L' attaque des Doms (46-50)

  • Le 05/10/2024
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R54

 

           "Ils n'ont pas besoin de Dieu..."

                                      The Stalker

 

 

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Le duc de l’Emploi trie des vêtements, au camp 5… Un autre prisonnier est à côté de lui, qui lui demande : « Pourquoi t’es là ?

_ Oh ! Moi, c’est une erreur judiciaire ! Je suis le duc de l’Emploi, alors tu comprends que je n’ai rien à faire ici !

_ Mais t’as quand même les yeux verts ! T’es donc un Dom émeraude !

_ Mais non ! C’est… la Chose qui s’est foutu de moi et qui m’a transformé comme ça ! Mais j’suis du côté de la conso ! La société, telle qu’elle est, est mon amie ! C’est en grande partie moi, qui l’ai créée !

_ Un conseil : ne la ramène pas trop ici sur ton innocence ! Les gardiens, ils aiment pas ça et ça les excite !

_ C’est pourtant la stricte vérité ! Et toi, pourquoi t’es ici ?

_ Oh moi, un coup de blues ! J’ sais pas ! Le monde m’est apparu insipide tout d’un coup ! J’étais en plein magasin et j’ai commencé à vomir ! C’était plus fort que moi… et c’est comme ça qu’ils m’ont cueilli !

_ Eh là-bas vous deux ! crie un gardien. Vous croyez que vous êtes ici pour papoter ! Mettez-moi tous ces vêtements sur des perroquets ! Ornez-moi ces rayons ! Je veux un temple de la conso parfait, dédié au dieu de la vente !

_ Tu sais pas qui j’suis ! fait le duc de l’Emploi au gardien. Si tu bosses ici, c’est grâce à moi !

_ Mais ferme-la ! lui enjoint l’autre prisonnier, dans un murmure.

_ Qu’est-ce que t’as dit ? demande hargneusement le gardien, en s’approchant. T’as des vapeurs ! T’as encore des dents, le bleu, mais moi, les Doms émeraude, je les écrase comme des pêches mûres !

_ Je n’ suis pas un Dom émeraude ! C’est la Chose qui…

_ T’es pas un Dom émeraude ! T’as pas les yeux verts, couleur de verdure ? C’est une erreur judiciaire ?

_ Parfaitement !

_ Tiens prends ça, sale connard ! Alors, tu veux détruire not’ civilisation ! Tu veux du vert, dans not’ temple de la conso ! Tu nous menaces !

_ Mais non, aaah ! J’ suis avec vous, bon sang !

_ T’es même un traître à ta cause ! Tu m’ dégoûtes ! Tiens, prends encore ça ! J’ vais t’ montrer, moi, qui est ton dieu, sale connard ! T’es dans le temple de la conso, ici ! Espèce de terroriste vert !

_ Mais lâchez-moi, bon Dieu !

_ Regarde enfoiré, ce qu’on a fait pour toi ! Regarde ! Tout est propre, blanc, lumineux ! C’est parfait ! Quelle température, il fait ici, d’après toi ?

_ J’ sais pas ! Vingt degrés ?

_ Vingt-cinq ! A genoux, mécréant, c’est le paradis ! Et les vitrines, elles sont pas belles les vitrines ?

_ Si si ! Ouille ! Aïe ! Elles sont alléchantes !

_ Bien sûr qu’elles sont alléchantes, vermine ! Viens, j’ vais t’ montrer un rayon !

_ Mais ne me poussez pas !

_ Comment veux-tu qu’on traite les gars comme toi ? Regarde ! Ouvre les yeux ! Dix mille paires de chaussures de sport ! toutes immaculées ! toutes parfaites ! créées par l’IA ! Car nous entrons tous dans une catégorie ! La dépersonnalisation est totale ! Et tu sais pourquoi ? Pour que nous ne formions plus qu’une seule famille ! unie dans le temple de la conso ! Le rendement au plus haut niveau ! Il n’y a plus aucune aspérité ! Nous avons vaincu l’extérieur, la nature ! Tu sais combien de terre, de fleurs ont été écrasés sous nos pieds ! Tu marches sur tes amis ! Ah ! Ah !

_ Vous êtes fou ! Je me plaindrai à…

_ Tu ne te plaindras à personne ! C’est moi qui commande ici ! Soit tu te soumets, soit tu crèves ! Tu sais, c’est quoi mon rêve ? C’est rejoindre le grand esprit artificiel ! Ne plus souffrir, ne plus rien sentir ! C’est le nirvana de la conso ! Je serai comme une chose qui brille et que tout le monde enviera !

