L'ego et la lumière
- Le 12/08/2023
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"La hure! J'adore le pâté de hure!"
Capitaine Conan
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La lumière parle à l’ego… Elle prend son casque et le soulève doucement au bout d’un bâton, c’est-à-dire qu’elle commence la discussion avec un sujet assez anodin ! Car elle connaît les limites de l’ego, qui sont celles de sa haine, et il s’agit donc d’abord de « prendre la température » ! Mais, dès que le casque apparaît, il est mitraillé ! « Oh ! Oh ! se dit la lumière. Va falloir y aller mollo ! On va essayer autre chose... »
La lumière se met à découper une silhouette d’enfant, pour amener l’ego sur un terrain neutre, une vérité universelle, comme « Les enfants, c’est pas méchant ! » La lumière veut que l’ego fasse des concessions, qu’il muselle juste un peu son égoïsme, afin qu’un dialogue soit possible, ce qui ne se peut si on ne reconnaît pas que l’autre existe !
La silhouette se dresse, mais elle est trouée lamentablement par les balles, sous les yeux horrifiés de la lumière ! « Même ça, ça passe pas ! pense-t-elle. Changeons complètement de tactique ! Devenons aussi léger que l’oiseau ! Il se rit du champ de mines, lui ! Marquons donc une pause : on y verra mieux quand la fumée se sera dissipée ! Et puis, l’ego lui-même sera obligé de souffler ! Ça lui fera du bien ! »
La lumière sifflote, baguenaude, range des choses, étudie un carnet, etc. Elle pourrait faire une autre tentative, mais on n’est pas à la bourre non plus, hein ? Le plus facile, pour abaisser la tension de l’ego, c’est parler de lui, bien sûr ! C’est lui dire : « Bon sang, vous êtes formidable ! Si ! Si ! Et quelle intelligence, quel brio, quelle grandeur ! Magnifique ! » Le problème, c’est qu’on abonde dans son sens et qu’on s’en dégoûte évidemment ! Car rien ne progresse, puisqu’un dialogue implique deux personnes, pas seulement l’ego !
Il serait encore possible pour la lumière de se fermer, de renoncer ! Elle passerait outre ! Elle partirait sans échanger davantage, car à quoi bon ? Mais « la chaleur humaine » en prendrait un coup ! Peut-on se résoudre à imiter deux icebergs qui se rencontrent ? Ce n’est pas parce que l’ego est stérile, à force de s’admirer, que la lumière doive lui ressembler ! La lumière veut communiquer, rayonner, réveiller les consciences, quand l’ego, lui, veut les soumettre, les dominer et pourquoi pas les écraser ! Ainsi est le message de la haine !
Mais l’ego ne reconnaît même pas celle-ci ! Il jurerait qu’il en est dépourvu ! Il fait juste valoir son avis, ses convictions, ses arguments ! Il ne s’aperçoit pas qu’il y met tant de force qu’il balaye tout, qu’il en est injuste en méprisant la raison et qu’il s’enivre de sa puissance ! En d’autres termes, l’ego n’a pas assez pris de coup sur le museau ! C’est un enfant gâté, car, quand on est habitué à tout perdre, on devient patient, prudent ! On sait qu’on ne peut détruire la différence et qu’il faut composer ! Le respect de l’autre, voilà ce qui échappe totalement à l’ego, même s’il parle de justice sociale !
La lumière décide d’aborder un sujet brûlant, sérieux, mais en faisant preuve d’une souplesse, d’une agilité extrêmes ! C’est quelque chose que lui permet sa force et soudain, elle se met à courir, des balles miaulant autour de ses pieds ! Elle n’est pas touchée et saute dans une tranchée ! Bien lui en prend, car la langue d’un lance-flamme lui passe au-dessus ! Décidément, il n’y a rien à faire : on ne peut pas discuter avec cet ego, en tout cas ce jour-là ! Il faut en sortir et le meilleur moyen, c’est de flatter l’ego en lui posant une question, en lui donnant la place de celui qui sait ! Mais alors celui-ci se transforme en tank !
Il écrase tout sur son passage, ce qui est tout de même étrange, car c’est un ego de près de quarante ans et il devrait avoir un peu de retenue, mais il fonce, fonce, comme si le monde était à lui et n’était entouré que de valetaille ! C’est la ruée de l’Armée rouge, ivre de vengeance sur l’immensité de la steppe !
