L'ego et la lumière!

 

 

LUC GÉRARD

 

 

L’EGO ET LA LUMIÈRE

 

 

1

 

 

L’ego est maussade ! Non qu’il ait faim, au contraire ! Il mange trop ! Il en est dégoûté ! La nourriture, c’est comme les problèmes : il y en a pléthore, jusque-là ! L’ego est maussade, il fait la grimace ! Que lui manque-t-il ? Que lui doit-on ? Il fait le tour des choses, le compte ! L’ego est maussade, il regarde le monde avec dégoût ! Sa tête grise de requin fait le tour, inspecte, rumine !Quelle sera sa victime ? Qui va payer la facture ?

Car rien ne va comme le veut l’ego ! Ça non ! Il est spolié, c’est évident ! lésé ! On lui doit quelque chose ! Mais quoi ? L’ego est maussade, fermé, qui va payer ? L’ego est en colère ! Il rugit ! Il tape ! écrase ! vocifère ! Il présente la facture, la note, l’addition ! Le montant : c’est la consommation en chauffage de l’enfer depuis qu’il existe ! De quoi trembler !

L’ego est maussade ! Il tourne sa tête grise de requin ! Il passe des enfants à la moulinette, pendant qu’il discute ! Il est plein de sang et sourd aux cris ! Il a d’autres chats à fouetter ! Il veut envahir l’Asie ! Il a aussi son champ de pyramides et il faut quand même l’entretenir ! C’est du boulot !

Évidemment, l’ego ne peut pas acheter le soleil ! Il n’est pas bête à ce point ! Il sait qu’il y a des limites ! Il a été bien éduqué, il peut être raisonnable ! Mais ses dix mille pétroliers, faut bien qu’ils circulent ! La vie n’est pas rose ! Elle est même injuste, cruelle !

L’ego est maussade ! Il tourne sa tête grise de requin ! Qui va payer ? Qui est responsable du malheur de l’ego ? Des esclaves sont là, tremblants… Ils offrent à l’ego ce qu’ils ont de mieux…Mais l’ego leur crache dessus ! Quoi, ils ne sont pas assez heureux d’être esclaves ! Il faudrait encore leur donner de l’attention !

L’ego dresse sa tête dans l’espace, elle se détend jusqu’aux bornes de l’univers ! Les supernovæ n’ont qu’à bien se tenir ! Dieu lui-même doit prendre le sceau et la serpillière ! Et qu’ ça frotte et qu’ ça brille ! L’ego est maussade ! Il tourne sa tête grise de requin : qui va payer ?

L’ego est plein de morale, plein de sagesse ! Il dit qu’il faut être humble, ne pas se croire le centre du monde ! qu’il faut bosser ! qu’on ne fait pas ce qu’on veut ! que la vie n’est pas une partie de plaisir ! On opine, il faut filer doux ! Car qui peut affronter l’ego ? l’ego impayable ! l’ego extraordinaire ! l’ego fou !

Qui peut lui dire la vérité ? lui tendre un miroir ? Autant caresser un serpent à sonnettes ! Autant marcher sur la mer en pleine tempête ! Autant rire sur une mine ! L’ego explose au moindre mot ! à la moindre aspérité ! à la moindre plume ! Il explose et pulvérise ! Pourquoi ? Pourquoi l’ego est-il à vif ? C’est maladif ? Notre époque est une poudrière ! Pourquoi l’ego ne supporte rien ? Il en a plein la gueule pourtant ! Le moindre reproche, la plus petite observation et il explose ! On lui coupe un bras ! Il n’a aucune force apparemment !

La force permet le dialogue, pas l’ego ! La paix, c’est la force ! L’ego ne connaît donc pas la paix ! Pourquoi ? Peut-on satisfaire l’ego ? L’angoisse vide l’ego ! L’ego ne guérit pas son angoisse ! L’ego est un monde clos ! L’univers doit nourrir l’ego, tout doit aller dans le sens de l’ego ! C’est incessant et épuisant ! L’animal apaise sa domination, pas l’homme ! Car il a soif d’éternité ! Voilà pourquoi l’ego est maussade et tourne sa tête grise de requin !

Qui va payer la facture ? A qui le tour ? Le gouvernement, l’exploiteur, le facteur, l’étranger, les bigorneaux ? le fils du voisin ? le curé ? le chômeur ? L’ego rumine : faut des coupables ! L’ego fait la une et dit qu’on le néglige ! L’ego marche sur des cadavres et dit qu’il n’y a personne ! L’ego est gavé et dit qu’il ne reçoit rien ! L’ego agresse comme un voyou et dit qu’il est en haillons sous la neige ! L’ego crie au danger et ronfle tout son soûl ! L’ego alerte sur la dictature et insulte les passants !

Non, l’ego est maussade ! Ça ne va pas ! Il tourne sa tête grise de requin… Qui va payer la facture ? Qui va être écrasé, broyé, déchiqueté ? L’ego renifle… Attention ! Qui va prendre ? Qui va morfler ? L’ego se dresse tel le tsunami… Qui sera emporté, noyé ? L’ego finalement rit (un rire sinistre, on dirait un gond rouillé!) Et tout le monde rit ! Finalement, y a pas qu’ du sang dans la vie !

Mais l’ego vient d’attraper quelqu’un, un pauvre gars innocent ! Et il le dévore, alors que la bonne humeur n’est pas encore retomber ! Sacré ego ! Impayable ego ! Magnifique ego ! L’ego, c’est l’avenir, sûr !

 

 

2

 

 

L’ego est un farceur ! Il est contre le fascisme ! Il se dit antifa ! Il est contre la soumission ! Les gros trusts ! les riches ! et il se dit insoumis ! Il lutte pour la liberté ! C’est beau, c’est grand ! Tiens, on a la larme à l’œil ! Mais pourquoi ? Pourquoi l’ego lutte pour la liberté ? Mais pour dire : « Regardez-moi ! C’est moi, l’ego ! Admirez-moi ! Je suis le centre ! Le post-ado ! C’est moi la vedette ! »

Hein, l’ego quel farceur ! La justice sociale ? Mais c’est moi le maître ! Regardez le pauvre !Vous ne le considérez pas ! Autrement dit, vous m’ignorez ! Respectez le pauvre, donc respectez-moi ! Le pauvre en haut ! Donc moi en haut ! A bas le fascisme ! Car il est en haut, il commande !Alors que moi je suis en bas !

L’ego pousse et veut la place ! C’est sa misère ! C’est sa chaîne ! C’est sa soumission, son esclavage ! C’est sans espoir, sans issue ! Car que peut espérer au fond l’ego ! Être le maître ? Être la star, comme dans ses rêves d’ado ? Il veut quoi ? Il veut de la soumission, de l’esclavage, de l’admiration, comme dans ses rêves d’ado, où il était plein de lui-même ! où il était le centre ! où on l’adulait ! où il était en sécurité ! où il n’y avait rien d’autre que lui !

C’est ce que veut l’ego, rester un ado ? Mais ce n’est pas possible ! C’est sans issue ! Nul n’est le maître, quand tout le monde veut l’être ! Alors l’ego déteste ce monde, qui n’est pas comme dans ses rêves d’ado ! On échappe à l’ego ? Il méprise, hait, détruit ! L’ego est l’ado haineux, boudeur !La lumière échappe à l’ego et il aboie et veut la mordre !

La lumière échappe à l’ego, car elle n’a pas besoin de lui ! Elle n’a plus d’ego ! Elle seule est libre, pas l’ego ! Cours, cours l’ego ! Aboie, aboie ! Mords ! Mords ! C’est sans espoir ! L’ego est une prison, où il n’y a pas d’eau ! où on meurt de soif ! L’ego chaque jour montre les dents ! Pauvre ego ! La lumière s’en joue !

La lumière est comme l’eau : elle chante et danse ! La lumière est libre, pas l’ego ! L’ego dit : « Alerte ! Alerte ! Y a urgence ! Problèmes ! » La lumière hausse les épaules ! Elle connaît les problèmes de l’ego, ce farceur ! C’est sans fin ! La peine de l’ego, c’est l’ego ! La peine de l’actualité, c’est l’ego ! L’ego est triste ! C’est un assassin ! Chaque jour il piétine, méprise, écrase !Il essaie de tuer la lumière, mais elle s’échappe comme un papillon ! Elle connaît les mensonges de l’ego ! Ce farceur !

L’ego dit : « Regarde mes pauvres ! Vois comme ils sont victimes de l’injustice ! Tu sais combien gagne machine ? » L’ego fait trembler au nom de ses pauvres, mais il s’en sert, car l’ego des pauvres est plus petit ! Sans danger pour le sien ! L’ego se moque des pauvres ! La belle affaire ! A bas le riche, puisqu’il ne pense pas à moi ! puisque c’est lui qui dirige le monde, selon ses rêves d’ado !

L’ego ne supporte pas qu’on lui échappe ! qu’on ne lui soit pas soumis ! Ainsi l’ego n’aime pas l’ego ! Et surtout pas la lumière ! La lumière est belle ! Elle ne se nourrit pas de l’ego ! Elle rit de l’ego ! Elle est paisible ! Quel est son secret ? C’est l’amour ! L’amour sans ego ! Est-ce possible ?La lumière qui scintille sur le ruisseau qui chante… Est-ce possible ? Le géant de coton dans le ciel bleu… Est-ce possible ? La caresse de la mer, après sa furie… Est-ce possible ? Un sourire, à côté de la haine… Est-ce possible ?

Oui, l’amour sans ego est possible ! C’est plus tes rêves d’ado ! C’est plus toi le maître ! C’est toi libre, sans ego ! C’est la lumière et le mystère ! Allez, viens, faisons jouer le triste ego ! Faisons lui faire le beau ! Il est tellement bête ! tellement haineux ! tellement laid ! La lumière rit de l’ego ! Elle rit de la haine de l’ego ! L’ego fulmine, enrage, car il voit que la lumière lui échappe ! ne lui est pas soumise !

La haine de l’ego nourrit la lumière ! Elle lui donne raison ! Pauvre ego ! Triste ego ! Laid ego et assassin ego ! Quel farceur ! Mais quelle tête il a ! Les enfants rient de lui !

 

 

3

 

 

L’ego dit à la lumière : « Tu n’es pas sérieuse ! Tu es inconséquente ! Tu verras, la vie c’est bien autre chose ! Faut travailler, gagner sa croûte ! C’est pas comme tu veux ! En fait, tu t’ fous d’ ma gueule ! Je me saigne aux quatre veines et toi, qu’est-ce que tu fais ? Tu ne penses qu’à toi ! Tu t’ la coules douce ! Tu parades ! Il va falloir que tu changes ! Que tu arrêtes de tout concentrer sur toi ! Etc. ! »

La litanie de l’ego est sans fin ! Elle fonctionne comme un marteau-pilon ! dans le cosmos ! Les Vénusiens, eux-mêmes, l’entendent ! Ils demandent : « Mais qui fait du bruit comme ça ? C’est encore les Terriens, j’ parie ! Oh ! Oh ! Les Terriens, un peu d’ calme ! Y en a qui ont besoin d’ s’ reposer ici ! Foutus Terriens ! »

Et les Vénusiens marmonnent, mais les Terriens n’arrêtent pas ! Et l’ego continue d’assommer la lumière ! Il veut faire peur à la lumière ! Il veut l’écraser ! Car l’ego cherche le pouvoir, le commandement ! Et le monde décrit par l’ego devient terrible ! Si on en croit l’ego, les hommes ne connaissent pas le plaisir ! Ils travaillent, c’est tout ! Ce sont des forçats ! Toute la journée à pousser les wagonnets d’ soufre ! Ils sont pleins de poussière et ils suent et ils toussent !

Vision qui fait frémir la lumière ! Elle qui veut aimer, chanter, jouer les cigales ! « Oui, le monde est terrible ! dit l’ego, qui se dresse au-dessus de la lumière, tel un manteau de nuit ! La vie te réduira en miettes ! Elle te plongera dans les oubliettes ! Malheur à celui qui s’écarte du devoir !Malheur à celui qui ne travaille pas ! Malheur à l’innocence, la naïveté ! »

La lumière, qui aime le soleil et les papillons, se met à trembler ! Elle ne se rend pas compte du cauchemar qui l’attend ! Elle maudit ses rêves, sa candeur ! Elle se frappe la poitrine pour s’endurcir, pour se préparer au pire ! L’ego a parlé, a montré la réalité ! La lumière se sent coupable d’être !

Mais est-ce possible ? Peut-on naître erreur de la nature ? Peut-on se détruire fondamentalement ? Peut-on être totalement mauvais ? Les ruisseaux et la mousse, la feuille émeraude, c’est de la bouse ? C’est que des cellules et des électrons ? C’est « nada », pour plaire au physicien ou au généticien ? La lumière s’interroge ! Elle veut se jeter par la fenêtre, car elle se hait d’exister ! Elle se trouve si bête, si inutile !

Les Vénusiens sont encore obligés d’intervenir : « Oh ! Oh ! crient-ils à la lumière.

Vous n’allez pas sauter et faire la conne ! Manqueriez plus que vous atterrissiez sur not’ barbecue !

_ Z’avez raison ! dit finalement la lumière. Y a mieux à faire ! Et d’abord une enquête ! Car peut-on vivre sans plaisirs ?

_ Non ! répondent en chœur les Vénusiens.

_ C’est bien c’ que j’ pensais ! »

Voilà la lumière qui prend sa loupe, sa pipe et sa casquette, et qui commence ses investigations ! « Hum ! Hum ! se dit-elle. Voilà des traces de plaisirs laissées par l’ego ! Elles mènent où ? » La lumière ouvre une porte et qu’est-ce qu’elle voit ? L’ego est là dans le cosmos ! C’est une statue d’or, qui sourit en s’admirant ! qui ruisselle de vanité et de complaisance ! qui brille de mille feux devant la glace ! Et à ses pieds des millions d’esclaves s’empressent, s’épuisent, meurent, pour essayer de la satisfaire !

De temps en temps, l’ego en écrase un ou le croque, ce qui fait que le sang se mêle à l’or ! La lumière n’en croit pas ses yeux ! Elle est épouvantée ! elle qui est si naïve, si bête aussi ! « C’est la vie dure ! » se dit-elle. Mais soudain l’ego la voit et le meurtre apparaît dans ses yeux ! Il doit maintenant tuer la lumière, car il ne faut pas qu’on sache qui est vraiment l’ego !

Tout s’explique ! Le monde est chaos pour plaire à l’ego ! Et la lumière ? Elle rase les murs et surveille son dos ! L’ego est l’animal dévoreur de cerveaux ! Son hypocrisie est reine !

« Ouais ! Ouais ! fait un Vénusien. J’ savais bien qu’ les Terriens n’étaient pas « clean ! » Ici, au moins on est sérieux ! On bosse ! »

 

 

4

 

 

L’ego n’aime pas la lumière ! Elle provoque d’emblée son dégoût ! L’ego n’aime pas la lumière ! Dès qu’il la voit, il se crispe, la hait et rêve de la détruire ! Et tout cela avec le sourire, en s’efforçant de rester le plus aimable possible ! Car l’ego se sentirait faible s’il laissait apparaître ses sentiments ! Se montrer touché, envieux, c’est dévoiler son infériorité ! L’ego doit être au-dessus des querelles, tel l’aigle qui plane sur les cimes ! L’urbanité rayonnante et un rien condescendante est l’image de la réussite, de l’équilibre, de la force ! C’est le masque de la compréhension, de l’indulgence et ainsi l’ego et la lumière ont l’air des meilleurs amis du monde ! Ainsi va la société sous le soleil : responsable, raisonnable, faite pour durer !

Mais l’ego déteste la lumière ! Il ne peut pas complètement cacher son dégoût et sous les apparences, il cherche comment blesser, rabaisser, anéantir la lumière ! L’ego devant la lumière est une machine à penser ! Il y a un écran, le visage; des mots, un langage connu de tous, rassurant, mais sous la façade, le cerveau s’agite, se débat, fonctionne à toute allure, comme un nageur fonce vers la surface, pour respirer ! L’oxygène de l’ego, c’est sa supériorité ! Pendant ce temps, la lumière attend ! Elle attend le coup qui va lui être porté ! Elle voit les efforts de l’ego, elle connaît ses interrogations, car l’ego se demande qui elle est, et elle sait qu’il va frapper !

C’est dans l’ordre des choses ! L’ego ne domine pas la lumière et se nourrit pourtant de la domination ! Il faut donc qu’il supplante, domine la lumière ! L’ego n’a qu’un seul but, qu’une seule raison de vivre et c’est sa domination, le sentiment de son importance ! Ainsi l’ego se tient devant le cosmos et la mort ! comme l’animal sans conscience ! juste animé par sa lutte contre des rivaux et des prédateurs ! ce qui mène à la défense de son territoire et à la suprématie de son individualité ! Ainsi l’ego combat tous les pouvoirs, tous les privilèges, toutes les inégalités, tous les éléments étrangers et qui ne lui sont pas soumis ! Ainsi l’ego n’aime pas la lumière !

Elle pourrait cependant aider l’ego ! Elle pourrait lui dire que c’est justement lui-même son fardeau ! Ne faut-il pas à l’ego qu’il se sente toujours supérieur, pour avoir l’impression de vivre et échapper à son angoisse ? Cela n’inclue-t-il pas un rapport de force constant, avec des victimes ou des inférieurs ? Cela ne demande-t-il pas à l’ego d’être parfait, sans taches, sans fêlures, d’être toujours prêt, d’avoir réponse à tout ? L’ego est comme une forteresse qui doit veiller ! Puisqu’il s’agit de vaincre, il a forcément des ennemis ! Et puisqu’il doit triompher, il ramène tout à lui ! C’est une machine de guerre ! Si la joie, c’est écraser l’adversaire, elle ne dure pas évidemment !

La lumière pourrait aider l’ego, qui ne sait pas se reposer, qui s’épuise, qui vit dans le chaos ou la nuit ! Mais, si la lumière dit à l’ego qu’elle peut l’aider, elle suggère qu’elle en sait plus que lui et que donc elle lui serait supérieure ! Elle ne fait que renforcer le dégoût et la haine de l’ego à son endroit ! La sollicitude, la bienveillance de la lumière produisent la fureur de l’ego ! C’est la catastrophe ! La supériorité de l’ego est ébranlée et par les fissures entrent la peur et l’angoisse de l’homme face à sa condition ! C’est la différence qui pénètre dans le château ! L’équilibre de l’ego n’existe plus, car il ne domine plus ! D’où la violence de l’ego, qui peut aller jusqu’au meurtre ! Plus l’ego s’est renforcé, fermé et plus sa réaction est vive, sa chute terrible !

Il y a toutes sortes d’egos ! Il est des egos éclairés, qui reconnaissent la lumière, qui sont presque libérés ! Il est des égos comme des cochons, qui avancent vers la lumière en cherchant à l’écraser de tout leur mépris ! Il est des égos telles des pierres dressées, hermétiquement clos et morts ! Ce sont des maîtres qui pleurent dans la nuit ! Il est des egos vacillants, inconséquents, fuyants ! Tous n’aiment pas la lumière et cherchent à la blesser, pour la dominer ! Et la lumière doit supporter leur dégoût, leurs astuces, leurs coups bas et humiliants ! L’ego est dans la nuit et ne sait pas ce qu’il fait ! Sa haine est pourtant, aux yeux de la lumière, réglée comme du papier à musique ! La lumière n’en est pas surprise, ce qui stupéfie l’ego, car c’est une preuve de la supériorité de la lumière !

La lumière est supérieure à l’ego, car justement elle ne cherche pas à le dominer ! Elle est libérée de l’ego et c’est ce qui fait sa force ! Elle ne juge pas l’ego, mais elle ne peut pas non plus ne pas en souffrir ! L’ego fait mal à la lumière ! Il veut triompher d’elle ! Il jubile quand cela arrive ! Il ne comprend pas qu’il fait là son malheur, qu’il s’enfonce encore plus dans la nuit ! Plus l’ego s’enivre et plus il a besoin de dominer ! Plus il est victorieux et plus il a besoin de victoires ! C’est jeter de l’eau sur du sable ! C’est vouloir des médailles contre l’angoisse ! C’est ne pas répondre aux questions ! C’est un standing, loin de la lumière, dans le chaos !

 

 

5

 

 

L’ego n’aime pas la lumière ! Il en est dégoûté dès qu’il la voit ! Car l’ego veut le pouvoir et qu’on l’admire, or la lumière ne peut admirer l’ego ! L’ego est une prison et la lumière est libre ! L’ego hait et la lumière rayonne ! L’ego est inquiet et la lumière sereine ! L’ego calcule et la lumière aime ! Comment la lumière pourrait-elle admirer l’ego ? Est-ce qu’un dauphin jalouse le scaphandrier ? L’ego, c’est l’individu en prison, uniquement penché sur lui-même ! La lumière, c’est la magnificence, la beauté du monde ! C’est le don et la force ! Comment la liberté pourrait-elle souhaiter les chaînes de l’ego ?

Mais l’ego veut qu’on l’admire et qu’on s’occupe de lui, ainsi il sent son importance, son pouvoir ! Le pouvoir est son lait ! C’est ce qui le rassure et le nourrit ! C’est ce qui lui fait croire qu’il donne un sens à la vie et que celle-ci est normale ! L’ego instamment recherche le pouvoir, le sentiment de sa supériorité ! S’il rencontre un obstacle, si on ne l’admire pas, il hait et veut détruire ! Il ne va pas plus loin, comme l’animal charge et chasse le concurrent ! L’animal ne dit pas : « Il y a de la place pour deux ! » Ainsi l’ego est l’animal qui est en nous ! Ainsi les sociétés restent animales !

L’ego, c’est la domination de l’individu, mais pour la lumière personne n’est roi ! Pas même le peuple ou le pauvre ! L’ego n’a pas de classe sociale ! Il est partout et vient de notre origine ! Ainsi le pauvre ou le peuple peuvent haïr la lumière ! L’ego, c’est le travailleur ou le riche ! Ainsi le communisme est contre nature, car le libéralisme convient à l’ego ! Mais la lumière ne veut pas du pouvoir, ni dominer ! Elle se réjouit de ce que la vie existe et de toute son étendue, qui est infinie ! La lumière n’a pas de frontières, ni même d’ennemis et elle comprend que la souffrance provient de l’ego, de l’ego qui s’enferme et qui refuse d’évoluer !

Plus il a peur et plus l’ego est terrible ! Plus la situation est inquiétante et plus l’ego se renforce et se dresse ! d’où la montée des extrêmes (la droite comme la gauche!), d’où les intégrismes, les radicalismes, les populismes ou les nationalismes ! L’ego se replie sur soi et dénonce ses adversaires ! Son cauchemar peut être les capitalistes, les profiteurs, la mondialisation, l’Europe, les étrangers, les athées, les impies, l’industriel, etc. ! L’ego a ses coupables, ce qui lui évite de se remettre en question ! Il ne s’agit pas pour l’ego de se diminuer, puisqu’il vit de la domination ! Il obtient le pouvoir, en luttant contre celui-ci ! Il est violent contre la violence ! L’ego fustige l’ego, comme le chasseur se tire une balle dans le pied ! L’ego est dans la nuit !

Mais comment l’ego blesse-t-il la lumière ? Mais de mille façons ! Dégoût, mépris, sournoiseries ! L’ego, dans ce domaine, est un représentant qui n’est jamais en panne d’idées ! Il faut toujours qu’il se sente supérieur et par exemple, il ne répond pas à la lumière, quand celle-ci lui explique quelque chose, comme si elle n’existait pas ou qu’elle était débile !

La lumière dit encore au revoir ou merci dans le silence, ainsi qu’on aurait déjà été trop bon de lui parler ! La lumière est toujours perdante, face à l’ego ! C’est lui le maître ou la maîtresse et il est impossible de lui faire entendre raison ! Tout au plus, la lumière le calme, essaie de le faire sourire, mais l’ego fait tourner le monde autour de lui et appauvrit, désole la lumière !

L’ego ne s’intéresse pas aux autres, il n’en est pas curieux ! Il se raccroche à son pouvoir, c’est son radeau sur le flot de la vie ! Pas question qu’il en descende ! La lumière visite les egos qui l’entourent, comme une gardienne de prison… Ils sont là dans leur cellule et n’ont aucune vision du monde extérieur ! Ils sont comme des disques rayés, puisqu’il est toujours question d’eux, et pourtant ils souffrent ! Mais ils ne veulent ni changer, ni écouter ! Leur tyrannie est leur malheur, car elle les prive de la connaissance !

La lumière peut donner, au contraire de l’ego qui ne fait que prendre, et c’est pourquoi elle est chère à l’ego ! Deux égos ne peuvent pas s’entraider, ils se piétinent ! Mais l’ego apprécie le regard de la lumière, son intérêt pour lui est sincère ! Il en profite, mais la lumière, elle, a l’impression de nourrir des fauves ! Car l’ego ne paraît jamais satisfait et pourtant il dévore ! Il avale des bœufs entiers sans sourciller ! Il ne montre jamais qu’il prend plaisir ! Pour lui, ce serait déchoir, perdre du temps ! Remercier, c’est accorder de l’importance, de l’attention à l’autre, ce qui en fait moins pour soi ! L’ego ne sait pas vivre, ni se détendre, ni aimer et sous les yeux de la lumière, il va vers le pire ! Elle le voit se fatiguer, s’user, se détruire, se noyer ! Elle a les solutions, les remèdes, mais elle doit les garder pour elle ! Elle est le témoin d’un gâchis continuel, d’une tragédie stérile !

 

 

6

 

 

L’ego travaille, c’est ce qu’il dit et qu’il croit ! En effet, il est nécessaire de gagner son pain et l’ego a un emploi, se plie à des horaires, effectue des tâches contraignantes, subit du stress, contre un salaire, une protection sociale ! Puisqu’il n’est pas libre et remplit des devoirs, l’ego pense qu’il travaille et il fait même volontiers la leçon à la lumière ! Car celle-ci voit au-delà des apparences et relativise l’effort de l’ego ! Inquiet et gagné par la colère, car la peur engendre la haine, l’ego réplique sèchement, voire violemment !

Il dit à la lumière et c’est quasiment toujours le même discours : « Toi, tu ne connais pas la vie ! On ne fait pas ce qu’on veut ! Comment crois-tu qu’on va payer ceci et cela ? Faut bosser, car on te f’ra pas d’ cadeaux ! » Les mots sont martelés et on assomme la lumière ! La peur est palpable, elle est transmise à la lumière, qui est plongée dans la confusion ! Car on dit à la lumière qu’elle se trompe, qu’elle n’a pas raison d’être, qu’elle doit absolument changer ! Or, la lumière n’a jamais voulu être quoi que ce fût ! Elle ne cherche pas à s’imposer, ni à commander ! Elle est ce qu’elle est et comment, dans ce cas, pourrait-elle s’anéantir ?

Il y a donc quelqu’un qui n’est pas honnête et ce n’est pas la lumière ! C’est l’ego qui se ment à lui-même et aux autres ! La preuve ? L’ego dit que le travail est un devoir, une contrainte, or l’ego ne change pas, il n’évolue pas d’un centimètre ! L’ego garde tous ses plaisirs, toute sa haine, toute son impatience, toute sa soif de pouvoir, toutes ses illusions, tout son rêve, bien qu’il ne soit pas libre et qu’il travaille, comme il le soutient ou l’affirme ! Donc, le travail de l’ego ne gêne pas vraiment l’ego et son effort reste superficiel !

L’ego travaillerait, mais il se ferait violence, il lutterait contre lui-même, il se transformerait en profondeur ! Voilà le véritable travail ! celui qui nous améliore, qui nous fait douter, qui nous apprend à contrôler nos pulsions, nos appétits, qui nous conduit au respect de l’autre et à la patience ! Voilà ce qui nous contraint réellement, qui mesure notre effort, qui montre que nous ne chômons pas, que nous sommes responsables ! Les sillons du front valent bien ceux des champs et en tout cas, ils sont aussi nécessaires ! Car l’ego ne permet pas la vie en commun, tandis que la lumière la favorise !

Tant que l’ego reste l’ego, il ne travaille pas ! Il est comme l’arbre mort ! Il a beau montrer sa fiche de paye, se plaindre de ses horaires, de son patron, du gouvernement, des exploiteurs ou du temps qu’il fait, il n’est pas crédible ! Il peut certes subir des injustices, mais pauvre ou riche, il demeure un enfant gâté ! Que l’on songe déjà combien il est difficile de réfréner son impatience ! Qu’on se rappelle comment elle brûle le ventre ! La haine se dresse comme un serpent, elle siffle et veut frapper ! Qui a le courage alors de la rentrer dans son panier ? Il est tellement plus facile de lui donner libre cours !

L’ego, lui, trouve sa haine juste ! Il trouve sa colère valable ! Il ne voit vraiment pas pourquoi il s’arrêterait ! Il ne sait pas se retenir, mais au contraire il pense avoir tous les droits ! C’est son apanage, sa marque de fabrique ! Et sa furie se déclenche ! C’est la tempête et malheur aux coques fragiles ! Mais, sous ce déchaînement, où sont les digues du doute ? celles qui résultent d’un long et patient travail intérieur ? Où est la vraie contrainte, la vraie évolution ? Où est le labeur viscéral, acharné, persévérant, humble, fidèle, d’autant qu’il est sans gloire, dans l’ombre, ingrat ? Qui a le cerveau crevassé comme la main du paysan ? Qu’est-ce qui est le plus amer, l’étendue salée ou l’âme qui souffre ?

Or, l’ego ne change pas ses sentiments ! Au contraire, il en est très fier ! Il explique qu’ils sont parfaitement justifiés ! Il s’aime énormément ! Et il attend des autres de l’admiration ! Cela va de soi ! Il n’y a donc aucun travail intérieur chez l’ego, ou si peu ! La moindre critique provoque sa haine ! Il s’emporte et il dit qu’il travaille ! La lumière rit à gorge déployée ! Le véritable travail n’est-il le pas le travail de l’amour ? Seul l’amour a la force pour que l’individu change ! Seul l’amour ploie l’ego ! Ce n’est qu’en aimant que l’ego travaille ! qu’il sue sang et haut et qu’il s’améliore ! Au revoir salaires et horaires ! Au revoir grèves et justice sociale ! Au revoir profits et parades ! Au revoir bourse et puissance ! Tu veux du dur, du âpre, du fort ? Tu veux vraiment savoir ce qu’est travailler ? Aime !

Tu veux vraiment être humain, être digne d’un salaire, mériter ton pain ? Aime ! Tu veux vraiment rire de l’ego, de ses colères ou de ses plumes ? Aime ! Tu veux vraiment être sérieux ? Aime ! Tu veux vraiment parler de justice ? Aime ! Tu veux vraiment la science ? Aime ! Tu veux vraiment être heureux ? Aime ! Le reste, c’est de l’enfantillage !

 

 

7

 

 

L’ego n’aime pas la lumière ! Il ne s’intéresse pas plus aux nuages, au bleu du ciel, aux fleurs, aux petits oiseaux ou au chant du ruisseau ! Tout cela ne l’émeut pas, lui fait juste hausser les épaules, de mépris, car l’ego n’aime et n’admire que lui-même ! L’ego ne recherche que l’ego, comme un chien de chasse renifle la piste, car c’est l’ego qui est le repère de l’ego ! C’est l’ego vaincu, qui baisse les yeux ou qui est séduit, qui dit à l’ego qu’il existe et qu’il est supérieur ! Ainsi les villes s’étendent indéfiniment, car la nature n’a pas d’ego ! Elle lui est inutile, sauf pour être exploitée ! Ainsi l’ego détruit sa planète, car elle n’est pas son miroir !

La nature est broyée par l’ego, car il ne la comprend pas ! Au contraire, elle lui fait peur ! L’ego n’aime pas le silence, car ce n’est pas de l’ego ! L’ego n’aime pas attendre, car ce n’est pas de l’ego ! L’ego hait l’anonymat évidemment ! L’ego veut toujours sentir sa puissance et c’est pourquoi il crie, il hurle, il casse, injurie, etc. ! C’est le bruit et l’agitation sa perfusion ! Ainsi on bétonne tout le temps, ainsi les chantiers sont sans fin, ainsi règnent le chaos et la violence, ainsi nous sommes comme des barques emportées par la tempête ! L’ego ne sait ni se retenir, ni admirer ! Il n’a pas d’équilibre ! Nous nous dévorons les uns les autres, car nous ne savons pas rester tranquilles !

L’ego n’aime pas la nature, car elle l’angoisse, et pourtant il réclame à corps et cris qu’on la sauve, qu’on la protège ! Que ne change-t-il d’abord lui-même ? Mais crier, combattre plaisent à l’ego, car c’est de l’ego ! L’ego se fait valoir à travers la lutte : c’est de lui qu’on parle et il est sur le devant de la scène ! Ainsi l’ego se sert du pauvre ou de la nature ! Mais que ne change-t-il d’abord lui-même ? Qu’il reste devant un arbre, qu’il suive son écorce et son feuillage et qu’il respire en prenant conscience de cette grandeur, de cette force, de cette paix ! Mais l’ego est déjà parti, tout ce qui est immobile l’ennuie, car ce n’est pas de l’ego ! La fleur, l’abeille qui bourdonne au-dessus, ne parlent pas de l’ego ! La beauté de la nature invite l’ego à se dépasser, à voir plus grand que lui, d’où son ennui et même sa haine ! L’ego, c’est le serpent qui avale sa queue et ainsi nous nous condamnons !

L’ego est effaré par la lumière ! « Comment ? Comment tu ne t’énerves pas ? crie l’ego à la lumière. Comment peux-tu rester aussi calme ? Il y a mille choses à faire ! Il y a urgence ! Si tu ne fais rien, le loup te mangera ! » La peur de l’ego vient sur la lumière comme un lance-flammes ! Mais la lumière n’a pas peur, pourquoi aurait-elle peur ? Elle connaît le temps des nuages, la caresse de la mer, l’or des fleurs ! Où est la peur dans la beauté ? La lumière apprend en admirant ! Si la lumière n’a pas peur, c’est parce qu’elle n’est pas de l’ego ! Son temps, son échelle sont celui de la beauté ! La lumière est patiente, quand l’ego est déjà inquiet de sa supériorité ! L’ego a peur quand il ne contrôle pas, qu’il n’est pas le chef, qu’il ne soumet pas ! Voilà son souci, sa peine, sa soif et c’est pourquoi la lumière ne s’énerve pas, car ce sont des problèmes d’ego ! Que l’ego change et il connaîtra la paix de la lumière !

Mais cela ne fait pas l’affaire de l’ego ! C’est lui qui doit gagner et vaincre ! Et le voilà en campagne, en train de s’agiter et de faire du bruit ! L’ego se sert des pauvres, de la nature, de l’économie, de l’emploi, de tous les prétextes possibles et surtout de la nécessité, puisqu’il y a urgence ! L’ego nous explique qu’on n’a pas le choix, qu’on doit agir comme il le dit et il se confond parfaitement avec la nécessité ! L’ego est un martyr du devoir, derrière lequel il disparaît ! A en croire l’ego, lui-même n’existe pas ! Il est seulement le messager de la nécessité ! Et puis voilà qu’il se scandalise, qu’il hait, qu’il rugit, qu’il s’emporte quand on ne lui obéit pas ! Qu’est-ce qui crée sa colère ou sa peur ? C’est qu’il n’arrive pas à vaincre, qu’il est impuissant et qu’il perd donc le sentiment de sa supériorité ! C’est l’angoisse qui arrive, quand il doit attendre, qu’il est placé face au vide, de même que quand il est devant la nature et son apparent néant ! L’ego ne supporte que l’ego et c’est pourquoi nous détruisons la beauté du monde !

L’ego peut devenir lumière : il lui suffit d’admirer la nature ! Lentement, l’ego s’y apaise et s’y dissout ! L’ego se change en lumière, sous l’effet de l’alchimiste nature ! La paix le pénètre... Mais il n’en veut pas ! C’est se diminuer ! L’ego veut du bruit et de la fureur ! Il veut la flamme qui l’enchante et qui pourtant le consume ! C’est tellement bon, tellement rassurant ! Il faut de la haine et des grands projets ! Il faut paraître et dominer ! Le culte de soi est en marche ! Tant pis pour les esclaves, les vaincus, les morts ! La justice, c’est celle du plus fort ! Notre sang, c’est le mépris ! Dans les villes ruisselle l’ego ! Abruti, il y chante sa nuit ! Il y tire son char, en suant ! Il rêve de détruire ! Il est fermé et pourtant gavé ! Il est dans son cauchemar ! Il ignore le vent et le ciel bleu ! Il préfère l’acier du couteau, le fer du regard !

Il ne veut pas de la lumière, ni de la beauté ! Il tourne dans sa prison !

 

 

8

 

 

Comment la lumière pourrait parler à l’ego ? Comment pourrait-elle lui dire ce qu’elle voit ? L’ego croit qu’il fait le bien, qu’il donne le meilleur de lui-même, qu’il a raison d’être ambitieux, qu’il va réussir, qu’il représente l’intérêt général, etc. ! Il ne comprend pas la lumière ! Que lui reproche-t-elle ? L’ego est outré que la lumière puisse le juger ! Il monte sur ses ergots et il est vrai qu’il travaille, qu’il nourrit sa famille, qu’il a des responsabilités et qu’il est comme le plus grand nombre ! Il est normal, c’est la lumière qui est malade ! Ce n’est pas l’ego qui est amoureux de lui-même, c’est la lumière ! Ce n’est pas l’ego qui est l’ego, mais la lumière ! C’est elle qui est égoïste et qui ne pense qu’à elle !

