Rank (92-95)
- Le 20/01/2024
- 0 commentaire
"Poems, everybody! Poems!"
The Wall
92
Le soldat Paschic marche sous les étoiles, au bord d’une route de campagne… Enfin, il arrive au bourg, qui à cette heure est désert ! Mais Paschic ouvre bientôt la porte du bistrot et après un vague bonsoir, car ici tout le monde se connaît et se supporte, il prend place au comptoir sur un tabouret ! Il y a là quatre joueurs de belote, à une petite table, et le cafetier qui sans un mot sert Paschic ! Il lui verse un rouge-bord, avec des miettes de bouchon, car rien ne vaut un verre de « vinaigre » pour se réchauffer ! Mais Paschic a fini de se faire des illusions !
Soudain, un autre client entre et c’est un jeune Arabe, d’ailleurs très poli, qui vient acheter des cigarettes ! Chacun devine dehors son Audi puissante et confortable, ce qui fait qu’après son départ quelqu’un demande : «Où trouvent-ils les moyens pour s’acheter ce type de voitures...
_ Ils doivent avoir des réseaux, répond un autre.
_ Si on pouvait tous les faire rentrer chez eux, ajoute un troisième, on n’aurait plus d’ problèmes !
_ Ça, c’est pas la France ! fait le quatrième. Nous sommes tous égaux ! Non, le problème, c’est la haute finance et les profiteurs ! Ceux-là, faut les mettre au pas ! »
On assiste à l’éternelle joute entre la droite et la gauche, mais Paschic intervient : « Peuh ! La solution n’est ni politique, ni économique ! Il faut d’abord se changer soi-même ! « Aimez-vous les uns les autres ! » Y a pas d’autres solutions ! »
Cette sortie égaie les joueurs de belote ! « Ah ! Parce que toi, Paschic, tu crois encore au bon Dieu, au petit Jésus et à la Vierge Marie ! jette l’un.
_ Bien sûr !
_ C’est pas vrai !
_ Ah ! Ah !
_ Eh Paschic, s’écrie un autre, si moi je te donne un coup, tu m’ pardonneras ? C’est ça ?
_ Et où tu vas trouver ton pain, Paschic ? Hein ? Moi, j’ai plus d’ quarante ans d’ boîte !
_ P’têt’ qu’il file pédophile !
_ Ouh, ouh !
_ Tiens, René, ressert Paschic ! Il a pas fini d’ nous faire rigoler !
_ Où tu l’ vois le bon Dieu, Paschic ? En Ukraine, chez les SDF ?
_ J’ le vois pas dans vos cœurs en tout cas !
_ Ouaf ! Ouaf !
_ Pour sûr qu’ tu l’ vois pas, car il n’y est pas ! Pas folle la guêpe !
_ Moi, j’ vais t’ dire, Paschic ! Çui qui m’emmerde, l’as intérêt d’ savoir courir très vite ! J’ prends l’ fusil et pan ! pan !
_ Et tu vas encore à la messe… et tout ça ?
_ En 54, on perdait la Cochinchine !
_ Non mais t’es pas sérieux, Paschic…
_ Y en a qui doivent payer, c’est tout !
_ Avec le départ des étrangers, la France retrouvera la religion... »
Devant tout ce fatras, Paschic s’envoie son verre d’un trait et sort ! A l’intérieur du bar, on commente le personnage… « Quel drôle d’oiseau ! dit l’un.
_ Mais de quoi il vit ?
_ Il a un potager, j’ crois !
_ Du temps d’ la poste, il paraît qu’il envoyait des manuscrits à Paris, pour s’ faire éditer !
_ Ah bon, il s’est cru écrivain ?
_ Ils ont dû bien rigoler avec ses idées, là-bas !
_ Tiens, René, tu remets la tournée ! Il m’a ravigoté, c’ Paschic !
_ Un innocent, c’est un innocent !
