L' attaque des Doms (51-55)

  • Le 19/10/2024
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R55

 

 

                "Papa, je suis enceinte!

                 _ Oui, oui, mais tu n'es pas la première à qui ça arrive!"

                                                       Flic ou voyou

 

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Au camp 5, ça ne rigole pas ! La rééducation des Doms émeraude ne s’arrête pas et ce matin, alors que la brume plane sur les champs alentour, un nouvel instructeur s’adresse à sa section ! C’est un personnage sec, de haute taille, en uniforme ! un vrai militaire, avec le béret bien pendant sur le côté de la tête ! D’une voix métallique, il crie : « Je suis le colonel Retraite ! On m’a demandé de vous remettre dans le droit chemin, vous, les Doms émeraude ! La Chose, apparemment, vous a tourneboulés, de sorte que vous n’avez plus le sens des réalités ! Ce n’est pas à moi de juger si votre égarement est feint ou pas, d’autant que votre changement physique ne peut être nié, mais je veux des résultats ! Je veux que vous sortiez d’ici, de nouveau en citoyens responsables ! Est-ce que c’est clair ? »

Personne ne répond dans le rang des Doms émeraude… D’ailleurs, ils ont une attitude bizarre : ils semblent apathiques, lointains ! Ils regardent droit devant, mais leurs yeux demeurent vagues, ce qui met mal à l’aise ! On ne sait ce qu’ils pensent, qu’ils soient petits, gros ou forts ! Le colonel Retraite se dit que la partie n’est pas gagnée… « Bon, fait-il, je n’ai qu’un principe, mais il est bon ! « Tu cotises et t’as ta retraite ! Autrement dit, tu travailles, tu cotises et tu bénéficies de ta retraite ! Sinon qu’est-ce qui se passe ? Vous avez un jour soixante-dix ans, vous êtes devenu trop vieux pour bosser, votre santé est de plus en plus mauvaise et là, l’horreur ! Vous n’avez pas assez cotisé, vous n’avez pas assez travaillé et vous n’avez plus rien pour vivre ! Comment vous faites ? Je vous vois d’ici sur des cartons, tendant la main, perclus de douleurs ! Je vous vois tête basse, dans des vêtements sales, faisant la queue à la Soupe populaire ! Quelle humiliation ! Quelle peine ! Mais à qui la faute ? C’est votre paresse qui a vous aura menés à ce triste sort ! »

Le colonel s’attendait à voir de l’effroi sur les visages, mais ceux-ci restent toujours aussi nébuleux ! « Bon sang ! Où sont -ils ? se demande nerveusement le colonel. Bon toi, tu sors du rang et tu viens ici ! » Un Dom massif se déplace lentement vers le colonel… « Tu pèses combien ? lui dit le colonel. Sûrement plus de cent kilos ! Comment tu vas nourrir cette carcasse, si t’as pas de retraite ? Bon, je joue la pauvreté et j’ t’attaque ! Qu’est-ce tu fais ? »

Le Dom émeraude fixe la brume derrière le colonel… « On dirait les cheveux de quelque vieux…, finit-il par dire, d’une voix rêveuse.

_ Hein ?

_ La brume, elle me fait penser à l’oubli… En tout cas, elle m’évoque la paix…

_ Mais t’es complètement barge ! réplique Retraite, en essayant vainement de sonder les yeux verts, qui lui font face. On parle chiffres, de cotisations, du réel, Toto ! Abandonne tes vapeurs !

_ A quoi bon le réel, si je ne suis pas heureux ? A quoi sert la retraite, si je suis malheureux ?

_ Mais justement la retraite est là pour t’éviter le besoin ! Tu pourras voyager et admirer toutes les brumes que tu veux !

_ Et l’herbe gonflée d’eau, sous la brume… Le silence…

_ C’est pas vrai ! De l’herbe maintenant ? Qu’est-ce que tu veux ? La brouter ? Ah ! Ah ! Et le silence ? Je te jure que si tu continues à jouer les imbéciles, je vais mal te noter ! T’es pas prêt de sortir du camp !