Effectivement, la lumière a l’air seule, différente, comme si elle n’était pleine que d’elle-même et qu’elle se chérissait plus que de raison ! Mais la lumière dérange, n’est pas séduite, n’obéit pas à l’ego, lui résiste, alors elle suscite sa haine et c’est elle qui fait le mal ! L’ego ne veut pas se voir tel qu’il est ! Il a besoin du secret, des apparences ! Il a besoin de se plaindre, de dire qu’il souffre, qu’il est une victime ! Il ne va pas avouer qu’il aime le pouvoir, mais il commande pour aider l’autre, faire le bien de tous ! Il s’excuse de son égoïsme en défendant une noble cause ! Il piétine ses adversaires, car son but est élevé ! Il est impatient, méprise, écrase, avec les meilleures intentions du monde ! Ainsi il nie son plaisir, pour mieux le satisfaire ! C’est cette hypocrisie, cette avidité, cette jouissance, ces privilèges que voit la lumière ! Il tend à l’ego un miroir, qui lui donne un choc électrique !

Comment la lumière pourrait-elle parler à l’ego ? Dans le meilleur des cas, l’ego tombe des nues ! Il est sincère, il n’imaginait pas blesser autant, être si mauvais et il découvre un autre monde : la lumière lui a dessillé les yeux ! Mais le plus souvent, la réaction de l’ego est brutale ! Il discute, il accuse, il s’emporte ! Il explose aussi ! Il perd toute mesure ! Son monde s’écroule : il a des plaisirs, première nouvelle ! Il n’aime pas, ne respecte pas, mais méprise, lui qui se croyait altruiste, au service du plus grand nombre ! Il est égoïste, alors qu’il se voyait généreux ! Il n’est pas admirable, alors qu’il se sentait important ! Peu à peu, la lumière déshabille l’ego et il a l’impression que tout lui échappe, qu’on ouvre le sol sous ses pieds ! C’est trop pour l’ego, qui rejette la lumière et l’enterre ! Somme toute, l’ego aura croisé un cauchemar et il reprend ses jeux !

Qui a raison ? Il y a tout de même une grande différence entre l’ego et la lumière ! L’équilibre de l’ego est faux ! C’est ce qui explique les crises de nos sociétés, alors que nous avons tout, et la destruction de la planète, bien qu’elle nous condamne ! L’équilibre de l’ego est faux, car il n’existe pas ! Il faut toujours que l’ego domine, sinon il angoisse, et il lui faut donc toujours des victimes, des coupables ! Jamais l’ego ne se repose vraiment et il vieillit donc vite ! Il est toujours aux aguets, car il vit du sentiment de son importance ! Il est inquiet ou en colère, dès qu’il se sent inférieur, et s’il n’a pas l’autorité, il lutte contre elle ! Son hypocrisie fait qu’il est impossible de résoudre véritablement les problèmes ! Le monde moderne tourne en rond, se déchire, n’apprend rien et refuse de voir son absurdité !

La lumière, elle, se nourrit d’elle-même ! Elle a sa propre paix ! Elle n’a pas besoin de dominer et elle garde ses forces ! Son assurance est stable et ne dépend pas des autres ! La lumière est patiente, car elle est confiante ! Par son amour, elle a appris à ne pas avoir peur ! Elle peut donc donner, car elle ne prend pas ! Elle n’a aucune raison de s’énerver ou de piétiner ! Elle ne cherche pas à supplanter, ce qui fait qu’elle ne se fatigue pas ! Elle est aussi inquiète que le ciel bleu ! Elle comprend l’ego, mais l’inverse n’est pas vrai ! L’ego la hait, mais l’inverse non ! L’ego la méprise, mais l’inverse non ! L’ego voudrait la force de la lumière en restant l’ego, ce qui est impossible ! L’ego veut qu’on s’occupe de lui, la lumière ne se sert pas des autres !

L’ego crée le chaos et fait peur ! La lumière rassure et apaise ! L’ego crie son amertume, la lumière donne de l’espoir ! L’ego est une machine, la lumière une source rafraîchissante ! L’ego vit dans une boîte à chaussures, la lumière touche l’éternité ! L’ego est sans pitié, la lumière ne condamne pas ! L’ego est plein de soupçons, la lumière comme le cristal ! L’ego s’enfonce dans son malheur, la lumière se réjouit d’être !

La lumière tend la main à l’ego : il suffit d’aimer, ce qui fait qu’on se dépasse, en renonçant à soi ! Mais comment un amour pourrait-il nous appauvrir ? Il ne peut que nous enrichir, mais l’ego a tellement peur et d’abord peur d’en perdre une miette, qu’il rejette la lumière et la méprise ! Il préfère se crisper dans son cercueil ! Il préfère pleurer dans la nuit ! Au moins comme ça il reste le chef et on ne l’aura pas ! La belle affaire, l’ego est mort et il ne le sait même pas !

 

 

9

 

 

L’ego n’aime pas la lumière ! S’il voit la lumière joyeuse, il rêve de la détruire ! Pourquoi ? Mais parce que la lumière n’est pas l’ego ! Celui-ci ne cherche pas à savoir comment la lumière peut-elle être heureuse, quel est son « secret », non, il veut anéantir la lumière, la rendre malheureuse, car elle n’est pas lui-même et l’ego veut juste l’ego ! Il croit que c’est lui-même son bonheur, que c’est sa réussite, sa supériorité qui est importante ! Autrement dit, l’ego pense qu’il n’a pas droit à l’erreur ! Il doit être au courant de tout ! Il ne manquerait plus qu’on l’attaque sur son ignorance !

L’ego se dresse telle une forteresse à l’horizon ! Ses murs défient le combattant ! A l’intérieur, l’ego est à la fois le roi, le juge, l’avocat, l’exécuteur, etc. ! L’ego ne peut pas en effet se trouver incomparable, se réjouir de sa situation sociale, supporter l’injustice, concevoir mille projets (quand il y a tant de malheurs!), s’il présente une faille et qu’on peut le prendre en défaut ! L’ego passe donc son temps à se justifier et d’abord à ses propres yeux ! Travail énorme et qui explique non seulement son hypocrisie (il ne prend pas de plaisir!), mais aussi sa haine (rejet de la différence, qui trouble et interroge!)

L’ego est en ébullition, comme le montrent nos sociétés ! Il n’y a pas le feu au lac pourtant... A-t-on faim ? Sommes-nous dévorés par la soif ? L’avion est-il en chute libre ? Mais l’ego n’est jamais tranquille : il juge les autres egos, qui en font de même ! Notre quotidien ressemble à un grand procès : « Le soir du 24, vous avez dit, je cite... 

_ Objection votre honneur ! Mon client n’a jamais dit ça !

_ Je demande la pièce à conviction numéro deux !

_ J’accuse ici…

_ Et les pauvres ? Vous pensez aux pauvres ?

_ Bien sûr que je pense au pauvres et même plus que vous !

_ Silence, ou je fais évacuer la salle ! »

L’ego est dans la nuit, car il est autant question de ses plaisirs que de ses peurs ! Tout se mélange ! L’ego est hargneux, haineux, sur le qui-vive, parce qu’il craint même ses inquiétudes ! Elles menacent ses plaisirs ! La différence fait bondir l’ego et le voilà en train de se justifier, de détruire ! Plus la réaction de l’ego est violente, plus il révèle sa fragilité ! Si on pouvait lui faire comprendre qu’on ne perd rien en aimant, en acceptant l’autre, nul doute qu’on l’apaiserait, ainsi qu’on rassure un enfant ! Si l’ego pouvait voir la lumière, il pleurerait ! Il serait soulagé de tous ses fardeaux, il retrouverait son innocence, qu’on a mille fois fait souffrir, car le monde est dur !

Mais l’ego est dans la nuit ! Il se ferme à mesure qu’on le blesse ! Il se construit des défenses, avec des canons ! Il assure son contrôle ! Il étend son pouvoir jusqu’à la maladie ! Ainsi rien ne vient le contredire ! Toute rébellion est éteinte ! La lumière, elle, est patiente, car elle est la vérité ! Que pourrait-elle craindre ? Quel abîme la surprendrait ? Elle n’a jamais essayé de cacher quoi que ce fût ! Elle ne peut pas s’appeler la lumière, si tout n’est pas mis sur la table ! Elle ne nie donc pas ses plaisirs, ni son égoïsme, mais elle les accepte en reconnaissant ses limites, sa condition d’être humain !

Cette connaissance n’est pas le résultat d’un conseil, d’une théorie, mais c’est le fruit d’un amour, le gain d’une confiance ! C’est par amour pour la lumière que la lumière abandonne l’ego ! C’est une mue, dont n’est pas exclue la raison ! Bien au contraire, on s’en doute ! La lumière voit, analyse comme n’importe quel autre cerveau, mais c’est le champ qu’elle dégage qui lui est particulier ! C’est l’impasse de l’ego, sa tragédie même qui lui deviennent visibles et c’est pourquoi elle renonce à lui ! Ce n’est pas un refoulement involontaire, qui ferait s’enfoncer dans la névrose ! Et à mesure que l’ego se retire, la lumière prend sa place, la confiance augmente, la peur diminue et la paix s’installe !

Mais ce travail n’est possible que par l’amour que l’on voue à la lumière ! On ne peut pas combattre son ego seulement par la raison ! On ne se livre pas par logique ! Il ne s’agit pas non plus de se justifier ! de vaincre des traumatismes ! On ne restaure pas un ego, mais on fait un pas vers la lumière ! On n’adopte pas non plus une philosophie plus sérieuse, guidée par la responsabilité ! La lumière, c’est la joie et la connaissance et non l’une ou l’autre ! C’est un enchantement qui est visé et non un devoir glacé, possible grâce à l’hypocrisie ou à la bêtise !

Mais l’ego se persuade qu’il a des ennemis et que ce sont eux qui empêchent son bonheur ! Le voilà en guerre et en guerre contre un autre ego ! Et le voilà surpris de ne pas aboutir, de ne pas triompher, de recevoir les mêmes coups qu’ils portent ! Gardant ses peurs, il continue à faire le mal !

 

 

10

 

 

L’ego n’aime pas la lumière, car elle lui paraît supérieure ! L’ego est la domination animale et il ne supporte pas de concurrents ! L’homme rejette par la force, la femme soumet par la séduction ! Chaque sexe a son arme et donc son égoïsme ! Plus la situation est inquiétante et plus l’animal qui est en nous retrouve ses réflexes ! La peur rend l’ego agressif et violent, car l’animal menacé défend sa vie ! Le territoire de l’ego est aussi bien physique que psychique : le délinquant s’attaque à la police, pour étendre son trafic ; le tribun ne cesse de fustiger le gouvernement, pour imposer sa pensée ! Avec la guerre, l’inflation, le réchauffement climatique, l’ego est aux abois et frappe tout azimut, c’est ce qui explique la violence de nos sociétés, malgré leur développement et leur confort !

Notre époque, également, a quelque chose de nouveau pour l’ego ! Il n’a plus d’ennemis communs ! Tant que l’ego luttait contre une idéologie, religieuse ou politique, il avait en point de mire sa liberté et il n’était pas en face de lui-même ! Sa vie avait un sens ! Ainsi s’établissent les démocraties, qui permettent a priori à chacun de devenir chef là où il se trouve ! L’ego, qui cherche à dominer, chasse tous les totalitarismes, quoiqu’il les crée, et le voilà aujourd’hui sans garde-fous, sans croisades, sans motifs de révolution ! Pire, la science, à force de vouloir être objective (c’est-à-dire dominatrice!), a rendu l’homme étranger à lui-même ! Elle a fait son sort à l’art, à la beauté ou à la religion, mais ce n’est pas seulement parce qu’elle est l’humble servante de la vérité, c’est aussi pour satisfaire son ego !

La science travaille pour la science et la conscience est devenue un accident, une chose dont on ne sait que faire, ce qui accentue notre néant ! Face au « vide » de la nuit cosmique, l’ego évidemment se raccroche désespérément à lui-même ! Il se réinvente les ennemis d’hier ! Bien qu’en démocratie, il se croit sous une tyrannie ! On complote contre lui, il y a des riches et des profiteurs, etc. ! Il s’agit de faire revivre les grands combats du passé, pour avoir des repères et on voit apparaître un « intégrisme » social ! On réemploie des slogans révolutionnaires et on redéfinie des classes, alors que tout le monde est en jean et en baskets !

De même, on rêve d’une gloire passée ! On réinstalle le culte du drapeau et on tend vers une pureté nationale ! On se protège, on se ferme, on se garde de toute influence étrangère, bien que notre ère soit celui de la communication et que la mondialisation se soit construite naturellement ! On est contre toute migration bien entendu, contre tout mélange et on va aveuglément à l’opposé du cours de l’histoire et d’une évolution qui n’a fait que découler de la nécessité ! Mais peu importe, on campe sur son illusion, le cœur plein de haine !

La religion elle aussi rappelle ses combattants, quand le communisme essaie de rétablir ses troupes ! De même, on n’a jamais assez d’argent et les plus riches sont encore plus riches, aux dépens des plus pauvres ! C’est l’ego qui se durcit, se cantonne, qui essaie de fuir et de se protéger du grand vent de l’inconnu ! La violence éclate donc partout et les situations semblent inextricables ! L’ego est exacerbé et hors de lui-même ! Il ne comprend jamais l’autre, il explose, c’est tout !

Quand l’égoïsme est le radeau, la perception de l’autre est infime ! Ainsi des enfants tuent d’autres enfants ou les violent ou les torturent ! Toutes les barrières de l’horreur sont pulvérisées et il faut expliquer à l’ego qu’il n’est pas seul, entouré d’esclaves, qu’il y a des lois et qu’on ne peut pas faire ce qu’on veut ! Mais l’ego est assoiffé et il est capable de n’importe quoi, pour boire à la coupe du pouvoir ! La base des sociétés n’est plus acquise ! Chacun tire la couverture à soi et augmente le chaos ! Mais la solution n’est ni politique, ni économique, ni scientifique, ni même philosophique ! Bien entendu, avant toute discussion, il est nécessaire que l’ego reconnaisse son existence, qu’il comprenne son origine ! Sinon nous parlons pour ne rien dire !

Par exemple, le maire ou le promoteur ne bétonnent pas seulement par nécessité ! Ils ont à cœur que leur ville ou leur nom apparaissent en haut de l’affiche ! Il est important pour eux que d’autres les regardent avec respect, déférence ! On vient les solliciter et ils ont la position du « prince » ! Cela peut sembler évident, mais ça ne l’est pas ! On est toujours prêt à se voir comme un modeste missionnaire du bien ! Ceci est encore valable pour le scientifique, qui se croit simple maçon du rationnel ! L’animal qui est en nous pousse tout le temps ! Il veut sa part et s’il ne l’obtient pas, la haine l’envahit aussitôt ! Il n’y a rien de plus facile que de faire sortir de ses gonds un psy ! C’est dire dans quelle couche de naïveté et d’hypocrisie nous baignons !

Mais la lumière est scandaleuse pour l’ego ! Il s’est tellement durci qu’elle lui est absolument incompréhensible ! Pourtant, l’ego a été enfant et il a eu confiance !

 

 

11

 

 

La lumière bourra sa pipe et l’alluma ! L’atmosphère était lourde et soudain un éclair blanchit la pièce. L’orage avait enfin éclaté et la lumière se déplaça vers la fenêtre, pour voir la pluie inonder le boulevard ! L’interrogatoire allait être difficile, mais la lumière avait plus d’un tour dans son sac ! On frappa à la porte et la lumière dit : « Entrez ! »

Deux hommes amenaient le suspect et le firent asseoir face au bureau. Puis, ils reculèrent, laissant leur patron prendre la parole… « Alors l’ego, tu as eu le temps de réfléchir ? dit celui-ci au suspect.

_ C’est pas moi qui ai fait le coup ! J’ vous jure ! Faut chercher un autre pigeon, les gars !

_ Bien sûr ! Mais tu vois, l’ego, y a plein d’choses qui collent pas ! Tu nous dis que tu administres la ville, seulement pour faire du bien aux gens, seulement par nécessité ! Ça nous interroge ! Nous, on trouve ça bizarre, car où sont tes plaisirs là-d’dans ?

_ Mais… mais mon plaisir, c’est d’ voir les gens heureux ! C’est d’ voir le sourire du père de famille, quand son fils, grâce à moi, peut trouver un logement ! C’est le président du stade qui se réjouit, parce que la nouvelle tribune est terminée ! C’est l’industriel qui m’ remercie, car il va pouvoir étendre son usine !

_ T’es pas en campagne électorale, l’ego ! Alors ne nous prends pas pour des cons ! Donc, si j’ comprends bien, aucun plaisir personnel, aucun égoïsme, aucune haine ! Un altruisme sans failles, au service des administrés ! Un alibi en béton ! Somme toute, tu n’existes pas !

_ Ben, c’est pas tout à fait faux ! J’ travaille depuis toujours ! C’est dur et j’ rencontre même souvent l’ingratitude !

_ T’es incompris…

_ Vous n’avez pas le droit de me retenir ici ! J’ suis innocent !

_ Alors comme ça, t’aimes pas le bruit feutré d’ ta bagnole ! T’aimes pas arriver à la mairie, comme si c’était chez toi ! T’aimes pas que les secrétaires te saluent respectueusement ou que les adjoints soient à tes ordres ! T’aimes pas ton grand bureau ! T’aimes pas qu’on te sollicite, ça ne te donne pas le sentiment de ton importance ! T’aimes pas discuter sur la place publique, parce qu’on t’a reconnu ! T’aimes pas le son de ta voix, quand tu expliques un nouveau projet ! T’aimes pas que la police te soit proche, que les chauffeurs de taxi soient fiers de te connaître ?

_ Mais qu’est-ce que vous racontez ?

_ Et ta femme ?

_ Quoi, ma femme ?

_ Elle n’aime pas les soupers fins avec le préfet ? de discuter avec l’élite ? Elle est insensible au commerçant, qui s’adresse à elle plein de prévenances, qui lui propose les meilleurs produits, en provoquant la jalousie des autres clientes ? Cette notabilité la laisse froide, comme ses bijoux et ses robes !

_ Ben, sans doute que ça lui fait plaisir…

_ Et quand vous achetez une maison, le notaire est aux p’tits soins ! Et quand vous achetez du vin, on s’empresse autour de vous ! Et quand t’envoies ta voiture au garage, on va s’en occuper particulièrement !

_ Mais bon sang, qu’est-ce que vous voulez ?

_ Mais la vérité, rien qu’ la vérité ! Tu déclares que tu existes ! que tu ne fais pas seulement les choses par devoir ou nécessité, mais aussi pour assouvir ton égoïsme, parce que tu aimes te sentir important, supérieur ! Et puis, moi, j’apporte tout ça au juge et… on pourra aller s’coucher ! Hein ?

_ J’ signerai pas un tas d’ mensonges sous la contrainte ! C’est illégal !

_ Tu veux dire que la solitude, l’injustice, l’abandon, l’anonymat, n’être qu’un numéro ou rien, t’apprécies pas ? Tu veux dire que des gens te disant ce que tu dois faire, y compris la boucler, comme si t’étais une merde, t’en as pas envie ? Tu veux dire que les regards plein de mépris, comme si on s’essuyait les pieds sur ta figure, t’es pas chaud ? Tu veux pas perdre ton statut, tes privilèges, en reconnaissant ta culpabilité ? Comme je te comprends !

_ C’est pas ça ! C’est pas comme vous dites, c’est tout !

_ Tu vis juste pour le bien général ? Tu travailles… et t’existes pas ?

_ Exact !

_ Pourtant, il y a bien du malheur et des assassins ! Il y a du chaos et des gens écrasés, blessés, humiliés, perdus, etc. ! Et toi, t’y es pour rien ?

_ J’ veux voir mon avocat !

_ Oui, tu vas en avoir besoin ! »

 

 

12

 

 

L’ego est un assoiffé de justice ! Il crie au respect, à la dignité ! Il fustige tous les abus, tous les égoïsmes, tous les exploiteurs ! Sa voix tonne et le pauvre lui-même tremble ! L’ego a le visage déformé par la haine et il grimace sous les coups du mal ! Le bien ne va pas assez vite à son goût et il écraserait ses adversaires sous son pied, si c’était possible ! « Mais l’égalité est là ! à portée de mains ! hurle-t-il. Mais on n’en veut pas ! On n’en veut pas ! » Il pleure presque, car on refuse le bonheur ! Puis, de nouveau sa rage reprend : on ne le tuera pas ! On ne lui fera pas baisser les bras !

Jusqu’au bout il brûlera pour l’opprimé, jusqu’au bout on devra le regarder, l’écouter ! jusqu’au bout il sera question de lui, au nom de ceux qui sont méprisés !

L’ego est bon ! Il crée des associations vertueuses, saines, modestes, qui tissent des liens, qui sont utiles dans ce monde si chaotique, si méchant ! L’ego apporte sa pierre et n’en demande pas plus ! Oh ! Qu’il puisse seulement aider quelqu’un, une famille ! soulager un peu leur peine, leur amener un sourire discret et ce sera largement suffisant ! Dans la foire avide de l’humanité, l’ego se contente d’une botte de paille et… d’un bol de lait, tiens ! N’est-il pas aussi paisible, aussi docile que la vache ? Il ne fait que son devoir, mais… mais il est encore vrai qu’on lui conteste la présidence de l’association ! Et là il ne rigole plus ! La générosité, la solidarité, c’est bien gentil, mais il ne faut pas pousser non plus ! Contre son concurrent, l’ego ne lésine pas : cent mètres de tranchées, vingt kilomètres de barbelés ! trois tonnes de mines, des couteaux affûtés comme des lames de rasoir ! On veut du sang, on l’aura !

Qu’est devenue l’aide sociale, l’écoute des quartiers, la modestie ? Elles ont été brûlées et piétinées, sur le sentier de la guerre !

L’ego guérit ! Il reçoit dans son cabinet et s’efface devant la douleur de son patient ! Il croit au progrès et ne doute pas une seconde des possibilités infinies de la science ! Pour l’heure, rien ne lui est plus cher que la souffrance qui s’exprime en sa présence et qu’il considère quasiment comme sacrée ! C’est que l’ego est un humaniste, un serviteur patient et compréhensif de la vérité, de la liberté ! C’est le meilleur adjoint du bonheur ! Quand tout le monde s’emporte, que l’orage des passions se déchaîne, l’ego reste coi et on finit par lui demander son avis ! Il le donne en gardant de la mesure, car son « triomphe » est celui de la connaissance, qui est toute objective !

Mais soudain le patient a souri finement ! Il n’a pas pu s’empêcher, car l’ego a dit une bêtise ! Cela a été très fugitif et pourtant l’ego essaie maintenant d’étrangler son patient avec un fil de fer ! Puis, il le bourre de médicaments, en espérant qu’il va crever ! De guerre lasse, il laisse le patient s’en aller, non sans l’injurier, avec tous les noms des maladies psychiatriques ! Le patient est damné jusqu’à la septième génération ! S’il arrive à rentrer chez lui et qu’il ne s’écroule pas sur le trottoir, une bave verdâtre aux lèvres, il aura de la chance !

De son côté, l’ego reprend son souffle ! Comment a-t-on pu oser le déranger ? On l’a fait exprès, sûr ! Le monde est plein de salopards ! Brrr ! Vivement ce week-end ! L’ego retrouvera son yacht ou sa partie de tennis ! Les cinglés ne seront plus là ! L’argent, rien ne vaut l’argent ! Et mon livre ? Faut qu’ je continue mon livre ! Les collègues vont en rester bouche bée ! Ah ! Une orangeade loin d’ la crasse !

L’ego est philosophe ! Il a une nouvelle hygiène de vie, un jugement sain sur les choses et notamment il s’affranchit du piège de la consommation ! « Ce dont on n’a pas besoin, on s’en passe ! » déclare joyeusement l’ego ! Son bonheur a l’air possible ! Une existence simple, presque rustre, parmi les fleurs ! La famille unie dans une maison aux allures de cabane, avec juste le confort et la sécurité nécessaires ! Un retour aux sources et à l’essentiel !

Mais la femme du philosophe veut partir ! Elle en a marre de l’ego barbu, qui manque d’ambitions et qui est resté au fond un petit garçon ! Naturellement, elle veut prendre les enfants et le soleil explose pour le philosophe ! La haine, une implacable haine l’envahit telle une marée noire et il prend sa hache, pour faire le ménage ! Épargnera-t-il les enfants ?

L’ego est lucide ! Il dit qu’il n’a jamais vu Dieu dans les morts ! Son scepticisme est raisonnable, d’autant que lui-même ne croit pas aux chimères du progrès et que les idéologies le laissent froid ! On salue le courage de l’ego, qui apparemment ne se tient que par devoir sur ses jambes, puisqu’il faut vivre ! « Voilà un homme sans illusions, dit-on, un vrai ! » et l’ego continue d’attirer notre attention, en nous parlant de ses inquiétudes, de ses doutes ! On l’écoute car on a l’impression qu’il exprime notre propre condition, notre misère !

« Rien n’est sûr ! pense-t-on comme l’ego. Nous sommes tous des équilibristes dans la nuit ! L’ego lucide a raison ! Sa modestie, sa sincérité sont évidentes ! » Puis, on finit par comprendre : c’est par son désespoir que cet ego devient le centre d’intérêt et son amour pour lui-même apparaît au grand jour ! Ainsi, on se dit qu’il ne trouvera jamais la paix, puisqu’il ne s’avoue pas son égoïsme et qu’il le masque en culpabilisant les autres ! Pour résumer, l’ego lucide n’est pas plus qu’un marchand de tapis, qui se lamente à causes des voleurs !

 

 

13

 

 

« Demandez la dernière ! Nouvelle sensationnelle ! L’ego passe aux aveux ! Demandez la dernière ! Coup de théâtre ! L’ego reconnaît son crime !

_ Combien le journal ?

_ Deux euros ! Demandez la dernière ! Nouvelle sensationnelle ! L’ego avoue ! Le monstre du quotidien enfin démasqué ! Demandez ! »

Cependant, l’ego, accompagné de son avocat, sort du palais de justice ! Les journalistes se précipitent ! « Mesdames, Messieurs ! dit l’avocat, en écartant la meute. Mon client va faire une déclaration ! » Les flashs crépitent, les micros se tendent ! « Monsieur l’ego ! Monsieur l’ego ! » entend-on comme une plainte !

L’ego prend la parole : « J’ai reconnu devant le juge mon existence ! J’ai répondu par l’affirmative à toutes ses questions ! Oui, je ne pense qu’à moi ! Oui, je pousse les autres aux fesses, pour qu’on me serve sans tarder ! Oui, je pourris la vie des gens dans les commerces ! Oui, j’ai une mentalité d’enfant d’ cinq ans ! Oui, je ne fais aucun effort pour respecter mes semblables et montrer de la patience ! Oui, j’ai accusé les profiteurs, les exploiteurs, les riches ou les étrangers, l’Europe, la mondialisation, les pollueurs, pour me couvrir ! Oui, le seul vrai responsable, c’est moi ! Oui, je rends la vie dure, amère et dépourvue de sens ! Oui, je siphonne les bonnes volontés ! Oui, hors de moi point d’ salut ! Oui, je pourrais évoluer, mais je ne veux pas, car c’est moi l’important et j’ai peur !

_ Vous avez peur de quoi ?

_ Mais de m’arrêter cinq minutes ! Je dévore l’espace et je pompe l’énergie des autres ! C’est ce qui me fait vivre ! J’ai peur d’arrêter, du sevrage ! J’ai peur d’ouvrir les yeux, de l’inconnu et je préfère accuser le gouvernement ! Je veux être le centre du monde et j’ai de la haine, dès qu’on ne s’occupe plus de moi ! La patience, le respect, l’attention, l’amour de mon prochain me sont absolument étrangers ! Je n’aime que l’animal qui est en moi, même s’il me rend malheureux ! J’ai les mains pleines de sang et pourtant je réclame avec force la justice sociale !

_ On dirait que vous êtes libéré d’un cauchemar !

_ C’est un peu ça, oui ! J’ai vécu jusqu’ici dans le mensonge ! J’ai nié mon existence ! J’ai prétendu être bon et j’ai désigné des coupables, qui n’en étaient pas ! La mascarade est terminée ! Je suis bien coupable ! Quand je pense à tous ceux que j’ai méprisés, piétinés ! J’ai pesé sur eux tant qu’ j’ai pu ! Et encore je ne parle pas de mes p’tits coups en douce ! Mille fois j’ai été un saligaud ! Mais c’est plus fort que moi : je ne supporte pas qu’on m’ résiste ! Je pollue le quotidien de toute mon âme, je suis un gouffre ! Comment voudriez-vous, dans ces conditions, qu’on puisse être heureux ? Inutile de montrer du doigt le réchauffement climatique ou l’inflation, c’est moi qui nous mets d’dans !

_ Vous n’avez pas honte ?

_ Maintenant si ! Puisque j’ai reconnu les faits ! Je me rends compte de ma bassesse ! de ma bêtise ! Je ne vais pas pleurer devant vous…, mais je me dégoûte ! J’ me vois à présent comme un vrai dégueulasse ! J’ suis une belle salope, ça c’est sûr !

_ Pensez-vous que vos aveux vont vous valoir l’indulgence du jury ?

_ Je l’espère ! Chacun a l’ droit à une deuxième chance, n’est-ce pas ? J’ vais vous dire : si je change pas, on restera au fond du trou ! On continuera à se laminer les uns les autres ! Y a pas d’autres solutions, c’est à moi d’évoluer, d’ grandir, d’autant qu’ c’est rien ! On me demande juste un peu de patience, de considérer l’autre, de le respecter ! Le monde ne tourne pas autour de moi ! Vous voyez : ça commence à rentrer !

_ Ah ! Ah !

_ Qu’est-ce qui vous a convaincu d’avouer ?

_ La lumière ! Elle m’a montré ma laideur !

_ Mesdames, Messieurs, s’écrie l’avocat. Monsieur l’ego vous a tout dit ! Laissez-nous passer maintenant !

_ Monsieur l’ego, monsieur l’ego, une dernière... »

 

 

14

 

 

L’ego rend visite à la lumière : « Salut ! dit-il.

_ Lut !

_ Alors ? Les événements ? Inquiétants, hein ?

_ Oui…

_ Quelle déferlante ! Ça fait peur, hein ?

_ Qu’est-ce que tu veux au juste ?

_ Oh moi, rien ! J’ passais, quoi ! Ils ont brûlé le magasin d’à côté ! T’as vu ? Tout de même, comment ils nous traitent, hein ?

_ Oui, c’est triste…

_ Sûr ! Ah ! Ils veulent être les maîtres ! Faut les voir sur leur dalle de béton ! A toujours se demander qui est le plus fort Ils ont qu’ ça à foutre ! Alors forcément, un jour ou l’autre, ça craque !

_ S’ils sont sur leur dalle de béton, comme tu dis, c’est qu’ils ne sont pas aimés ailleurs non plus ! C’est très difficile d’accueillir la différence ! Rappelle-toi, elle suscite instinctivement notre aversion ! Ce n’est que par le travail de la raison que nous dépassons les animaux !

_ Bien sûr ! Bien sûr ! Mais c’est d’autant plus difficile qu’ils veulent être les maîtres ! Hein, quand ils passent dans leur voiture de sport, qu’aucun Smic ne pourrait payer, avec leur musique plein pot, en jouant les caïds, hein, tu l’as mauvaise, non ? Remarque que ces messieurs n’aiment peut-être pas le travail ! Ils le trouvent dégradant, comme de faire la vaisselle ! Ça les efféminerait ! Eux, ce qui les intéresse, c’est faire le coq, le mâle ! Il ne fait rien, sinon se préparer à être un guerrier ! Ils en sont encore à la défense du territoire ! Ils en créent même un, pour garder la tradition !

_ Et nous, nous ne sommes pas égoïstes au quotidien, ni fermés, alors que nous nous piétinons chaque jour ! Et la police elle-même a renoncé totalement à sa domination et ne fait qu’obéir aux lois, ce qui explique son exaspération, ses avanies, ou son manque de lucidité, tous signes qui viennent pourtant d’une absence de paix, d’une usure, d’une fatigue liées à la soif de commander ! C’est encore toi l’ego qui est en cause, de chaque côté d’ailleurs !

_ Tout de même, ils s’attaquent à la République, à nos institutions ! Les maires sont particulièrement visés ! Notre pays est en danger ! Ton calme, ta tolérance me paraissent hors de propos !

_ Et quelles solutions as-tu en tête ?

_ Ben, je ne vais quand même pas te dire qu’il faut les renvoyer chez eux ! Ils sont nés ici… et ils sont donc chez eux ici aussi ! Mais… mais on pourrait les frapper au portefeuille ! S’ils ne veulent pas travailler, c’est qu’ils vivent d’allocations ! Leurs parents tout du moins ! Faut fermer le robinet ! On va pas continuer à nourrir et à loger des gens qui nous méprisent !

_ Tu sais comme moi qu’ils ne trouvent pas d’ travail facilement ! On n’en veut pas ! On s’méfie d’eux !

_ Mais regarde-les ! Ils nous narguent ! T’as pas envie de leur rentrer d’dans ! Toi aussi, tu bous à l’intérieur, pas vrai ? Tu as peur aussi, évidemment ! Mais tu voudrais pas non plus les écraser ? leur rendre la monnaie d’ leur pièce ? Ils sont dangereux !

_ Oui, la haine est séduisante ! Elle est comme un serpent d’or dans nos ventres ! Elle ne demande qu’à bondir et à répandre le chaos, comme on le voit maintenant ! Mais elle est aussi mariée à l’ego ! C’est toi qui la suscite ! Plus on a d’ego et moins on comprend les autres et plus on est en colère de ne pas être le maître ! La haine naît de l’ego ! C’est l’animal qui est en nous et qui voit rouge ! Mais c’est une illusion : on ne peut pas détruire l’autre ! Et le but, c’est de vivre ensemble !

_ Tu les a vus ! De vrais sauvages !

_ Il y a une chose qui est à la portée de chacun : c’est combattre sa propre haine, à son niveau, humblement, même si cela paraît dérisoire ! Évidemment, c’est aussi combattre son ego, c’est respecter l’autre, quel qu’il soit ! Or, là, tout est à faire ! Nous sommes aux antipodes de ce qui s’rait possible ! Mais je ne vais pas m’exciter de nouveau sur le sujet ! C’est un abîme !

_ Mais y a des fautifs ! Il faut prendre des mesures ! C’est politique !

_ Toute personne qui a de la haine ne peut nous aider, car c’est la haine notre ennemi commun, qu’on soit d’un bord ou de l’autre ! Toute personne qui manifeste actuellement de la haine, même au nom de la justice ou du bien-être social, ne nous est d’aucune utilité ! Il ne faut pas l’écouter ! Mais je sais encore qu’on préfère les solutions faciles, c’est-à-dire des coupables, plutôt que de se remettre en question soi-même !

_ Si on t’écoutait, on n’ f’rait rien ! On s’ laisserait bouffer !

_ Ce qu’il y a de plus difficile, c’est de se débarrasser de son ego ! Mais sais-tu que les épis de blés dans les champs, en ce moment, dansent dans la lumière ? C’est à méditer ! A croire qu’ils sont plus intelligents que nous !

 

 

15

 

 

L’ego et la lumière débarquent sur la plage, où il fait un p’tit peu frais ! L’ego très excité tourne autour des jambes de la lumière et celle-ci lui dit : « Ah ! Tu veux jouer, c’est ça ? » La lumière prend un bâton, pour la plus grande joie de l’ego, et elle fait : « Attention ! » Le bâton siffle dans l’air, guetté par les yeux de l’ego, qui le ramasse bientôt, montrant son agilité et sa musculature ! Puis, l’ego ramène le bâton aux pieds de la lumière et de nouveau il est plein d’impatience !

« Oui, tu es un bon ego ! dit la lumière, qui caresse un peu l’ego. Attention ! » et hop ! Le bâton repart au loin, suivi à toute vitesse par l’ego, qui referme encore une fois ses mâchoires dessus ! Et c’est le retour et les félicitations : « Bravo l’ego ! fait la lumière. Tu es presque aussi intelligent qu’un kitesurfer ! J’ suis vache, mais lui aussi tire des bords sans fin ! Voyons, si je ne veux pas m’énerver, il faut que je corse un peu le dressage ! D’accord, l’ego ? Je vais t’expliquer quelques trucs !

_ Ouah ! Ouah !

_ Bien ! La haine vient de toi, l’ego… La haine, c’est une réaction face au mépris ! C’est l’animal qui est en nous qui se sent menacé, diminué ! D’accord ?

_ Ouah ! Ouah !

_ Bon ! Si la haine vient d’ l’ego, il s’ensuit que plus on a d’ego et plus on peut avoir de la haine, car plus on a besoin de respect, pour se sentir supérieur, important ! Plus on a d’ego et plus on est sensible au mépris et plus la haine nous gagne vite ! Tu m’ suis toujours, l’ego ?

_ Ouah ! Ouah !

_ Formidable ! J’ai l’impression que tous les voyants sont au vert et qu’une belle matinée se prépare ! Maintenant, avec tous les éléments que je t’ai donnés, la conclusion coule de source ! Tu vas répondre sans difficultés à cette question : « Comment baisser la haine ? » C’est du gâteau l’ego, pas vrai ?

_ Ouah ! Ouah !

