Les enfants Doms (T3, 16-20)

  • Le 29/07/2023
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Doms62

 

 

             "Ils n'ont pas besoin de Dieu...."

                                  Stalker

 

                                     16

      L’ego est mort et il monte vers Dieu ! Il rejoint une file d’autres egos, qui attendent devant une porte ! A mesure qu’il s’en approche, l’ego devient nerveux et il vérifie que sa cravate est bien nouée, que ses chaussures sont impeccables et que le complet dans lequel il a été enterré n’est pas trop froissé ! Puis, c’est sont tour et il avance dans la pièce, alors que Dieu lui fait signe de s’asseoir, sans pour autant lever la tête ! Un ange passe et enfin Dieu regarde l’ego et lui sourit ! C’est rassurant et l’ego sourit aussi !

     « J’suis bien content d’ te voir ! fait Dieu à l’ego. Tu sais, y en aurait que des comme toi et j’ pourrais prendre des vacances ! » L’ego a un geste comme pour dire : « Mais c’est naturel, voyons ! » « Oh ! Mais ne te sous-estime pas ! reprend Dieu. Tu es une perle ! Si ! Si ! J’ai là sous les yeux ton dossier… et il est exemplaire ! Voyons… Tu fais toutes tes prières ! Il n’en manque pas une seule, où qu’ tu sois ! Chapeau !

_ J’ voulais pas vous décevoir !

_ J’ vois ça ! enchaîne Dieu, qui a soudain un geste brusque, qui fait sursauter l’ego. Et les rites ! Tu les as tous suivis !

_ Ah ça…

_ C’est bien simple, tu es le scrupule incarné !

_ N’exagérons rien…

_ Ah ! Pardon ! Y a trente ans, tu t’ souviens ? Tu l’ voulais c’ biscuit ! Il était doré à point, tellement qu’il te faisait les yeux doux ! Mais toi, t’es resté ferme, dis donc ! T’as pas cédé ! La règle disait : jeûne et l’ biscuit, il est resté tout seul ! Il en a pleuré d’ chagrin !

_ Ah ! Ah !

_ Ah ! Ah ! C’est une souris qui l’a eu ! Et crac ! Dame, j’ nourris tout l’ monde !

_ C’est bien normal…

_ Y a quand même des choses, l’ego, qui sont un peu gênantes dans l’ dossier…

_ Ah ? Lesquelles ?

_ Ben, t’aurais insulté, menacé des femmes…

_ Mais elles étaient habillées comme des prostituées ! Elles t’insultaient !

_ Tu veux dire que tu as agis en mon nom ? Tu n’ penses pas que je peux me débrouiller seul ?

_ Si, si ! Bien entendu ! Mais ça m’a révolté !

_ T’as voulu faire ma police, c’est ça ?

_ Voilà ! J’ai tenu à ce qu’on respecte le règlement !

_ Y a aussi cette affaire d’ambassade ! T’as aidé à y mettre le feu !

_ Ils vous respectaient pas ! Maudits soient les athées, les impies !

_ Du calme ! Du calme ! Je vais te donner une bonne note… et je vais même aller plus loin ! Exceptionnellement, tu vas rester pour le cas suivant, car je tiens à te montrer comment je suis mal servi, d’accord ?

_ Très bien…

_ Tu prends la chaise qui est en retrait… et tu vas voir, on va bien rigoler ! Suivant ! »

La lumière entre… « Assieds-toi, lui dit Dieu, et autant te le dire tout d’ suite, j’aimerais avoir quelques explications !

_ Rien ne doit être caché ! répond la lumière.

_ Je vois que tu connais tes classiques ! Justement, tu aimes ma parole, tu t’en nourris et tu deviens une sorte de paria ! Ça commence dans ta famille ! Tu cherches la vérité et te voilà en porte à faux avec tes proches !

_ Oui, ça a été douloureux !

_ C’est un euphémisme, car tu donnes vraiment l’impression de t’amputer d’un membre, comme l’animal qui échappe au piège !

