L' attaque des Doms (68-72)

  • Le 16/11/2024
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R59

 

          "Evidemment, monsieur Cerruti, si vous aviez quelque créance...

            _ J'ai ça: 357 Magnum! Mais est-ce suffisant?

            _ Tout à fait, monsieur Cerruti."

                                                        Flic ou voyou

 

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Il se passe quelque chose d’étrange dans Domopolis : les rues sont envahies par des feuilles ! Des feuilles mortes, oranges, jaunes, rouges ! Il y en a des millions et c’est un enchantement pour les yeux, mais pas pour les Doms ! Eux ne voient que la gêne, car la circulation n’est même plus possible… et puis ils sont profondément troublés, par la nouveauté du phénomène ! Qu’est-ce que ça veut dire ? D’où viennent toutes ces feuilles ? Est-ce encore un « coup tordu » de la Chose ?

Qu’à cela ne tienne, les services de Dominator vont nettoyer la ville et les souffleurs et les balayeuses entrent en action ! Mais c’est peine perdue ! Il y a trop de feuilles ! Sitôt qu’on a dégagé une rue et qu’on s’attaque à une autre, les feuilles reviennent en une pluie d’or et elles forment de nouveau un tapis épais, inextricable, dans lequel on s’enfonce ! Les nettoyeurs s’acharnent, mais bientôt des balayeuses, des employés disparaissent sous l’étrange marée ! On voit leurs véhicules être comme mangés, digérés par les feuilles et on se dit que certainement c’est l’action de la Chose !

La colère monte ! On accuse l’incompétence des pouvoirs publics ! On parle de corruption à un haut niveau ! Certains habitants paniquent… Des motards notamment s’élancent, avec un bruit d’enfer, contre des paquets de feuilles déjà brunies ! Il s’agit de passer, d’échapper à cette « prison », mais le résultat est toujours le même : le motard glisse, chute et est avalé, sous les yeux remplis d’horreur ! On n’ose plus sortir de chez soi ! On regarde par la fenêtre ce flot feuillu, qui rend impuissant ! Pour faire ses courses, on se déplace avec précaution, en tentant « de ne pas mettre en colère » le phénomène ! C’est que le désespoir fait craintif et superstitieux !

« Vous allez me trouver une solution et fissa ! crie Dominator à Ratamor et Lapsie ! C’est vous les scientifiques, les spécialistes !

_ On peut émettre l’hypothèse d’un vent venu de la Chose et qui transporte les feuilles… répond timidement Ratamor.

_ Ouais, ouais, fait Dominator, en rallumant son cigare. La sainte logique ! Mais vous foncez sur le terrain, car je veux une solution pratique, pas de théories ! La Chose se fout de nous !

_ La Chose n’a pas d’âme et...

_ Vous êtes encore là ? »

Ratamor et Lapsie se retrouvent dans la rue, face aux feuilles… « Bon, par quel côté prendre le problème ? » se demande Ratamor. Mais il y a un drôle de type qui se dirige vers eux… C’est un personnage qui paraît flou, même de près et effectivement, sa peau est toujours en mouvement, comme si elle n’était pas homogène, mais constituée de milliers de particules ! On ne peut pas ne pas avoir un léger haut-le-corps, devant un tel « spectacle » ! « Salut ! fait l’homme, avec une bouche grouillante. Bon, vous pouvez partir ! Il faut laisser faire les pros !

_ Hein ? Comment ? s’étonne Lapsie piquée. C’est nous qui avons été chargés de… Mais vous êtes qui, vous d’abord ?

_ J’ suis Microbiote ! Autant dire le personnage principal ! Mon rôle a enfin été reconnu ! A moins que vous ne sortiez du coma ? Donc, on cède la place !

_ Quoi ? C’est toi, les matières fécales ? Et il faudrait t’obéir ?

_ Sûr ! C’est moi qui commande le cerveau ! Quand j’ vais pas bien, il va pas bien non plus ! T’as pas encore pigé, Lapsie ?

_ J’ai rien pigé du tout ! Ah ! Ah ! Parce que tu crois que tu peux régler les angoisses existentielles ? Non, mais regarde-toi !

_ Toi et tes collègues, il fut un temps, vous avez bien cru que c’était la baise, le problème ! avec tonton Freud, dont le cigare était un TOC, non ?

_ D’accord, d’accord ! Mais c’est complexe tout ça !