_ Voyons l’ego ! Plus tu es important et plus tu es sensible au mépris et donc capable de haine ! Comment baisser la haine ? En baissant l’eg…

_ Il faut changer le gouvernement ! C’est lui le responsable !

_ Là, tu m’ scies, l’ego ! J’ pensais vraiment qu’on était proche du but ! Tiens, je m’ voyais déjà fier de toi… et t’achetant un os supplémentaire ! Mais nous voilà de nouveau dans la carrière, devant les blocs de pierre, avec not’ p’tit marteau ! Le soleil cogne et on transpire avant même de commencer ! Bon, qu’est-ce qui te rend idiot comme ça ?

_ Rien ! J’pense que le gouvernement n’est pas à la hauteur, d’où la violence des émeutes ! C’est la faillite de tout un système !

_ Et si c’était ta haine à l’égard du gouvernement qui t’aveuglait !

_ Mais j’ai pas de haine, moi ! J’ suis juste réaliste !

_ Et t’as pas d’ego, non plus ?

_ Non, j’ veux la justice, un point c’est tout !

_ Bon, j’ te demande tout de même d’enregistrer le principe : « Pour baisser la haine, faut baisser l’ego ! » C’est à chacun d’appliquer c’ principe !

_ Nan, faut changer le gouvernement !

_ Et tu veux pas faire un effort sur toi-même ? comme ça, cool, sur ta p’tite personne, sans même avoir l’air d’y toucher ? C’est quasi aussi simple que d’ baisser le gaz !

_ Nan, c’est le gouvernement qui pèche !

_ Et tu n’as pas de haine à l’égard de Macron ?

_ Nan ! Grrr ! Aaaargh !

_ Qu’est-ce qui s’ passe, l’ego ? Tu baves, tes yeux sont rouges ! On dirait que la logique ne t’atteint plus !

_ Grrr ! Haine ! Macron !

_ Et tu n’as pas de haine ? Mon Dieu, quand on te voit, on s’dit que ton ego doit être colossal !

_ Grrr ! Aaaargh ! Grrrr !

_ Bon sang, tu m’ fais peur ! Couché l’ego ! Tu veux l’ bâton, l’ego ? J’ vais devoir te calmer ! Tu vas prendre un coup sur le museau ! Et j’ vais même t’étonner, car ce s’ra fait sans haine ! juste pour me protéger ! »

 

 

16

 

 

La lumière raconte une histoire à l’ego…

« Abdallah sort de la mosquée, l’air pénétré ! Il porte la chéchia et la djellaba et il fait tout pour se sentir ici, comme au pays de ses ancêtres ! Il ne manque plus que le soleil du désert ou la fraîcheur des maisons blanches, car le quartier est constitué de hautes tours de béton, peu attrayantes sous le ciel gris ! Mais Abdallah assiste à la prière l’après-midi, où il écoute attentivement l’imam, qui lui parle normalement d’un dieu d’amour, seule preuve de sa supériorité sur les hommes ! Abdallah respecte encore bien entendu les rites de sa religion, comme le ramadan, et à la sortie de la mosquée, il salue les uns et les autres, conscient qu’il fait partie des notables de sa communauté !

Pourtant, le cœur d’Abdallah est rempli de haine, ce qui est contraire à la foi, puisque celle-ci est de la confiance ! Or, comment haïr si on est confiant ? La haine ne naît-elle pas de la peur, des inquiétudes, de l’angoisse ? Peut-on haïr quand on est heureux ? La confiance, c’est bien la paix, n’est-ce pas ? Mais Abdallah a le cœur plein de haine, car il n’est pas le maître ! Ce sont les Roumis qui le sont ! Autrement dit, le pays est malheureusement dirigé par les mécréants, les infidèles, ceux qui ignorent la vraie religion ! La pilule ne passe pas chez Abdallah ! Il est notable devant la mosquée, il n’est rien quelques rues plus loin ! Pire, il est méprisé par l’homme blanc, qui voit en lui une menace, d’autant que le contentieux entre les deux cultures reste vif et profond !

Abdallah croit qu’il est un bon musulman, mais il est dévoré par la haine et l’envie ! Comment lui, qui connaît la vraie religion, peut-il être dépendant et même commandé par des gens qui doivent faire horreur à Allah ? Car Abdallah oublie ou plutôt ne comprend pas que Dieu est amour ! Ce qui l’intéresse, c’est son importance, son pouvoir, sa domination et il se venge, à sa manière, de son infériorité face aux Blancs ! Par exemple, il prépare ses petits enfants au monde de demain ! Il leur dit : « Les Roumis aiment Jésus ! C’est parfaitement ridicule, car seul Mahomet est le prophète et connaît Allah ! Jésus, c’est de la bêtise ! Vous pigez, les enfants ?

_ Hi ! Hi !

_ Moquez-vous du Roumi, les enfants, surtout à Noël ! Moquez-vous de Jésus ! Car un chameau est plus intelligent !

_ Hi ! Hi !

_ C’est comme la nouvelle médiathèque, les enfants ! Quelle farce ! C’est de l’argent jeté par les fenêtres ! Les Roumis font les fiers, avec la nouvelle médiathèque ! Ils disent : « Comme elle est belle ! Elle va servir à tous ! C’est de la culture ! » Mais seul Allah est grand, les enfants ! Il se moque bien des Roumis et il les balaiera le moment venu ! La nouvelle médiathèque est ridicule, les enfants !

_ Hi ! Hi ! »

Pendant ce temps-là, la femme d’Abdallah est à la CAF ! C’est elle qui « traite » avec les Blancs ! Elle n’a pas le dédain du guerrier et comme toutes les femmes, elle ne perd jamais vraiment de vue le sens pratique des choses ! C’est elle qui prépare à manger et va faire les courses ! La haine d’Abdallah, elle la met en veilleuse, car il faut de l’argent ! Pourtant, l’employée de la CAF vient de lui envoyer une flèche dans le cœur ! Mine de rien et d’après les informations visibles à l’écran, il manque au dossier de la famille une pièce absolument nécessaire, qui pourrait même obliger Abdallah dans un avenir proche à quitter le pays ! C’est la stupeur chez sa femme, qui maintenant essaie de se reprendre, de comprendre exactement quelles démarches elle va devoir effectuer !

Évidemment, c’est encore du stress, de l’âpreté ! Il ne faut pas céder à la panique, alors que le confort dont on dispose peut disparaître d’un coup ! La femme d’Abdallah se raidit, c’est elle la véritable guerrière ! Elle ne lâche pas l’employée de la CAF, qui paraît si détachée, si sereine qu’elle en devient suspecte ! Celle-ci ne se réjouirait-elle pas en secret du désarroi de la femme d’Abdallah ? N’est-elle pas en ce moment la reine ? N’a-t-elle pas tous les pouvoirs ? Ne prend-elle pas comme une forme de revanche ? La Roumie ne réaffirme-t-elle pas sa supériorité ? La femme d’Abdallah est au supplice, car elle doit ravaler toute sa fierté, pour obtenir ce qu’elle veut ! Une lutte sourde s’engage, où il est quasiment question de vie ou de mort !

L’employée de la CAF donne l’impression d’être un chat devant une souris et c’est haine contre haine ! »

 

 

17

 

 

La lumière, penaude, entre dans le bureau de l’ego, qui est un petit homme courtaud, avec un cigare dans la bouche ! « Qu’est-ce tu veux, la lumière ? fait sèchement l’ego.

_ Ben, j’ sais pas trop…, comme Gwyneth !

_ Comme Gwyneth ?

_ Oui, Gwyneth Pas trop ! Ouf ! Ouf !

_ Et c’est pour me dire ce genre de conneries que tu viens m’ voir ?

_ Ben, non en fait ! J’ me sens pas très bien… Le temps passe et j’ai l’impression de parler dans le vide ! Personne ne fait attention à moi !

_ Mais à qui la faute ? T’avais toutes les cartes en mains ! J’étais prêt à t’aider ! T’aurais pu être parmi les meilleurs ! Mais t’as tout gâché ! T’as craché sur tout ! Je n’ai jamais assez été assez bien pour toi, etc. !

_ C’est pas aussi simple… J’ai cherché la vérité…

_ La vérité ? Tu la veux, la vérité ? C’est qu’ t’es un tocard, la lumière ! un perdant ! A quand remonte ton dernier combat ? Attends voir, c’était au fin fond d’un trou du cul d’ province… et tu l’as gagné avec peine ! Et encore c’était aux points et litigieux ! Te voilà une chiffe ! Quand j’ pense à tout l’ talent qu’ t’avais, c’est à en devenir dingue ! 

_ Hum ! J’ me disais tout de même qu’une petite avance, sur mon prochain combat…, ça pourrait m’ donner d’ l’air...

_ Ah ! Parce que tu crois que le fric, ça se trouve sous les sabots d’un ch’val ? Ça s’ gagne à la sueur de son front, mon p’tit gars ! T’es un idéaliste, un pur ! T’as des atermoiements de héron, face à la boue du marais ! Moi, j’ai les mains dans l’ cambouis ! Je bosse, j’ me bats et le pèze, j’ le mérite !

_ J’espère ! Comme Karl !

_ Comme Karl ?

_ Oui, Karl J’espère ! Ouf ! Ouf ! Excuse-moi, mais au fond, c’est pas l’argent qui est un problème ! Je n’ai pas faim et c’est l’essentiel ! Non, j’ai un p’tit coup de mou, j’ pense ! J’aimerais bien qu’on m’écoute, car j’ai des choses à dire !

_ Moi aussi, j’ai des choses à dire et plutôt deux fois qu’une !

_ C’est bien ça, le problème ! C’est qu’ t’en finis par d’ brailler dans tous les coins ! T’es en permanence scandalisé, ce qui fait qu’on n’ peut pas en placer une ! T’écoutes jamais les autres ! Comme si on pouvait faire tourner le monde autour de soi !

_ J’ai des convictions et j’ les fais valoir !

_ Oui, t’as surtout d’ la haine et d’ la folie ! La haine, ça conserve, faut croire ! Tu sais, je suis de plus en plus persuadé qu’il n’y a qu’un moyen de lutter contre la haine et c’est la foi ! Le stoïcisme, la philosophie, la science n’y pourront rien ! Seul celui qui aime se livre en entier…

_ Et c’est ce que j’appelle un piège à cons ! A chaque fois qu’ tu vas t’ retrouver à sec, tu vas dire qu’on t’éprouve, jusqu’à ce qu’on te mette dans la p’tite boîte ! Tu s’ras mort comme t’auras vécu, dans l’oubli ! Le grand perdant !

_ T’as aucune idée de ce qu’est l’aventure ! J’ai le grand souffle !

_ Alors pourquoi tu viens m’voir ? Va gémir ailleurs ! J’ai du travail !

_ Parce que tu en remets une couche, à chaque fois que ça va pas ! Tu n’ doutes pas ! Tu t’ dis pas : « C’est à moi d’ changer ! » Non, tu cries plus fort ! Tu t’ montres deux fois plus violent ! Tu n’as que cette solution ! Le résultat ? Un mur, celui d’une impasse ! Évidemment, tout le monde en souffre, moi, y compris !

_ Désolé, mais j’ peux pas m’ laisser bouffer ! Faut qu’ ça sorte !

_ Oh ! Mais dès qu’on t’ demande de réfléchir un tant soit peu, tu t’ennuies ! T’as beau crier à l’injustice ou au scandale, tu veux jouir, c’est tout ! D’où ta haine !

_ Elle est justifiée !

_ Ben voyons ! Ça pète de partout ! Mais peu importe, du moment qu’ tu peux t’ soulager ! Bon, faut qu’ j’arrête…, comme Keith !

_ Comme Keith ?

_ Oui, Keith J’arrête ! Ouf ! Ouf !

_ On s’ console comme on peut !

_ Oui, j’ vois les catastrophes de demain ! Elles arrivent comme les trains ! »

 

 

18

 

 

L’ego vient voir la lumière, qui est en train de peindre… « T’es tranquille là, dis donc ! dit l’ego. T’as même une vue sur un jardin ! Les fleurs, les p’tits oiseaux… Le bonheur quoi !

_ Tu supporterais pas cinq minutes !

_ Hein ? Pourquoi tu dis ça ?

_ Laisse tomber…

_ Mais t’as pas l’air de te rendre compte de la chance que tu as ! J’ te vois paisible devant ton chevalet, mais dehors la bataille fait rage ! J’ai pas une minute à moi ! On est toujours en train d’ me demander un service ! Et puis comme les gens sont hargneux, ingrats en plus ! T’as beau leur donner, c’est jamais assez !

_ Tiens ?

_ Mais oui, qu’est-ce que tu crois ? Vous, les artistes, vous êtes marrants ! Vous pensez que les hommes vivent d’amour et d’eau fraîche ! Vous êtes des purs et vous avez des privilèges ! Mais la beauté, c’est bon pour les nantis ! Nourrir les bouches, c’est pas du rêve ! La réalité, c’est le mal et donc le combat pour le bien ! Chaque jour, j’ai ma part de peine ! Tandis que toi… Il n’y a même pas un bruit ici ! Tu vis dans un cocon ! T’es protégé et alors tu développes tes grandes idées !

_ Tu veux un peu d’ café ?

_ Oui, merci ! Non, mais c’est vrai, tu devrais sortir de ta coquille ! t’engager ! Voilà le mot ! Y a du malheur dans l’monde… et faut crocher d’dans ! Hein ! Être utile !

_ De quoi t’as peur ?

_ Hein ? De quoi j’ai peur ? Mais…, mais de rien ! J’ai pas peur ! Pourquoi tu m’ parles de ça ? C’est toi qui es la dérive, non ?

_ Ah bon ? Où tu vois que j’suis à la dérive ? J’ suis calme dans l’ silence… Il est bon ton café ?

_ Hein ? Oui, oui, merci !

_ Alors qu’est-ce que tu voulais m’ dire ?

_ Euh, elle m’a quitté, tu sais…

_ Ah…

_ Oui, elle a pris l’ chien et elle est partie ! Comme si j’étais rien du tout ! Elle est partie brutalement, sans explications, alors que la maison est en plein chantier ! A moi d’ régler ça ! Il faut finir la maison d’ nos rêves, la payer pour rien ! Je me retrouve tout seul, dans ces vastes pièces ! J’y tourne en rond, avec l’impression d’avoir été amputé… et je dois quand même répondre aux ouvriers ! Ça m’ demande un effort titanesque !

_ J’imagine…

_ Et d’abord, pourquoi elle a pris l’ chien ? Il était autant à moi qu’à elle ! Elle est partie avec comme si c’était naturel, son droit ! Je n’ai même pas vu faire valoir mon avis ! Sur le coup, j’ai eu envie de l’étrangler ! J’ t’assure ! Y avait un tel mépris dans ses yeux ! Mais… tout ça n’a pas l’air de te surprendre !

_ Non, pas vraiment…

_ Ah bon ? T’es l’ gars qui avait tout prévu, c’est ça ? Après coup, s’entend !

_ Oh ! Ton malheur ne m’enchante pas ! Mais nous sommes dirigés par des lois…, des lois invisibles s’entend !

_ Mais que toi, tu vois ! Alors qu’est-ce qui n’a pas marché, entre elle et moi ?

_ Ben, vous êtes deux êtres immatures et égoïstes et vous pensiez que l’autre devait vous céder ! Tant que vous aviez des projets, que vous étiez dans l’action, cela vous était masqué, car on ne se retrouve pas vraiment l’un en face de l’autre ! On est toujours dans la réalisation, nullement dans le moment présent ! Dans ton cas, le chantier a sans doute fini par être trop lourd et l’égoïsme a commandé le repli sur soi, le départ !

_ Eh ben, dis donc, tu n’ m’épargnes pas ! Et moi qui pensais que tu prendrais mon parti !

_ Ce s’rait d’ l’enfantillage ! Tu m’ vois là dans l’ silence, comme quelqu’un d’ protégé ! Mais justement j’affronte le moment présent ! J’ ne suis pas en fuite dans l’agitation et les projets ! Il n’y a pas de place ici pour le mensonge, sinon l’angoisse me dévorerait tout cru !

_ T’es quand même en marge… et tu profites du système !

_ A qui la faute ? Tu m’ vois t’expliquer que tu vas dans l’ mur, alors que tu me parles avec enthousiasme de tes plans, à côté de ta femme souriante ? Mais tu m’ f’rais la gueule et tu souhaiterais ne plus me revoir ! Donc, je me tais… et je reste seul ! La sagesse, personne n’en veut ! Tout le monde préfère garder son égoïsme et accuser d’autres quand ça va mal !

_ Mais pour qui tu t’ prends ? Dieu, le père ?

_ J’ai aussi ma peine, car vous ne m’aimez pas ! Vous tombez et vous voudriez de la pitié, mais vous ne faites rien pour changer ! »

 

 

19

 

 

La lumière avance tranquillement dans la rue, quand soudain on l’appelle : « Eh ! La lumière ! crie l’ego. J’ suis ici ! » La lumière tourne la tête et découvre l’ego assis par terre, là où pissent les chiens ! D’ailleurs, l’ego rayonnant, qui montre sa sébile, est accompagné de deux de ces animaux, à l’air avachi ou triste !

« T’as bien une p’tite pièce ! » jette l’ego nullement gêné par sa tenue débraillé, mais qui au contraire en semble très fier ! La lumière tique, car il ne voit pas pourquoi l’ego fait la manche, alors qu’il paraît en forme, sans problèmes physiques qui pourraient l’empêcher de travailler ! Il est vrai aussi que bien des marginaux ont plutôt des souffrances psychiques, qui les rendent asociaux… « Il y a bien de la peine en c’ monde et il ne faut point se hâter de juger ! » pense la lumière, qui déclare cependant : « Désolé, mais je n’ai pas de monnaie ! »

L’ego a un geste large, pour montrer sa compréhension ! Il sait que le paiement sans contact conduit de moins en moins au distributeur et puis, il y a l’inflation ! Ce qui surprend la lumière, c’est que l’ego se comporte comme si c’était lui qui dirigeait la rue et avait la situation en mains !

« Ça ne te dérange pas d’être assis dans la poussière et la crotte, au niveau des pieds des gens ? demande la lumière.

_ Eh ! Mais c’est que j’ai pas le choix ! Faut bien qu’ je croûte !

_ D’accord ! Mais apparemment physiquement, ça va… Pourquoi tu ne cherches pas un travail ? Y a rien qui t’intéresse ?

_ Bof !

_ T’aimerais pas faire de la peinture, de la photographie, du jardinage ? Si j’ te dis ça, c’est parce que, dès que quelque chose t’intéresse vraiment, alors l’État peut t’aider… et pas qu’un peu ! Il est fait pour ça ! Si quelqu’un se montre déterminé, sincère, alors toutes les portes s’ouvrent ! Tu pourrais bénéficier d’une aide financière, d’une formation, d’un logement, à condition qu’il ne s’agisse plus de toi-même, mais d’un métier que tu veuilles exercer ! L’État voit ça comme une sortie à ta marginalité !

_ Oh là, pas question ! C’est qu’ j’ai du ressentiment ! C’est pas écrit pigeon sur ma tête !

_ C’est bien c’ que j’ craignais ! T’es enfoncé dans tes problèmes d’ego… et c’est pourquoi rien ne t’intéresse à part toi ! C’est bien là le problème ! Mais c’est encore une question de temps… Il est possible qu’un jour tu sois délivré et que tu te découvres une passion pour autre chose que toi-même !

_ Mais qu’est-ce que tu racontes ? C’est plutôt toi qui aurais besoin d’être aidé !

_ J’ crois pas ! Car tes blessures, je les ai eues aussi et il est normal de réclamer justice ! Mais on comprend aussi que c’est sans fin ! On ne peut pas guérir tant qu’on se contemple, même si on est la victime !

_ Quelles conneries ! C’est toi qui es paumée, la lumière ! C’est toi qui es perdue !

_ Ah bon ?

_ Mais oui, la société, elle est dépassée ! Le bourgeois, on n’en veut plus ! La consommation à outrance, la destruction de la nature, c’est fini, terminé ! Nous, c’ qu’on veut, c’est qu’il n’y ait plus d’ pouvoir ! Chacun s’ra frère et la justice pour tous ! On vivra en harmonie ! »

A cet instant, une fille passe et salue l’ego : « Tu vas bien, l’ego ? 

_ Mais oui, la fille ! Du calme ! crie l’ego à ses chiens.

_ Tu viens à la fête ce soir ?

_ Bien sûr !

_ On discut’ra aussi des prochaines actions ! Faut défendre la salle de spectacle !

_ Mais oui, le bobo ne pass’ra pas ! C’est encore la mairie qui est derrière tout ça !

_ Tu parles ! Tout le système est à changer !

_ Comme tu dis ! Si on fait rien, y nous bouffent ! »

La lumière s’en va et songe : « Il veut mon argent et me méprise en même temps ! Comment lui expliquer qu’il se trompe sur lui-même ! que la soif de pouvoir naît naturellement en nous ! que c’est d’abord nous-mêmes qu’il faut combattre ! Mais ça ne fait pas les affaires de l’ego ! Lui, ce qu’il veut expressément, c’est triompher, dominer, montrer qu’il est le plus fort ! Il se masque son égoïsme, par la lutte qu’il mène contre des égoïsmes plus puissants ! Son harmonie est un leurre et quand il aura abattu le pouvoir, il se dévorera lui-même !

La preuve ? Que je le contrarie… et il me saut’ra d’ssus ! comme un chien qui a peur ! L’abîme est là, derrière chacun d’entre nous… et on boit et on joue les affranchis, les gros bras ! On est incapable de se calmer, de s’apaiser ! Quelle misère ! »

 

 

20

 

 

Aujourd’hui, la lumière est bien ! Oh ! Ce n’est pas qu’elle déborde d’énergie, qu’elle soit pleine d’espoir et qu’elle ait de nouveau confiance ! Non, elle arrive tout juste à être en paix avec elle-même, ce qui lui permet de ne pas perdre sa lucidité et donc de ne pas se fatiguer outre-mesure ! C’est essentiel car, à partir d’un certain stade, on force pour échapper à l’angoisse, ce qui produit les drames ou les accidents qui jalonnent l’actualité ! D’ailleurs, celle-ci est un véritable festival d’horreurs et de bêtises !

Mais la lumière reste dense et sereine, malgré le désert qui l’entoure, et tout de suite l’ego veut lui trancher la gorge ! Ce n’est pas surprenant : l’ego vit pour lui-même, pour dominer, être le centre des autres et la lumière ne suit pas le programme ! Elle se nourrit de plus grand qu’elle, notamment de la beauté des nuages ; elle réfléchit aux grandes lois qui régissent la vie, elle étudie la sagesse, ce qui dépasse entièrement l’ego, en suscitant sa haine ! L’indépendance, la tranquillité de la lumière est ainsi tout de suite la cible de l’ego, qui montre toute sa colère et qui fait de la vie un enfer, pour lui comme pour les autres !

Mais il existe aussi des egos qui cherchent, qui doutent et qui apparaissent respectueux de la lumière, car ils voient sa puissance, sa force, alors qu’eux-mêmes souffrent au point de s’avouer leur ignorance ! Ce ne sont pas des egos jusqu’au-boutiste, qui gardent l’illusion qu’on peut triompher dans le brasier sur les morts, et ils révèlent sans le dire que l’angoisse nous éduque, nous « travaille », nous creuse, comme le ciseau sculpte la pièce de bois ! Il y a donc, sous l’effet des inquiétudes, ceux qui deviennent encore plus durs et qui vont vers leur destruction, et ceux qui au contraire cèdent enfin, en se présentant plus malléables, plus à l’écoute, reconnaissant à la lumière sa valeur, puisqu’elle est manifestement plus heureuse et sûre d’elle-même ! On ne copie que ce qui marche !

L’angoisse n’est donc pas notre ennemie, même si elle est profondément désagréable, car sinon elle ne serait pas l’angoisse ! même si encore elle provoque généralement un regain de l’ego, ce qui ne fait que l’amplifier, car la solution la plus facile pour l’égoïsme, face à l’adversité, c’est bien entendu de se renforcer ! Et plus l’égoïsme est fort et plus nos vies ressemblent à un désert, où nous crevons de soif ! Dans ces conditions, la haine peut perdre toute mesure, exploser et commettre l’irréparable ! Mais c’est juste de l’ego qui a voulu se tromper lui-même et ne pas faire d’efforts ! La lumière, elle, se mesure à l’angoisse, car elle veut la vérité ! Elle attend, ne s’énerve pas et finalement elle ne fait plus qu’une avec l’angoisse ! La paix est à ce prix ! Le mensonge, c’est d’accuser les autres ! C’est la fuite !

L’angoisse nous transfigure ! Ce que nous avons gagné contre elle nous est acquis à jamais ! Absolument personne ne pourra nous l’enlever ! Nous sommes les vainqueurs d’une guerre silencieuse et non dite ! Heureux celui que l’angoisse éclaire ! Heureux celui qui sort du feu de l’angoisse, avec le visage serein ! Heureux celui qui ne cède pas à la haine ! Heureux celui qui dresse son angoisse comme un chien : il devient le maître d’un tourbillon ! Heureux celui qui sait attendre, car sa récompense est l’eau la plus pure, la plus fraîche ! Qui voudrait ne pas sentir la caresse d’un amour infini ? Mais l’ego mord la flamme ! Il s’enfonce dans sa haine ! Il s’agite, rugit ! On lui doit des comptes, alors qu’il est sans courage ! Il se dit guerrier, bien qu’il nie le dragon ! Il est une marionnette de la peur !

« Eh ! Attention ! » fait l’ego à la lumière qui s’écarte ! L’ego est très sérieux, plein de mouvements et porte un gilet spécial ! « Qu’est-ce qui se passe ? » demande un autre ego et voilà les egos discutant au milieu de la rue, avec de l’autorité ! L’ego est un acteur impeccable ! Son décor aussi avance, s’installe ! Un gros camion ici s’approche, pour dérouler un câble... C’est le progrès, mais aussi l’ego qui s’honore ! « Vous dégagez la place ! » crie un chef à ses hommes et le monde est maintenant suspendu à une manœuvre ! L’angoisse est partie, chic ! « Qu’est-ce que ça file ! » s’exclame le voisin de la lumière, qui réplique : « Comme Marat ! 

_ Quoi ?

_ Marat Ça file ! 

_ Très drôle ! »

L’ego n’aime pas lumière : il la trouve dédaigneuse, rabat-joie ! Rien ne compte plus pour l’ego que son théâtre !

 

 

21

 

 

L’ego est malade, il vient de l’apprendre : il a un cancer ! Déjà, son visage est légèrement émacié et il se sent fatigué ! La maladie a lentement commencé à le dévorer intérieurement, comme si elle « pompait » tout l’être ! La lumière est désolée et frémit, car elle pourrait être un jour atteinte aussi et alors quelle serait sa réaction ?

Pourtant, pour l’instant, au-delà de la tristesse causée par la souffrance d’un autre, la lumière ne peut s’empêcher de penser, d’autant qu’elle connaît bien l’ego ! Pour celui-ci, la vérité est relative… Chacun voit le monde à travers ses convictions et il en est très bien ainsi ! Nous serions donc des îles isolées, uniquement reliées par les lois qui permettent à la société de fonctionner ! Il n’y aurait pas de vérité universelle et la foi notamment ne relèverait que de l’intimité de chacun !

Voilà qui est étonnant ! On peut comprendre ce point de vue, qui garantit la laïcité et donc la liberté de penser, si on ne considère les religions que d’après leurs règles, ainsi qu’elles seraient quasiment des partis politiques ! La foi alors ne serait qu’une affaire d’opinion ! Mais celui qui croit sincèrement détermine des lois et ce sont celles de la sagesse ! Il a le même regard que celui du scientifique, qui vérifie par l’expérience l’exactitude de ses théories ! La foi n’est pas quelque chose d’obscur, mais elle s’affirme au contact de la réalité !

Et l’une des préoccupations majeures de la lumière, c’est comment guérir son angoisse ! Autrement dit, quel sens peut-on donner à la vie ! Quelle n’est pas alors sa surprise, quand l’ego trouve cette question secondaire, comme si lui-même lui avait donné une réponse ! Il n’en est rien évidemment, mais l’ego est à même de s’illusionner sur son compte, grâce à sa domination ! C’est l’égoïsme qui permet à l’ego de repousser sa peur et il ressemble au trapéziste insensible au vertige, parce qu’il est tout à son numéro ! On comprend par conséquent le trouble, la haine de l’ego, car sa paix n’est que factice ! Si on lui fait obstacle et qu’il n’est plus question de lui, c’est la chute !

Ceci explique sans doute pourquoi le nombre de malades, malgré notre modernité, ne diminue pas ! Sous le vernis de l’objectivité, la tension produite par l’angoisse continue son œuvre destructrice ! Rien n’apparaît à l’extérieur, mais le corps se tord à l’intérieur, est soumis à des pressions extraordinaires et finit par céder, en se détraquant ! Ce combat est invisible et muselé, puisque l’équilibre de l’ego, c’est sa réussite ! Même de se montrer ignorant est exclu ! L’orgueil sombre, fier près de son drapeau, alors que le naufrage eût pu être évité !

Mais ainsi vont nos sociétés, comme marchant sur l’eau ! l’hypocrisie nous donnant le sourire, alors que le requin de la maladie nous saisit tour à tour et nous fait disparaître ! La foi, elle, ne peut éluder la vérité, à moins qu’elle ne se résume aux dogmes de la religion et ne devienne haineuse, si on ne les respecte pas ! Dans ce cas, le croyant ne se différencie en rien de l’ego et suit le même chemin ! Comment trouver la paix ? Comment guérir les maladies ? Comment éviter des maux comme la sédentarité, à l’origine de bien d’autres troubles ? La science a bien entendu des réponses, Dieu merci pourrait-on dire, mais sont-elles suffisantes ? Apparemment non… et ce n’est pas une question de temps, puisque le problème ne fait que se déplacer ! On éradique un fléau et un autre apparaît ! Notre confort même nous tue !

Au fond, la science accentue notre angoisse, plutôt qu’elle ne l’apaise ! Ce n’est pas que nous refusions l’étendue de nos connaissances, mais la science ne nous propose aucune vision cohérente ! Elle nous rapporte le fruit de ses recherches, tel un enfant a trouvé un objet sur la plage ! A nous de nous débrouiller ! Que faisons-nous ici ? Comment partager l’enthousiasme des chercheurs, alors que leur domaine nous dépasse ? Comment ne pas voir que bien des scientifiques sont moins mâtures que des bénéficiaires du RSA, qui eux ont dû affronter la vie jusqu’au tréfonds ? Comment ne pas être surpris de la hauteur d’un médecin ou d’un psychologue, qui bénéficient donc d’un luxe moral ?

Les médicaments, les opérations réparent sans aller à l’essentiel, c’est-à-dire à la paix factice de l’ego ! Tant que nous nous « paierons de mots », nous serons malades ! Tant que l’ego reste sourd à la lumière, il vit dans le chaos et le stress y fait des ravages ! Tous, nous en pâtissons ! Imaginons chacun, luttant contre son ego et d’abord contre son impatience, par amour ! Imaginons chacun curieux de l’autre ! Imaginons chacun courageux, car aimant ! Imaginons chacun reconnaissant à l’autre sa valeur, bien qu’il ne soit pas d’accord avec lui ! Imaginons chacun calmant sa colère ! La maladie aurait-elle encore prise sur nous ?

Aujourd’hui, c’est comme si la société toute entière était atteinte d’un cancer, celui de la haine ! C’est là le fruit de l’ego !

 

 

22

 

 

La peur rejoint l’ego : « Tu cliques où sur le Captcha de l’espoir ?

_ Quoi ?

_ Ouais, regarde la société et tu cliques partout où tu vois de l’espoir !

_ Ben… Euh… A vrai dire, j’ suis plutôt mal, triste même ! En tout cas, j’suis inquiet ! Ouh ! Comme je suis inquiet !

_ Si tu vois pas d’espoir, tu cliques sur ignorer !

_ C’est pas un piège ?

_ Mais non, tu m’ connais !

_ Justement ! Tu m’ rends nerveux !

_ Bouh !

_ Ah !

_ Quel peureux tu fais ! J’ai pourtant pour toi plein d’ solutions ! J’ laisse jamais tomber un ami !

_ C’est justement ça le problème, je veux m’ débarrasser d’ toi !

_ Ben, t’as qu’à picoler ! Effet garanti !

_ Non, mais tu m’ vois la canette à la main, dans mon jean crasseux, en train d’insulter le système !

_ Mais tu peux manifester le samedi ! Ça te permettrait d’attaquer l’ dimanche !

_ Pourquoi le dimanche serait un problème ?

_ Mais parce que tu travailles pas et qu’ c’est du vide ! A quoi crois-tu que sert la cuite du samedi soir, si c’ n’est pour rester avachi devant la télévision le lendemain ? Toi, tu pourrais t’ dire que tu as gueulé la veille dans la rue, avec les camarades, et qu’ l’ combat continue ! A ce moment-là, moi, j’ devrais m’ faire tout p’tite ! Le sentiment de ton utilité me regarderait avec des yeux noirs !

_ Ouais, ouais, mais j’ suis quand même pas si bête ! Les extrêmes, c’est jamais fatigué, moi si ! J’aime bien l’intelligence, la nuance ! J’ m’ mets un peu à la place de l’autre et j’ me dis que les choses sont complexes !

_ Ce n’est pas vrai ! Tu… tu te mets à la place de l’autre ? Même s’il est différent, opposé ? Ce n’est pas possible, c’est trop pour moi ! Tu vois, ça sort à gros bouillons !

_ Allons, allons…

_ Je n’en peux plus…., tous ces abrutis !

_ Je sais, not’ pays est damné !

_ Si t’étais une femme, j’ te dirais quoi faire pour me chasser !

_ Eh ben, vas-y…

_ Oh ! Mais j’ diffus’rais mes hormones comme un parfum ! Les mecs baveraient autour ! J’en choisirais un, pas trop décati… En fait, faudrait qu’il soit sûr de lui ! L’idéal s’rait un type comme un rocher ! J’ m’accroch’rais à lui, j’ prendrais ses mesures et bientôt, j’ l dresserais ! pour qu’il gagne plus et qu’il vise plus haut ! Le soir, j’ l’ regarderais rôtir, en surveillant la cuisson ! Mais qu’est-ce que j’ raconte ? J’ suis belle et douce !

_ Ouais, ouais, ton plan manque de netteté ! J’ pensais à un truc… et la lumière ?

_ La lumière, la lumière, c’est très surfait, tu sais !

_ J’ croyais qu’ la foi t’écartait, t’ mettait au rancart !

_ Une légende ! Tu crois vraiment qu’on peut rire de moi ! Tiens, si j’vois la lumière, j’ lui dirai : « Écoute, la lumière, est-ce que tu es assez pure ? Est-ce que tu aimes tes ennemis ? Vraiment ? Est-ce que tu les bénis et les plains ? Hein ? Hum ! Hum ! Là, j’ peux te dire que la lumière n’en mène pas large ! Elle commence à trembloter !

_ C’est vrai ?

_ Mais bien sûr ! Le fuselage fait un drôle de bruit ! On est tous pareils ! C’est bien simple, la lumière est tranquille comme un lac et moi, j’ lui d’mande : « Quelle profondeur le lac ? Y aurait pas un monstre au fond ? Genre nouvelle Nessie ? » et la surface se trouble ! Et faut qu’ j console tout ça ! Dieu qu’ c’est fragile ! Me v’là à raconter une histoire, pendant qu’on mange un carré d’ chocolat ! Puis, y a les bisous et enfin, enfin, on s’endort ! Ouf !

_ Ah ! Ah ! Quand j’ pense à la lumière, avec ses grands airs !

_ La seule différence, c’est qu’elle, elle bosse !

_ Hein ? Mais, moi aussi !

_ Tu restes tout de même timide ! Elle, elle essaie vraiment d’ changer, tandis que toi, tu es comme la barque qui pourrit dans l’port ! Alors, qu’est-ce qu’on fait ?

_ Espèce de...

_ Comment ? Tu vas m’ dire que tu m’ kiffes pas ? Bouh ! Comme j’ suis malheureuse ! Ah ! Ah ! Comme si tu pouvais m’ quitter ! Une partie de baballe ? J’ te passe la balle, tu m’ la repasses et ainsi d’ suite ! Extra, non ? C’est la saison en plus ! Gi ?

_ Va t’ faire…

_ Roger, pense aux enfants ! Hi ! Hi ! »

 

 

23

 

 

L’ego rentre chez lui pour déjeuner…, mais à peine entre-t-il dans la cuisine qu’il entend des pleurs ! « Qu’est-ce qui s’ passe ici ? demande l’ego d’une voix grondante.

_ Y veut pas manger son poisson ! répond sa femme.

_ J’ veux pas manger mon poisson ! J’ veux pas ! crie l’enfant.

_ Quel maniaque ! jette le père en s’asseyant.

_ Tiens, chéri, sers-toi ! lui dit l’épouse en montrant les plats, puis elle se tourne de nouveau vers le p’tit garçon. Allez, il en reste encore ! Tu vas m’ faire le plaisir de manger tout ça !

_ Nan ! J’ veux pas mon poisson !

_ Alors, répond la mère, j’ vais être obligé d’appeler les pêcheurs ! Et tu sais ce qu’ils vont faire les pêcheurs ? Ils vont v’nir ici et ils vont brûler la maison ! T’auras plus d’ maison !

_ Non, c’est pas vrai !