_ Chaque bourg en a un !
_ Ah ! Si quelqu’un me marche sur les pieds, moi, j’ vois rouge !
_ Surtout si c’est un étranger !
_ Surtout si c’est un profiteur !
_ Et le dix de der, il est pour qui ?
_ C’est toi qui viens d’ jouer, non ?
_ Ah ! Ah ! Ce Paschic ! »
93
La Machine fait son jogging matinal, en compagnie de quelques admiratrices… « Allez, les filles, on s’bat ! On y va !
_ Ouh ! Fait froid ! Ça pique !
_ C’est ça qu’ j’aime ! On s’bat ! Le grand air ! Ouh ! J’ai plein d’ projets, les filles ! J’ crois qu’ j’aime la vie à la folie !
_ Qu’est-ce que tu veux faire ?
_ Plein d’ choses ! Vous savez, il faut saisir toutes les occasions ! D’abord je suis blanc, dans ce beau pays ! Pas malade ! Et dès que j’ai eu vingt ans, j’ai hérité de 400 millions de dollars !
_ C’est pas vrai !
_ Mais si ! Mon père m’a fait passer ça par plusieurs comptes, pour éviter l’impôt ! Un malin le paternel !
_ Tel père, telle fille !
_ Ah ! Ah ! Jalouse ?
_ Ben oui, tu as eu beaucoup de chances !
_ La chance n’y est pour rien, les affaires oui ! Je me suis faite toute seule, les filles !
_ Tout de même, ta sécurité était assurée ! Moi, je…
_ Mais de toi, on s’en fout ! Je ne connais qu’un seul drame, c’est de respecter les autres ! C’est le début de la fin ! Commencer à prendre l’autre au sérieux, l’écouter, lui donner une réalité ? Les filles, c’est la déprime ! Ah ! Ah ! Faites comme moi, ne pensez qu’à vous… et écrasez le faible ! Il le mérite ! Allez, les filles, on en donne un coup ! Ouf ! Ouf !
_ Eh ! Attends-nous !
_ Votre problème, c’est que vous n’êtes pas assez égoïstes ! Vous êtes trop craintives ! Mais de quoi avez-vous peur, bordel ?
_ Mais on n’a pas tes moyens ! Il nous arrive d’être inquiètes !
_ Les affaires, les gosses, les affaires ! Faut pas hésiter à frauder ! Ramassez le pactole, baisez l’administration, tous ces technocrates qui bavassent ! Vous minaudez comme eux ! On prend, les filles, et c’est tout ! Ah ! Ah ! Et vous savez quoi ? Je vais redresser ce putain d’ pays et lui redonner toute sa grandeur !
_ Faudrait qu’ tu commences par payer l’impôt !
_ Ah ! La salope ! Fous-moi l’ camp, ou j’ t’écrase !
_ Connasse toi-même !
_ Va t’ faire mettre la main au panier ! Morue ! Elle se tire ! Bon débarras !
_ Elle avait trop d’ principes ! Depuis un certain temps déjà, j’ la voyais cogiter ! Elle commençait à considérer les autres, j’en suis sûre… et j’ me suis dit que ça finirait mal !
_ Ben, t’avais raison ! Elle a pas le sens du drapeau ! Ceux qui savent lire sont communistes ! Ah ! Quelle belle vie ! Est-ce que j’ai fait ma p’tite prière, c’ matin ! J’ai besoin de l’appui de tous les cagots !
_ Euh… C’ matin ? Je me rappelle seulement ton plantureux petit-déjeuner !