Autour de la lumière, les murs sont pulvérisés et le village est en ruines ! Parmi les gravats et malgré sa patience, la lumière ne peut s’empêcher de réagir, car il en va de sa survie ! La voilà qui s’enveloppe d’un drap blanc, afin qu’elle se confonde avec le sol neigeux, comme dans les Ardennes ! Quand la bouche terrible du char arrive, elle se glisse dessous et lui colle une mine entre les chenilles fracassantes ! Puis, elle se laisse dépasser et le char continue jusqu’à ce que la mine explose ! Il y a bien une secousse, mais c’est à peine visible, puisqu’on ne voit pas les passagers évacuer le véhicule, ni de la fumée s’en échapper ! Il est pourtant sûr que la mine laissera des traces !
Par ailleurs, il est possible maintenant que l’ego en veuille à la lumière et qu’il lui en garde un chien de sa chienne, mais il ne faut quand même pas pousser : chacun doit évoluer !
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L’instructeur ego regarde les nouvelles recrues, quasiment avec dégoût ! « C’est toujours pareil ! songe-t-il. Ils croient être de bons égoïstes et ils ne connaissent rien ! De vrais bleus, de vrais mous, oui ! » L’instructeur se rappelle des points chauds, qu’il a connus sur la planète… Là-bas, pour un billet d’avion, une bière, on n’hésitait pas à jouer du poignard, à bastonner ! C’était à qui survivait ! Mais ici ! Tout est civilisé ! Tout est lois ! On pète un peu fort et c’est la catastrophe ! Non mais regardez-moi ces têtes d’imbéciles !
De dépit, l’instructeur crache, avant d’expliquer : « Bon, première leçon ! L’ego dégage de la tension, il en est plein, tellement qu’il doit oppresser les autres, les étouffer ! Partout où il est, l’ego doit concentrer l’attention ! Le monde tourne autour de lui ! C’est compris ? Exercice ! Toi, la petite vieille, tu sors du rang ! T’as l’air gentille comme ça, mais j’ suis sûr que tu peux être bien dégueulasse !
_ C’est vrai ! Hi ! Hi !
_ Bon, j’ suis le client d’une boucherie... et le boucher me sert ! Toi, t’arrives et qu’est-ce que tu fais ?
_ J’ dégage de la tension ! J’ fais savoir que je suis là et qu’il faut que ce soit mon tour !
_ T’essaies pas de me respecter, de te calmer ?
_ Manqu’rait plus qu’ ça ! J’ pousse au cul, oui ! J’ me place même derrière toi, pour te presser ! Comme ça ! Tu dois m’ sentir, non ?
_ Pas mal ! Mais tu dois être du genre à engager la conversation, non ?
_ Oui, mais par-dessus le client, pour le dissoudre ! pour qu’il soit plus rien, car c’est moi qui compte ! Quand l’autre règle, je continue à parler à la vendeuse, comme s’il n’existait déjà plus !
_ Tu as donc fait de la com' (communication) une arme ! Tout le monde a bien suivi ? Comment tu t’appelles ?
_ Enfer !
_ Eh bien, Enfer, tu m’ plais ! On f’ra quelque chose de toi ! Rejoins les autres… On a un ennemi, c’pendant ! C’est la lumière ! Non, non, ne rigolez pas ! Elle est tenace, solide et connaît son métier ! Vous la repérerez facilement, c’est la personne qui suscite votre haine ! Pourquoi ? Mais parce qu’elle ne s’occupe pas d’ vous ! Elle est là tranquille, de sorte qu’elle paraît supérieure !
_ Quelle horreur ! s’écrie Enfer.
_ La lumière dira qu’elle est pleine de bonne volonté, poursuit l’instructeur, qu’elle cherche à nous aimer !
_ Pouah ! fait le groupe.
_ Nous, on veut pas d’ son amour ! jette quelqu’un. C’est du temps d’ perdu !
_ Ouais, ouais ! répondent d’autres. La lumière au poteau !
_ Qu’est-ce que vous avez à jouer les effarouchés ! s’étonne l’instructeur. Vous êtes là pour vous aguerrir et mettre les mains de l’ cambouis ! Faut être réaliste, vous n’êtes pas seuls au monde ! La lumière affirme aussi que nous sommes dans la nuit, prisonniers de notre ego !
_ De quoi elle s’ mêle celle-là, Qu’elle vienne ici… et elle trouv’ra à qui parler !
_ Ouais, ouais ! Aux chiottes, la lumière !
