Les enfants Doms (XIX-XXIII)
- Le 03/09/2022
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XIX
Le professeur Ratamor se réveilla dans une chambre d'hôpital, blanche, propre, fleurie, aérée! Il se sentait bien, reposé, et il se demanda pourquoi on ne vivait pas constamment sous l'effet des médicaments! Car il s'en rappelait: on lui avait fait prendre des tranquillisants!
A cet instant, son collègue, le psychologue Gonflux, entra discrètement et d'une petite voix inquiète fit: "Alors, ça va?
_ Comme un charme! J'ai hâte de retrouver l'Université!
_ Hum! Le psychiatre, qui commande ce service, m'a dit qu'il souhaiterait te garder un peu, pour ton bien évidemment, tant que Piccolo serait ton obsession!
_ Qui c'est Piccolo? Fi de ce morveux! Je retourne à mes chères études et je vais frapper fort!
_ Oh! Eh bien..."
La porte était restée ouverte et une petite dame entra... "Bonjour, dit-elle.
_ Bonjour, répondirent poliment les deux hommes.
_ Vous voulez voir mon bébé?"
La petite dame tenait visiblement quelque chose d'emmailloté... "Volontiers! dit Ratamor.
_ Pour l'instant, il dort, expliqua la dame, qui se mit à défaire le linge qui couvrait son enfant et un marteau apparut!
_ Aaaaah! Ah! Hum!
_ Il s'appelle Jack Cariou!
_ Madame Birkel, vous ne devez pas déranger ces messieurs! dit une infirmière, qui apparaissait maintenant dans l'ouverture de la porte...
_ Je voulais leur montrer mon bébé!
_ Eh bien, c'est fait! Allez venez!"
Madame Birkel, l'ancienne directrice de l'île des Fous, obéit docilement et la porte se referma derrière elle! "Ben ça! fit Ratamor. Complètement marteau, la pauvre vieille!
_ Tiens, je t'ai apporté une lettre... Elle était dans ton casier...
_ Oh! Donne! Je l'attendais avec impatience!
_ Qu'est-ce que c'est? fit Gonflux soudain inquiet!
_ C'est le génome de Piccolo! J'ai recueilli son ADN et je l'ai fait analyser!
_ Mais... pourquoi?
_ Mais pour trouver la faille, pardi! Tu vois un peu que le garçon ait une maladie génétique! Comme cela me serait doux! Peux-tu sortir mes vêtements du placard? La chasse reprend!"
Gonflux ne disait rien et regardait ses chaussures!
XX
"Nuit! Nuit!" criaient les partisans de monsieur Nuit! C'était l'une de ces nombreuses manifestations organisées par le parti du candidat! Les Loups y assuraient la sécurité et le général Mécontent, avec ses soldats, avait rejoint le mouvement! Tout cela donnait dans la rue beaucoup de solennité, de gravité, mais aussi beaucoup de colère et de menaces! On voulait montrer qu'on avait le sérieux pour gouverner, mais encore on avertissait que les choses allaient changer, qu'on ferait le ménage et que l'ordre serait la priorité!
La situation économique de RAM en effet ne cessait de se dégrader et l'insécurité allait croissant! On parlait des étrangers comme de la source de tous les maux et on voyait leur départ telle une délivrance! On était également horrifié par la dérive des finances publiques et on resserrerait les boulons, pour une gestion saine, des comptes justes et qui ne feraient que payer le travail! Bref, on se leurrait toujours autant sur soi et la situation, comme si les époques ne changeaient pas, avec leur complexité, et qu'il y eut un âge d'or, où l'on put tout contrôler et être heureux!
Car au fond les motivations des partisans de monsieur Nuit avaient deux origines: une peur profonde de la vie et une soif de pouvoir démesurée! D'un côté, une inquiétude comme un aiguillon, harassante! De l'autre, un orgueil abyssal, une domination malade! Il y avait là un couple maintenant bien connu, infernal et qui s'entraînait, s'amplifiait mutuellement! Pour ne plus avoir peur, on veut sentir sa puissance et commander le monde, ce qui conduit à le rejeter tel qu'il est et à nourrir les craintes qu'il peut susciter! C'est un cercle vicieux et autrement dit, l'élection de monsieur Nuit n'apporterait aucun réel changement, mais comme d'habitude elle ne serait qu'un pis-aller face aux événements!
