L' attaque des Doms (14-18)
- Le 17/08/2024
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"Le problème est le suivant: qui a eu cette idée de génie?"
L'assassin habite au 21
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« Dominator, entrée en scène dans une minute ! » Dominator tourne la tête, alors qu’on finit de le maquiller ! Il va faire le show, sur une immense scène, devant son public ! Des lumières dansent, la musique est assourdissante, des fumées, des feux ici et là… et voilà Dominator qui apparaît, sous les applaudissements et les cris de ses admirateurs !
« Bonjour les Doms ! fait-il dans le micro, très fort.
_ Hihhii ! Hhhi !
_ Vous allez bien ?
_ Hiiihhiihhi !
_ Et pourquoi ça n’irait pas ?
_ Hhiiihhii !
_ Nous les Doms, on va bien merci ! Nos ennemis doivent l’accepter ! Et pourquoi on va bien ? Parce qu’on est fort !
_ Ouiiiouiiouiiu !
_ Parce qu’on est fort et qu’on en est en sécurité ! Notre économie va bien ! Nos familles aussi ! Nous sommes forts et personne, absolument personne n’a à nous dire le contraire, pas vrai ?
_ Ouiioououii !
_ C’est grâce à vous ! C’est vous les Doms, le miracle ! Je ne suis là que pour vous aider, je ne suis que votre humble serviteur !
_Ouiiiouiouii ! »
« Allô, la sécurité ? Ici D1 ! J’ai repéré un gêneur, dans le coin 7 C ! Il fait des gestes le pouce en bas ! Enlevez-moi cette ordure !
_ Compris D 1 ! »
« Et moi, je vous dis qu’on va aller encore plus loin ! reprend Dominator. Nous, les Doms, sommes le peuple élu ! Nous avons une grande destinée, avec l’aide de Dieu ! Oui, mes amis, Dieu est avec nous, contre nos ennemis ! On ne nous menacera pas sans conséquences ! Si on nous attaque, nous avons les meilleures bombes, les meilleures fusées ! Nous ne nous laisserons pas faire, car nous les Doms, nous sommes supérieurs, aimés de Dieu !
_ Ouiiiouuioui !
_ Vous m’avez choisi parce que vous vouliez une guide ! Vous vouliez la prospérité pour vos familles et la sécurité ! Vous vouliez l’ordre et je vous l’ai donné ! Et maintenant nous devons regarder vers les étoiles, vers le haut ! »
« Allo D 1 ? Ici la sécurité ! Le type nous a glissé entre les doigts ! Il est difficile d’intervenir violemment parmi la foule !
_ Mais qu’est-ce que vous foutez, bon sang ? Vous allez tous finir comme gardiens de prison dans l’ désert ! Il s’agit d’ faire son travail, c’est pas compliqué ! Crevez-moi ce suspect !
_ Mais…
_ Exécution »
« Bang ! Bang ! » entend-on un moment au-dessus du discours de Dominator ! Il y a même un petit mouvement de panique ! « Oh là ! On m’annonce des pétards ! dit Dominator ! Dangereux pour la sécurité ça ! Mais nous les Doms n’avons pas peur ! Nous sommes les Doms, les doms fiers d’être des Doms !
_ Ouiiouiiiuoui !
_ Euh ! J’ sais pu ce que j’allais dire ! Il ne faut pas réfléchir, je suis là ! Non, c’est pas ça ! Euh ! Demain nous attaquerons une autre planète, d’accord ! Une planète remplie d’ennemis ! Hein, on les battra à plat de couture, ça vous va ?
_ Ouiiouiioui !
_ Euh… A nous la gloire et la victoire !
_ Ouiouioui !
_ Et les pauvres t’y penses aux pauvres ? crie une voix.
_ Ouiiouii
_ Bien sûr, mais qu’est-ce que... ?
_ Bang ! Bang !
_ Et l’argent qu’ t’as volé, t’y penses ?
_ Ouiouioui !
_ Mais enfin, c’est quoi, c’ merdier ?
_ Bang ! Bang !
_ Allo D 1 ? On l’a eu !
