Le Dom sort du bois!
- Le 27/06/2020
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"D'une musique guerrière,
Le DTN fait sa prière!"
Distique OED
Pour sa première mission, Dan Curtis était assez nerveux... Il y avait beaucoup de monde autour de lui, dans la rue, et s'il était bien au point de rendez-vous, il ne savait qui il devait rencontrer et il se crispait devant toute personne qui l'approchait!
Fedor Andropov, le directeur de l'OED, lui avait dit: "Quelqu'un nous a contactés, parce qu'il sait quelque chose sur les Doms! Apparemment, ceux-ci préparent un gros coup! Evidemment, le tuyau est peut-être du vent, mais on ne doit rien négliger! Cependant, je vous demande d'être prudent, car au pire c'est une manœuvre des Doms, pour faire tomber l'un d'entre nous! Faites celui qui ne comprend pas, en essayant d'y voir clair! Pas un mot sur ce que nous sommes!"
Curtis avait été enchanté de cette première responsabilité, mais, maintenant, au milieu de la foule, il se sentait la victime d'une mauvaise farce! "Un billet d' loterie, m'sieur? lui demanda un vendeur mal rasé et d'aspect sale...
_ Non, non, bredouilla Curtis, les yeux cherchant à voir au-delà du vendeur.
_ C'est vous qui êtes de l'Oued? C'est moi, votre contact!
_ Hein?
_ Suivez-moi de loin!"
Encore abasourdi, Curtis prit le pas du vendeur, en maintenant une certaine distance, et bientôt ils tournèrent dans une rue étroite et sombre... "Mon pauvre Dan, pensa Curtis, ça sent le traquenard à plein nez! Première et... dernière mission!
_ Psst, par ici! fit le vendeur qui s'était réfugié dans l'entrée d'un garage désaffecté. Alors, vous donnez combien, pour les infos sur les Doms?
_ Les Doms?
_ Oh! C'est comme ça! On ne fait pas confiance! Mais si vous voulez pas ce que j' sais, tant pis pour vous! J' trouverai d'autres acheteurs!
_ Bon, bon! répliqua Curtis, qui se sentait vaguement ridicule, puisque toute précaution s'avérait inutile. Allez-y, déballez!
_ Minute, faut la soudure!
_ J'achète pas chat en poche!
_ Pfff! Ecoutez, un renseignement, un billet, ça va?
_ D'ac! lâcha Curtis qui vit disparaître sa première coupure.
_ Les Doms lancent une grande opération, baptisée Sape! poursuivit le vendeur qui s'attendait à frapper Curtis comme la foudre!
_ Et?
_ Ils se sont donné le mot: pourrir la vie des gens! saper la société! la désagréger! désespérer le quidam!
_ Et comment comptent-ils s'y prendre!
_ Euh... fit le vendeur, qui se gratta la tête, comme s'il cherchait à retrouver la mémoire!"
Curtis soupira et donna un autre billet. "Par exemple, reprit le vendeur, qui avait retrouvé tout son enthousiasme, ils veulent se débarrasser d'un vieux meuble! Eh ben, ils vont pas l'amener à la déchetterie... Non, ils vont tout bonnement le laisser sur le trottoir! sans se soucier de qui le ramassera! Hein? Peser sur l'homme de la rue, j'vous dis! Que le monde soit un immense dépotoir! avec du mépris partout!
_ Et c'est une vaste opération? Eh ben, va en falloir des meubles!
_ Y a une variante! Y z' achètent par exemple une télé... ou une hi-fi et ils découpent pas le carton, pour le mettre dans la bonne poubelle! Mais l'emballage tel quel est aussi mis sur le trottoir! Les éboueurs s'en chargeront, s'il est encore là! C'est leur job!
_ Oui, l'impatience de jouir révèle l'égoïsme et l'infantilisme... Mais comment vous savez tout ça, vous?
_ J'ai mes sources! Et elles m'ont dit autre chose, mes sources!
_ Je vois, répondit Curtis, qui donna un autre billet.
_ Dans les villes maritimes, y z'ont un truc vicieux! Y bourrent les poubelles, de sorte qu'on peut pas les refermer! Alors, le goéland arrive! Z'avez déjà vu un sac poubelle dépecer par un goéland? C'est des détritus plein la rue, emportés par le vent! Des fois, je vois ça comme une œuvre d'art, tellement c'est varié! Pour moi, c'est du street Picasso! J'ai une sensibilité, vous savez?
_ Je n'en doute pas!
_ Les Doms, eux, rigolent! Paraît qu'y lisent le journal, pour voir si y a pas un balayeur qui s' suicide! Car c'est eux évidemment, qui nettoient tout le merdier!
_ Hélas! Je me demande effectivement comment ils tiennent!
_ Là encore y a une variante! Mais, tiens, j' vais vous la faire gratos; vu qu' vous m'êtes sympathique!
_ Merci!
_ Y déposent les déchets autour des containers, sans les mettre dedans! Y z'appellent ça l'Enigme! Y veulent qu'on cogite, qu'on s' casse la tête! qu'on s'épuise!
_ Que la colère monte!