_ Si ! Car quand ils sont en colère, les pêcheurs, y brûlent les maisons ! Y sont très méchants !

_ Ouin ! J’ veux pas mon poisson !

_ Bon très bien, j’ vais téléphoner aux pêcheurs ! C’est ça qu’ tu veux ! Être dans la rue sans maison ?

_ Mange au moins tes carottes ! fait le père.

_ J’ veux pas mes carottes ! Elles sont pas bonnes !

_ Oh ! Ben, alors là, faut prévenir les agriculteurs ! J’ vais leur téléphoner ! (Le père se lève, reste une minute dans son bureau, puis revient). Voilà ils arrivent ! Tu sais ce qu’ils vont t’ faire les agriculteurs ?

_ Non….

_ Y sont pires que les pêcheurs ! Ils vont v’nir ici avec leur tracteur… et ils vont t’accrocher derrière !

_ Non, c’est pas vrai !

_ Si ! Y vont t’ traîner derrière leur tracteur ! Dans la rue jusqu’aux champs ! Là, ils rigoleront de t’voir tout plein d’ terre dans l’ maïs ! A moins qu’ils t’ passent dans l’ blé ! à cause des vipères ! Si elles sont dérangées, elles mordent et c’est fini !

_ Non ! Ouin ! J’ veux pas les agricu… teurs !

_ C’est trop tard ! Écoute ! On entend l’ tracteur ! Il arrive !

_ Nan, c’est pas vrai !

_ Allez, y reste plus que deux bouchées ! dit la mère.

_ C’est froid !

_ C’est vrai, c’est froid ! Si tu mangeais convenablement aussi ! Seigneur, j’ sais plus quoi faire ! Bon, tu vas au manger ta pomme, j’espère ! Les fruits, c’est bon pour la santé !

_ J’ veux pas ma pomme, non pus !

_ Pouah ! s’écrie le père. Y a qu’à l’ vendre aux émeutiers ! Tu sais c’ qui vont t’ faire les émeutiers ? Y vont t’accrocher des pétards sous les bras et y vont r’garder danser dans la nuit, car t’ s’ ras plein d’étincelles !

_ La police viendra m’ sauver !

_ Mais elle n’aime pas les p’tits garçons qui mangent pas leur pomme !

_ J’ pense qu’on peut t’ vendre aux émeutiers pour dix euros ! renchérit la mère. Tu vaux pas cher, tu sais !

_ J’ veux pas ma pomme ! J’ veux aller jouer !

_ Laisse donc, chou ! rajoute le père. Il ira avec les Gilets jaunes, pour garder un rond-point ! Il mang’ra des raviolis en boîte !

_ Y brûlera des poubelles pour s’ chauffer !

_ Y f’ra hou ! hou ! d’vant la police !

_ Y s’ra tout sale, avec de la barbe !

_ Y cass’ra tout !

_ Il ira voler des jouets et on l’ mettra en prison !

_ Il m’ttra le feu à l’Elysée !

_ Y dira pas d’ pouvoir, c’est mon pouvoir !

_ Y s’ra fou !

_ Non, c’est pas vrai !

_ Mais alors mange, bon sang ! s’écrie la mère désespérée.

_ Et Poutine ? Y s’en occup’rait, Poutine ! reprend le père. Y viendrait là, tout gentil, mais y mettrait du poison sur ta p’tite voiture, tiens ! Et toi, tu la prendrais et hop ! faudrait t’ conduire à l’hôpital !

_ Oh ! Mais y a encore plus simple ! réplique la mère. On appelle les féministes et elles vont lui couper l’ zizi ! »

 

 

24

 

 

L’ego est mort et il monte vers Dieu ! Il rejoint une file d’autres egos, qui attendent devant une porte ! A mesure qu’il s’en approche, l’ego devient nerveux et il vérifie que sa cravate est bien nouée, que ses chaussures sont impeccables et que le complet dans lequel il a été enterré n’est pas trop froissé ! Puis, c’est sont tour et il avance dans la pièce, alors que Dieu lui fait signe de s’asseoir, sans pour autant lever la tête ! Un ange passe et enfin Dieu regarde l’ego et lui sourit ! C’est rassurant et l’ego sourit aussi !

« J’suis bien content d’ te voir ! fait Dieu à l’ego. Tu sais, y en aurait que des comme toi et j’ pourrais prendre des vacances ! » L’ego a un geste comme pour dire : « Mais c’est naturel, voyons ! » « Oh ! Mais ne te sous-estime pas ! reprend Dieu. Tu es une perle ! Si ! Si ! J’ai là sous les yeux ton dossier… et il est exemplaire ! Voyons… Tu fais toutes tes prières ! Il n’en manque pas une seule, où qu’ tu sois ! Chapeau !

_ J’ voulais pas vous décevoir !

_ J’ vois ça ! enchaîne Dieu, qui a soudain un geste brusque, qui fait sursauter l’ego. Et les rites ! Tu les as tous suivis !

_ Ah ça…

_ C’est bien simple, tu es le scrupule incarné !

_ N’exagérons rien…

_ Ah ! Pardon ! Y a trente ans, tu t’ souviens ? Tu l’ voulais c’ biscuit ! Il était doré à point, tellement qu’il te faisait les yeux doux ! Mais toi, t’es resté ferme, dis donc ! T’as pas cédé ! La règle disait : jeûne et l’ biscuit, il est resté tout seul ! Il en a pleuré d’ chagrin !

_ Ah ! Ah !

_ Ah ! Ah ! C’est une souris qui l’a eu ! Et crac ! Dame, j’ nourris tout l’ monde !

_ C’est bien normal…

_ Y a quand même des choses, l’ego, qui sont un peu gênantes dans l’ dossier…

_ Ah ? Lesquelles ?

_ Ben, t’aurais insulté, menacé des femmes…

_ Mais elles étaient habillées comme des prostituées ! Elles t’insultaient !

_ Tu veux dire que tu as agis en mon nom ? Tu n’ penses pas que je peux me débrouiller seul ?

_ Si, si ! Bien entendu ! Mais ça m’a révolté !

_ T’as voulu faire ma police, c’est ça ?

_ Voilà ! J’ai tenu à ce qu’on respecte le règlement !

_ Y a aussi cette affaire d’ambassade ! T’as aidé à y mettre le feu !

_ Ils vous respectaient pas ! Maudits soient les athées, les impies !

_ Du calme ! Du calme ! Je vais te donner une bonne note… et je vais même aller plus loin ! Exceptionnellement, tu vas rester pour le cas suivant, car je tiens à te montrer comment je suis mal servi, d’accord ?

_ Très bien…

_ Tu prends la chaise qui est en retrait… et tu vas voir, on va bien rigoler ! Suivant ! »

La lumière entre… « Assieds-toi, lui dit Dieu, et autant te le dire tout d’ suite, j’aimerais avoir quelques explications !

_ Rien ne doit être caché ! répond la lumière.

_ Je vois que tu connais tes classiques ! Justement, tu aimes ma parole, tu t’en nourris et tu deviens une sorte de paria ! Ça commence dans ta famille ! Tu cherches la vérité et te voilà en porte à faux avec tes proches !

_ Oui, ça a été douloureux !

_ C’est un euphémisme, car tu donnes vraiment l’impression de t’amputer d’un membre, comme l’animal qui échappe au piège !

_ J’ avais ton amour dans l’ cœur et je ne le retrouvais pas autour de moi !

_ Tu m’ tutoies ?

_ Il manqu’rait plus que moi, ton enfant, j’ te parle avec cérémonie !

_ Tu vas m’ faire pleurer, grand dadais ! Mais ta peine ne s’arrête pas là ! Te voilà errant, anonyme, méprisé, piétiné, durant des années ! Sans haine ! Tu encaisses tout, par amour pour moi !

_ La foi, c’est la confiance ! Comment aurais-je pu montrer ma confiance, si j’avais laissé aller ma haine ? C’est ton monde et tu fais ce que tu veux !

_ Et tu fais pas tes prières ? Et tu n’observes pas les rites de la religion ?

_ Pourquoi faire ? Ma vie est une prière !

_ T’entends ça, l’ego ? Toi, tu m’as toujours pris pour un maître d’école ! Et les efforts sur toi, nada ! Du moment qu’ t’étais en règle, tu voulais commander, avoir les biftons et ne pas t’ gêner avec ta haine ! Où tu as montré que t’avais la foi, la confiance ? Au contraire, tu t’es défié d’ moi, en ne manquant surtout pas une prière ! Comme si j’étais un comptable !

_ Mais je…

_ Qui m’a aimé, qui m’a insulté ? La lumière a perdu sa vie pour moi ! Par son abnégation, elle a montré combien je pouvais être puissant ! Toi, l’ego, par ta colère, ta dureté, ta justice impitoyable, tu m’as fait voir comme un despote capricieux, faible, sadique même ! Tu es la lie des serviteurs ! Débarrasse-moi, l’ plancher ! J’ veux plus t’ voir ! »

 

 

25

 

 

La lumière est en vacances et elle voyage en paquebot ! Elle rayonne sur le pont et s’approche d’un couple d’egos, qui se prélasse sur des transats ! « Bonjour ! fait la lumière.

_ Bonjour, bonjour ! répond le couple.

_ Comme c’est merveilleux ! enchaîne la femme.

_ Ouais, y a plus qu’à buller ! rajoute l’homme.

_ Oh ! Oh ! coupe la femme. De toute façon, tu n’ fais pas grand-chose le reste de l’année !

_ Pourquoi tu dis ça ? s’indigne le mari. J’ travaille au magasin tout comme toi !

_ Oui, oh ! Ah ! Ah ! Disons que tu fais acte de présence ! Tu roules des mécaniques à la caisse, mais les commandes, la gestion et même le nettoyage, c’est moi !

_ Et voilà que tu recommences ! Et devant un étranger en plus !

_ J’en ai marre ! J’en ai marre ! Tu peux pas comprendre ça ! D’ailleurs, c’est fini, j’ vais d’mander le divorce ! »

La femme se lève et s’en va, laissant son mari atterré. La lumière ne s’attarde pas et reprend sa promenade… Elle croise un sportif, qui s’entraîne à prendre des départs et qui a l’air très sérieux ! La lumière est impressionnée, mais elle n’a encore rien vu, car le sportif essaye maintenant quelque chose d’incroyablement dangereux ! Le voilà qui se met en équilibre sur le bastingage, ce qui est complètement absurde, car le risque est de tomber à l’eau ! Le sportif oscille un peu et chute effectivement dans la mer ! L’alerte est donnée, un canot est descendu et les recherches commencent, mais elles sont interrompues par la nuit ! Tout le monde parle du drame et n’en revient pas !

Le lendemain, la lumière respire l’air frais du matin et admire la grâce d’un oiseau marin, quand elle entend une sorte de prédicateur, parlant à un petit groupe ! « Dieu est amour ! dit le prédicateur d’une voix suave. Et vous êtes tous ses enfants ! » La communion semble complète entre l’orateur et son auditoire, ce qui pousse naturellement la lumière à se mêler au groupe, mais soudain il y a un changement de ton ! Le prédicateur se met à crier : « Bande de salopards ! Tas d’ordures ! Non mais, regardez-vous ! Vous vivez dans la bauge, loin de toute sainteté ! J’ vais vous redresser à coups de trique ! Vous allez marcher selon la loi du Seigneur, c’est moi qui vous l’dis !

_ Dieu est amour ! rappelle la lumière. Ne l’oubliez pas !

_ Non mais, je rêve ! Un porc qui m’ fait la leçon ! T’as aucun respect pour l’ sacré ! Et Dieu n’aime que ceux qui l’ respectent !

_ « Aimez ceux qui vous haïssent ! » demande-t-il et lui en s’rait incapable ?

_ J’ vous aurai tous ! J’ vous f’rai tous crever ! Les uns après les autres ! »

Tous s’enfuient devant une telle haine et la lumière se remet de ses émotions un peu plus loin, où il y a une famille, spectacle charmant ! Une petite fille joue au croquet avec son père manifestement et elle dit : « Papa, y a des gens qui ont des cabines plus grandes que nous !

_ Ce sont les riches, ma chérie…

_ Et pourquoi nous, on n’est pas riches ?

_ Parce que nous, nous respectons les gens…, alors que les riches les exploitent, les traitent comme des esclaves ! »

La lumière, surpris par ce « chant » de la justice sociale, vient plus près et se place tel un curieux bienveillant ! Mais alors le père se rembrunit et d’une voix sourde, il jette : « Mais t’inquiète pas, ma petite fille ! Un jour, les riches, on les f’ra tomber ! On les brisera comme ça ! » et il casse sa canne de croquet, sous les yeux stupéfaits de sa fille !

Déçue, la lumière s’en va, mais elle n’a pas fait quelques pas qu’elle est bousculée par un Noir ! Encore choquée, elle voit des Blancs lui passer brusquement devant, à la poursuite du Noir ! « Au voleur ! crient certains. Qu’on le pende ! »

Là-bas, il y a bientôt un attroupement et l’horreur se déchaîne, puisque le Noir est effectivement pendu à une passerelle ! Cela s’est passé si vite que la lumière n’a pu intervenir et elle regarde ces visages laids et comme ivres !

Mais ainsi va la lumière en été : elle gonfle les humains comme les fleurs et l’ego montre tout son mensonge et sa folie !

 

 

26

 

 

Deux Narcissos discutent autour d’un feu, dans la nuit ! Les Narcissos sont des supers egos ! Alors que le monde est sans repères, rongé par le chaos, soumis à la violence et apparemment dépourvu d’avenir, à cause du réchauffement, l’ego se raccroche à lui-même, comme un naufragé à son radeau ! Si en plus il est jeune et donc fragile, il se crée une bulle d’égoïsme, où il ne recherche que lui-même : c’est le Narcisso !

Véritable monstre des temps nouveaux, le Narcisso a tout de même quelques excuses ! S’il regarde à gauche, il est effrayé par des gens hargneux et haineux, qui croient naïvement que tout le malheur vient des riches et des profiteurs ! S’il regarde à droite, il voit un marécage avec des crocodiles, qui disent des énormités sur la morale ou les démocraties ! Quant aux idées, à la vie intellectuelle, elle se résume à des plagiats non avoués, par des auteurs précieux, qui se noient dans un verre d’eau ! Par exemple, les expressions « Coopérez » ou « Les liens qui libèrent » sont utilisées pour ne pas dire : « Aimez-vous les uns les autres ! », ce qui est éminemment plus fort et plus vrai !

De toute façon, le Narcisso se juge entouré de Boomers, les responsables de son malheur, de sa situation périlleuse et même sans issue ! Le repli sur soi s’impose donc, car la confiance est impossible et on devient un monde psychique à part, telle une citadelle isolée ! Il faut d’abord se défendre contre les attaques des adultes, ce qui exige de monter régulièrement au créneau ! Les alertes se succèdent et demandent des remparts toujours plus forts ! La moindre faille est bouchée et malheureusement, le château se montre imprenable ! Ses murs sont lisses et le mystère plane sur son intérieur hermétique !

Que se passe-t-il là dedans ? Nul ne le sait, mais le terrain est prêt pour le Narcisso ! C’est lui le prince du lieu ! C’est son étendard qui flotte sur le toit et sa justice qui règne ! Mais pourquoi tous ces assauts d’adultes ? Mais le Narcisso est fils ou fille d’egos  et ceux-ci ne supportent pas que les fruits de leurs entrailles échappent à leur contrôle, puisqu’ils vivent du sentiment de leur pouvoir ! Le Narcisso est le digne héritier de l’ego et il ne fait que pousser à l’extrême le comportement de ses géniteurs ! Le lait du bébé Narcisso, c’est l’hypocrisie et la peur du Boomer !

Le Narcisso est clos et chaque jour il doit se nourrir de son image ! Il consulte incessamment son Narcisse (portable) à la recherche de quelque chose qui le concerne, qui lui dit qu’il existe et qu’il a de la valeur ! Tout ce qui vient troubler la surface de son reflet est haïssable ! Toute interférence le fait hurler, ainsi qu’on lui arracherait l’estomac ! C’est qu’il est sous perfusion de lui-même ! Il est assoiffé de sa personne dans un désert ! La tension psychique qui l’habite et l’épuise le rend incapable de patience, de relâchement ! C’est pourquoi il ne supporte l’autre que s’il est soumis et il ne tolère l’autorité qu’à la condition qu’elle ne le dérange pas !

Mais les deux Narcissos qui sont ici autour de leur feu ont une spécialité : ce sont des chasseurs de Climatos ! Ceux-ci sont des animaux lourds, qui traversent la plaine en bramant ! Ils crient que le climat se réchauffe et qu’il y a urgence à le refroidir ! Ils importunent donc les Narcissos ! comme l’appel de leurs parents les irritait, quand ils étaient enfants ! C’est un étranger qui entre dans leur château, dont il faut se débarrasser et couchés sur une hauteur, ils tirent au fusil sur les Climatos qui passent et qui s’écroulent, pareils aux bisons ! Notons que le Climato est issu de la branche des Scientificos, qui est elle-même en partie responsable du Narcisso !

Dame ! Pendant des années, pour ne pas dire des siècles, les Scientificos ont vidé le ciel et instauré l’ère du soupçon ! Tout ce qui n’était pas gouverné par la raison et n’obéissait pas à la logique était moqué et chassé de la ville ! La foi et la beauté notamment furent recouvertes de goudron et de plumes, avant de prendre la route à coups de pieds dans le cul ! Sur le bureau du shérif trône sa devise : « De quoi est-on absolument sûr ? De rien ! Mais de ça, on est sûr ! » L’ennui, c’est que tout le monde s’est mis à regarder tout le monde avec méfiance ! La ville a perdu son attrait, sa magie et le vent de la soif est venu l’envahir, roulant des épineux ! Cet air de désolation, d’abandon a attiré le desperado, qui se voit soudain le maître ! Pour calmer son anxiété, le Narcisso triche au jeu, incendie la grange ou tue dans la rue !

« Où as tu appris à tirer ? demande l’un des Narcissos à son compagnon.

_ C’était pendant le Covid ! Quand on m’a dit de rester chez moi, j’ai pris mon fusil et j’ suis allé m’entraîner ! Il n’était pas question qu’on me commande !

_ T’as raison ! Tu sais que certains Climatos croient qu’on fait partie de l’extrême droite !

_ C’est encore un truc d’adultes, ça non ? »

 

 

27

 

 

La lumière attend… Elle écoute le vent et elle n’est ni triste, ni gaie ! Elle attend… En fait, elle cultive sa confiance et elle paraît semblable aux rochers qui l’entourent, car on est sur un plateau désertique, dont l’horizon se confond avec le ciel ! La lumière éprouve le temps, grain à grain, goûtant même les moindres éboulis !

Un oiseau se pose, il sautille, il est vibrant de vie ! Il cherche sa nourriture, puis s’en va, aussi vite qu’il est venu ! Il a son chemin et la lumière n’a pas essayé de l’en détourner, car le monde ne tourne pas autour d’elle… et c’est tant mieux, puisqu’il ne repose pas sur ses épaules ! Au fond, la lumière se sent légère, attentive, même si une impression de vide ne la quitte pas ! D’où vient celle-ci, alors qu’elle est teintée de tristesse ?

Un point noir arrive là-bas, se rapproche, c’est l’ego ! Il est agité et dit à la lumière : « Quelle chaleur, hein ? » Son visage est rouge, en sueur et il s’essuie le front ! « Oui, il fait assez chaud, répond la lumière par sympathie.

_ Dites donc, l’endroit m’a l’air bien paumé ! Qu’est-ce que vous faites ici ? En vacances ?

_ Oui et non… Disons que j’attends…

_ Et vous attendez quoi ? Le train ? Ah ! Ah !

_ J’apprends à être calme…

_ Ouh là ! La vache ! Vous êtes du genre bonze, c’est ça ? Vous ne répondez pas ? J’ voulais pas vous blesser ! Hein ? Le prenez pas mal ! Mais j’en déduis que vous êtes à la retraite !

_ Si vous voulez…

_ Comment ça, si je veux ? Soit on bosse, soit on est à la retraite ! Alors ?

_ Je n’ai pas de retraite…

_ Non ? Vous n’avez jamais travaillé ? Ah ! Ah ! C’est la meilleure ! Bravo ! Vous avez bien baisé le système, ah ! ah !

_ Qu’est-ce qui est le plus difficile ? Aimer ou haïr ? Comprendre ou crier ? Exciter ou apaiser ? J’ai choisi le plus difficile et donc le travail !

_ Ah bon ? Il vous a bien fallu de l’argent pour croûter, non ? Et vous avez profité de celui des autres, sans aucune gêne, pas vrai ? Comme ça, c’est facile d’être zen ! Même moi, j’ pourrais y arriver !

_ C’est étrange…

_ Quoi ?

_ Mais vous êtes plein de fureur...

_ Mais parce qu’il y a plein de choses qui n’ vont pas ! C’est une catastrophe ! Vous n’allez pas l’air de vous en rendre compte !

_ La seule chose que je vois, pour l’instant, c’est votre énervement et donc votre malheur…

_ Mais, bon sang, sur quelle planète êtes-vous ? La police tue ! La fracture sociale ne cesse de s’agrandir ! La précarité est affreuse ! L’inaction climatique aussi ! Y a urgence ! Mais qu’est-ce que… ? »

A ce moment, une vieille dame passe en tirant son âne et l’ego manque de la culbuter ! « Oups ! Pardon ! » fait-il à la vieille, qui s’écarte et s’éloigne sans un mot ! « Je ne savais pas qu’il y avait des gens par ici ! reprend-il à l’adresse de la lumière.

_ Oui, cette dame s’appelle la Beauté !

_ Ah bon ? Elle paie pas d’mine pourtant ! Mais vous devez bien connaître le coin, non ? Vous avez le visage frais, comme si vous saviez où il y a d’ l’eau !

_ Bien sûr ! Suivez-moi... »

La lumière entraîne l’ego sur une pente escarpée, puis elle montre dans une anfractuosité une nappe de cristal ! « Bon sang ! s’écrie l’ego. Ça donne envie de se baigner ! On dirait un bain d’ jouvence ! Mais... mais comment on y descend ?

_ Il y a un escalier là… Mais il n’est pas facile…

_ J’ vois ça ! Bon, ben, j’ vais m’abstenir tout compte fait ! De toute façon, j’ suis habitué à l’eau du robinet ! Et puis, j’ai une réunion à cinq heures ! Eh ouais, le combat continue ! J’ chôme pas, moi ! L’injustice, dès qu’on baisse la garde, elle continue d’avancer ! J’ vais vous laisser méditer, ah ! ah ! »

Ils reviennent vers l’endroit où ils étaient tout à l’heure, car y passe la piste… « Bon, ben, j’ai été enchanté de faire votre connaissance ! reprend l’ego. Entre nous, dites, vous n’avez pas peur de finir comme ces pierres ?

_ Non, en tout cas, si vous avez besoin de vous reposer, vous savez que je suis ici… »

 

 

28

 

 

Un ego se précipite vers d’autres egos : « Alerte ! Alerte ! Quelle infamie ! Quel scandale ! Ah ! Je meurs ! Je n’en peux plus !

_ Mais enfin que se passe-t-il ?

_ Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui se passe ? Mais un crime ! Un horreur sans nom ! Toutes les bornes ont été franchies !

_ Pouvez-vous être plus clair ?

_ Mais la lune a transpercé le soleil ! L’ère des ténèbres a commencé ! Nous sommes les dinosaures de la justice et l’astéroïde de l’ignominie vient de frapper la Terre !

_ Nous frémissons ! Est-il question de la justice ?

_ Absolument !

_ Han !

_ Excusez-moi, mais je suis encore sous le choc ! On a dit…

_ Qui a dit ?

_ Chut !

_ La police…

_ La police ?

_ Oui !

_ Chut !

_ Quel rapport avec la justice ?

_ J’ y viens… C’est tellement horrible ! Il a dit…

_ Qui a dit ?

_ Ne poussez pas !

_ La justice…

_ Oui…

_ Chut !

_ Il a dit…

_ Oui…

_ Il a dit que la justice…

_ Han !

_ Que la justice…

_ Que la justice…

_ Non, c’est pas ça ! Que la police…

_ Que la police…

_ Chut !

_ Je… je ne me rappelle plus !

_ Ce n’est pas possible !

_ Faites un effort, voyons ! C’est important !

_ Oui, concentrez-vous…

_ La justice… La police…

_ La justice… La police…

_ Il y a une relation entre les deux, j’en suis certain !

_ Évidemment !

_ C’est tellement grave... que je voudrais pas me tromper !

_ Bien sûr ! Prenez votre temps ! Nous sommes là pour vous aider !

_ La justice… est avant… ou derrière la police !

_ Vous êtes sûr que ce n’est pas à côté !

_ Mais chut, à la fin !

_ Attendez ! Ça m’ revient !

_ Oui !

_ La police… se moque de la justice ! Oui, j’ crois que c’est ça !

_ Quoi ?

_ Qui a dit ça ? La police ou la justice ?

_ Mais la justice, c’est évident ! Comment la police pourrait-elle dire une telle énormité ?

_ La justice se moque de la police alors ?

_ Vous, vous suivez que ça fait plaisir !

_ Aux armes ! Aux armes ! La coupe est pleine !

_ Quel scandale ! Quelle déchéance ! Peut-on descendre plus bas ?

_ Triste pays..

_ Sombre pays…

_ Pays perdu...

_ Il nous faut le nom des coupables !

_ Ah ! Je n’en peux plus !

_ Je vous passe mon mouchoir… Non, pas pour vous moucher ! Tant pis, c’était pour vous essuyer…

_ Mais enfin qui est derrière tout ça ?

_ Ils ont dit…

_ Hein ?

_ Quoi ?

_ Encore ?

_ Hélas !

_ Vous marchez sur mon pied !

_ Non, c’est impossible !

_ Si, si, je vous assure !

_ « Non possumus ! »

_ « Cave canem ! »

_ A mort !

_ Marchons, marchons... 

_ Mais enfin, attendez-moi ! »

 

 

29

 

 

La lumière gare sa voiture devant la maison de l’ego et elle laisse un peu fumer son pot d’échappement, dans l’air froid du matin... Elle veut voir si tout est calme et soudain une femme et des enfants sortent de la maison de l’ego, pour aller à l’école… Ils prennent une voiture et passent devant la lumière, sans la remarquer. Celle-ci coupe maintenant son moteur, puis se dirige rapidement vers la maison, car l’ego doit y être seul !

Après un coup de sonnette, la lumière entend du bruit et la porte s’ouvre… « Toi ! s’écrie l’ego en découvrant la lumière. Mais… je ne veux pas te voir ! Allez, va t’en ! » L’ego referme la porte, mais la lumière la bloque avec son pied ! Elle dit : « Voyons l’ego, est-ce une manière d’accueillir ses vieux amis ! Laisse-moi au moins t’expliquer, j’en ai pour cinq minutes ! » L’ego se rend compte qu’il ne pourra pas se débarrasser de la lumière comme ça et il se résout à la laisser entrer !

La lumière pénètre dans le salon en sifflant : tout y est clair, propre, quasi luxueux ! « Tu t’en es bien sorti, à c’ que je vois ! laisse échapper la lumière.

_ On s’débrouille… fait l’ego avec un petit haussement d’épaules. Mais justement, tu n’as rien à faire ici ! J’ai tiré un trait sur toi !

_ Et sur les bonnes manières aussi ! Car tes visiteurs peuvent mourir de soif ! »

L’ego regarde la lumière et se résigne finalement à s’approcher du bar : « Whisky, j’ suppose ? dit-il.

_ Avec un doigt de soda », répond la lumière, qui s’est assise dans un fauteuil. 

L’ego apporte les boissons et prend place en face de la lumière… « Au bon vieux temps ! » jette celle-ci en levant son verre, mais l’ego ne porte pas le toast et reste nerveux… « Ah ! fait la lumière avec satisfaction. C’est autre chose que le tord-boyau que je m’ permets quelquefois ! Alors tu es heureux ?

_ Comme tu l’ vois ! répond l’ego, en montrant encore son intérieur.

_ Oui, et j’ai aussi vu ta femme et tes enfants partir à l’école ! L’image même de la respectabilité !

_ Qu’est-ce que tu insinues ?

_ Rien, rien, mais tu l’aimes, ta femme ?

_ Qu’est-ce que ça peut t’ faire ? C’est pas tes oignons !

_ Donc, tu ne l’aimes pas ! Et elle ne doit pas t’aimer, non plus ! Vous avez une sorte de contrat, tacite s’entend ! Vous montrez votre réussite et vous n’avez plus peur ! J’ me trompe ?

_ T’as toujours été un sacré connard ! Du temps où j’étais avec toi, déjà t’en loupais pas une ! C’est pourquoi t’es resté un raté !

_ Allons, l’ego, tu crois quand même pas que ta vitrine va tenir le coup ! J’ suis sûr que ta femme a déjà peur de toi… et que tu songes à la tromper, tellement tu t’ennuies ! J’ te connais ! Et puis, y a les enfants… Ils grandissent, se révoltent pour s’ faire les dents et ils jugent et mettent les pieds dans l’ plat ! Y en a peut-être un qui brisera la vitrine, hein ?

_ On s’ tient les coudes ! On est soudé ! On forme une famille, c’est ce qu’ t’as jamais compris !

_ Moi, c’ que j’ai jamais compris, c’est qu’on puisse écraser les autres…, même au nom d’ la famille !

_ Je sais, t’es une victime ! On te doit des comptes ! T’es le gamin figé !

_ Oh là, j’ te demande rien ! J’ suis v’nu te proposer un coup...

_ Ça m’intéresse pas !

_ Attends, y en a pour dix mille vérités ! dans un coffre en province ! Tout c’ qu’il y a de plus facile… et avec ça, t’aurais d’ quoi voir venir…

_ Qu’est-ce que tu veux que j’ fasse de tes vérités ?

_ Le bien, l’ego ! T’arrêtes de te concentrer sur toi, même si tu t’occupes de ta famille ! T’arrêtes ton mensonge, avant que ça craque ! Car tu penses bien, la mort et la vieillesse ne vont pas t’ faire de cadeaux !

_ Et que je perde tout ça ! J’ai une excellente situation ! Je fais même vivre des employés !

_ Mais tout s’ra balayé ! L’hypocrisie ne laisse que des ruines…

_ Tu as fini ton whisky ? Bon, maintenant prends la porte !

_ Comme tu voudras... »

La lumière se saisit de son chapeau et se lève… Elle s’en va, se retourne, veut dire un dernier mot, puis finalement elle sort...

 

 

30

 

 

L’ego est sous la pluie, monté sur une estrade et il s’adresse à d’autres d’egos, qui se sont rassemblés pour l’occasion et qui eux aussi ont l’air de chats mouillés (mais le courage de l’orgueil est bien connu!) ! « L’heure est grave ! tonne l’orateur. La police vient nous expulser ! Elle vient détruire notre avenir, car c’est ici même, dans ce terrain vague, que nous avons jeté les bases de notre rêve, de notre société idéale, où il n’y aurait pas de pouvoir, où nous serions tous frères ! »

Les auditeurs applaudissent et s’encouragent avec des cris, malgré le crachin qui les douche ! Il y a là toutes sortes de héros ! Le Glacier ! à cause de sa barbe blanche ! 90 ans et toujours d’attaque ! les muscles noueux ! une référence pour les jeunes, un père aussi ! Son plus haut fait ? Il aurait, à poil, effrayer un cordon de CRS rien que par ses hurlements ! D’aucuns disent qu’ils ont eu pitié de lui !

La Sorcière ! Une reine du mensonge ! capable d’imiter n’importe quelle bourgeoise ! L’espionne parfaite, qui a mille tours ! Pourrait être jolie fille, mais sa voix éraillée, ses tatouages et ses piercings glacent le dos !

Le Bossu ! plié en deux ! suscite la compassion, mais aussi rebute, car toujours une canette à la main ! Mendiant professionnel, déposé sur son lieu de travail par sa mère, qui lui prodigue les derniers conseils ! Le Bossu intrigue, mais l’orateur n’est pas mal non plus !

C’est Le Prof ! l’aîné, le guide à la voix suave ! l’intellectuel qui convainc les nouvelles recrues, qui se moque des cerveaux vierges, les hypnotise, avant de les ramener à lui ! Mais, au plus fort du combat, c’est un lâche qui se met en retrait : les coups, c’est pour les plus bêtes !

Tous, ce matin-là, face au péril qui les menace, ont le sentiment d’entrer dans la légende, en se mettant au service de la justice et en s’opposant au maire, autre ego bien plus puissant ! surnommé Moïse, à cause de ses projets pharaoniques, comme s’il lui suffisait d’étendre le bras, pour que le béton jaillisse de terre ! Dieu tonnant sur sa ville et sous le ciel orageux, ainsi que son ambition aurait été furieuse et noire ! Son rêve ? Des bâtiments immaculées à perte de vue, joints par le serpent du tram ! Une cité moderne, fluide, rare, quasi éternelle !

Qu’est-ce qu’une ZAD pourrait être à ses yeux ? Mais notre orateur reprend : « La police arrive, nous ne lâcherons rien ! Nous résisterons jusqu’au dernier ! » Sur ce, il crache, la bouche pleine d’eau et un petit poisson écarlate tombe sur l’estrade ! L’animal semble un petit morceau de soleil couchant, mais Le Prof l’écrase brusquement sous son godillot, en criant : « Les assoiffés de pouvoir, nous n’en voulons pas ! N’oublions pas notre rêve d’harmonie et de paix ! 

_ Ouais ! Ouais ! » crie l’auditoire, qui brandit des armes apparemment de l’âge de la pierre ! 

Dans la rue s’amassent les gros insectes de la police, serviteurs zélés de Moïse ! masse sombre, opaque, ténébreuse ! armée jusqu’au dents ! Des barricades sont enflammées pour l’empêcher de passer ! Des gaz lacrymo répondent et l’affrontement s’engage ! Oh ! Qui chantera ces combats modernes ? Poète, prends ton luth et raconte-nous les exploits du prince noir, dont on ne voit jamais le visage ! Ce sont des panaches de fumée, des palettes rougeoyantes, des courses effrénées et malheureusement des coups ! Ici, on entend un drôle de dialogue !

« Sale enfoiré d’ego !

_ Saloperie d’ego !

_ L’ego ne passera pas !

_ Encerclez l’ego !

_ A bas l’ego !

_ L’ordre contre l’ego !

_ Abus de l’ego !  

_ Tiens l’ego, prends ça !

_ Je ne suis pas un ego ! J’ ne fais que passer !

_ Un ego à terre !

_ J’ veux la peau d’ cet ego, peu importe le prix !

_ We all need an ego !

_ Un bon ego, c’est… etc. ! »

Autour, les commentaires vont bon train ! « Enfin ! disent les uns. Ça devait arriver, la situation était intenable ! Tous ces fainéants crasseux ! Ils auraient fini par foutre le feu ! C’est le grand nettoyage et allez donc ! » « Scandaleux ! disent les autres ! Ils faisaient pas d’ mal ces jeunes ! Et puis, la police, on la connaît, c’est la reine des bavures ! Encore heureux qu’il y ait pas d’ blessés ! »

Dans son coin, la lumière hausse les épaules, puis sourit ! « Ils sont tarés ! » se dit-elle et c’est qu’elle en a vu bien d’autres ! Elle s’en va seule, philosophe, et elle se réjouit de respirer ! De temps en temps, elle encourage une petite fleur qui sort d’un mur et qui semble la saluer à son tour !

 

 

31

 

 

« A boire ! fait l’ego. A boire ! » Il est sur une place et se précipite chez le marchand de vins ! « Il faut qu’ je boive ! crie-t-il à l’intérieur. Vous n’avez pas plus grand que ces bouteilles ? » et il ressort avec un cubi ! Puis, il boit à la régalade, comme s’il prenait une douche ! « Oh ! Je n’en peux plus ! Ah ! C’est bon ! »

« A fumer ! fait l’ego. A fumer ! Où pourrais-je trouver du matos ? » et il court vers le dealer ! « Combien ? demande-t-il. Quoi ? Tu plaisantes, man ! En plus, c’est hyper mal servi ! Hein ? Non, non, je prends quand même ! » Le voilà chez lui préparant son pétard : il brûle sa barrette, s’enivre déjà de son parfum et colle ses feuilles, qui ont quasi la taille d’un journal ! Enfin, il se met à genoux et lève sa carotte, en révérant le dieu haschich !

« Du sexe ! crie l’ego. Du sexe ! Il me faut du sexe ! » Il cherche, repère, ose, aborde, se retient, se lâche, dit n’importe quoi, sourit, dit « Vous êtes extraordinaire, magnifique, incroyable, démente, vite ! Non, non, ce n’est pas ce que je voulais dire ! Bien sûr, vous avez des sentiments, du charme ! Vous êtes sûrement très intelligente ! » Il regarde sa montre et il rêve qu’il embrasse l’autre, dévore son corps et s’y dissout ! Mais la réalité est toujours là et il suffoque !