_ T’es viré, salopard ! T’es viré t’entends ! »
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La salle de boxe sent la sueur et est mal éclairée ! Son aspect est assez minable et pourtant c’est de là que viennent les meilleurs combattants contre les Doms ! Ils sont entraînés par Paschic, ancien champion lui-même ! Un jeune frappe un sac et Paschic vient lui donner des conseils : « Ouais ! Voilà c’est ça ! Droite, gauche ! Droite, gauche ! Pense au crochet ! Ouais, tes jambes ! Pense à ton jeu de jambes ! Souplesse, dextérité endurance ! Ouais, c’est pas mal !
_ Pas mal ! J’ donne tout, coach !
_ Et t’estime qu’ t’es prêt, j’ parie !
_ J’ vais l’ bousiller, l’ Dom ! J’en suis sûr, coach !
_ Attends un peu… Qu’est-ce que tu crois que c’est ton sac !
_ Ben, j’imagine un Dom !
_ Et tu le mets KO, c’est ça !
_ Y a un problème, coach ?
_ Un peu qu’il y en a un ! On ne bat pas un Dom ! On peut le convaincre parfois, mais on ne rétame pas un Dom !
_ Ah bon ? Mais alors qu’est-ce qu’on fait là ?
_ Mais p’ tit, ce sac, c’est ta domination, ton amour-propre !
_ Je lutte contre mon amour-propre !
_ T’as pigé ! C’est comme ça qu’on lutte contre les Doms ! Faut d’abord vaincre sa domination !
_ Alors, j’apprends à lutter contre elle ! Bon, mais je suis prêt tout de même !
_ Ah Bon ? Et moi, j’ dis qu’ tes un loser de première classe !
_ Faut pas dire ça coach, ça non !
_ Mais si ! J’ te dis les choses net : j’ai jamais vu un tocard comme toi !
_ Faut pas dire ça, coach ! Faut pas
_ Sinon quoi ? Tu vas faire pipi dans ta couche ? »
A ce moment, le jeune essaye de frapper Paschic, qui évite ! « Oh là ! Oh là ! Tu perds pied ! reprend Paschic. Et tu crois qu’ t’es prêt contre le Dom ? Mais à la moindre vexation, tu vas te jeter sur lui ! Il va rire de toi ! Il va dire qu’ t’es comme lui, que tu vaux pas mieux ! Je te le répète, on ne vainc pas le Dom ! Faut tirer un trait là-dessus ! T’auras pas raison !
_ Mais c’est insupportable !
_ C’est insupportable à ton ego ! C’est pourquoi qu’il faut le combattre ! T’es là pour ça, pour domestiquer ton ego ! Et là, t’es carrément pas prêt !
_ Mais comment il faut faire ?
_ Mais chaque jour tu apprends ! Tu tords le cou à ta haine, à ton amour-propre ! Tu quittes ta propre bulle de Dom ! Il faut que tu voies le Dom prisonnier de son ego ! Là, t’es arrivé à le vaincre !
_ En combattant ma domination ?
_ Fais-le par amour, par renoncement ! Élargis ta vue ! Dès que tu verras le Dom suer, à cause de son ego, tu te sentiras vainqueur ! Tous tes efforts paieront ! Tu plaindras plutôt le Dom, car toi-même tu seras libéré !
_ C’est mon rêve coach, je veux être un champion comme vous !
_ Allez ; on reprend l’entraînement, Le sac là, c’est ton amour-propre ! Ouais, droite gauche ! Ouais, n’oublie pas le crochet ! Ton jeu de jambes, souple ! Ton ego est vicieux ! Il est chevillé à ton corps ! Le Dom va t’exciter ! Tu vas vouloir le détruire, de toute ta haine et ça pour la vérité, la justice ! Or, il faut pas, tu serais perdant !
_ Ouf ! Ouf ! C’est dur !
_ Sois sans pitié avec ton ego ! Pare ses coups ! Te laisse pas avoir par ce qu’il te raconte ! Ok arrête ! Faut pas t’ blesser non plus ! J’ vais t’ donner le secret !
