraient également en rond! Peu à peu, l'angoisse les envahirait! Ils éprouveraient ma peur, ma détresse! Leur cœur inévitablement s'ouvrirait, car ils demanderaient de l'aide! Ce serait un centième de ce que j'ai connu! Un millième serait plus exact!
Ils n'ont aucun savoir! Ils ne regardent pas la fleur, la feuille colorée par l'automne, le nuage qui passe... Ils ignorent leurs richesses! Ils s'estiment lésés, car ils n'en ont jamais assez! Ils sont aveugles et vivent dans la nuit, mais ce n'est pas une excuse! Il y a mon balcon nu et la foire de leur ego triomphant!
Il y a ma misère et le luxe de leur colère!
Il y a mon attente et leur vanité boulimique!
Il y a mes craintes et leur insolence!
Il y a ma prière et leur bruit!
Il y a mon respect et leur destruction!
Qu'ils soient maudits, car ils se gorgent! Que la peine les humilie! Je ne verrai pourtant pas ce jour! Je ne retrouverai pas l'espoir! C'est trop long, l'obstacle est trop grand! Demain, ou dans quelque temps, mon maître trouvera mon cadavre et il dira: "J'avais raison, c'était un vieux chat!"" -
Dom déni!
- Le 24/10/2020
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"Les deux macs! Faudrait pas qu'on les retrouve morts, les deux macs! après tout c' que t'as dit sur eux hier soir!
_ T'as pas fait ça, dis?
_ Nooon!"
Coup de torchon"Dom Déni, bonjour!
_ Bonjour!
_ Dom Déni, un nouveau livre! Un roman, intitulé Le Grand massacre, édité chez nos amis des Editions du Boucan... Alors, c'est un livre foisonnant! On y retrouve tout un tas de personnages hauts en couleurs! Ils sont d'ailleurs facilement reconnaissables!
_ Euh...
_ On va y revenir! Mais j'ai envie de dire que c'est le roman de la maturité! On sent, Dom Déni, que vous avez passé un cap! que vous maîtrisez encore davantage votre plume! Dom Déni serait-il devenu un sage?
_ Eh bien, je l'espère, figurez-vous! Je pense être d'abord un homme de convictions! La vérité ne me fait pas peur, eût-elle le goût de la mort!
_ Hum!
_ En tout cas, je ne suis pas hypocrite! Il faut appeler un chat un chat!
_ Bien entendu! Allons tout suite au personnage du père, qui est truculent en diable! Il parcourt son domaine pour le détruire! Car vous avez situé le roman au dix-huitième siècle! Pourquoi ce choix, Dom Déni?
_ J'ai supposé que placer le père, comme noble et propriétaire terrien, ferait mieux ressortir son aspect despotique!
_ Et c'est réussi! On voit le père chevauchant par monts et par vaux! Il arrive dans une manufacture, pour quasiment repartir aussitôt chez un artisan! Il harangue la foule au port! Il donne des ordres aux marchands et il va même contrôler des charrettes de foin, Dom Déni!
_ Oui, oui, c'est un vrai feu follet! Il est comme un aigle, qui veut recouvrir le pays de ses ailes, mais, malheureusement, celles-ci sont trop petites!
_ Il tient sa maison de la même façon! Il paraît aimer sa femme, qui cependant garde un rôle effacé! Par contre, son autorité est indiscutable sur ses gens! Ils en ont peur même!
_ C'est qu'il semble avoir un droit de vie et de mort sur eux! Ce n'est pas vraiment effectif, car nous sommes tout de même au dix-huitième et la civilisation est en marche, mais ce qui est sûr, c'est qu'il peut les renvoyer à tout moment! Ils sont donc absolument tributaires de ses décisions!
_ Il va avoir une idée géniale, pour asseoir encore son pouvoir! Il va imaginer un virus! une épidémie! Pour éviter la propagation, il va imposer des fermetures, des couvre-feux, des confinements! Il brandit partout la menace de la maladie et de la mort! Il demande de respecter le personnel hospitalier, dont les moyens et les forces sont limités! Et ça marche, Dom Déni!
_ Oui, absolument! Bon nombre prennent peur et certains ont une vraie conscience civique! On limite ou on arrête donc ses activités! On ne se déplace plus ou seulement si on ne peut pas faire autrement! Les nuits deviennent particulièrement calmes... Les fêtes, si importantes pour le peuple, sont bien entendu supprimées! C'est tout un pays qui est bouleversé!
_ Mais Dom Déni, ainsi le père se ruine lui-même, car ce sont ses propres terres et revenus qu'il met en péril! Pourquoi agit-il ainsi, Dom Déni? Est-ce qu'il est fou?
_ Comme vous l'avez dit vous-même, il veut dominer toujours davantage! Il a une vision des choses, qui fait que les autres sont comme de la pâte à modeler pour lui! Le pays devient un outil au service de son ambition! C'est un dictateur intransigeant, fermé, hautain, qui méprise ceux qui se sont appelés le Tiers état!
_ Et là Dom Déni, vous êtes emporté par votre sujet! Car on n'arrête plus votre lyrisme! Sous votre plume, pleine de fougue, le père acquiert une dimension titanesque! On lit, page 70: "Il surgissait de la nuit, tel un Zorro négatif! Il entrait dans l'auberge, suivi par son bailli et des soldats qui portaient un collier de fer! Tout le monde était saisi! "Qu'est-ce que c'est qu' ça?" criait-il. Alors on fait la fête! Et le couvre-feu?" On essayait de fuir par la fenêtre! Des chiens aboyaient, hurlaient à la mort! Des femmes pleuraient, en demandant pardon! Des ivrognes sautaient de l'étage et se cassaient une jambe!
Puis, le dictateur passait dans la cuisine, renversait des casseroles, jetait des cuillers au visage de l'aubergiste et de son épouse; pendant que ses hommes éteignaient le feu dans l'âtre! Le chaudron, avec sa bonne soupe, se déversait sur le plancher! Les lumières étaient éteintes; le silence remplaçait les rires; l'odeur de la cendre celle des sauces! L'éteignoir du genre humain avait encore frappé! Le rabat-joie terrible avait de nouveau sévi! La chauve-souris avait bu la joie du monde! La glace avait figé le gigot! L'homme était comme ces marécages brumeux, dont nul ne revient! Il avait le sourire et l'œil ardent du loup!"
Quel style, Dom Déni! Mais on a un peu l'impression que vous avez fini par haïr votre propre créature!
_ C'est possible... Vous savez, la passion dépasse souvent la fiction!
_ Ouais... Cependant, vous donnez à l'épidémie une réalité! Vous racontez comment des bourgeois se lèvent, un beau matin, avec de gros boutons rouges sur le visage! C'est la stupeur, la panique! On va quérir le médecin, on veut des remèdes! On se dit que le microbe est bien là, que le châtelain finalement n'était pas dérangé!
_ Honnêtement, si j'ai agi ainsi, c'est pour rajouter à la confusion! Car très vite, on n'y comprend plus rien! Les cas d'infections se multiplient, mais apparemment la santé de l'ensemble reste bonne!
_ Le soupçon revient donc... Mais comment, Dom Déni, comment ne pas reconnaître le président Macron dans votre personnage?
_ Eh! Eh! C'est vous-même qui faites ce rapprochement! Pour ma part, je préfère laisser juge le lecteur... S'il croit voir dans mon fossoyeur le bonhomme qui s'agite à l'Elysée, il ne fera que suivre son penchant!
_ Ouais! Admettons, mais l'analogie entre la situation actuelle et votre livre ne s'arrête pas là! D'autres individus ont un masque bien fragile!
_ Ce qui peut être dangereux, par les temps qui courent, hi! hi!
_ L'oncle par exemple! Vous le brossez si grossièrement qu'il apparaît peu sympathique! On lit page 114: "Il avait une grimace éternelle! C'était un braillard né, comme si le monde entier lui devait une facture! La vérité: il s'admirait, contemplait le tribun qui était en lui et sa colère venait de l'indifférence et de l'insoumission qu'il rencontrait!" C'est bien le portrait de Mélenchon, non?
_ Ouh, là! Vous allez vous faire des ennemis! Encore une fois, il vaut mieux laisser le lecteur libre... Il sera bien mieux en sécurité, comme ça!
_ Bon! Bon! Mais il y a encore la belle-mère! la marâtre, comme vous l'appelez! Blonde, grinçante! Vous lui donnez une mâchoire de fer, cadeau de la chirurgie de cette époque!
_ Oui, l'ancêtre du dentier...
_ Inutile de se demander qui vous a inspiré pour ce cas! Mais la belle-mère et l'oncle ne se privent pas de critiquer votre dictateur et puisqu'ils sont dans l'opposition, ils ont naturellement toutes les réponses! Ils savent parfaitement ce qu'il faudrait faire face à la maladie!
_ Mais ils n'ont peut-être pas tout à fait tort, car le danger est sans doute fictif!
_ Il y a un autre individu, qui a un rôle curieux... C'est un journaliste, un gazetier, une véritable mitraillette à éditoriaux! Après avoir dénoncé les manques du pouvoir, il réclame à celui-ci toujours la même chose: des idées, des idées!
_ Oui, l'absence d'un fonds chez le dictateur est patente! On a l'impression d'avoir affaire à une gestion capricieuse, improvisée, inique!
_ Le problème, c'est que votre journaliste n'en a aucune, des idées! Somme toute, il se ne contraint nullement... Il ne se rend même pas compte du privilège qu'il a de donner son avis! Il est seulement pressé de transmettre son analyse, tellement il la trouve précieuse!