_ Tu sais que je la vois…

_ Hein ? Tu vois quoi ?

_ Dans la brume, je vois la mort… C’est elle qui fait la vie un grand mystère !

_ Ouais, vaut mieux ne pas en parler ! C’est normal qu’elle te fasse peur !

_ Je n’en ai pas peur… Je lui ai donné un sens…

_ Eh bien, tant mieux pour toi ! Chacun est libre !

_ Le sens est dans la brume… et l’herbe mouillée…

_ La vache ! J’ suis tombé sur un bon !

_ Le silence enseigne, repose…

_ Et ta cotisation ?

_ C’est mon travail…

_ Quoi ? Quel est ton travail ?

_ Le sens, c’est ma retraite ; c’est mon assurance !

_ Mais de quoi tu parles ? Sois au moins cohérent !

_ Je travaille, en aimant l’herbe mouillée et la brume… et le silence…

_ T’es complètement paumé ! Va, retourne à ta place !

_ C’est mon trésor ! »

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Le vaisseau de la Machine, cette alliée, on le rappelle, de Dominator, se trouve devant un phénomène extraordinaire ! Toutes les alarmes à bord sont déclenchées et la Machine, toujours dans son armure et toujours furieuse, s’emporte un peu plus ! « Mais bon sang ! Qu’est-ce qui se passe ? crie-t-elle. Qui ose arrêter mon vaisseau de cinquante kilomètres de long ? »

A cet instant, chacun découvre ce qui gêne et est figé par la stupeur ! En plein espace flottent deux colonnes, couvertes de végétation et qui sont si grandes qu’elles font paraître le vaisseau ridiculement petit ! « On dirait l’entrée d’un temple ! fait Tautonus, le mari de la Machine.

_ Impossible ! rétorque la Machine. Bon, on s’échappe d’ici, car j’ai bien d’autres choses à faire !

_ C’est trop tard ! Nous sommes engagés ! »

En effet, le vaisseau subit une attraction et il passe malgré lui entre les deux colonnes ! La tension est à son comble chez la Machine et son équipage ! Elle ordonne : « Allumez les projecteurs ! On n’y voit rien dans ce bazar ! » Il est vrai que les étoiles ne brillent plus et les puissantes lumières du vaisseau se mettent à fouiller les ténèbres ! « On dirait des arbres ! lâche Tautonus, en regardant des fûts éclairés. Des arbres gigantesques !

_ C’est sinistre, oui ! réplique la Machine. Comment on va sortir de là ? 

_ C’est vraiment comme dans un temple ! reprend Tautonus. Là-haut, il y a des lueurs colorées, qui rappellent les vitraux ! 

_ Cherchez une sortie ! Moi, tout ça m’oppresse !

_ Et ici, nous avons les candélabres ! Du houx qui s’illumine ! Incroyable !

_ Bon sang, comment pouvez-vous vous extasier, alors qu’on est sans doute tombé dans un piège ?

_ Calmez-vous, voyons… Il nous faut essayer de comprendre de quoi il s’agit…

_ La température est en baisse ! lance quelqu’un.

_ C’est vrai, on a froid ! approuve la Machine. Augmentez le chauffage ! On se croirait dans un caveau !

_ Des aiguilles de conifères, chargés de diamants… Là, sur votre droite… Des tapis rougeâtres… Je pourrais presque sentir la résine !

_ Vous voilà poète, maintenant ! Il n’y a qu’une seule manière de revoir l’extérieur, c’est de bombarder tout ça, avec les canons à neutrons !

_ Mais voyons, vous n’y pensez pas ! Quelle pourrait être la réaction de cet environnement ? Il y a un message ici…. C’est le témoignage d’une intelligence !

_ Peut-être, mais j’étouffe ! Ce n’est pas mon monde ! J’ai besoin d’air ! de ma vie, de mes projets ! Chargez les canons et qu’on soit prêt à faire feu !