_ J’écoute coach !
_ La confiance ! Tu renonceras grâce à la confiance ! Sérénité ! On respire ! Plus tu maîtriseras ton ego, plus tu seras doux avec le Dom, car tu seras dans une autre dimension, la spirituelle ! Tu seras inaccessible au dom !
_ Comment ça ?
_ Quant tu n’auras plus besoin de dominer, le Dom n’aura plus aucune prise sur toi !
_ Wouah ! Comme j’ai hâte, coach ! Moi aussi, je veux me moquer du Dom !
_ Mais personne ne se moque du Dom ! du moins pas méchamment !
_ Oui, oui, bien sûr ! Mais moi aussi, j’ veux être... inaccessible, comme vous avez dit !
_ Ouais, ouais !
_ Être un champion de la spirituelle, tout comme vous !
_ Ouais, ouais, Y a du boulot ! Allez, on ferme ! Fini pour aujourd’hui !
_ Droite gauche ! »
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Dominator s’adresse de nouveau à sa population… « Vous allez bien ?
_ Ouiuouioui !
_ J’ veux que vous soyez heureux ! J’ veux qu’on soit fort, nous, les Doms ! J’ veux que vous soyez fiers d’être des Doms !
_ Ouiouiouioui !
_ J’ai la solution pour vous ! Le confort ! La belle vie ! Le matérialisme !
_ Ouiouioui !
_ On va être super développé ! moderne et tout ! A partir d’aujourd’hui, écoutez bien, je vous offre un crédit préférentiel ! Oui, vous avez bien entendu ! L’État remboursera la différence aux banques, par rapport au taux usuel ! C’est pas merveilleux ça !
_ Ouiouiouioui !
_ Alors qu’est-ce qu’on dit ?
_ Merciiiii !
_ Bon sang, les Doms, devenez propriétaires ! Achetez-vous une maison et soyez heureux !
_ Hourra ! Hourra ! »
C’est le déchaînement, les Doms courent au crédit ! « Un crédit, un crédit s’il vous plaît ! », « Ma maison, je veux une maison ! », « Poussez-pas, y en aura pour tout le monde ! », « Dom ! Dom ! Dom ! », « Achetez Dom ! Achetez Dom ! », « Vendre, argent, choses, confort, bruit, épater, j’épate, nous épatons ! Parader, choses, fric, maison, crédit », « Vive la matérialisme ! », « Allez le troupeau des Doms ! Meuh ! Meuh ! »
« Touche pas à mon crédit ! », « J’ t’ai vu, t’as touché à mon crédit ! » « Tu touches à mon crédit et j’ te crève ! », « Mon emploi ! Mon emploi ! Et comment j’ vais rembourser mon crédit ? », « Quoi, la situation est mauvaise, c’est la crise ! Et mon crédit, comment j’vais l’ rembourser ? », « Touche pas à ma voiture ! J’ t’ai vu toucher à ma voiture ! Retire tes mains de ma voiture ! », « T’as bien fermé la maison, chéri ? A cause des voleurs ! », « Ne t’inquiète pas, ils auront une drôle de surprise ! Un bon coup de fusil en pleine gueule ! », « Touche pas à mon confort ! »
« Regardez-les ! dit Dominator à D 1. Les voilà soumis ! bêtes ! Et moi, j’ai le pouvoir ! Qui vais-je pouvoir assassiner, pendant qu’ils dorment ? Montrez-moi la liste de mes opposants ! »
Dans la plaine, des milliers de Doms avancent, courbés sous le poids de leur crédit ! Le vent est rude et fort ! Les pas sont lourds, mais le Dom progresse au nom du matérialisme ! Le confort, la vanité à son côté lui crient : « Allez ! Allez, tu y es presque ! Encore un effort ! Encore une mensualité ! On ne lâche rien ! » Le Dom serre les dents et ne voit pas la fin ! Aveuglés par le sable soulevé, les Doms tombent un à un dans le gouffre du temps ! Le cimetière du crédit s’étend à perte de vue !