_ Elle va même plus loin ! reprend l’instructeur. La lumière dit que le problème n’est pas le réchauffement climatique…, ou la dette ou que sais-je encore ! Mais que c’est notre égoïsme au quotidien qui nous perd, nous rend malheureux !
_ Ben voyons ! jette un grand. Une claque dans l’ nez et elle dira plus rien !
_ Ouais, ouais ! T’as raison, l’ grand ! On va lui faire la peau !
_ Bon, si j’ vous chauffe, c’est qu’il est hors de question d’ s’attendrir ! Si j’ vois l’un ou l’une faire preuve de patience, d’ respect, c’est la porte ! On est bien d’accord ! Bon, Enfer, reviens ici… Tu sais que es un peu not’ mascotte maintenant ! Tu baves au coin des lèvres et c’est bon signe ! J’ai l’impression que tu es toi-même ta coke ! J’ me trompe ?
_ Ah ! Ah ! Qu’est-ce qu’il y a d’autre ?
_ Ben, y a la sonde Voyager 2 qui est à vingt milliards de kilomètres !
_ Si ça lui chante ! Du moment qu’elle tombe pas dans mon assiette !
_ Ah ! Ah ! Les distances cosmiques, c’est bon pour la lumière ! C’est une émotive !
_ Moi, la dernière fois que j’ai pleuré, c’était à la mort de ma chienne ! Depuis, j’ suis seule !
_ Ah ? Bon, ben, t’as quand même ta méchanceté avec toi !
_ Oui et je n’ai qu’elle ! C’est pour ça qu’ j’y tiens !
_ Ah ! Ah ! On va pas s’occuper d’ toi, de toute façon ! C’est pas l’ genre d’ la maison !
_ J’ sais bien ! C’est pour ça que j’ fais ce stage ! pour être encore plus dure !
_ C’est en sens unique qu’on va l’ plus vite ! Bon, Enfer, j’ vais t’apprendre un nouveau truc ! Tu vas t’ servir de tes dents ! »
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Où est la lumière ? Elle entend : « Avec le crédit Muto tout devient facile ! Vous avez envie d’un nouveau canapé, de changer de voiture ou d’un bridge pour votre enfant ? Muto est à vos côtés ! » La lumière voit une famille heureuse sur une plage, grâce à Muto ! « Quelle harmonie ! » se dit la lumière, qui maintenant trouve très étrange de se retrouver seule ! Elle aussi pourrait se marier… Sa femme serait son soleil et ses enfants sa joie ! Muto la soutiendrait !
Au fond, ne noircit-elle pas le monde ? N’est-elle pas victime de sa propre incapacité à vivre ? Tout son tralala sur l’ego, n’est-ce pas le fruit de son imagination, parce qu’elle a été blessée ou qu’elle souffre de paranoïa ? En se relâchant, elle rejoindrait l’univers de Muto et se moquerait de ses anciens cauchemars !
Où est la lumière ? Elle entend des gens rire, qui se font plaisir… C’est un ego qui est interviewé à la télévision et dans le studio, tout est blanc, solaire et les visages sourient ! On dit à l’ego qu’il est une belle personne et bien sûr il se récrie, plein de modestie ! Pourtant, sous les yeux de la lumière, il a bien trois mètres de haut et sa gueule est mieux armée que celle d’un piranhas !
Mais peut-être que la lumière est trop sensible, trop fragile ! Il lui suffirait de fermer les yeux, d’avoir confiance en elle, ainsi qu’on se lance pour nager ! On ne va pas non plus la traiter différemment, s’employer à la satisfaire ! A elle de trouver sa place et si nécessaire de jouer des coudes ! Après tout, chacun a ses défauts, même la lumière, et en l’admettant, elle accepterait aussi ceux des autres ! Voilà la clé de la grande famille humaine !
Mais la lumière ne réclame pas la pureté ! Elle demande la vérité ou la justice ! L’ego n’est pas une belle personne, mais bien plutôt un assassin qui s’ignore ! Et donc où est la lumière ?
Le professeur Zircon dit que dans le futur on pourra faire ceci, cela… Il parle de l’IA, de neurochirurgie, de nanotechnologies, etc. ! Il a une vision de l’homme en couple avec la machine, alors que le monde paraît s’écrouler ! Surtout, le professeur Zircon ne sait pas qu’il est un ego lui-même ! Ainsi encore où est la lumière ?
La commère ego se raconte à la caisse d’un magasin et n’y voit aucune gêne, puisque, dit-elle, la discussion fait partie du commerce! Mais si la lumière en faisait autant devant la commère ego, celle-ci rêverait de lui trancher la gorge ! Mais l’ego adore son hypocrisie et penser être bon, ce qui lui permet de se montrer encore plus froid, hostile et méprisant, quand il est contrarié !