_ Moi, tout ce que je sais, c’est que la constipation empoisonne le corps et le cerveau ! Bien s’ vider garantit un bon équilibre !

_ Peut-être, mais la réflexion, la recherche de sens, t’en fais quoi ?

_ Et l’inflammation du côlon ? C’est pas le fléau des femmes d’aujourd’hui ?

_ Ça suffit vous deux ! fait Ratamor. On a besoin de tout le monde, pour lutter contre les feuilles, vous ne croyez pas ?

_ Bien parlé, old chap ! approuve Microbiote.

_ Très bien, mais alors qu’est-ce qu’on fait ? » demande Lapsie.

Les trois regardent le tapis qui s’étend devant eux… « Mince, qu’est-ce qui arrive là-bas ? demande Microbiote.

_ On dirait des bogues… rajoute Lapsie.

_ Des bogues géantes… et elles roulent vers nous ! précise Ratamor. 

_ Faudrait songer à s’ barrer, non ? Ça pique, ces machins-là ! jette Microbiote.

_ J’ suis assez d’accord avec lui ! lâche dépitée Lapsie.

_ Sauve qui peut ! »

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Dans le vaisseau Dom 45TY550°, le Général rêve : il se voit dans la toute nouvelle voiture Dom GTH 7 K ! Ah là, il serait arrivé ! Il caresserait du regard l’intérieur ! Il s’enchanterait du luxe et du confort ! Il ferait parler la puissance, il en jouirait ! Il ferait envie aux autres, le rêve de toute une vie ! Il pourrait alors mourir, car il aurait réussi !

« Général ! fait la voix du Dom passerelle dans l’interphone.

_ Quoi ?

_ Un autre vaisseau Dom demande à accoster !

_ M’en fous !

_ Hem, il s’agit de l’Embrouilleur, le propagandiste !

_ L’Emmerdeur, vous voulez dire !

_ Général, l’Embrouilleur est dans les petits papiers de Dominator ! Il faut le recevoir !

_ Ça va, ça va ! Accueillez-le, j’arrive…. »

L’Embrouilleur a fait du chemin, depuis qu’il appelait à la révolte dans un garage… Il s’est approché de Dominator, il lui a montré tout l’intérêt d’une propagande forte, basée sur le mensonge ! Il lui a exposé toutes les techniques, pour perturber ses adversaires, notamment comment oser dire que blanc c’est noir, ce qui abreuve de désespoir tous les opposants ! L’Embrouilleur est devenu un personnage puissant, vêtu d’une cape et toujours accompagné par des hyènes tenues en laisse ! Plus elles sont cruelles et mieux elles sont nourries, récompensées !

A bord du vaisseau 45TY550°, on s’écarte devant le visiteur, on frémit de dégoût, en le cachant évidemment, car on craint l’Embrouilleur et surtout ses hyènes ! « L’Embrouilleur ! fait le Général faussement jovial. Sois le bienvenu !

_ Je viens de la part de Dominator…, pour améliorer le rendement de nos troupes !

_ Bien sûr, je t’aiderai au mieux dans ta mission ! Comment va Domopolis ?

_ Mal, nous sommes attaqués par des feuilles !

_ Voyez-vous ça !

_ C’est cette infâme Chose ! Elle met le chaos !

_ Elle embrouille tout le monde ! Euh… Ça m’a échappé !

_ J’ai lu tes rapports... et il y a certaines choses qui ne vont pas du tout !

_ Diable ! Installons-nous dans le poste de commandement… Le Dom passerelle va nous apporter du café ! »

Une minute plus tard, l’Embrouilleur, parmi ses hyènes, reprend la conversation : « J’ai constaté que votre équipage a un rendement de 50 %! Or, il serait facile de l’augmenter à 70 %!

_ Ah bon ? s’étonne le Général.

_ Oui, il suffit de baisser la température du vaisseau !

_ Je te demande pardon ?

_ On laisse le froid cosmique agir dans le vaisseau… Plus il fait froid et plus le Dom s’inquiète et donc devient actif et égoïste ! C’est un mouvement naturel !

_ Tu n’es pas sérieux !

_ Est-ce que j’ai l’air de plaisanter ? »

A cet instant, le vaisseau est ébranlé, à un tel point que l’Embrouilleur est jeté de son siège et que les hyènes hurlent à la mort ! « Mais qu’est-ce qui se passe ? s’écrie paniqué l’Embrouilleur.