Le silence parfois retombe… Le long de la marche terrible des Doms, on aperçoit des carcasses, des squelettes de Doms, qui sont morts en plein effort, en tirant leur crédit ! Œuvre titanesque ! Les documents sont arrachés par le vent et se dispersent ! Ô Dom, quel sens a eu ta vie ? Tu n’as pas échappé à la peur, elle a toujours été présente à côté de toi et elle t’a tué d’une maladie ! Cancer, Parkinson, etc. ! L’esclave du matérialisme a été terrassé et on l’oublie !
Et la lutte pour le pouvoir ! La domination ? Elle continue de faire rage ! Autre soleil ! Autre illusion ! Empoignade, meurtres, mensonges ! Que reste-il ? Où est l’eau de vie ? Qui aura donné ? Qui aura répandu la lumière ? Qui aura transmis la paix et l’espoir ?
Le vent tourbillonne sur les carcasses des Doms et plus personne ne pense à eux… On entend encore l’écho de Dominator : « Laissez-moi commander ! Et je vous donnerai le confort et la sécurité ! » et les Doms ont obéi et pourquoi ? La vie est-elle possible seulement dans l’égoïsme ? sans idéal ? sans grandes espérances, sans le souffle de la liberté ? La vie est-elle supportable, si l’on ne pense qu’à soi ? Dominator enlève l' âme des Doms ! Il les a rendus esclaves de leur crédit, de leur égoïsme ! La peur les a momifiés !
Les Doms prient, pour que Dieu protège Dominator ! Les Doms prient pour leur sécurité et leur confort ! Les Doms prient et n’aiment pas Dieu, n’ont aucune confiance en lui, mais en Dominator ! Les Doms prient la force et la domination, nullement pour l’amour ou le renoncement qui rend libre !
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A Domopolis, on trouve de drôles de personnages ! Ils sont tous pareils : ils portent un petit chapeau melon, une barbichette, le même imperméable clair et leur visage est rondouillard ! Leur aspect paraît anodin, mais si on les approche, on est surpris par leur expression figée, comme s’ils regardaient au loin et ne se souciaient pas de ce qu’on leur dit ! Ils restent muets et les très rares, qui les ont vus sans leur imperméable, racontent que leur corps n’est fait que de briques, tel un mur ! Ainsi, on a appelés ces étranges individus les Doms murs !
Leur comportement étonne lui aussi ! A chaque fois que quelqu’un se plaint, gémit, à cause d’un problème administratif, d’une injustice sociale, d’une allocation rognée ou supprimée, d’un droit bafoué, le Dom mur apparaît, comme par enchantement ! Il est là présent, semblant attendre, sans marque d’hostilité ! Mais, si la personne qui se plaint se met en mouvement, elle trouve en face d’elle le Dom mur ! Il bloque le passage ! Bien sûr, on essaie de le contourner, mais le Dom mur alors ferme les côtés ! Si on tente un tout autre chemin, on retrouve bientôt le Dom mur devant, avec toujours cet air absent !
On finit par essayer de le bousculer, mais en vain ! A peine le Dom mur oscille-t-il sur sa base ! Même son chapeau reste collé ! On se dit que ce n’est pas possible, qu’il faut bien qu’on se plaigne, car on est traité comme un chien, mais le Dom mur nous en empêche ! On en vient à le supplier, à le frapper au torse en criant, en pleurant, rien n’y fait ! Le Dom mur garde son impassibilité ! On se sent prisonnier angoissé ! On fait les cents pas, pareil qu’en cellule ! On a le visage perdu, épuisé ! Nos forces s’en vont ! Une destruction psychologique s’effectue ! On devient triste sans raison ! On est cassé à l’intérieur, comme si on était plein de débris de verre !
Le Dom mur s’en moque ! Même son expression semble plus joviale ! Mais peut-être sont-ce nos sens qui nous jouent des tours ? En effet, la douleur enlève la lucidité ! A force de buter contre le Dom mur, on est sans énergie, vide ! L’injustice ne peut plus sortir, il faut la digérer ! On en devient malade ! On perd tout espoir, on meurt petit à petit ! On voudrait de la vie, revenir à un temps où on était insouciant, mais c’est trop tard ! On a vu l’abîme et on ne peut plus l’oublier ! On sait que le Dom mur existe ! D’autres doms plus chanceux l’ignorent et font la fête !