_ T’auras perdu ton job, bien avant ! Un coup de fil et…

_ T’es un dur ! Si, si, je l’ai vu tout de suite ! Les Doms émeraude, c’est ma spécialité ! Ils craquent tous entre mes mains ! Je suis l’apôtre de la langueur, du désespoir ! J’ vais t’ vider comme un poisson ! Bientôt, tu ne te rappelleras même plus ton nom ! »

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Piccolo a quand même emmené Ratamor dans la Chose ! Ils sont partis très tôt le matin, avec des chaussures de randonnée et un petit sac… Après un passage brumeux, ils pénètrent apparemment dans la Chose, car un rayon d’or les transportent à présent ! Autour, il y a plein de trésors, des perles scintillantes, en vrac ou en colliers ! Des diamants envoient des éclats roses, tandis que des lingots dorés apparaissent ici et là !

Puis, la fête commence ! Des dizaines de papillons s’empressent autour des deux visiteurs et crient : « Piccolo arrive ! Il amène quelqu’un ! Piccolo arrive ! Il est avec quelqu’un ! » Des fleurs d’aubépine tendent le cou, des herbes hautes et encore mouillées, essaient de toucher les marcheurs ! « Ne quittez pas le rayon d’or ! dit Piccolo à Ratamor. Vous pourriez vous égarer ! » Soudain, au milieu du chemin, se tient un vieil arbre moussu : « Halte ! On ne passe pas ! aboie-t-il. Papiers, s’il vous plaît !

_ Pas mal ton numéro, vieux frêne ! fait Piccolo.

_ Hein ? J’ai l’air sévère ! Content de te voir, Piccolo ! Alors, tu nous amènes quelqu’un… A chacun ses chênes, pas vrai ? Ah ! Ah !

_ C’est le professeur Ratamor ! Il veut comprendre la Chose !

_ Houx ! Ah ! Ah !

_ Ces dames sont là ?

_ Comme d’hab ! »

Piccolo et Ratamor continuent leur marche… « Un de vos amis ? fait goguenard Ratamor.

_ Oui, il a dû bosser dur, pour arriver à cet âge ! Vous avez vu comme il est fort ! Beaucoup ont voulu le couper !

_ Je suppose, oui ! Mais je ne suis pas dupe, Piccolo ! Pour l’instant, il me semble que je ne vois qu’une farce, du théâtre ! Tout cela n’est pas bien réel… et en tout cas, ça ne m’explique pas la Chose !

_ J’avais prévu votre réaction, prof, malheureusement ! Enfin, j’aurais essayé ! Venez, il nous faut ouvrir cette porte verte !

_ Une porte maintenant ?

_ Oui, aidez-moi ! »

Tous les deux poussent une lourde porte émeraude, pour découvrir une souche couronnée de champignons ! « Voilà le canon qui fait les Doms émeraude ! explique Piccolo.

_ Cette vielle souche ! Ah ! Ah ! Vous vous moquez de moi, Piccolo ! J’ai vu le duc de l’Emploi être touché dans la tour du Pouvoir ! Il faudrait un canon gigantesque, pour arriver à ce résultat !

_ T’entends ça, vieille souche ? dit Piccolo. Il doute de tes capacités !

_ Laisse les ignorants parler, Piccolo ! répond la souche, en clignant un œil. Ça leur fait du bien ! Ils se sentent importants !

_ Eh ! Mais je ne vous permets pas de… réplique Ratamor.

_ Ah ! Te voilà, Piccolo ! » coupe non loin une voix féminine.

Plusieurs femmes sont là… Elles ont une chevelure argentée, ruisselante ! « Tu nous présentes ton ami, Piccolo ? demande celle qui vient de parler.

_ Volontiers ! Voilà le professeur Ratamor !

_ Alors, professeur, comment trouvez-vous notre petit monde ?

_ Évidemment, c’est très beau et vous êtes vous-mêmes, mesdames, très belles, mais… je ne marche pas ! C’est du théâtre, une illusion ! La magie, ça n’existe pas ! Au vrai, si je pouvais vraiment ouvrir les yeux, qu’est-ce que je verrais ? Des plantes, des animaux qui se reproduisent et s’entre-tuent pour se nourrir ! Et puis, si tout ça était laissé à l’abandon, le milieu deviendrait hostile ! La beauté est une invention des Doms, le saviez-vous ?

_ Tu vois Piccolo ! fait la femme. Ratamor n’est pas un gogo comme les autres ! Je vous prie de nous excuser, professeur, mais nous vous avons pris pour le pigeon habituel ! Et vous êtes bien entendu d’une autre trempe !