_ Hum, d’après ce que je vois, répond le Général, ce sont les nuages rouges de la planète Camandria… Nous en sommes très proches et ces nuages sont souvent accompagnés de vents gigantesques, ce qui explique cette perturbation…

_ Tu… Tu en es sûr ?

_ Allô, Dom passerelle ? C’est Camandria qui fait des siennes ?

_ Affirmatif, Général, ça se calme déjà !

_ Tu vois, reprend le Général, un incident, rien de plus !

_ Excuse-moi, dit l’Embrouilleur, qui se remet maladroitement sur son siège, je… je suis un peu fatigué en ce moment !

_ Hum, mentir tout le temps, ça doit être fatigant, non ? Toujours manipuler, toujours être sur ses gardes ! Pour ma part, je n’y résisterai pas !

_ Mais je le fais pour la bonne cause ! Nos ennemis sont nombreux et ont juré notre perte ! La grandeur des Doms passe avant tout ! Il en va de notre survie !

_ Ah bon ? Ce n’est pas une question d’orgueil ? »

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Domopolis est toujours en danger ! Les feuilles se sont transformées en petites scies circulaires ! Elles roulent avec le vent et leurs pointes acérées découpent les corps ! C’est affreux évidemment, car il y a du sang partout et on entend des cris horribles, mais les feuilles semblent choisir leurs cibles ! Par exemple, elles se jettent sur le Dom qui laisse tomber négligemment un papier par terre ! Le Dom, qui quelques secondes auparavant se moquait éperdument du monde, se met soudain à appeler au secours, à demander la solidarité des autres ! Comme ce revirement est étrange… et inutile, car l’attaque va très vite : le Dom est taillé en pièces en un éclair ! C’est incroyable ce que ces feuilles peuvent avoir d’énergie !

Mais il y a aussi le Dom qui ne trie pas ses déchets, qui bourre sa poubelle n’importe comment, qui est pris à partie ! A peine laisse-t-il sa poubelle déborder de sacs que les feuilles arrivent sur lui ! Elles font de petits bruits secs sur le trottoir, puis un courant d’air et hop, elles sautent sur l’individu, en lacérant ses chairs ! La surprise est totale, l’épouvante aussi ! On est égoïste jusqu’au fond de l’âme, on ne se préoccupe que de soi, on méprise absolument son prochain… et voilà qu’il faut se réveiller, prendre conscience à mesure qu’on ressent la douleur ! La leçon est aussi amère que funeste ! Le sang ruisselle dans les caniveaux et on se demande si la Chose n’a pas perdu patience, si son action n’est pas contre-productive, à force d’être radicale ! Où est le doux temps de la pédagogie ?

Évidemment, les Doms qui effectuent des dépôts sauvages, qui sèment dans un coin leurs ordures, comme les chiens pissent en tel endroit, ceux-là sont particulièrement assaillis, suscitant parmi les feuilles un véritable petit tsunami ! Tous les membres de ces « cochons » volent en éclats ! On a l’impression que les feuilles sont brusquement ivres, tant leur ardeur est visible, et à la place d’un tas de vieux meubles ou d’habits, on trouve des têtes, des bras, des jambes, dans un ordre si bizarre qu’un léger sourire paraît affleurer dans les yeux des morts ! Sentent-ils tout le sel de la situation ? La Chose ne les traite pas elle-même comme des ordures ?

Mais les feuilles ne s’arrêtent pas là ! Elles veulent les vrais responsables, les champions de la nécessité, ceux qui se masquent obstinément leurs ambitions, qui ne réfléchissent jamais à ce qu’ils sont, qui n’avouent jamais leurs peurs, qui font croire que leur vie a un sens ou n’en a pas besoin ! ceux qui détruisent la nature sans sourciller ! ceux qui sont malades sans chantiers ! ceux qui bétonnent à tout va ! qui ne recueillent jamais la beauté dans la main ! qui n’ont aucune humilité ! qui ne savent pas s’arrêter ! qui sont aveugles, pleins d’intrigues, qui boivent le pouvoir à grandes gorgées, qui se droguent avec leur ego ! ceux qui ne savent pas ce qu’errer veut dire ! qui ignorent tout de la nuit et de la souffrance !

