pouvoir

  • L' attaque des Doms (68-72)

    R59

     

              "Evidemment, monsieur Cerruti, si vous aviez quelque créance...

                _ J'ai ça: 357 Magnum! Mais est-ce suffisant?

                _ Tout à fait, monsieur Cerruti."

                                                            Flic ou voyou

     

                                              68

    Il se passe quelque chose d’étrange dans Domopolis : les rues sont envahies par des feuilles ! Des feuilles mortes, oranges, jaunes, rouges ! Il y en a des millions et c’est un enchantement pour les yeux, mais pas pour les Doms ! Eux ne voient que la gêne, car la circulation n’est même plus possible… et puis ils sont profondément troublés, par la nouveauté du phénomène ! Qu’est-ce que ça veut dire ? D’où viennent toutes ces feuilles ? Est-ce encore un « coup tordu » de la Chose ?

    Qu’à cela ne tienne, les services de Dominator vont nettoyer la ville et les souffleurs et les balayeuses entrent en action ! Mais c’est peine perdue ! Il y a trop de feuilles ! Sitôt qu’on a dégagé une rue et qu’on s’attaque à une autre, les feuilles reviennent en une pluie d’or et elles forment de nouveau un tapis épais, inextricable, dans lequel on s’enfonce ! Les nettoyeurs s’acharnent, mais bientôt des balayeuses, des employés disparaissent sous l’étrange marée ! On voit leurs véhicules être comme mangés, digérés par les feuilles et on se dit que certainement c’est l’action de la Chose !

    La colère monte ! On accuse l’incompétence des pouvoirs publics ! On parle de corruption à un haut niveau ! Certains habitants paniquent… Des motards notamment s’élancent, avec un bruit d’enfer, contre des paquets de feuilles déjà brunies ! Il s’agit de passer, d’échapper à cette « prison », mais le résultat est toujours le même : le motard glisse, chute et est avalé, sous les yeux remplis d’horreur ! On n’ose plus sortir de chez soi ! On regarde par la fenêtre ce flot feuillu, qui rend impuissant ! Pour faire ses courses, on se déplace avec précaution, en tentant « de ne pas mettre en colère » le phénomène ! C’est que le désespoir fait craintif et superstitieux !

    « Vous allez me trouver une solution et fissa ! crie Dominator à Ratamor et Lapsie ! C’est vous les scientifiques, les spécialistes !

    _ On peut émettre l’hypothèse d’un vent venu de la Chose et qui transporte les feuilles… répond timidement Ratamor.

    _ Ouais, ouais, fait Dominator, en rallumant son cigare. La sainte logique ! Mais vous foncez sur le terrain, car je veux une solution pratique, pas de théories ! La Chose se fout de nous !

    _ La Chose n’a pas d’âme et...

    _ Vous êtes encore là ? »

    Ratamor et Lapsie se retrouvent dans la rue, face aux feuilles… « Bon, par quel côté prendre le problème ? » se demande Ratamor. Mais il y a un drôle de type qui se dirige vers eux… C’est un personnage qui paraît flou, même de près et effectivement, sa peau est toujours en mouvement, comme si elle n’était pas homogène, mais constituée de milliers de particules ! On ne peut pas ne pas avoir un léger haut-le-corps, devant un tel « spectacle » ! « Salut ! fait l’homme, avec une bouche grouillante. Bon, vous pouvez partir ! Il faut laisser faire les pros !

    _ Hein ? Comment ? s’étonne Lapsie piquée. C’est nous qui avons été chargés de… Mais vous êtes qui, vous d’abord ?

    _ J’ suis Microbiote ! Autant dire le personnage principal ! Mon rôle a enfin été reconnu ! A moins que vous ne sortiez du coma ? Donc, on cède la place !

    _ Quoi ? C’est toi, les matières fécales ? Et il faudrait t’obéir ?

    _ Sûr ! C’est moi qui commande le cerveau ! Quand j’ vais pas bien, il va pas bien non plus ! T’as pas encore pigé, Lapsie ?

    _ J’ai rien pigé du tout ! Ah ! Ah ! Parce que tu crois que tu peux régler les angoisses existentielles ? Non, mais regarde-toi !

    _ Toi et tes collègues, il fut un temps, vous avez bien cru que c’était la baise, le problème ! avec tonton Freud, dont le cigare était un TOC, non ?

    _ D’accord, d’accord ! Mais c’est complexe tout ça !

    _ Moi, tout ce que je sais, c’est que la constipation empoisonne le corps et le cerveau ! Bien s’ vider garantit un bon équilibre !

    _ Peut-être, mais la réflexion, la recherche de sens, t’en fais quoi ?

    _ Et l’inflammation du côlon ? C’est pas le fléau des femmes d’aujourd’hui ?

    _ Ça suffit vous deux ! fait Ratamor. On a besoin de tout le monde, pour lutter contre les feuilles, vous ne croyez pas ?

    _ Bien parlé, old chap ! approuve Microbiote.

    _ Très bien, mais alors qu’est-ce qu’on fait ? » demande Lapsie.

    Les trois regardent le tapis qui s’étend devant eux… « Mince, qu’est-ce qui arrive là-bas ? demande Microbiote.

    _ On dirait des bogues… rajoute Lapsie.

    _ Des bogues géantes… et elles roulent vers nous ! précise Ratamor. 

    _ Faudrait songer à s’ barrer, non ? Ça pique, ces machins-là ! jette Microbiote.

    _ J’ suis assez d’accord avec lui ! lâche dépitée Lapsie.

    _ Sauve qui peut ! »

                                                                                                                        69

    Dans le vaisseau Dom 45TY550°, le Général rêve : il se voit dans la toute nouvelle voiture Dom GTH 7 K ! Ah là, il serait arrivé ! Il caresserait du regard l’intérieur ! Il s’enchanterait du luxe et du confort ! Il ferait parler la puissance, il en jouirait ! Il ferait envie aux autres, le rêve de toute une vie ! Il pourrait alors mourir, car il aurait réussi !

    « Général ! fait la voix du Dom passerelle dans l’interphone.

    _ Quoi ?

    _ Un autre vaisseau Dom demande à accoster !

    _ M’en fous !

    _ Hem, il s’agit de l’Embrouilleur, le propagandiste !

    _ L’Emmerdeur, vous voulez dire !

    _ Général, l’Embrouilleur est dans les petits papiers de Dominator ! Il faut le recevoir !

    _ Ça va, ça va ! Accueillez-le, j’arrive…. »

    L’Embrouilleur a fait du chemin, depuis qu’il appelait à la révolte dans un garage… Il s’est approché de Dominator, il lui a montré tout l’intérêt d’une propagande forte, basée sur le mensonge ! Il lui a exposé toutes les techniques, pour perturber ses adversaires, notamment comment oser dire que blanc c’est noir, ce qui abreuve de désespoir tous les opposants ! L’Embrouilleur est devenu un personnage puissant, vêtu d’une cape et toujours accompagné par des hyènes tenues en laisse ! Plus elles sont cruelles et mieux elles sont nourries, récompensées !

    A bord du vaisseau 45TY550°, on s’écarte devant le visiteur, on frémit de dégoût, en le cachant évidemment, car on craint l’Embrouilleur et surtout ses hyènes ! « L’Embrouilleur ! fait le Général faussement jovial. Sois le bienvenu !

    _ Je viens de la part de Dominator…, pour améliorer le rendement de nos troupes !

    _ Bien sûr, je t’aiderai au mieux dans ta mission ! Comment va Domopolis ?

    _ Mal, nous sommes attaqués par des feuilles !

    _ Voyez-vous ça !

    _ C’est cette infâme Chose ! Elle met le chaos !

    _ Elle embrouille tout le monde ! Euh… Ça m’a échappé !

    _ J’ai lu tes rapports... et il y a certaines choses qui ne vont pas du tout !

    _ Diable ! Installons-nous dans le poste de commandement… Le Dom passerelle va nous apporter du café ! »

    Une minute plus tard, l’Embrouilleur, parmi ses hyènes, reprend la conversation : « J’ai constaté que votre équipage a un rendement de 50 %! Or, il serait facile de l’augmenter à 70 %!

    _ Ah bon ? s’étonne le Général.

    _ Oui, il suffit de baisser la température du vaisseau !

    _ Je te demande pardon ?

    _ On laisse le froid cosmique agir dans le vaisseau… Plus il fait froid et plus le Dom s’inquiète et donc devient actif et égoïste ! C’est un mouvement naturel !

    _ Tu n’es pas sérieux !

    _ Est-ce que j’ai l’air de plaisanter ? »

    A cet instant, le vaisseau est ébranlé, à un tel point que l’Embrouilleur est jeté de son siège et que les hyènes hurlent à la mort ! « Mais qu’est-ce qui se passe ? s’écrie paniqué l’Embrouilleur.

    _ Hum, d’après ce que je vois, répond le Général, ce sont les nuages rouges de la planète Camandria… Nous en sommes très proches et ces nuages sont souvent accompagnés de vents gigantesques, ce qui explique cette perturbation…

    _ Tu… Tu en es sûr ?

    _ Allô, Dom passerelle ? C’est Camandria qui fait des siennes ?

    _ Affirmatif, Général, ça se calme déjà !

    _ Tu vois, reprend le Général, un incident, rien de plus !

    _ Excuse-moi, dit l’Embrouilleur, qui se remet maladroitement sur son siège, je… je suis un peu fatigué en ce moment !