_ J’ avais ton amour dans l’ cœur et je ne le retrouvais pas autour de moi !

_ Tu m’ tutoies ?

_ Il manqu’rait plus que moi, ton enfant, j’ te parle avec cérémonie !

_ Tu vas m’ faire pleurer, grand dadais ! Mais ta peine ne s’arrête pas là ! Te voilà errant, anonyme, méprisé, piétiné, durant des années ! Sans haine ! Tu encaisses tout, par amour pour moi !

_ La foi, c’est la confiance ! Comment aurais-je pu montrer ma confiance, si j’avais laissé aller ma haine ? C’est ton monde et tu fais ce que tu veux !

_ Et tu fais pas tes prières ? Et tu n’observes pas les rites de la religion ?

_ Pourquoi faire ? Ma vie est une prière !

_ T’entends ça, l’ego ? Toi, tu m’as toujours pris pour un maître d’école ! Et les efforts sur toi, nada ! Du moment qu’ t’étais en règle, tu voulais commander, avoir les biftons et ne pas t’ gêner avec ta haine ! Où tu as montré que t’avais la foi, la confiance ? Au contraire, tu t’es défié d’ moi, en ne manquant surtout pas une prière ! Comme si j’étais un comptable !

_ Mais je…

_ Qui m’a aimé, qui m’a insulté ? La lumière a perdu sa vie pour moi ! Par son abnégation, elle a montré combien je pouvais être puissant ! Toi, l’ego, par ta colère, ta dureté, ta justice impitoyable, tu m’as fait voir comme un despote capricieux, faible, sadique même ! Tu es la lie des serviteurs ! Débarrasse-moi, l’ plancher ! J’ veux plus t’ voir ! »

                                                                                                      17

     La lumière est en vacances et elle voyage en paquebot ! Elle rayonne sur le pont et s’approche d’un couple d’egos, qui se prélasse sur des transats ! « Bonjour ! fait la lumière.

_ Bonjour, bonjour ! répond le couple.

_ Comme c’est merveilleux ! enchaîne la femme.

_ Ouais, y a plus qu’à buller ! rajoute l’homme.

_ Oh ! Oh ! coupe la femme. De toute façon, tu n’ fais pas grand-chose le reste de l’année !

_ Pourquoi tu dis ça ? s’indigne le mari. J’ travaille au magasin tout comme toi !

_ Oui, oh ! Ah ! Ah ! Disons que tu fais acte de présence ! Tu roules des mécaniques à la caisse, mais les commandes, la gestion et même le nettoyage, c’est moi !

_ Et voilà que tu recommences ! Et devant un étranger en plus !

_ J’en ai marre ! J’en ai marre ! Tu peux pas comprendre ça ! D’ailleurs, c’est fini, j’ vais d’mander le divorce ! »

     La femme se lève et s’en va, laissant son mari atterré. La lumière ne s’attarde pas et reprend sa promenade… Elle croise un sportif, qui s’entraîne à prendre des départs et qui a l’air très sérieux ! La lumière est impressionnée, mais elle n’a encore rien vu, car le sportif essaye maintenant quelque chose d’incroyablement dangereux ! Le voilà qui se met en équilibre sur le bastingage, ce qui est complètement absurde, car le risque est de tomber à l’eau ! Le sportif oscille un peu et chute effectivement dans la mer ! L’alerte est donnée, un canot est descendu et les recherches commencent, mais elles sont interrompues par la nuit ! Tout le monde parle du drame et n’en revient pas !

     Le lendemain, la lumière respire l’air frais du matin et admire la grâce d’un oiseau marin, quand elle entend une sorte de prédicateur, parlant à un petit groupe ! « Dieu est amour ! dit le prédicateur d’une voix suave. Et vous êtes tous ses enfants ! » La communion semble complète entre l’orateur et son auditoire, ce qui pousse naturellement la lumière à se mêler au groupe, mais soudain il y a un changement de ton ! Le prédicateur se met à crier : « Bande de salopards ! Tas d’ordures ! Non mais, regardez-vous ! Vous vivez dans la bauge, loin de toute sainteté ! J’ vais vous redresser à coups de trique ! Vous allez marcher selon la loi du Seigneur, c’est moi qui vous l’dis !