Vite, les feuilles se ruent sur la tour du Pouvoir ! Elles veulent la peau de Dominator et de ses sbires ! Elles créent une vague monstrueuse, effrayante, haute comme un immeuble ! C’est un déferlement mordoré, un horizon couleur sang, qui fait tressaillir Dominator, alors qu’il se croyait à l’abri ! « Mais ça va pas quand même pas nous atteindre ? » s’écrie-t-il, tout en sentant ses cheveux se dresser sur la tête. Derrière lui, Ratamor et Lapsie ne disent rien, figés par l’horreur que produit cette masse immense et qui fonce vers eux ! « Eh prof ! jette encore Dominator. Réveillez-vous ! C’est vous le matheux ici ! On est assez haut, hein ?

_ Je… Je ne sais pas ! » balbutie Ratamor.

La vague s’écrase et la tour du Pouvoir en est ébranlée ! On y sent une secousse ! Puis, la crête monte face à l’obstacle ! Les fenêtres sont obscurcies par les feuilles, même à la hauteur du bureau de Dominator ! On est comme enterré sous les feuilles et une angoisse saisit chacun ! On se met à courir éperdu, on crie, on se percute ! Monsieur Nuit, toujours transformé en escargot, entreprend d’escalader un mur, vaste projet, mais la peur lui donne du courage, tout en excitant ses antennes ! Dominator ne bouge plus, oubliant son cigare éteint dans la bouche ! Lapsie, malgré sa répugnance à l’égard de Ratamor, son ancien ennemi, l’a tout de même pris par le bras, afin sans doute de mieux résister au choc ! « Et dire que je suis en détox! » se dit-elle.

Des feuilles ont réussi à pénétrer la ventilation et des gardes sont découpés, dans des couloirs sombres ! On entend comme des couteaux se planter derrière les portes, qui résistent ! Puis, c’est l’incroyable reflux, telle une respiration géante ! Les feuilles se retirent ! Elles ne sont plus soutenues par leur élan ! Elles repartent ! Pourtant, la stupeur dans la tour du Pouvoir ne retombe pas ! On y reste muet, assommé, tandis que là-bas les feuilles n’en finissent plus de s’écouler hors de la ville, dévoilant des « noyés » !

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Il existe dans la Chose un endroit magique ! On y descend dans l’ombre, par un petit escalier… C’est un lavoir, à côté de sa fontaine ! L’eau murmure doucement et diffuse sa paix… Apparemment le lieu est banal : des dalles de pierre entourent le bassin, sous les feuillages, mais si on y regarde de plus près, si on se concentre, un charme peu à peu envahit le visiteur, car là, à la surface, le reflet du ciel et des arbres est tellement clair qu’on a le sentiment qu’un autre monde commence, parallèle à au nôtre ! L’idée que l’eau en aurait une vertu particulière, qu’elle pourrait donner une connaissance supérieure, extraite d’un univers plus pur, vient naturellement !

Une légende est donc née : si on boit un peu de cette eau, on est transformé, on devient meilleur, on a un pouvoir inconnu, peut-être même le don de guérir ! à condition toutefois de puiser le liquide au bon endroit, juste avant qu’il ne reprenne sa course, justement quand il est illuminé par des éclats de soleil, qu’on aura soin de recueillir entre ses mains ! Alors, dit-on, le charme opère, on revient vers Domopolis et les Doms, en étant différent, avec un regard qui a changé !

D’abord, on est écœuré par la saleté de la ville ! Car les déchets que l’on voit ne sont pas dus à la fatalité, mais à l’indifférence, à l’égoïsme ! Force est de constater que les Doms vivent dans une porcherie ! Mais ce n’est pas là le pire, on s’en doute ! Il y a encore l’incessant trafic, qui abrutit, vide et rend esclave, mais ce qui désespère le plus est plus loin, dans le centre, au sein même des rapports entre les Doms ! Celui qui a bu l’eau du lavoir est sidéré, abasourdi par la manière dont nous nous comportons ! Ce sont d’abord des regards de haine, de gens que nous ne connaissons pas et qu’on découvre subitement et donc qu’on n’a pas pu blesser ! Alors pourquoi cette haine, ce mépris ? Ce n’est pas une illusion, ce dégoût est bien là, car on tient à nous le montrer, de sorte qu’il nous pénètre, qu’il nous fasse mal !