« Une haine ! jette l’ego. Et je bougerai le monde ! Donnez-moi une bonne haine et je m’enflammerai de nouveau ! Rien ne vaut un ennemi, rien ne vaut l’art de la guerre ! Connais-tu le fracas des épées ? Connais-tu la rage de vaincre, la puissance dans la main ? Ah ! Je mourrai en combattant ! en disant : « Tiens ! Tiens ! Prends ça ! », la sueur au front ! J’écraserai le serpent de la patience, l’arme des faibles ! Je triompherai dans la flamme, seul dieu vivant ! »

« De l’argent ! De l’argent ! sanglote l’ego. De l’argent ! Dieu que c’est bon ! En caressant mes billets, je caresse ma sécurité, mon pouvoir, ma liberté ! Je vois des plages de cristal, des cocktails savoureux ! Je ne ferai rien, je m’ennuierai ! Ou plutôt à moi les choses, les nouveautés, ce qu’il y a de plus cher, pour épater ! Soyons sérieux ! Je bâtirai, j’aurai des plans, un chantier... et plein de problèmes ! J’ai soif ! si soif ! Et finalement l’argent m’assèche, me désespère ! »

« Un médecin ! demande l’ego. Un médecin ! Ciel, je suis en train de perdre un œil ! J’en suis sûr, il va tomber ! Je ne peux pas me tenir sur mes jambes, c’est impensable ! Je suis obligé d’avancer en glissant sur les murs, sur le parquet ! Ma tête pèse trois tonnes ! Comment puis-je être moi-même ? Ah ! Je me fais peur ! Vite, un autre, que je me fonde en lui, que je ne me sente plus ! Quelle horreur, j’existe ! Il faut me soutenir, me donner des béquilles et m’encourager ! Des médicaments ! Il me faut des médicaments, qui procurent l’oubli, qui m’apaisent ! Oh non, encore ce chien qui aboie ! »

« Un cancan, par pitié ! gémit l’ego. Un cancan et c’est l’éclaircie ! Dire du mal me met l’eau à la bouche ! C’est comme ça, à chacun ses douceurs ! Je vois ma voisine, ma sauveuse ! Nos langues se délient et s’abreuvent ! Une symphonie commence ! On parle d’un couple, c’est du miel ! « Lui, me dit la voisine, était dans les affaires… Enfin, c’est ce qu’il disait ! Il regardait tout le monde de haut !

_ Elle, elle se croyait riche ! Elle avait des manières, alors que tout lui venait de sa famille !

_ Moi, je les ai toujours trouvés mal assortis ! Etc. »

« Du ménage ! Du ménage ! martèle l’ego. Je traquerai la poussière jusqu’en Patagonie ! Je passerai l’aspirateur dans la faille qui est dans la faille ! Je me soûlerai de son bruit ! Je tuerai l’araignée sur l’autel de la propreté ! Mes machines tourneront, vrombiront ! Je serai utile, sans pitié pour la crasse ! La tache m’épuisera, me fera vomir ! Les carreaux me casseront les doigts ! La vaisselle ridera mes mains ! L’air pur me lavera ! J’exigerai alors des comptes ! Je présenterai la facture ! J’aurai le droit d’être déçu, par l’inertie des autres ! Ma maison reposera, mais pas moi ! »

« De la reconnaissance ! réclame l’ego. De la réussite, de la lumière ! A moi le haut de l’échelle et les sommets ! Fi de l’anonymat, de la médiocrité ! Je veux plein d’histoires, des injures, des débats, des procès ! Je veux la une, qu’on se concentre sur moi ! J’ai cinq doigts et, eh ! eh ! dois-je l’avouer ? Eh oui, eh oui, j’ai encore une paire des fesses ! Voilà je l’ai dit ! Qu’entends-je ? Les fans se déchaînent, hurlent ! C’est normal ! O doux chant ! C’est comme si la mer me portait ! Attention à la nouvelle vague, il faut que j’invente un truc ! J’ai, j’ai aussi un âne ! Il s’appelle Anatole ! Hi, han ! »

« Du mystère ! L’heure du mystère est venue ! affirme l’ego. Les fantôme sont parmi nous ! Ils nous regardent et nous jugent ! Une arbre se déplace derrière moi, je le sais ! Là-bas, il y a une tour et dans la tour il y a une boîte, et dans la boîte, il y a un message ! Car ils sont déjà venus, mais on n’était pas prêt ! Ils reviendront dans leurs soucoupes scintillantes et enfin, on s’ra heureux ! »

« Un complot supplie l’ego. Un complot ! Que de noirs desseins m’accablent, me torturent ! Moi, le dernier résistant, le dernier voyant ! Je sais lire entre les lignes ! Nous sommes des milliers à recueillir l’information souterraine, la vraie ! Je suis la victime du mensonge, du mal ! Je me dresse contre l’armée des robots ! »

« De l’intégrisme, du populisme, du radicalisme, de la violence s’il vous plaît ! J’ai soif ! Si soif ! »

 

 

32

 

 

 

Les trois coups résonnent et le rideau se lève ! Sur la scène, la lumière rêve, la tête posée sur son bras et assise à une table ! De quoi rêve-t-elle ? Mais d’une vague bien fraîche, qui vient relever du goémon, avec des bruits de baisers, tandis que des mouettes au-dessus se chamaillent, pleines de vie !

Cette sauvagerie envoûte la lumière, quand soudain une ego frappe la table, faisant sursauter la lumière ! « Hein ? Quoi ? fait-elle.

_ Tu es à moi, t’entends ! jette l’ego. J’ t’ai repéré dans la rue et je te veux !

_ C’est que…

_ C’est que quoi ? Je ne te plais pas ? »

L’ego se tourne et montre combien ses formes sont magnifiques ! La lumière avale sa salive…Elle n’en mène pas large… « Alors ? reprend l’ego. Avoue que ça vaut le coup ! T’as l’air tout ému ! Mon pauvre bichon, tout ça, c’est à toi, si tu le veux ! Tu n’as qu’un mot à dire !

_ C’est-à-dire… que c’est assez soudain… J’ai peur… Je crains…

_ Tu as peur de quoi ? Je ne vais pas t’ manger !

_ Si justement ! Ce que je sais, c’est que l’angoisse vous fait chercher un homme, afin que vous ne soyez plus seule et rassurée sur votre séduction ! Et puis, quand vous irez mieux, faudra que je marche à la baguette !

_ J’ comprends pas !

_ Autrement dit, vous ne pensez qu’à vous ! Vous êtes immature et… agressive, car vous estimez que vous avez des droits !

_ Bla, bla ! Tu s’rais pas en train d’ virer ta cuti, des fois ? »

La lumière est embêtée pour répondre, quand on entend du bruit et des gens entrent, l’air mécontent et se dirigeant vers la lumière… « Voilà notre plainte ! disent-ils et ils déposent un papier sur la table.

_ Qu’est-ce que… ? fait la lumière.

_ Vous nous avez ignorés dans la rue ! Et c’est pourquoi nous demandons 10 000 euros de dommages et intérêts !

_ Diable ! J’avoue que je ne me rappelle pas d’ vous !

_ C’est bien ce que nous vous reprochons ! On s’est croisé sur le trottoir et vous ne nous avez même pas accordé un regard !

_ Sans doute étais-je plongé dans mes propres pensées… Mais je ne vois pas non plus pourquoi je serais obligé de m’intéressez à vous !

_ Comment ? Mais sachez que j’ai un emploi stable, avec des responsabilités et que je paye mes impôts !

_ Je n’en doute pas, mais…

_ Et ma femme ? Elle n’est pas mal ! J’en suis fière, n’est-ce pas chérie ? Pourquoi subirait-elle votre indifférence ? Et ma fille, elle promet !

_ Mais je ne peux pas regarder tout le monde… J’ai aussi mes affaires…

_ Vous allez voir qu’on ne rigole pas avec la justice ! »

A cet instant, le dialogue est interrompu par un homme qui parle avec emphase : « Les médias représentent le pouvoir et donc il ne faut pas les croire !

_ Ah ? fait la lumière. Mais je vous reconnais, vous êtes l’épicer auquel je viens d’acheter des tomates !

_ C’est exact ! Et vous m’avez déclaré que la société est de plus en plus violente…

_ En effet, cela me semble une évidence...

_ Ah ! Ah ! C’est bien c’ que je pensais ! Vous êtes une victime des médias ! Encore une ai-je envie de dire !

_ J’ai déjà remarqué que vous avez une sensibilité d’extrême gauche et apparemment elle vous aveugle...

_ Nullement ! Je vous résume la situation… Au pouvoir, les riches et les profiteurs ! Ils nous manipulent, augmentent les prix, nous exploitent ! Ce sont les maîtres du monde ! Noirs corbeaux ! Quant aux casseurs de gauche, de braves petits ! Ils essaient de lutter, pour sauver la Terre et la justice ! Là-dessus, les médias créent d’ la peur, pour qu’on ne pipe pas !

_ Vous voulez parler de la sœur de Kate ?

_ Quoi ?

_ Oui, Pipa, la sœur de Kate ! Ouf ! Ouf ! Vous voyez, je suis dépravé, irrécupérable ! Ceci étant, l’humour est une arme contre le désespoir…

_ A condition qu’il soit bon !

_ Il ne l’est pas ! J’en suis désolé, mais tout ce que je comprends, c’est que vous n’avez pas besoin d’ moi ! Vous êtes des fortiches, alors haut les cœurs ! 

_ C’est ça, nous nous en allons ! réplique le père de famille ! Vous ne nous méritez pas !

_ Tout à fait d’accord ! »

La lumière est de nouveau seule et avec un soupir, elle se remet à rêver…

 

 

33

 

 

Les egos mangent… « Celui-là, j’ l’ai baisé ! dit le père. Ça faisait un certain temps que je le voyais tourner autour du pot !

_ Il s’est toujours cru important ! approuve la mère, le dos droit et la cuillère en l’air !

_ Il est venu me voir, alors que j’allais prendre ma voiture… Il était dans tous ses états ! Il m’a dit qu’on l’avait oublié dans le budget! que ce n’était pas possible ! qu’on ne pouvait rien sans lui… et qu’il allait faire opposition !

_ Mais qu’il le fasse, si ça lui chante ! réplique la mère.

_ Il a toujours été contre toi, de toute façon ! ajoute la fille.

_ C’est vrai, reprend le père, mais alors je l’ai pris en quatre yeux ! Je lui ai dit : « Dis donc, qui a soutenu le projet de la salle d’expo ? C’est bien toi qui en étais à l’origine ! Là, t’étais content de me voir ! C’est bien grâce à moi que c’est arrivé au bout ! Or, aujourd’hui, on ne fait rien pour toi ! On t’oublie ! Il serait peut-être temps de renvoyer l’ascenseur, tu crois pas ! »

_ Je me rappelle qu’il était venu ici te relancer ! précise la mère.

_ Oh ! T’aurais vu sa tête ! s’écrie le père. Il était vert ! D’un coup, j’ai refroidi ses ardeurs ! On aurait mis une figue entre ses jambes qu’on aurait recueilli de l’huile ! tellement la stupeur le faisait trembler !

_ Ah ! Ah ! Papa, t’es le meilleur ! fait le fils, enfournant une moitié de pain.

_ Sa femme est aussi sotte que lui ! jette la fille.

_ Allons, allons, mes enfants, coupe la mère. N’oubliez pas la charité ! Il ne faut pas dire trop de mal de son prochain ! Quand je pense qu’il acheté une Porsche !

_ Son personnel se moque de lui ! lance la fille. Elles trouvent que c’est un vieux beau, qui prend sa voiture de sport !

_ En tout cas, il a les moyens ! lâche le fils, qui tend son assiette pour être resservi.

_ Penses-tu ! Toute sa fortune lui vient de sa femme ! s’écrie la mère, qui redonne à manger au fils. Chou, t’en veux aussi ?

_ Non, pour moi terminé ! répond le père. C’était très bon, mais il faut que je pense à ma ligne !

_ Ah ! Ah ! Mais t’es très bien comme ça ! s’insurge la fille. Tu te fais des idées !

_ Faut que j’aille à la réunion, cet après-midi ! fait le père dégoûté et qui se met à se curer les dents.

_ Mais enfin, papa, t’es pas obligé ! rectifie la fille. Tu peux leur dire qu’ils peuvent se débrouiller ! T’en fais bien assez comme ça !

_ Mais bien sûr que si, il est obligé ! coupe la mère. S’il y va pas, tu vas voir comment ils vont lui tomber d’ssus ! Ils n’attendent que ça !

_ Oh oui ! opine le père. Ils cherchent à me prendre en défaut !

_ Tu parles ! appuie la fille. Ils veulent ton poste !

_ Ce sont des voraces ! confirme le fils, entre deux bouchées.

_ Tu sais qu’ils vont voter contre toi, souligne la fille.

_ J’ m’en fous ! fait le père, soudain las.

_ Et toi, tu dis rien ? demande la mère à la lumière, assise en bout de table.

_ Non…

_ Non, tu préfères nous observer, avec ton petit air sournois ! rajoute la mère.

_ Je n’ai pas un petit air sournois, réplique la lumière, et je n’observe pas… Je ne juge pas !

_ Il ne manquerait plus que ça ! crie la mère, qui laisse aller sa colère.

_ Qu’est-ce qui se passe, chou ? demande le père.

_ Mais il est là… Il ne dit rien, explique la mère, car monsieur se croit supérieur !

_ Mais je ne me crois pas supérieur, répond la lumière, j’écoute, c’est tout !

_ Tu vois, lui dit le père, cet après-midi, je dois aller à une réunion, à laquelle je n’ai pas du tout envie d’aller ! Mais il faut bien que j’y aille, car il faut te payer à manger et il y a tes études aussi ! Tu verras quand tu s’ras dans la vie active !

_ Mais je sais, répond la lumière, et je n’ai rien dit !

_ Tu n’as rien dit, jette la mère, mais tu n’en penses pas moins ! On s’ crève le cul pour toi et qu’est-ce qu’on a en récompense ? Ta gueule, ton mépris ! J’en ai marre !

_ Mais…

_ Ne réponds à ta mère ! avertit le père. Si jamais tu lui manques de respect, je te casse en deux !

_ Je sais…

_ Bon, y a quand même des limites !

_ Il faut que tu changes d’attitude ! dit la mère à la lumière. Ça peut pas continuer comme ça, tu peux être sûr ! »

On commence à faire la vaisselle… Le père et la mère discutent encore et la lumière se tient sur ses gardes : on peut de nouveau la prendre à partie ! Elle agit comme un robot, dans un monde qu’elle ne comprend pas ! Son cœur est fermé et elle est triste ! Où est l’espoir ?

 

 

34

 

 

La lumière parle à l’ego… Elle prend son casque et le soulève doucement au bout d’un bâton, c’est-à-dire qu’elle commence la discussion avec un sujet assez anodin ! Car elle connaît les limites de l’ego, qui sont celles de sa haine, et il s’agit donc d’abord de « prendre la température » ! Mais, dès que le casque apparaît, il est mitraillé ! « Oh ! Oh ! se dit la lumière. Va falloir y aller mollo ! On va essayer autre chose... »

La lumière se met à découper une silhouette d’enfant, pour amener l’ego sur un terrain neutre, une vérité universelle, comme « Les enfants, c’est pas méchant ! » La lumière veut que l’ego fasse des concessions, qu’il muselle juste un peu son égoïsme, afin qu’un dialogue soit possible, ce qui ne se peut si on ne reconnaît pas que l’autre existe !

La silhouette se dresse, mais elle est trouée lamentablement par les balles, sous les yeux horrifiés de la lumière ! « Même ça, ça passe pas ! pense-t-elle. Changeons complètement de tactique ! Devenons aussi léger que l’oiseau ! Il se rit du champ de mines, lui ! Marquons donc une pause : on y verra mieux quand la fumée se sera dissipée ! Et puis, l’ego lui-même sera obligé de souffler ! Ça lui fera du bien ! »

La lumière sifflote, baguenaude, range des choses, étudie un carnet, etc. Elle pourrait faire une autre tentative, mais on n’est pas à la bourre non plus, hein ? Le plus facile, pour abaisser la tension de l’ego, c’est parler de lui, bien sûr ! C’est lui dire : « Bon sang, vous êtes formidable ! Si ! Si ! Et quelle intelligence, quel brio, quelle grandeur ! Magnifique ! » Le problème, c’est qu’on abonde dans son sens et qu’on s’en dégoûte évidemment ! Car rien ne progresse, puisqu’un dialogue implique deux personnes, pas seulement l’ego !

Il serait encore possible pour la lumière de se fermer, de renoncer ! Elle passerait outre ! Elle partirait sans échanger davantage, car à quoi bon ? Mais « la chaleur humaine » en prendrait un coup ! Peut-on se résoudre à imiter deux icebergs qui se rencontrent ? Ce n’est pas parce que l’ego est stérile, à force de s’admirer, que la lumière doive lui ressembler ! La lumière veut communiquer, rayonner, réveiller les consciences, quand l’ego, lui, veut les soumettre, les dominer et pourquoi pas les écraser ! Ainsi est le message de la haine !

Mais l’ego ne reconnaît même pas celle-ci ! Il jurerait qu’il en est dépourvu ! Il fait juste valoir son avis, ses convictions, ses arguments ! Il ne s’aperçoit pas qu’il y met tant de force qu’il balaye tout, qu’il en est injuste en méprisant la raison et qu’il s’enivre de sa puissance ! En d’autres termes, l’ego n’a pas assez pris de coup sur le museau ! C’est un enfant gâté, car, quand on est habitué à tout perdre, on devient patient, prudent ! On sait qu’on ne peut détruire la différence et qu’il faut composer ! Le respect de l’autre, voilà ce qui échappe totalement à l’ego, même s’il parle de justice sociale !

La lumière décide d’aborder un sujet brûlant, sérieux, mais en faisant preuve d’une souplesse, d’une agilité extrêmes ! C’est quelque chose que lui permet sa force et soudain, elle se met à courir, des balles miaulant autour de ses pieds ! Elle n’est pas touchée et saute dans une tranchée ! Bien lui en prend, car la langue d’un lance-flamme lui passe au-dessus ! Décidément, il n’y a rien à faire : on ne peut pas discuter avec cet ego, en tout cas ce jour-là ! Il faut en sortir et le meilleur moyen, c’est de flatter l’ego en lui posant une question, en lui donnant la place de celui qui sait ! Mais alors celui-ci se transforme en tank !

Il écrase tout sur son passage, ce qui est tout de même étrange, car c’est un ego de près de quarante ans et il devrait avoir un peu de retenue, mais il fonce, fonce, comme si le monde était à lui et n’était entouré que de valetaille ! C’est la ruée de l’Armée rouge, ivre de vengeance sur l’immensité de la steppe !

Autour de la lumière, les murs sont pulvérisés et le village est en ruines ! Parmi les gravats et malgré sa patience, la lumière ne peut s’empêcher de réagir, car il en va de sa survie ! La voilà qui s’enveloppe d’un drap blanc, afin qu’elle se confonde avec le sol neigeux, comme dans les Ardennes ! Quand la bouche terrible du char arrive, elle se glisse dessous et lui colle une mine entre les chenilles fracassantes ! Puis, elle se laisse dépasser et le char continue jusqu’à ce que la mine explose ! Il y a bien une secousse, mais c’est à peine visible, puisqu’on ne voit pas les passagers évacuer le véhicule, ni de la fumée s’en échapper ! Il est pourtant sûr que la mine laissera des traces !

Par ailleurs, il est possible maintenant que l’ego en veuille à la lumière et qu’il lui en garde un chien de sa chienne, mais il ne faut quand même pas pousser : chacun doit évoluer !

 

 

35

 

 

L’instructeur ego regarde les nouvelles recrues, quasiment avec dégoût ! « C’est toujours pareil ! songe-t-il. Ils croient être de bons égoïstes et ils ne connaissent rien ! De vrais bleus, de vrais mous, oui ! » L’instructeur se rappelle des points chauds, qu’il a connus sur la planète… Là-bas, pour un billet d’avion, une bière, on n’hésitait pas à jouer du poignard, à bastonner ! C’était à qui survivait ! Mais ici ! Tout est civilisé ! Tout est lois ! On pète un peu fort et c’est la catastrophe ! Non mais regardez-moi ces têtes d’imbéciles !

De dépit, l’instructeur crache, avant d’expliquer : « Bon, première leçon ! L’ego dégage de la tension, il en est plein, tellement qu’il doit oppresser les autres, les étouffer ! Partout où il est, l’ego doit concentrer l’attention ! Le monde tourne autour de lui ! C’est compris ? Exercice ! Toi, la petite vieille, tu sors du rang ! T’as l’air gentille comme ça, mais j’ suis sûr que tu peux être bien dégueulasse !

_ C’est vrai ! Hi ! Hi !

_ Bon, j’ suis le client d’une boucherie... et le boucher me sert ! Toi, t’arrives et qu’est-ce que tu fais ?

_ J’ dégage de la tension ! J’ fais savoir que je suis là et qu’il faut que ce soit mon tour !

_ T’essaies pas de me respecter, de te calmer ?

_ Manqu’rait plus qu’ ça ! J’ pousse au cul, oui ! J’ me place même derrière toi, pour te presser ! Comme ça ! Tu dois m’ sentir, non ?

_ Pas mal ! Mais tu dois être du genre à engager la conversation, non ?

_ Oui, mais par-dessus le client, pour le dissoudre ! pour qu’il soit plus rien, car c’est moi qui compte ! Quand l’autre règle, je continue à parler à la vendeuse, comme s’il n’existait déjà plus !

_ Tu as donc fait de la com. (communication) une arme ! Tout le monde a bien suivi ? Comment tu t’appelles ?

_ Enfer !

_ Eh bien, Enfer, tu m’ plais ! On f’ra quelque chose de toi ! Rejoins les autres… On a un ennemi, c’pendant ! C’est la lumière ! Non, non, ne rigolez pas ! Elle est tenace, solide et connaît son métier ! Vous la repérerez facilement, c’est la personne qui suscite votre haine ! Pourquoi ? Mais parce qu’elle ne s’occupe pas d’ vous ! Elle est là tranquille, de sorte qu’elle paraît supérieure !

_ Quelle horreur ! s’écrie Enfer.

_ La lumière dira qu’elle est pleine de bonne volonté, poursuit l’instructeur, qu’elle cherche à nous aimer !

_ Pouah ! fait le groupe.

_ Nous, on veut pas d’ son amour ! jette quelqu’un. C’est du temps d’ perdu !

_ Ouais, ouais ! répondent d’autres. La lumière au poteau !

_ Qu’est-ce que vous avez à jouer les effarouchés ! s’étonne l’instructeur. Vous êtes là pour vous aguerrir et mettre les mains de l’ cambouis ! Faut être réaliste, vous n’êtes pas seuls au monde ! La lumière affirme aussi que nous sommes dans la nuit, prisonniers de notre ego !

_ De quoi elle s’ mêle celle-là, Qu’elle vienne ici… et elle trouv’ra à qui parler !

_ Ouais, ouais ! Aux chiottes, la lumière !

_ Elle va même plus loin ! reprend l’instructeur. La lumière dit que le problème n’est pas le réchauffement climatique…, ou la dette ou que sais-je encore ! Mais que c’est notre égoïsme au quotidien qui nous perd, nous rend malheureux !

_ Ben voyons ! jette un grand. Une claque dans l’ nez et elle dira plus rien !

_ Ouais, ouais ! T’as raison, l’ grand ! On va lui faire la peau !

_ Bon, si j’ vous chauffe, c’est qu’il est hors de question d’ s’attendrir ! Si j’ vois l’un ou l’une faire preuve de patience, d’ respect, c’est la porte ! On est bien d’accord ! Bon, Enfer, reviens ici… Tu sais que es un peu not’ mascotte maintenant ! Tu baves au coin des lèvres et c’est bon signe ! J’ai l’impression que tu es toi-même ta coke ! J’ me trompe ?

_ Ah ! Ah ! Qu’est-ce qu’il y a d’autre ?

_ Ben, y a la sonde Voyager 2 qui est à vingt milliards de kilomètres !

_ Si ça lui chante ! Du moment qu’elle tombe pas dans mon assiette !

_ Ah ! Ah ! Les distances cosmiques, c’est bon pour la lumière ! C’est une émotive !

_ Moi, la dernière fois que j’ai pleuré, c’était à la mort de ma chienne ! Depuis, j’ suis seule !

_ Ah ? Bon, ben, t’as quand même ta méchanceté avec toi !

_ Oui et je n’ai qu’elle ! C’est pour ça qu’ j’y tiens !

_ Ah ! Ah ! On va pas s’occuper d’ toi, de toute façon ! C’est pas l’ genre d’ la maison !

_ J’ sais bien ! C’est pour ça que j’ fais ce stage ! pour être encore plus dure !

_ C’est en sens unique qu’on va l’ plus vite ! Bon, Enfer, j’ vais t’apprendre un nouveau truc ! Tu vas t’ servir de tes dents ! »

 

 

36

 

 

Où est la lumière ? Elle entend : « Avec le crédit Muto tout devient facile ! Vous avez envie d’un nouveau canapé, de changer de voiture ou d’un bridge pour votre enfant ? Muto est à vos côtés ! » La lumière voit une famille heureuse sur une plage, grâce à Muto ! « Quelle harmonie ! » se dit la lumière, qui maintenant trouve très étrange de se retrouver seule ! Elle aussi pourrait se marier… Sa femme serait son soleil et ses enfants sa joie ! Muto la soutiendrait !

Au fond, ne noircit-elle pas le monde ? N’est-elle pas victime de sa propre incapacité à vivre ? Tout son tralala sur l’ego, n’est-ce pas le fruit de son imagination, parce qu’elle a été blessée ou qu’elle souffre de paranoïa ? En se relâchant, elle rejoindrait l’univers de Muto et se moquerait de ses anciens cauchemars !

Où est la lumière ? Elle entend des gens rire, qui se font plaisir… C’est un ego qui est interviewé à la télévision et dans le studio, tout est blanc, solaire et les visages sourient ! On dit à l’ego qu’il est une belle personne et bien sûr il se récrie, plein de modestie ! Pourtant, sous les yeux de la lumière, il a bien trois mètres de haut et sa gueule est mieux armée que celle d’un piranhas !

Mais peut-être que la lumière est trop sensible, trop fragile ! Il lui suffirait de fermer les yeux, d’avoir confiance en elle, ainsi qu’on se lance pour nager ! On ne va pas non plus la traiter différemment, s’employer à la satisfaire ! A elle de trouver sa place et si nécessaire de jouer des coudes ! Après tout, chacun a ses défauts, même la lumière, et en l’admettant, elle accepterait aussi ceux des autres ! Voilà la clé de la grande famille humaine !

Mais la lumière ne réclame pas la pureté ! Elle demande la vérité ou la justice ! L’ego n’est pas une belle personne, mais bien plutôt un assassin qui s’ignore ! Et donc où est la lumière ?

Le professeur Zircon dit que dans le futur on pourra faire ceci, cela… Il parle de l’IA, de neurochirurgie, de nanotechnologies, etc. ! Il a une vision de l’homme en couple avec la machine, alors que le monde paraît s’écrouler ! Surtout, le professeur Zircon ne sait pas qu’il est un ego lui-même ! Ainsi encore où est la lumière ?

La commère ego se raconte à la caisse d’un magasin et n’y voit aucune gêne, puisque, dit-elle, la discussion fait partie du commerce! Mais si la lumière en faisait autant devant la commère ego, celle-ci rêverait de lui trancher la gorge ! Mais l’ego adore son hypocrisie et penser être bon, ce qui lui permet de se montrer encore plus froid, hostile et méprisant, quand il est contrarié !

Or donc, toujours, où est la lumière ?

Comprendre l’ego, ça, elle sait faire ! C’est une experte dans ce domaine ! Elle voit la peur de l’ego, ses efforts pour surnager, ses coups de griffes pour exister ! Rien n’échappe à la lumière ! Mais l’ego a sa haine et la trouve légitime ! Il la plante comme un drapeau, avec défi ! Pourtant, c’est bien elle qui donne à l’ego des œillères, qui lui enlève sa lucidité ! Pour sauver son orgueil, l’ego est capable de laisser le monde s’embraser et peu importe que des enfants meurent et que des êtres broyés crient en vain leur désespoir ! L’ego est aveuglé par sa haine, car il verrait la souffrance des autres, il se déchirerait lui-même le visage ! La haine, c’est bien ce qui tient debout l’ego !

Où est la lumière ?

L’ego est un géant ! Il se tient comme un tronc, à côté de sa soupe populaire, car cet ego fait partie d’une association qui aide les plus démunis ! Il contrôle tout ! Le pauvre qui vient là reste sur ses gardes, comme s’il devait passer un examen devant le géant ! Est-il assez miséreux, pour avoir droit à la soupe ? En tout cas, il n’est pas question d’une esclandre, car il serait écrasé ! Le géant toise la rue telle une statue ! Il tamise son mépris en disant : « Moi, j’ suis engagé ! J’ fais du social ! J’apporte un peu d’air frais dans nos sociétés égoïstes ! Eh toi, là-bas, prends pas deux soupes !

_ Tu m’a eu ! réplique le pauvre, qui veut dégonfler l’incident.

_ Comme Nicolas !

_ Hein ?

_ Nicolas M’a eu ! Ouf Ouf ! »

Le géant rit et toute sa graisse tressaute ! Où est la lumière ?

Elle va parmi les hommes comme parmi des fous ou des fantômes ! Elle ne se voit pas et doute d’elle-même ! « Qui suis-je ? » se dit-elle et elle se sent perdue ! Elle regarde les siècles et garde sa chanson ! Elle a ses diamants et s’en réjouit ! Elle a son amour, son secret et se met à danser ! La lumière danse avec la force du monde ! C’est un enchantement sans fin, c’est une joie inexprimable ! Le navire qui file à toute allure, sous ses voiles, est pareil !

Mais la lumière ne peut pas parler aux egos gris ! Ils sont campés sur leur haine ! Ils ne veulent pas être délivrés ! Leur condition d’esclaves au fond leur convient ! Ils serrent les dents, souffrent, mordent et meurent ! Parfois, las de tuer ou d’être tués, ils demandent : « Où est la lumière ? »

 

 

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Dans le ranch, le bétail s’agite à cause de l’orage, qui gronde là-bas sur les montagnes ! Des éclairs illuminent la nuit et la pluie qui ruisselle du toit ! Macready, le propriétaire et un vieil ego, apparaît sur la terrasse et inquiet, il inspecte les ténèbres ! Soudain, il entend du bruit du côté de la grange, pense à un voleur et fait feu avec son fusil ! « Qui que tu sois, sors de là ! crie-t-il. Sinon, j’ vais t’ descendre !

_ Tirez pas, Macready, c’est moi, la lumière !

_ La lumière ? J’sais pas qui tu es mon garçon ! Mais fais voir ta mine et tes mains ! Si t’as une arme, lâche-la bien devant toi, car j’ s’rai jamais à court de plomb, pour les voyous dans ton genre !

_ Voyons, Macready, c’est moi, la lumière ! Vous me reconnaissez ? Et vous savez très bien que je ne porte jamais d’armes !

_ Est-ce une façon d’arriver chez les gens, comme un voleur, par une nuit d’orage en plus ?

_ Vous m’auriez pas laisser entrer de jour... »

Le vieux hausse les épaules, baisse son fusil et rentre dans la maison, ce que la lumière prend comme une invitation… Macready se dirige en boitant vers un rocking-chair, placé devant un feu de cheminée et sur lequel il s’affale avec un gémissement ! « Ouh ! Là ! Je ne suis plus tout jeune, évidemment ! » fait le vieil ego à la lumière, qui prend place en face de lui. « La lumière ? reprend Macready. Y a bien longtemps que t’es pas v’nue m’ voir !

_ A qui la faute ? A chaque fois que j’ai frappé à ta porte, tu as tiré sur moi !

_ Ouais, eh ! Eh ! C’est que j’ai le sang chaud !

_ Dis plutôt que tu as toujours eu peur de moi !

_ Peur moi ? Ah ! Ah ! Ici, quand j’ suis arrivé, y avait que des sauvages ! Plusieurs fois, ils ont failli prendre mon scalp ! Ah ! Ah ! Mais j’ai réussi à m’implanter ! J’ai bâti ce ranch ! Tous les pâturages, jusqu’aux montagnes, c’est à moi ! Y a pas de plus grandes exploitations dans l’ coin ! Tout le monde en ville connaît le nom de Macready ! J’ai résisté à tout ! aux mauvaises récoltes, aux maladies, aux promoteurs véreux, etc. !

_ Oui, oui, je sais tout ça… et maintenant tu es bien triste et amer, pas vrai ? »

On entend le feu qui craque et l’orage qui s’éloigne… « Où sont tes fils ? demande la lumière.

_ Partis à la ville, où ils ont bien réussi tous les deux !

_ Oui, ils ont fait leur vie, de sorte que tu es un veuf solitaire…

_ Ah ! Mais j’ m’occupe ! J’ai prévu de défricher près de la rivière ! Mes ouvriers vont récupérer encore de la terre !

_ Ouais, ouais, mais déjà tout ça te glisse entre les mains… Tu sais au fond que le ranch n’est plus à toi…, que ton temps est terminé et qu’est-ce qui va rester de ton œuvre ? Tes fils ne peuvent pas s’empêcher de penser à l’héritage et ils reviendront pas ici… Le vent emportera même ton souvenir !

_ Ah çà, les requins n’attendent que la curée ! Mais je m’ défendrai jusqu’au bout !

_ Tss, tss, comme si ça avait de l’importance ! Écoute le chant de la pluie dans ta gouttière… N’est-il pas apaisant ? Pourquoi ne m’as-tu jamais aimé ? Toute ta hargne, je l’aurai changée en espoir !

_ J’ voulais être libre ! sans maître !

_ C’est bien ce que je dis, tu as toujours eu peur de moi ! Et ça même un rapport avec ton père, je me trompe ?

_ Mon père me donnait des coups de cravache…

_ Oui et moi, quand je remplis quelqu’un, je réveille les vieilles blessures évidemment ! Tu as eu peur que j’agisse comme ton père !

_ C’est vrai ! J’ai eu peur que tu m’prennes tout ça ! que tu m’ demandes d’être pauvre et qu’ j’ continue à encaisser ! T’aurais fait d’ moi une victime, qui aurait dû garder le sourire en plus ! Pouah, quelle horreur !

_ Et je n’aurais pas pris en compte tes traumatismes ? Pour qui me prends-tu ! M’as-tu fait confiance au moins une fois ? Si seulement, t’avais marché un peu vers moi… Ma puissance égale mon amour !

_ Du temps de ma femme, j’allais à l’église tous les dimanches !

_ Ouais, t’as la carte du parti, c’est bien ! Et maintenant, tu subis les avanies des uns et des autres ! Dame, ils sont comme toi ! Ils se nourrissent de leur pouvoir ! Tu ne peux plus compter sur personne… et tu t’ méfies de tout le monde ! T’es entouré d’ charognards !

_ C’est la vie !

_ Et tu pleures tellement c’est dur ! Ton cœur sec a encore quelques larmes ! Quel gâchis ! Tu vois, avec moi, ton ranch, tu aurais pu l’avoir mille fois plus grand dans ton amour ! Et tu comprendrais que l’esprit ne meurt pas ! J’ t’ aurais apporté la paix, mais tu as gardé tes peurs... »

Là-bas, des éclairs zébraient encore la nuit bleue, révélant le sommet noir des montagnes…

 

 

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« Alors les émeutiers ! Ça va mieux ? » lance la lumière à un groupe de jeunes noirs et arabes ! Immédiatement, deux ou trois d’entre eux se lèvent du parapet sur lequel ils étaient assis et se précipitent vers la lumière ! « Qu’est-ce qu’il y a, mec, tu cherches la bagarre ?

_ Nous, on n’était pas avec les émeutiers !

_ T’as vu comment tu nous parles ?

_ Toi, t’es mort ! »

Les réactions sont vives et la lumière s’empresse de calmer le jeu : « D’accord les gars ! fait-elle. Vous n’étiez pas avec les émeutiers ! Mais, moi ce que j’ai compris, c’est qu’avec les émeutes, vous demandiez du respect !

_ Ouais, mec, on demande du respect ! On veut pas être traité comme des chiens !

_ C’est pour ça que je vous demande comment vous allez…, car bien entendu on ne respecte pas l’autre, si on ne s’intéresse pas à lui ! »

Il y a un moment de silence, pendant lequel les jeunes ont l’air dégoûtés… « Ben, je vois, reprend la lumière, que vous êtes toujours fermés, pour ne pas dire haineux ! J’en conclus que la situation n’a pas trop changé pour vous !

_ Qu’est-ce que tu veux dire ? Nous, on n’a pas besoin de toi, mec !

_ Taratata ! On a tous besoin les uns des autres ! Ce qui vous fait souffrir, c’est bien d’être tenus à l’écart ! Vous voudriez être aimés, avoir votre place ! Je me trompe ?

_ On ne nous aime pas ! C’est du racisme, m’sieur !

_ Ah bon ? La cagnotte en faveur du policier, c’est du racisme ?

_ Exactement !

_ Alors les émeutes, c’est du racisme aussi, contre les Blancs !

_ Mais non, c’est une demande de respect !

_ J’entends bien… Disons que c’est plutôt une réaction de haine, face à l’injustice commise par le policier, d’accord ?

_ Oui, nous avons voulu montrer toute notre haine, par respect pour Nahel !

_ Et ceux qui ont donné de l’argent pour la cagnotte ont tenu à montrer toute leur faine, face à votre haine ! La haine entraîne la haine ! C’est pourquoi votre situation ne doit pas être meilleure maintenant ! Car ceux qui déjà ne vous aimaient pas vous aiment encore moins ! La haine entraîne la haine, comme je l’ai dit !

_ Mais au moins on nous respecte maintenant, car on a montré combien on est fort et on fait peur !

_ Oui, j’ai entendu ça… Vous avez tenu à faire comprendre à Macron qu’il n’était pas le seul à régner !

