L' attaque des Doms (100-104)

  • Le 18/01/2025
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R66

 

            "Un héros ne sert à rien!"

                                Die Hard 4

 

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      Paschic quitte son campement, à cause de l’installation du gazoduc, bien trop bruyante et envahissante ! La civilisation a rejoint Paschic et il doit s’en aller, mais il part prudemment, surveillant ses forces, car il ne veut pas de nouveau se blesser mentalement, s’épuiser psychiquement !

Finalement, à force d’être harcelé par la Machine, d’avoir été son souffre-douleur, Paschic a acquis une grande connaissance sur la domination et les territoires psychiques ! Regardons par exemple une pie… La plupart du temps, elle surveille son territoire et n’y admet aucun étranger ! Elle chasse ainsi sans relâche le merle, alors que celui-ci n’a même pas le même régime alimentaire et qu’il ne constitue donc pas une menace ! Mais c’est plus fort que la pie ! Elle doit s’imposer !

Maintenant, imaginons que son territoire soit garanti pour toujours par des frontières, que deviendrait alors la force qui l’anime ? Puisque celle-ci n’aurait plus à s’exercer à l’extérieur, ne se concentrait-elle pas à l’intérieur de la pie ? Ne passerait-on pas d’une domination physique à une domination psychique ?

C’est bien ce qui arrive aux Doms ! Leurs territoires étant « bien établis », après de nombreuses guerres, ils ont progressivement abandonné leur lutte physique pour une lutte psychique, qui s’exprime à plein sur les réseaux sociaux ! C’est l’ère de la communication ! Chaque individu exerce une domination psychique, où qu’il soit ! Il étend et défend son territoire psychique, c’est-à-dire sa pensée, sa personnalité ! On cherche à s’imposer quotidiennement, en une « guerre » quasiment muette ! Notre égoïsme écrase, méprise, blesse, sans enfreindre la loi !

Les territoires psychiques sont cependant régis par des principes simples ! Plus la peur y est intense et plus la domination psychique y est forte ! Et donc plus le territoire psychique est défendu avec agressivité ! Mais, la plupart du temps, ceux qui sont habitués à commander et qui en ont les moyens ne comprennent pas du tout leur fonctionnement et nient toute peur ! Il faut des circonstances exceptionnelles, qui les menacent subitement, pour que les mécanismes d’origine animale, aujourd’hui concentrés dans le psychisme, réapparaissent !

Cependant, quel est le meilleur remède à la peur ? C’est la foi ! Ce n’est pas la seule raison, qui veut des garanties ! Tant que la peur n’est pas combattue par la foi, c’est l’inquiétude, la révolte, le chaos social, l’impasse de l’économie et de notre développement, face au réchauffement climatique, l’incompréhension devant la pauvreté et la souffrance, etc. ! Mais cela veut aussi dire que tout intégrisme et tout fanatisme, toute haine provoquée par des soi-disant blasphèmes, témoignent d’une foi qui n’est pas véritable, ni sincère, ni solide, car la foi, c’est la confiance et donc l’absence de peur, d’où la fin du besoin de dominer !

Tout cela, Paschic le connaît maintenant par cœur et même le rabâche, ce qui fait qu’il n’y revient plus et à présent, il pénètre dans un territoire enneigé…, où tout est blanc à perte de vue, avec beaucoup de poésie ! Bientôt, d’ailleurs, Paschic aperçoit une ville hérissée de coupoles dorées, comme dans un conte magnifique, et des gens passent en traîneau, souriant au-dessus des tintements de maints grelots !

Mais où est Paschic ? Il se renseigne auprès d’un type hilare, qui lui répond : « Où on est ? Mais chez les Muss ! Vous devriez nous connaître ! Nous sommes les envoyés de Dieu ! Nous avons pour mission de répandre son message d’amour, sur cette planète, et bien entendu de défendre ses valeurs, parce que, vous le savez sans doute, il a beaucoup d’ennemis ! Les athées, les homosexuels, les Ricains, situés plus à l’Ouest et qui veulent dominer le monde, et un tas d’autres plus horribles les uns que les autres !

_ Je vois…

_ Mais ne voulez-vous pas partager notre liesse ? Aujourd’hui est un jour spécial…

_ Ah oui ?

_ Mais oui, nous fêtons notre nouveau missile ! Nous l’avons baptisé « Petite cerise », car sa tête est rouge sang ! Ah, ça va faire mal, c’est moi qui vous le dis !