_ Chargement 50 %, annonce-t-on.

_ Je vous conjure de faire preuve de patience ! dit Tautonus.

_ Chargement 75 % !

_ Ne me donnez pas de leçons ! réplique la Machine. C’est moi qui commande ce vaisseau !

_ Canons chargés !

_ Feu ! »

Des bombes sont envoyées dans toutes les directions et elles explosent, mais elles n’ébranlent en rien la majesté du lieu ! « Il semblerait que nos canons soient inefficaces ! dit Tautonus.

_ C’est pas vrai ! Mais c’est pas vrai ! J’en ai marre ! Mais qu’est-ce que j’en ai marre ! fulmine la Machine.

_ Il nous faut reprendre l’étude de tout ceci… Il doit y avoir un code…

_ Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter pareille situation ! gémit la Machine. Je me suis tout le temps crevé à la tâche !

_ Navette repérée à dix heures !

_ Hein ? Branchez les haut-parleurs !

_ La, la, la… Ouh, comme c’est beau !

_ Ici la Machine ! Qui chante dans la navette ?

_ C’est toi, la Machine ? Tu ne me reconnais pas ?

_ Pas… Paschic, c’est bien toi ?

_ Affirmatif !

_ Mais comment tu peux chanter dans cette tombe ? Et aide-nous à partir d’ici !

_ Va te faire voir, la Machine !

_ Pas… Paschic ! Je te tuerai ! Je t’étranglerai ! »

                                                                                                     53

« Il y a un pauvre bougre qui voudrait vous parler ! dit D 4 à Dominator.

_ Et depuis quand je devrais m’occuper des pauvres bougres ? demande Dominator, en soufflant la fumée de son cigare.

_ D’après lui, il a un message de la plus haute importance, au sujet de la Chose !

_ Et bien qu’il vous le dise… et vous me le transmettrez !

_ Il affirme que c’est tellement énorme que vous seul devez l’entendre !

_ Encore un fou, un illuminé ! coupe Ratamor, aussi présent.

_ Pfff ! Bon, faites entrer… On va quand même l’écouter ce pauvre bougre ! »

Un Dom penaud, sa casquette à la main, fait son apparition… Il cligne des yeux et s’avance lentement, puis il bute contre quelque chose : « Eh ! s’écrie-t-il. Mais qu’est-ce que… ?

_ C’est un de nos collaborateurs, explique Dominator, monsieur Nuit le promoteur… Il a été transformé en escargot par la Chose… Mais laissez tomber, venons-en au fait !

_ Mais… mais c’est dégoûtant ! ne peut s’empêcher de dire le Dom.

_ Sûr ! Mais on ne peut quand même pas le mettre dehors… N’importe qui pourrait l’écraser ! Mais vous savez quelque chose d’énorme sur la Chose, paraît-il ?

_ Oui, monsieur Dominator… Hier, j’étais dans la rue et la Chose m’a… parlé !

_ Vraiment ?

_ Oui, elle m’est d’abord apparue dans des arbres, dans leurs feuillages… Ils commencent à s’oranger, avec l’automne, et ils s’agitaient plein de pluie, sous l’effet du vent ! On eût dit des topazes ou de l’ambre ! Enfin, j’ai entendu une voix qui disait : « Je suis la Chose ! »

_ Une voix ?

_ Oui, mais je n’ai pas fini… Plus loin, en remontant la rue, j’ai subi une averse épouvantable, de sorte que je me suis protégé sous un porche… et la pluie tombait si drue qu’elle faisait comme des vagues blanches, sur l’asphalte ! Elle crépitait sur des poubelles et c’était de joyeuses petites explosions ! Puis, soudain, des morceaux de bois ont glissé, emportés par l’eau, tels des navires et j’ai de nouveau entendu la voix, qui disait : « Je suis la Chose ! »

_ Eh ben !