_ Exact, mec !

_ Donc, vous représentez une menace pour le pouvoir des Blancs ! Et vous croyez qu’ils vont vous laisser faire ?

_ Mais on a notre territoire et vous avez le vôtre !

_ J’ai déjà dit que ça ne marche pas comme ça ! Il nous faut vivre ensemble ! Vous ne pensez tout de même pas détruire tous les Blancs ?

_ Alors qu’est-ce que tu proposes ?

_ Vous pouvez être aimés, si vous vous montrez meilleurs que les Blancs ! Il faudrait que le Blanc dise : « Eh ! Mais ce Noir, cet Arabe est bien meilleur que moi ! Moi, j’ai de la haine et lui n’en a pas ! Il est plus patient et compréhensif que moi ! Mon regard est en train de changer ! Je vais être agréable avec lui ! Je vais essayer de mieux le connaître ! »

_ Pfff ! Tu nous prends pour des moutons, mec ! On va nous baiser la gueule deux fois plus, si on est faible !

_ Oui, ça va sûrement arriver, car il y a toujours des salopards ! Mais y en a d’autres qui commenceront à vous accepter et à vous aimer ! La haine est sans issue !

_ Et pourquoi ce serait pas aux Blancs de commencer ?

_ Tu as raison, ils devraient être meilleurs, car ils connaissent déjà mon message ! Mais s’ils sont bêtes et injustes, c’est pas une raison d’être comme eux ! Il faut que vous compreniez une chose : toute différence entraîne chez chacun d’entre nous de l’inquiétude, de la méfiance, voire de l’hostilité ou du rejet ! C’est notre racine animale qui veut ça, car chez les animaux la différence est le plus souvent synonyme de mort ! Il est donc toujours très difficile d’accepter la différence ! Mais il faut faire un effort !

_ Ah ! Mais nous, on s’laissera pas faire !

_ J’entends bien, vous êtes jeunes et fiers ! Vous pensez qu’il faut être les plus forts, mais alors vous êtes comme les animaux... Ils veulent aussi être les plus forts ! Mais plus on reste un animal et plus on reste hostile à la différence et moins on peut vivre ensemble ! Montrez-moi la lumière, les gars ! Montrez-moi que vous êtes meilleurs que les Blancs ! Montrez-moi que malgré mon mépris ou ma haine, vous n’en avez pas et que vous m’aimez quand même ! C’est le baiser sur le crapaud, pour le changer en prince !

_ Tu rêves, mec !

_ Oui, heureusement ! »

 

 

39

 

 

La lumière sort de chez elle, mais l’ego vient lui coller le canon d’une arme dans le dos ! « Pas d’ gestes brusques, la lumière ! dit l’ego. Tu montes gentiment dans cette voiture, sinon j’ t’en loge une dans la colonne et tu passeras le restant de tes jours dans un fauteuil ! Pigé ?

_ Pigé !

_ Alors monte ! »

La voiture démarre, avec la lumière à l’arrière et toujours sous la menace de l’arme de l’ego… « Je suppose qu’il est inutile de vous demander où vous m’emmenez ? dit la lumière.

_ Tu supposes bien ! » répond l’ego.

Le dialogue s’arrête là et la lumière voit qu’on quitte la ville. Il est encore tôt le matin et la campagne apparaît noyée sous la brume ! Puis, on prend la route de la mer et on s’arrête sur un parking non goudronné, où la voiture cahote un peu en écrasant des pierres ! « Terminus ! Tout le monde descend ! s’écrie l’ego, qui fait signe à la lumière de descendre.

_ Tant mieux, je commençais à m’ankyloser… » réplique la lumière.

Dehors, l’air est frais, chargé de la brise marine et des mouettes planent au-dessus ! « Marche devant ! » ordonne l’ego, qui tient toujours son arme et la lumière emprunte un sentier parmi la bruyère. On arrive au sommet d’une falaise et la mer, avec sa frange d’écume, est toute petite en bas !

« Voilà la fin du voyage ! dit l’ego.

_ Tu veux que je fasse le plongeon, c’est ça ? demande la lumière.

_ Hon, hon !

_ Ben, mon vieux, tu doutes pas d’ mes capacités !

_ J’ peux donner le signal du départ, si tu veux, avec du plomb !

_ J’pense que j’ai droit à une explication... »

L’ego soupire, réfléchit, puis lance : « Écoute, je veux que tout reste comme maintenant !

_ C’est-à-dire ?

_ J’ veux qu’ les gens continuent à être égoïstes ! qu’on reste médiocre ! que la gauche hurle contre les profiteurs et que la droite enrage après les étrangers ! J’ veux que les stars caressent toujours leur nombril ! qu’elles racontent qu’elles ont eu une enfance malheureuse ! Etc. !

_ Je commence à comprendre… Rien ne doit changer ! Personne ne va s’améliorer, en se remettant en question ! On n’est pas heureux, on ne sait rien, la violence monte, le monde craque, mais les vraies solutions, on les garde aux oubliettes ! On bouge pas, on serre les dents !

_ Tout juste ! Il faut que j’ pense à mon business ! J’ai ma p’tite place au soleil… Des gens m’apprécient et j’ fais vivre ma famille ! Je paye aussi mes impôts et bref, j’suis normal ! T’entends ça, la lumière, j’suis normal !

_ J’ t’entends, l’ego, j’ t’entends… Mais je ne savais pas qu’ j’ te faisais autant d’effet, surtout que j’ai l’impression de crier dans l’ désert !

_ Oh ! Ne crois pas ça ! Mais tu m’ fais peur, la lumière, alors j’ reste sourd ! Moi, l’ matin, en buvant mon café, je me délecte des mêmes débats creux dans l’ journal ! J’adore le vide ! Il me réconforte ! L’hypocrisie, l’ignorance, ça ne me dégoûte pas du tout, tu sais ! C’est mon paysage, mon marécage, où je joue avec joie les hippopotames !

_ Que la bêtise soit reine, que nul ne fasse l’effort de comprendre l’autre, de se mettre à sa place, pour découvrir la nuance ou l’intelligence, ça ne te soûle pas ? Tu n’es jamais en proie au désespoir ? Chapeau !

_ Si, si, ça m’arrive ! Comme je te l’ai dit, j’ suis normal ! Mais toi, ce que tu voudrais, c’est que je me combatte moi-même, au lieu d’accuser les autres ! Il faudrait que je renonce, que j’ mette un pied dans la piscine froide du sublime…, que j’ change de disque ! Et tout ça au nom de la foi, d’un amour pour quelque chose d’invisible, alors que j’ai commencé à travailler à quinze ans !

_ J’ suis désolé pour toi, l’ego…, mais t’es en train de devenir un vieux con ! Et puis t’es pas heureux, t’es plein de haine et t’as peur ! Belle épitaphe !

_ Peut-être, mais j’aime pas qu’on m’ dérange ! Le monde est égoïste et tu vas pas l’ changer ! Moi, l’ego, j’ veux pas disparaître ! Bon, c’est l’heure de ta prière… T’es en terrain connu, là…

_ Bah, tes enfants sont déjà rattrapés par la gravité ! Ils voient dans quel merdier tu les a mis, toi et ta chère normalité !

_ T’as le choix ! Ou tu pars comme un ange, ou lesté ! »

Mais la lumière n’a pas attendu et elle a sauté sur une arête couverte d’ajoncs ! Les balles sifflent, mais les buissons protègent la lumière. Là-haut, la voiture redémarre et la lumière pense que c’est une drôle de journée qui commence !

 

 

40

 

 

Les egos vivent dans une décharge, qu’ils alimentent eux-mêmes chaque jour ! Soit ils répandent leurs détritus, pour s’amuser et choquer, soit ils les abandonnent dans un coin, en se disant que d’autres s’en chargeront ! Ils laissent encore leurs poubelles ouvertes, ainsi qu’elles seraient des œuvres d’art ou des mangeoires pour les oiseaux ! Dès qu’ils achètent quelque chose, ils s’empressent de déposer sur le trottoir leur ancien matériel et leur nouvel emballage, car ils n’ont pas le temps de s’en occuper et ils remontent chez eux, pressés de jouir de l’objet de leur rêve ! Leurs villes sont de véritables porcheries, où ils se dressent les uns sur le dos des autres, afin de savoir qui est le plus intéressant !

A la campagne, ce n’est guère mieux ! Il y a d’abord sur les routes des engins qui vont à toute vitesse et qui sont conduits par des aveugles, des gens qui ne savent ni où ils sont, ni ce qu’ils font, ni où ils vont ! Ils sont pied au plancher et leurs véhicules essaient d’arracher l’asphalte ! Ils n’ont pas une minute à perdre et on les entend arriver comme des bombes ! Les arbres en frissonnent, d’autant que certaines fois ils sont pris pour cible, quand les conducteurs ratent un des leurs ! On pourrait penser la faune à l’abri dans les champs, mais des tracteurs monstrueux lui donnent la chasse ! Il s’agit de cultiver et de récolter, comme si nous étions en guerre ! Il n’est plus question de regarder, d’admirer le fruit ou la graine, mais on est en plein rendement, avec des bruits de ferraille, dans un nuage de poussière ! Si les pigeons pouvaient téléphoner, ils appelleraient l’hôpital psychiatrique !

Comment tout ça se tient ? Mon Dieu, les égos ont leur tête de Turc, leur coupable ! S’ils souffrent, s’ils ont le sentiment de ne pas en avoir assez, c’est bien entendu la faute du gouvernement ! C’est lui l’incapable, qui nie les évidences ! On lui braille dessus, on le méprise, on le combat pied à pied, car il est corrompu, injuste, antidémocratique et remplace Satan ! Les egos n’en peuvent plus, puisqu’ils ont toutes les solutions et on ne les applique pas ! Ils ne voient pas que les politiques se succèdent et qu’ils en sont toujours mécontents, mais ils croient naïvement à ce qu’on pourrait appeler « le gouvernement baguette magique », autrement dit, dès qu’ils seront au pouvoir, ils construiront un décor de ciel bleu, avec un arc-en-ciel dans des fleurs ! Sans leur bouc-émissaire, les égos s’entre-tueraient probablement, sous l’œil effrayé des moineaux !

Donc, au fond, la société se plaît dans sa fange, bien qu’elle y râle et qu’elle y soit sous le joug de la peur, ce qui la conduit à la haine et à la violence ! On ne la voit pas lasse de sa sinistre ritournelle, malgré l’horizon menaçant, du moment qu’elle accuse ! Ce n’est pas le programme de la lumière ! Celle-ci propose d’abord un émerveillement ! L’ego est invité à découvrir la beauté, qui n’est pas un accessoire, un ornement, mais qui constitue au contraire la base de nos vies conscientes ! Les animaux la perçoivent déjà à leur manière, liée à leur bien-être et au sentiment de leur force, mais il appartient à l’homme de lui donner toute sa place et surtout de comprendre son message !

Car, si on sait la regarder, la beauté nous dit que nous sommes aimés infiniment, puisqu’elle est elle-même sans limites ! Pour le cœur simple et aimant, nous sommes ici, sur Terre, chez nous et nous pouvons avoir la confiance de l’enfant, à l’égard de ce que nous appelons Dieu ! C’est cette innocence, cette foi qui nous permet de nous délivrer de l’ego, comme un insecte mue en devenant une imago ! La beauté est la clé de l’amour de Dieu, qui lui-même est la grande découverte de la conscience ! Minimiser la beauté, la mépriser, l’ignorer maintient dans le chemin de souffrance de l’ego ! C’est elle qui donne confiance, nullement la religion, hélas !

Il est normal que l’homme cherche à diffuser les messages de sagesse divine, mais il élabore alors des règles, des rites, des dogmes, qui empêchent la liberté et le développement des individus ! La religion est donc normalement combattue et son influence réduite à néant et il n’y aura pas de retour en arrière ! La foi ne doit pas s’appuyer sur un fonctionnement, mais elle est un amour libre et heureux, ce qui exclut toute haine ! On ne peut pas aimer et blesser en même temps ! Le témoignage de Jésus, par exemple, n’est compréhensible que si on est déjà soi-même confiant, que si la beauté du monde nous fait enfant ! Il ne s’agit pas de se réclamer d’une religion comme d’un parti ! Seul l’amour est ici à considérer, avec tout ce qu’il a d’étrange et de vertigineux !

Évidemment, il existe une relation entre la beauté et l’ego ! On comprend bien que le seul fait d’admirer réduit l’ego, ne serait-ce que parce c’est faire preuve de patience, alors que l’ego est inquiet, avide et souffrant ! La beauté procure l’apaisement et la compréhension ! Car la foi ne rejette pas la raison, bien au contraire ! Chaque marche, chaque étape n’est possible que si l’esprit est éclairé d’une façon supplémentaire ! Ainsi, on se débarrasse de l’ego, quand sa prison devient visible, de même qu’on se sépare de l’alcool, en voyant qu’il ruine notre santé ! Mais la foi reste un amour qui nous grandit et on n’y perd donc rien ! Ce n’est pas un refoulement de l’ego destructeur ! C’est un chemin vers la joie et si elle n’est pas au bout de la route, c’est qu’on s’est trompé ! On a cultivé son ego, sous l’étiquette de la religion !

Admirer la beauté, avoir confiance mène à la paix, il ne saurait en être autrement ! Il y a un stade où Dieu ou l’infini se déploie sous nos yeux, où son temps nous apparaît ! Il n’est ni lent, ni rapide ! Il est juste, car sa puissance est incomparable ! Celui qui le perçoit chante en son cœur, car la tranquillité l’envahit ! Le voilà fort pour aimer l’ego et faire du bien autour de lui, ainsi qu’une onde se propage !

 

 

41

 

 

L’ego est dans la rue ! Il est sorti de chez lui et que fait-il ? Il déambule, vaste troupeau ! Il erre, fait du lèche-vitrines, des achats, avec une tête fâchée, car ça ne va pas assez vite ! Parfois, il fonce, méprise pour une raison inconnue ! Est-ce que tout cela a un sens ? Mais oui, nous sommes là en représentation ! L’ego se nourrit des regards, comme la vache broute et se repose, d’où cette foule passive, amorphe, sans but ! Si l’homme ressemble à un animal, alors tout paraît normal et peu importe le réchauffement, les guerres, la violence ou la souffrance !

A la vérité, l’ego s’ennuie et il voudrait la lumière ! Il voudrait s’enflammer, sentir mille fois plus, voler, être présent, vivre enfin, mais il n’ose pas ! Il a peur du ridicule ou de perdre quelque chose ! L’inconnu le guette et l’effraie, d’autant qu’il y a des gendarmes, sans uniforme s’entend ! Il y a des censeurs, des egos haineux, dès qu’une oreille dépasse ! Ceux-là veulent contrôler le monde et surveillent leur troupeau ! Alors, on s’ennuie, on déambule, apathique, sans véritable désir ! On traîne, on soupire ! Où est le feu, la flamme ?

Où est l’esprit dans notre boîte à chaussures, nos magasin gris et qui sentent le renfermé ? Les partis politiques profitent de l’été, pour se préparer à un année chargée, disent-ils ! Mon Dieu, les imbéciles vont encore nous soûler ! Que se mettent-ils à chanter et à fêter la vie ? L’ego est un piège à loups ! Que n’apprennent-ils la splendeur du ciel, sa paix, la majesté de son temps ? Que n’ont-ils les doigts du magicien, qui créent de la vie, qui sont pleins de feu ? Ainsi nourrit l’esprit, ainsi donne la foi ! Mais l’ego s’ennuie, avec ses chansons tristes, où il pleure sur lui-même ! Do, do, l’enfant do !

L’ego est paresseux ! Il aime son vide et surtout il s’écoute parler ! C’est là son occupation favorite ! Il adore dire qu’il n’y a pas de solutions, rien que pour entendre le son de sa voix ! Il se contemple face au mur de la fatalité ! Il est paresseux et baigne dans son jus ! Pourtant, un défi cosmique l’attend ! Pourtant, il lui est proposé un amour sans bornes et qui lui fera demander grâce, qui le fera rire et qui le comblera ! L’homme contemple l’Univers et son imagination va encore plus loin, aussi vite que la lumière ! Qu’a-t-il là à marcher comme un troupeau de vaches ? Qu’a-t-il à traîner son ennui ? L’ego voudrait le feu, il voudrait vivre, mais il n’ose pas !

L’ego est un coq ou une poule ! Voilà ! L’ego mâle siffle et joue les caïds ! L’ego femelle se rengorge et montre ses belles cuisses ! Que croyons-nous ? Qu’on pourra y arriver comme ça, sans trop de casse ? Que l’argent nous protège ? Que le problème, c’est la constitution ou l’Europe ? Quelle naïveté ! Quel aveuglement ! Nous avons notre liberté, nous sommes en démocratie, nous n’avons pas faim, nous ne subissons pas la guerre et nous ne savons pas vivre ! Nous détruisons la planète et nos sociétés sont en plein chaos ! Nous ne savons pas vivre et alors il nous faudrait changer ! Mais que croyons-nous, que voulons-nous ? Apparemment que les choses restent ainsi, avec nos petits désirs et nos illusions, c’est-à-dire nos coupables !

L’eau va devenir rare, mais il existe une autre eau, celle de l’amour divin, qui peut jaillir à tout moment ! C’est la grande vie de l’esprit, enfin ! Nous avons conquis notre individualité, donnons-lui toute son extension ! A quoi sert notre esprit, si nous n’aimons pas ? A quoi sert notre esprit, s’il reste animal ? A quoi sert notre esprit, s’il est figé dans sa haine (haine des riches, des étrangers, du gouvernement, etc.!) A quoi sert notre esprit s’il n’a pas une dimension infinie ? Qu’est-ce qui peut étendre notre esprit au-delà de toute imagination, sinon l’amour ou la foi ?

Comme nous sommes petits et ridicules dans nos querelles ! Que n’avons-nous du courage, au lieu de la haine ? Aimer « l’invisible », un idéal ouvre tout de suite le champ vertigineux des possibles ! Pensez, on nous blesse et il nous faudrait comprendre, alors que l’animal est déjà en train de riposter, voire de tuer ! S’offrir, avoir confiance, gagner l’éternité par amour, voilà le destin de l’homme, à la mesure de son esprit, des capacités de sa conscience ! On est loin là des équations d’Einstein ou de toutes nos considérations sur l’économie ! On est loin là de tous nos combats sociaux haineux et mesquins ! Nos droits ! Nos droits ! Ma cassette ! Ma cassette ! Notre ego chéri ! Au vrai, nous n’avons rien dans le pantalon !

La femme maintenant tape sur la table, à la bonne heure ! Qu’elle devienne aimante, comme elle seule c’est le faire ! Qu’elle laisse tomber ses courses et son nombril ! Qu’elle soit protégée de l’agression masculine, c’est nécessaire, car elle a droit à toute liberté, à son plein accomplissement ! Mais que toute sa passion n’aille pas pour un homme ou pour elle-même ! Qu’elle couve le monde comme une mère ! Que son don la dépasse et la transfigure ! Qu’elle se moque de sa vanité et de son rang social ! Qu’elle soit le sourire de l’Univers, son soleil !

 

 

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Le maire du coin et le directeur de la chaîne hôtelière Pax se tiennent au bord de l’eau… Ils regardent la mer, qui est ici comme un miroir, et ses rochers découverts ! C’est le soir et le ciel s’assombrit dans une symphonie de bleus, mouchetés de nuages ! A leurs pieds, des reflets émeraude s’éteignent entre des touffes d’algues mordorées ! « C’est somptueux ! s’écrie le directeur.

_ Hon, hon…

_ Bon, alors tu vois, mon hôtel s’ra juste là, derrière, avec une vue imprenable sur tout ça !

_ Les écolos vont tiquer !

_ J’ te garantis à terme une quarantaine d’emplois ! C’est pas mal pour ton bourg, sans compter que les entreprises de la région seront prioritaires dans la construction !

_ J’ pense que ça passera ! On prendra de l’ampleur !

_ Ah ! La vache ! J’ me vois déjà peinard à contempler ça ! avec mon nom lumineux sur l’hôtel ! Mais qu’est-ce qu’on entend ?

_ Des jeunes sans doute… Ils font la fête… Y pas beaucoup de distractions dans l’ coin !

_ Et si on allait les rejoindre ! Question de s’amuser un peu ! Il est bon de savoir comment va la jeunesse !

_ Si tu veux ! fait le maire en haussant les épaules.

_ Faudra quand même rehausser la plage ! rajoute le directeur qui se retourne. Dame, on aura besoin d’un accès direct ! »

Les deux egos se retrouvent bientôt entourés de bruits de casseroles, de musique plein pot et de jeunes déguisés grossièrement, qui se pavanent une canette à la main ! Ils ont l’air de s’amuser, mais il y a quelque chose de forcé, de quasi sinistre ! Leur principale occupation est de danser autour d’une prisonnière et en effet, la reine beauté est attachée à un poteau et on se moque d’elle ! Elle est une victime du culte de l’ego !

Pourtant, même ainsi, elle semble impassible, comme si elle espérait qu’on allait la détacher et l’aimer, en devenant meilleur ! Mais les visages autour sont laids, déformés par l’alcool et le vide, car c’est surtout l’ennui qui règne ici ! Au bout d’une table, la lumière est assise et se demande ce qu’elle fait là ! « Alors, la lumière, toujours pareille, tu t’amuses pas ! jette un jeune.

_ C’est vrai ! fait un autre. La lumière a toujours été vieille ! L’indérangeable lumière !

_ La triste lumière ! renchérit une fille. La peureuse lumière ! »

La lumière fixe la fille, qui baisse la tête… « Elle m’en veut ! se dit la lumière, car je ne l’ai pas regardée ! » Toutes les femmes veulent plaire à la lumière, même celles qui ne sont pas libres, quitte à fâcher leurs compagnons ! C’est plus fort qu’elles, mais c’est leur ego qui a soif et qui veut de l’admiration ! Ça n’a plus grand-chose à voir avec la beauté et la lumière s’en détourne ! On boit sur le cœur qui s’assèche ! C’est encore l’ego en représentation !

« Tu nous trouves moches, hein, la lumière ! Tu nous juges ! lance un garçon.

_ Bof ! répond la lumière. Les jeunes animaux s’essaient à la vie ! Ils miment les adultes pour devenir comme eux et avoir les bons réflexes ! C’est ce que vous êtes en train de faire : vous vous exhibez à la recherche de votre personnalité ! Le problème, c’est que vous ne vous vous respectez même pas vous-mêmes !

_ Amen !

_ Qu’est-ce que tu veux dire ? demande une fille inquiète.

_ Elle veut dire qu’elle va dégager ! Car elle nous emmerde ! coupe quelqu’un.

_ Non, moi, j’ai envie de l’entendre, hips ! reprend la fille.

_ Tu vas pas t’embêter avec cette vieille baderne ! Donne-moi plutôt un baiser ! » réplique son mec. 

La jeune fille ne sait quelle attitude prendre… Elle a peur de se démarquer du groupe et pourtant elle est attirée par la lumière, qu’elle sait sans mensonges ! Cela fait longtemps qu’elle traîne avec ces egos et que cela lui paraît stérile ! Elle voudrait tellement plus et elle voit de l’espoir dans la lumière, mais son mec, déjà jaloux, lui impose quasiment un baiser, auquel elle ne peut se dérober sans créer d’incidents !

« Bon, dit la lumière, je m’en vais ! Mais j’emporte avec moi la reine beauté !

_ C’est ça ! Foutez le camp toutes les deux ! »

La lumière délivre la reine beauté et elles s’en vont sous les huées, tandis que certains se plongent dans une danse effrénée ! « Ah ! Ces jeunes sont sans pitié ! » fait le directeur de la chaîne Pax au maire. Ils sont maintenant attablés devant une bière et ils regardent partir la lumière, qui soutient la reine beauté.

Celles-ci retournent au bord de l’eau, dont elles n’auraient jamais dû bouger… La reine beauté se déploie à nouveau sur la mer et dans le ciel, sous les yeux de la lumière ! Des bleus presque noirs trouent encore la nuit et plus loin un phare s’allume, tel un diamant !

 

 

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L’ego dit à la lumière : « Dieu sonde les cœurs ! Il voit ton mensonge et ta méchanceté !

_ C’est pas vrai !

_ Bien sûr que si ! Il sait que tu es un menteur et combien tu es un méchant ! On ne peut rien lui cacher ! Et il viendra me dire ce que tu fais et il te punira !

_ C’est pas vrai !

_ Si, il voit tout !

_ C’est pas vrai, je suis pas un menteur ! Et je suis pas méchant, non plus !

_ Ah ! Ah ! Garde tes histoires pour d’autres ! Nous ne sommes pas dupes ! De la graine de voyou, voilà ce que tu es !

_ Je ne fais pas le mal !

_ Mais tout le monde est pécheur ! Tu es la proie du diable… et tu sais ce qui va t’arriver ? On te jettera dans le feu et tu disparaîtras dans les flammes !

_ Non, j’irai pas en enfer !

_ Est-ce que tu fais tes prières au moins ? On va les compter, tu sais ? Dieu me dira : « Voilà, il manque des prières, parce que la lumière est une menteuse ! Elle est méchante et elle doit être condamnée !

_ Non, c’est pas vrai ! Tu cherches à m’ faire peur !

_ Mais c’est pour ton bien, pour que tu t’ tiennes à carreau !

_ La vérité, c’est toi qui es méchant !

_ Quoi ? Tu oses me répondre ! J’ vais t’ dresser, moi, tu vas voir ! Tiens, prends déjà cette baffe ! »

Bien des années plus tard, l’ego dit à la lumière : « Or, donc, vous avez été castré par vos parents et vous êtes devenue incapable de satisfaire vos besoin sexuels ! Cela s’est transformé en un manque d’affection, que vous avez reporté sur un substitut, à savoir Dieu, d’où votre foi, votre mysticisme, etc ! Autre question ?

_ Je suis donc encore coupable ?

_ Pourquoi vous dites ça ? Au contraire, je vous décharge de votre sentiment de culpabilité, en vous en montrant la raison ! De là, vous pourrez vous reconstruire !

_ Vous me dites tout de même que je me trompe, que je suis victime d’une illusion ! C’est toujours vous le maître et vous continuez à me castrer !

_ Du tout, la science est objective et elle offre une voie de guérison !

_ Ainsi j’échapperai à l’enfer ! Et la reine Beauté ?

_ Quoi la reine Beauté ?

_ La merveille du monde !

_ Pff ! La même chose que pour la foi ! Substitut, illusion, castration ! Cigare ?

_ Non merci ! Et qu’est-ce qui vous tient, vous ?

_ La raison ! La simple logique, l’entendement ! C’est comme ça qu’on avance !

_ Ah ! Ah !

_ Quoi ? Qu’est-ce qui vous fait rire ?

_ Vous aimez la raison comme moi, la beauté ! Substitut, illusion, castration, etc. ! Cigare ?

_ Vous êtes quand même un sacré connard !

_ Je sais, j’ fous en rogne les gens ! Vous allez m’ dresser ? 

_ C’est pas l’envie qui m’en manque ! »

La lumière part sur les routes, en compagnie de la reine Beauté, et elle retrouve sa chanson ! Elle chante : « Je ne suis pas méchant ! Je ne suis pas menteur ! J’aime le Seigneur et il m’aime aussi ! Et il m’fera justice ! Parce que je l’aime  et qu’il m’aime ! C’est mon amour et j’suis pas méchant, ni menteur ! J’aime et c’est tout ! J’aime et c’est doux ! »

Et les oiseaux chantent aussi leur chanson, autour de la lumière ! Et les papillons passent en dansant près de la lumière ! Et les arbres ondoient, comme s’ils saluaient son passage ! C’est la vieille chanson de la lumière ! La chanson de son cœur et elle est pure, car c’est d’ l’amour !

« Ils n’aiment pas ! chante encore la lumière. Ils ont des yeux comme de la glace et leur visage est un cloaque ! Ils iront en enfer, sûr ! » et la lumière rit, elle peut se le permettre, car elle aime ! Elle rit ! Elle est légère comme l’enfant !

 

 

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Les egos sont en vacances ! Grande étape ! Merveilleux moment ! durement gagné ! C’est la sonnerie de la récréation ! l’opium du peuple ! (Le peuple qui, comme chacun le sait, est manipulé par le gouvernement, les riches, les profiteurs et… et les Vénusiens ! Mais attention, c’est top secret!) Donc, les vacanciers soufflent et réclament ce droit, loin de la bêtise du monde, pensent-ils, puisqu’ils échappent enfin à leur quotidien !

Et que font-ils ? Mais ils s’amassent sur un terrain de camping, face à un cadre idyllique, de sorte que leur installation ressemble à un bidon ville ! Pan ! Ça, c’est un coup entre les dents de la reine Beauté ! elle, qui voudrait une attention quasi religieuse, pour la comprendre ! elle, qui est un trésor infini, qui a le secret de la paix des hommes ! Mais, ce premier direct va être suivi de beaucoup d’autres, car, malheureusement, les vacances peuvent se résumer à un combat de boxe, entre les estivants et le paysage !

Que dit ce dernier ? Mais : « Regarde ma majesté ! Vois la puissance du soleil ! Considère la vieillesse de mes rochers érodés ! Sens la finesse de mes plages, la délicatesse de mes vaguelettes ! Respire l’immensité du ciel, détends-toi ! Rêve devant mes algues qui ondoient ! Joue avec mes coquillages, le crabe, sans le brusquer ! Observe les changements de l’eau, comment elle s’assombrit au passage du nuage, elle se transforme en un miroir, à l’abri du vent ! Laisse libre cours à ta mélancolie, au couchant, car la vie est plus vaste que toi et elle a son mystère ! Le temps, ici, peut t’apaiser ! »

Voilà de vraies vacances, quand le paysage délasse les hommes de leur propre tourbillon, de leur avidité, de leur rancœur ! Mais comment se comporte le vacancier, une fois qu’il a posé ses valises ou sa caravane ? Voyons, il transporte la ville avec lui ! Il la reproduit partout où il met le pied ! Il n’arrive pas à s’en détacher et comme on le voit entre les magasins, il est au bord de la mer ! Il circule d’abord pour se faire voir et vlan ! un uppercut vient frapper la reine Beauté, qui se retrouve à chercher sa respiration dans les cordes ! Le paysage est secondaire ! Ce qui compte, c’est comme toujours le nombril de l’individu ! sa parade ! Même les mouettes querelleuses sont battues ! En été, elles ne sont plus que spectatrices, sidérées !

Ici, une famille Cro-Magnon attend, d’une manière hostile, qu’on quitte son territoire ! Là, un emballage plastique est jeté nonchalamment d’une camionnette ! Le cirque commence ! Des cris viennent de la plage, où des ados muent ! Il faut s’y faire… Mais plus loin, ça se corse ! Au bout du sentier côtier, on affronte un regard de haine ! De quoi s’agit-il ? Un camping car s’y est installé, avec un auvent et on sent vaguement une odeur de cuisine ! Le véhicule pourrait très bien finir par vendre des frites ou se transformer en bazar du genre « T’y trouves tout » ! Le regarde haineux du propriétaire s’explique : il est là comme chez lui et nul ne doit contester ce fait ! C’est la détente, la bonhomie des vacances ! Son altruisme rayonnant ! Mais faisons un pas de plus vers le pire…

En plein milieu du chemin, pour continuer à suivre la côte (cette merveille de la nature, rappelez-vous!), il y a deux chiens, tels des sphinx, c’est-à-dire qu’ils montent la garde et que pour passer, il ne faut surtout pas les effrayer, comme si on pénétrait un terrain privé ! Derrière, en effet, un couple joue au palet et on se demande comment ne pas compter les points, puisqu’il bloque le parcours ! Mais là encore, c’est l’ego qui veut montrer son importance, par l’occupation du sol !

On échappe malgré tout à ces gens éminemment sympathiques, qui respectent les autres, et on arrive dans une presque-île, où des femmes se promènent, exhibant leur toilette, dans l’attente d’hommages et de rencontres ! Certaines font plus, sans pudeur, et prennent des poses qui mettent en valeur leur silhouette et même leurs fesses, ce qui est plus explicite ! Par delà, la mer et le ciel, mais aussi la lande, s’agitent avec de grands signes, l’air de dire : « Mais on est là bon sang ! Regardez-nous ! » C’est peine perdue, car on se croirait plutôt en plein centre-ville, un samedi après-midi, quand la séduction règne ! La nature, pour le coup, vient de recevoir un échange gauche droite qui l’a minée ! Elle a maintenant une sale tête grise !

Pourtant, ce n’est pas le fond, la lie… et comme le couchant approche, ce moment carte postale, on voit des jeunes boire sur une éminence et ils lèvent bien haut leurs bouteilles, n’éprouvant apparemment aucune gêne ! Au contraire, quand on s’attarde un peu sur eux, ils affichent un visage dur et ils nous défient de venir leur faire la leçon, car ils seraient heureux de libérer toute leur agressivité ! Il s’ensuivrait un débat houleux, sur la liberté, l’oppression causée par la société et il faudrait entendre que le monde est pourri ! Dans le meilleur des cas, on aurait à répondre que non, en tapotant sur le dos du garçon, avec des « Allons, allons ! »

A côté, d’autres jeunes ont pris possession d’un gros rocher : ils sont là debout, guettant l’intrus ! Il ne leur manque plus que le fusil ! Mais il y en a, plus malins, qui font savoir qu’ils ont plus de privilèges, qu’ils sont plus riches, moins grossiers et ils attirent l’attention du haut de leur balcon ! Eh oui, une villa, même si elle plus en retrait, c’est quand même moins rugueux qu’un bloc de granit ! Bref, la reine Beauté est au tapis et l’arbitre commence à compter : « Un, deux, trois… huit, neuf, dix ! » Elle est KO ! L’ego est le champion ! Le seul moment où il pourrait en apprendre sur lui-même, d’une manière intelligente, en admirant plus grand que lui, se révèle un échec ! L’ego garde sa ceinture de la bêtise !

 

 

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Nous sommes les egos ! Go, go ! Nous allons au boulot ! Go, go ! Faut bien vivre ! Faut bien suivre ! sur cette planète perdue dans l’espace ! Que nulle tête ne dépasse ! Nous sommes les egos ! Go, go ! Nous allons au boulot ! Go, go !

Nous sommes des titans ! Nous défions le temps ! Nous avons la politique, comme un chien a des tiques ! Le gouvernement nous ment, c’est dément, alarmant ! Nous crions pour rester debout ! pour pas mettre les bouts ! Nous vociférons, car le diable, c’est Macron !

Nous sommes les egos ! Go, go ! Nous allons au boulot ! Go, go ! Ce sont les vacances ! Quelle chance ! Car nous avons plein de problèmes, en dehors des matins blêmes ! Nous luttons pour l’eau, en disant : « Allo ! Allo ! » Au royaume des Francs, tout est incohérent ! Pour la liberté, il faut le pouvoir à l’échafaud !

Nous sommes les egos ! Go ! Go ! Nous allons au boulot ! Go ! go ! Milliards de nombrils, toujours sur le gril ! Nuée de sauterelles, sans cervelle ! Dévorons, grognons, haïssons ! Nul nous f’ra la leçon ! Le respect, la patience, la paix, le silence ? La beauté, l’humilité, la confiance ? L’amour de l’enfant ? Graoumf, de tout effort on s’défend !

Nous sommes les egos ! Go, go ! Nous allons au boulot ! Go ! Go ! Nous piétinons, en criant : »Non ! Non ! » Nous voulons la justice, mais nos dols sont factices ! Et l’œil d’or du pigeon ? Et la toile d’araignée qui brille ? Mais c’est que nous rageons ! On nous prend pour des billes ! Quoi ? Le roi et la reine, c’est nous ! Le reste à genoux !

Nous sommes les egos ! Go ! Go ! Nous allons au boulot ! Go ! Go ! Au pays de tops ! Au pays des taupes ! Nous aimons not’ porcherie et nos groins derniers cris ! Tu bavasses, il bavasse…, vous bavassez, ils bavassent ! A la chaîne les thèmes ! Tapons sur le système ! Et la fleur et le ruisseau ? Non, mais tu nous vois comme des sots ! C’est ça l’injure suprême ! C’est nous de l’Univers la crème !

Nous sommes les egos ! Go, go ! Nous allons au boulot ! Go ! Go ! Acheter ! Acheter ! Magasins zinzins ! Broute route ! Broute route ! Béton égale tétons ! Sexe au complexe ! Agent argent ! Rien ne vaut notre orgueil ! C’est pour ça qu’on gueule ! Et l’autre ? Quel autre ? Avec l’abîme en prime ! On est ne prison et on voit pas la raison ! Jamais contents, sale temps !

Nous sommes les abrutis, avec nos appétits ! Et les nuages ? Plutôt le carnage ! Et notre gravité, not’ sérieux ? C’est vieux et l’amour-propre irrité ! Nul don ! Nul sacrifice ! Nul renoncement ! Nul amour ! (C’est pour les anoures!) Nulle grandeur ! Nul pardon ! Dans not’ boîte à chaussures ! Mais la haine, le bruit, l’avidité, l’égoïsme, ça c’est sûr ! La sournoiserie, le mépris, ça c’est mûr ! Seule la mort nous délivre ! Seule la mort nous fait moins pitres !