_ Mais c'est bien son rôle, non? Le journaliste n'est pas là pour avoir un programme!
_ Je vous remercie, vous m'enlevez un sérieux poids!
_ C'est bizarre... Depuis quelques minutes, vous m'avez l'air hostile!
_ Mais non! Je suis tout comme vous..., bien intégré dans le système, une belle olive dans son bocal d'huile!
_ Ah! Je regrette! Moi, je lutte justement contre le pouvoir en place!
_ Vous l'avouez donc!
_ Pfff! Où est-ce qu'on est subitement?
_ Vous êtes perdu? Pourtant la fin de votre livre est parfaitement claire! En bref, car il faut laisser le lecteur la découvrir, la révolte gronde et on rejoint évidemment la révolution de 89! On chasse le tyran et ses calembredaines! On installe une Assemblée constituante, on sépare les pouvoirs, on veille au bien-être des plus pauvres, en muselant l'égoïsme des riches!
_ Exactement!
_ L'aurore de la justice illumine le ciel et enfin, enfin, l'humanité peut être heureuse! Ah! Ah!
_ Mais pourquoi vous riez?
_ Excusez-moi, c'est nerveux; c'est plus fort que moi! Ah! Ah!
_ Je vous trouve bien désagréable!
_ Mais même Jaurès aurait honni les gens comme vous! Pour lui, ou on s'en sortait ensemble, ou on s'en sort pas! Les sectaires de la gauche lui paraissaient des imbéciles!
_ Il est toujours resté chez Jaurès une part de catholicisme naïf!
_ Mais c'est vous qui êtes naïf, Dom Déni, et vous êtes encore un hypocrite!
_ Ben voyons!
_ Mais demandez-vous au moins pourquoi il y a des capitalistes! Faites au minimum cet effort, car Jaurès, lui, a bien essayé de définir l'origine du mal! Vous et vos pareils, vous êtes des paresseux, des orgueilleux, malgré votre condition ouvrière!
_ Espèce de salopard!
_ C'est vrai, je me dégoûte moi-même!" -
Poulet en Dom!
- Le 17/10/2020
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"La baronne serait-elle devenue émotive?"
Le Ruffian" J'ai jamais vu le soleil! C'hais même pas c' que c'est! J'ai jamais vu un brin d'herbe non plus! ni une fleur! J'ai jamais senti l'air frais! J'ai jamais respiré un matin, à pleins poumons! pour saluer une nouvelle aube! J'ai jamais vu mon haleine sortir de ma bouche! J' connais pas la rosée non plus! ces petites perles fines! Les couleurs du monde, c'est pas pour moi! Le vent, les nuages étincelants, les maïs bruissants, les cours d'eau murmurants, jamais vu!
J' connais pas la terre chaude, l'odeur des racines, le tranchant des pierres! J' voudrais humer d' la résine, paraît qu' c'est enivrant! Et les tapis d'aiguilles rougeâtres, paraît qu' c'est quasi élastique, silencieux même! Et l'éclat des feuilles, nom de D...! Si j'ai bien compris, c'est comme des cristaux émeraude au printemps! mordorés en automne! et même pourpres! Chapeau! Et les écorces, alors comme ça les arbres auraient chacun un type de peau! lisse ou crevassé! rouge ou gris! Et en avant la musique!
J' connais pas non plus la pluie! J'entends parfois son bruit, mais j'ai jamais été d'ssous! Y en a qui s' lave avec, mais moi, j'ai jamais été nettoyé! Au contraire, j' vis dans une crasse immonde, dans une odeur pestilentielle, depuis toujours, depuis qu' j' suis né! Bon D...! Faut pas qu' j ' pleure! A quoi ça sert? Faut mieux rêver! Oh, ça, c'hais faire! Y paraît qu' a plein d'animaux dehors! Ah! Ah! des vaches idiotes! mâchant et mâchant encore! déféquant! mais dans l'herbe verte, connais pas!
Y aurait plein d'oiseaux dans l' ciel, chantant merveilleusement! Y sont en liberté, comme on dit! Y piaillent dans l'azur, heureux de vivre apparemment! Y' s nourrissent d'insectes, moi, mon truc, c'est le vers de terre, jamais vu, jamais mangé! Faut pas qu' j' pleure! A quoi ça sert? Paraît qu' a des chiens qui font ouah! ouah! et qui courent après un bâton! Les c...! Mais au moins y 's dépensent, ils existent! Paraît qu' a des chats, qui font les fauves et qui détalent au moindre bruit! Des guignols quoi! Mais ils vibrent, y sont dans la fête! Pas moi!
J' vais vous raconter ma vie! Mais faudra pas pleurer! A quoi ça sert? On est des centaines les uns sur les autres, les pieds dans nos excréments! Et toujours cette odeur qui vous noue les tripes, à cause de son aigreur! On a juste assez de place pour se tenir debout! On se regarde horrifié! Qu'est-ce qu'on fait là? C'est un cauchemar, dont on va certainement se réveiller! Mais non, on est toujours immobile, avec les mêmes yeux autour!
Il y a encore le bruit: c'est comme une mer abrutissante! un degré de plus dans la folie, le dégoût! Qui a organisé ça? Qui peut nous mépriser ainsi? Qui peut piétiner la vie de cette manière? Qui n'a pas d'âme? Qui est autant monstrueux? Mais faut pas pleurer! A quoi ça sert? Faut serrer les dents ou le bec!
De temps en temps, y en a qui meurent! J' les vois qu' y s' tendent, comme s'ils voulaient appeler! Puis, ils s'écroulent, dans l'indifférence générale... Ben dame, qu'est-ce qu'on peut faire? Leur cadavre fait tel un trou parmi la multitude, de sorte qu'on a l'air de danser autour! La tension ne diminue pas et la peine est complète! Peut-on pleurer en enfer? Oui!
Les morts sont cependant enlevés, par les mains de créatures géantes, qu'on appelle des hommes! Ce sont eux aussi qui m'ont empêché de m'enfuir, car je n'en pouvais plus! Certains se contentent de leur ration de grain et on dirait bien qu'ils s'enivrent avec! Il est vrai qu'il n'y a rien à faire ici, à part manger! Mais cette nourriture est insipide, à force d'être toujours la même et elle excite plutôt ma colère!
Un jour, j'ai rassemblé toutes mes forces et j'ai pu sauter par-dessus ce qui sert de clôture! J'ai atterri sur un couloir de béton et je me suis dirigé vers la source d'un courant d'air. Cela venait du dessous d'une porte et j'y voyais du jour! J'étais comme hypnotisé, quand on m'a saisi par le cou! Sans ménagement, sans un mot, alors que j'étais suspendu et étouffais, on m'a rejeté dans la cohue! Première leçon de vol! J'ai dû perdre quelques plumes, mais, comme vous devez vous en rendre compte, je ne perds rien de ce qui pourrait m'être utile, pour partir d'ici et même alimenter ma haine!
Mais l'évasion n'est pas possible, c'est le sombre constat auquel je suis arrivé! Bien sûr, vous vous dites que je ne dois pas renoncer, car ce serait comme accepter votre propre désespoir et la vie veut vaincre essentiellement, mais encore vous voilà soupçonneux, d'autant que vous êtes peu émotifs, et vous en venez à vous demander comment, dans ces conditions, je peux parler de l'extérieur, avec une langue aussi alerte!
Eh! Eh! Je vous attendais là, comme un arrière, au rugby, voit l'équipe adverse se ruer vers lui! Avec sang-froid, alors qu'on va presque le toucher, il envoie en touche le ballon, d'un long coup de pied magistral! Intact le p'tit gars, devant les armoires à glace qui tirent la langue! Bon, j' vais être moins vachard, je vais vous donner sans tarder la solution! Tout ce que je sais, au-delà de cette fournaise, je le dois à... mon ami Sunny!
C'est une hirondelle mâle et il faut la voir entrer par un trou du toit! Elle va, elle vient à travers la charpente, avec une aisance, une classe, une légèreté! Sunny, c'est l'as des as, le champion toute catégorie des hirondelles! Même les pilotes japonais, qui s'écrasaient sur les porte-avions ennemis, n'avaient pas un dixième de sa précision! C'est une étoile vibrante! un souffle de liberté!
Il est venu se poser sur ma petite clôture, car j'ouvrais des yeux ronds, en le regardant! Il a commencé à me parler et m'a bientôt bouleversé! Bon sang! Faut pas que j' pleure, à quoi ça sert? Je calme plutôt mes nerfs et j'écoute Sunny! Il me fait comprendre le monde et j'en apprends des choses! D'abord, je suis un poulet d'élevage, d'élevage intensif! Je n'ai eu aucun mal à deviner le sens de ce dernier mot! Pensez, il fallait encore tendre l'oreille, même sous Sunny, pour bien l'entendre!
Par contre, j'ai buté sur "eugénisme", ça m'amenait trop loin! Les gènes, c'est quand même compliqué, mais il est question d'une sélection, pour qu'on grandisse plus vite et cela expliquerait alors les arrêts cardiaques, les fractures, les morts subites! Les fumiers! Les ordures! Mais mince, la vie, la vie, c'est pas de la raclure! un filet d'égout! Faut pas que j' crie! Faut que j' garde mes forces, maintenant que j'ai Sunny, que j'ai de l'espoir!
"Comment tu t'appelles?" m'a demandé Sunny!
_ Comment j' m'appelle?