Or donc, toujours, où est la lumière ?
Comprendre l’ego, ça, elle sait faire ! C’est une experte dans ce domaine ! Elle voit la peur de l’ego, ses efforts pour surnager, ses coups de griffes pour exister ! Rien n’échappe à la lumière ! Mais l’ego a sa haine et la trouve légitime ! Il la plante comme un drapeau, avec défi ! Pourtant, c’est bien elle qui donne à l’ego des œillères, qui lui enlève sa lucidité ! Pour sauver son orgueil, l’ego est capable de laisser le monde s’embraser et peu importe que des enfants meurent et que des êtres broyés crient en vain leur désespoir ! L’ego est aveuglé par sa haine, car il verrait la souffrance des autres, il se déchirerait lui-même le visage ! La haine, c’est bien ce qui tient debout l’ego !
Où est la lumière ?
L’ego est un géant ! Il se tient comme un tronc, à côté de sa soupe populaire, car cet ego fait partie d’une association qui aide les plus démunis ! Il contrôle tout ! Le pauvre qui vient là reste sur ses gardes, comme s’il devait passer un examen devant le géant ! Est-il assez miséreux, pour avoir droit à la soupe ? En tout cas, il n’est pas question d’une esclandre, car il serait écrasé ! Le géant toise la rue telle une statue ! Il tamise son mépris en disant : « Moi, j’ suis engagé ! J’ fais du social ! J’apporte un peu d’air frais dans nos sociétés égoïstes ! Eh toi, là-bas, prends pas deux soupes !
_ Tu m’a eu ! réplique le pauvre, qui veut dégonfler l’incident.
_ Comme Nicolas !
_ Hein ?
_ Nicolas M’a eu ! Ouf Ouf ! »
Le géant rit et toute sa graisse tressaute ! Où est la lumière ?
Elle va parmi les hommes comme parmi des fous ou des fantômes ! Elle ne se voit pas et doute d’elle-même ! « Qui suis-je ? » se dit-elle et elle se sent perdue ! Elle regarde les siècles et garde sa chanson ! Elle a ses diamants et s’en réjouit ! Elle a son amour, son secret et se met à danser ! La lumière danse avec la force du monde ! C’est un enchantement sans fin, c’est une joie inexprimable ! Le navire qui file à toute allure, sous ses voiles, est pareil !
Mais la lumière ne peut pas parler aux egos gris ! Ils sont campés sur leur haine ! Ils ne veulent pas être délivrés ! Leur condition d’esclaves au fond leur convient ! Ils serrent les dents, souffrent, mordent et meurent ! Parfois, las de tuer ou d’être tués, ils demandent : « Où est la lumière ? »
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Dans le ranch, le bétail s’agite à cause de l’orage, qui gronde là-bas sur les montagnes ! Des éclairs illuminent la nuit et la pluie qui ruisselle du toit ! Macready, le propriétaire et un vieil ego, apparaît sur la terrasse et inquiet, il inspecte les ténèbres ! Soudain, il entend du bruit du côté de la grange, pense à un voleur et fait feu avec son fusil ! « Qui que tu sois, sors de là ! crie-t-il. Sinon, j’ vais t’ descendre !
_ Tirez pas, Macready, c’est moi, la lumière !
_ La lumière ? J’sais pas qui tu es mon garçon ! Mais fais voir ta mine et tes mains ! Si t’as une arme, lâche-la bien devant toi, car j’ s’rai jamais à court de plomb, pour les voyous dans ton genre !
_ Voyons, Macready, c’est moi, la lumière ! Vous me reconnaissez ? Et vous savez très bien que je ne porte jamais d’armes !
_ Est-ce une façon d’arriver chez les gens, comme un voleur, par une nuit d’orage en plus ?
_ Vous m’auriez pas laisser entrer de jour... »
Le vieux hausse les épaules, baisse son fusil et rentre dans la maison, ce que la lumière prend comme une invitation… Macready se dirige en boitant vers un rocking-chair, placé devant un feu de cheminée et sur lequel il s’affale avec un gémissement ! « Ouh ! Là ! Je ne suis plus tout jeune, évidemment ! » fait le vieil ego à la lumière, qui prend place en face de lui. « La lumière ? reprend Macready. Y a bien longtemps que t’es pas v’nue m’ voir !