_ Mais… Mais vous n’avez pas peur de déplaire à Dieu, en tuant des gens !

_ Mais nous tuons ses ennemis ! Ne vous l’ai-je pas dit ! Et puis, on nous veut du mal, on a toujours voulu nous détruire !

_ Bref, vous avez peur !

_ Ah non ! Rien ne pourra nous enlever notre honneur ! Nous sommes le peuple élu et notre tâche est lourde ! Nous sommes les Muss !

_ Vous avez tout de même le trouillomètre à zéro ! Pourquoi vous ne faites pas confiance à Dieu ? »

A cet instant, l’homme sort un sifflet et souffle dedans de toutes ses forces : « Un traître ! crie-t-il. Un traître est parmi nous ! » Paschic se met à courir, en se disant qu’il n’est pas sorti de l’auberge, ou de l’asile !

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       Paschic a échappé au territoire psychique des Muss, et le voilà dans une zone totalement différente, désertique et chaude ! Il veut boire et trouve une source, mais au moment où il porte l’eau à sa bouche, il entend : « Eh ! Vous là-bas ! Cette eau est à moi ! Pas touche ! » Paschic se retourne et voit venir à lui un géant, avec un fusil et un chapeau de cow-boy ! « Excusez-moi, dit Paschic, je ne savais que cette eau était privée… Mais j’ai vraiment soif… Est-ce que je peux quand même boire ?

_ Ah ! Ah ! Ah ! fait le géant hilare. Ah ! Ah ! Avoue que je t’ai fait peur ! Hein ? Bien sûr que tu peux boire mon gars ! Ah ! Ah ! Tu verrais ta tête, verdâtre ! Ah ! Ah ! »

Paschic ne répond pas et se met à boire. Puis, il se relève, en s’époussetant, et dit : « Alors le coin est vraiment à vous ?

_ Bien sûr, mon gars ! Aussi loin que portent tes yeux, c’est à moi ! Et tu sais pourquoi ? Parce que je suis le meilleur ! Je m’appelle Vump ! »

Le géant tend sa main, que Paschic prend, en ajoutant : « Moi, c’est Paschic !

_ Eh bien, Paschic, viens avec moi : j’ai du mouton qui grille pas loin ! Tu vas bien partager mon repas ? »

Paschic suit Vump et il arrive à un campement où il y a effectivement un bon feu et où tout semble démesuré, à la taille du géant ! Cependant, Vump prend place devant le feu et Paschic fait de même… Normalement, il ne mange plus de viande, mais il n’a pas le choix… D’ailleurs, Vump recommence à parler : « Tu te demandes peut-être ce que je fais dans ce coin paumé, Paschic…

_ Oui…

_ Eh bien, je chasse le Poque !

_ Le Poque ?

_ Oui, le Poque ! C’est un être pleurnichard, peureux, toujours en train de se plaindre !, toujours à réclamer une justice imaginaire !

_ Eh ben…

_ Oui, Paschic, mais le Poque est aussi dangereux ! C’est un castré, un eunuque, un impuissant ! C’est une larve, alors que nous, Paschic, on en a quand même un peu ! Non ? Ah ! Ah ! »

A cet instant, Vump donne une formidable claque dans le dos de Paschic, qui manque de s’étouffer ! « Tu veux le fond de ma pensée, Paschic ? Le Poque, c’est un bonne femme dans un corps d’homme ! Remarque : j’ai rien contre les bonnes femmes, mais les femmes, c’est les femmes et les hommes, c’est les hommes !

_ Soit ! Mais pourquoi chasser les Poques, s’ils sont lâches ? En quoi vous menacent-ils ?

_ Mais parce qu’ils transmettent leur poison, Paschic ! Ils polluent cette terre et ce pays ! Ils ramollissent tout ce qu’ils touchent ! Ils enlèvent toute force à ceux qui les écoutent ! Ils attaquent nos valeurs ! Ils nous désagrègent par leurs récriminations continuelles, leurs jérémiades ! Ceux qui ne sont pas forts disparaissent, Paschic, pas vrai ?

_ Si je comprends bien, vous avez peur…

_ Peur ? Moi ? Ah ! Ah ! Mais j’ai peur de rien, Paschic, car je suis le meilleur !

_ Si vous n’aviez pas peur, vous ne seriez pas inquiet… Or, vous l’êtes !