_ Ouais, t'as bien un nom! Moi, c'est Sunny! Il te faut un nom, sinon tu resteras un inconnu pour moi!
_ Un inconnu? Mais sûr Sunny, j' veux pas rester un inconnu!
_ Eh ben, on va t'appeler Luigi; ça te va?"
Tu parles, si ça m'allait! Ce nom, ou ce prénom, je l'ai caressé des heures et des heures! Luigi! Je m'appelle Luigi! Ah! Ah! Le combat commence, les enfants! J' peux faire mal, j' veux dire me défendre, à présent que j' suis quelqu'un! Merci Sunny, c'est le plus beau cadeau (et d'ailleurs le seul!) qu'on m'ait fait! Mais faut pas pleurer, à quoi ça sert?
Y a des chefs ici, qui ont trouvé mauvaise ma relation avec Sunny! Ah oui! Parce qu'il faut que je vous explique! Même dans notre triste situation, notre drame, certains tiennent quand même à se montrer dominants, supérieurs! Ils exigent qu'on les craigne, qu'on reconnaisse leur autorité! Ils ont dit que Sunny racontait des fariboles, qu'on allait à notre perte, si on les prenait au sérieux! Ils ont même essayé de chasser mon ami!
J' m'en moque! Quand l'éclairage baisse un peu, pour simuler la nuit et que la plupart somnole, c'est là qu' j' en finis pas de discuter avec Sunny et quelques jeunes suivent mon exemple! "Qu'est-ce qu'on fait là?" j'ai demandé à Sunny. Il n'a pas voulu me répondre tout de suite, il a juste baissé la tête! "Bon sang, Sunny! ai-je repris. Vide ton sac! Dis-moi tout! J' suis prêt; ça peut pas être pire!" Et Sunny a répondu!
J'ai tout pris! comme si on m'avait giflé avec une sauvagerie extrême! Et bien des choses se sont éclairées! Je ne comprenais pas pourquoi on avançait progressivement vers la porte! Je saisissais pourtant que c'était parce qu'un certain nombre partait: il ne pouvait en être autrement! J'ai beau être un poulet, j' suis capable de logique! Mais on partait pour où?
Donc (j' le dis froidement), y a un transport et on est conduit jusqu'à un autre bâtiment, qui s'appelle un abattoir! Là, on est accroché à la file, tête en bas et on est plongé dans une eau chargée d'électricité! Cette étape est nommée l'électronarcose, afin que la saignée qui suit soit moins douloureuse, car on nous saigne et c'est la mort! Mais, par conséquent, notre bien-être est pris en compte, même si on n'a jamais vu le soleil! N'est-ce pas touchant?
J'étais glacé et j'ai dû faire effort, pour avaler ma salive, avant de questionner encore Sunny: "Mais dans quel but tout ça?" ai-je fait. On est mangé! Logique encore! Les animaux se dévorent entre eux, pour survivre! "Eh bien, monsieur, vos papiers m'ont l'air parfaitement en règle! J'avouerais même que je n'ai jamais vu une mine aussi honnête! Allez, passez!"
Je suis resté abasourdi, car a priori notre sort était dans l'ordre des choses! "Ce n'est pas aussi simple!" a rajouté Sunny et il a de nouveau capté mon attention! Il nous a parlé de la route! Non loin d'ici, il y a un ruban de macadam, qui sidère tous les animaux qui le voient! Pourquoi? Mais parce que dessus circulent dans un vacarme épouvantable toutes sortes de véhicules, absolument indifférents à la nature qui est autour, comme si le soleil, les arbres, les champs ou les nuages n'existaient pas!
"Les hommes sont perdus! m'a expliqué Sunny, qui a beaucoup voyagé et beaucoup vu. Ils croient que leur vie a un sens, mais il n'en est rien! Ils ont surtout peur et ils se raccrochent à leur égoïsme! Ils veulent donc du pouvoir et de l'argent, d'où les élevages intensifs!"
J'en ai vomi sur mes pattes! Alors, nous vivons dans des conditions atroces, non à cause de la stricte nécessité, mais pour apaiser les nerfs de ces messieurs dames! Puisqu'ils ne font pas non plus d'efforts pour chercher une vérité, une paix, pour devenir meilleurs, plus humains! Ils préfèrent mépriser, haïr et détruire, plutôt que d'essayer la patience, la retenue, l'humilité!
"Tu sais, a rajouté Sunny, beaucoup d'entre eux ne se rendent même pas compte de leur cruauté, ni de leur laideur! Ils se traitent déjà entre eux, comme s'ils étaient des déchets!" Oui, oui, ils sont aveugles, mais nous, on était en enfer! J'étais en train de digérer ces nouvelles données, quand je me suis aperçu qu'on avait avancé jusqu'à la porte! On était donc du prochain départ!
Les chefs, parmi nous, continuaient à rouler des mécaniques et la majorité attendait son grain. Mais, moi, j'étais dévoré par l'angoisse: mes yeux ne quittaient pas la porte et bientôt, effectivement, elle s'ouvrit! Des mains nous jetèrent violemment dans des cages, qui furent empilées sur un camion! On entendait des gémissements et la peur se lisait dans tous les regards!
Pour la première fois, je voyais le ciel, le soleil et la campagne, mais ce qui aurait dû m'enchanter me remplissait au contraire d'amertume! Je connaissais la fin du voyage! On est passé par un bourg et je fixais éperdu les gens qui étaient sur la place. J'aurais voulu leur crier: "Sauvez-nous par pitié! Nous allons à la mort!", mais chacun allait avec la plus parfaite indifférence!
Nous nous approchions de la "route de la folie", quand je les ais vus! Les enfants, c'était encore plus beau que la RAF du temps de Göring! Sunny et ses camarades en essaim! Un virage impeccable sur l'aile et tous piquèrent sur notre camion! J'entends encore le chauffeur hurler: "Nom de nom!", car il n'y voyait plus! Le camion est parti à travers champs et s'est renversé, à cause de la pente! Les cages se sont répandues et la mienne s'est ouverte! J'en ai aidé un bon nombre à se libérer!
"Courez vers le bois!" nous criait Sunny! Ah, les enfants! Je foulais l'herbe! J'ai même buté contre un champignon! Mais je rigolais! On a traversé un ruisseau... Bon sang, que c'était bon! Une fois dans le bois, Sunny nous a dit de continuer, sinon on serait rattrapé et on a marché en file, pendant deux jours, tous les sens en alerte, et on s'est arrêté sur la pente escarpée d'une colline! "Là, vous serez en sécurité!" nous a affirmé Sunny et on a créé un maquis, sous les épines!
Bien entendu, il faut maintenant trouver notre nourriture et lutter contre les prédateurs, mais aucun d'entre nous ne voudrait revenir en arrière! On est là une cinquantaine et Sunny est reparti en Afrique; on le retrouvera au printemps!
Si vous voulez nous aider, demandez au moins un poulet "plein air", même s'il reste à voir dans quelles conditions on le sort! Boycottez l'élevage intensif et vous aurez mon bonjour! Parole de Luigi le poulet!
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Dom bouteille!
- Le 10/10/2020
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"Just call me Snake!"
New York 1997
"Peut-être qu'un jour quelqu'un lira ce message... Un survivant des "Furies" le trouvera sur une plage, dans sa bouteille... Je ne sais si on me comprendra, ni si mon expérience pourra être utile, mais il fallait que je me confesse, car je n'en ai plus pour longtemps... C'était plus fort que moi!
Je m'appelle Karl Rhom et j'ai été l'un des apôtres de la 5 G! Je me présente ainsi, car, à l'époque, la technologie était toute ma vie! Je travaillais dans un technopôle très actif, très performant, et je chantais à qui voulait l'entendre toutes les louanges de la 5 G!
J'expliquais qu'on allait soulager les réseaux, étendre prodigieusement les possibilités de communiquer, grâce aux nouvelles bandes de fréquence, car je voyais l'homme au centre de tout et il était normal qu'il pût être le plus libre possible, en tous lieux! Certes, je n'ignorais pas que certains trouvaient les ondes dangereuses, mais, sur le plan scientifique, ces craintes s'avéraient ridicules!
Je ne comprenais pas ces communes qui voulaient rester en dehors des réseaux, alors que d'autres les réclamaient à cor et à cri, et contre ceux, plus raisonnables, qui relativisaient la nécessité de la 5 G, en parlant d'abord de coût, j'avais un argument d'après moi massue: "Nous étions entraînés par le mouvement du progrès! Nous ne pouvions rester sur le bas-côté, si nous voulions garder notre indépendance! Les Chinois, les Américains ne nous attendraient pas! Nous n'avions pas le choix: il fallait que nous-mêmes nous développions notre propre technologie! Le monde était comme un train en marche, dont il était impossible de descendre!"
Aujourd'hui, je me rends compte combien ce discours était absurde, car au fond, au nom de la liberté, je réclamais l'esclavage! Mais j'étais bien aveugle et... Oh! Que j'ai mal! Ma blessure est sans doute très grave, mais où trouver du secours? Il n'y a plus rien! Mais je veux finir cette confession, pour que ma vie ait au moins servi à quelque chose... et je ne dois pas mettre la charrue avant les bœufs! Je reprends donc la chronologie de mon récit, car c'est aussi le parcours de ma pensée...