_ Madame, cela n’enlève rien à votre beauté, bien entendu ! Mais je suis aussi un humble disciple de la vérité et il me fallait parler à cœur ouvert !

_ Bien sûr, professeur, Piccolo va vous raccompagner ! »

Sur le chemin du retour, Ratamor reprend : « C’était bien essayé, Piccolo ! J’avoue que certains trucs m’ont surpris ! Mais à la réflexion, je me dis maintenant qu’il est possible que vous inventiez tout ça, pour fuir la réalité !

_ Je crains que vous n’ayez encore mis dans le mille, professeur !

_ Je ne suis plus un enfant, Piccolo !

_ C’est bien ça, le problème !

_ Quoi ? Quel problème ?

_ Que vous ne soyez plus un enfant ! »

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« Ah ! Ah ! fait Ratamor, en pénétrant dans le bureau de Dominator.

_ Vous voilà bien joyeux, professeur ! lui lance Dominator.

_ C’est que j’ai quand même exploré la Chose, hier, avec Piccolo !

_ Tiens donc !

_ Oui et figurez-vous que je n’y ai vu qu’esbroufe ! Vous savez ce qu’est vraiment la Chose, Dominator ? Ce n’est que la nature telle que nous la connaissons !

_ Je croyais que c’était de la beauté pure ! N’est-ce pas vos propres termes ?

_ Si ! Et de la beauté il y en a ! Mais quoi ? Il n’y a pas là de miracles, d’esprit supérieur ! La beauté est subjective et chacun la voit d’une certaine manière ! Dire que j’ai failli marcher ! Piccolo voulait m’entraîner vers une nouvelle spiritualité, par l’enchantement ! Mais la matière triomphe ! Je reste un scientifique ! Il n’y a pas de magie, ni de mystères !

_ Vous voulez dire que je vais pouvoir de nouveau bétonner ! coupe monsieur Nuit, lui aussi présent.

_ Bien sûr, monsieur Nuit ! Nous avons besoin de logements et d’exploiter la matière, pour vivre ! dans certaines limites cependant, vous n’ignorez pas que le réchauffement climatique nous impose des restrictions et une nouvelle façon de faire !

_ Bien entendu ! Mais mes bétonnières vont reprendre du service… et cela seul compte ! Car j’ai de vastes projets !

_ Tout de même, objecte Dominator, la Chose est peut-être de la nature, mais il n’en demeure pas moins que nous n’en voyons qu’une masse opaque et… miroitante, qui bloque la ville… et qui fait disparaître des gens !

_ Oui, c’est un problème, je l’avoue… approuve Ratamor.

_ Du béton… du béton… marmonne rêveur monsieur Nuit.

_ Qu’est-ce qui vous arrive monsieur Nuit ? demande Dominator. Vous êtes grisâtre… et vous bavez, ma parole !

_ Hein ? Qu’est-ce que… ? »

Nuit va vers une glace et sursaute : son visage s’est allongé, des antennes poussent sur son front et effectivement de la salive coule de sa bouche ! « Mais qu’elle est cette diablerie ! s’écrie-t-il. La Chose… C’est encore elle ! » Il n’a pas le temps de terminer sa phrase, car sa voix devient subitement extrêmement lente, comme s’il s’endormait, de même que ses yeux se ferment, apparemment ensommeillés !

« Qu’essssst-ce quuuiiii m’arrrivvvve ? demande-t-il.

_ Ne paniquez pas Nuit, lui répond Ratamor tétanisé. Mais vous avez tout l’air d’un escargot !

_ Quuuoooiii ? Maiiiiis… J’aiiii duuuu boulooooot ! »

Sous les yeux effarés de Dominator et Ratamor, Nuit se dirige vers la porte, mais avec une extrême lenteur ! « Boooouloooot ! fait-il désespéré. Bétooooon ! »

Il glisse sur la moquette, en laissant un sillage brillant ! « M’est avis, monsieur Nuit, remarque Dominator, que vous allez devoir reconsidérer certains paramètres, comme le temps ! Vous n’êtes pas encore arrivé à la porte !

_ Oui, oui, il en bave ! fait sournoisement Ratamor. Excusez-moi, Nuit, mais je n’ai pas pu me retenir !

_ Ah ! Ah ! rit Dominator. Et puis du logement, il va en avoir plein le dos !

_ Ouf ! Ouf ! lâche Ratamor.

_ Bannnnde de salauuuds ! jette Nuit. Je veux agiiiir ! Je veux haïrrrr ! Je m’endorrrrs ! Au secourrrrrs !

_ Si c’est bien la Chose qui l’a transformé ainsi, dit Dominator, quel est son message ?