_ Oui et il y a eu une troisième fois… devant l’église…, où des flaques s’étaient formées ! Elles reflétaient le beau bleu du ciel et le vert alentour ! A cet instant, j’ai eu l’illumination !

_ Encore la voix ?

_ Non, cette fois-ci, c’est moi qui ai compris tout seul !

_ Ah bon ? Et qu’est-ce que vous avez compris ?

_ Mais que la Chose est partout ! que nous sommes dans la Chose ! que ce n’est pas Domopolis qui est vraiment importante ou réelle, mais la Chose ! Nous nous agitons en elle, alors qu’elle demeure sereine !

_ Évidemment, c’est un point de vue ! déclare Dominator, après un silence. Vous avez eu une expérience personnelle… très riche !

_ Vous ne me croyez pas ?

_ Si ! Je crois que vous êtes absolument sincère ! Malheureusement, vous nous racontez votre impression et elle est le fruit de votre psychisme ! Nous autres, nous voyons la Chose tout à fait différemment…, notamment le professeur Ratamor, qui représente ici la science !

_ Mais je croyais que mon message allait vous donner de la joie !

_ Ah bon ?

_ Mais oui, n’est-ce pas rassurant de nous savoir dans la Chose, ce qui veut dire qu’elle s’occupe de nous ?

_ C’est vous qui le dites ! coupe Ratamor. Dans votre bouche, il est évident que la Chose est subjective !

_ Sub… jective ? Bien sûr, j’aurais dû y penser ! Mon témoignage ne compte pas, c’est ça ?

_ Mais si, mais si, rectifie Ratamor, et nous vous en remercions ! Nous allons voir ce qu’on peut en faire, croyez-moi !

_ Bien, bien, merci ! dit le Dom, avant de s’en aller.

_ Vous n’auriez pas dû lui parler comme ça ! souligne Dominator au professeur. C’est un pauvre bougre, mais il est bon qu’ils aient confiance en moi !

_ Sans doute, mais quelles élucubrations ! « Je suis la Chose ! Je suis la Chose ! » dit la voix !

_ Vous ne devriez pas vous mettre en colère, d’autant que jusqu’à présent vous ne nous avez pas beaucoup aidés ! »

                                                                                                    54

« Comment ? Je ne vous ai pas aidé ?

_ Pas vraiment, non… La Chose est toujours là, si je ne m’abuse !

_ Elle est toujours là ! Elle est toujours là ! Je vous ai dit que c’était du flanc !

_ Du flanc qui bouge pas et que vous êtes incapable de faire disparaître ! C’est pourquoi je vous adjoins une psychologue... Elle sera chargée de vous motiver, d’obtenir de vous de meilleurs résultats !

_ Quoi ?

_ Elle sera votre esprit critique !

_ Et qui est l’heureuse élue ?

_ Une certaine Lapsie ! Vous la connaissez, je crois…

_ Si je la connais ? Mais c’est mon cauchemar ! Cette femme est à demi-folle !

_ Et vous, vous n’êtes qu’un sale PN ! jette Lapsie en pénétrant dans le bureau.

_ Un PN ? demande Dominator.

_ Un pervers narcissique ! répond Lapsie. Un affreux pervers narcissique ! Je suis avant tout une chasseuse de PN, Dominator.

_ Mon Dieu, mais c’est obsessionnel chez elle ! coupe Ratamor. Vous ne pouvez pas me coller ce… monstre, Dominator !

_ Si ! Vous deux, vous allez faire des étincelles ! vous stimuler mutuellement ! Un vrai duo de choc, contre la Chose !

_ Monsieur, il y a là votre biographe ! annonce D 4 .

_ Déjà ? Faites entrer !

_ Ah ! Môssieur Dominator, quelle joie de vous revoooiiirrr ! fait le biographe.

_ Mes amis, dit Dominator à Ratamor et Lapsie, je vous présente mon biographe… ou plutôt mon historien : Propagandia !