_ Alors allons-y, ma belle, arrêtons-nous pour prier un peu ! Il est bon que le big boss là-haut me protège ! « Seigneur, fais-moi triompher ! Surtout que je ne termine pas comme toi, en loser sur la croix ! Ne m’humilie pas, je n’aime pas ça du tout ! Aide-moi contre tes ennemis, pour ta justice : que tous les salopards qui veulent me baiser soit durement châtiés ! Ainsi la victoire sera pour toi, pour moi et ma famille ! Éloigne de moi la coupe du vice, mais laisse-moi le droit de violer, de mentir, de frauder ! C’est pour la cause ! Bien sûr que je me tienne loin de la difficulté, de l’effort, de la nuance, de l’anonymat, comme toi tu les as connus, car un seul jobard, ça suffit ! »
_ Ouh ! Ouh ! Ça, c’est de la prière !
_ Attends… « Eh ! Oh ! Seigneur, j’ai aucune confiance en toi ! Tu l’ sais bien ! La foi, connais pas ! » Ah ! Ah ! C’est fort, c’est tonique, j’adore ça ! C’est mon monde ! C’est moi ici et là-bas ! Tout le reste me fatigue ! Hop ! Hop ! La vie est belle !
_ On peut chanter ?
_ Vas-y !
_ Ô toi, mon cher égoïsme, voilà ton heure ! Ne tremble pas, arrête de pleurer ! Le jour J est arrivé ! Tu vas sortir de moi, comme l’enfant qui vient d’ naître…
_ Tout est simple, tout est simple ! quand on ne respecte personne !
_ Tu vas pouvoir régner sur le monde ! Les étrangers dehors ! Les règles dehors ! Les technocrates dehors ! Les livres dehors ! Les faibles dehors !
_ Tout est simple, tout est simple ! En Massey Ferguson, j’ ne reconnais plus personne ! Pim, poum ! En Massey Ferguson, j’ ne reconnais plus personne ! Pim, poum ! Ah ! Ah ! Notre hymne !
_ Préparez les voies de l’égoïsme ! Le Seigneur arrive !
_ Bon sang ! J’adore ça ! I love it ! »
94
la Machine demande : « Quelles sont les chiffres ? » Ses collaborateurs les lui montre… « C’est pas rentable ! fait la Machine. On efface !
_ Bon sang, la Machine ! s’écrie l’un. C’est un bureau de poste à El Paso ! Ils n’ont qu’ ça là-bas !
_ Pas rentable, on efface !
_ Laisse-moi te dire que t’es une belle sa... ! On a besoin de repères ! Niveau psychologie, t’es zéro !
_ T’es limite d’être viré toi-même ! Mais bon, d’accord, on leur mettra un distributeur d’enveloppes… et pour les transactions, y aura quelqu’un avec une tablette ! Ça va comme ça ? Et c’est plus écologique !
_ Comment ça ?
_ Pas d’emballages, pas d’ chauffages, pas d’ matière ! Le tout numérique ! Le virtuel sans pollution !
_ Faut quand même refroidir les réseaux…
_ Tout à l’heure, tu vas m’ dire que les éoliennes gâchent le paysage ! Faut savoir c’ qu’on veut ! Moi, je choisis le moindre mal !
_ Mais l’humain, le pauvre humain... ! Être efficace, c’est bien, mais nous sommes plus complexes que des chiffres !
_ Mais, ma parole, tu vas te mettre à pigner, en m’ demandant l’égalité ! Tu vas m’accuser, éberlué, de casse sociale !
_ Non, mais…
_ Qu’est-ce qu’il y a de pire ? Voir les riches comme une nébuleuse haïssable et réclamer du respect, ou avancer objectivement, avec la raison ! Je découpe, je remodèle suivant la nécessité ! Je ne suis pas absurde, comme le croyant qui détruit au nom de l’amour !
_ D’accord, d’accord ! Mais on peut se situer entre les deux ! Le pragmatisme du technocrate oublie les hommes ! Le numérique aussi ! Nous avons besoin d’amour, d’attention, de rêves et de beauté encore !
_ Et c’est pour ça que tu es là ! Je t’ai engagé parce que tu es socialiste, c’est du moins ce que dit ton dossier ! Je m’attends à ce que tu fasses des phrases, même si tu penses pas beaucoup ! Tu crois encore qu’on peut brider l’économie et avoir des emplois ! T’es pas revenu d’ Moscou !