Nous sommes les egos ! Go ! go ! Nous allons au boulot ! Go ! go ! Et nous voilà bien à plaindre, avec nos maladies ! Et nous voilà bien à plaindre avec nos non-dits ! Parkinson, Alzheimer, cancer, schizophrénie ! Que de souffrance qu’on nie ! Car toujours le culte de soi, la haine courent derrière, comme sous la soie ! Et nous voilà bien à plaindre avec nos mensonges et nos pauvres songes ! Et nous voilà dans la nuit, maudissant notre ennui ! Mais rien ne vaut l’orgueil et c’est pour ça qu’on gueule !

Nous sommes les egos ! Go ! go ! Nous allons au boulot ! Go ! go ! Et le chant de la pluie ? Et l’épi mûr ? Et la rosée dans l’herbe ? Et le vent et le silence ? Et l’oubli ? Et l’espoir ? Et la pierre qui craque au soleil ? Et la mer glauque et froide ? Mais nous disons : « Rien ne va plus ! Faites vos jeux ! » C’est la prison du je ! Rengaine du nombril, jamais rassasié ! Malheur de l’ego sans pitié ! Fatigue, esclavage, maladie, c’est notre joug ! Où est l’enfant qui joue ? Où est l’innocence ? Pas dans nos ersatz de sens ! Perdus, nous réclamons notre dû !

Nous sommes les egos ! des héros et des zéros ! Go ! go ! Nous ne cherchons pas ! Nous avons peur… à chaque pas ! du ridicule surtout ! Et nous voilà bien à plaindre avec toute notre violence, nos meurtres, nos viols, notre destruction, notre folie ! Ah ! Mais changer, ça non ! C’est pas moi, c’est lui ! Ah ! Mais changer, ça non ! Ouvrir son cœur, devenir une fleur ! Être doux avec les fous ! Rire de sa haine, aimer même le méchant ! Être grand, être immense dans le chant ! Ne pas gagner, ni triompher, mais aimer encore et encore ! Voilà l’aventure, loin des durs ! Voilà le chant immense ! Voilà que tout commence !

Mais nous sommes les égos ! Go ! go ! Nous allons au boulot ! Go ! go ! Rien ne vaut notre orgueil et c’est notre deuil !

 

 

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A est un ego de première classe ! C’est un décideur, un notable ! Il n’est pas riche cependant et n’est même pas issu de la bourgeoisie ! Il s’est élevé quasiment seul, a fondé une famille et s’est engagé politiquement ! Il a un idéal en ce qui concerne la société, la justice, la droiture ! Il a une vision qu’il veut faire partager, ce qui passe par rendre service à l’autre, pas seulement personnellement, mais encore en aménageant la cité !

A se voit donc comme quelqu’un de responsable et d’utile, même s’il a une étiquette politique, ce qui lui suscite bien entendu des adversaires ! D’ailleurs, d’un point de vue catholique, A est en accord avec l’Évangile, puisqu’il est de droite (loin des rouges athées!), père de famille, qu’il va à la messe et essaie de faire le bien !

Aussi est-ce ce portrait « flatteur » que A présente dans la presse, où il est apparaît tel un bienfaiteur modeste, mais déterminé et qui ma foi a conservé des goûts simples, en rapport avec son origine paysanne ! Pour résumer, on a donc un homme d’abord préoccupé par le bonheur de ses enfants, par conséquent dépourvu d’ambitions, et qui se soucie plus de ses concitoyens que de lui-même ; ses détracteurs étant caractérisés par leur manque de rigueur budgétaire et leur amour du désordre !

En France, la scission, la fracture entre la droite héritière de la noblesse et du clergé et la gauche née de la révolte du peuple, sans oublier la violence des sans-culottes, semble irrémédiable ! Et pourtant nous provenons tous du même moule, à savoir du règne animal, ce qui veut dire que notre comportement tend toujours à la domination, quels que soient notre couleur politique ou notre sexe ! Se croire sans égoïsme, seulement altruiste, au service de la justice, vient d’une hypocrisie foncière ou d’une cécité produite justement par le bouillonnement des appétits ; l’ego de droite maîtrisant mieux sa fureur !

Cependant, la société vit sans doute grâce à son vernis et son fonctionnement doit être huilé ! S’il fallait à chaque fois, pour n’importe quelle démarche, en venir au fond, toucher à des vérités qui gênent, on n’en sortirait pas et ce serait même par trop épuisant ! Nous nous contentons donc d’obtenir des résultats et laissons ce qui fâche à l’intérieur de nous-mêmes, mais ainsi le malentendu demeure, le malaise aussi jusqu’à la prochaine crise ! Par exemple, la foi reste inacceptable pour la gauche, tant que des gens comme A, somme toute dans l’aisance, en témoignent ! Pour se réconcilier le pauvre, le croyant doit lui-même être pauvre, ce qui veut dire surtout qu’il est rejeté et méprisé, comme Jésus l’a été par le clergé de son temps !

A ne peut donc pas réparer la fracture entre la droite et la gauche, latente dans notre société ! Au contraire, il l’entretient par son mépris à l’égard du camp adverse, qu’il voit comme irresponsable, sale, braillard, etc. ! De même, A ne comprend pas pourquoi il devrait respecter la nature, car il voit la beauté comme accessoire et en effet, celle-ci ne sert pas ses ambitions et même paraît les ralentir ! A côtoie la beauté seulement le dimanche, quand il se promène en famille, et après avoir dit : « C’est beau ! » et respiré un bon coup, il revient rapidement à ses projets, c’est-à-dire à l’extension de sa ville, ce qui entraîne toujours plus de routes et de béton !

La gauche ne fait pas mieux de ce côté, bien qu’elle lutte contre l’inaction climatique du gouvernement ! Mais elle voit toujours la nature sous l’angle de son exploitation et pour elle il faut une transition écologique, surtout parce que celle-ci dérange les gros pollueurs, les riches ! C’est encore une manière d’attaquer le pouvoir, afin de l’obtenir, car pas plus que l’homme de droite, l’homme de gauche est capable d’admirer la nature et donc de calmer son égoïsme ! L’illusion, donnée par la haine, est de se persuader que seul le capitaliste est coupable, comme si soi-même on était né dans un chou, échappant à la domination animale ! Pour sauver la planète, il ne suffit pas de diminuer le taux de CO2 ! Il faut encore la regarder autrement, l’aimer dans le sens où la beauté nous apporte la paix, ce qui nous conduit à nous affranchir de notre ego !

Toujours est-il que, partout où il se trouve, A cherche à être le centre d’intérêt : il a réussi et il connaît les arcanes du pouvoir ! Il fait partie de l’élite ou peu s’en faut, et il tient à ce qu’on le sache ! Il n’est pas rare que A s’efforce de captiver son auditoire par de bons mots ou des anecdotes ! Ainsi A ne sépare aucunement son travail de la satisfaction de son orgueil et il serait bien étonné, si on essayait de le faire ! Pour lui, la réussite sociale est parfaitement naturelle et c’est aussi le point de vue de l’Église, qui voit A comme un gardien de sa morale ! Mais l’Évangile nous enseigne bien autre chose, notamment que la foi est une histoire d’amour, de confiance et que celle-ci tend donc à diminuer notre haine ! Or, cela n’est possible que si nous abandonnons notre orgueil ! S’en nourrir ne peut que mener au déchaînement, quand il est contrarié ! On parle alors d’insulte, de scandale et on rêve de vengeance !

Ce même comportement se retrouve chez la gauche, qui semble toujours à cran ! Cela vient de son sentiment qu’elle n’a jamais le pouvoir et qu’elle est exploitée ! Même quand elle gouverne, elle se dit victime d’une puissance supérieure, comme la finance internationale ! Cette rage, contre des forces obscures, s’explique par la soif de tout contrôler et par la peur de ne pouvoir y parvenir ! Mais, alors que A bénéficie de la caution de la religion, la gauche utilise celle du pauvre : ce n’est pas pour elle qu’elle combat, mais pour les plus démunis, les plus faibles ! A ce compte-là, il lui est également impossible de distinguer son orgueil de sa lutte politique et donc d’en prendre la mesure ! Ainsi, ni la gauche ni la droite ne peuvent sauver la planète ! Car, rappelons-le, c’est la beauté qui nous ouvrira le futur, à condition que notre ego reste sur le bord de la route !

 

 

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Comment regarder la nature ? Jésus dès le début dit : « Vous voyez ce lys ? Eh bien, moi, je vous dis que Salomon dans toute sa gloire n’a jamais eu un tel éclat ! » Puis, Jésus rajoute aussitôt : « Aussi je vous dis : ne vous tourmentez pas pour votre nourriture ou votre habillement ! Car votre père qui est là-haut sait de quoi vous avez besoin ! Mais préoccupez-vous plutôt de votre esprit et de votre amour pour Dieu ! »

Jésus établit une relation logique entre la beauté de la nature, qui est sans égale, et la foi ! En effet, la beauté nous enseigne que Dieu nous aime à l’infini et que sa générosité est sans bornes, puisque dans une simple fleur, que nul n’a fait pousser et qu’on peut trouver par milliers, il y a plus de splendeur que l’homme sera capable d’imaginer ! La beauté de la nature constitue une preuve, une base, à laquelle d’ailleurs revient souvent Jésus pour se détendre, se ressourcer !

Certes, la nature est matérielle, les plantes et les animaux s’y livrent une lutte sans merci et nous sommes bien obligés de l’exploiter, pour survivre, mais plus nous l’admirons et plus nous pouvons avoir une idée de Dieu et l’aimer ! La beauté de la nature devrait nous tranquilliser, car que nous sommes chez nous est son message ! Heureux celui qui s’émerveille devant la nature et on comprend quelle tragédie apparaît quand nous sommes coupés d’elle et de son réconfort !

C’est pourtant ce désastre (le mot n’est pas trop fort!) que nous subissons aujourd’hui, notamment avec le réchauffement climatique, qui nous rend la nature hostile, tout en menaçant notre avenir ! C’est là le résultat d’une longue usure, d’un piétinement inexorable dû à l’ego ! Ce n’est pas le fait d’une population mondiale toujours plus grande et qui a donc des besoins toujours plus nombreux ! Le principal responsable est notre égoïsme !

Mais encore faut-il le distinguer ! Revenons cependant un peu en arrière… L’évolution est fondamentalement une individualisation, puisque les organismes y deviennent de plus en plus complexes, et cela veut dire, pour nous les hommes, que nous cherchons naturellement à nous développer et à conquérir notre liberté ! Ainsi nous prenons conscience de notre personnalité, ce qui nous conduit à combattre toute entrave, même si nous acceptons les lois qui nous permettent de vivre ensemble ! C’est ce qui fait notre humanisme, le respect de soi et des autres !

Nous nous opposons donc tôt ou tard à tous ceux qui nous disent comment penser et la religion a vu ses dogmes contestés et son influence quasiment réduite à néant ! Ce qui nous a éclairés et soutenus dans cette quête, c’est la raison, l’objectivité et par conséquent les progrès de la science ! Comme la beauté est considérée comme subjective, elle échappe au champ de la science, qui la range tel un ornement, une chose secondaire, un plaisir annexe ! Pire, le freudisme notamment soutient que l’artiste, en s’attachant à la beauté, ne le fait que par impuissance, pour y rechercher un substitut à sa pulsion sexuelle ! L’attrait pour la beauté serait alors maladif, produit par la névrose !

Tout ce travail de sape, qui était apparemment nécessaire, nous a séparés de la beauté de la nature et a rendu muet son message, à savoir que nous sommes aimés et que nous pouvons en être en paix ! Nous voilà des êtres inquiets, tourmentés, hagards, sans but et de plus en plus violents et désespérés ! Ceux qui se font encore les chantres de la raison sont aveugles et naïfs, d’autant que nos origines se perdent dans le vague ! Notre seule bouée de sauvetage, c’est notre égoïsme ou notre ego ! C’est faire tourner le monde autour de nous, comme s’il était nôtre ! Ainsi s’expliquent tous les replis sur soi et tous les acharnements, même intellectuels ! Ainsi l’anonymat devient odieux et provoque la haine ! Ainsi l’échec est intolérable et l’orgueil notre dieu !

Pour nous rassurer, nous nous regroupons dans les villes et dévorons la campagne ! Il nous faut la puissance et nous saccageons notre planète ! Nous l’exploitons outre-mesure, pour ne pas en perdre une miette ! C’est que notre ego est insatiable ! Pensez donc : il nous faut la plus grosse voiture, la maison la plus grande, la meilleure position sociale, etc. ! Notre salut est notre réussite, notre supériorité ! Cela donne une foire d’empoigne de plus en plus dure ! Nous sommes incapables de renoncer et d’en sourire ! Nous voilà comptables haineux, à des années-lumière de la beauté et nous n’en finissons pas de rouler la nature, comme un vieux tapis qui gêne !

Nous avons perdu la clé de notre innocence, de notre légèreté, de notre confiance, alors que nous pouvons la retrouver dans l’émerveillement et l’humilité ! L’enfant qui est en nous ne demande qu’à croire, qu’à aimer et il voudrait s’enchanter, mais notre triste ego est son bourreau !

 

 

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L’ego et la lumière discutent… L’ego est très agité : « Je ne sais pas comment tu peux rester aussi calme ! dit-il.

_ Bof ! répond la lumière, qui coupe ses ongles.

_ Comment ça, bof ? Mais… mais tu te rends pas du tout compte de ce qui se passe !

_ Qu’est-ce qui s’ passe ?

_ Mais c’est pas vrai ! C’est pas vrai ! La… la canicule ! Et si on commençait par ça !

_ T’as raison, ça c’est dur ! Mais que veux-tu qu’on y fasse ? Va falloir s’adapter, comme on dit...

_ Mais… mais il faut lutter contre l’inaction climatique, attaquer les gros pollueurs ! Faut qu’ ça bouge, qu’ ça change ! Ça peut pas continuer comme ça ! On étouffe, on manque d’eau !

_ Qu’est-ce que tu vas faire ? Monter à Paris pour brûler des palettes et casser des magasins ? Tu f’rais mieux de t’assurer que tu tries bien toi-même tes déchets, que t’as bien compris à quoi sert le vrac et que tu l’utilises au mieux ! Puis, y a sûrement des ruisseaux à débroussailler dans l’ coin ! Si tu les éclaircis, tu favorises la vie ! Un point pour toi ! Évidemment, t’auras le front en sueur, c’est du taf !

_ Mais de quoi tu parles ? Moi, je pense aux grosses cheminées ! T’en as déjà vues, j’ suppose ! Hein, celles qui fument à grosses volutes sans s’arrêter ! Et les exploiteurs, les requins de toutes sortes ! Ceux qui accaparent l’eau, qui détruisent les sols, pour le gaz de schiste notamment ! Hein, t’es quand même au courant, dans ta bulle ! Y a quand même du courrier qui arrive à ton château du bois dormant ! Ce sont ces méchants, ces chevaliers noirs, si ça peut t’aider, qu’il faut combattre ! Le dragon du mal est toujours au fond de la grotte !

_ Méfie-toi, t’es au bord de l’apoplexie ! J’ voudrais bien croire à ta sincérité, mais j’ peux pas ! D’abord qui vas-tu rendre responsable, contre qui vas-tu crier ? Le gouvernement, j’ me trompe ? Comme s’il était au service des pollueurs, comme si c’était aussi simple, comme si lui-même n’avait pas intérêt à sauver sa propre peau, comme si nous n’étions pas tous embarqués ? Mais la haine t’aveugle ! Et tu sais d’où vient cette haine ? Du sentiment qu’on te manipule, qu’on te méprise ! C’est ton ego qui souffre ! Mets-le en veilleuse et j’ te dirai bienvenu dans le monde réel !

_ Ça y est, encore un sermon !

_ Sais-tu que certains, pour ne pas dire beaucoup, polluent juste par haine ! Ils lâchent dans la nature leur canette ou déversent des immondices, dans un endroit paradisiaque, rien que pour montrer combien ils méprisent le monde qui les entoure ! Parce que, tiens-toi bien, ils estiment qu’on ne s’occupe pas assez d’eux ! Ils sont en colère contre le système, car ils ont l’impression d’être lésés, tout comme toi !

_ Et l’injustice ? Elle existe bien l’injustice ! C’est elle qui m’ révolte !

_ Comment peux-tu espérer être juste, avec un cœur plein de haine ?

_ Mais je t’emmerde, la lumière ! J’ t’emmerde ! T’as pas vu la rentrée ? Mon Dieu, mon Dieu !

_ C’est si grave que ça ?

_ Revoilà Bambi ! Attends, j’ t’énumère ! Les écoles brûlées ! L’INFlation ! La Récesssion ! Le PIB plus bas que la dette ! Les acquis sociaux en berne ! Toujours le président des riches ! Les promesses sur la baisse des impôts, tu r’passeras, mon bonhomme ! Crois-moi, la coupe est pleine ! On est assis sur une bombe, la lumière, sur une bombe ! C’est un scoop ! Prépare-toi !

_ Bof !

_ Bof ? Comment ça, bof ? Ça te suffit pas ? Y a urgence à Malibu, man ! Pin pon ! Pin pon ! Faut sortir du coma ! On est arrivé à l’hôpital !

_ Et si tu commençais par admirer un peu le ciel ! Il était superbe tout à l’heure ! Et puis tu regarderas les oiseaux ! Non, parce que, quand tu vocifères, eux, ils volent ! On est lourd et comme ils sont légers !

_ C’est tout ce que tu trouves à dire ? On est devant un mur et tu déclames un poème ! Moi, je sais où est mon devoir ! Où est-ce que j’ai mis ma 22… ?

_ Ils doivent reprendre une année et ne voient aucune espérance ! Seulement des problèmes ! Et la porte du futur leur est fermée, par le réchauffement ! D’où angoisse ! D’où colère ! S’ils donnaient un véritable sens à leur vie, ils riraient !

_ Mais de qui tu parles ?

_ De toi… et de tout le monde ! Si vous aviez une source d’eau fraîche dans votre esprit, vous resteriez calmes et dispos !

_ J’ suis d’accord ! Faut pas oublier de penser à soi ! « Cultiver son jardin ! », comme disait Volmaître !

_ Donner un sens à la vie, ce n’est pas penser à soi… Mais bon, j’ vais pas encore m’ fatiguer !

_ Non, surtout pas ! Les autres se crèvent pour toi, c’est largement suffisant !

_ Relax ! J’ t’ai déjà dit que tu t’ fais du mal ! Respire ! »

 

 

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« Qu’est-ce que c’est qu’ ça ? demande la lumière à l’ego.

_ C’est la machine à avoir raison ! » répond fièrement l’ego.

La lumière hoche la tête et regarde la machine impressionnante… Elle fume, a de très grandes cuves, avec plein de compteurs, et elle s’étend profondément par un dédale de tuyaux ! « Et ça marche ? questionne la lumière.

_ Un peu qu’ ça marche ! réplique interloqué l’ego. Tu veux une démonstration ?

_ Du moment que tu ne tues personne…

_ La confiance règne, à c’ que j’ vois ! Eh toi, là-bas, viens par ici !

_ Moi ? fait un autre ego, légèrement inquiet.

_ Oui, toi ! Entre dans la machine !

_ Mais…

_ Mais quoi ? Tu crois pas au progrès ? Cette machine peut te donner la gloire, mais tu préfères peut-être l’égout haineux du Web, comme un sale rat ?

_ Non, non, bien entendu…

_ Te voilà sur le seuil de la renommée, tu vas faire partie de ceux qui comptent, de ceux qu’on s’arrache, qu’on écoute et qui nous le rendent bien, puisqu’ils ont la bonté de nous montrer leurs fesses ! Et toi, misérable vermisseau, fantôme de l’anonymat, tu hésites, tu doutes, tu fais le difficile, l’enfant gâté !

_ Ce n’est pas ça… Je ne me crois pas digne d’un tel honneur, voilà !

_ Tu es bien un zéro ?

_ Euh… oui !

_ Alors la machine est exactement pour toi ! Elle prend les zéros et les transforme en étoile !

_ Eh ! Eh ! C’est une brave machine, ça se voit !

_ Mais qu’est-ce que tu racontes ? C’est une machine efficace, pensé jusqu’au dernier boulon ! C’est de la logique pure ! Titane garanti à vie… et que tu vas sans doute salir avec tes chaussures ! Allez, on a assez rigolé ! Tu entres… ou tu passes au service compta ! »

L’ego vaincu hausse les épaules et pénètre dans une ouverture prévue… « On sourit ! On est en marche vers l’avenir, grâce à la science ! lui jette l’ego à l’origine de la machine. Attention, c’est parti ! »

L’ego abaisse une manette et le « cobaye » disparaît… Un bruit infernal s’installe… « Le type là, crie l’ego à la lumière, pour se faire entendre, il va avoir une bonne idée, donnée par la machine ! Il en aura le sentiment, à cause de la dopamine ! » L’ego mime l’ivresse ou le plaisir, en fermant à demi les yeux et en balançant la tête ! « Puis, c’est le besoin irrépressible de la communiquer ! Au nom de la fierté ! » explique encore l’ego, qui maintenant à l’air d’un chien enthousiaste, tirant la langue. Aucun obstacle ne devrait pouvoir bloquer not’ gars ! Il faut qu’il dise sa pensée, qu’il ait raison ! Ah ! Ah ! »

La machine semble s’emballer… Les tuyaux vibrent, les aiguilles sont dans le rouge ! Ça siffle, ça hurle ! « Dingue, non ? fait l’ego. Pleine puissance, juste par orgueil ! Au niveau trois, y a des silhouettes d’enfants, qui s’opposent à la progression du sujet ! C’est pour mieux l’exciter ! Elles sont balayées, dis donc ! Elles tombent en poudre derrière la machine, ah ! ah ! »

« Y a pas d’ frein ? crie à son tour la lumière. J’ veux dire, c’est pas dangereux ? Tout de même, on voit bien qu’ y a d’ l’effort ! »

L’ego ne répond pas tout de suite, mais il serre un boulon ici et là ! Il prépare sa réplique ! « A quoi bon un frein ? fait-il enfin. Le type a une bonne idée ! Il sait qu’elle est vraie, qu’elle prouve son intelligence ! Pourquoi il se tairait, il resterait dans l’ombre ? Qu’est-ce qu’il y a dans le silence et la solitude, sinon le désespoir et la mort ? »

La lumière hausse les sourcils, impressionnée ! « Peut-on convaincre tout le monde ? objecte-t-elle cependant . Et puis, ça fatigue de vouloir s’imposer ! Il faut sans cesse développer ses arguments !

_ Eh ! Faut bosser, ma grande ! On viendra pas t’ chercher de toute façon ! »

La machine se calme un peu et finit apparemment son cycle ! Des voyants verts s’allument… Une immense masse ralentit dans un cylindre et l’image d’un dragon reprenant son souffle vient à l’esprit de la lumière… La porte de sortie s’ouvre et un petit vieillard s’en extrait ! Il est tout perclus, avec une peau parcheminée et se révèle amer : « Chienne de vie ! s’exclame-t-il d’une voix grinçante. J’ savais bien qu’y avait une arnaque ! Non, mais regardez ce que j’ suis devenu !

_ Bah ! fait l’autre ego. Après quelques réglages, ce s’ra parfait !

_ Espèce de salopard !

_ Ouh ! J’ai peur d’ l’ancêtre ! Ouh ! Ah ! Ah ! »

 

 

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L’ego monte sur l’estrade, pour faire un discours… Il a beau être âgé, il a l’air jeune… A la vérité, il soigne son image, il est très fier de lui ! Au fond, il adore parler, être le point de mire ! Il a toujours été l’alpha et l’oméga de lui-même ! C’est un monde clos, mais plein de bouillonnements, de fureur ! L’égoïsme y est sous pression et fulmine !

Il a pour lui tous les déçus du système, les laissés-pour-compte, qui voient en sa personne le coin enfoncé dans l’élite, capable d’ouvrir ce monde qui les méprise, à cause de leur vulgarité ! Il est le symbole de leur revanche : on les prend peut-être pour des cochons, ils n’en dévasteront pas moins les salons dorés !

Les egos impatients sont prêts à écouter leur maître, qui embrasse d’un regard mauvais la salle, comme si on venait de lui faire injure ! Son dédain n’a d’égal que celui qu’il fustige ! Nous créons nos propres monstres ! Puis, la voix martèle, le bras s’agite, la leçon commence, avec toujours en arrière-fond la menace ! On est suspendu à ses lèvres, ainsi qu’on contemple l’orage !

« Les capitalistes ! dit-il. Les capitalistes sont partout ! On ne les voit pas… et pourtant ils dirigent ! Ils ont l’argent et… le gouvernement leur obéit ! Ils sont sournois… et à force d’avoir le nez dans les chiffres, ils l’ont proéminent ! Dans l’ombre, ils se frottent les mains, car l’usure leur rapporte ! Ils aiment tellement le profit qu’ils ont l’air de vermines !

Ce sont eux qui ruinent le pays ! qui l’accapare, qui l’amollissent même par leur veulerie ! Ils nous sucent le sang, pareils à des puces géantes ! Ils fument le cigare, en se moquant du travailleur ! Ils nous manipulent, comme si nous étions des marionnettes ! Ils se gorgent quand nous nous privons ! Ce sont eux qui ont véritablement le pouvoir ! Ce n’est pas la démocratie, ce n’est pas le peuple ! On se joue de nous, on nous exploite, on fait de nous des esclaves ! »

A cet instant, l’orateur dresse la tête, projetant un éclair bleu venant de ses lunettes ! Son visage devient encore plus terrible ! « Nous n’allons pas nous laisser faire ! reprend-il. Nous détruirons ce poison ! Nous mettrons au pas les coupables ! Nous rendrons au peuple toute sa grandeur ! Seul lui doit être souverain ! Nous frapperons sans pitié ! Nous serons les plus forts ! »

Le tribun respire, a comme un geste d’apaisement… Son verbe devient plus rond, il évoque, il est maintenant prophète : « Je vois, dit-il, un avenir radieux, un avenir possible ! où le travailleur, débarrassé du profiteur, pourra diminuer le réchauffement climatique ! où l’air sera pur ! où la famille prospérera en sécurité ! où la race exploitante aura disparu, où le capitaliste aura été anéanti ! où la richesse sera partagée ! où la justice sociale régnera !

Mais pour cela, il faut que les rois de l’économie tombent ! Or, nous avons beaucoup d’ennemis ! Le luxe, la décadence, l’avidité nous assiègent ! La finance internationale veut notre perte ! Il y a des alliances, des collusions, des jalousies qui ne demandent qu’à nous aplatir ! Nous dérangeons l’ordre mondial, nous dérangeons ces messieurs !

Ils seraient heureux de nous pervertir, de nous diviser ! C’est pourquoi nous ne tolérerons aucune faiblesse ! Ils veulent la jungle… Eh bien, faisons-nous chasseurs ! Ils font preuve de mépris… Ma foi, écrasons-les ! Le droit est à ce prix ! Rendons-leur la monnaie de leur pièce ! Tant qu’ils seront au pouvoir, à nous les larmes et les coups de bâtons !

La révolte, je la sens en vous ! Elle y bouillonne ! La colère du peuple, c’est la flamme de la justice ! Celle qui purifie ! A nous la victoire, à nous l’avenir ! »

L’auditoire est transporté, galvanisé ! Son ardeur monte en un gigantesque faisceau, que recueille le chef ! Il en est ivre lui-même, bien qu’il reste fermé ! La machine est en route et cela suffit ! Inutile de dépenser son énergie, par des simagrées ! La bombe est amorcée ! L’ego est dans l’œuf et bientôt son corps hideux sortira ! La fureur embrasera le pays, ignorant la lumière !

 

 

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Comment rester jeune et beau ? Voilà une question qui ronge l’humanité depuis bien longtemps ! La réponse est pourtant simple, car ce n’est pas la vieillesse qui enlaidit, mais elle ne fait que laisser apparaître les secrets du cœur ! Ce qui nous donne des grimaces, des rides, qui nous vide ou nous empâte, qui nous déforme et nous rend repoussants, c’est la haine ! N’allez pas chercher plus loin ! La triste haine, par sa violence, vient imprimer sa marque sur notre visage et son masque est caractéristique ! Tous les serrements intérieurs, toute notre âpreté, notre rage, notre dégoût, notre mépris viennent à la surface, créant un infâme gribouillis et tous nos produits de beauté et nos artifices, comme les lunettes bleutées, et tout le travail du bistouri n’y peuvent rien ! S’il faut lutter contre nos sentiments, ce sera par d’autres sentiments !

Comment alors éviter la haine ? Mais là encore la réponse est simple, puisqu’il suffit de la repousser dès qu’elle surgit ! Quand apparaît-elle ? Mais à chaque fois que l’ego est dérangé, contrarié ! Donnons un exemple simple… Nous voilà contents de parler à un commerçant… C’est l’occasion pour nous d’échanger, de se soulager, d’exprimer des points de vue et notre ego en est satisfait, car il retrouve sa valeur et peut à l’occasion de nouveau briller ! Mais un autre client arrive et le charme est rompu ! Nous ne sommes plus aussi libres, surtout si le nouvel arrivant fait pression pour qu’on s’occupe de lui ! Nous le regardons alors avec haine et notre laideur apparaît ! Nous voudrions détruire celui ou celle qui a osé nous priver de notre plaisir !

Évidemment, plus notre ego est habitué à se satisfaire et plus sa réaction est vive, violente ! Il lui faut un entraînement et un entraînement régulier, pour que sa haine meure avant même de naître et même qu’elle soit transformée en un sourire, comme si nous jugions l’épreuve profitable ! Et c’est bien ce qu’elle est, car elle nous permet de mesurer combien nous maîtrisons notre ego et comment nous étions affreux par le passé, en regardant la haine de ceux qui sont contrariés ! « Il faut toujours être prêt à être déçu ! » pourrait-on dire ! Mais ce n’est pas une formule pessimiste ou désabusée, car elle révèle plutôt notre richesse ! Celui qui tient son ego en laisse est un homme heureux ! C’est la haine qui rend triste et donc l’ego ! La colère est causée par la révolte de l’animal qui est en nous ! L’amertume vient de l’appétit frustré ! Ce sont ces sentiments violents qui nous enlaidissent et comment par conséquent ne pas vouloir s’en débarrasser ?

Une idée fausse : le refoulement, la tempérance, la retenue, voire l’effacement entraînent un vieillissement précoce ! Au contraire, l’extraversion, l’affirmation de soi, la « juste » colère, le coup sur la table, le ton haut et catégorique sont des signes de force et de jeunesse ! L’activité montrerait l’implication, la responsabilité, le pouvoir ! Ce sont là des vérités pour le théâtre et qui ne trompent que ceux qui veulent être trompés ! L’orgueil déploie ses arguments, afin de ne rien perdre ! Mais comment peut-on croire en son pouvoir, quand on est esclave de sa colère ou de son impatience ? Comment être fier de sa liberté, alors que la haine joue avec notre visage ?

Ah ! Mais il faudrait mettre les mains dans le cambouis, pour changer les choses ! Ah ! Mais il serait nécessaire d’avoir les mains sales, pour être un acteur de son temps ! Et tant pis alors pour les coups de dents, les coups de pieds donnés ici et là ! Tant pis pour les victimes collatérales ! On ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs, etc. ! Comme si la haine qui déchire et qui veut détruire était à même de réparer, de « rapiécer » le tissu social, de concourir à l’unité, à la compréhension, à la paix et au bien-être ! Au vrai, disons plutôt que l’ego fera tout pour ne pas se remettre en question, tellement il aime dominer !

Quel est celui qui est vraiment utile ? C’est le combattant de l’ombre, le résistant ! En effet, il faut bien comprendre que la pente, la « marée noire », l’invasion, c’est évidemment l’instinct, le plus facile, c’est la domination animale et donc l’ego ! C’est lui qui trône dans notre pays, comme les Allemands en un autre temps, mais par conséquent ceux qui se décident à lutter contre leur propre égo entrent en résistance, deviennent des maquisards, des partisans ! Ils ne collaborent pas et pourtant ce sont eux qui apportent la libération ! Les Laval, les Pétain, ce sont les Mélenchon ou les Le Pen ! Vichy aujourd’hui, c’est les extrêmes ! La comparaison n’est peut-être pas heureuse, mais il n’en demeure pas moins que tous ceux qui font preuve de haine sont incapables de libérer les autres !

Le résistant est maître de son ego ! C’est la lumière qui règne en lui et elle est le fruit d’un effort quotidien ! C’est un travail apparemment sans gloire, sans trompettes ! C’est un travail d’amour, qui demande de l’abnégation et qui se plaît à en faire preuve ! Celui ou celle qui aiment ne veulent pas décevoir, n’est-pas ? Ce n’est pas un travail triste et qui attendrait sa récompense dans un au-delà ! C’est un travail qui reçoit chaque jour son salaire ! C’est la joie paisible qui le paye, à mesure que toute la laideur de l’ego lui devient visible !

 

 

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« Halte là !

_ Quoi ? Qu’est-ce qui s’ passe ?

_ Y a grève ! répondent les egos en rouge et jaune. On ne passe pas !

_ Ah bon ? Et pourquoi vous faites grève ? demande la lumière.

_ Mais nos salaires sont trop bas ! On nous exploite, on nous méprise ! »

La lumière contemple les gros bras en rouge et jaune… Ils n’ont pas l’air en effet de plaisanter!Le patronat est bien courageux de s’attaquer à eux ! Une gifle et le chef d’entreprise passerait par la fenêtre ! Ça doit quand même manger beaucoup des gars comme ça ! C’est des besoins ! Mais bon, ils ont l’air de s’ennuyer ! La joie n’est pas peinte sur leur visage ! Évidemment, maintenant, ils trouvent dans leur engagement un intérêt supérieur à leur travail ordinaire, c’est plus grisant que la routine, mais on sent toutefois qu’ils piétinent encore, qu’ils se durcissent, comme si leur carcasse était vide et qu’elle risquait de s’envoler !

« Vous n’en avez pas marre d’être malheureux, les gars ? fait la lumière, créant la stupeur.

_ Quoi ? Qu’est-ce… qu’est-ce que vous dites ?

_ Mais oui, vous êtes là à faire du surplace ! On dirait des éléphants ! Vous n’avez pas envie de vivre, d’être joyeux, enthousiaste, aussi légers que des enfants !

_ Mais qu’est-ce que tu racontes ? Nous, on lutte pour nos droits, c’est sérieux !

_ Mais j’entends bien ! Vous voulez du respect, n’est-ce pas ? Alors pourquoi vous ne partez pas en guerre contre le mépris, où qu’il soit ?

_ Mais c’est bien ce que nous faisons… Nous demandons justice !

_ Tsss, tsss ! Le mépris est partout, même dans vos cœurs ! Pourquoi ne le traquez-vous pas à la boulangerie, à la banque, dès qu’il apparaît sur les lèvres ou qu’il se lit dans les yeux ! Devenez de véritables combattants de la liberté et de la justice ? Ne restez pas à vous dandiner, tels des assoiffés ! Laisser jaillir la vie qui est en vous !

_ Oh là ! Oh là ! Qui es-tu pour parler comme ça ? Une sorte d’Hare krishna ?

_ Que nenni ! J’essaie seulement de vous rendre crédibles et heureux ! Haut les cœurs !

_ Écoute, nous on n’a pas fait HEC ! On est des exécutants, des militants ! Le mieux, c’est que tu parles à la sainte !

_ A la sainte ?

_ Oui, c’est not’ patronne à tous ! Sainte Dicaliste ! »

La lumière est entraînée vers une tente, à travers des fumées de saucisses et une ambiance bon enfant ! Sous la tente on parle à la sainte, assise devant des plans, des cartes et des chiffres ! Puis, la lumière est invitée à prendre un siège et la sainte la regarde doucement, avec ses grands yeux sombres ! Elle a l’air désolée, marrie, chagrinée, dolente et sans doute veut-elle que la lumière prenne conscience du mal qu’elle fait ! Mais la lumière reste coite et attend… Enfin, après un gros soupir, la sainte demande : « Comment t’appelles-tu ?

_ La lumière !

_ Comme l’ampoule ? »

La lumière sourit et la sainte reprend : « N’as-tu pas honte, la lumière, de venir saper le moral des camarades ? Notre combat n’est-il pas juste ? Es-tu du côté des riches et des exploiteurs ? Pourquoi te moques-tu des victimes ? »

La sainte semble encore plus contrite, du moins si c’est possible, et son grand visage triste s’allonge et elle étend les bras, signe de désespoir, ainsi qu’elle voudrait montrer ses stigmates ! « Non, je n’ai pas honte ! réplique la lumière, car ce que je propose est encore plus fort que ce qui se passe ici ! Vous voulez combattre l’injustice et le mépris, venez avec moi et je vous montrerai comment vos deux ennemis sont partout ! Ainsi vous connaîtrez l’épaisseur, la densité de la vie ! L’ennui n’existera plus pour vous ! Vous serez enfin crédibles, ne serait-ce qu’à vous-mêmes ! Je vous invite à devenir de véritables ouvriers de paix ! Vous découvrirez ce qu’est le vrai travail !

_ Oh ! Oh ! Te voilà bien présomptueux !

_ Mais non, je pense à ton bonheur et à celui des camarades ! L’injustice dont vous vous plaignez n’est certes pas le fait des seuls capitalistes ! Elle est aussi en vous et c’est ce qui vous empêche de voir toute son étendue ! C’est bien trop facile de se considérer telles des victimes, avec des coupables tout désignés !

_ Je vois quel poison tu peux être !