    _ Hum, mentir tout le temps, ça doit être fatigant, non ? Toujours manipuler, toujours être sur ses gardes ! Pour ma part, je n’y résisterai pas !

    _ Mais je le fais pour la bonne cause ! Nos ennemis sont nombreux et ont juré notre perte ! La grandeur des Doms passe avant tout ! Il en va de notre survie !

    _ Ah bon ? Ce n’est pas une question d’orgueil ? »

                                                                                                                              70

    Domopolis est toujours en danger ! Les feuilles se sont transformées en petites scies circulaires ! Elles roulent avec le vent et leurs pointes acérées découpent les corps ! C’est affreux évidemment, car il y a du sang partout et on entend des cris horribles, mais les feuilles semblent choisir leurs cibles ! Par exemple, elles se jettent sur le Dom qui laisse tomber négligemment un papier par terre ! Le Dom, qui quelques secondes auparavant se moquait éperdument du monde, se met soudain à appeler au secours, à demander la solidarité des autres ! Comme ce revirement est étrange… et inutile, car l’attaque va très vite : le Dom est taillé en pièces en un éclair ! C’est incroyable ce que ces feuilles peuvent avoir d’énergie !

    Mais il y a aussi le Dom qui ne trie pas ses déchets, qui bourre sa poubelle n’importe comment, qui est pris à partie ! A peine laisse-t-il sa poubelle déborder de sacs que les feuilles arrivent sur lui ! Elles font de petits bruits secs sur le trottoir, puis un courant d’air et hop, elles sautent sur l’individu, en lacérant ses chairs ! La surprise est totale, l’épouvante aussi ! On est égoïste jusqu’au fond de l’âme, on ne se préoccupe que de soi, on méprise absolument son prochain… et voilà qu’il faut se réveiller, prendre conscience à mesure qu’on ressent la douleur ! La leçon est aussi amère que funeste ! Le sang ruisselle dans les caniveaux et on se demande si la Chose n’a pas perdu patience, si son action n’est pas contre-productive, à force d’être radicale ! Où est le doux temps de la pédagogie ?

    Évidemment, les Doms qui effectuent des dépôts sauvages, qui sèment dans un coin leurs ordures, comme les chiens pissent en tel endroit, ceux-là sont particulièrement assaillis, suscitant parmi les feuilles un véritable petit tsunami ! Tous les membres de ces « cochons » volent en éclats ! On a l’impression que les feuilles sont brusquement ivres, tant leur ardeur est visible, et à la place d’un tas de vieux meubles ou d’habits, on trouve des têtes, des bras, des jambes, dans un ordre si bizarre qu’un léger sourire paraît affleurer dans les yeux des morts ! Sentent-ils tout le sel de la situation ? La Chose ne les traite pas elle-même comme des ordures ?

    Mais les feuilles ne s’arrêtent pas là ! Elles veulent les vrais responsables, les champions de la nécessité, ceux qui se masquent obstinément leurs ambitions, qui ne réfléchissent jamais à ce qu’ils sont, qui n’avouent jamais leurs peurs, qui font croire que leur vie a un sens ou n’en a pas besoin ! ceux qui détruisent la nature sans sourciller ! ceux qui sont malades sans chantiers ! ceux qui bétonnent à tout va ! qui ne recueillent jamais la beauté dans la main ! qui n’ont aucune humilité ! qui ne savent pas s’arrêter ! qui sont aveugles, pleins d’intrigues, qui boivent le pouvoir à grandes gorgées, qui se droguent avec leur ego ! ceux qui ne savent pas ce qu’errer veut dire ! qui ignorent tout de la nuit et de la souffrance !

    Vite, les feuilles se ruent sur la tour du Pouvoir ! Elles veulent la peau de Dominator et de ses sbires ! Elles créent une vague monstrueuse, effrayante, haute comme un immeuble ! C’est un déferlement mordoré, un horizon couleur sang, qui fait tressaillir Dominator, alors qu’il se croyait à l’abri ! « Mais ça va pas quand même pas nous atteindre ? » s’écrie-t-il, tout en sentant ses cheveux se dresser sur la tête. Derrière lui, Ratamor et Lapsie ne disent rien, figés par l’horreur que produit cette masse immense et qui fonce vers eux ! « Eh prof ! jette encore Dominator. Réveillez-vous ! C’est vous le matheux ici ! On est assez haut, hein ?

    _ Je… Je ne sais pas ! » balbutie Ratamor.

    La vague s’écrase et la tour du Pouvoir en est ébranlée ! On y sent une secousse ! Puis, la crête monte face à l’obstacle ! Les fenêtres sont obscurcies par les feuilles, même à la hauteur du bureau de Dominator ! On est comme enterré sous les feuilles et une angoisse saisit chacun ! On se met à courir éperdu, on crie, on se percute ! Monsieur Nuit, toujours transformé en escargot, entreprend d’escalader un mur, vaste projet, mais la peur lui donne du courage, tout en excitant ses antennes ! Dominator ne bouge plus, oubliant son cigare éteint dans la bouche ! Lapsie, malgré sa répugnance à l’égard de Ratamor, son ancien ennemi, l’a tout de même pris par le bras, afin sans doute de mieux résister au choc ! « Et dire que je suis en détox! » se dit-elle.

    Des feuilles ont réussi à pénétrer la ventilation et des gardes sont découpés, dans des couloirs sombres ! On entend comme des couteaux se planter derrière les portes, qui résistent ! Puis, c’est l’incroyable reflux, telle une respiration géante ! Les feuilles se retirent ! Elles ne sont plus soutenues par leur élan ! Elles repartent ! Pourtant, la stupeur dans la tour du Pouvoir ne retombe pas ! On y reste muet, assommé, tandis que là-bas les feuilles n’en finissent plus de s’écouler hors de la ville, dévoilant des « noyés » !

                                                                                                                        71

    Il existe dans la Chose un endroit magique ! On y descend dans l’ombre, par un petit escalier… C’est un lavoir, à côté de sa fontaine ! L’eau murmure doucement et diffuse sa paix… Apparemment le lieu est banal : des dalles de pierre entourent le bassin, sous les feuillages, mais si on y regarde de plus près, si on se concentre, un charme peu à peu envahit le visiteur, car là, à la surface, le reflet du ciel et des arbres est tellement clair qu’on a le sentiment qu’un autre monde commence, parallèle à au nôtre ! L’idée que l’eau en aurait une vertu particulière, qu’elle pourrait donner une connaissance supérieure, extraite d’un univers plus pur, vient naturellement !

    Une légende est donc née : si on boit un peu de cette eau, on est transformé, on devient meilleur, on a un pouvoir inconnu, peut-être même le don de guérir ! à condition toutefois de puiser le liquide au bon endroit, juste avant qu’il ne reprenne sa course, justement quand il est illuminé par des éclats de soleil, qu’on aura soin de recueillir entre ses mains ! Alors, dit-on, le charme opère, on revient vers Domopolis et les Doms, en étant différent, avec un regard qui a changé !

    D’abord, on est écœuré par la saleté de la ville ! Car les déchets que l’on voit ne sont pas dus à la fatalité, mais à l’indifférence, à l’égoïsme ! Force est de constater que les Doms vivent dans une porcherie ! Mais ce n’est pas là le pire, on s’en doute ! Il y a encore l’incessant trafic, qui abrutit, vide et rend esclave, mais ce qui désespère le plus est plus loin, dans le centre, au sein même des rapports entre les Doms ! Celui qui a bu l’eau du lavoir est sidéré, abasourdi par la manière dont nous nous comportons ! Ce sont d’abord des regards de haine, de gens que nous ne connaissons pas et qu’on découvre subitement et donc qu’on n’a pas pu blesser ! Alors pourquoi cette haine, ce mépris ? Ce n’est pas une illusion, ce dégoût est bien là, car on tient à nous le montrer, de sorte qu’il nous pénètre, qu’il nous fasse mal !

    Tout simplement, la domination s’offusque que vous lui échappiez, que vous soyez heureux sans elle, que vous ayez l’air libre et non soumis ! Quel étrange message ! Il faudrait donc être malheureux ou avoir peur, pour satisfaire ces Doms ? Ce sont eux les maîtres et il faut que vous le sachiez ! Mais pourquoi les suivre, alors qu’ils ne sont pas heureux, car leur haine témoigne de leur malheur, de leur peur et de leur ignorance ? Pourquoi, s’ils sont gênés par votre joie et votre liberté, n’essaient-ils pas de comprendre d’où elles viennent, afin qu’ils en profitent eux aussi ! Non, il faut qu’ils vous détruisent ! S’ils ne peuvent vous commander, vous devez disparaître ! Cela veut aussi dire que c’est la domination qui mène le monde, que c’est le poison de Domopolis !

    Mais vous n’êtes au bout de vos peines ! Dès que vous entrez dans un magasin, un Dom ou une Dom vient vous presser par derrière ! On pèse sur vous, comme si vous étiez du bétail, car là encore c’est le Dom qui compte, c’est son monde, pas le vôtre ! Dans ces conditions, comment pourrions vivre en paix et aimablement ! Il faut se défendre, résister, faire comprendre au Dom que les autres sont ses égaux ! Pourquoi se sent-il supérieur ? Pourquoi ne respecte-t-il pas l’autre, n’en est-il pas curieux ? Pourquoi n’est-il pas humble ? Celui qui a bu l’eau du lavoir prend conscience d’une chose gigantesque : c’est que les Doms vivent dans leurs plaisirs ! Ils se gavent de leur égoïsme, au-delà des apparences ! Ils se roulent dedans, comme les hippopotames dans la boue !