_ Dieu est amour ! rappelle la lumière. Ne l’oubliez pas !

_ Non mais, je rêve ! Un porc qui m’ fait la leçon ! T’as aucun respect pour l’ sacré ! Et Dieu n’aime que ceux qui l’ respectent !

_ « Aimez ceux qui vous haïssent ! » demande-t-il et lui en s’rait incapable ?

_ J’ vous aurai tous ! J’ vous f’rai tous crever ! Les uns après les autres ! »

     Tous s’enfuient devant une telle haine et la lumière se remet de ses émotions un peu plus loin, où il y a une famille, spectacle charmant ! Une petite fille joue au croquet avec son père manifestement et elle dit : « Papa, y a des gens qui ont des cabines plus grandes que nous !

_ Ce sont les riches, ma chérie…

_ Et pourquoi nous, on n’est pas riches ?

_ Parce que nous, nous respectons les gens…, alors que les riches les exploitent, les traitent comme des esclaves ! »

     La lumière, surpris par ce « chant » de la justice sociale, vient plus près et se place tel un curieux bienveillant ! Mais alors le père se rembrunit et d’une voix sourde, il jette : « Mais t’inquiète pas, ma petite fille ! Un jour, les riches, on les f’ra tomber ! On les brisera comme ça ! » et il casse sa canne de croquet, sous les yeux stupéfaits de sa fille !

     Déçue, la lumière s’en va, mais elle n’a pas fait quelques pas qu’elle est bousculée par un Noir ! Encore choquée, elle voit des Blancs lui passer brusquement devant, à la poursuite du Noir ! « Au voleur ! crient certains. Qu’on le pende ! »

     Là-bas, il y a bientôt un attroupement et l’horreur se déchaîne, puisque le Noir est effectivement pendu à une passerelle ! Cela s’est passé si vite que la lumière n’a pu intervenir et elle regarde ces visages laids et comme ivres !

     Mais ainsi va la lumière en été : elle gonfle les humains comme les fleurs et l’ego montre tout son mensonge et sa folie !

                                                                                                    18

     Deux Narcissos discutent autour d’un feu, dans la nuit ! Les Narcissos sont des supers egos ! Alors que le monde est sans repères, rongé par le chaos, soumis à la violence et apparemment dépourvu d’avenir, à cause du réchauffement, l’ego se raccroche à lui-même, comme un naufragé à son radeau ! Si en plus il est jeune et donc fragile, il se crée une bulle d’égoïsme, où il ne recherche que lui-même : c’est le Narcisso !

     Véritable monstre des temps nouveaux, le Narcisso a tout de même quelques excuses ! S’il regarde à gauche, il est effrayé par des gens hargneux et haineux, qui croient naïvement que tout le malheur vient des riches et des profiteurs ! S’il regarde à droite, il voit un marécage avec des crocodiles, qui disent des énormités sur la morale ou les démocraties ! Quant aux idées, à la vie intellectuelle, elle se résume à des plagiats non avoués, par des auteurs précieux, qui se noient dans un verre d’eau ! Par exemple, les expressions « Coopérez » ou « Les liens qui libèrent » sont utilisées pour ne pas dire : « Aimez-vous les uns les autres ! », ce qui est éminemment plus fort et plus vrai !

     De toute façon, le Narcisso se juge entouré de Boomers, les responsables de son malheur, de sa situation périlleuse et même sans issue ! Le repli sur soi s’impose donc, car la confiance est impossible et on devient un monde psychique à part, telle une citadelle isolée ! Il faut d’abord se défendre contre les attaques des adultes, ce qui exige de monter régulièrement au créneau ! Les alertes se succèdent et demandent des remparts toujours plus forts ! La moindre faille est bouchée et malheureusement, le château se montre imprenable ! Ses murs sont lisses et le mystère plane sur son intérieur hermétique !