_ Vous donnez à la Chose une conscience ! réplique Ratamor. Or, elle n’est que de la matière, régie par des lois !

_ Possible ! Mais ici Nuit est placé dans une autre dimension ! Il est paniqué parce qu’il ne peut plus faire ce qu’il veut ! Vous l’avez entendu vous-même, son équilibre repose sur l’action et même sur la haine !

_ Vous voilà psychologue maintenant !

_ Il doit reconsidérer sa raison de vivre... », reprend Dominator, ignorant le sarcasme.

                                                                                           49

Le vaisseau DOM 45TY550° continue son voyage dans le cosmos infini, afin de découvrir des vies nouvelles ! « Général, fait le Dom passerelle dans l’interphone, on a repéré une planète habitée !

_ Encore !

_ Oui, les instruments sont formels ! Vous arrivez ?

_ Ouais, ouais ! »

Le général est mécontent, car il faisait une bonne sieste et on avait interrompu un joli rêve ! Quel était-il ? Le général ne s’en souvient pas, mais il en garde une impression agréable ! Enfin, le travail, c’est le travail et le général apparaît bientôt dans le poste de commandement ! « On a préparé la navette ? demande-t-il.

_ Il n’y a plus qu’à embarquer ! répond le Dom passerelle.

_ Vous avez l’air impatient…

_ Bien sûr, général ! Une nouvelle forme de vie, une autre expérience, d’autres réponses…

_ Bon, bon, vous êtes jeune ! Embarquons ! Et le Dom spécialiste ?

_ Déjà à bord ! avec la Dom mécano, en cas de coup dur ! »

La navette quitte le vaisseau et de nouveau on traverse une atmosphère, ses turbulences et son échauffement ! Mais, apparemment ça vaut le coup, car on découvre soudain un azur resplendissant et une myriades d’autres navettes, ce qui fait penser à une vie bouillonnante ! « Eh ! Regardez-moi ce trafic ! s’écrie le Dom passerelle. Oh ! Je sens que je vais me plaire ici ! J’adore quand ça bouge !

_ On passe inaperçu, précise le Dom spécialiste, même technologie, même apparence physique !

_ C’est un dicton ? demande goguenard le général.

_ Disons une réflexion logique ! »

A terre, la première impression n’est pas démentie ! La ville semble en effervescence sous son soleil ! « Non, mais regardez-moi tous ces gens heureux ! fait le Dom passerelle ébloui. Ah ! C’est pas comme chez nous, où chacun tire la gueule !

_ Et des beaux mecs, y en a partout ! ajoute la Dom mécano.

_ C’est vrai, les magasins regorgent de richesses ! renchérit le Dom spécialiste. Il y a comme un air de fête perpétuelle ! »

Le Dom passerelle, devant tant de joie et de vie, se met naturellement à sourire et le voilà qui dit bonjour ici et là, mais personne ne lui rend son salut, ni même le regarde ! « C’est bizarre, dit-il soudain, ils ont l’air indifférents à notre présence !

_ Moi aussi, je fais chou blanc ! appuie la Dom mécano. J’ai beau décocher mon regard brûlant et montrer mes formes irréprochables, ces messieurs ne se détournent même pas ! Je n’intéresse personne !

_ Peut-être que nous sommes invisibles, rajoute le général.

_ Étrange en effet ! dit le Dom spécialiste. Voyons voir le code génétique de cette foule ! »

Avec un appareil, le Dom spécialiste scanne les habitants et regarde le résultat : « Ça alors ! s’exclame-t-il.

_ Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? demande le général.

_ Ce sont des Doms !

_ Hein ?

_ Mais alors, s’ils sont des nôtres, pourquoi ne nous reconnaissent-ils pas ? jette le Dom passerelle.

_ Bonne question !

_ De toute façon, continue le général, si ce sont des Doms, que font-ils ici ? Nous sommes les premiers Doms à explorer cette partie de l’univers !

_ Pas tout à fait, objecte la Dom mécano. Rappelez-vous la mission Conquérante !

_ La mi… ssion Conquérante ? Mais c’était il y a plus d’un siècle !

_ Et alors ? Ils atterrissent ici… Ils n’ont pas les moyens de repartir et les générations se succèdent !

_ C’est en effet notre meilleur hypothèse pour l’instant, approuve le Dom spécialiste.

_ Et comment expliquer leur indifférence ? fait têtu le général.

_ Ce serait des Doms supérieurs !

_ Des Doms supérieurs ?

_ Oui, des Doms débarrassés des complexes liés à notre histoire ! Vous savez ce qui nous caractérise, c’est bien entendu la domination, ce que d’aucuns appellent notre égoïsme ! Ici, ils se sont développés sur du neuf et leur égoïsme est bien plus fort que le nôtre, d’où leur indifférence !