Ainsi, j'étais un fringant chercheur, sûr de lui et pourtant, je n'étais pas totalement satisfait! Non, j'en voulais plus! L'ambition me rongeait, quoique j'eusse tout! Mes enfants jouaient dans le jardin de notre maison neuve et ma femme était aussi belle que responsable! J'aurais dû être heureux, mais j'étais sombre au plus profond de mon cœur! Je rêvais... de quoi au juste? J'en ai honte aujourd'hui, mais je me voyais triompher, être une sommité, avoir l'aura d'une vedette de la télé! J'essayais peut-être d'échapper à une peur, à un sentiment d'insécurité, ou pire écraser, détruire, de toute ma hauteur, de tout mon mépris, m'aurait donné de la joie, aurait comblé un manque!
J'étais assoiffé de gloire, de pouvoir, et la célébrité m'apparaissait comme une lumière solaire, qui maintenait au-dessus du sol, de l'ennui, de l'effort même! En réalité, ma réussite n'était qu'une façade et toute ma rage se libérait par les réseaux sociaux, où je pris une posture assez étrange, contraire à la pensée commune! Il ne pouvait en être autrement, puisque accepter le quotidien, faire preuve de compréhension, de retenue aurait été comme m'étouffer!
Je devins la mitraillette de l'ombre, l'organiste de la haine! Moi, qui à la surface poussait au progrès, je combattais devant mon clavier ce que je voyais comme un immense parti pris! Les médias, notamment, qui dénonçaient les injustices d'un Poutine ou d'un Erdogan, me semblaient pervertis! Je m'imaginais repousser incessamment une glu bien-pensante, avec des commentaires acerbes, de véritables "placards" méprisants et destructeurs! A contre-courant, je prenais la consistance d'un rocher!
Je soutenais Trump évidemment, malgré l'indignation générale! Je criais au scandale, dès qu'on le critiquait! Je réclamais pour lui la plus stricte objectivité! Je demandais qu'on respectât le vote américain, alors que je méprisais les électeurs de Macron! Quelle folie, n'est-ce pas? Mais Trump était un boxeur! Il était le seul à vraiment "secouer le paysage"! Il était la cheminée, pour mon feu! Encore une fois, se résoudre à la monotonie, à la raison ambiante, aurait condamné ma soif de vaincre, mon ambition, m'aurait plongé dans la nuit!
C'était si fort que je m'aveuglais au sujet du président américain! Je le voyais efficace, quand ses adversaires me paraissaient pitoyables, mièvres, insipides! Lui au moins était vrai! Les résultats d'ailleurs étaient là et il les jetait à la face du monde! J'applaudissais à chacune de ses victoires: il était mon champion! Au fond, il donnait les coups pour moi; il me faisait goûter au sang! J'ai mis du temps à voir l'envers du décor, à retrouver un semblant de lucidité, tellement j'étais fiévreux!
La fièvre? Je l'ai réellement à présent... Je tremble et j'ai le front en sueur! Je ne regarde même plus ma blessure, car elle est trop moche! Mais où en étais-je? Oui, l'envers du décor... Il était sombre, affreux! Prenons par exemple les accords arabes de Trump, entre Israël, le Liban et les Emirats... A première vue, ils favorisaient la paix et la tolérance! Mais, en réalité, ces alliances ne visaient qu'à l'écrasement de l'Iran et de ses protégés, les Palestiniens! C'était comme si Trump avait donné la permission aux sunnites de détruire les chiites! Avec les chaussures de l'égoïsme, il est facile d'avancer! La difficulté, c'est de respecter chacun!
Mais ainsi allait Trump! Il croyait à la loi du plus fort, comme Hitler en son temps! On revient à celle-ci, car on ne la reconnaît pas! Trump laissait dans son sillage divisions et larmes et continuait d'injurier ses détracteurs! La "bête" était devenue enragée! La haine triomphait et n'étais-je pas moi-même un de ses étendards? L'ombre s'étendait sur le monde, d'autant que nous n'étions pas débarrassés du Covid! L'épidémie allait moins vite, à cause des gestes barrières, mais elle gardait son caractère exponentiel! A bien les regarder, on aurait dû avoir peur des chiffres!
C'est sur ce chaos qu'"elles" sont arrivées! On a d'abord pensé à une réplique de la tempête Alex, qui avait déjà été dévastatrice, mais c'était encore plus fort! Surtout, les dépressions se sont enchaînées, sans plus s'arrêter! Les médias, quasi naturellement, les ont appelées les Furies! Car elles avaient l'air de s'acharner! La France, avec la Bretagne pour étrave, s'est enfoncée dans une nuit de cauchemar!
Si je raconte tout cela, c'est pour une génération qui n'aurait pas vécu ces événements... Qu'elle médite sur mon histoire! Les enfants surtout! Les enfants... Quand la situation s'est vraiment dégradée, j'ai fait partir ma famille vers le Sud, où on avait des parents... Depuis, plus de nouvelles! J'espère seulement qu'ils s'en sortent mieux que moi! C'est pas difficile, je vais mourir...
De la pluie, du vent comme on n'en avait jamais vus! Tous les jours, incessamment! Une vraie chape de plomb, avec une lumière juste fugitive! Le pays s'en allait en morceaux! Au début, on voyait des images: des maisons entraînées par les crues ou des zones du littoral noyées par des raz de marée! Puis, tout s'est éteint! Le noir!
Il n'y avait plus de courant! La télévision et Internet ne fonctionnaient plus! Nous étions isolés, livrés à nous-mêmes! L'essence vint à manquer, faute de livraisons! Sans électricité, notre logistique n'était plus possible! Il y eut des morts aux stations services, et ils doivent y être encore, à la merci des charognards!
La police, les pompiers, les gars d'EDF, ils... Je dois essuyer mes larmes, mais ils ont tous été tués! C'est qu'on a vu des bandes, des gangs prendre le pouvoir... On eût dit qu'ils n'avaient fait qu'attendre ce moment, tellement ils étaient préparés! Bien entendu, chacun avait une arme...
On a entendu des coups de feu, pendant plusieurs jours..., puis les pillages ont commencé! Des femmes sont violées, des hommes abattus, des maisons investies! On se terre, on se protège, on essaie de rester en vie! Les combats n'ont pas cessé, puisque des milices se sont créées! Autres couleurs, autres terreurs!
Trump devrait être content! On y est, dans sa jungle! Vive le plus fort! Que de bêtise, de fausseté, de sécheresse du cœur! Il y a quelques jours, j'ai essayé d'ouvrir la réserve d'un supermarché... Ben dame, il faut bien continuer à se nourrir! C'est là que j'ai essuyé ce coup de feu! J'ai reçu une balle dans la hanche! J'ai même pas vu d'où s'est venu! Un sniper sans doute! Une vraie décharge électrique!
Je me suis couché, j'ai rampé hors de portée! Depuis, le sang s'écoule lentement... et ma vie aussi! J'ai trouvé refuge dans un bâtiment en construction et tout à l'heure, je vais rassembler mes dernières forces, pour balancer ma bouteille et ce message, dans le fleuve qui coule en dessous! Ce sera mon âme qui partira au fil de l'eau... boueuse...
Ici, il fait froid et humide... Je me rends compte que je n'ai jamais aimé le béton... Il y a peut-être au-dessus une de mes "belles" antennes 5 G! Communiquer nous est nécessaire, mais pas n'importe comment! Nous étions dans une vraie frénésie, j'en prends conscience dans ce silence qui m'est imposé... Curieusement, je n'ai jamais été aussi calme... Je peux dire que la paix, c'est aimer la vie! Oui, c'est ça, être en paix, c'est aimer l'instant!
La loi de Trump, c'est la haine! C'est vaincre, terrasser, écraser! C'est se nourrir de son sentiment de supériorité! C'est une illusion! Ce n'est pas l'évolution! Ce n'est surtout pas notre destin!
Quelques feuilles entrent dans mon refuge: elles ont l'air de papillons! Ce n'est que maintenant, à l'heure de ma mort, que je regarde les choses... Avant, j'étais comme les autres! Mon fonds, c'était mon égoïsme, et dès qu'on me contrariait, je montrais les crocs! Je voulais détruire! Mon petit monde, comme il m'était cher! Mon confort, ma sécurité, c'était sacré!
Quel silence! Je n'entends plus que le vent, qui semble m'emporter dans un rêve infini! "La 5 G, le monde digital, la génération Z, les sites de partage, la communication horizontale; le "sachant" est le nombre, plus l'individu!" Tous mes arguments de vente me reviennent à présent à la mémoire, et comme ils sonnent creux!
A force de communiquer, nous créons un tourbillon sur nous-mêmes! C'est notre ego qui se déplace comme une tornade et qui détruit notre environnement! Même si nous sommes pétris des meilleures intentions, pour sauver la nature, encore faut-il l'aimer, la comprendre! Dès que nous faisons preuve de mépris, nous sommes hors sujet!
Me voilà bien savant tout d'un coup! Tiens, une araignée qui vient me voir... Je pleure, car je suis bien seul! Mais non! Mes idées foisonnent! Un souffle m'entoure, je le sens! Je continue! Nous communiquons frénétiquement par peur! Pour nous étourdir! Comme si le monde n'existait rien que pour nous! En réalité, nous sommes pauvres et perdus, mais je devrais parler au passé, car maintenant, nous n'avons plus le choix: il faut d'abord sauver sa peau! Le débat est court!
Sait-on que pour être fort, il ne faut pas être égoïste! Celui qui accepte de perdre est sans angoisse! Il n'est pas tourmenté par son amour-propre! Mon Dieu, pourquoi ne recherchons-nous pas l'essentiel? Nous sommes dans la nuit, malheureux; nous nous heurtons, nous nous méprisons, pour des gains, des victoires dérisoires! Nous n'avons nulle grandeur, nul amour même!
