RAM O!
- Le 29/05/2021
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"Szell! C'est Szell!"
Marathon man
RAM contempla la plaine, sous le ciel noir... La bataille avait duré toute la journée et on s'était égorgé avec une furie extrême! Partout des corps enchevêtrés et des foyers qui se consumaient! Le sang tachait la terre et la souffrance restait figée sur les visages!
Le bruit du vent avait remplacé l'appel des cors, les cris de la hargne et les tintements de l'acier! L'ennemi avait fui, comme à présent les fumées! Sur son cheval qui s'ébroua, RAM pensa que le royaume était maintenant en sûreté et il rentra dans son château, alors qu'on enterrait les morts!
Quand il arriva, il fut assiégé par les prêtres, qui lui demandèrent une cérémonie, pour remercier leur dieu, et RAM fut soudain las! Les prêtres avaient le pouvoir sans combattre! Ils imposaient des règles, pour être les chefs! Ils demandaient une foi, des efforts, dont ils étaient eux-mêmes incapables!
"A partir de maintenant, leur dit RAM, le culte sera séparé de mon gouvernement! Vous ne bénéficierez plus de ma protection et croira qui voudra!" Ils furent scandalisés et menacèrent RAM de la pire vengeance divine, mais il n'en eut cure et fit plutôt appel à des savants, des chercheurs!
Ceux-ci s'empressèrent autour de lui, heureux de diffuser leur science! Ils lui ouvrirent l'abîme du temps! RAM se vit cousin du chimpanzé et venant d'Afrique! On lui expliqua qu'il avait une conscience, parce qu'il se tenait débout, et l'âge des premiers hominidés lui donna le vertige!
On lui parla encore de phyla, de l'arbre de vie, et la taille des dinosaures lui en imposa, alors qu'il songeait avec mélancolie qu'il eût pu être une algue, à la dérive dans la mer chaude! On fut plus circonspect quant à l'apparition de la vie, mais il en avait déjà assez!
Pourtant, on ne le lâcha pas et on partit sur le cosmos! On lui dit en riant qu'il habitait une planète sans doute comme tant d'autres et que de toute façon on était dans un univers constitué de milliards de galaxies et probablement né de l'excitation de particules!
RAM alors se tassa un peu plus sur son trône, mais on lui réservait le meilleur pour la fin! Savait-il que le temps dépendait du voyage de la lumière? Connaissait-il la matière noire, qui devait accélérer l'Univers malgré la gravitation? Et la mécanique quantique? A quel moment pouvait-t-on être sûr de la réalité d'un fait?
RAM, d'une voix faible, finit par demander à ceux qui le tourmentaient maintenant, par leur intelligence si brillante, comment ils faisaient pour ne pas se mettre à crier, face à l'absurdité, à l'abandon total que rencontrait l'homme! Ils répondirent qu'ils comptaient sur les progrès de la raison et RAM vit qu'ils ne se connaissaient pas du tout et qu'ils n'étaient que des enfants!
Il les renvoya et cette nuit-là, il eut un terrible cauchemar! Il était naufragé dans une mer noire et autour les vagues montraient leurs dents blanches! Il allait se noyer, quand il aperçut une bouée qui dansait! Il s'y accrocha de toutes ses forces, mais alors un éclair lui montra que ce n'était qu'une effigie de lui-même, avec un sourire grotesque!
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mardi 25 mai: sœur Sagesse est une femme médecin, qui va par les routes en marchant, pour soigner les gens et diminuer leurs peines! Elle arriva à RAM un soir d'orage!
Elle vit que les habitants souffraient d'une étrange maladie: ils devenaient de plus en plus durs et méchants! Leur haine était palpable! Leur mépris avait soif de frapper! N'avaient été les lois, ils s'eussent détruits entre eux! Pourtant, RAM regorgeait de richesses, mais c'était comme si une malédiction s'était abattue sur la ville!
Sagesse ne savait que faire et observa... La température, notamment, agissait sur les habitants comme un pressoir! Plus elle était basse et plus l'agressivité, elle, montait! Or, pendant des jours et des jours, un vent du nord souffla avec violence, détruisant les récoltes, grêlant les fleurs et donnant l'impression que nul ne comptait!