    Et pourtant le Dom se plaint ! Il se croit victime du devoir, plein de respectabilité et de responsabilités ! Il ne s’en rend pas compte ! Il est aveugle telle une taupe ! Il n’a aucune idée de la souffrance et il vit dans un luxe incroyable ! Voilà ce que voient les yeux nouvellement ouverts ! Et c’est sidérant ! Tout pourrait être différent, si chacun luttait contre sa domination, son égoïsme ! Ce n’est pas une question de politique ou d’économie, c’est juste en nous, à la portée de tous ! Mais on le sait, se remettre en question pour le Dom est ce qui lui est le plus pénible, tant il est attaché à sa domination, pour se protéger de la peur !

    Car le fond du Dom, c’est la peur ! Tant qu’il domine et que c’est son monde qui triomphe ou s’impose, il ne s’en aperçoit pas ! Au contraire, il se croit très malin et courageux ! C’est ce qu’il appelle sa réussite, quand il se sent un gagnant, qui devient haineux et hostile, dès qu’on paraît différent, plus libre ! Cette réaction haineuse, ce désir de détruire montre toute la fragilité et l’hypocrisie du Dom, montre comment toute sa soi-disant sûreté est bâtie sur du sable ! Car c’est la peur qui n’est pas guérie, qui reste un abîme sous les pieds ! Les tyrans sont forcément peureux !

    Voilà le pouvoir de ce fameux lavoir enchanté, qui dort quelque part dans la Chose ! qui ne fait pas de bruit et qui reste caché des Doms, tant ils sont agités et même violents ! Dans le lavoir, il y a encore des feuilles qui tournent lentement, qui ondulent parmi les bulles, qui forment un tapis d’or…, qui tombent en créant un œil qui s’ouvre de plus en plus largement sur l’eau ! C’est l’onde du rêve !

                                                                                                                             72

    Les scientifiques, les philosophes, les penseurs, se trompent sur la Chose ! Ils disent notamment qu’elle est une fuite, un mirage, que le merveilleux est une illusion ! Car eux savent ce qu’est l’homme ou le Dom ! Ils savent et comprennent… et ils font confiance au rationnel, car ils ne sont pas dupes : les hommes sont durs et égoïstes et deux plus deux font quatre, et la mort est la fin, etc. !

    Mais l’art, qui représente la beauté, arrive à comprendre le réel, justement là où la science se révèle impuissante ! Un beau portrait laisse voir toute la personnalité d’un individu bien mieux que n’importe quel traité de psychologie ! C’est une image d’ensemble qui capte ce qui est indicible et échappe à l’analyse ! Science et art sont complémentaires, car la beauté nous enseigne quelque chose ! Par son rythme, son temps déjà, elle nous forge ! Notre domination nous quitte peu à peu, à son contact, comme une mue ! Cela ne se fait pas sans douleurs, car nos blessures peuvent être nombreuses, ce qui nous conduit à un ardent désir de justice ! Mais notre amertume et nos frustrations ne sont pas causées par la beauté, mais bien par les Doms !

    La beauté, la nature ou la Chose ne font que nous accueillir et… nous consoler ! De quelle manière ? Mais, en suscitant notre admiration, elle attache notre regard et fait pénétrer en nous son message ! Quel est-il ? Mais que l’infini existe, puisque cette beauté se révèle sans limites ! La beauté nous dit qu’elle est extraordinaire, en produisant notre enchantement ! Elle nous rassure, en nous faisant comprendre que nous ne sommes pas des étrangers dans le monde, mais qu’au contraire il est notre maison ! Nous ne sommes pas seuls, malgré notre désarroi et nos blessures, mais nous sommes aimés, d’où notre réflexion sur cette ambiguïté, car comment pourrions-nous être aimés, alors que nous souffrons ?

    La boîte qui nous sert de cerveau, se met alors en action, pour résoudre cette énigme ! provoquée par la beauté ! On le voit, nous sommes ici très loin déjà de toute naïveté ! Le merveilleux, loin de nous séparer du réel, nous en rapproche au contraire au plus près ! Naïfs sont plutôt les scientifiques et les philosophes, les matérialistes, car de tout temps l’homme a compris le réel grâce à l’art ou à la beauté ! La spiritualité naît de l’imagination et de l’admiration ! Elle nous est aussi indispensable que la science, mais en plus elle nous apporte la sécurité et le levier de l’amour ! Car la beauté peu à peu résout notre énigme : comment Dieu pourrait exister, alors que nous souffrons ?

    Peu à peu, la beauté nous enlève notre domination, c’est un travail de patience, permis par l’enchantement ! La compréhension s’éveille… D’abord, le Dom a peur… et plus il est violent et plus il a peur et est perdu, malgré ses airs bravaches et victorieux ! Comme nous nous sentons aimés et comme nous sommes rassurés, nous sommes à même de comprendre ! C’est notre égoïsme qui empêche notre réflexion, notre lucidité ! Par l’amour, notre vision s’élargit ! Elle devient elle-même sans limites, bien au-delà de la simple logique ou de la seule raison, qui sont toujours asséchantes ! L’« eau de vie » jaillit de l’amour et donc de la beauté ! Le merveilleux est la connaissance « suprême » ! C’est la « science » de l’enfant !

    Mais voyons maintenant nos vies actuelles… Notre environnement est éminemment agressif : saleté, pollution, trafic incessant, travaux partout, laideur des bâtiments, colère, haine, violence, guerre, incertitude, manifestations, destructions, racisme, intolérance, etc. Où est la beauté ? La paix ? Comment pourrions-nous ne pas être perdus, malheureux et malades ? Nous sommes de plus en plus nombreux certes et les villes ne cessent de s’étendre, mais nous avons vu que c’est surtout à cause de la domination ! Rien que le fait de ne rien faire, de rester tranquilles, nous angoisse ! Nous sommes à des années-lumières de l’enseignement de la beauté ! Nous en sommes aux antipodes et nous nous analysons et nous nous dévorons et nous nous rendons suspects à nous-mêmes : qu’est-ce que notre nourriture, comment marchent nos digestions ? Ce qui devrait être le plus simple devient un abîme de réflexion !

    Bien sûr, le premier réflexe est le rejet, la fermeture sur soi, le phantasme d’une autre époque, où la société était plus ordonnée, plus « pure » ! Mais ce chemin est celui de la haine et du mépris ! Or, la beauté est toujours parmi nous, malgré nous a-t-on envie de dire ! Le ciel est toujours au-dessus de nos têtes, la végétation n’a de cesse de toujours repousser, même à travers le béton, etc. ! Son message nous attend donc toujours ! Il suffit de s’arrêter et de l’écouter ! Mais il est vrai aussi que l’art s’est perdu lui-même, qu’il s’est dépourvu de toute admiration et de spiritualité et que c’est en partie la faute de la science, qui croit même toujours être supérieure à l’art, pour l’avoir circonscrit ! C’est la domination scientifique !

  • L' attaque des Doms (28-33)

    R51

     

         "Vous êtes venu pour me tuer... Faites-le bien!

             _ Ne vous inquiétez pas!"

                                               Soleil vert

     

     

                                28

    « Que se passe-t-il ? demande Dominator, tandis qu’il regarde la place, au pied de la tour du Pouvoir.

    _ Ils envoient le Dom justice contre… la chose ! » répond D 4, le nouveau secrétaire.

    En bas, la foule s’enthousiasme ! Elle crie que le Dom justice va les libérer de la chose et en effet, le Dom justice est très fort ! Il mesure bien trois mètres et il écrase dans ses énormes poings tous les bandits, les méchants ! C’est une boule de haine, au service du bien !

    Il est préparé, pour son combat contre la chose, dans une sorte de hangar et bien des Doms sont venus le voir, remettant en lui tous leurs espoirs, car la chose arrête la ville et l’économie ! Elle semble même narguer la grandeur de Domopolis, ce qui est insupportable pour bon nombre d’habitants, très fiers de leur puissance !

    On vêt d’une armure éclatante le Dom justice, pendant qu’il crie vers la foule : « Ah ! Qu’on me donne un égoïste, un riche qui méprise le pauvre et j’en ferai de la purée entre mes mains !

    _ Hourra ! Hourra ! répondent les spectateurs.

    _ Par pitié ! Que je rende la justice ! Que le fourbe et le profiteur ne m’échappent pas ! J’ai besoin de vider le monde de tous ces mauvais cœurs, de toutes ces raclures, qui piétinent le faible ! Aaaaggr !

    _ Ouais, vas-y, Dom justice, montre-leur !

    _ Ouais, fous-les en l’air ! Tous ceux qui nous veulent du mal !

    _ Aaaragh ! »

    On finit par lui installer un casque, avec une plumet rouge, signe qu’il va y avoir du sang ou de la justice ! Puis, le Dom se lève, ce qui impressionne toujours et tout le monde recule, devant le colosse ! « Et maintenant, en route vers la chose, les amis ! fait la voix caverneuse, sous son casque.

    _ Ouais ! Ouais ! A la chose ! Le dom justice ne va en faire qu’une bouchée !