_ Eh ben, merde alors ! »

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Paschic doit passer un autre point de contrôle… On finit toujours pas en subir un, car ils sont disséminés ici et là dans la galaxie ! C’est une pièce blanche, sans fenêtres, ni ornements, d’où parvient un ronronnement sourd de machine, qui endort ! Bref, le cadre idéal pour favoriser une attente stérile et la dépression ! Un Dom rondouillard, à petites lunettes, entre par une porte silencieuse, renforçant l’impression d’un monde suspendu, hors du temps !

Le Dom ouvre un dossier et fixe Paschic d’un regard froid, inexpressif ! « Que puis-je faire pour vous ? demande-t-il.

_ J’ai besoin d’un avis favorable, pour passer dans le secteur C !

_ Le secteur C ?

_ Oui, répond Paschic, qui a comme une légère irritation, car il s’est bien exprimé et ne devrait pas avoir besoin de répéter !

_ Bien, bien... »

Le Dom chasse sur le bureau des miettes imaginaires, avant de reprendre : « Le passage en secteur C n’est qu’une formalité ! explique-t-il d’une voix qui se veut rassurante. Il vous suffit de répondre à quelques questions sur votre santé… Vous n’avez pas de problèmes particuliers ?

_ Non, non…

_ Et dans votre famille ?

_ Non, pas plus…

_ Bien, bien, vous ne fumez pas ?

_ Non.

_ Vous buvez ?

_ Un verre de temps en temps…

_ Y a-t-il quelque chose qui vous gêne ?

_ Eh bien, j’ai parfois de la constipation…

_ Ah ! Vous savez qu’il ne faut pas rigoler avec ça ? Des sels peuvent devenir durs comme de la pierre et après pour opérer, bonjour ! 

_ Vraiment ?

_ Bien sûr ! Et la constipation peut avoir des raisons extrêmement complexes ! Dépression, névroses, traumatismes liés à l’enfance, repli sur soi, sentiment d’être déclassé ! Avez-vous ce sentiment d’être un incompris ?

_ Non, pas vraiment…

_ Ah ! Ah ! Si je vous dis ça, c’est parce qu’alors vous seriez sans doute d’un narcissisme épouvantable !

_ Ah ! Ah !

_ Vous rigolez, mais ce qui peut se passer aussi, c’est que sous l’ampoule rectale se développe une poche, où se concentrent les sels, ne permettant pas leur rejet ! Dans ce cas, il faudrait en parler au chirurgien !

_ J’ai l’impression que vous cherchez à me faire peur…

_ Moi, pas du tout ! »

A cet instant, le Dom se lève et va se planter devant Paschic, le dominant de toute sa hauteur ! « J’essaie seulement d’avoir une idée nette de la situation, reprend-il. Vous voyez, les gens croient savoir, mais c’est moi qui contrôle le passage du secteur C ! Je ne reçois pas le soleil ici… J’ai une vie grise…, toujours la même, mais je sais quand même deux trois choses…

_ Je n’en doute pas !

_ Vous n’en doutez pas, mais vous pénétrez dans mon bureau, avec une santé apparemment éclatante ! comme si vous étiez heureux, grâce à un savoir supérieur ! ce qui me désespère et me rend inutile !

_ Allons, allons, vous vous faites des idées ! Il n’est question que d’une formalité…

_ Justement, la procédure veut que je vous injecte une dose de Strécémalrox ! C’est pour vous protéger d’un virus présent dans le secteur C !

_ Je ne le savais pas…

_ En fait, je voudrais que vous soyez rongé par l’inquiétude… Ainsi, vous me redonneriez tout mon pouvoir ! Vous seriez de nouveau entièrement entre mes mains ! Moi, le Dom gris, j’aurais ma revanche !

_ Je crois que je vais me retirer...

_ Trop tard... »

Le Dom lève le bras et fait voir une piqûre ! Paschic n’a qu’un réflexe, celui de plonger sous le ventre du Dom ! Celui-ci déséquilibré s’écroule, avec Paschic dessus lui ! La lutte est inégale et Paschic enfonce l’aiguille, qui lui était destinée, dans le cou du Dom ! La transformation vient très vite, car le Strécémalrox est un concentré d’anxiété ! le Dom regarde paniqué Paschic et demande : « J’ai mal sur le côté… et si j’avais une hernie de Spiegel ?

_ Il faudrait voir ça avec une échographie…

_ Vous êtes sûr ?

_ Tout à fait, mais il faut que j’y aille maintenant ! Au revoir ! »

 
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