Pire, on s'aperçut que certains étaient définitivement changés en statues! On les voyait tels qu'ils avait été surpris! Un affreux rictus marquaient les uns, quand d'autres arboraient un air hagard, teinté de défi! C'était une vision de cauchemar, alors que la bise tourbillonnait! Les sourires n'existaient plus, mais au contraire les attitudes étaient de plus en plus martiales, car on ne comprenait pas le phénomène!
On n'établissait pas de liens entre le temps, la dureté des cœurs et les statues! Sagesse demeurait impuissante et eût-elle voulu intervenir, on l'aurait chassée! Elle assista donc à la troisième étape de la maladie! Les statues se brisaient! Elles tombaient en morceaux! Leurs têtes roulaient sur le sol! Et chose étrange, elles avaient quelques larmes!
Mais ce qui plongeait dans la stupeur, c'était que parmi les débris brillaient des joyaux! Evidemment, ils firent envie, mais, si on essayait de s'en saisir, on était vite déçu! La main les dispersait! leur donnait leur liberté! et sous l'œil médusé, ils s'échappaient avec le vent! Ainsi, RAM devint la ville du regret, de la plainte, des visages fermés!
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, même jour: non loin de RAM il existe un marais, dont l'eau est sombre, parmi les joncs que courbe le vent! L'endroit est désert, sous le ciel qui paraît toujours gris, et le silence n'est perturbé que par quelques cris d'oiseau!
Evidemment, les habitants de RAM ne viennent jamais par ici, car ils cherchent plutôt à briller entre eux et pourtant une curiosité se trouve au centre du marais! C'est un monticule effrayant, fait d'arbres tordus, comme s'ils criaient leur souffrance, et de plis de terre si creusés qu'ils ont l'air le fruit de quelque cataclysme; ce qui ne serait pas loin de la vérité!
En effet, les fermiers du coin racontent une histoire... Ils disent qu'il y avait là comme une sorte d'ermitage, mais son occupant ne se dévouait pas à Dieu, mais à la magie! Il était peut-être un ancien druide et en tout cas, il se répandait en invocations et semblait jeter des sorts!
Il aurait eu le pouvoir de commander les arbres et même le sol, car un matin on ne vit plus l'ermitage parmi les troncs et les bosses, mais dans une clairière parfaitement plane! Avait-on rêvé et que s'était-il passé par la suite, pour qu'on montre le monticule telle la tombe du magicien?
On peut imaginer celui-ci repoussant la forêt par sa puissance, en devenant le maître et rêvant d'installer des cités, qui auraient révéré son nom! Puis, cédant sous l'effort, il n'aurait pas pu empêcher le retour de la nature, pareil à celui de la mer! L'homme est-il capable de vaincre celle qui lui a donné le jour?
Bien sûr, voilà un énième conte naïf, de ceux qui conviennent au chant un peu triste de l'alouette et d'ailleurs, le lieu est menacé de destruction par RAM, car la ville ne cesse de s'étendre!
Journal de Jack Cariou, monde de RAM, jeudi 27 mai: connais-tu vraiment RAM? Après tout, ce n'est qu'une colonie d'hommes dans la nature! Des arbres et des fleurs, dans la ville, témoignent de notre environnement, comme les oiseaux!
Ah! Mais cette verdure est si domestiquée et autour, ce sont des champs et des champs! Où RAM n'est plus le maître, d'autant que ses avions sillonnent le ciel et ses bateaux la mer? RAM finit bien par croire qu'il domine le monde et non l'inverse!
Il se répète d'ailleurs ce message chaque jour, de toutes les manières possibles! Il se regarde dans son miroir, au point que la nature semble être secondaire, superfétatoire, à sa botte! RAM apparemment triomphe et d'où vient alors son angoisse, sa violence?
Mais RAM a des ennemis et il pense qu'ils sont l'obstacle à son bonheur, qu'il faut les vaincre pour être heureux! Sacré RAM! Il veut garder ses illusions! Il rabâche et il ne voit même pas que le ciel se moque de lui!
En effet, les nuages qui passent sont bien plus réels que l'agitation de RAM! Ces titans de coton qui filent donnent à la ville la dimension d'une maquette! Et les tempêtes à venir, c'est la nature qui marche sur RAM! Va-t-il enfin se remettre en question?