    _ Ouais, ouais, à la chose ! »

    On s’ébranle, avec au centre de la foule le Dom justice, géant étincelant et on avance vers la chose, puis on s’arrête, car elle est là, tout près, ondoyante, indéfinissable ! Les Doms ordinaires ne vont pas plus loin, bien sûr, et le Dom justice doit continuer seul ! Il se rassure en soupesant sa masse d’arme, une monstruosité à la mesure de son propriétaire !

    Voilà, le Dom justice entre dans la chose et disparaît aux yeux de son public… Ce qui le surprend d’abord, c’est le silence… Il est dans une sorte de brume et n’entend plus rien ! C’est nouveau pour lui ! Ce qu’il connaît, c’est l’adversaire qu’il fracasse, c’est l’égoïste qu’il broie ! Mais, ici, où sont les sournois, les rats ?

    Le Dom justice bute dans un rail ! Un rail ? Il y a bien longtemps qu’on n’utilise plus les trains ! Est-ce une antiquité ? Un réseau abandonné ? Le Dom justice n’aime pas cela… Mais il ne peut pas non plus ressortir de cette brume comme ça, pour rejoindre les autres ! De quoi aurait-il l’air ? D’un lâche ? Au moins d’un imbécile ! Il faut voir où mène ce rail…

    Le Dom justice s’efforce de marcher sur les traverses en bois, car les cailloux du ballast sont plus inconfortables ! Mais alors il a un pas saccadé, qui l’essouffle et lui donne l’impression d’être un peu ridicule.. Évidemment, l’armure le gêne maintenant beaucoup… Le pire, c’est que la voie file dans la brume et semble interminable !

    Après une bonne demi-heure de marche, le colosse de fer-blanc, doit faire une pause ! Il est en nage… et il retire son casque, pour se donner quelque fraîcheur ! Au-delà du rail, la brume laisse deviner les contours d’un paysage : quelques falaises, des bois sombres et sans doute une rivière quelque part, car on voit des champs noyés… Mais comme tout cela paraît lugubre, vide ! « Eh ! Oh ! crie le Dom justice.

    _ Eh ! Oh ! lui répond l’écho.

    _ OK, ça va ! On cesse ce petit jeu et on s’affronte !

    _ Ok, ça va ! Le petit jeu s’affronte !

    _ Ah ! Ah ! Bande de connards ! Ça vous amuse, hein !

    _ Ah ! Ah ! Connards muse, hein ?

    _ Mais, nom de Dieu, montrez-vous ! Que je vous écrase ! »

    A cet instant, des corneilles s’envolent et font : « Crouac ! Crouac ! »

    Là-bas, dans les bois sombres, il y a un géant de fer-blanc couché ! Les feuilles et la mousse le recouvrent peu à peu… C’était pourtant un champion de la justice !

                                                                                              29

    « Dominator, il y a l’Escamoteur, qui voudrait te voir... dit D 4.

    _ Laisse-le entrer…

    _ Bonjour Dominator ! fait l’Escamoteur.

    _ B’jour, b’jour ! Un verre ?

    _ Comme toi !

    _ Alors, qu’est-ce qui t’amène ?

    _ La chose évidemment ! Je veux entrer en contact avec elle !

    _ T’es pas le premier ! Hier, la foule lui a envoyé le Dom justice ! Fallait voir ça ! Ils lui ont mis une armure et ils l’ont acclamé jusqu’à la chose ! Depuis aucune nouvelle ! Il y a quelques jours, j’y ai perdu D 1 ! Tiens, voilà ton verre…

    _ Merci… Écoute, je suis un scientifique à ma manière ! Je ne crois qu’à ce que je vois ! Je connais toutes les théories du moment ! Celle des cordes comme celle de l’anti-matière ! Les origines et les fins, c’est mon domaine !

    _ Et où tu veux en venir ?

    _ Cette chose, là dehors, elle vient sans doute d’une intelligence supérieure ! J’ suis un malin dès qu’il s’agit de métaphysique ! Je jongle avec toutes les vérités, parce qu’il n’y en a pas ! J’ pense que j’ peux être un interlocuteur valable… pour la chose !

    _ Tu veux la refaire, c’est ça ?

    _ Disons que j’espère trouver un terrain d’entente , un langage commun !

    _ J’ peux pas t’empêcher d’y aller de toute façon ! Mais je crois que tu devrais encore attendre des développements !

    _ Lesquels ?

    _ Ratamor travaille dessus ! La chose elle-même peut se manifester à tout instant…

    _ J’ai vraiment envie de tenter le coup !

    _ Sûr, t’es un malin ! Tu détruis tous les arguments, mais la chose ne réfléchit peut-être pas !

    _ Du moment que j’ai ta bénédiction ! Je te tiens au courant… et merci pour le verre ! »

    L’Escamoteur se présente devant la choses : « De quelle matière es-tu ? Et qui es-tu ? A quoi tu penses ? Et connais-tu les secrets de l’univers ? de ses origines ? Voilà ce qui me taraude ? Accepte-moi, comme un pèlerin de la vérité ! »

    L’Escamoteur entre dans la chose et aussitôt il se retrouve sur un sentier boisé ! Le soleil y fait des taches de lumière, à travers les feuillages scintillants ! Des oiseaux chantent et des papillons se posent, montrant leurs ailes éclatantes ! Une odeur de fleurs et d’herbes pénètrent les narines de l’Escamoteur ! « Un sentier boisé ? fait-il. Pourquoi pas ? Eh bien, commençons la discussion par là... »

    Soudain, l’Escamoteur entend des murmures… Il se retourne, essaie de savoir d’où cela vient et il doit en convenir, en se penchant au niveau du sol, ce sont de petites fleurs bleues qui parlent entre elles ! « C’est à vous qu’on doit s’adresser ? » demande l’Escamoteur. Les petites fleurs s’agitent et l’une paraît confuse, intimidée ! « Mais que se passe-t-il donc ? dit l’Escamoteur.

    _ Vous lui plaisez beaucoup ! explique l’une des petites fleurs, en montrant sa voisine, qui se cache la tête.

    _ Ah bon, je lui plais beaucoup ! J’en suis flatté !

    _ C’est qu’elle voudrait se marier avec vous !

    _ Oh ! Mais je suis un peu trop grand ! Pour me marier avec elle, il faudrait déjà que je fasse sa taille ! »

    Aussitôt, l’Escamoteur devient lui aussi une petite fleur bleue ! « Ah çà ! s’exclame-t-il. Me voilà comme vous, Ma.. demoiselle ! Il est vrai que vous êtes fort jolie ! Alors comme ça, je ne vous déplais pas ? Est-ce que je peux vous embrasser, sur la joue s’entend ! »

    Le soir tombe sur le bureau de Dominator, qui demande à D 4 : « Des nouvelles de l’Escamoteur ? » D 4 fait non de la tête ! « Quel imbécile ! J’ l’avais pourtant prévenu ! »

    Là-bas, dans la chose, c’est la fête ! Sous une pluie de pétales et de vivats, l’Escamoteur vient de se marier avec la petite fleur bleue !

                                                                                               30

    « Si on en est là, c’est à cause du gouvernement ! crie un manifestant. C’est lui qui a pas su gérer la crise ! Et vous savez pourquoi ? Parce que c’est le gouvernement des riches, des privilégiés ! Nous, le peuple, on l’a dans le baba, comme d’hab !

    _ Ouais, ouais ! T’as raison ! A bas le gouvernement !

    _ A bas Dominator, le président des riches !

    _ Ouais, ouais, le pouvoir au peuple !

    _ Enfin la justice ! »

    Dans la tour du Pouvoir, Dominator s’adresse à monsieur Nuit et au duc de l’Emploi : « Non mais, écoutez-les ! C’est moi, maintenant, le responsable de la chose ! De vrais gamins ! Ils ne savent pas même pas se gouverner eux-mêmes et ils viennent me faire la leçon ! Dès qu’ils n’en ont plus dans la gueule, ils sont en colère !

    _ Il y en a qui attaquent directement la chose ! » fait monsieur Nuit.

    En effet, une partie de la foule se rue contre la chose, lui jette des pierres, lui envoie des pneus enflammés ! On hurle, on veut détruire et soudain la chose change de couleur ! Elle gonfle en prenant un vert luminescent, irradiant !

    « Oh ! Oh ! » lâche monsieur Nuit. La chose ondoie telle une vague émeraude et brusquement elle projette une nuée de la même couleur ! Ça siffle et monte dans le ciel ! « Des flèches ! La chose balance des flèches ! » crie monsieur Nuit. Tout le monde est soudain plongé dans la stupeur ! On voit cette masse mêlée de lumière et d’or vert se répandre… On se met à courir, on se bouscule, pendant que les flèches commencent à retomber ! Puis, c’est l’hécatombe ! Les flèches se plantent dans des centaines de corps ! On entend des Ah ! des Oh !, des « Pitié » et beaucoup s’écroulent blessés !

    De la tour du Pouvoir, on n’en croit pas ses yeux ! Quel spectacle ! Les rues sont jonchés de Doms ! « L’ordure ! jette le duc de l’Emploi. Cette chose n’a pas hésité une seule seconde ! Elle tue !

    _ Les secours arrivent… fait laconique Dominator.

    _ Y a pas ! dit monsieur Nuit ! C’est efficace pour disperser les foules ! Si seulement on avait le droit d’agir de la même manière !

    _ Eh, mais certains se relèvent et … ils rient ! » constate le duc.