Si on savait! Mais, baste! Ceux qui reconstruiront le monde, ceux-là devront se dire qu'on ne peut pas rester dans son illusion, dans sa "petite vie", ses petites certitudes! Si on veut connaître la vérité, c'est-à-dire ne plus avoir peur, il faut se détacher de soi, se mettre en péril; il faut accueillir l'inconnu!
Fi du chien méchant qui est en nous! Fi de notre gloire, de notre hauteur! Sentons allègrement l'humiliation! Elle éprouve notre force! Elle nous fait généreux! Le mensonge ne permet pas la paix!
Ah! Ah! Pas mal, pour un vieux schnock de la 5 G, bâtard du Web! Mes idées se brouillent et peut-être que la fièvre me fait délirer!
Allez, fermons la bouteille... Ah oui! Nous étions ivres de nous-mêmes... et c'est pourquoi le malheur nous a surpris! Que Dieu me pardonne!"
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Doms affaires!
- Le 03/10/2020
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"Toi, tu sais cuire un lapin, pèlerin!"
Jeremiah Johnson
Le commissaire Julian, de la brigade des Arbres, s'éveilla en plein cauchemar! Il eut l'impression d'avoir été battu comme plâtre et l'anxiété l'assombrit! Il dut se mettre à lutter, pour résister au désespoir et à la peur! Il se demanda s'il connaîtrait encore un matin joyeux, léger, mais au fond y en avait-il déjà eu? Il était six heures et il fallait aller au travail... Il se leva et laissa sa femme dormir.
Julian approchait de la retraite et à la brigade, on l'appelait "le bougon", mais on le savait aussi matois, tenace et il avait résolu bien des affaires! Le commissaire salua quelques uns dans les couloirs et regagna son bureau. L'aménagement y était simple, quoique avec goût! Une table claire, dépouillée, sous un éclairage discret. Dès l'entrée, on était surpris par le calme de la pièce, comme si le temps s'y arrêtait, et elle reflétait la force de Julian, qui ne cédait à aucune tempête!
Cette ambiance désarçonnait les accusés, qui arrivaient toutes griffes dehors, prêts à se défendre! Ici, ils pouvaient se reposer, souffler; ils retrouvaient leur dignité et se montraient enclins à coopérer! On les respectait, ils respectaient donc!
Mais, ce matin-là, le commissaire était encore plus fatigué que d'habitude! Hier, à travers certaines réactions, il s'était rendu compte que rien ne changeait, que la plupart étaient indifférents à ses idées et qu'on lui faisait mal! Il soupira, le front lourd contre la fenêtre. La pluie descendait en nappes, sur les toits d'ardoise... La pluie! Il l'aimait particulièrement, quand son grondement apaisait son sommeil, comme si elle pouvait aussi "nettoyer" les hommes! "La pluie calme les abrutis!" se répétait souvent le commissaire.
On frappa discrètement à la porte... C'était l'inspecteur Merlot, un jeune, un bon élément, sérieux, capable d'initiative... Il soulageait grandement son supérieur! "Alors? demanda Julian.
_ Eh bien, toujours pareil! Coray se tient à son rôle de chef d'entreprise! Il parle de réalité économique! Il a juste voulu étendre son affaire, lui donner une autre dimension, pour qu'elle résiste à la concurrence du marché! Il ne comprend pas du tout ce qu'il fait ici! On est des rêveurs! Aujourd'hui, tout va très vite! Il n'y a pas de place pour les faibles, etc.!
_ Et le maire?
_ Brrr! Lui, c'est pire! Il est Chamois l'élu! Il dirige sa ville comme il l'entend! Nous sommes juste là pour le seconder! Il s'adresse à nous comme à des subalternes, et donc il refuse de répondre à nos questions! J'ai rarement vu une telle hauteur!
_ Bien, je vais aller le voir... Toi, tu reprends un peu Coray... Tâche de l'amener au réchauffement climatique et aux contradictions que pose un développement sans bornes... Mais, oh! pianissimo! En artiste!
_ D'accord! fit Merlot avec un sourire."
Laissé seul, Julian pensa à Chamois, le maire de Clucy, 80 000 habitants! Il connaissait par cœur ce genre d'individus! Des êtres actifs, des modèles de responsabilités! Toujours la même chanson! La bataille allait être rude, pour faire avancer le dossier! Pourtant, il y avait bien eu crime! Julian ferma les yeux, voilà que sa douleur recommençait! Il serra les dents, car il sentait le désespoir l'envahir, comme s'il avait été une bouteille d'encre! Il revoyait des arbres fiers, majestueux; des troncs verts et noueux, dressés dans le silence; une pluie douce de feuilles! Il réentendit les coups de bec du pivert et il fut de nouveau aux aguets! L'instant était suspendu... Qu'allait-il arriver? Soudain, il croisa le regard déjà inquiet d'une biche!
La salle d'interrogatoire était exiguë, fermée et Chamois était sur les nerfs! Julian n'en avait pas voulu dans son bureau: il y recevait des âmes simples, quoique perdues, mais un notable l'aurait souillé! "Vous n'avez aucun droit de me retenir ici, commissaire! cria d'emblée Chamois. Mon avocat arrive et on va vous faire danser, mon p'tit gars! Vous pouvez déjà réserver votre billet, pour le bas d' l'échelle!"
Julian ne répondit rien et ouvrit son dossier. Puis, il parla à Chamois d'une voix monocorde: "Vous êtes né en 1971, à Clucy, dans une famille de la petite bourgeoisie. Comme il se doit, vous suivez bientôt les cours du meilleur lycée de la ville! Votre bac en poche, vous montez à Paris et rejoignez l'ESP, l'Ecole Supérieure de Pétrochimie! Vous voilà ingénieur et vous revenez à Clucy, où vous travaillez pour la firme Futury! Mais ça ne vous suffit pas... A l'exemple de votre père, vous vous en engagez dans le combat politique et vous devenez finalement maire de Clucy, il y a cinq ans! C'est exact?
_ Mais oui! Mon père était un homme de convictions et je suis animé moi-même aujourd'hui de ses valeurs! J'aurais pu me contenter de mon poste d'ingénieur et j'aurais certainement eu une vie plus tranquille! Mais je soutiens à présent la population; j'aide les gens! Au diable mon égoïsme! Je donne tout ce que je peux et bien entendu, je ne compte pas mes efforts, pour assurer l'avenir de ma ville!
_ Vous reconnaissez ces photos?"
Julian plaça sous les yeux de Chamois deux ou trois clichés, qui montraient des entrepôts ultramodernes, entourés d'une terre mise à nu et devant lesquels stationnaient des semi-remorques, avant qu'ils ne prennent de vastes boucles goudronnées... "Mais oui, s'écria Chamois, ce sont les nouveaux établissements de la Camex, l'entreprise de Coray!
_ Et celles-ci?"
Sur ces autres photos, on voyait un bois avec ses couleurs d'automne, tel un manteau fauve reflétant la lumière. "Mais c'est le bois du Roudot, qu'on a dû enlever, pour la Camex... reprit Chamois.
_ Vous admettez donc avoir détruit le bois..., dit Julian.
_ Mais nous avons eu toutes les autorisations nécessaires! Ce n'est pas vrai, commissaire, c'est de ça dont je suis accusé, d'avoir donné quelques coups de bulldozer, afin d'amplifier l'activité économique!"
Le mépris de Chamois toucha vivement Julian! Le maire n'avait jamais regardé la nature! Il l'avait toujours vue au travers de ses projets! Le monde en dehors du maire n'existait pas, même si celui-ci était persuadé de faire le bien! Le commissaire, sans quitter du regard son accusé, et pour ne pas être gagné par la colère, rêva d'une vasière... De grands roseaux bruissaient, avec le bruit de la mer, et sur l'eau plate et d'argent, des oiseaux marins glissaient silencieusement et de temps en temps, l'un s'envolait, laissant tomber de ses ailes quelques gouttes étincelantes!
"En fait, reprit Julian, tant que vous n'attaquerez pas directement la banquise, vous ne prendrez pas conscience qu'aujourd'hui il faut respecter la nature: c'est une question de vie ou de mort!
_ Oh! Mais nous sommes bien d'accord! Pour qui me prenez-vous? Je ne nie nullement le réchauffement climatique, mais la priorité, c'est quand même l'emploi, non? Sinon, comment vous allez donner à manger aux gens?
_ Bien sûr, mais ce que vous ne comprenez pas, c'est que la situation nous conduit à un changement profond de notre façon de vivre! Ce qui nécessite bien entendu de combattre sa propre hypocrisie!
_ Mais de quelle hypocrisie parlez-vous?
_ Vous connaissez Marchevent?"
A ce seul nom, les traits de Chamois se contractèrent! On réveillait une douleur intense et soudain, le maire eut la bouche sèche!
"Il y a cinq ans, reprit Julian, il était le maire sortant, mais après trois mandats, il a voulu passer la main! Il vous a naturellement désigné comme son successeur, vous son fidèle premier adjoint, et vous êtes devenu le candidat officiel! Mais il est revenu sur sa décision, peut-être parce qu'il a eu peur de la retraite, et il a posé sa candidature malgré la vôtre! Vous avez demandé à la direction du parti de trancher en votre faveur, ce qu'elle a fait, mais Marchevent ne s'est pas retiré! L'affaire a eu un retentissement au niveau national, car même au second tour, alors qu'il n'était plus dans la course, votre ancien mentor n'a donné aucune directive à ses électeurs! Une telle indifférence a surpris!