_ Jêê souisss enchanté de rencontrer les amis de Dominator ! lance Propagandia.

_ Propagandia et moi, explique Dominator, nous établissons un livre d’histoire pour les générations futures… Il s’agit que tout le monde comprenne mon œuvre, mon rôle de bienfaiteur !

_ Ouuui ! fait Propgandia. A ce sooouuujet, j’ai quelques points difficiles à traîîter !

_ Ah bon ? Et quels sont-ils ?

_ Peut-on parler en touuute liiiberté ?

_ Mais oui, allez-y ! Je n’ai de toute façon rien à cacher !

_ Eh bien, il y a quelques années, vous avez fait dépooorter des milliers de personnes, qui n’étaient pas d’accord avec voous…

_ C’est exact ! Mais vous écrirez qu’un pouvoir fort exige bien des sacrifices ! Ces déportations étaient nécessaires !

_ Mais oouuui, bien sûr ! Vous avez aussi affamé des populationnnnees !

_ Même chose, la nécessité ! C’est le prix à payer pour un pays stable !

_ Ah ! D’accord ! J’écrirai tout ça !

_ C’est pour ça que je vous paye !

_ Vouuuus avez aussi supprimé tous vos opposants et pactisé avec des faaasccchiiistes !

_ On voulait me détruire ! J’ai fait au mieux pour survivre ! Mon image et notre histoire doivent être positives ! Gardez-ça à l’esprit ! Sinon, c’est la démocratie, la liberté d’opinion, bref c’est le bordel, la décadence ! De la rigueur, de l’ordre, avec l’aide de Dieu !

_ Oui, oui, Dieu est avec nous ! La vérité aussi ! Et j’ai d’ailleurs une petite surprise pour voous !

_ Ah bon ? Propagandia, vous me flattez ! J’adore les surprises !

_ Oh ! Ce n’est qu’une touuute pettiiite chose ! oune Chrorale qui chante pour vous ! Peut-elle entrer ?

_ Des enfants ? Des enfants qui chantent pour moi ! Mais oui, je brûle de les entendre ! »

Des enfants endimanchés se rangent devant Dominator et sous la direction de Propagandia, ils commencent à chanter : « Oh ! Oncle Domi, nous sommes prêts à défendre le pays ! Nous sommes prêts à mourir pour toi, si on menace notre toit ! Nous savons manier le fusil et tout ce qui est utile, pour tuer l’ennemi ! Ainsi mourra celui qui le nie ! Oh ! Oncle Domi, tu n’as pas plus fidèles amis ! Que nous les enfants soldats, car la patrie est notre dada, da, da ! »

« Bravisssimo, les enfants ! fait Propagandia, en applaudissant. N’est-ce pas qu’ils sont charmants ?

_ Mais ils sont divins, vous voulez dire ! objecte Dominator. Hein ? Ratamor et Lapsie, ne les avez-vous pas trouvés touchants ?

_ Si, si… répond du bout des lèvres Ratamor.

_ Il n’aime que lui de toute façon ! » jette Lapsie.

                                                                                                          55

Zorm glisse dans l’espace sur sa feuille de lumière ! Comment a-t-il découvert ce moyen de locomotion ? Pressé par les Doms, il s’était réfugié dans un bois et avait découvert « l’engin » ! La feuille, illuminée car son énergie est la lumière, flottait dans une clairière et Zorm avait grimpé dessus ! Il avait dû apprendre à la manœuvrer et maintenant il la fait aller, où il veut ! Ainsi, il échappe aux Doms !

Ceux-ci, d’abord enragés, ont trouvé une parade ! Ils ont remarqué que la peur peut elle aussi servir d’énergie, en ce sens qu’elle développe la domination, l’essence même des Doms ! Et ils ont construit l’Hydre  ! C’est une « machine » avec des têtes violentes, haineuses ou au contraire glacées et cruelles et qui cherchent à dévorer l’espace et tout ce qui n’est pas elles ! Son principe est celui des Doms, à savoir que tant qu’on domine, on garde l’équilibre !