_ Et comment donc que je suis inquiet ! Quand je vois mon pays envahi par les Poques, ces larves ! Ils sapent notre société ! Ils pervertissent nos enfants !

_ Oui, quand vous ne contrôlez plus les choses, c’est le froid et la nuit, pas vrai ? Vous êtes comme un enfant apeuré, si vous n’êtes plus le maître ! Donc, vous avez peur… et vous chassez le Poque, car il vous remet en question, il fait bouger les lignes !

_ Eh ! Une petite minute ! De quel côté tu es ? Tu serais pas un Poque des fois ?

_ Je ne suis ni du côté de Poques, ni du vôtre ! J’ dirais que je suis du côté des forts !

_ Mais, moi aussi ! J’ai bien plus de pouvoir que toi ! T’es un va-nu-pied, Paschic !

_ Si t’étais fort, Vump, les Poques te feraient marrer… et au minimum, tu les comprendrais ! Tu saurais leur parler avec sagesse et les faire évoluer ! Mais ta seule réponse est le plomb !

_ Tu sais quoi ? T’es un Poque, parce que tu m’embrouilles l’esprit ! Alors, s’il te plaît, barre-toi ! J’ veux plus t’ voir !

_ Bah, j’ dirais partout qu’ t ‘es l’ meilleur !

_ Barre-toi, j’ te dis ! »

                                                                                                                    102

      La reine Beauté est très heureuse ce matin ! Elle colore les nuages somptueusement ! Ils sont des centaines rouges et oranges et ils forment comme une plage, avec de petits bancs de sable, dans le ciel ! « C’est signe de pluie ! fait la reine Beauté. Mais peu importe, c’est tellement beau ! La, la ! » Elle chante et un peu plus loin des pigeons ont le ventre doré, alors qu’ils suivent leurs exercices matinaux !

La lune aussi n’est pas en reste, puisqu’elle brille encore, bien grosse, sous un voile de brume, ce qui la rend mélancolique et attachante ! Il y a là de quoi ravir les Doms et les rassurer, car toute cette beauté leur dit qu’ils sont chez eux, qu’ils ne sont pas étrangers au monde et même qu’« on » doit penser à eux, car ce n’est pas eux qui ont inventé tout ça ! Mais c’est mal connaître les Doms ! Ce sont des gens sérieux, pas des rêveurs ! Il faut bien gagner sa vie, travailler et puis nombreux sont les pièges ! Un malheur en cache un autre ! Une mauvaise nouvelle n’est jamais loin ! Une facture subite, la maladie, une panne de voiture… et les crises, la situation internationale et financières ne sont pas bonnes ! Il y a plein d’incertitudes qui rôdent et qui nous assombrissent !

Il faut être prêt, se prémunir ! pas seulement par l’argent, car le danger n’est pas seulement la pauvreté ! On voit aussi la violence dans la rue, des gens cagoulés caillasser, détruire, brûler ! On est encore agressé au coin de la rue ! On peut recevoir un coup de couteau, sans avoir rien demandé ! « Le monde devient fou ! », comme on dit. Ainsi, Paschic arrive devant un nouveau territoire psychique, qui est visiblement délimité par des barbelés ! Des pancartes indiquent aux étrangers qu’ils ne doivent pas entrer, que c’est un territoire interdit et qu’on risque gros à enfreindre la loi 345, alinéa 59NJ !

Paschic hésite… Il n’a pas envie d’avoir des ennuis, de tomber sur des chiens méchants ou des patrouilleurs excités ! D’un autre côté, le barbelé s’étend apparemment interminable et il devient impossible de savoir si on peut contourner ce territoire ! La fatigue s’installe chez Paschic, la faim aussi et il longe la clôture d’un air morne, jusqu’à ce qu’il trouve une brèche ! Enfin, c’est plus qu’une brèche, puisque là le barbelé est largement ouvert, rouillé, comme si on y passait régulièrement et sans soucis des règles !

Donc Paschic s’engage et il marche bientôt parmi des dunes sablonneuses ! Paschic a toujours aimé ce genre de paysages, où l’oyat fait comme des sourcils au sable blanc ! Il semble à Paschic que la dune qui s’écroule est pareille à un sablier et pour peu que le vent fasse frissonner tout cela et voilà l’incorrigible rêveur Paschic emporté dans un songe, un quasi sommeil, telle la mouette qui glisse au-dessus !