A l'opposé, Yumi Tanaka, la figure des pauvres de RAM, voyait cette montée de la droite comme un danger, quasiment telle une tragédie! Le parti des nantis cherchait à durcir la situation, pour se mettre à l'abri et continuer à s'enrichir! La fracture sociale ne pouvait que s'accentuer et Tanaka était très sensible à la souffrance de ceux qui l'entouraient! Notamment, que des femmes, caissières ou boulangères, fussent détruites par leur travail éreintant, face à des clients de plus en plus incivils, la mettait hors d'elle, comme l'inaccessibilité de certains soins pour les familles aux revenus modestes!
Elle alla donc voir son "chef", Dramatov, pour le pousser à poser sa candidature, mais celui-ci ne voulait en aucun cas se plier aux règles de la démocratie, au résultat d'un vote! Il imaginait faire table rase, recommencer sur une page blanche et il avait une vision anarchiste que ne comprenait pas Tanaka, qu'elle jugeait stérile et surtout égocentrique, car que devenaient les pauvres dans ce bras de fer avec le pouvoir, qui n'était en définitive qu'une fuite en avant! "Qu'est-ce qu'une société sans ordre, sans lois, ni institutions?" se demandait Tanaka.
Elle dut donc se séparer de Dramatov, tant celui-ci était exclusif, et elle décida de se présenter elle-même à la présidence! Elle pouvait compter sur le soutien des délaissés de RAM et son engagement était encore connu des syndicats, mais ce n'était pas suffisant et elle approcha le député de gauche Durin, qui vit bientôt là une belle opportunité, puisque Tanaka, en porte-parole de bien des minorités, apportait du sang neuf, alors que Nuit semblait le dernier souffle d'un ancien monde sclérosé! Par conséquent, on conclut également de ce côté-ci un accord, dont Durin était bien entendu le guide, ce qui lui permettrait plus tard d'obtenir la part du lion!
Mais, dès les premières escarmouches avec le parti adverse, Tanaka fut blessée dans son amour-propre et une haine profonde, viscérale à l'égard des riches, l'emplit toute entière et la fit inéluctablement ressembler à ses ennemis! Entre elle et eux, il n'y avait plus qu'une différence de moyens, de statut social et le salut, la victoire pour Tanaka ne devint possible qu'à condition qu'on détruisît les profiteurs, les privilégiés et sans s'en douter, la candidate suivait le chemin de Dramatov!
Quand on a à manger, c'est en effet notre amour-propre qui s'inquiète! Nous ne supportons pas que d'autres aient plus, car nous avons l'impression d'être floués! Ce que nous appelons justice sociale n'est que le cri de notre vengeance! Il faut donc que notre domination s'apaise autrement, qu'elle trouve sa grandeur, son plaisir ailleurs, car qu'importe le riche, puisqu'il n'est pas heureux!
Si une meilleure répartition des richesses est nécessaire, la haine ruine tout progrès!
XXI
Cariou était vaguement inquiet et il n'osait rentrer chez lui, car il ne devait pas être surprenant qu'on le recherchât, lui et son arme mystérieuse, après le suicide de Dominator! Il errait donc, en proie à ses réflexions, quand il croisa une maman qui poussait son bébé! Le tableau était attendrissant et quand il eut souri à la mère, Cariou voulut en faire autant avec le bébé, mais celui-ci avait un étrange regard, comme si on lui avait percé les yeux! Cariou n'y voyait aucune vie, mais au contraire une sourde hostilité, qui l'étonna et l'entraîna plus loin!
"Se peut-il, se demandait Cariou, que le mal des enfants Doms puisse atteindre les bébés mêmes? La lumière serait-elle étouffée dès la naissance, par la haine, la peur des parents à l'égard du monde et dont le nouveau-né ferait les frais?" Soudain, le sol se déroba sous les pieds de Cariou et il fut entraîné par un flot qui ressemblait à du mercure! On allait vers les yeux du bébé pareils à deux gouffres insondables!
Il n'y avait plus de ciel, ni d'arbres, ni d'oiseaux, ni de fleurs! Tout était gris, désespéré, méchant même! Il ne faisait aucun doute que le bébé, malgré sa petite taille, voulait engloutir Cariou! Comment une haine pouvait-elle être aussi précoce? Cariou dégaina son LAL, car il n'avait pas d'autre choix! Quand il fut assez près, il tira et le bébé se tortilla! Sans doute n'avait-il pas encore de sentiments formés! Il n'était qu'une réponse sombre, méprisante à un monde sans sourires, sans lumière, sans affection ni joie!