    Dans la rue, il est vrai, les Doms se remettent debout, se tâtent, se regardent et se mettent à rigoler ! Le voisin ou la voisine a une moustache de mousse, de vraie mousse, bien verte, bien humide ! On se moque des autres, avant de se rendre compte qu’on porte soi-même la moustache ! C’est l’effet des flèches et on est partagé entre le soulagement et l’inquiétude, car une moustache de mousse, ce n’est pas banal et ça doit être bien gênant, surtout pour les femmes !

    De plus, des racines sortent des moustaches et elles s’allongent et se cherchent ! Dès qu’elles en trouvent une, elles se lient à elle, ce qui fait que les Doms sont contraints de se rapprocher ! « Eh ! fait l’un.

    _ Oh ! Mais eh ! oh ! s’écrie un autre.

    _ Mais ça va pas ! Je ne vous connais pas ! s’indigne une femme, qui se retrouve contre un étranger.

    _ Mais quelle est cette diablerie !

    _ Au secours ! »

    Tous les Doms sont tirés par les racines, en un inextricable réseau de plus en plus serré, de sorte que tout devient peu à peu indistinct ! La masse des Doms paraît elle-même moussue, irradiée par une lumière intérieure ! On voit encore des Doms fermant les yeux, tellement l’éclat du phénomène est intense ! C’est un nouveau nuage qui est constitué, fait de Doms et d’émeraude étincelant ! Et de nouveau cela monte dans le ciel, ondoie, s’étire, semble gouverné par une musique, tandis que des Doms redescendent un à un vers le sol, lentement, doucement et quand leurs pieds retouchent terre, ils regardent autour d’eux, transformés, étonnés ! Certains se mettent même à pleurer, alors que d’autres rentrent chez eux silencieux, songeurs !

    « Il s’est passé quelque chose ! dit le duc de l’Emploi. Je donnerais cher pour savoir quoi !

    _ Ouais, apparemment, ils sont calmés ! rajoute Dominator.

    _ Bon sang, qu’est-ce que c’était ? demande monsieur Nuit.

    _ Peut-être une drogue ! répond le duc.

    _ Sans doute ! Mais alors, ça me rassure pas ! reprend Dominator. Car comment lutter contre ça ?

    _ Une bombe atomique là-dessus et on y verra plus clair ! Hein ? » lance le Duc.

                                                                                            31

    « Mon Dieu, docteur…, docteur…

    _ Docteur Smac !

    _ Docteur Smac ! Comme je suis malheureuse !

    _ Qu’est-ce qui vous arrive, madame…, madame…

    _ Schwinf !

    _ Madame Schwinf !

    _ C’est mon mari, comme vous pouvez le voir (il est assis à côté de sa femme, dans le cabinet du médecin…) ! Il ne dit plus rien ! Il est complètement apathique ! C’est à peine s’il mange ! Oh ! Comme je suis malheureuse (elle sort un mouchoir, pour essuyer ses larmes) !

    _ Il s’est passé quelque chose ?

    _ Eh bien, mon mari a fait partie de cette manifestation, vous savez, contre la chose…, quand elle a tiré ses flèches ! Mon mari a été touché et depuis il n’est plus le même !

    _ Je vois… Je vais examiner, monsieur…

    _ Et puis surtout, regardez ses yeux : ils sont tout verts !

    _ Diable, oui, en effet ! »

    Le médecin tâte le mari, lui prend la tension, l’ausculte… et dit : « Je ne vois a priori rien d’anormal… Il est possible que votre mari soit encore choqué…

    _ Mon Dieu, comme je suis malheureuse !

    _ Je vais contrôler les réflexes... »

    Le médecin tape légèrement sur un genou et le mari s’anime… Il ouvre les mains et répand sur le bureau une poudre dorée ! « Qu’est-ce que c’est qu’ ça ? fait le médecin.

    _ On dirait de l’or ! s’écrie la femme. C’en est, docteur ?

    _ Je ne le pense pas… Encore qu’il faudrait demander à un spécialiste !

    _ Ah ! Si ça pouvait être de l’or, mon mari serait enfin utile ! »

    Soudain, le mari commence à rire et rien ne semble pouvoir l’arrêter ! Pour lui la situation paraît effectivement très drôle, peut-être même grotesque ! « Le voilà qui fait sa bête ! réplique la femme.

    _ Le rire est plutôt un signe de santé, vous savez… enchaîne le médecin.

    _ Bon, bon, mais c’est d’ l’or ou pas ?

    _ Je ne sais pas….

    _ Vous ne savez pas grand-chose…

    _ Je…

    _ Ah ! Ah ! »

    Le mari ne cesse de rire et peu à peu sortent de son corps des branches… « Bon Dieu, mais qu’est-ce… ? sursaute le médecin.

    _ Ah ! Ah ! »

    Les branches se développent… Le Dom se transforme complètement ! Des feuilles naissent de la bouche, des oreilles, tandis que la peau se couvre d’une écorce ! « Ah ! Ah ! continue le mari.

    _ Au secours ! crie la femme. Il est en train de devenir fou !

    _ Je… je vais appeler la police… dit le médecin qui recule.

    _ Ah ! Ah ! »

    Le mari est maintenant à moitié arbre et il projette des éclairs verts ! La poudre d’or sur la table se met à danser, tel du pollen dans du vent ! Le bureau est renversé par les grosses racines qui ont pris la place des pieds du mari ! Ah ! Ah ! Un tableau au mur est chassé par une branche ! Ah ! Ah ! La femme hurle en quittant le cabinet et le médecin a enfin la police au téléphone : « Qu’est-ce qui se passe ? crie-t-il. Mais un type est en train de se transformer en arbre sous mes yeux ! Voilà ce qui se passe ! Hein ? Mais non, je n’ai pas bu ! Que j’appelle plutôt un menuisier ? Mais dites donc, vous faites quoi avec mes impôts ? Comment ? Vous me menacez d’un outrage à magistrat ? Mais bon sang, y a urgence ! Le type est en train de défoncer mon cabinet ! 

    _Ah ! Ah ! »

    Le plafond est crevé et les fenêtres sont pulvérisées ! « Allô ! reprend le médecin. Mais oui, c’est toujours moi ! Comment ? Vous en avez marre de cette « scie » ! Je vais vous en coller une, vous allez voir ! C’est pas ma branche ? Ici tout est vert ! Vous pouvez pas comprendre ! Le type n’est même plus visible ! Allô ? »

                                                                                            32

    « J’ai une idée ! s’exclame le duc de l’Emploi, en entrant dans le bureau de Dominator.

    _ Ouais, fait celui-ci en levant à peine le nez de ses dossiers.

    _ On combat la chose comme autrefois ! D’abord un tir nourri de l’artillerie, pour enfoncer l’ennemi, l’obliger à sa terrer ! Puis, on lance la grande offensive des fantassins !

    _ Et ils n’auront plus qu’à se baisser, pour ramasser les armes laissés sur place ! On ne sait pas même pas ce que c’est, duc ! C’est trop aventureux !

    _ J’ai tout mis au point avec Nuit ! On bombarde la chose, avec des canons à béton ! On la noie de béton ! Et la brigade des Jardins charge dans la foulée ! Elle est d’accord ! Elle ira sur tous ses engins ! Les gars sont super motivés !

    _ Des amateurs, qui vont s’enfuir à la première riposte !

    _ Qu’est-ce que tu veux à la fin, Dominator ? que cette chose arrête le développement de la ville ? qu’on se retrouve, toi et moi, à la soupe populaire ?

    _ Je suis le premier à souffrir de cette situation, crois-moi ! C’est ma ville, mon enfant, mon œuvre ! Je veux que mon nom soit attaché à tout ça… J’aurais l’impression d’avoir été utile… Bon, d’accord, on tente le coup… Mais on s’arrête dès qu’on voit que ça ne passe pas ! Pas de boucherie !

    _ Comme tu voudras ! »

    Les canons à béton sont dressés devant la chose, qui présente toujours cette surface ondoyante et opaque, qui paraît toujours aussi mystérieuse… Derrière les canons, la brigade des Jardins est toute excitée : pour la première fois, elle va participer à un combat ! On a rajouté des protections aux engins et chacun porte un casque ! La balayeuse se chauffe, en tournant sur elle-même ! Les souffleurs pointent déjà leur outil vers la chose, d’un air menaçant ! Ça vrombit, ça siffle, quand certains montrent, en rigolant, des jets de produits dangereux, ou bien un sécateur bien aiguisé, en cas de coup dur !

    Monsieur Nuit et le duc de l’Emploi commandent, ont pris eux aussi un uniforme et installé un petit QG ! « On y est ! fait Nuit. Attention ! » Il a un signe pour ses canonniers, qui envoient le béton ! Il est projeté par au moins dix bouches et s’élève en un flot continu, en direction de la chose ! Elle semble d’abord ne pas réagir, mais bientôt le béton se transforme en une pâte blanchâtre, légère, crémeuse et qui est modelée par un doigt invisible ! Ce sont des nuages qui désormais s’offrent à la vue, avec des teintes rosées, mauves très délicates ! Il y en a plein le ciel et de toutes les formes ! C’est un spectacle unique, splendide !

    « Elle se fout de not’ gueule ! crie le duc. A vous mes fauves ! » C’est la ruée ! Tous les engins de la brigade s’élancent dans un tintamarre épouvantable ! Ces Doms ont des visages hurlants, assoiffés de sang ! On se veut barbare pour se donner du courage et on fonce vers la chose ! C’est une charge fantastique, digne des plus hauts faits de l’histoire ! C’est une légende qui commence !