     Que se passe-t-il là dedans ? Nul ne le sait, mais le terrain est prêt pour le Narcisso ! C’est lui le prince du lieu ! C’est son étendard qui flotte sur le toit et sa justice qui règne ! Mais pourquoi tous ces assauts d’adultes ? Mais le Narcisso est fils ou fille d’egos  et ceux-ci ne supportent pas que les fruits de leurs entrailles échappent à leur contrôle, puisqu’ils vivent du sentiment de leur pouvoir ! Le Narcisso est le digne héritier de l’ego et il ne fait que pousser à l’extrême le comportement de ses géniteurs ! Le lait du bébé Narcisso, c’est l’hypocrisie et la peur du Boomer !

     Le Narcisso est clos et chaque jour il doit se nourrir de son image ! Il consulte incessamment son Narcisse (portable) à la recherche de quelque chose qui le concerne, qui lui dit qu’il existe et qu’il a de la valeur ! Tout ce qui vient troubler la surface de son reflet est haïssable ! Toute interférence le fait hurler, ainsi qu’on lui arracherait l’estomac ! C’est qu’il est sous perfusion de lui-même ! Il est assoiffé de sa personne dans un désert ! La tension psychique qui l’habite et l’épuise le rend incapable de patience, de relâchement ! C’est pourquoi il ne supporte l’autre que s’il est soumis et il ne tolère l’autorité qu’à la condition qu’elle ne le dérange pas !

     Mais les deux Narcissos qui sont ici autour de leur feu ont une spécialité : ce sont des chasseurs de Climatos ! Ceux-ci sont des animaux lourds, qui traversent la plaine en bramant ! Ils crient que le climat se réchauffe et qu’il y a urgence à le refroidir ! Ils importunent donc les Narcissos ! comme l’appel de leurs parents les irritait, quand ils étaient enfants ! C’est un étranger qui entre dans leur château, dont il faut se débarrasser et couchés sur une hauteur, ils tirent au fusil sur les Climatos qui passent et qui s’écroulent, pareils aux bisons ! Notons que le Climato est issu de la branche des Scientificos, qui est elle-même en partie responsable du Narcisso !

     Dame ! Pendant des années, pour ne pas dire des siècles, les Scientificos ont vidé le ciel et instauré l’ère du soupçon ! Tout ce qui n’était pas gouverné par la raison et n’obéissait pas à la logique était moqué et chassé de la ville ! La foi et la beauté notamment furent recouvertes de goudron et de plumes, avant de prendre la route à coups de pieds dans le cul ! Sur le bureau du shérif trône sa devise : « De quoi est-on absolument sûr ? De rien ! Mais de ça, on est sûr ! » L’ennui, c’est que tout le monde s’est mis à regarder tout le monde avec méfiance ! La ville a perdu son attrait, sa magie et le vent de la soif est venu l’envahir, roulant des épineux ! Cet air de désolation, d’abandon a attiré le desperado, qui se voit soudain le maître ! Pour calmer son anxiété, le Narcisso triche au jeu, incendie la grange ou tue dans la rue !

« Où as tu appris à tirer ? demande l’un des Narcissos à son compagnon.

_ C’était pendant le Covid ! Quand on m’a dit de rester chez moi, j’ai pris mon fusil et j’ suis allé m’entraîner ! Il n’était pas question qu’on me commande !

_ T’as raison ! Tu sais que certains Climatos croient qu’on fait partie de l’extrême droite !

_ C’est encore un truc d’adultes, ça non ? »

                                                                                                  19

     La lumière attend… Elle écoute le vent et elle n’est ni triste, ni gaie ! Elle attend… En fait, elle cultive sa confiance et elle paraît semblable aux rochers qui l’entourent, car on est sur un plateau désertique, dont l’horizon se confond avec le ciel ! La lumière éprouve le temps, grain à grain, goûtant même les moindres éboulis !