Le bébé se mit à crier, comme si tout ce qui lui avait manqué ressortait! C'était une longue plainte pour tout le mal qu'il avait subi! Mais il ne s'agissait pas de maltraitance, c'était une atmosphère sourde, oppressante, tendue, nue, qui avait pesé, enlevé à cet enfant tout espoir, même si son cerveau était encore incapable d'avoir des idées! Et les parents n'étaient pas seuls en cause, puisque eux aussi avaient dû être broyés par leur époque!
La fureur avait maintenant remplacé les pleurs! Le bébé était devenu gigantesque et cherchait à atteindre Cariou! On avait osé le déranger, car il se croyait le maître! Il avait déjà jugé son monde, à sa manière, et on devait lui obéir! Sa menotte, tel un marteau-pilon s'abattait près de Cariou, qui esquivait! Ses yeux vides avaient l'éclat du mica! Mais personne ne peut résister à la lumière! Et le bébé appelait aussi ses parents à son secours, comme cela lui était naturel!
Puis, un sommeil profond s'empara de son être, à la suite de son effort! Il était retourné dans sa nuit, qu'il ne quittait pas vraiment! Que deviendrait-il? Un super enfant Dom? Qu'est-ce que c'était que cette société, qui donnait naissance à des bouts d'ombres, à des bambins remplis d'obscurité? Le temps du sourire n'était plus! La mort habitait ces bébés et ils la répandraient!
Cariou rangea son arme et reprit son chemin, alors que le ciel était de nouveau là et les choses de la vie! Mais il n'en avait pas fini, car il s'aperçut qu'un petit homme le suivait maladroitement! Celui-ci était chauve et légèrement dodu, si bien qu'il rappelait un chou à la crème! Il n'arrivait pas à se fondre dans le paysage, comme s'il avait eu trop peur de perdre Cariou, qui décida de l'attendre derrière un angle!
Le bonhomme sursauta quand il aperçut Cariou, mais, plus faible physiquement, il se laissa coincer contre le mur! "Quoi? Qu'est-ce qu'il y a? cria-t-il. Vous n'avez pas le droit d'agresser les gens comme ça!
_ Pourquoi vous me suivez?
_ Moi? Vous suivre? Vous êtes malade dans votre tête?"
Cariou décida de changer de ton, de s'adapter à la situation: "Déballe ou t'auras l'air d'une tomate mûre!" Le style malfrat convenait mieux et après avoir avalé sa salive, le chou à la crème lâcha: "D'accord, d'accord, j'suis détective privé! J' fais rien d'illégal!
_ Qui t'as chargé d' me filocher?
_ J' peux pas vous dire! L' client, c'est sacré!
_ De nouveau, j' te vois marron à cause des hématomes!
_ Ben, disons que je travaille pour un gars qui voudrait venger sa tante!
_ Ortaf?
_ J'ai rien dit!"
Soudain, Cariou sortit son LAL! "Eh! Cariou! s'emporta le petit homme. Vous n'allez pas me descendre comme ça, de sang-froid? C' s'rait pas correct! Hein?" Cariou ne répondit pas, mais il comprenait que le détective n'était pas vraiment méchant et qu'il avait surtout peur! Le LAL révélerait sa lumière, sans l'anéantir lui-même!
Cariou tira et l'homme se figea comme une statue! Puis, on entendit une petite voix qui appelait: "Eh! Cariou! Je suis là! Mais comment diable avez-vous su?
_ C'est mon job! Alors, vous vivez là... et depuis longtemps je suppose? demanda Cariou, qui maintenant était penché sur le genou du détective, là d'où venait la voix!
_ Mais il me semble que c'est depuis toujours! Oh! J'ai apparemment tout ce qu'il me faut ici: une lampe à l'huile et un jambon suspendu!
_ C'est pas une vie! La mort va venir et jamais vous n'aurez été vous-même! On ne revient pas, vous savez?
_ C'est que j'ai eu peur de ma femme! Elle était ambitieuse, belle! J' faisais pas le poids... et j' suis venu me réfugier ici! Remarquez que j'ai continué à lui obéir et que j'en ai tiré des satisfactions! J'ai été un commerçant reconnu!
_ La belle affaire! Car le meilleur de vous est resté caché! C'est lui qui aurait pu vous rendre heureux!
_ Vous avez raison! J'ai fait semblant..., mais il est trop tard maintenant!
_ Il n'est jamais trop tard! Essayez de sortir, de goûter à la clarté, à la vérité! C'est difficile, mais rien d'autre ne vaut le coup!
_ Vous me donnez envie de le faire..."