_ Mais t’es pas lucide toi-même, non plus ! Regarde, les gens sont paumés et ils ont tellement peur qu’ils se réfugient dans leur égoïsme ! Ils sont comme des fauves en cage ! Ils sont prêts à tuer, si on menace leurs idées !
_ Et tout ça au nom du bien et de la tolérance !
_ Exact ! Mais le flot du numérique nous emporte, nous enlève le sol sous nos pieds ! d’où notre malaise, voire notre panique ! Le numérique dilue notre identité ! Tout ce qui nous entoure a l’air virtuel !
_ Ça, c’est du style ! Mon investissement est payant ! Mais laisse-moi imaginer le monde de demain… Nos besoins gérés par l’IA et les robots…
_ Plus besoin de travailler !
_ Les villes ont arrêté de s’étendre, faute de combattants, ai-je envie de dire ! Eh oui, malgré tous nos discours, nous n’avons pas confiance en l’avenir et instinctivement nous ne faisons plus d’enfants ! Nous jugeons au fond que les conditions de vie ne sont point favorables ! Mais, ouf ! la nature peut respirer, puisque nous avons cessé de l’asphyxier !
_ Il n’y a plus d’raisons d’exploiter son prochain et enfin règne la justice sociale !
_ C’est là que tu t’ goures, mon pauvre ami ! Car que feras-tu sans ta haine ? Qui rendras-tu responsable de ton malheur, car tu es incapable d’être heureux ! Tu as besoin d’ennemis, comme tout le monde ! comme les racistes, les féministes, les wokes, ou les militants LGBT ! Il s’agit de vaincre, de dominer, sinon on est malade !
_ Mais toi aussi, tu as besoin de te sentir le chef !
_ Je ne te le fais pas dire, mais moi, je sais et j’assume ! J’écrase en toute conscience, j’ suis dans ma bauge !
_ Je peux pas croire ça ! T’es quand même humaine ! T’as ta fragilité !
_ Tata Fragilité ? Peut-être bien, mais au moins j’ me régale ! Je calcule et j’efface ! J’entends pas crier derrière, j’ goûte le pouvoir à long trait ! J’ suis un sanguin !
_ T’es surtout une ordure !
_ Et j’ te vire toujours pas ! J’ te l’ai dit : tu m’amuses ! »
95
Rank arrive dans une contrée très étrange… Les gens y son affolés et crient au monstre ! Que se passe-t-il ? Quel sort maléfique a été jeté sur ce pays ? Quel tour lui a joué la nature cruelle ? Rank essaie de se renseigner, mais en vain : les passants ont peur et refusent de parler ! Pire, ils sont étonnés du calme de Rank et le trouvent éminemment suspect ! Puis, Rank est témoin d’un drame : une jeune fille, montée sur une chaise, dit tout haut : « J’ai échoué à mon examen ! Tout est perdu ! Ayez pitié de moi ! » et avant même que Rank puisse réagir, elle se passe une corde autour du cou et se pend !
Rank intervient, détache la malheureuse et la confie à un médecin : « Mais enfin qu’est-ce qui se passe ici ? demande-t-il à l’homme de l’art.
_ Comment ça, ce qui se passe ? Mais d’où sortez-vous ? Nous sommes débordés, nous n’en pouvons plus et pour un salaire de misère encore ! La malédiction est sur nous ! C’est bien simple, je n’ai même plus le temps de manger !
_ Mais vous manque-t-il des médicaments ? Je vois que votre installation est des plus modernes…
_ Mais tout est mort en dessous ! C’est une catastrophe ! Nous sommes ruinés ! Il n’y a pas de remplaçants ! Mais excusez-moi, on m’ demande aux urgences !