Tout simplement, la domination s’offusque que vous lui échappiez, que vous soyez heureux sans elle, que vous ayez l’air libre et non soumis ! Quel étrange message ! Il faudrait donc être malheureux ou avoir peur, pour satisfaire ces Doms ? Ce sont eux les maîtres et il faut que vous le sachiez ! Mais pourquoi les suivre, alors qu’ils ne sont pas heureux, car leur haine témoigne de leur malheur, de leur peur et de leur ignorance ? Pourquoi, s’ils sont gênés par votre joie et votre liberté, n’essaient-ils pas de comprendre d’où elles viennent, afin qu’ils en profitent eux aussi ! Non, il faut qu’ils vous détruisent ! S’ils ne peuvent vous commander, vous devez disparaître ! Cela veut aussi dire que c’est la domination qui mène le monde, que c’est le poison de Domopolis !

Mais vous n’êtes au bout de vos peines ! Dès que vous entrez dans un magasin, un Dom ou une Dom vient vous presser par derrière ! On pèse sur vous, comme si vous étiez du bétail, car là encore c’est le Dom qui compte, c’est son monde, pas le vôtre ! Dans ces conditions, comment pourrions vivre en paix et aimablement ! Il faut se défendre, résister, faire comprendre au Dom que les autres sont ses égaux ! Pourquoi se sent-il supérieur ? Pourquoi ne respecte-t-il pas l’autre, n’en est-il pas curieux ? Pourquoi n’est-il pas humble ? Celui qui a bu l’eau du lavoir prend conscience d’une chose gigantesque : c’est que les Doms vivent dans leurs plaisirs ! Ils se gavent de leur égoïsme, au-delà des apparences ! Ils se roulent dedans, comme les hippopotames dans la boue !

Et pourtant le Dom se plaint ! Il se croit victime du devoir, plein de respectabilité et de responsabilités ! Il ne s’en rend pas compte ! Il est aveugle telle une taupe ! Il n’a aucune idée de la souffrance et il vit dans un luxe incroyable ! Voilà ce que voient les yeux nouvellement ouverts ! Et c’est sidérant ! Tout pourrait être différent, si chacun luttait contre sa domination, son égoïsme ! Ce n’est pas une question de politique ou d’économie, c’est juste en nous, à la portée de tous ! Mais on le sait, se remettre en question pour le Dom est ce qui lui est le plus pénible, tant il est attaché à sa domination, pour se protéger de la peur !

Car le fond du Dom, c’est la peur ! Tant qu’il domine et que c’est son monde qui triomphe ou s’impose, il ne s’en aperçoit pas ! Au contraire, il se croit très malin et courageux ! C’est ce qu’il appelle sa réussite, quand il se sent un gagnant, qui devient haineux et hostile, dès qu’on paraît différent, plus libre ! Cette réaction haineuse, ce désir de détruire montre toute la fragilité et l’hypocrisie du Dom, montre comment toute sa soi-disant sûreté est bâtie sur du sable ! Car c’est la peur qui n’est pas guérie, qui reste un abîme sous les pieds ! Les tyrans sont forcément peureux !

Voilà le pouvoir de ce fameux lavoir enchanté, qui dort quelque part dans la Chose ! qui ne fait pas de bruit et qui reste caché des Doms, tant ils sont agités et même violents ! Dans le lavoir, il y a encore des feuilles qui tournent lentement, qui ondulent parmi les bulles, qui forment un tapis d’or…, qui tombent en créant un œil qui s’ouvre de plus en plus largement sur l’eau ! C’est l’onde du rêve !

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Les scientifiques, les philosophes, les penseurs, se trompent sur la Chose ! Ils disent notamment qu’elle est une fuite, un mirage, que le merveilleux est une illusion ! Car eux savent ce qu’est l’homme ou le Dom ! Ils savent et comprennent… et ils font confiance au rationnel, car ils ne sont pas dupes : les hommes sont durs et égoïstes et deux plus deux font quatre, et la mort est la fin, etc. !