Cariou s'en alla, en songeant à tous ceux qui refusaient la lumière et que le gouffre du temps engloutissait!
XXII
Andrea Fiala était devant une personne de l'administration... Elle avait été convoquée pour régulariser sa situation et il est vrai que, depuis la fin de l'OED, elle devait être sans statut particulier! Mais elle soupçonnait que cet entretien ne fût qu'un prétexte et que d'une manière détournée on cherchât par elle à retrouver Cariou! N'était-il pas impliqué dans le suicide de Dominator et surtout ne disposait-il pas d'une arme redoutable? Celle-ci devait attirer bien des convoitises!
A propos du LAL, Andrea possédait le sien! Jack lui avait donné le deuxième qu'il avait fabriqué, en lui expliquant comment il fonctionnait et quels résultats elle pouvait en attendre! C'était un peu l'âme de Macamo qui l'accompagnait maintenant partout! Cependant, elle ne s'était pas faite à l'holster, mais elle gardait le LAL dans son sac à mains, comme un flacon de parfum nécessaire! D'ailleurs, pour l'instant, si elle répondait volontiers à la femme qui lui demandait tout son état civil, elle était de plus en plus dégoûtée par ce qu'elle voyait!
L'employée de l'administration était massive, énorme même, ce qui était bien entendu un malheur et non une chose répréhensible, mais cela ne faisait qu'ajouter au mur que constituait déjà son regard! Andrea avait beaucoup appris de Cariou et il lui avait montré avec quel degré on pouvait enfermer la lumière! La plupart ne parvenait pas vraiment à la cacher, mais ils ne faisaient que détourner l'attention sur autre chose qu'elle! Par exemple, un tic, une paupière baissée, l'arête du nez ou même une dent brillante, une bague en or pouvaient jouer le rôle du leurre!
C'était le degré le moins dur, le plus inoffensif, mais chez beaucoup d'autres on était face à un véritable défi! Ici, la lumière était niée radicalement, sans artifices! Le regard formait un mur impénétrable, sans âme! La lumière était invisible et c'était l'individu qui commandait absolument! Il était le maître souverain, comme s'il était éternel! Sa sécheresse, sa dureté étaient évidentes et ces personnes broyaient le monde! Malheur à ceux qui osaient les irriter, ne pas les prendre au sérieux!
Andrea jugea qu'elle avait affaire à ce que Jack aurait appelé une cocotte-minute! La lumière n'y était pas plus qu'un légume sous pression! On avait vissé sur elle un couvercle avec une poigne de fer et Andrea devait supporter cela tout en restant polie! Combien de fois n'avait-elle pas été dans ce genre de situation où on donnait, car on était le plus intelligent, pour la paix du monde, pour ainsi dire, mais où on ne recevait rien en échange, juste la satisfaction ne pas avoir mis l'autre en colère?
C'était trop peu pour Andrea qui n'avait plus peur! Peut-être vieillissait-elle ou trouvait-elle que les temps avaient changé? N'était-ce pas plutôt qu'elle mûrissait, qu'elle était plus sûre d'elle et qu'elle ne voulait plus qu'on massacrât ainsi la lumière, comme si celle-ci et donc Andrea également, puisqu'elle l'aimait, n'existaient pas? Qu'il y avait-il de plus triste au fond que de faire toujours semblant, d'autant que cela n'arrangeait rien? Andrea, le plus tranquillement du monde, sortit son arme et tira!
L'employée se figea! Le LAL détruisait le mur qu'elle avait construit! Soudain, un masque affreux, épouvantable, méchant s'échappa de son visage et essaya de mordre, de dévorer Andrea, mais il n'était déjà plus que fumée et il disparut! Il ne restait sur le siège qu'une petite fille honteuse de sa graisse! "C'est pour ça que tu hais la lumière, demanda Andrea, parce que tu n'es pas belle?" La petite fille ne répondit rien, elle boudait encore et Andrea se leva pour partir!
"Ne t'en va pas!" cria la petite fille, qui jetait autour d'elle des regards apeurés, comme si elle craignait un juge et effectivement elle était bien nue à présent! "Si je m'en vais! répliqua Andrea, car tu sais que la haine et l'orgueil ne sont pas une solution! Et combien tu n'en as pas brisés ici? Combien ne te demandaient pas juste un peu d'eau, avant que tu ne les piétines? Et tout ça pourquoi? Pour quelques kilos en trop?"
Andrea quitta la pièce, sans se retourner!