Mais là-bas s’agite une petite troupe… et ça chôme pas ! Et que je te porte des troncs d’arbre, que je te fasse des pompes, des escalades musclées, avec des ordres secs ! Ce sont des jeunes et leur santé ferait plaisir à voir, n’était le but poursuivi : se préparer militairement ! Paschic s’approche… Il reconnaît des scouts, mais les temps ont bien changé ! On ne s’entraîne plus à monter une cabane ou à aider la vieille dame, mais à se défendre âprement et il est vrai que plus rien n’est sûr et qu’il ne s’agit pas d’être surpris ! La guerre menace, ou tout du moins le danger est toujours présent !

Le chef ordonne, braille, humilie ! N’est-ce pas ainsi qu’on forme les soldats, qu’on les rend disciplinés ? Mais les soldats sont les soldats ! Ici, ce sont des scouts et ne sont-ils pas censés représenter la foi… et donc la confiance ! Quelle confiance témoignent-ils par cet entraînement ? Ah ! Mais ils défendent les valeurs morales, celles inspirées par la religion et donc Dieu ! Eh ouais, Paschic, ils sont plus forts que toi, ces gars-là ! Prends-en de la graine ! Pendant que tu bâilles aux corneilles, eux se préparent pour la troisième guerre mondiale ! Pas de place pour les rêveurs dans l’assaut !

Paschic s’approche encore… Il est maintenant tout près du chef, qui fait subir à sa troupe une discipline de fer, sans pitié, et qui finalement trône, se plaît à son rôle, puisqu’il se sent important, qu’il commande, tout le contraire de Jésus, qui donne son amour, qui montre sa foi au point d’apparaître vaincu, le perdant total ! Si Jésus avait commandé, aurait-il fait preuve de confiance ? dans un monde régi par lui, sous ses ordres ? Si on est riche… ou qu’on a du pouvoir, peut-on parler de confiance, de foi ? N’a-t-on pas toutes les garanties, la sécurité la plus solide ? Autrement dit, Dieu pourrait bien essayer de nous « avoir », de nous « baiser », de nous éprouver, on serait paré, blindé, contre ses fantaisies, ses « caprices », car plus « irresponsable que Dieu, tu meurs » !

Mais le Dom est le Dom… et quand il croit défendre les valeurs de Dieu, faire valoir son amour pour lui, il est plutôt à s’enchanter de sa propre force, de sa domination sur les autres, de sa puissance ! Le message évangélique est perdu ! dans le vent des dunes, où Paschic retrouve la reine Beauté, affairée avec les mouettes, l’écume des vagues et la grandeur de l’océan ! Toute chose inutile ! Pas vrai, Paschic ?

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        Après avoir quitté le territoire psychique des scouts, Paschic passe une très mauvaise nuit, peuplée de cauchemars ! C’est plutôt une habitude pour lui et cela doit venir d’un sentiment de profonde insécurité, car Paschic se voit dans des situations où il doit fournir des efforts titanesques, pour échapper à un danger, comme quand il conduit un bus, qui défonce une porte de supermarché ! Il faut qu’il s’en sorte, qu’il résiste et son corps en subit les conséquences, en étant tendu, quasiment douloureux ! Le résultat, au matin, on le connaît : Paschic n’est pas reposé, mais plutôt déboussolé, grimaçant, ainsi qu’il serait passé dans une machine à laver !

La psychologie aide les individus comme Paschic, qui sont anormalement inquiets, anxieux, mais en voyant les choses au fond comme si on avait à traiter un défaut ! Certes, la psychologie respecte le patient et se charge de lui faire voir ses traumatismes, afin qu’il les surmonte, mais elle ne définit pas les lois universelles qui provoquent ces traumatismes, parce qu’elle ne les voit pas tout simplement ! Mais il est vrai qu’il y a toutes sortes de pathologies mentales et cela va de la folie, où la communication est impossible, au TOC, en passant par la vision fantasmée de la réalité ! Qu’est-ce que l’individu voit vraiment objectivement ? On peut le soupçonner de développer une compréhension, justement pour « compenser » ses traumatismes, les « soulager ». Dans ce cas, il pourrait accuser « faussement », pour se faire justice !