_ Bouge la sainte ! Rayonne ! Réjouis-toi de la vie et plains les exploiteurs ! Ris d’eux et de ton ego ! Tu veux un combat digne de toi ? Je te propose de soulever des rochers ! »

 

 

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Aujourd’hui, la lumière veut se détendre en admirant la nature, mais pour cela il faut d’abord sortir de la ville, et c’est tout un poème, d’où pour une part notre sédentarité ! Comme elle ne dispose pas de voitures, la lumière doit prendre le bus et là ce qu’elle craint au plus haut point, ce qui l’épuise jusqu’au tréfonds, ce sont les jeunes malades (les enfants Doms) ! Ceux-là vous vident avant même d’arriver à destination ! Le mot malade n’est nullement exagéré, car on a affaire à des individus qui agissent psychiquement sur les autres, afin de les soumettre ! Ils sont incapables d’être indépendants et ne fonctionnent que grâce à leur domination ! C’est leur canne, leur appui, pire, leur univers ! Leur résister demande beaucoup d’énergie et comme il représente un monde clos, nuisible, quasi « fœtal », dont ils ne peuvent échapper eux-mêmes, on peut classer leur particularité telle une maladie mentale !

Cependant, cette fois-ci, l’heure est bien creuse et la lumière n’a pas de combat titanesque à mener et elle descend encore enthousiaste à son arrêt ! Elle se réjouit de rejoindre le vert, les parfums, le silence, le chant des oiseaux et les mille tours de magie de la nature ! Elle consulte sa carte d’état-major et en avant ! Il faut quitter la route le plus vite possible, dire adieu au trafic, à la ruche de béton, pour s’enfoncer dans un bois par un sentier, d’où l’intérêt de la carte ! Celle-ci date un peu, mais enfin les choses ne changent pas comme ça et voici la lumière qui prend un chemin…

Première surprise : il est plein d’eau et la lumière se félicite d’avoir choisi ses chaussures de randonnées ! Pourtant, le chemin est bientôt barré par des ronces et semble abandonné ! Cela ne surprend pas outre-mesure la lumière, qui sait que les egos ont une fâcheuse tendance à supprimer toutes les voies de passage, à proximité de chez eux, afin qu’ils puissent se sentir encore plus seuls et en pleurer ! La lumière décide donc de persévérer, car bien souvent le chemin réapparaît, après le secteur du propriétaire ou de l’agriculteur agressifs et ombrageux ! Mais soudain la lumière est face à d’étranges terrils, qui montent durement vers le ciel et qui sont plantés de jeunes arbres !

Que faire ? Inutile de dire que ce n’est pas sur la carte… Bien au contraire, on devrait là rejoindre un autre sentier bien plus important, ce qui conduirait à siffloter, le cœur transporté par la sécurité et la beauté! Devant cette perspective logique, la voie plus large étant normalement toute proche, la lumière se met à escalader les terrils et découvre des éclats de marbre, ce qui indique des tas de détritus, et maintenant la marche devient pénible et même dangereuse ! La lumière peut tomber, se concentre sur chacun de ses pas et elle est bientôt en nage ! C’est quasiment de la survie et la virée à la campagne tourne au cauchemar !

Pourtant, la carte ne ment pas et il y a quelques années la lumière est déjà passée par là : elle suivait alors un incroyable et interminable sentier dans les bois ! Quel changement ! La lumière meurtrie abandonne les terrils et emprunte un champ… Un camion arrive par une route et va déverser son chargement sur les montagnes déjà présentes… La lumière regarde et voit un panneau boueux qui dit que là est mis en valeur tout ce dont ailleurs on ne sait que faire ! Le bourg d’à côté ne cesse de s’étendre et un deuxième camion apparaît ! Il n’y a plus de sentiers et la lumière se décide à rejoindre la départementale, pour revenir à son point de départ !

Une voiture, qui ressemble à celle d’un shérif du Colorado, la croise lentement, ainsi qu’elle serait suspecte ! Puis, la voilà marchant sur le bord de la route, alors qu’un trafic dense la frôle, situation qu’elle connaît bien ! Un nouveau panneau invite le visiteur à découvrir les trésors naturels du coin, comme s’il n’y avait pas là une contradiction, puisque, pour attirer du monde, on détruit ces mêmes trésors !

De retour là où elle avait cru échapper à la frénésie ambiante, la lumière continue d’avancer à la recherche d’un sentier plus sûr et effectivement elle en trouve un, bien balisé et parfaitement sec ! De quoi se plaint le peuple ? Mais alors la lumière se voit entourée de serres, pareilles à des cathédrales miniatures ! A l’intérieur, des tomates poussent, avec pour chaque plant un petit sac de terre ! Des tuyaux passent en dessous, rappelant les perfusions !

Que dire de ces tomates ? Qu’elles se tiennent à carreau ? Ouf ! Ouf ! C’est un peu ça, car elles n’ont pas l’air de rigoler ! Leurs grappes sont impeccables et bien fournies et quand on sait combien il est difficile d’obtenir normalement ces légumes, on se dit qu’il n’y a pas de place ici pour la plaisanterie ! Tout est calculé pour être rentable ! Et on doit s’étonner d’avoir des enfants malades dans le bus ?

Au cours de cette journée, la lumière trouvera un peu de sauvagerie enchanteresse, bien plus loin, mais à quel prix ? La ville telle une ruche, avec ses voitures pour abeilles, dévore la campagne, non par nécessité, mais pour satisfaire ses ambitions et calmer ses inquiétudes ! Nous voulons vivre, nous sauver et nous nous tuons !

 

 

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Comment la spiritualité pourrait-elle ne pas vous effrayer ? Dès l’enfance, n’avons-nous pas l’impression d’être placés dans un hachoir, avec les peurs, les turpitudes des parents, et si nous avons la chance de bénéficier de leur affection, l’injustice du monde, sa brutalité ne nous rejoignent-elles pas assez tôt ? Nous voilà très vite nous-mêmes comme du gibier qui court, en proie à l’angoisse du lendemain, malgré nos amours et nos idéaux, surtout maintenant où la sécheresse et tant d’autres catastrophes climatiques s’abattent sur nos têtes !

Comment croire à un amour divin, alors qu’il nous faut abandonner nos rêves, jusqu’à la déchirure ? Qui comptera nos chagrins ? Qui mesurera notre amertume ? Qui comprendra notre nuit ? N’avons-nous pas mendié un peu de tendresse, un peu de justice, en vain ? N’avons-nous pas supplié nos bourreaux, crié pour qu’ils arrêtent ? N’avons-nous pas été seuls à contempler notre désespoir ?

Où sont passées nos amours, diluées par le temps ? N’avons-nous pas aimé de toutes nos forces ? N’avons-nous pas cru au bonheur, n’avons-nous pas brûlé pour celle-ci, celui-là ? Où sont-ils maintenant ? Alors la caresse était douce, le plaisir foudroyant ! Alors l’autre était notre miroi, la sécurité, l’avenir ! Ce rêve d’union plane encore… Cette vision de l’harmonie reste dans les mémoires, ainsi qu’un voile danse, masquant un sourire…

Mais la réalité nous rappelle à l’ordre ! L’autre est fait de chair et d’os ! Il a aussi son égoïsme… et c’est la rupture, l’incompréhension… et c’est de nouveau le vide… et que voyons-nous ? Cette société altérée, perdue ! Cette agitation constante ! Ces meurtres, cette violence ! Ces partis politiques qui crient et qui mordent ! Ces terreurs qui nous laminent ! Ces chiffres qui nous font suer ! Ces rages, cette haine telles du vitriol ! Toujours le monstre avance, qui s’appelle triomphe de soi, seule bouée de sauvetage, seul salut !

L’argent n’est-il par le maître ? N’avons-nous pas épuisé toutes nos larmes ? Assurons-nous de notre confort et dormons ! C’est cela dormons dans notre glu, notre mépris ! Restons figés et haïssons les très rares qui se libèrent ! N’essayons pas de percer leur secret, mais détruisons-les ! Il ne faut pas qu’ils nous rappellent notre petitesse, notre bêtise incommensurable, à la taille de notre orgueil ! Oui, contentons-nous de notre parure, de notre jeu social ! Fréquentons les lieux à la mode, affichons-nous dans nos boîtes à chaussures, où il suffirait d’un pet pour emporter tout le monde ! Méprisons les libérateurs ! Voilà le mot d’ordre !

Soyons vains ! Gardons nos peurs ! nos sales têtes, nos airs tristes, hagards, sournois ! Révoltons-nous au nom de notre importance tels des coqs et des poules dérangés, offusqués ! Ne réfléchissons pas, n’aimons pas, car seul compte notre ego étroit ! Prenons-nous au sérieux, comme ces écrivains qui doutent et qui se croient courageux ! Regardons-nous agir, contemplons-nous parler, ayons le sens de la formule ! Pauvres de nous ! Combien de misères, d’abîmes nous ignorent ! Rien n’est plus pernicieux que le succès ou la renommée ! Ils font devenir idiots, ridicules mêmes ! Dressons-nous comme des dieux à côté de l’enfant qui pleure ou qui meure ! Ainsi nous serons fêtés par la société, reçus dans tous les salons ! Nous les morts, les cadavres ambulants !

Je t’apprendrai le feu, l’amour divin surprenant, incomparable ! C’est la chute d’eau inépuisable ! le torrent de lumière ! la force indomptée, la puissance infinie, plus grande même que celle des étoiles ! Je t’apprendrai l’aventure étonnante de l’amour divin ! Ça, c’est du costaud ! Ça c’est spirituel et c’est sans sexe, l’homme et la femme étant enfin réunis ! leurs qualités servant dans la même direction ! Voilà l’avenir ! C’est plus grand que la raison ! C’est l’immensité en nous et nullement contre nous ! C’est une histoire d’amour colossale !

Pourquoi ne te réjouirais-tu pas d’être l’enfant, l’enfant libéré et rieur ? Pourquoi ne verrais-tu pas le drame des autres, leur mépris comme un cloaque ? Pourquoi n’aurais-tu pas confiance ? Pourquoi n’aimerais-tu pas cette différence si magique, si douce en toi ? Ah ! Mais tu veux une tête grise, méchante ! Tu veux être triste et coincé par ton orgueil ! Tu veux le boulet de l’inquiétude ! OK, message reçu ! Dieu n’est pas avare, il t’aimera quand même ! Peut-être deviendras-tu célèbre ? La consolation !

 

 

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Comment avoir confiance, quand on a été blessé, qu’on est comme perclu de traumatismes, qu’on a le cerveau embouti ? N’est-on pas rempli de craintes, d’inquiétudes ? Ne se tient-on pas sur ses gardes ? Ne sommes-nous pas prêts à nous défendre, à nous expliquer, en vain d’ailleurs, car qu’ont valu nos arguments, notre bonne volonté, notre sincérité, nos plaintes face à ceux qui nous ont brisés, écrasés, démolis, piétinés ? La dépression qui nous ronge vient de nos échecs, de notre insignifiance, de notre sentiment d’abandon... Qui a eu pitié de nous ? Personne ! Qui nous a protégés ? Personne ! Qui nous a aimés ? Personne ! Nous nous sommes noyés dans l’indifférence générale ! On nous a coupé les mains sans sourciller ! Le monde autour continuait à s’amuser… A quel degré de solitude peut-on aller ? Le désespoir n’a pas de fond… On meurt, c’est tout !

Pourtant, il reste une petite flamme, inatteignable semble-t-il, quels que soient les efforts des « bourreaux » (« Pardonnez-leur Père, car ils ne savent pas ce qu’ils font ! ») Ce qui subsiste, malgré les attaques, c’est nous-mêmes, ce que nous sommes, notre personnalité unique ! Elle subit et s’interroge… Elle veut comprendre, elle attend son heure ! Elle doit avoir sa place, car la vie a sûrement un sens, c’est-à-dire que chacun a une raison d’être ! C’est la survie même qui impose cette logique ! Si on veut nous détruire et que naturellement on ne convient pas, le problème, ce n’est pas nous, c’est l’autre ! Autant le dire tout de suite, la société est a priori régie par la domination et bien entendu elle profite des plus faibles, des plus gentils, de ceux qui ne peuvent répliquer, ni s’opposer ! N’est-ce pas ce qui se passe aujourd’hui, quand on s’en prend aux chômeurs ou aux bénéficiaires du RSA, pour faire des économies ?

Le plus curieux, c’est de se sentir malheureux, de se voir harcelé, tandis que le frère ou la sœur, loin de subir le même traitement, vous regardent avec mépris, comme si vous étiez mauvais, que vous refusiez de changer, de vous améliorer et que c’était vous le responsable de votre peine ! L’incompréhension est alors totale ! Pourtant, c’est ce que vous êtes qui résiste et qui cause la colère de vos parents ! Vous ne marchez pas comme les autres ! Comment pourriez-vous vous trouver bon ? Vous avez beau débattre en vous-même sur l’injustice dont vous êtes la victime, il n’en demeure pas moins qu’en profondeur les coups que vous prenez gravent votre esprit, avec l’idée que vous êtes repoussant, infâme, nul, délétère ! Vous combattez toujours l’épée à la main, mais le mal est fait ! Le poison est entré et vous êtes vaincu d’une certaine manière ! La maladie va faire son œuvre et la liberté ne vous sauvera pas ! Au contraire, vous aurez tendance à continuer de vous détruire, comme on suit un mode d’emploi ! Effrayé par votre différence, vous vous sanctionnerez vous-même ! Car la famille est une petite société et si vous en avez été exclu, pourquoi la grande vous accueillerait-elle ? Leur fonctionnement n’est pas différent, leurs peurs non plus !

Dans ces conditions, hagard, perdu, marginalisé, craintif, fragile, vous pourriez avoir la foi ? Spectre sanguinolent, vous marcheriez tel Jésus, plein de fermeté ? Ne vaudrait-il pas mieux vous conduire à l’hôpital et vous oublier ? Au moins vous vous reposeriez, n’avez-vous pas des siècles de sommeil à rattraper ? Dame, vous avez pris de plein fouet l’hypocrisie et les terreurs du monde moderne ! D’autres n’y ont pas résisté et ont été pulvérisés ! Car c’est bien une folie qui vous a passé sur le corps, vous allez vous en rendre compte ! Les hommes sont aveugles… Mais vous êtes tout cabossé, vous léchez vos plaies et que se passe-t-il si la foi vous frôle ? Mais elle produit votre épouvante ! Elle vous fait hurler, puisqu’elle semble vous demander encore des efforts, comme on frotterait votre chair meurtrie avec du sel ! Toutes vos défenses se hérissent, tout votre dégoût dégouline, toute votre amertume vous noie ! Quoi ? Vous avez donné le meilleur de vous même et on vous a jeté des pierres ! Vous avez tendu la sébile et on a craché dedans ! Rien n’est bon en vous, c’est prouvé ! Vous êtes plein de scrofules, inutile et on vous parle d’amour ? Mais vous riez comme un fou !

Vous voulez encore donner ! Vous vous relevez en titubant, vous combattrez encore ! Vous aimez toujours ! C’est plus fort que vous ! Hélas, votre fragilité vous rend vulnérable, sans respect pour vous-même ! Il faut apprendre à se protéger, à s’aimer enfin ! C’est un long travail de la conscience et la foi, ce n’est pas la religion, avec ses rites ! Ce n’est pas une carte de parti ! C’est une conscience qui s’adresse à une autre conscience et si vous commencez à voir clair en vous, comment cette autre conscience, que l’on appelle Dieu, pourrait-elle moins vous comprendre ! Ainsi la confiance commence, s’installe, à mesure que votre individualité se dégage ! Votre dimension devient toujours plus grande et plus singulière, alors que les autres restent esclaves de leur domination, formant un tout indistinct !

La confiance, c’est la paix et à votre tour de rigoler !

 

 

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C’est lundi et bien sûr la vie repart sur des chapeaux de roue, à cause essentiellement des inquiétudes, d’autant qu’il y a un retour de la canicule (il fut un temps où le soleil était fêté comme un dieu, aujourd’hui il fait peur!) ! Mais ce qui nous tue, bien plus que le réchauffement climatique ou l’inflation, c’est notre égoïsme, avec le réflexe que plus on est anxieux et plus on devient dur ! C’est un comportement de défense et de survie animal ! Il est vrai que le dimanche nous ne nous sommes nullement reposés, car nous ne savons que faire de l’inaction, du vide apparent, sinon nous tourmenter encore plus !

Ainsi, en ce lundi matin, nous voilà à nous pousser aux fesses, sans respect pour les autres, nous créant un monde hostile, irrespirable et destructeur ! Les premières sirènes d’ambulance se font déjà entendre ! Mais il faut alors comprendre que notre mal-être ne dépend que de nous, que son remède est entre nos mains ! Le gouvernement, les gros pollueurs, l’argent n’y sont pas pour grand-chose et crier après eux ne fait que révéler un profond aveuglement ! Répétons-le, c’est notre égoïsme à tous au quotidien qui cause notre malheur ! La vie nous serait absolument différente, si nous nous montrions solidaires, soucieux des uns et des autres !

Mais le problème, c’est justement notre cécité ! Nous n’avons pas conscience ordinairement de faire le mal ! Au contraire, nous nous croyons plutôt volontiers des victimes ! Cela a à voir avec la sensibilité…, qui est comme une antenne d’insecte, informant sur le monde environnant ! La plupart ne distingue aucunement leur domination et font marcher les autres à la baguette, mais de même ils ne trouvent pas anormal qu’on les traite d’une manière similaire, car ils ont le comportement du troupeau, où les individualités se fondent dans la masse ! Si une sensibilité particulière apparaît, la poussière, le piétinement des sabots, la folie du plus grand nombre sont bientôt dénoncés ! La sensibilité ouvre les yeux, permet de comprendre, fait que soi-même on devient plus complexe et donc plus distinct, plus construit, ce qui à terme peut entraîner l’évolution de l’ensemble !

Mais, une fois n’est pas coutume, je vais prendre un exemple personnel, pour mieux expliquer les choses… Je peux dire que ma vie a véritablement commencé quand j’avais à peine quinze ans, âge où dans les familles les premiers verres de vin sont autorisés ! Mais imaginez un grand déjeuner du dimanche, qui rassemble les cousins, les tantes, les oncles, etc. ! Autour de la table, dans une salle à manger commune, il y a près de trente personnes et bien entendu chacun est serré contre son voisin ! Mais peu importe, tout le monde est joyeux, avec la bonne chère et les discussions ! Moi-même, qui suis plutôt silencieux et du genre rêveur, je me sens bien, baignant dans une douce euphorie ! le plaisir des autres devenant le mien ! Soudain, ma maman me demande de tendre mon assiette… Elle vient d’apporter un nouveau plat, apparemment dans l’indifférence générale, et c’est pourquoi je m’empresse de la satisfaire, afin qu’elle-même ne souffre pas de cette situation… Mais, alors que je tends mon assiette, elle ne me sert pas ! Elle tape sur son plat, interpelle ceux qui discutent le plus vivement et commence à remplir leur assiette ! Il ne me reste plus qu’à ranger la mienne, la mort dans l’âme ! Car pourquoi ne m’a-t-on pas servi ? Il ne s’agit pas d’une erreur, au contraire, j’ai voulu rendre service ! La tristesse m’envahit, comme l’incompréhension, alors qu’autour la joie bat son plein ! Personne n’a rien vu ! Et il m’est impossible d’arrêter le repas, pour faire part de mon désarroi !

A partir de cet instant, je me sens exclu et ne pouvant expliquer la cause de mon chagrin, je vais peu à peu m’enfoncer dans la dépression ! Mon regard a changé ! Je vais m’interroger sur l’origine du mal, tout en prenant conscience de ma différence, de mon abandon ! Aujourd’hui, je peux parfaitement expliquer le geste de ma mère, car sa cause n’a rien d’exceptionnel, au contraire, mais il va me falloir toute une vie pour dégager la domination animale ! pour comprendre les rouages de l’égoïsme ! Ma mère, en s’attaquant au plus faible, à l’« introverti », se sert de lui pour ressentir son pourvoir et reprendre confiance en elle, ce qui lui permet de « déranger » les leaders, les plus volubiles, afin qu’elle présente son plat et qu’elle le fasse reconnaître ! Sa fierté de cuisinière en dépend ! Or, c’est que ce que nous faisons au quotidien dans notre grande majorité : nous marchons sur l’autre pour nous rassurer et repartir du bon pied !

Nous faisons valoir chaque jour notre territoire ! Et, comme je l’ai dit, c’est une impasse car c’est bien cela qui nous empoisonne et nous détruit ! Il faut donc lutter contre notre propre égoïsme ! De quelle manière ? Je ne vois qu’un levier valable ! C’est l’amour pour Dieu, c’est la foi ! Non pour s’amputer soi-même et s’anéantir, mais pour enfin se libérer de sa domination et être bon ! Celui qui rit de son orgueil est un bienfaiteur ! Il y a ceux qui continueront à chercher des coupables, c’est notamment la litanie haineuse de la politique ou de l’intégrisme ! Il y a ceux qui ne feront confiance qu’à la seule raison, qu’aux faits et qui couleront stoïquement, impuissants ! Et puis il y a ceux qui connaîtront la joie d’aimer et qui ressentiront le grand frisson de l’aventure de la foi !

Que la vérité soit placée dans l’amour est un mystère génial ! Pas besoin de faire HEC et plus le temps passe et plus je m’aperçois combien les paroles de Jésus sont justes et comment il a vu clairement le monde !

 

 

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La foi, l’amour que l’on peut avoir pour Dieu, est forcément quelque chose de mystérieux et d’étrange ! En effet, à qui parlons-nous ? D’un point de vue physique, à personne ! Car où est Dieu dans l’Univers ? Et comment pourrait-il communiquer dans nos esprits, suivant les lois de la science ? Il serait facile d’imaginer le « croyant » fou, inventant un ami imaginaire et c’est certainement l’avis d’une grande partie de la psychologie ! Il y a donc beaucoup de penseurs qui ont dénoncé cette illusion, cette « mascarade », comme Nietzsche ou Lou Andreas-Salomé, avec notamment L’Invention de Dieu !

Il n’en demeure pas moins que ce qui nous fait tenir debout sur Terre, c’est la domination animale ! C’est elle qui constitue la « gaine protectrice » de Pascal, qui voyait celle-ci comme un miracle, protégeant l’homme de l’anéantissement causé par le vertige de sa situation ! Sur cette minuscule planète perdue dans l’espace, avec une vie se terminant par la mort et même vouée à un oubli total, puisque le soleil finira par disparaître, l’homme pourtant trouve son quotidien normal, ne le remet pas en question, ne s’interroge pas en profondeur et arrive à supporter son année de travail, jusqu’aux vacances ! Puis, ça recommence !

Cela n’est possible que par la domination animale qui continue en nous ! Autrement dit, nous faisons comme les animaux et nous affirmer nous occupe tellement que le vide sidéral n’a plus de prises sur nous ! Mais cela signifie encore que tout athée n’aura de cesse de s’imposer et d’assurer sa sécurité, car s’arrêter ouvrirait la porte de l’angoisse, puisque nous ne sommes pas non plus tout à fait des animaux (« Nous n’avons pas cette chance ! » ont dit certains) ! Il n’y a pas d’autres explications à la rage et à la haine de la Nupes, par exemple ! Il faut le pouvoir, pour ne pas s’inquiéter ! Il faut réussir pour s’apaiser ! Notre besoin de dominer est encore à l’origine du réchauffement climatique, car nous ne pouvons considérer la planète sans qu’elle nous soit asservie ! Nous la détruisons donc, pour nous sentir les maîtres ! Inutile de dire que la domination animale, qui prend chez nous d’autres noms, comme l’égoïsme ou l’orgueil, est une impasse ! Mais elle est toutefois si forte, ou plutôt l’angoisse qu’elle endigue est si pressante, que nous sommes prêts à nier toutes les évidences : il n’y a pas de réchauffement climatique, Poutine n’est pas coupable, Trump est un gentil garçon, etc. ! Rien ne doit contrarier notre propre domination, menacer notre soif de reconnaissance et de pouvoir ! Voir les failles de notre nombrilisme nous est insupportable !

Bien sûr, on est libre de croire ou pas ! Qu’est-ce qu’un amour obligatoire ? C’est une absurdité, car on n’aime que si on est libre ! « Il n’y a pas de contraintes en religion ! » disait Mahomet, mais son propos est oublié par les intégristes ! En effet, si la religion mène au pouvoir, elle conduit forcément à la terreur, puisque tous ceux qui ne rentrent pas dans le rang devront être éliminés ! C’est une histoire bien connue et qui concerne toute lutte politique, comme le communisme… Mais la vraie foi, le véritable amour se rit du sacré ! Qu’est-ce qu’il en a à faire ? Le sacré sert le pouvoir, nullement l’amour ! Le sacré est un garde-fou et donc s’oppose à la confiance, à la foi ! Celui qui aime Dieu ne peut être qu’un enfant… Dieu est son père, son protecteur et le sacré, c’est pour les adultes !

Si chacun est libre dans ses convictions, il faut tout de même reconnaître son propre fonctionnement et donc sa domination ou son égoïsme ! C’est maintenant devenu une question de vie ou de mort pour tous ! Soit nous continuons comme avant, en comptant toutefois sur la transition écologique, mais en cherchant toujours à exploiter la planète, pour nous sentir les maîtres ; soit nous changeons complètement, nous prenons conscience de la domination, de son effet néfaste et pour y échapper, nous nous dirigeons vers l’amour de la foi ! Celui qui se voit aimé par Dieu n’a plus besoin de dominer ! Il laisse là la « gaine protectrice » de la domination, pour devenir imago et il n’a plus peur, grâce à sa confiance ! Il ne cherche plus à s’imposer et ne ressent plus la haine de ceux qui n’y arrivent pas ! De même, il ne « massacre » plus la planète, car ses besoins correspondent au juste nécessaire… Sa raison d’être n’est plus la puissance, le rang social, la victoire politique, etc. !

Tout le problème est de voir sa domination, son égoïsme ! Car tant qu’on en est esclave, on reste aveugle ! Combien de psychologues, par exemple, se croient objectifs et prêts à aider, pour se transformer en monstres dès que leur amour-propre n’est qu’effleuré ! Pour se sortir de sa cécité, il faut toute la volonté d’aimer ! Sinon on reste à brailler et à haïr ! Rien de nouveau sous le soleil, si ce n’est que le bateau coule !

 

 

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Cet ego est un écrivain célèbre, parisien et qui règne sur la littérature de son pays ! C’est un phare, un ponte, mais il le mérite ! Pour réussir, il a dû échapper à une éducation religieuse très stricte, sévère, obscurantiste, inhibitrice, castratrice, méchante, teigneuse, noire, béotienne, barbare ! Enfin, il est remonté du fond de l’abîme pour trouver la lumière et chanter les plaisirs de la vie, qui sont surtout les siens ! En cela, il a libéré par ses livres, son histoire des tas d’autres, qui soupiraient, tout comme lui, après la liberté dans des geôles gardées par la croix ! Quel mal y-a-t-il à cet exemple ? N’est-ce pas là ce que nous voulons tous, à savoir nous découvrir et être nous-mêmes, avec toute la latitude possible ? Comment pourrions-nous faire le bien, si nous n’étions pas libres ? Et un croyant pourrait dire que Dieu aime tout le monde ou utilise tous les « instruments », dans cette formidable aventure qu’est celle de l’humanité !

Cet écrivain, appelons-le Valgiclette et il a un serviteur, Caramel ! La pièce, où Valgiclette fait la sieste, est plongée dans la pénombre… Dame, que l’on songe quel dégât la lumière du jour brutale serait à même de causer sur cette tête si pleine de prix et si précieuse ! Quel criminel garderait sa Ferrari hors d’un garage ? Mais caramel se présente : « Maître, il y a là…

_ Hein, Caramel ? Que me veux-tu ? Je suis si las…

_ Avant vous étiez Charybde ! Ouf ! Ouf !

_ Caramel, qui représente ici la culture, qui te fait vivre ?

_ Ça va ! Ça va ! J’ose vous déranger, car un émissaire vient vous demander votre soutien, vu que vous êtes célèbre et que vous pouvez servir sa cause !

_ Ah, tous ces quémandeurs ! Et quelle est sa cause ?

_ Ben, c’est la guerre dehors et y a une partie opprimée, évidemment ! une partie plus faible quoi ! Et c’est elle qui voudrait vous voir dénoncer cette guerre injuste, inique ! Votre influence, à travers le monde, pourrait l’aider !

_ En effet, en effet… »

Valgiclette se lève et se place devant la glace : « O temps qui passe et qui ride, murmure-t-il. Je suis déjà au bout, hélas, du chemin aride ! Hum ! J’ai cru être poète, mais je ne le suis pas ! Qu’importe, car pour moi la belle prose est largement supérieure à la rime !

_ Certainement !

_ Je suis désolé Caramel, mais tu diras à ton émissaire que le temps de mes engagements est clos ! Voilà c’est décidé ! Ah ! Si seulement il était venu plus tôt ! Alors j’aurais été à fond avec lui, j’ l’aurais réjoui ! Il aurait porté fièrement mon nom, redonnant de l’espoir aux enfants ! Mais maintenant… il faut que je me surveille !

_ Bah, quand je vous regarde manger votre steak, je me dis que vous avez encore du nerf !

_ Un d’ ces jours, tu seras à la rue à cause de ton impertinence !

_ Et donc l’émissaire ?

_ Go home ! »

Après avoir éconduit l’importun, Caramel revient auprès de son maître, avec le journal et un café… « Tout de même, dit-il, j’ pense que vous auriez pu prêter votre nom, donner vot’ caution ! C’était pas beaucoup d’mandé et ça aurait fait du bien aux gars sous les bombes… J’ trouve que vous avez été dur !

_ Dur ? J’ai été dur ? fait en sursautant Valgiclette. Mais je vais t’apprendre, moi, ce qui est dur ! »

Valgiclette se précipite vers la fenêtre, pour en retirer violemment le rideau et le soleil brille dans la pièce ! « Voilà ce qui est la dureté même ! s’exclame Valgiclette.

_ Quoi ? Le soleil ? Mais vous avez les rideaux… et vos lunettes de soleil, pour vous en protéger !

_ Pauvre imbécile ! C’est de ce que représente le soleil dont je me plains ! C’est lui le sournois, le traître, la faute éclatante !

_ Ben, j’ vois pas…

_ Non, ça ne m’étonne pas, hélas ! Mais que nous dit le soleil, sinon d’espérer ? Que nous fait-il croire, en nous montrant les couleurs, les fleurs ou les enfants qui rient ? Mais que nous sommes chez nous et que pouvons être heureux ! Mais en réalité l’Univers entier appartient à la mort, au néant ! Le soleil nous trompe et nous masque le règne terrible, inexorable, aveugle du non-être !

_ Le non-être ? Il a bon dos, car vous, vous existez, pas d’ doute ! J’ai toujours sur moi la liste des choses que vous voulez avoir, pour passer tranquillement de vie à trépas… et c’est pas rien ! Voyons voir… Il vous faut : la sonate en ré majeur de Mozart, enregistrement 75 par le philharmonique de Vienne, disque craquant ! Les biscuits à la menthe, nappés de chocolat et parfumés à la vanille, de chez Dauchon, petite boîte ! Un éphèbe ! Dieu sait ce que vous allez faire avec ! Enfin, j’ai pensé à mon cousin, mais il est cher ! Des galets de Saint-Malo, nettoyés de leurs puces ! Des pervenches du cantal, cueillies sur l’ubac ! Des dattes de Tunis, enrobés dans leur feuille de palmier ! Un peu d’sable du reg, tamis zéro ! Etc, etc. ! On se soigne !

_ J’ai des besoins, que veux-tu ? Et puis, pourquoi, moi, j’entrerais dans le néant comme un va-nu-pieds ? Regarde les pharaons…

_ Ils allaient pas vers le non-être, eux ! Enfin, du moment que vous n’oubliez pas mes gages ! »

 

 

 

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L’ego est impayable ! Nous suffoquons et il continue de polluer ! Méprisant, il jette son mégot par terre ou bien il ne prend toujours pas la peine de trier ses déchets ! Pourquoi ? Mais parce qu’il se sent lésé, frustré par le système, les autres et donc il ne va pas se gêner ! D’ailleurs, qui sont les gros pollueurs ? Ce sont les riches, les exploiteurs ! Que ceux-là changent d’abord et on verra après ! Car qu’est ma petite pollution à côté de la leur ? L’ego tient ses coupables et ne se voit pas du tout responsable du désastre ! Pourtant, ce qui arrive, c’est notre ego qui l’a voulu ! Ce n’est pas fatal, dû à la nécessité de nos besoins ! C’est le résultat de notre aveuglement, quant à ce que nous sommes ! C’est le fruit de notre hypocrisie et de nos peurs ! Mais le voile qui nous cache est toujours là et semble impossible à déchirer !

Depuis toujours, j’ai vu la reine Beauté massacrée ! La nature était pourtant mon seul refuge ! Je me suis heurté aux egos dès mon plus jeune âge, j’ai été laminé par l’injustice et j’allais panser mes blessures dans des sous-bois, où la beauté était reine ! Avant d’arriver dans ces lieux, je n’étais qu’une plaie vivante ! Je hurlais presque tellement on m’avait fait mal, mais peu à peu je m’apaisais à la vue de toutes les merveilles que j’avais sous les yeux ! Mon sanglot prenait fin, le silence descendait en moi, comme si telle goutte de lumière, tel animal avaient constitué un baume ! C’est la nature qui a été ma vraie mère et sa splendeur m’est devenue synonyme de paix !

Inutile de dire alors que toute destruction, tout chantier pour l’avancée de la civilisation m’ont toujours été odieux, d’autant que cela venait d’un mensonge, d’une raison fausse ! En effet, l’ego dit : « Je travaille, je ne prends pas de plaisir, je n’ai pas d’orgueil, je ne suis pas égoïste et je n’obéis qu’à la nécessité ! Il faut des routes, des logements, des entreprises pour les emplois ! Il faut s’étendre, etc. ! » Je savais que ce n’était pas vrai, que la réalité est tout autre, j’avais déjà l’exemple de mes parents en plein ! Mais encore enfant, je ne pouvais que souffrir devant les ravages que je voyais ! Je cherchais en vain des endroits exempts de voitures, de routes, du tumulte artificiel des hommes ! Je n’étais pas capable à l’époque, évidemment, de tenir tête aux adultes, de leur montrer leur duplicité et ce n’est pas très différent aujourd’hui !

Mais dans les faits, nous travaillons essentiellement pour notre orgueil, nous voulons paraître et la force de notre ego détermine notre soi-disant équilibre, d’où notre haine si nous sommes menacés ! C’est pour satisfaire notre ego que nous détruisons la nature ! C’est pour nous sentir les maîtres que nous la piétinons ! Voilà la vérité, au-delà de nos besoins matériels ! Donc, tant que nous ne changerons pas en profondeur, en abandonnant notre ego, nous continuerons à nous mener vers notre fin ou notre cauchemar ! Il n’est pas question des gros pollueurs, c’est chacun qui est concerné et la transition écologique n’y pourra pas grand-chose ! Notre transformation doit être radicale et tournée vers l’amour ! C’est de notre ego dont il faut se libérer, grâce à la foi ! Je ne vois pas d’autres solutions et comme il est question d’amour, toute la liberté est préservée ! On n’y perd rien !

Mais allez expliquer ça ! C’est la rage, le mur ! On fonce, on multiplie les chantiers, comme si on avait peur de les arrêter ! Effectivement, on se retrouverait devant le calme, l’inaction, apparemment le vide et quelle horreur ! L’ego monterait au poteau tel un chat effrayé ! Plus l’ego est inquiet et plus il s’agite ! Et pourtant la nature est en train de nous casser en deux, et c’est nous, les « boomers », qui avons provoqué cela ! Nous avons profité de notre hypocrisie et de nos mensonges jusqu’à plus soif ! ce qui donne notre désert actuel ! Mais nous gardons nos positions ! Nous ne craquons toujours pas, d’autant que les « boches » sont les exploiteurs… ou les étrangers ! Gueuler, ça nous savons faire ! Notre pays est champion du monde ! Qu’est-ce qu’il faudra pour nous mettre à genoux ? pour que nous disions : « Nous ne savons pas ! », pour que nous devenions enfin un peu humbles, avec l’oreille à l’écoute ! Qu’est-ce qui fera tomber notre masque ?

Apparemment rien ! Durs nous sommes, durs nous resterons ! Nous continuons à nous voir justes ! à nous admirer, à parader ! à nous plaindre ! Les plus égoïstes lâchent tout de même que le temps est détraqué ! Ils s’en rendent compte, il y a un progrès ! Mais c’est tout ! On avance d’un millimètre… Alléluia ! Quand je disais qu’on était impayable ! Je connais un poissonnier qui nettoie son magasin avec du liquide vaisselle, ce n’est même pas un produit bio ! Chaque jour, il en envoie des litres et des litres dans la mer ! Il pollue son poisson ! Il dit encore que les gens de la mairie ne font strictement rien, que ce sont des fainéants, il méprise tout le monde, même ses clients ! Cet exemple montre que nous sommes indécrottables, combien notre ego est enkysté ! Tout au plus, quand je vois cet homme, je subis sa rengaine sans montrer d’impatience… Il est comme une machine et malheureux au fond comme une pierre ! Mais il ne change pas, il a ses coupables : les gens de la mairie, etc. !

Notre théâtre est en flammes et nous continuons de jouer ! Faire reconnaître à l’ego son égoïsme ? Mais il serait plus facile de lui arracher une dent avec une tenaille ! Tendre un miroir à l’ego ? Il vaut mieux affronter un ours, c’est plus sûr !

 

 

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