XXIII
Owen Sullivan, le patron d'Adofusion, était choqué! Ce qu'il avait vécu dans le Métavers, ces enfants dans leur bulle, tout puissants, cruels, dans un monde en ruines et transformé en désert, l'avait profondément retourné! On était loin des leçons du Magicien sur la beauté et dont Sullivan avait bien profité, au point de changer quasiment radicalement! D'accord, le programme avait montré combien la nature était en danger, à cause de l'avidité, de la folie des hommes, mais qui étaient ces enfants qui commandaient même la pensée? Qu'avait voulu dire Macamo?
Sullivan consulta le dossier de son ancien collaborateur, à la recherche de quelqu'un qui aurait pu le renseigner et il vit que Macamo, avant Adofusion, travaillait pour l'OED, une entreprise dont malheureusement on ne disait rien! Sullivan n'avait qu'une adresse et il s'y rendit, pour ne trouver apparemment personne! La porte des lieux restait muette, mais, en frappant un peu fort dessus, elle s'ouvrit! Sullivan passa la tête, demanda s'il y avait quelqu'un et décida, devant ce qu'il voyait, de pénétrer totalement! En effet, le bureau avait été mis à sac et Sullivan marchait sur des débris!
Il passa cependant un sas, dont il reconnut la haute technologie et son intérêt redoubla! Mais partout on retrouvait la même scène de désolation et Sullivan se demanda s'il n'arrivait pas trop tard! Un passage dérobé réveilla son attention et il s'y engouffra, d'autant que lui parvenait maintenant de la musique! Il monta un escalier et déboucha sur un parking privé, d'où les autociels pouvaient s'envoler, mais le saccage avait même continué ici, car deux véhicules gisaient cabossés! Cependant, entre eux se trouvait visiblement du mobilier de l'OED et il servait à présent d'amusement!
Deux jeunes, galvanisés par des paroles guerrières, sautaient sur un divan, comme s'ils avaient voulu piétiner cet attribut bourgeois, et la colère s'empara de Sullivan! "Qui êtes-vous?" demanda-t-il, quand il fut assez près pour éteindre la musique! "Nous?" firent les ados d'abord interloqués, puis ils prirent un air faussement modeste et même sournois, pour répondre: "Mais nous sommes les Numériques!
_ Les Numériques?
_ Mais oui, les Numériques, riques, riques! Hi Hi!"
Les ados se mirent à faire des galipettes, sous les yeux effarés de Sullivan! "Se peut-il, se demanda celui-ci, que je sois toujours dans le Métavers? par je ne sais quel incident technologique ou de ma conscience?" Cette pensée lui donna le vertige, la nausée, mais il se raisonna: "Non je suis bien venu ici réellement et ces gamins n'ont rien de numérique!" Pourtant, quand il les regarda attentivement, il s'aperçut qu'ils avaient déjà été transformés par la chirurgie esthétique et qu'ils ressemblaient à des poupées! La fille surtout, mais le garçon était particulièrement lisse et tous deux effectivement auraient très bien pu être les personnages d'un jeu vidéo, tant ceux-ci paraissent exempts de défauts et artificiels!
"Arrêtez vos bêtises! s'écria Sullivan, qui s'énervait parce qu'il était toujours mal à l'aise! Vous n'êtes pas plus numériques que moi et il va falloir m'expliquer ce que vous faites ici, dans un endroit privé!
_ C'est qu'il est méchant le monsieur! fit le garçon.
_ Oui, approuva la fille, c'est parce qu'il ne connaît pas encore nos followers! On va les lui montrer!"
La garçon acquiesça et la fille prit Sullivan par la main, pour l'amener plus vers le fond du parking, où le patron d'Adofusion eut un haut le cœur, en découvrant tout un parterre de petites bêtes noires et velues, aux dents saillantes et jaunies et dont les yeux apparemment aveugles renforçaient l'aspect menaçant! "C'est notre public quand nous dansons et que vous avez dérangé! expliqua le garçon.
_ C'est cela, renchérit la fille et maintenant l'heure des comptes a sonné!"
Une bête, puis une autre et encore une autre commencèrent à dire: "RAM! RAM!" et ce fut comme un signal de ralliement et de combat! Sullivan s'enfuit, courut vers l'ouverture du parking, qui donnait sur le vide, se pencha, aperçut une autociel garée quelques mètres plus bas et sauta sur son toit, car il avait plus peur des créatures que de rater le véhicule!
Celui-ci était ouvert et Sullivan s'y installa au volant, puis démarra! Ce qui se passait derrière, il ne voulait pas le savoir!
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