_ A qui la faute ? A chaque fois que j’ai frappé à ta porte, tu as tiré sur moi !
_ Ouais, eh ! Eh ! C’est que j’ai le sang chaud !
_ Dis plutôt que tu as toujours eu peur de moi !
_ Peur moi ? Ah ! Ah ! Ici, quand j’ suis arrivé, y avait que des sauvages ! Plusieurs fois, ils ont failli prendre mon scalp ! Ah ! Ah ! Mais j’ai réussi à m’implanter ! J’ai bâti ce ranch ! Tous les pâturages, jusqu’aux montagnes, c’est à moi ! Y a pas de plus grandes exploitations dans l’ coin ! Tout le monde en ville connaît le nom de Macready ! J’ai résisté à tout ! aux mauvaises récoltes, aux maladies, aux promoteurs véreux, etc. !
_ Oui, oui, je sais tout ça… et maintenant tu es bien triste et amer, pas vrai ? »
On entend le feu qui craque et l’orage qui s’éloigne… « Où sont tes fils ? demande la lumière.
_ Partis à la ville, où ils ont bien réussi tous les deux !
_ Oui, ils ont fait leur vie, de sorte que tu es un veuf solitaire…
_ Ah ! Mais j’ m’occupe ! J’ai prévu de défricher près de la rivière ! Mes ouvriers vont récupérer encore de la terre !
_ Ouais, ouais, mais déjà tout ça te glisse entre les mains… Tu sais au fond que le ranch n’est plus à toi…, que ton temps est terminé et qu’est-ce qui va rester de ton œuvre ? Tes fils ne peuvent pas s’empêcher de penser à l’héritage et ils reviendront pas ici… Le vent emportera même ton souvenir !
_ Ah çà, les requins n’attendent que la curée ! Mais je m’ défendrai jusqu’au bout !
_ Tss, tss, comme si ça avait de l’importance ! Écoute le chant de la pluie dans ta gouttière… N’est-il pas apaisant ? Pourquoi ne m’as-tu jamais aimé ? Toute ta hargne, je l’aurai changée en espoir !
_ J’ voulais être libre ! sans maître !
_ C’est bien ce que je dis, tu as toujours eu peur de moi ! Et ça même un rapport avec ton père, je me trompe ?
_ Mon père me donnait des coups de cravache…
_ Oui et moi, quand je remplis quelqu’un, je réveille les vieilles blessures évidemment ! Tu as eu peur que j’agisse comme ton père !
_ C’est vrai ! J’ai eu peur que tu m’prennes tout ça ! que tu m’ demandes d’être pauvre et qu’ j’ continue à encaisser ! T’aurais fait d’ moi une victime, qui aurait dû garder le sourire en plus ! Pouah, quelle horreur !
_ Et je n’aurais pas pris en compte tes traumatismes ? Pour qui me prends-tu ! M’as-tu fait confiance au moins une fois ? Si seulement, t’avais marché un peu vers moi… Ma puissance égale mon amour !
_ Du temps de ma femme, j’allais à l’église tous les dimanches !
_ Ouais, t’as la carte du parti, c’est bien ! Et maintenant, tu subis les avanies des uns et des autres ! Dame, ils sont comme toi ! Ils se nourrissent de leur pouvoir ! Tu ne peux plus compter sur personne… et tu t’ méfies de tout le monde ! T’es entouré d’ charognards !
_ C’est la vie !
_ Et tu pleures tellement c’est dur ! Ton cœur sec a encore quelques larmes ! Quel gâchis ! Tu vois, avec moi, ton ranch, tu aurais pu l’avoir mille fois plus grand dans ton amour ! Et tu comprendrais que l’esprit ne meurt pas ! J’ t’ aurais apporté la paix, mais tu as gardé tes peurs... »
Là-bas, des éclairs zébraient encore la nuit bleue, révélant le sommet noir des montagnes…
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« Alors les émeutiers ! Ça va mieux ? » lance la lumière à un groupe de jeunes noirs et arabes ! Immédiatement, deux ou trois d’entre eux se lèvent du parapet sur lequel ils étaient assis et se précipitent vers la lumière ! « Qu’est-ce qu’il y a, mec, tu cherches la bagarre ?
_ Nous, on n’était pas avec les émeutiers !
_ T’as vu comment tu nous parles ?
_ Toi, t’es mort ! »
Les réactions sont vives et la lumière s’empresse de calmer le jeu : « D’accord les gars ! fait-elle. Vous n’étiez pas avec les émeutiers ! Mais, moi ce que j’ai compris, c’est qu’avec les émeutes, vous demandiez du respect !