    Les souffleurs et les faucheurs se distinguent, tant ils font du bruit et semblent enragés ! Évidemment, les engins ne sont pas en reste ! Les gyrophares des balayeuses sont destinés à semer la panique !

    Qui chantera le destin de ces héros ? Qui racontera à la veuve, comment son mari a succombé, afin que l’enfant soit fier ? Par exemple, qui décrira ce souffleur rendu fou par les feuilles tourbillonnant sans cesse autour de lui ! Il en a vu de toutes les couleurs, c’est le cas de le dire ! Et ce faucheur appliqué, rasant les marguerites, est-ce sa faute si les pétales sont devenus une mitraille, si le pollen a fini par le noyer ?

    Et les balayeuses tournent-elles encore dans la trombe qu’elles ont créée ? La chose a-t-elle fait plus que de donner libre cours à l’agitation ! N’ont-ils pas, ces Doms, été les victimes de leur propre nervosité ? On ne le saura sans doute jamais, car maintenant la chose est toujours là et il n’y a plus de combattants !

    « C’est raté ! lâche monsieur Nuit.

    _ Mais bon sang ! Où sont-ils passés ? réplique le duc. Ils étaient là ! On était les plus forts !

    _ C’était bâché ! C’est ça que tu veux dire ?

    _ Marre de cette chose ! Marre ! 

    _ On y reviendra ! On trouvera la solution, y a pas d’raison !

    _ Tout de même, c’était beau voir ! Cette charge...

    _ Ouais, ouais... »

                                                                                            33

    Les Doms touchés par les flèches de la chose sont appelés Doms émeraude, tant leur regard a un éclat vert ! Mais ce n’est pas cela qui inquiète le plus ! Non, les Doms émeraude paraissent ailleurs, absents ! On a beau leur parler, ils ne montrent pas qu’ils comprennent ! On s’agace même de leur inertie, de leur apathie, de ce qui peut être vu comme de la mollesse ! On les rabroue, car les voilà maladroits, presque idiots ! Certes, ils sont des victimes, mais le temps passant, on ne leur pardonne plus rien !

    Pourquoi sont-ils comme ça ? Qu’est-ce que leur a fait la chose ? Quel poison leur a-t-elle injecté ? Est-ce que c’est neurologique ou bien cèdent-ils à la paresse ? On les conduit chez des spécialistes, qui les examinent et comme ils ne trouvent rien, on suspecte les Doms émeraude de jouer la comédie, de profiter de la situation, de vouloir du mal aux Doms normaux et travailleurs ! Les Doms émeraude ne répondent rien et n’apaisent personne ! On enrage devant un tel mutisme et on pense à de la méchanceté, voire du sadisme, mais peut-être que les Doms émeraude eux-mêmes ignorent ce qui se passe en eux, pourquoi ils sont comme ça ?

    Cependant, leur comportement touche aussi la société, pas seulement les proches et plusieurs alertes sont déclenchées ! Il faut savoir que les Doms font leurs courses dans des conditions particulières ! Ils se rendent dans de vastes centres commerciaux, où tout est automatisé ! Dès qu’un Dom entre, il est entièrement scanné ! Son identité est connue, ainsi que sa capacité financière ! Mais encore ses goûts, son genre, sa personnalité sont immédiatement transmis aux magasins, qui n’ont plus qu’à lui proposer les produits qui conviennent !

    Il n’y a pas d’exception ! De la fabrication à la vente, tout est codifié, fluide ! Les Doms sont catalogués sous forme de groupes et l’originalité est bannie, a disparu ! Elle n’existe pas et la révolte pas davantage ! Le Dom est le produit et vice-versa ! On se croit unique, supérieur et c’est une réussite du marketing ! La pensée se satisfait de plaire, d’être marquée ! Elle est fière du collier du fabricant ! Il n’y a aucun incident : le Dom glisse sur des tapis, sous un flot de lumière et s’équipe avec ce qui lui correspond !

    Il est dans le centre commercial, comme dans un village tranquillisant, à l’abri des intempéries ! Il devient une sorte de substance aseptisée, quasiment transparente, diaphane et c’est pourquoi le Dom émeraude y surprend tout le monde ! On s’arrête quand on le voit ! C’est visiblement un étranger ! Il a l’air d’un tronc ! Il n’a pas cette légèreté artificielle, stérile propre au lieu ! Il paraît même bien vivant, avec son teint fouetté par le vent, qui est tout sauf chlorotique ! On le regarde en biais, on se demande ce qu’il va faire… et effectivement, il y a là-bas une discussion, un débat, ce qui est tout à fait extraordinaire !

    Le Dom émeraude met en cause le produit ! Le vendeur n’en croit pas ses yeux, ni ses oreilles ! La chaîne est interrompue ! Le scanner à l’entrée n’a pas fonctionné ! Le Dom n’a pas été identifié ! Pire, il demande de la qualité, de la valeur, un objet original, qui aurait été fabriqué avec sérieux et soin ! C’est la surprise ! On se récrie ! On s’énerve ! On jure que tout ici est merveilleux, réputé, solide ! On ne comprend pas le Dom émeraude, qui pourtant invite les Doms vendeurs à se respecter eux-mêmes davantage ! Au contraire, ceux-ci sont effarés et appellent la sécurité ! Le Dom émeraude est emmené et il ne dit plus rien ! Au commissariat, il est retombé dans son apathie et il regarde les murs d’un air morne !

    Les Doms policiers n’ont au fond aucune charge contre lui ! Il n’a fait que poser des questions ! Mais il a fait peur ! Où veut-il en venir ? Domopolis est une ville sans histoires ! On y est libre d’acheter ce qu’on veut ? Alors, où est le problème ? Le Dom émeraude reste silencieux ! On le soupçonne de mépriser les autres ! « Est-ce vrai ? » lui demande-t-on et il hausses les épaules ! On le met dehors, mais on se dit que la chose est en train de miner Domopolis ! Vraisemblablement, elle envoie ses agents, chargés de saper la société !

    On décide d’enfermer dans un camp tous les Doms émeraude, hommes, femmes, enfants ! On n’ambitionne pas de les comprendre, mais de les rééduquer, de les neutraliser ! Tout autour du camp, il y a un désert, appelé désert du Doute ! On y voit au loin des os blanchis, sous un soleil de plomb ! Le camp 5, en hommage à une grande marque de parfum, doit remettre les Doms émeraude dans le rang, grâce aux techniques commerciales les plus modernes ! On y teste par exemple des puces cérébrales, qui doivent réparer les réflexes de consommation !

    Toute la journée, les Doms émeraude sont soumis à des messages publicitaires, à des offres si alléchantes qu’on s’attend à des courses soudaines vers les rayons fictifs mis en place ! Mais pour l’instant, les résultats ne sont pas bons… Les Doms émeraude semblent pris dans un sommeil sans fin, un désespoir sans bornes ! Ils sont jugés malades par des psychologues et on les traite aux antidépresseurs ! Pourtant là-bas, dans le grande centre commercial, un Dom vendeur vient de se suicider, sous le regard alcoolique ou vide de ses collègues !

  • L' attaque des Doms (24-27)

    R50

     

     

               " C'est ça! Va manger ton plat de nouilles!"

                                                            Inspecteur Harry

     

                                        24

    A bord du vaisseau Dom 45TY550° la vie a repris son cours… L’épisode du bloc de conscience est maintenant oublié, quoique que chacun en garde un souvenir au fond de soi, mais le service, c’est le service et le vaisseau continue sa mission d’exploration, dans les confins de l’univers ! Mais soudain une alerte se déclenche et le général en est informé dans ses quartiers : « Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? fait-il d’un ton maussade.

    _ Une formation étrange droit devant nous ! On n’a jamais vu ça ! dit le Dom passerelle.

    _ Vous en êtes sûr ? Vous êtes jeune et impressionnable…

    _ Même le Dom spécialiste est bouche bée !

    _ C’est bon j’arrive ! »

    Le général arrive dans le poste de commandement : « Bon alors, qu’est-ce qu’on a? dit-il.

    _ Voyez-vous même ! »

    Le général tourne les yeux vers l’espace et se fige : là, dans la nuit étoilée, des corps gigantesques dérivent ! Ce sont d’énormes squelettes d’hommes, de femmes et d’enfants, beaucoup plus grands que les Doms, appartenant sans doute à un monde lointain, inconnu, peut-être qui n’existe plus, un monde oublié !

    « Mais qu’est-ce qui les maintient ainsi dans l’espace ? demande le général. Ils devraient filer à toute allure, soumis au grand jeu des attractions !

    _ Apparemment, ils sont liés à une force invisible ! répond le Dom spécialiste.

    _ Quel genre de force ?

    _ A vrai dire, je n’en sais rien ! Cela défie nos calculs et l’entendement !

    _ Ouais ! »

    Tout le monde à bord du vaisseau contemple cette scène lugubre. « Général, on va finir par heurter un de ces corps ! fait le Dom passerelle.

    _ Avance deux tiers, vitesse réduite et… Mais bon sang, qu’est-ce qui se passe ? »

    Tout le vaisseau est ébranlé et il se met à reculer ! « J’ai dit avance deux tiers ! hurle le général. Qu’est-ce que vous foutez aux machines ?

    _ Nous avons beau pousser les moteurs, nous allons vers l’arrière ! répond le Dom machine. Nous sommes piégés !