Comme l’Hydre ne guérit pas de sa peur, son énergie semble inépuisable, comme sa capacité à vaincre et détruire ! Les têtes se dressent dans le ciel, sournoises, méprisantes ou pleines de fureur, essayant de déchirer à belles dents leurs adversaires ! Des pinces travaillent au niveau du sol, cisaillant les pauvres gens, tandis que « là-haut », ça hurle, fume, abrutit !

Zorm est parfois surpris par une tête qui jaillit, mais il reste vaillant sur sa feuille, n’en perdant pas le contrôle ! Non, ce qui désespère le plus Zorm, c’est l’état de ce qui est en dessous, des populations et des pays ! En effet, l’Hydre crée des guerres, dévaste les régions, fait fuir les habitants, ou encore fracture les consciences, traîne dans la boue la vérité, rend fou, propage la haine ! Les Doms en sont eux-mêmes les victimes, car leur création leur échappe ! Ils n’en sont plus les maîtres ! Elle a sa vie propre et écrase qui elle veut ! On pleure à ses pieds ! On gémit, on désespère, on se tue dans son ombre ! Mais l’Hydre n’est pas programmée pour avoir de la pitié !

Soudain une tête hurlante poursuit Zorm ! Il accélère sur sa feuille vers une forêt, laissant un sillage lumineux parmi les troncs ! Mais la tête est tenace, féroce et elle s’étend, tel un serpent, derrière Zorm ! Mais on est là dans un lieu qui n’est pas le sien ! On n’est pas dans le bouillonnement de Domopolis, où les Doms s’appuient les uns sur les autres ! Ici, l’espace n’est plus leur esclave, leur terrain de jeu ! Ici, il y a plus grand que le Dom, plus beau aussi ! Ici, on entre dans le temple de la beauté !

Et le silence bientôt entoure la tête hurlante, d’autant qu’elle ne voit plus sa proie et que son élan diminue ! Elle regarde autour d’elle et comme ce qu’elle voit la trouble, l’inquiète ! Les grands arbres moussus semblent muets, comme des gardiens qui la jugeraient ! L’ombre leur donne encore plus de grandeur, de solennité ! Le sol est humide, doux, reposant… Quelques gouttes tombent comme si le temps ralentissait !

Dans une flaque, des feuilles oranges font des marqueteries resplendissantes et pourtant atténuées par une légère boue ! Tout ici invite à la paix et console, tel un baume d’humidité, de fraîcheur ! Tout ici n’est que merveilles et travail lent ! Où sont les rages de la ville ? Où est son activité incessante, voisine de la folie ? Où est son absurdité ? Ah ! Mais il ne faut pas avoir peur du temple ! Celui qui vit pour sa domination en a horreur, bien qu’il se plaigne de ses propres inquiétudes ! Il en a horreur, car il faudrait qu’il abandonne les délices de son amour-propre, le sentiment de sa supériorité ! Cela n’a rien à voir avec une réalité plus urgente, qui est celle de la nécessité de gagner sa vie ! Le calme existe, mais on n’en veut pas ! On préfère le sang et la fureur, ce qui veut dire écraser son ennemi !

La tête hurlante finit par s’épuiser… Sa peur elle-même s’éteint, car la majesté du lieu agit ! La tête se couche et souffle à même le sol glaiseux… Zorm s’approche… « Alors la tête, dit-il, qu’est-ce qui se passe ? Tu ne veux plus me tuer ?

_ Non, laisse-moi, je suis si fatigué…

_ Je comprends… Pour la première fois, tu te reposes…

_ Je voudrais… Je voudrais rien…

_ Ici, en effet, on ne veut rien ! On regarde, on contemple, c’est tout !

_ Mais c’est vide, non ?

_ Ah bon ? Ne sens-tu pas une paix, une attente ?

_ Je vais fermer les yeux…

_ Ferme… La magie commence ! »

 
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