On se reprend pourtant et on s’efforce de convaincre le Dom mur lui-même ! On lui parle, on lui explique notre affaire, on lui expose nos griefs ! On a des preuves, on raconte des situations, on donne des exemples, on fait avancer notre procès ! On lui montre combien l’injustice nous a frappés, combien nous sommes des victimes, combien nous souffrons ! C’est patent ! Toutes les pièces à convictions sont là ! On est d’ailleurs sanguinolent ! On découvre nos blessures, notre cerveau nu et meurtri et on est certain qu’il y a là de quoi frémir, mais le Dom mur ne bronche pas ! Il est dépourvu de pitié ! Autant s’adresser à un mort ! On baisse de nouveau les bras ! On se rassoit, anéanti ! On regarde encore le mur… Les heures passent… On agit tel un robot, mécaniquement ! Les jours se ressemblent… On a de vagues plans… On se désintéresse de tout ! On n’a plus goût à rien ! On a tout essayé et le Dom mur nous a vaincus ! C’est pas faute de courage, c’est le Dom mur qui est le plus fort !
De son côté, Dominator s’ennuie ! « Appelez l’Escamoteur ! dit-il à D 1. Lui seul pourra me dérider !
_ Vous m’avez demandé ? fait l’Escamoteur un peu plus tard.
_ Oui, regarde ma population ! Elle est sans vie ! Elle paraît complètement apathique ! On dirait des veaux ! Il est impossible de les faire bouger ! Le pays stagne ! Il me faut un remède !
_ C’est assez simple ! Tu dois laisser à chacun la possibilité de se développer, de s’exprimer, de donner son avis ! Pourquoi veux-tu qu’on donne le meilleur de soi, quand on ne peut pas être soi-même ?
_ Il y a l’argent, le crédit !
_ Ce n’est pas suffisant ! Il faut un idéal, de l’espoir !
_ Hum et en clair, qu’est-que ça veut dire ?
_ Mais le pays sera dynamique, uniquement s’il est une démocratie ! Certes, il y aura du ramdam, mais il faut que chacun puisse se sentir respecté, avoir le sentiment qu’il peut s’épanouir !
_ bah…
_ Tes Doms murs tuent tout enthousiasme, toute joie de vire ! C’est l’injustice et le mensonge qui règnent ! Ton mépris est évident ! Comment s’étonner de la dépression du plus grand nombre !
_ Mais la démocratie, c’est remettre en question mon pouvoir !
_ Certes !
_ Mais c’est ça que j’aime, le pouvoir ! C’est ma raison d’être, ma vanité !
_ Dans ce cas, je ne suis pas un faiseur de miracles ! »
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Zorm s’approche du champ des Pendus… C’est un endroit sinistre ! Ici, tout a commencé par une pendaison : un Dom, qui n’avait jamais reçu de Likes de sa vie, est venu mettre fin à ses jours ! D’autres l’ont suivi et ainsi est né le champ des Pendus ! Il y a là de vieux arbres, à grosses branches, et les pendus y restent plusieurs jours ! Le pouvoir ne veut plus s’occuper de ces choses, par trop déprimantes et qui, si on les creusait, seraient capables d’inquiéter le régime de Dominator, feraient qu’on s’interrogerait sur son bien-fondé !
Le résultat, c’est qu’à côté des corps qui se balancent, on trouve des suicidés différents et de toutes sortes ! C’est devenu le cimetière des mal-aimés, des sans Likes, des anonymes qui meurent de trop d’indifférence ! On voit des corps de jeune filles, presque intacts, des squelettes et des charognards ! Le vent semble pleurer ! Personne ne visite ces lieux, réservés aux délaissés ! Zorm a eu le courage d’y venir la nuit et c’est comme ça qu’il a pu voir à quoi ressemblent exactement les Likes !