_ Ouais, mec, on demande du respect ! On veut pas être traité comme des chiens !
_ C’est pour ça que je vous demande comment vous allez…, car bien entendu on ne respecte pas l’autre, si on ne s’intéresse pas à lui ! »
Il y a un moment de silence, pendant lequel les jeunes ont l’air dégoûtés… « Ben, je vois, reprend la lumière, que vous êtes toujours fermés, pour ne pas dire haineux ! J’en conclus que la situation n’a pas trop changé pour vous !
_ Qu’est-ce que tu veux dire ? Nous, on n’a pas besoin de toi, mec !
_ Taratata ! On a tous besoin les uns des autres ! Ce qui vous fait souffrir, c’est bien d’être tenus à l’écart ! Vous voudriez être aimés, avoir votre place ! Je me trompe ?
_ On ne nous aime pas ! C’est du racisme, m’sieur !
_ Ah bon ? La cagnotte en faveur du policier, c’est du racisme ?
_ Exactement !
_ Alors les émeutes, c’est du racisme aussi, contre les Blancs !
_ Mais non, c’est une demande de respect !
_ J’entends bien… Disons que c’est plutôt une réaction de haine, face à l’injustice commise par le policier, d’accord ?
_ Oui, nous avons voulu montrer toute notre haine, par respect pour Nahel !
_ Et ceux qui ont donné de l’argent pour la cagnotte ont tenu à montrer toute leur faine, face à votre haine ! La haine entraîne la haine ! C’est pourquoi votre situation ne doit pas être meilleure maintenant ! Car ceux qui déjà ne vous aimaient pas vous aiment encore moins ! La haine entraîne la haine, comme je l’ai dit !
_ Mais au moins on nous respecte maintenant, car on a montré combien on est fort et on fait peur !
_ Oui, j’ai entendu ça… Vous avez tenu à faire comprendre à Macron qu’il n’était pas le seul à régner !
_ Exact, mec !
_ Donc, vous représentez une menace pour le pouvoir des Blancs ! Et vous croyez qu’ils vont vous laisser faire ?
_ Mais on a notre territoire et vous avez le vôtre !
_ J’ai déjà dit que ça ne marche pas comme ça ! Il nous faut vivre ensemble ! Vous ne pensez tout de même pas détruire tous les Blancs ?
_ Alors qu’est-ce que tu proposes ?
_ Vous pouvez être aimés, si vous vous montrez meilleurs que les Blancs ! Il faudrait que le Blanc dise : « Eh ! Mais ce Noir, cet Arabe est bien meilleur que moi ! Moi, j’ai de la haine et lui n’en a pas ! Il est plus patient et compréhensif que moi ! Mon regard est en train de changer ! Je vais être agréable avec lui ! Je vais essayer de mieux le connaître ! »
_ Pfff ! Tu nous prends pour des moutons, mec ! On va nous baiser la gueule deux fois plus, si on est faible !
_ Oui, ça va sûrement arriver, car il y a toujours des salopards ! Mais y en a d’autres qui commenceront à vous accepter et à vous aimer ! La haine est sans issue !
_ Et pourquoi ce serait pas aux Blancs de commencer ?
_ Tu as raison, ils devraient être meilleurs, car ils connaissent déjà mon message ! Mais s’ils sont bêtes et injustes, c’est pas une raison d’être comme eux ! Il faut que vous compreniez une chose : toute différence entraîne chez chacun d’entre nous de l’inquiétude, de la méfiance, voire de l’hostilité ou du rejet ! C’est notre racine animale qui veut ça, car chez les animaux la différence est le plus souvent synonyme de mort ! Il est donc toujours très difficile d’accepter la différence ! Mais il faut faire un effort !
_ Ah ! Mais nous, on s’laissera pas faire !
_ J’entends bien, vous êtes jeunes et fiers ! Vous pensez qu’il faut être les plus forts, mais alors vous êtes comme les animaux... Ils veulent aussi être les plus forts ! Mais plus on reste un animal et plus on reste hostile à la différence et moins on peut vivre ensemble ! Montrez-moi la lumière, les gars ! Montrez-moi que vous êtes meilleurs que les Blancs ! Montrez-moi que malgré mon mépris ou ma haine, vous n’en avez pas et que vous m’aimez quand même ! C’est le baiser sur le crapaud, pour le changer en prince !
_ Tu rêves, mec !
_ Oui, heureusement ! »
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