Mais l’art, qui représente la beauté, arrive à comprendre le réel, justement là où la science se révèle impuissante ! Un beau portrait laisse voir toute la personnalité d’un individu bien mieux que n’importe quel traité de psychologie ! C’est une image d’ensemble qui capte ce qui est indicible et échappe à l’analyse ! Science et art sont complémentaires, car la beauté nous enseigne quelque chose ! Par son rythme, son temps déjà, elle nous forge ! Notre domination nous quitte peu à peu, à son contact, comme une mue ! Cela ne se fait pas sans douleurs, car nos blessures peuvent être nombreuses, ce qui nous conduit à un ardent désir de justice ! Mais notre amertume et nos frustrations ne sont pas causées par la beauté, mais bien par les Doms !

La beauté, la nature ou la Chose ne font que nous accueillir et… nous consoler ! De quelle manière ? Mais, en suscitant notre admiration, elle attache notre regard et fait pénétrer en nous son message ! Quel est-il ? Mais que l’infini existe, puisque cette beauté se révèle sans limites ! La beauté nous dit qu’elle est extraordinaire, en produisant notre enchantement ! Elle nous rassure, en nous faisant comprendre que nous ne sommes pas des étrangers dans le monde, mais qu’au contraire il est notre maison ! Nous ne sommes pas seuls, malgré notre désarroi et nos blessures, mais nous sommes aimés, d’où notre réflexion sur cette ambiguïté, car comment pourrions-nous être aimés, alors que nous souffrons ?

La boîte qui nous sert de cerveau, se met alors en action, pour résoudre cette énigme ! provoquée par la beauté ! On le voit, nous sommes ici très loin déjà de toute naïveté ! Le merveilleux, loin de nous séparer du réel, nous en rapproche au contraire au plus près ! Naïfs sont plutôt les scientifiques et les philosophes, les matérialistes, car de tout temps l’homme a compris le réel grâce à l’art ou à la beauté ! La spiritualité naît de l’imagination et de l’admiration ! Elle nous est aussi indispensable que la science, mais en plus elle nous apporte la sécurité et le levier de l’amour ! Car la beauté peu à peu résout notre énigme : comment Dieu pourrait exister, alors que nous souffrons ?

Peu à peu, la beauté nous enlève notre domination, c’est un travail de patience, permis par l’enchantement ! La compréhension s’éveille… D’abord, le Dom a peur… et plus il est violent et plus il a peur et est perdu, malgré ses airs bravaches et victorieux ! Comme nous nous sentons aimés et comme nous sommes rassurés, nous sommes à même de comprendre ! C’est notre égoïsme qui empêche notre réflexion, notre lucidité ! Par l’amour, notre vision s’élargit ! Elle devient elle-même sans limites, bien au-delà de la simple logique ou de la seule raison, qui sont toujours asséchantes ! L’« eau de vie » jaillit de l’amour et donc de la beauté ! Le merveilleux est la connaissance « suprême » ! C’est la « science » de l’enfant !

Mais voyons maintenant nos vies actuelles… Notre environnement est éminemment agressif : saleté, pollution, trafic incessant, travaux partout, laideur des bâtiments, colère, haine, violence, guerre, incertitude, manifestations, destructions, racisme, intolérance, etc. Où est la beauté ? La paix ? Comment pourrions-nous ne pas être perdus, malheureux et malades ? Nous sommes de plus en plus nombreux certes et les villes ne cessent de s’étendre, mais nous avons vu que c’est surtout à cause de la domination ! Rien que le fait de ne rien faire, de rester tranquilles, nous angoisse ! Nous sommes à des années-lumières de l’enseignement de la beauté ! Nous en sommes aux antipodes et nous nous analysons et nous nous dévorons et nous nous rendons suspects à nous-mêmes : qu’est-ce que notre nourriture, comment marchent nos digestions ? Ce qui devrait être le plus simple devient un abîme de réflexion !

Bien sûr, le premier réflexe est le rejet, la fermeture sur soi, le phantasme d’une autre époque, où la société était plus ordonnée, plus « pure » ! Mais ce chemin est celui de la haine et du mépris ! Or, la beauté est toujours parmi nous, malgré nous a-t-on envie de dire ! Le ciel est toujours au-dessus de nos têtes, la végétation n’a de cesse de toujours repousser, même à travers le béton, etc. ! Son message nous attend donc toujours ! Il suffit de s’arrêter et de l’écouter ! Mais il est vrai aussi que l’art s’est perdu lui-même, qu’il s’est dépourvu de toute admiration et de spiritualité et que c’est en partie la faute de la science, qui croit même toujours être supérieure à l’art, pour l’avoir circonscrit ! C’est la domination scientifique !

 

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