      Un oiseau se pose, il sautille, il est vibrant de vie ! Il cherche sa nourriture, puis s’en va, aussi vite qu’il est venu ! Il a son chemin et la lumière n’a pas essayé de l’en détourner, car le monde ne tourne pas autour d’elle… et c’est tant mieux, puisqu’il ne repose pas sur ses épaules ! Au fond, la lumière se sent légère, attentive, même si une impression de vide ne la quitte pas ! D’où vient celle-ci, alors qu’elle est teintée de tristesse ?

     Un point noir arrive là-bas, se rapproche, c’est l’ego ! Il est agité et dit à la lumière : « Quelle chaleur, hein ? » Son visage est rouge, en sueur et il s’essuie le front ! « Oui, il fait assez chaud, répond la lumière par sympathie.

_ Dites donc, l’endroit m’a l’air bien paumé ! Qu’est-ce que vous faites ici ? En vacances ?

_ Oui et non… Disons que j’attends…

_ Et vous attendez quoi ? Le train ? Ah ! Ah !

_ J’apprends à être calme…

_ Ouh là ! La vache ! Vous êtes du genre bonze, c’est ça ? Vous ne répondez pas ? J’ voulais pas vous blesser ! Hein ? Le prenez pas mal ! Mais j’en déduis que vous êtes à la retraite !

_ Si vous voulez…

_ Comment ça, si je veux ? Soit on bosse, soit on est à la retraite ! Alors ?

_ Je n’ai pas de retraite…

_ Non ? Vous n’avez jamais travaillé ? Ah ! Ah ! C’est la meilleure ! Bravo ! Vous avez bien baisé le système, ah ! ah !

_ Qu’est-ce qui est le plus difficile ? Aimer ou haïr ? Comprendre ou crier ? Exciter ou apaiser ? J’ai choisi le plus difficile et donc le travail !

_ Ah bon ? Il vous a bien fallu de l’argent pour croûter, non ? Et vous avez profité de celui des autres, sans aucune gêne, pas vrai ? Comme ça, c’est facile d’être zen ! Même moi, j’ pourrais y arriver !

_ C’est étrange…

_ Quoi ?

_ Mais vous êtes plein de fureur...

_ Mais parce qu’il y a plein de choses qui n’ vont pas ! C’est une catastrophe ! Vous n’allez pas l’air de vous en rendre compte !

_ La seule chose que je vois, pour l’instant, c’est votre énervement et donc votre malheur…

_ Mais, bon sang, sur quelle planète êtes-vous ? La police tue ! La fracture sociale ne cesse de s’agrandir ! La précarité est affreuse ! L’inaction climatique aussi ! Y a urgence ! Mais qu’est-ce que… ? »

A ce moment, une vieille dame passe en tirant son âne et l’ego manque de la culbuter ! « Oups ! Pardon ! » fait-il à la vieille, qui s’écarte et s’éloigne sans un mot ! « Je ne savais pas qu’il y avait des gens par ici ! reprend-il à l’adresse de la lumière.

_ Oui, cette dame s’appelle la Beauté !

_ Ah bon ? Elle paie pas d’mine pourtant ! Mais vous devez bien connaître le coin, non ? Vous avez le visage frais, comme si vous saviez où il y a d’ l’eau !

_ Bien sûr ! Suivez-moi... »

     La lumière entraîne l’ego sur une pente escarpée, puis elle montre dans une anfractuosité une nappe de cristal ! « Bon sang ! s’écrie l’ego. Ça donne envie de se baigner ! On dirait un bain d’ jouvence ! Mais... mais comment on y descend ?