    _ Dom spécialiste, vous avez une idée sur le problème !

    _ Nous subissons la force qui maintient ces corps !

    _ Très bien et comment on se sort de là ?

    _ Force inconnue, solution inconnue !

    _ Étrangers, vous m’entendez ? »

    Une voix sépulcrale et très forte retentit dans le vaisseau ! « Hein ? Qui nous parle ? crie le général.

    _ Ceci est un message d’avertissement de la civilisation des Mangs ! Notre planète a été détruite à cause d’une force, qui était en nous et que nous n’avons pas su contrôler ! Si vous ne voulez pas connaître notre triste sort, il vous faut vous-même lutter, pour vous séparer de cette force !

    _ Mais de quoi vous parlez, nom de Dieu ! Euh ! Excusez-moi, est-ce qu’on peut dialoguer ?

    _ Vous pouvez, même si depuis longtemps, je ne suis plus !

    _ Bon, ben, vous parlez d’une force qui nous menace ! De quoi s’agit-il ?

    _ De la domination, de la force animale ! Abandonnez-la ou elle vous perdra !

    _ Précisément, cela veut dire quoi au juste !

    _ Notre planète a été détruite, car nous avons voulu la dominer ! Nous l’avons dévorée pour ainsi dire ! Nous ne l’avons pas admirée, contemplée, aimée profondément ! Nous l’avons utilisée, pour nous sentir importants et calmer nos peurs ! L’humilité nous a été étrangère et maintenant nous ne sommes plus !

    _ Vous m’en voyez désolé ! Mais, ici, dans ce vaisseau comment puis-je éviter la catastrophe ?

    _ Si vous voulez échapper au piège de cette force, rien de plus simple ! Renoncez à votre grade de général, car c’est vous qui commandez, n’est-ce pas ?

    _ Que je renonce à mon grade ? Mais qui dirigera ce vaisseau ?

    _ Vous toujours, mais au nom de la raison ! Mais vous abandonnerez toute soif de pouvoir !

    _ Vous avez entendu, général, il faut que vous renonciez à votre grade ! fait le Dom passerelle. Sinon on va finir comme les copains d’à côté !

    _ Le message est clair, renchérit le Dom spécialiste.

    _ Ouais, général, appuie le Dom machine, faut pas hésiter ! Ici, on est impuissant !

    _ Ah ! Ah ! Encore un de vos trucs, les gars ! Et vous croyez que je vais marcher ! que je vais vous laissez ma place sur un plateau !

    _ Général, nous sombrons par l’arrière ! Tous les voyants sont au rouge !

    _ Bande de salopards ! »

                                                                                             25

    La Dom Clarissa est aux anges : elle a choisi sa proie ! Elle travaille pour le gouvernement Dom, en tant que Dom canon ! Elle est l’agent Clarissa tout simplement et aucune mission ratée au compteur ! Et comment pourrait-elle échouer ? Des cheveux comme une cascade d’or ! Une peau ambrée et fine ! sans défauts ! Une belle poitrine, juste ce qu’il faut ! d’un galbe à croquer ! Les lèvres épanouies, sensuelles, gourmandes ! Des yeux bleus qui vous fixent comme l’avenir ! Des jambes, oh ! mon Dieu, peut-on encore appeler cela des jambes, tellement elles sont fuselées et porteuses de promesses ? Le reste, c’est du secret bien sûr, mais l’imagination, avec ce qui est offert, visible, cavale, fond comme un bonbon, se croit au septième ciel, et elle n’a pas tort ! Ainsi est Clarissa !

    Ce matin, elle prend le vaisseau de ligne direction la planète Cazioppe ! Elle est avec un petit ami, car on a toujours besoin d’un petit ami ! Ça pose ! rassure ! C’est bon pour l’hygiène aussi ! On a une épaule pour le soir ! Et puis, c’est amusant ! On le tient un peu comme un petit chien ! On joue avec lui ! On le laisse aller et on le rappelle ! On le teste, on l’agace, c’est toujours ça de pris ! Car la mission de Clarissa est de dominer le monde… et elle domine complètement son petit ami ! S’il n’y a rien d’autre à l’horizon, il faut s’en contenter ! C’est tout de même mieux que la solitude stérile et si angoissante ! Donc, Clarissa monte dans l’aéronef, en compagnie de son petit ami, qui ne dit rien, mais qui boude ma parole ! Il est vrai que Clarissa ne lui permet plus d’exister ! Il y aurait-il de la révolte dans l’air ? Le petit ami va-t-il nous faire une crise de croissance, genre : « Clarissa, tu m’étouffes ! Je n’en peux plus ! Il faut que je te quitte ! »

    Ah, là, là ! Comme c’est sensible, un petit ami ! Dans ce cas-là, quand il y a de l’eau dans le gaz, pour ainsi dire, que fait Clarissa ? Mon Dieu, elle n’a que l’embarras du choix ! Elle peut rejouer la séduction, faire appel au plaisir ! Généralement, ça marche, évidemment ! Les atouts de Clarissa ferait même baver le diable ! Mais, si malgré tout, le petit ami reste renfrogné, hostile, Clarissa a recours à une arme suprême : sa larme de cristal ! Elle la laisse tomber sous les yeux du petit ami, l’air de dire : « Comment peut-on faire du mal à une femme aussi belle que Clarissa ? Est-on sans cœur ? Clarissa n’est-elle pas pure, à cause de sa beauté ? » Alors, le petit ami, qui est un tendre, fond complètement ! Il s’empresse autour de Clarissa : est-ce qu’elle va bien ? N’a-t-elle pas froid ? Désire-t-elle une couverture ? Il ne faut pas que Clarissa pleure ! Ce n’est pas humain ! Et voilà le petit ami qui caresse le visage de Clarissa ! Il est paniqué et il a replongé ! Encore plus profond ! Ah ! Ah ! Clarissa se marre !

    Mais un peu de sérieux, car dans le vaisseau de ligne, il y a un client intéressant pour Clarissa ! Celui-ci doit bientôt être sous la domination de l’agent des Doms ! C’est inévitable ! C’est la mission de Clarissa ! Celle-ci se rappelle son instructeur, pour le poste de Dom canon ! Un maître ! Un petit gros moustachu, mais qui connaissait la séduction sur le bout des doigts ! Clarissa entend encore ses propos : « Tu dois occuper l’homme complètement ! disait-il. C’est toi le centre de la toile ! Tu es l’araignée et l’homme est ton moucheron ! Tu piges ? Tout ce que tu fais, tout ce que tu es doit attirer le regard ! Tu existes dans les yeux de l’homme et plus il te désirera et plus tu existeras, tu te sentiras supérieure ! Le monde doit tourner autour de toi, Clarissa ! De la domination ! De la domination ! Voilà le Credo des Doms ! » Et Clarissa était quasiment devenue une légende !

    Maintenant, elle regarde sa proie : un bel homme, il faut en convenir, avec un côté enfant, doux, rêveur ! Quelqu’un sans doute de malléable ! Il en impose cependant, mais justement, c’est ce qui intéresse Clarissa : plus c’est grand et plus ça fait du bruit en tombant ! plus la victoire est belle ! Elle apprend que l’homme s’appelle Paschic ! Pas un nom courant ça ! Il est assis pas très loin de Clarissa, juste un peu en arrière, pour qu’elle se donne très bien en spectacle ! Attention, c’est pas du vulgaire, du rentre-dedans ! Non, tout en finesse : on appâte un peu, ça mord et on tire doucement, puis de plus en plus vite ! On affole et le poisson sort de l’eau prisonnier, à la merci de Clarissa !

    Voyons voir ! Clarissa touche ses mèches… Non, Paschic reste indifférent ! Clarissa gonfle un peu ses seins, au galbe parfait ! Déjà là, l’œil de la moitié des mecs s’allume, mais pas celui de Paschic ! Clarisse est heureuse, on lui résiste ! Elle va devoir déployer tous ses talents ! Elle a une petite chose sur la main ; elle souffle sur ses jolis doigts ! Ses jambes sont-elles assez visibles ? Elle les entrouvre, les tourne ! Clarissa se contorsionne une peu… N’est-elle pas mal assise ? La beauté n’est pas épargnée par l’inconfort des sièges… Clarissa décide de faire sa toilette du matin ! Elle prend ses produits et se frotte ! Il faut attirer l’attention, c’est tout ! Le reste suivra ! « Je suis le centre de la toile, se dit Clarissa, nul ne peut respirer sans moi ! » ! La nymphe s’étire, lève les bras, joue avec son petit ami, en lui glissant un peu de produit sous le menton ! Clarissa occupe tout l’espace ! Elle est maître chez elle ! Elle se fait un chignon, tiens ! c’est nouveau ! Elle met ses lunettes de soleil ! Elle n’arrête pas ! Elle compte même sur l’odeur qu’elle diffuse !

    Et ce Paschic ? Toujours aussi indifférent ! Ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas possible ! Clarissa n’a jamais échoué ! Elle sent l’angoisse monter en elle ! Elle ne sait plus quoi faire ! C’est irrésistible ! Elle va se mettre à crier ! Le petit ami ne peut pas l’aider ! Il y a bien longtemps qu’il est domestiqué, qu’elle en a tiré tout ce qu’il y avait à en tirer ! Vite, Clarissa se précipite vers le poste de pilotage, ce qui est interdit ! L’hôtesse arrête Clarissa, qui s’excuse, se calme, qui minimise l’indicent ! L’hôtesse est compréhensive, mais ferme ! Elle reconduit Clarissa à son siège ! Enfin on arrive ! Clarissa va pouvoir sortir, trouver d’autres proies ! Et ce Paschic ? Il n’est vraiment pas chic ! Voilà son nom expliqué !