Ce sont de petits esprits, analogues aux feux follets ! Dans l’obscurité, ils deviennent visibles et ont bientôt entourés Zorm ! Ils ont des faces d’anges et sont très séduisants ! Ils murmurent des paroles douces, ils enchantent, bercent, mais leur vrai visage est impitoyable ! Si on les rejette ou les ignore, ils deviennent affreux ! Ils disent qu’on n’est rien, méprisable et qu’on ferait mieux de disparaître de la planète ! C’est pourquoi ils hantent le champ de Pendus ! Ils sont là pour contempler leur proies! Les suicidés leur donnent une idée de leur puissance !
Autrement, dans Métropolis, ils sont à la fête, quoique cachés par le jour ! Mais il suffit de voir la tête des Doms, pour se rendre compte combien les Likes sont actifs et fascinants ! Ils cernent le Dom comme un parfum et celui-ci est enivré, au point qu’il ne quitte plus son smartphone ! Le Like lui dit : « Regarde combien tu es aimé ! comme tu comptes, comme t’es bien comme il faut, combien tu séduis ! La route des gagnants t’est ouverte ! »
L’effet du Like est si fort qu’il ne peut plus cesser sans que le Dom éprouve un malaise, de l’angoisse ! C’est comme une drogue, dont le Like se réjouit le premier ! Si on commence à s’en effrayer et à vouloir prendre de la distance, le Like intervient de suite et martèle à l’oreille du Dom : « Veux-tu rejoindre le champ des Pendus ? Veux-tu la nuit et le désespoir ! Connais-tu la souffrance d’être seul et méprisé ? »
Le Dom aussitôt réaffirme aux Likes sa dépendance, sa confiance et ceux-ci s’en amusent autour de lui ! Il faut être très fort pour lutter contre les Likes ! Il faut pouvoir mettre autre chose à leur place, mais quoi ? Zorm a appris à les domestiquer ! Il les fait tourner autour de ses doigts et la colère des Likes ne peut rien contre lui ! Zorm est libre ! Mais celui qui est dépendant des Likes est forcément un esclave de Dominator !
A croire que les Likes sont de mèche avec lui ! Mais les deux forment un tout, à la logique très simple ! On ne domine pas sans avoir une bonne place dans la société ! Il faut de la richesse, de l’influence ! Cela ne peut exister si on vit en marge ! L’aura du pouvoir conditionne les Likes ! On est intégré sous l’aile de Dominator, en adoptant une forme de pensée et les Likes sont là, ils pleuvent, ne serait-ce que parce qu’on est à la mode !
Les Likes ne sont au fond rien de plus que de la domination ! On est positionné dans le groupe, grâce à eux ! Plus on a de Likes et plus on est un leader ! Les sans Like se sentent exclus ! Le système de Dominator est impitoyable ! Les Likes y sont comme des maîtres ! On pourrait comparer la société à une grappe d’or, ou à un essaim bourdonnant de Likes et qui se protège ! Là sont la sécurité et le confort ! Là gît l’égoïsme ! Là vit le faux, car les sentiments sont tout prêts à changer ! Il suffit que le Dom du jour tombe et on ne le reconnaît plus ! Toute la sympathie qu’on lui voue ne sert qu’à se hisser soi-même, ou à se rassurer !
On est pour ou contre le pouvoir ! On est du côté de Dominator ou son ennemi ! La haine se déchaîne à l’égard de ceux qui dénoncent le rêve, l’artifice du groupe ! On en veut à ceux qui réveillent nos peurs, qui nous remettent en question ! Les Doms aiment leur personnage et les Likes les illuminent !
Dans le champ des Pendus, un jeune n’en peut plus de sa solitude ! Il n’en revient pas qu’un tel abandon soit possible ! Le ciel et la terre sont vides apparemment ! Le jeune comprend qu’on peut mourir, sans que personne ne bouge ! Cela lui laisse un goût amer dans la bouche… Le désespoir devrait l’anéantir, mais il n’est même plus capable d’avoir mal ! Songe-t-il encore à quelque fête des Doms ? Un pendu grince à côté, comme s’il riait ! Le jeune a décidé de s’en aller et il s’en va…
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