_ Il y a un escalier là… Mais il n’est pas facile…

_ J’ vois ça ! Bon, ben, j’ vais m’abstenir tout compte fait ! De toute façon, j’ suis habitué à l’eau du robinet ! Et puis, j’ai une réunion à cinq heures ! Eh ouais, le combat continue ! J’ chôme pas, moi ! L’injustice, dès qu’on baisse la garde, elle continue d’avancer ! J’ vais vous laisser méditer, ah ! ah ! »

Ils reviennent vers l’endroit où ils étaient tout à l’heure, car y passe la piste… « Bon, ben, j’ai été enchanté de faire votre connaissance ! reprend l’ego. Entre nous, dites, vous n’avez pas peur de finir comme ces pierres ?

_ Non, en tout cas, si vous avez besoin de vous reposer, vous savez que je suis ici… »

                                                                                                 20

     Un ego se précipite vers d’autres egos : « Alerte ! Alerte ! Quelle infamie ! Quel scandale ! Ah ! Je meurs ! Je n’en peux plus !

_ Mais enfin que se passe-t-il ?

_ Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui se passe ? Mais un crime ! Un horreur sans nom ! Toutes les bornes ont été franchies !

_ Pouvez-vous être plus clair ?

_ Mais la lune a transpercé le soleil ! L’ère des ténèbres a commencé ! Nous sommes les dinosaures de la justice et l’astéroïde de l’ignominie vient de frapper la Terre !

_ Nous frémissons ! Est-il question de la justice ?

_ Absolument !

_ Han !

_ Excusez-moi, mais je suis encore sous le choc ! On a dit…

_ Qui a dit ?

_ Chut !

_ La police…

_ La police ?

_ Oui !

_ Chut !

_ Quel rapport avec la justice ?

_ J’ y viens… C’est tellement horrible ! Il a dit…

_ Qui a dit ?

_ Ne poussez pas !

_ La justice…

_ Oui…

_ Chut !

_ Il a dit…

_ Oui…

_ Il a dit que la justice…

_ Han !

_ Que la justice…

_ Que la justice…

_ Non, c’est pas ça ! Que la police…

_ Que la police…

_ Chut !

_ Je… je ne me rappelle plus !

_ Ce n’est pas possible !

_ Faites un effort, voyons ! C’est important !

_ Oui, concentrez-vous…

_ La justice… La police…

_ La justice… La police…

_ Il y a une relation entre les deux, j’en suis certain !

_ Évidemment !

_ C’est tellement grave... que je voudrais pas me tromper !

_ Bien sûr ! Prenez votre temps ! Nous sommes là pour vous aider !

_ La justice… est avant… ou derrière la police !

_ Vous êtes sûr que ce n’est pas à côté !

_ Mais chut, à la fin !

_ Attendez ! Ça m’ revient !

_ Oui !

_ La police… se moque de la justice ! Oui, j’ crois que c’est ça !

_ Quoi ?

_ Qui a dit ça ? La police ou la justice ?

_ Mais la justice, c’est évident ! Comment la police pourrait-elle dire une telle énormité ?

_ La justice se moque de la police alors ?

_ Vous, vous suivez que ça fait plaisir !

_ Aux armes ! Aux armes ! La coupe est pleine !

_ Quel scandale ! Quelle déchéance ! Peut-on descendre plus bas ?

_ Triste pays..

_ Sombre pays…

_ Pays perdu...

_ Il nous faut le nom des coupables !

_ Ah ! Je n’en peux plus !

_ Je vous passe mon mouchoir… Non, pas pour vous moucher ! Tant pis, c’était pour vous essuyer…

_ Mais enfin qui est derrière tout ça ?

_ Ils ont dit…

_ Hein ?

_ Quoi ?

_ Encore ?

_ Hélas !

_ Vous marchez sur mon pied !

_ Non, c’est impossible !

_ Si, si, je vous assure !

_ « Non possumus ! »

_ « Cave canem ! »

_ A mort !

_ Marchons, marchons... 

_ Mais enfin, attendez-moi ! »

 
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