La psychologie ne le dit pas nettement, mais elle « suspecte » toujours ses patients, pour leur bien se dit-elle, mais comment pourrait-elle avoir un autre comportement, puisqu’elle-même ne voit pas de problèmes à son intégration et qu’elle considère comme normal ou adapté le monde des Doms ? Ce qui est une erreur, quand on regarde sérieusement la situation ! Les Doms sont-ils heureux, rassurés, pacifiques ? Non, au contraire, le Dom a tout et pourtant il n’a jamais été aussi troublé ! Les maladies mentales justement n’ont jamais été aussi nombreuses ! Le désespoir, les suicides, l’alcoolisme, la drogue viennent compléter le tableau ! Maints psychiatres tirent la sonnette d’alarme, mais sans solutions ! La société est un grand navire dans la tempête !

Paschic, lui, s’est longtemps demandé quelle part avait le trouble mental dans sa façon de voir (ce que ne font jamais les Doms!). Il était sans doute un peu schizophrène, certainement névrosé, peut-être refoulait-il son homosexualité ? Ah oui ! Il était narcissique ! Il ne pensait qu’à lui ! C’était le message de la Machine et c’est toujours celui des Doms, quand on les inquiète ! Il a bien été planté dans le cerveau de Paschic, de sorte qu’il a passé la moitié de sa vie à douter et à se faire la guerre, afin de débusquer la méchante bête de l’égoïsme ! Il était comme un chien, qui se cherche des puces jusqu’au sang !

Mais voilà l’une des raisons de son insécurité : le fait que le Dom accuse l’autre, justement de ce qu’on l’accuse lui ! Le Dom se défend comme un animal qu’on égorge et ses cris font perdre la raison ! On ne sait plus où on en est ! Le Dom se tient à sa domination et détruit tout ceux qui la menacent ! Cette réaction viscérale et violente perturbe celui qui cherche la vérité, surtout si le Dom affirme que le bien est relatif, etc. ! Dans le cas de la Machine, celle-ci demandait à Tautonus de réduire au silence Paschic, par des coups, ce qui mettait bien entendu un terme au débat, mais ce qui encore ne permettait pas à la Machine d’évoluer ! Tout se passe comme si le Dom est incapable d’affronter la « vérité » et il est vrai que la raison seule ne suffit pas à l’éclairer, tant son équilibre a des racines obscures dans la domination !

Mais celui qui s’attache au psychisme, qui voit la quête de sens comme une évidence, bien avant la nécessité même de gagner sa vie, celui-là non seulement connaît mille difficultés pour survivre, mais encore se heurte au mur hypocrite et ignorant des Doms ! Comment pourrait-il se sentir en sécurité, sur quelles bases ? Et pourtant le domaine de la pensée est l’avenir : nous sommes nés pour penser ! C’est là notre apanage ! notre accomplissement ! de là notre mouvement naturel vers la mondialisation et la communication, à mesure que nous avons du temps et les moyens à consacrer à notre individualité ! A quoi pourrait-on comparer notre planète ? Mais à une fleur qui ne demanderait qu’à s’épanouir et à diffuser son parfum ! Mais que se passe-t-il en réalité ? A cause de la peur, cette fleur se ferme et se détruit ! C’est la montée des nationalismes, le repli sur soi, le succès des populismes, le retour des dictateurs, c’est-à-dire des pires Doms qui soient ! L’ordre rassure, le rejet aussi et l’animal qui est en nous se réjouit, y trouve son compte ! Nous ne pensons plus ! Adieu la nuance et la difficulté ! Mais nous jugeons, nous frappons, nous condamnons, nous refusons de comprendre ! Nous nous régalons de nos haines et nous appelons au secours la nuit ! Il n’y a rien de courageux là-dedans et pourtant nous nous gargarisons de notre soi-disant force ! C’est la loi de la jungle, avec la disparition du plus faible ! Quelle évolution ! Même les hyènes en rigolent !

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       Paschic affine toujours ses considérations sur les territoires psychiques et en fait, plus nous vieillissons et plus nous ramenons les choses à des éléments simples, car plus le monde se rétrécit, à mesure que notre regard s’étend ! L’âge nous donne de la hauteur et du recul ! Par exemple, il est facile de comprendre que plus le territoire psychique est fermé, clôturé, ce qui veut dire que plus la domination psychique y est forte et moins le Dom considère les autres, leur donne une existence réelle, puisqu’il a l’habitude de les commander, de les mener à baguette, de les voir comme à son service et inférieurs ! Le Dom se situe comme centre d’intérêt de sa vie et de celle des autres, et dans ce cas, pourquoi serait-il curieux du monde qui l’entoure ? Il éprouve seulement de la haine, dès que ce même monde l’ignore, ne serait-ce que parce que sa peur, bien enfouie et la plupart du temps niée, refoulée, ressurgit !