_ Certes... balbutia Chamois.
_ Ma question est celle-ci: quels sont aujourd'hui vos sentiments, à l'égard de Marchevent!
_ Mais ceci est du domaine privé, commissaire...
_ Pourtant, quand vous prenez des décisions, concernant votre ville, ce sont aussi tous vos sentiments qui se manifestent! Il n'y a pas un autre Chamois qui vous attend à la maison!
_ Mais...
_ Je vous laisse réfléchir un peu à votre hypocrisie... dit Julian qui se leva.
_ Mon avocat ne va pas tarder!"
Le commissaire se dirigea vers la machine à café. "T'as réussi à en tirer quelque chose? demanda Merlot dans son dos.
_ Non... et Coray?
_ Il commence à être ébranlé...
_ Bien..., mais je songe à conduire Chamois dans un endroit, qui pourrait le faire craquer! Il devrait être possible de nous enregistrer à distance, non?
_ Bien sûr, il suffit de t'équiper!"
Julian et Chamois sortirent du commissariat, par une porte dérobée, et se retrouvèrent dans une rue déserte. "Commissaire, je ne comprends pas ce que nous allons faire... dit Chamois.
_ Un petit tour! Mais vous n'avez pas l'air bien!
_ C'est que d'habitude je conduis...
_ Mais vous pouvez quand même marcher cinquante mètres sur le trottoir, non? Allez, venez, ma voiture est juste au bout de la file!"
Les deux hommes roulèrent une quarantaine de kilomètres, en silence.. Julian connaissait une belle forêt, sur les pentes escarpées d'un fleuve, et il la voyait comme un sanctuaire! Chamois trébucha sur le chemin qui y menait. "Ecoutez commissaire, ça devient ridicule! Retournons d'où nous venons!
_ Encore un peu de patience, Chamois! Je vous garantis un formidable point de vue! Evidemment, si le sol n'était pas aussi pentu, ce serait déjà labouré ici!"
On pénétra dans le bois, qui semblait telle une cathédrale naturelle. De hauts fûts de pins montaient austères, dans l'ombre; quoique des doigts de lumière vinssent illuminer des buissons de houx! "Commissaire, je ne me sens pas bien du tout! fit le maire.
_ Je vais vous dire ce qui vous arrive Chamois: vous avez une crise d'angoisse! Parce que vous n'êtes plus aux manettes! Vous ne dominez plus! Vous n'êtes plus précédé par votre pouvoir et l'environnement ici n'est plus le reflet de vous-même!
Mais voilà l'hypocrisie dont je vous parlais! Vous dites que vous agissez "au nom de l'emploi", d'une manière raisonnable, mais nous, les hommes, nous détruisons la nature, pour échapper à notre angoisse! C'est la domination qui nous conduit! Mais vous niez votre peur Chamois, comme la haine que vous vouez à Marchevent!
Mais vous voyez les nuages, là-haut, qui défilent... Ils sont ma consolation, car ils me disent que nous ne sommes pas les patrons!"
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Doms bases!
- Le 26/09/2020
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"Je suis le dernier des romantiques!"
Blague OED
Fédor Andropov faisait la classe à Dan Curtis et Diane Castillon et si le premier était d'origine américaine, la seconde avait grandi parmi les vignes qui bordent la Dordogne! Elle connaissait leurs matins doux et parfumés, leur ordre plein de promesses, sous le soleil cuisant, et leurs soirs roses sur la rivière, qu'effleurent avec grâce les hirondelles!
L'Américain était jeune et beau et Diane ne passait nulle part inaperçue! Une idylle semblait naître entre eux, ce qui fit tousser Andropov, avant qu'il ne commençât! "Il faut toujours revenir aux bases, dit-il, car nous n'en finissons jamais de connaître la vie et l'ignorance du plus grand nombre entraîne également une usure, qui mène au doute! Or, le problème est aussi profond que clair!
Mais j'ai envie de dire: "A présent, oubliez tout ce que vous savez!", car nous allons raconter des choses tellement étranges, qu'elles vont apparemment menacer votre raison! Toujours est-il qu'il n'y a qu'une seule manière d'expliquer pourquoi les hommes vivent sans être perturbés par leur isolement dans l'espace, ni par leur mort! C'est qu'ils sont aveuglés par leur domination! C'est la seule cause! Il n'y en a pas d'autres! Ce n'est même pas la peine de chercher!
Comment pouvons-nous être aussi catégoriques? Mais parce que la domination, c'est l'instinct! C'est un héritage du règne animal; cela vient de nos origines, au même titre que la pulsion sexuelle ou celle de la colère! Rappelons en quelques mots le mouvement! L'histoire de la matière est une histoire de sa complexification! Les éléments les plus simples se combinant, pour en donner de plus en plus complexes! L'Evolution va toujours dans ce sens: plus les individus apparaissent tard sur son échelle et plus leur organisme est sophistiqué et donc distinct!
Or, plus on est individualisé et plus il faut s'imposer, pour se nourrir et se reproduire! L'individualité entraîne inévitablement la domination! Sentir notre valeur, notre importance, autrement dit satisfaire notre égoïsme, c'est d'abord ce que nous voulons, et c'est ce qui garantit notre équilibre! Evidemment, avec l'humain, la domination est l'affaire de la conscience et elle varie donc à l'infini!
Ceci est valable pour les deux sexes! La domination féminine prend aujourd'hui le relais de la domination masculine, car celle-ci est de moins en moins nécessaire, puisque la défense du territoire est de moins en moins menacée! Si je tiens à préciser ce point, c'est parce que le bon combat est contre la domination des deux sexes et non seulement contre l'égoïsme des hommes! Mais, bon, pour l'instant, il faut que les femmes se vengent! On retrouvera la mesure plus tard...
Tant que la domination est notre seul repère, que nous en restons esclaves, nous vivons comme les animaux, qui effectivement n'en ont rien à faire que l'Univers ait quatorze milliards d'années ou que les étoiles déforment l'espace-temps! Voilà notre sécurité, contre le vertige, c'est la domination; il n'y en a pas d'autres! C'est elle qui nous fait trouver normal notre quotidien, alors que nous pourrions le voir, depuis Mars, absolument absurde!
Cependant, notre raisonnement, au regard d'une histoire qui accumule les millions d'années, rien que pour la Terre, peut sembler à juste titre anthropocentrique et faire tousser le Muséum! Mais c'est parce que nous méprisons toujours l'importance de la conscience et que nous ne mesurons aucunement son incroyable dimension! Mais nous y reviendrons!
Toujours est-il que tous ceux qui ignorent la domination sont soit des naïfs, soit des hypocrites! En fait, tant qu'on est mené par sa domination, on ne la voit pas! Mais le scientifique, qui bénit la raison, est un cuistre! Le philosophe stoïcien, qui se réjouit d'être imperturbable, est un fumiste! Le psychanalyste, qui vous écoute pour paraître plus intelligent, est un escroc! Et le militant de gauche, qui crie: "Macron dégage!", est un farceur! Pincer l'orgueil de tous ces gens et leur haine vous frappera, encore plus vivement que celle du bénéficiaire du RSA, dont la domination n'a pu qu'être malmenée!
Nous ne pouvons pas vivre sans vouloir dominer, même si nous avons un amour sincère pour nos proches! D'ailleurs, en fondant une famille, les parents deviennent naturellement des dominants, par rapport à leurs enfants, et ils assurent ainsi leur équilibre! Tout irait bien dans le meilleur des mondes, si la conscience nous permettait de rester des animaux, ce qui n'est pas le cas! La réflexion mène au choix et donc aussi au doute et à l'angoisse! L'inconnu frappe à notre porte incessamment! La peur pèse sur nous sourdement! La conscience est notre richesse, mais elle a un prix!
Pour échapper à l'angoisse, notre réflexe est le recours à l'instinct, car c'est la pente! Notamment, nous utilisons le sexe, que nous avons dû inventer! Oui, le sexe est une invention de l'homme, car les animaux, eux, ne s'accouplent que pour se reproduire! Nous nous sommes affranchis de cette limite, sous le joug de la tension qui nous habite, afin de la soulager! Mais, plus largement et même bien plus profondément, car la domination règle encore le sexe, dès que nous sommes inquiets, nous recherchons notre supériorité, le sentiment de notre valeur, qui éteint toutes nos craintes!
Ainsi, dans la rue, où nous affrontons le monde, nous constatons le phénomène de "la couverture à soi"! En effet, chacun essaie d'attirer l'attention, de s'imposer aux autres: les femmes par la séduction, les hommes par le rapport de force! Nous voulons qu'on nous remarque, qu'on nous considère, ce qui prouvera notre importance! Les femmes demandent du désir, les hommes de la soumission! Ainsi, nous ne sommes plus seuls, puisque nous existons dans un regard qui n'est pas le nôtre! Toute notre angoisse disparaît par l'intérêt qu'on nous porte! La réussite nous rend invulnérable!
La télévision a une action à peu près analogue, car elle trompe notre solitude! Par sa proximité, elle nous fait croire que nous formons une immense famille et dans ce que nous voyons et éprouvons, notre domination trouve son aliment! C'est si vrai que la perspective d'être privé de télévision, chez la plupart, cause une véritable angoisse! Les réseaux sociaux nous offrent une participation bien plus réelle et nous donnons notre avis, sûrs de sa valeur! Sur Instagram, notamment, nous nous affichons en photos, comme nous avançons dans la rue, en trouvant naturel d'être le centre d'intérêt! Mais ce n'est pas ce qui se passe et pour avoir beaucoup de "J'aime", les femmes se dénudent et les hommes également s'exhibent! On excite, on force le regard!