_ Bien sûr... »
Rank est stupéfait ! Il se dit qu’il y a sûrement quelque chose qu’il ne comprend pas ! La guerre ne plongerait pas davantage dans une telle affliction ! Cependant, il sent qu’il a faim et il se dirige vers l’auberge, en rêvant déjà de ce qu’il va y manger ! L’intérieur est assez sombre, mais propre… Un grand feu dans la cheminée permet de se réchauffer, et Rank se frotte les mains : bien des plaisirs lui sont promis !
A une table il commence à satisfaire son appétit, quand la Machine et Tautonus viennent l’entourer ! Rank ne les avait pas vus jusqu’ici, car ils devaient se tenir dans l’ombre et ils ont pris place de chaque côté de Rank, sans lui en demander la permission ! « Je vous en prie, asseyez-vous, ! leur dit Rank.
_ Merci, répond Tautonus le plus sérieusement du monde.
_ Alors qu’est-ce tu viens faire dans l’ coin ? demande la Machine, en crachant par terre.
_ Ben, j’ sais pas ! Je vais, je viens, j’ regarde !
_ Tu regardes, hein ?
_ Ben oui… et j’ suis surpris ! On dirait que tout le monde a peur… et je me demande de quoi !
_ Mais... Mais tout le monde a peur, parce qu’il faut gagner sa vie ! parce que la situation est difficile, périlleuse même ! Y a que toi Rank qui s’ la coule douce, qui est dans sa petite bulle ! Heureusement que les autres travaillent pour toi ! Sinon, tu serais où, tu mangerais quoi ?
_ Exactement ! renchérit Tautonus ! On est responsable pour toi ! Comme si on n’avait qu’ ça à faire ! Qu’est-ce qui va arriver quand t’auras plus d’ sous !
_ J’ sais pas !
_ Ah tu sais pas ! Mais, moi j’ vais t’ le dire ! Le spectre de la faim viendra te voir ! Il te prendra dans sa main gelée et toi, tu crieras au secours ! Et tu sais quoi, Rank ? Toutes les portes seront fermées et tu te retrouveras en enfer ! Foi de Tautonus ! (Il crache à son tour!)
_ D’accord, faut gagner sa vie, mais ça n’explique pas vos peurs ! On a l’impression que vous êtes tous fous !
_ Ah ! Parce que t’es pas au courant ! s’écrie la Machine. Il y a la forêt sombre, pleine de coupe-jarrets et de mystères !
_ Au plus profond d’elle vit le dragon ! explique encore Tautonus. Il est horrible et dévore tous ceux qui s’égarent !
_ Nul ne lui échappe ! grince la Machine.
_ Eh bien, je vais y aller voir ! dit Rank qui a fini de manger et qui s’essuie la bouche.
_ Comment ? s’exclame Tautonus. Mais tu es fou ! Tu n’en reviendras pas !
_ Laisse chou, coupe la Machine, Rank veut jouer les caïds ! Il faut qu’il fasse lui-même ses expériences et on va le voir revenir en pleurant, la queue entre les pattes ! Ah ! Ah ! »
Ils sortent tous les trois de l’auberge et Rank monte sur son cheval, pour se diriger vers la forêt… Tautonus, voyant Rank bien décidé, lui crie : « N’y va pas ! Tu vas t’ faire mettre en charpie ! » La Machine, elle, reste silencieuse et finalement Rank explique : « La nature nous a donné la conscience et c’est forcément un bien, un atout ! A quoi bon l’existence si nous sommes plus malheureux que les animaux ? Je vais donc aller dans la forêt voir de quoi il retourne ! Je vais demander des comptes à la vérité et à la peur ! Et vous savez quoi ? Je vais revenir rayonnant et rien ne me fera plus plaisir que d’apporter un peu de paix et d’espoir aux jeunes et aux enfants ! C’est votre hypocrisie le monstre ! »
révolution féminine féminisme égoïsme psy
Ajouter un commentaire