Cariou ailleurs... Je retourne chez Sacripante... et je trouve la porte ouverte! Mon ami est là dans le salon, couché sur sol, avec le crâne défoncé, à en juger par le sang qui en a coulé!
Sur le mur, il y a une inscription grossière: "L'insolence est payée!" Cela ressemble à une farce sinistre, mais il ne faut jamais oublier que la domination est aussi créée par la peur et que celle-ci peut conduire aux gestes les plus désespérés, les plus violents!
Quelques DTN auront suivi Sacripante et lui auront réglé son compte! Combien ne sont pas malades, trônant dans leur rêve, implacables devant la menace? A côté du corps se trouve le brouilleur, en miettes, mais, en y regardant de plus près, je m'aperçois que ce n'est pas l'appareil en question! Sacripante aura-t-il été génial jusqu'au bout?
Je fais le tour de la pièce des yeux et je me rappelle combien l'Italien avait l'amour des livres! Je repère sans trop de peine la Divine comédie de Dante, juste à côté de Si c'est un homme de Primo Levi! Ce n'est pas un mauvais voisinage et je bascule les livres vers moi. Bingo! Le brouilleur est derrière... et c'est la distinction de Sacripante qui m'a guidé!
Mais je quitte l'appartement en colère, car ceux qui sont dehors ne valent pas mon ami! Je voudrais confondre l'hypocrisie qui m'entoure, la mettre à bas! Le soi-disant équilibre de la société n'existe pas! Il est uniquement fondé sur la domination, ce qui veut dire que nous nous piétinons les uns les autres, en rendant au final la vie impossible!
Ce que nous appelons équilibre, c'est le sentiment de notre supériorité, sur le tas de nos victimes! Or, le brouilleur parasite la puce cérébrale, de sorte que l'individu a le sentiment d'être propulsé en pleine nature, ce qui réduit évidemment à néant et en un instant sa domination! J'utilise l'appareil comme une mitraillette, pour soulager ma rage, et les réactions ne se font pas attendre!
La panique produit aussitôt la haine et on ne rêve plus que de me détruire! Mais je n'en ai cure, car c'est la faute des gens s'ils n'ont pas plus de réalité! Par peur essentiellement, ils ne veulent absolument pas explorer la spiritualité et ne s'en remettent qu'à leur égoïsme, d'où leur superficialité, leur petitesse!
Pourtant, soudain, un Bob s'arrête brusquement à ma hauteur et avant de m'en rendre compte, je suis poussé dedans par deux malabars!
"Mais enfin où m'emmenez-vous?" "La ferme!" Cela a au moins le mérite d'être clair et nous entrons bientôt dans le parc d'une maison cossue! Puis, me voilà conduit dans un salon richement meublé, devant un grand type sec, la soixantaine dépassée! Il prend le brouilleur que lui tend un de ses hommes, l'examine une seconde, avant de se tourner vers moi...
"Je vais te raconter une histoire, me dit-il. Aujourd'hui, je suis à la retraite... Enfin, je vis de mes rentes, de celles qui viennent de mon bisness... Et là, surprise, je prends conscience que la seule chose qui me reste en définitive, c'est mon amour-propre! Je veux toujours avoir raison et l'impression que je contrôle tout! C'est plus fort que moi!
_ D'où aussi sans doute une peur atroce du ridicule! je coupe.
_ J'étais sûr que tu s'rais intelligent! Or, ton... gadget, subitement, a fait le vide sous mes pieds! J'étais dans la rue tout à l'heure et je me suis vu avec la taille d'un atome! Insupportable! Je confisque donc l'objet et Pierrot va te donner une leçon!
_ Avec plaisir patron! C'est du petit bourgeois, sans cals dans les mains, quasiment du sorbet!
_ Bien, mais ne le tue pas!"
Le premier coup m'arrive au plexus et la douleur irradie, comme si j'avais avalé un champignon nucléaire! Puis, le programme de lavage commence, mais, avant de sombrer, j'entends encore tout de même la petite voix de Julie, ainsi qu'un écho qui meurt, me murmurer: "Tu aurais p't'-être dû essayer le rameau d'olivier!"
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