Inutile de dire que "la couverture à soi" perturbe notre quotidien! Il est impossible dans nos villes d'avoir une pensée cohérente! On est sollicité, harcelé à tout moment! Il faut regarder tout le monde, comme si on devait "donner à manger à dix mille petits cochons à la fois"! Même celui qui est disponible n'a plus qu'une envie: qu'un nuage lui déroule une échelle de secours! Ainsi, dans le ciel, pourra-t-il retrouver sa tranquillité et donc sa lucidité! Il vient d'échapper à un asile d'aliénés, où des malades attendent qu'on les admire!
Cependant, "la couverture à soi" fait évidemment que chacun en est pour ses frais, car on ne croise que son semblable, c'est-à-dire un demandeur, nullement un donneur! On se dégoûte donc, comme deux pôles électriques du même signe! L'insatisfaction est permanente et la tension aussi, puisque l'angoisse persiste! Des individus deviennent alors des tyrans, pour faire céder les autres! Ils dominent par la terreur! On doit s'occuper d'eux dès qu'ils apparaissent! Ils oppriment et tourmentent! Il y a des femmes qui marchent sur la ville, comme si elles avaient les bottes de sept lieues, et il y a des hommes qui se tiennent, comme s'ils venaient chercher le condamné à mort!
La haine est là dès que quelqu'un résiste à notre domination! On voudrait le détruire, l'anéantir! On lui montre une hauteur sans pareille, de sorte qu'il se sente pulvérisé! On ne se demande pas pourquoi il a l'air plus libre, plus à l'aise, plus fort! On ne cherche pas comment il fonctionne, quel est son secret, sa méthode! On ne veut pas s'améliorer, ni trouver une solution pour être plus heureux, non, on laisse aller sa colère! On préfère mille fois la destruction plutôt que la construction ou l'évolution! On est lâche et sans courage et pourtant nous n'avons aucune gêne, aucune honte à détester, à mépriser! En cela, nous sommes impardonnables!
Mais nous voilà dans une impasse! avec une vie impossible! Car plus nous semons le chaos et plus nous étendons l'inquiétude et plus nous avons recours à la domination et ainsi de suite! Ce fait-là nous a été masqué jusqu'ici, parce que la domination s'exprimait par les guerres! Notre ennemi était un étranger! Mais, aujourd'hui, nous sommes les uns en face des autres et notre incohérence, notre incompatibilité éclatent! Nous ne savons pas vivre en paix! Nous sommes incapables de guérir notre angoisse! Nous refusons même de la voir! Nous préférons la nuit et ses coups de dents! Nous gardons l'illusion d'être les plus forts! Comme s'il n'y en avait pas de plus terribles, de plus dangereux, de plus violents, de plus fous!
Car il nous faut maintenant frotter la plaie avec du sel! On comprend bien que plus l'ordre et les idées sont clairs et moins l'angoisse trouve de prises et plus la domination garde des bornes! Mais considérons la recette suivante... Vous prenez un monde assez dodu et vous le dépouillez de toutes ses certitudes! Ce qui est normal, puisque chacun veut être libre! Vous le "farcissez" de confort, pour lui donner le temps de penser! Puis, vous l'embrochez avec une crise économique et vous le mettez au four, en lui parlant du réchauffement climatique! Enfin, quand il est cuit, vous le saupoudrez de Covid et sur la table, sa domination sera à la mesure de son épouvante: délirante, affreuse!
Concrètement, ce sont d'abord des incivilités toujours plus violentes et nombreuses! La courtoisie est une mendiante! La prévenance une légende! Nous n'avons aucune force, pour être généreux, souples et sans peur de perdre! Au contraire, l'angoisse nous fait aboyer, exploser! Notre domination nous tient comme des épouvantails! Nous voilà prêts à réclamer nos droits! Nous sommes avares, durs! Notre sourire est exsangue et nous donnons notre gentillesse avec usure! Avons-nous faim, froid? Pas du tout! Nous habitons l'un des pays les plus riches du monde!
Pire, nous vivons dans des bulles; notre smartphone nous servant de schnorchels! Nous fréquentons les autres, comme les U-boot cherchaient à détruire les convois alliés! Nous téléphonons, pour continuer à sentir notre importance, ce qui nous permet de plastronner en pleine rue et d'écraser tous ceux qui nous déplaisent! Le monde n'est qu'une annexe, face à notre supériorité! Pourtant, cela reste du théâtre!
La domination peut être totale et mener à des comportements pathologiques et criminels! Nous avons déjà été surpris! Crash d'avion pour fêter son anniversaire! Destruction de la mairie, sur un coup de sang! Mutilations d'animaux, pour les Paganini du scalpel! Nous attendons la suite! Nous pourrions décerner des prix! Rien n'est désespérant comme la routine! Un grand merci à ces héros de cauchemar!
Bien entendu, nous continuons à détruire la nature, quoique tous les voyants soient au rouge! Chaque coup de pelleteuse attaque la banquise, mais peu importe! Au nom de l'emploi, nous sommes prêts à mourir! C'est beau, c'est grand et surtout très intelligent! Mais le confinement ne nous a rien appris! Il va nous falloir un nouveau coup de Covid! La nature ne doit pas nous servir de paillasson! Il faut calmer notre angoisse autrement que par l'agitation et le béton! La beauté peut nous y aider! C'est écrit sur le paquet!
L'un de nos malheurs, c'est que nous voyons la conscience comme un baigneur l'eau froide! Et comment pourrait-il en être autrement! Cela fait des années que la science matérialiste nous serine la même chose! Ce qui n'est pas objectif est suspect! Nous heurtons les nerfs du Muséum, dès que nous parlons de notre foi, de notre amour!
Eh bien, nous, à l'OED, nous disons avec force que la gravitation n'existe pas sans la conscience! qu'elle n'a aucun intérêt, si elle n'est pas expliquée! que tout le monde s'en moque sans nous! que l'univers n'est rien sans notre regard! que ce sont nos yeux qui lui donnent toute sa dimension!
L'homme est la lumière du monde! Il n'en est pas le maître, il l'éclaire!
Il l'éclaire pour le servir! Car plus il le connaît et plus il est grand lui-même!
Le courage, c'est la foi! Car la seule raison ne suffit pas!
Des questions?
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Dom fleuve!
- Le 19/09/2020
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"Mais c'est de la prévarication!"
Topaze
Mamadou Gnoka avait invité ses amis de l'OED, Sarah Taylor et Dieter Stein, dans son pays natal, la République du Congo, encore appelée Congo-Brazzaville! Les deux Européens, à l'aéroport, s'étaient brusquement sentis dans un autre monde! L'air était chaud, parfumé et sur la route menant à la ville, on découvrait une végétation différente, mais surtout des couleurs et des attitudes incroyables!
Des femmes marchaient sur le bas-côté et resplendissaient tels des arcs-en-ciel! Elles avaient le corps droit et portaient au sommet de leur tête des légumes ou quasi un tronc d'arbre! Leur sourire éclatant apparaissait très vite et d'une manière générale, le visiteur allait de surprise en surprise! Un camion par exemple avait dans sa benne un autre camion, ou un bus passait sans pare-brise!
Des cases de plus en plus nombreuses signalaient la proximité de la ville, dont le centre était constitué de bâtiments modernes, ce qui faisait bien entendu la fierté de la nation! Mais le dépaysement était extrême et il fallut un certain temps à Sarah et à Dieter, pour s'accommoder de tous les changements du quotidien! L'eau, notamment, reprenait toute son importance, ne serait-ce que par les moyens déployés pour lui donner du débit! Dans la maison de Gnoka, elle devait d'abord monter dans un réservoir situé en hauteur!
Mais les deux visiteurs aimaient ce qu'ils voyaient! les véhicules qui cahotaient sur le chemin! les enfants qui allaient à l'école, indifférents à la poussière! des citronniers ou des papayers dans le jardin! des exploits! Comment, par exemple, un policier pouvait-il sortir de sa case, où on n'y voyait goutte, avec un uniforme impeccable? C'était tout un peuple qui chaque matin s'éveillait, avec la plus belle énergie, malgré la pauvreté!
"Demain matin, dit Mamadou à ses invités, nous partirons pour la cambrousse! On va profiter de places libres dans un avion, qui va dans un district où j'ai de la famille! Hein, qu'en pensez-vous?"
Les deux Européens ne se le firent pas dire deux fois, tant ils rêvaient de découvrir la nature africaine; eux qui jusqu'ici n'avait vu que les abords de la ville; et effectivement ils ne furent pas déçus!
Le lendemain, à l'aube, le petit avion décolla et très vite le soleil dispensa ses rayons! Des marais miroitants apparurent, tels des éclats de mica! Mais le plus spectaculaire, ce qui rendit muet nos passagers, ce fut la savane qui s'étendait à perte de vue, comme la mer, et qui comme elle était vierge de toute habitation!
Une campagne sans civilisation leur paraissait proprement sidérant et là-dessus glissait paresseusement l'ombre des nuages, amplifiant ainsi, s'il était encore possible, une impression de majesté, de grandeur imperturbables et infinies! Seuls quelques rochers, d'un ocre rouge, se détachaient, à l'instar de vieilles dents, qui rappelaient l'incroyable ancienneté de ces sols!