Au contraire, plus la domination psychique est faible et plus le territoire psychique est ouvert et salue l’autre, comme un être à part entière et différent ! C’est le stade de la compréhension et de la compassion ! Inutile de dire qu’il demande beaucoup d’efforts, de patience et de renoncement ! Tant qu’on est prisonnier de ses désirs et de ses peurs, il n’est pas question de respecter l’autre ! On est le jouet de ses humeurs et l’autre doit le supporter ! Celui qui est capable d’être méprisé ou lésé sans broncher, qui domine son amour-propre, celui-là a la force de ne pas perdre de vue la situation dans sa globalité ! Par exemple, le bateau coule et il ne s’agit pas seulement de sauver sa peau ! Il faut s’assurer que les plus faibles aient aussi accès aux canots !

Cependant, lutter contre sa domination, éprouver sa patience, renoncer au nom de sa foi, peut présenter des dangers très réels ! Souvent, le territoire du doux est saccagé par la domination psychique du plus fort ! Ce n’est pas véritablement un choix et si cette destruction est précoce, l’individu grandit sur des bases fragiles ! C’est ce qui se passe pour Paschic, ce qui explique qu’il a continué à se faire du mal, bien après avoir quitté la Machine ! Il n’y a pas de défenses, de garde-fous qui limitent chez Paschic ses efforts pour se contraindre, exercer son renoncement, d’où la dépression, la névrose et bien d’autres affections ! En fait, celui qui marche vers la lucidité aura bien de la peine à trouver le bon équilibre, le bonheur, car le chemin est semé d’embûches et de doutes, et pourtant c’est le seul qui vaille la peine ! Qu’on pense au Dom qui reste la marionnette de son égoïsme et de ses craintes, qui est en colère, qui écrase et qui se fatigue ! qui ne sait même pas où il est !

Ainsi, Paschic pénètre à présent sur un territoire dévasté, troublé, plein de trous d’obus et de barbelés en désordre ! On a l’impression que c’est la guerre et un type effectivement arrive en courant, en alerte, quasiment apeuré, hors de lui ! « Eh ! vous là-bas ! crie-t-il à Paschic. Z’êtes malade ? Où est-ce que vous avez mal ?

_ Hein ? Euh... Malade ? Non pas qu’ je sache...

_ Non, parce que je suis médecin ! Docteur Guettons !

_ Enchanté, répond Paschic, qui prend la main du type, portant effectivement une blouse blanche.

_ Moi, je soigne, je soigne au mieux, voyez-vous, car c’est la catastrophe !

_ Ah bon ?

_ Mais regardez autour de vous ! Des malades, des malades par centaines, et qui ne trouvent pas de médecins, car nous ne sommes plus assez nombreux !

_ Ah ?

_ Mais oui ! Quand je songe à tous ces malheureux, qui veulent consulter, qui ont mal et qui ne sont pas soignés, cela me rend malade, vous comprenez, malade !

_ Je comprends…

_ Alors j’ai trouvé un truc…, pour multiplier mes consultations ! Je ne mange plus le midi ! Et hop, deux ou trois de patients de plus que je peux aider ! Pas mal, hein ? Mais oh ! Y a urgence !

_ Et vous mangez quand ?

_ Quand j’ai le temps…, quand j’ rentre chez moi, complètement vanné ! Certains soirs, j’arrive à la maison et j’ m’écroule, j’ m’endors comme une masse !

_ Ce n’est pas étonnant… Donc, en tant que médecin, vous pourriez conseiller à un patient d’oublier le déjeuner, de ne pas prendre le temps de manger, pour reprendre des forces ! « Allez-y, surmenez-vous jusqu’à tomber ! » vous lui diriez ?

_ Non évidemment !

_ Mais vous, c’est différent, vous êtes médecin, c’est ça ? Écoutez, je vais vous donner un tuyau : vous êtes dépressif et vous avez perdu le sentiment de votre valeur, de votre utilité ! A ce moment, tout le malheur du monde vous envahit, aussi vite qu’une fuite dans une coque ! Vous en êtes anéanti et vous êtes en train de vous détruire !

_ Mais pensez à tous ces malades… C’est la fin du monde !

_ Et que ferez-vous quand vous-même serez vraiment malade ! A quoi serez-vous utile ? Faites la paix avec vous-même, avant qu’il ne soit trop tard ! »

 
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