_ Tout juste! Alors, j' vous ai volé?
_ Non, non...
_ Bon, faut qu' je file! Y z'ont des yeux partout! Vous voyez le N tagué sur le mur? C'est l'une de leurs marques!
_ N?
_ Avec un H bien entendu! Allez salut!"
Pendant ce temps-là, deux autres agents OED, Sarah Taylor et Dieter Stein, n'étaient pas à la fête! Intrigués par les violences qui avaient éclaté dans une ville moyenne, ils avaient décidé d'enquêter, mais, sur un terrain vague, ils s'étaient vite retrouvés cernés par une bande de jeunes hostiles, qui les avaient menés jusqu'à des bâtiments en ruines!
L'aspect des lieux eût pu être un décor de cinéma! On marchait par endroits sur du verre brisé; les murs étaient noircis par les graffitis et on voyait des N tagués un peu partout! Des flammes montaient de quelques fûts et on avait l'impression d'arriver au milieu d'une tribu! Il n'eût pas été étonnant d'entendre des tams-tams, pour prévenir le village, d'autant que de plus en plus de jeunes filles regardaient maintenant les deux étrangers, mais c'était une radio CD, poussée jusqu'à la distorsion, qui retentissait, comme si elle devait écraser toute cervelle alentour!
Soudain le bruit cessa et un garçon, un peu plus âgé que les autres, un peu plus grand aussi, se détacha d'une petite troupe, de sorte qu'il apparut tel le chef! "Qui êtes-vous et que faites-vous ici? demanda-t-il. Vous êtes sur une propriété privée!
_ Nous sommes journalistes, déclara Sarah Taylor, qui n'eut même pas l'idée de sourire, et nous voulions vous rencontrer... Car nous aimerions comprendre pourquoi vous attaquez la police et commettez des violences!
_ Mais ce sont eux qui ont commencé! On s'amusait dans l' centre, sans faire de mal à personne, et ils se sont amenés, nous cherchant des noises! Contrôles, amendes, manque de respect! De vrais caïds!
_ Mais ils agissaient sans doute ainsi parce qu'il y avait eu une plainte!
_ Pfff! Peut-être, mais cela ne leur donne pas tous les droits! Vous avez vu, la contestation est dans tout le pays! Non aux violences policières et au racisme!
_ Ce sont des "massacreurs"! s'écria une fille. Y s' croient tout permis!
_ Nous, on est du côté de Steve et de George Floyd! renchérit un autre.
_ On veut pas d' cette race-là!
_ Ouais, non aux oppresseurs!
_ De toute façon, l'Etat, on l'emmerde!"
Maintenant, les réflexions pleuvaient et on perdait le fil! Ce fut Stein qui essaya de ramener un peu de calme: "Mais, mais vous ne pouvez pas lutter contre la violence par de la violence, dit-il. On peut pas combattre le feu, en allumant un incendie!
_ Nous, on fait que s' défendre! répondit le chef.
_ Mais la plupart, vous allez toujours au lycée! Certains vont faire des études brillantes! Vous avez un bel avenir devant vous!
_ Y a pas d'avenir! Y a qu' du chômage! Et puis y a le réchauffement climatique et le Covid! Y a pas d'issues!
_ Mais alors qu'est-ce que vous voulez?
_ Nous, on veut être libres! On veut l'anarchie, le chaos!
_ Ouais! Ouais!
_ Mais ça n'a pas d' sens! Y a déjà une hiérarchie ici!
_ Oui, c'est la loi du plus fort!
_ Moi, c' que je comprends pas, coupa Sarah Taylor, c'est que votre combat est perdu d'avance! On n'a aucun mal à vous identifier... et des policiers connaissent même vos parents!
_ On est des éléments de la lutte! Tôt ou tard, nous vaincrons, car la révolte sera partout!
_ Je crois plutôt que c'est plus fort que vous! que l'alcool vous rend fous, car vous ne supportez plus aucune autorité! car la seule chose qui vous donne une raison de vivre, c'est votre égoïsme! Non mais, regardez-vous, même pendant que nous sommes en train de parler, vous continuez à manipuler vos smartphones! Vous êtes toujours dans votre petit univers! Si vous en sortez c'est la panique! d'où votre agressivité et votre violence! La police vous angoisse et votre comportement est absurde!
_ Toi, t'es pas journaliste! T'es psy ou même pire! Le supplice du tambour!"
On amena un fût vers les agents OED! "Le principe est simple, reprit le chef, on vous plaque au sol et on vous roule le "tambour" sur le dos! Si vous criez: "J'étouffe! J'étouffe!", on ne vous entendra pas, à cause de la musique! On s'ra aussi sourds que la police! Mais, après dix passages, si vous êtes encore en vie, vous pourrez vous en aller! Seulement, ce s'ra sans doute en rampant!
_ Ah! Ah!
_ Mais vous êtes dingues!
_ La police! Elle arrive! jeta quelqu'un. Elle a même des chiens!"
En un instant, Taylor et Stein furent abandonnés! "On a eu chaud, murmura Stein. De vrais lycaons!
_ Oui, c'est un cauchemar!"
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