Le vol durait , comme si l'avion franchissait l'océan, et les hommes n'en avaient l'air que plus petits! Mais enfin on aperçut le lit argenté d'un fleuve et on perdit de l'altitude, pour atterrir rudement sur un terrain étroit et herbeux! On était arrivé!
Tout le village était là, car il était bien isolé et assistait à un événement, d'autant que l'avion transportait également un médecin! Celui-ci fut vite emmené vers les malades, car c'était les soins qui manquaient le plus! Mais une petite foule resta pour Sarah et Dieter: on les regardait avec une attention quasi extraordinaire, qui mêlait aussi bien la curiosité que la bienveillance!
Il y avait là non seulement des enfants, à peine vêtus, qui ne les quittaient pas des yeux, mais aussi des infirmes, qui n'hésitaient pas à se traîner, pour avoir leur place! Jamais peut-être Sarah et Dieter n'avaient senti une telle chaleur, un tel désir de connaître, alors que la pauvreté des lieux était évidente! Les cases y étaient encore plus rudimentaires qu'ailleurs! Mais qu'importe! On accompagnait les visiteurs, en étant gonflé de vie!
La barrière de la langue finit tout de même par les laisser plus libres et Sarah alla se promener... Elle était exceptionnellement émue, tant le village lui semblait un miracle accroché au fleuve! Il était si petit, il avait l'air si fragile, à côté de l'immensité qui l'entourait! Comme la vie ici devait être bien solidaire, pour résister!
Sarah connaissait l'état d'esprit particulier de quelques îles, mais elles étaient déjà si civilisées! Un noyau aussi soudé et fervent, c'était une telle découverte pour l'Anglaise, qu'elle marchait à pas comptés, comme sur la lune!
Puis, ce fut le déjeuner et le traditionnel poulet au riz, qui avait dû courir toute sa vie, pour avoir une chair aussi ferme! Mais on avait donné aux visiteurs le meilleur de ce qu'on avait et ils devaient donc faire honneur au repas! "Le chaman veut te voir, Sarah! déclara Mamadou.
_ Le...? fit Sarah, qui se léchait les doigts.
_ Le chaman, le guérisseur, le sorcier quoi!
_ Ah bon! Et tu sais pourquoi il veut me voir?
_ Non, mais il t'a remarquée à ta descente d'avion.. D'ailleurs, toi aussi t'as pas dû l' rater!
_ Quoi?
_ Oui, c'est l'homme qui tire sa petite caisse! Il a eu les jambes arrachées par une mine, à une autre époque!"
L'après-midi, on entra donc dans la case du chaman, où il faisait noir comme dans un four! Mais ici des objets, que jette par tonnes l'Occident, étaient considérés tels des trophées ou des trésors! Un sachet plastique était réutilisé des milliers de fois et gardé avec un soin extrême! Une vieille armoire, fabriquée en série ailleurs, était devenue une marque de dignité! Des embouts de canalisations, qui ne pouvaient servir, semblaient briller dans un coin avec l'éclat des diamants!
Devant ce décor, les visiteurs devinrent plus humbles et le chaman se mit à parler. "Il utilise un dialecte, expliqua Mamadou qui traduisait. Il te dit Sarah que tu as le visage comme une fleur... et qu'en toi se développe l'"Esprit"! Il se réjouit pour toi!
_ Ah?
_ Il rajoute que tu dois aller voir le fleuve, ce soir, car il te parlera! C'est le fleuve qui lui a tout appris!
_ Et les crocodiles? demanda Dieter.
_ Y a trop de courant ici, pour eux! répondit Mamadou. Sarah, nous partons demain... Donc, tu auras le temps, si tu le veux, de faire ce que dit le chaman!
_ Euh...
_ Ne fais pas cette tête, Dieter! On trouvera bien quelque veuve désireuse de t'accueillir pour la nuit!"
Sarah n'avait pas répondu à Mamadou, tellement elle était troublée: son visage donnait du plaisir au vieil homme, de sorte qu'il en riait! Mais elle, depuis longtemps, menait un combat âpre et elle se sentait perdue, vulnérable et même dolente! Ce qu'elle avait suscité lui était étrange!
Le soir, toutefois, elle se rendit au bord du fleuve et la clarté lunaire était si vive que Sarah avait l'impression de marcher sur du givre! Le fleuve aussi avait sa blancheur, car il charriait de grandes nappes de pollen, qui lui-même brillait! Cependant, c'était le silence qui surprenait le plus l'Anglaise: il était aussi doux que profond et jamais peut-être les oreilles de Sarah n'avaient goûté une telle sensation de velours, qui confinait à la magie!
Seul le fleuve glougloutait à gros bouillons et soudain effectivement il parla à Sarah! Elle vit l'humanité se débattre, cherchant toujours à se développer et se débarrassant de tout ce qui l'en empêchait! C'était bien normal, mais elle restait également prisonnière de sa domination et donc de ses peurs! Elle ignorait même son égoïsme et pourtant elle haïssait dès qu'il était menacé et elle était même prête à tuer, pour le défendre!
Ainsi, les hommes passaient devant la lumière de la vie, sans la voir, et disparaissaient dans la nuit, comme les particules du fleuve, sous les yeux de Sarah! Emportés par leur domination, leur orgueil, ils méprisaient la beauté du monde, alors qu'elle pouvait les sauver! A ceux qui savaient l'admirer, celle-ci affirmait avec force l'existence de Dieu et sa paix!
Le fleuve courait et autour tout était parfaitement tranquille! Sarah repensa également aux nuages qui glissaient au-dessus de la savane et à leur calme majesté! Alors, elle pleura! Elle pleurait de tristesse, mais aussi de joie! Elle songeait avec douleur à l'immense gâchis des hommes, mais jamais non plus la présence de Dieu ne lui avait paru aussi proche, aussi évidente!
Elle fut déchargée de son fardeau! Elle rayonna! Elle fut libre, à l'infini! Elle fut comblée d'amour et ses derniers sanglots étaient comme la rosée sur les roses!
Cependant, en France, Dan Curtis se rongeait les sangs! Il devait louer une voiture et il savait ce qui l'attendait! La seule agence, qui ne pratiquait pas de tarifs prohibitifs, se trouvait dans un hypermarché et donc il y avait d'abord les lieux! C'était tellement grand, qu'on avait l'impression que les gens se trouvaient dans une autre ville! Evidemment, quand on était réduit soi-même à la taille d'un atome, on se sentait facilement perdu et même méprisé! Par conséquent, à l'accueil du service, chez les clients comme du côté du personnel, il y avait de la tension, de la peur et de l'agressivité! Comme l'architecture semblait écraser tout le monde, on ne respectait personne!
C'était une véritable épreuve de force, que de louer une voiture! Il y avait surtout trois DTN (ou peu s'en fallait!) derrière le guichet! Trois femmes! L'une, massive, avec des épaules carrées, essayait d'emblée de vous détruire! Elle n'aimait pas son travail et sa haine débordait! Elle cherchait la faille du client et triomphait si une erreur, une pièce qui manquait par exemple, rendait la location impossible! On suait à grosses gouttes devant elle, alors qu'elle perçait le bateau qui la faisait flotter!
Une autre luisait de satisfaction, comme un biscuit au beurre! Elle était la discrétion même et ne se trompait jamais! Vous pouviez lui faire un compliment et il était accueilli comme par une tombe! L'univers de cette femme était une quatrième dimension, dans laquelle il valait mieux ne pas s'aventurer! Ce qu'on en apercevait, c'était des soleils morts, une banquise éternelle, que parcouraient d'étranges traces de sang! Et toujours ce petit sourire glacial et suffisant!
La dernière décrochait le pompon! Elle avait la tête comme une hache et pensait encore séduire! Son attitude était celle d'une directrice, mais elle perdait les clés, les dossiers et même les voitures! On partait une heure plus tard, épuisé, et on n'avait qu'une envie, se garer sur le bas-côté et dormir deux siècles! Elle avait la haine tenace, à mesure que son incurie se révélait! C'était la détresse d'un cœur solitaire, au-dessus d'un chaos de carrosseries!
Mais Dan devait y aller, car, toujours entre deux voyages, il ne disposait pas de véhicule et il avait promis à sa nouvelle collègue, Diane, qu'il allait l'aider à protéger ses chevaux! Ceux, qui vraisemblablement se trouvaient derrière les mutilations, ne pouvaient qu'être des DTN épouvantables! Ils étaient devenus les maîtres de la nuit, même si beaucoup de questions restaient en suspens!
Dan prit un transport en commun et à côté de lui, un couple s'embrassait! "Pourquoi ai-je ouvert les yeux? pensa Dan. Qu'ai-je à faire des Doms? N'est-il pas là le bonheur, dans l'abandon avec un autre?"
Dan se mit à rêver et croisa le regard de quelqu'un qui semblait lui dire: "Toi, tu perds rien pour attendre! Quand le moment viendra, on s'occupera de toi!" Cette haine réveilla Dan et il eut d'autres réflexions: "Au fond, nous sommes seuls et c'est normal! songea-t-il. Ne voulons-nous pas nous connaître, être nous-mêmes? Il nous faut nous séparer des autres, de même que nous avons quitté le ventre maternel! Ce n'est qu'en tenant debout sur ses propres jambes, qu'on peut être lucide, voir sa domination et la neutraliser!"
Ainsi vivaient et pensaient les hommes, quand ils ne faisaient pas le mal!