                                                                                             26

    Domopolis, la ville de cristal et de bruit, continue de s’étendre ! Peu importe que bien des Doms soient perdus, avec des têtes hagardes, de fantômes et pleurent la nuit ! Peu importe que les Doms se détruisent entre eux et deviennent de plus en plus violents ! Peu importe que cela n’ait aucun sens ! Domopolis, comme un géant de fer aveugle, suit la même logique, celle qu’implique la domination !

    La ville s’étend, sous la direction du duc de l’Emploi ! Il supervise avec un fouet ! Son message est simple : « Tu veux croûter ? Tu travailles ! Tu veux croûter ? Il faut des emplois et du développement ! Domopolis est ta patrie, ton bonheur, ta sauvegarde ! Allez, on avance, on avance, ou sinon c’est le fouet ! Le fouet de la peur ! » Le duc de l’Emploi aime ce genre de plaisanteries ! Et les doms courent, vont dans tous les sens, font rugir leur moteur et Domopolis se dresse, dévore l’espace et la planète !

    Toute repose sur la domination et non sur sur le strict besoin de manger ! C’est l’entourloupe et le mensonge des Doms ! Leur cécité aussi ! Et les Doms meurent, disparaissent dans le gouffre du temps, sans avoir connu la lumière et la vérité ! Peu importe les corps déformés, les corps perdus, obèses, les corps malades, les peurs, les détresses, les sentiments oubliés, Domopolis éclate dans son rêve de modernité ! Le Dom est tenu d’admirer, d’être fier de ses cathédrales de béton, de ses goudrons lisses, de son monde rien qu’à lui, où le Dom regarde le Dom, où il est le maître incontesté ! où son nombril ne voit que lui ! Cela n’a aucun sens, mais le duc de l’Emploi et Dominator veillent ! Il faut des toits pour les gens ! Il faut du béton, de l’attraction, du cristal, de la renommée !

    Ce soir-là, Domopolis s’endort, mais, dans l’ombre, des forces obscures se déploient et attaquent la ville ! Les radars s’affolent et signalent une masse inconnue qui arrive, tel une nuage d’encre ! La ville s’arrête dans sa croissance ! Les machines stoppent, le trafic s’immobilise ! Mais que se passe-t-il ? Au matin, c’est l’incompréhension la plus complète ! Les Doms ouvrent les yeux sur un spectacle qui les bouleverse ! Une armée étrange leur fait face et entoure la ville ! Qu’est-ce que cela peut bien être ? On dirait un mur liquide ! Mais on voit à l’intérieur que ça bouge, que des formes s’y meuvent, ce qui donne l’impression d’une vie étrangère, peut-être extraterrestre !

    Alertés, les chefs observent le phénomène du haut de la tour du Pouvoir ! « Me demande ce que c’est ? fait Dominator. On a appelé Ratamor ?

    _ Il arrive, répond D 1.

    _ Laissez-moi y aller ! jette le duc de l’Emploi. J’ m’en vais dresser tout ça, moi ! Faut bien que ça bouffe, cette chose, non ? Donc, faut des emplois et du béton !

    _ Mon cher, si j’étais vous, avertit Dominator, je me méfierais… C’est pas venu là tout seul… et ça dévore peut-être les Doms ! Il est là, Ratamor ?

    _ Oui, oui, excusez-moi pour mon retard !

    _ Vous avez un avis sur … le problème !

    _ Masse liquide, mais aussi gazeuse ! Forme de vie intelligente, sans aucun doute ! Mais à vrai dire, l’inconnu total !

    _ Faut envoyer quelqu’un ! dit Dominator. D 1, allez donc voir ce qu’on nous veut !

    _ Moi, mais vous n’y pensez pas ! Je n’ai même pas encore pris mes vacances, cette année !

    _ D 1…

    _ Bon, bon, j’y vais ! »

    Tout le monde regarde D 1 aller vers la chose, qui ondoie, silencieusement. On a équipé D 1 d’un micro et il décrit ce qu’il voit… « Allo, ici D 1, je ne suis plus qu’à quelques mètres de… cette forme !

    _ C’est bien, D 1, continuez !

    _ Ça va, ça va ! Y a pas le feu au lac non plus ! Je… je vais toucher la chose…

    _ On est avec vous D 1, courage !

    _ Je… je pénètre dans la chose… Vous m’entendez ? C’est étrange, c’est plein de lueurs… J’entends, j’entends la mer ! Oui, c’est ça, la mer ! Comment est-ce possible ?

    _ Allô D 1, tout va bien ?

    _ Il y a là une vague… Elle est toute douce, hi ! hi ! Elle a l’air de caresser le rivage, hi, hi ! Eh, mais le soleil brille, il forme des éclats ! On dirait de petites voiles de lumière, une régate du soleil en somme ! Hi ! Hi !

    _ Bon dieu, D 1, répondez ! Qu’est-ce qui s’ passe !

    _ Hi ! Hi

    _ On l’a perdu ! »

                                                                                               27

    « Mesdames, messieurs ! Un peu de calme, je vous prie ! » dit Dominator, à la réunion qu’il a organisée, face à la masse liquide, l’élément étranger, qui menace maintenant Domopolis ! Il y a là monsieur Nuit, le roi des promoteurs ! le duc de l’Emploi, qui joue avec sa cravache ! le professeur Ratamor, pour tout ce qui est scientifique ! La Machine est présente aussi, sur un siège spécial, appartenant à son vaisseau, car, on le rappelle, elle est mi-biologique, mi-technologique ! Elle a l’air furieuse, comme d’habitude ! Elle s’écrie : « Cela assez duré ! Nous, nous voulons des résultats ! Qu’est-ce que c’est que ce truc dehors, qui nous arrête dans nos conquêtes ! Est-ce qu’un dénommé Paschic n’aurait pas quelque chose à voir avec cette histoire ?

    _ Pourquoi dites-vous cela ? demande Dominator.

    _ Parce que c’est une crapule, qui se fout de not’ gueule ! J’ s’rais pas étonnée qu’il soit dans l’coup ! Tout ce que veut cette ordure, c’est nous nuire !

    _ Mais nous ignorons totalement à quoi nous avons affaire !

    _ Et un dénommé Zorm ? Une espèce de sauvage, aperçu dans mes chantiers, fait monsieur Nuit. Est-ce qu’il ne serait pas en cause ?

    _ Un vagabond ? Je ne crois pas que vous mesuriez bien la situation, monsieur Nuit, rétorque Dominator. Professeur Ratamor, a-t-on du nouveau sur cette… chose ?

    _ Pas vraiment ! Je l’ai fait bombarder avec des Domiseurs... J’ai essayé toutes les puissances… Sans résultat ! Je suis peut-être arrivé à une conclusion étrange… Cette matière pourrait être de l’anti-Dom !

    _ Quoi ?

    _ De l’anti-Dom ?

    _ Mais comment peut-on être contre nous ! Nous sommes supérieurs et nous ne voulons que le bien de tous !

    _ Expliquez-vous, professeur, coupe Dominator.

    _ Je serais bien en peine de le faire, mais on peut imaginer une matière qui soit complètement l’opposé de la nôtre ! Nous vivons pour la domination, n’est-ce pas ! Eh bien, il est possible que de l’anti-domination existe !

    _ Fadaises !

    _ Élucubrations !

    _ Et d’où viendrait cette anti-domination ? d’une autre planète ? des confins de l’univers !

    _ De plus loin encore, wharf ! wharf ! se moque la Machine !

    _ Mesdames, messieurs, voyons calmez-vous..

    _ Monsieur, un message code rouge, sur la trois, fait une voix impersonnelle.

    - Envoyez ! » répond Dominator.

    Sur un grand écran, on voit apparaître une image et un Dom avec un casque et un uniforme ! « Ici, le chef de chantier, Parmissou ! dit le Dom. Vous m’entendez ?

    _ Parfaitement bien ! Allez-y, Parmissou !

    _ La chose a fait une incursion dans la ville, secteur 5TY ! Mon collègue Dom égout en a été le témoin ! Je vous le montre ! »

    Dom égout est tout retourné, congestionné, les yeux un peu dans le vague… Il raconte : « Alors voilà, on réparait un transcérateur, quand cette… chose… a commencé à dégouliner… C’était comme un suintement, mais en réalité elle pénétrait à travers le mur ! Je…

    _ Continuez... fait Dominator, alors qu’il voit le Dom baisser la tête.

    _ Je me suis approché, car je croyais à une fuite… Mais c’était pas du tout ça ! Ça s’est reformé de notre côté…, ça a pris une forme… et…

    _ Mais allez-y, bon Dieu ! s’écrie le duc de l’Emploi. Crachez-la votre Valda !

    _ Je m’excuse… Je suis encore choqué… Je

    _ Ça ne fait rien, nous comprenons cela ! ajoute Dominator, qui regarde avec des yeux noirs le duc. Reprenez votre souffle et terminez votre récit…

    _ La chose, comme je l’ai dit, s’est reformée... C’était horrible ! à la fois gélatineux et vivant ! Vous entendez : vivant ! Enfin, la chose s’est lentement tourné vers moi et elle m’a regardé !

    _ De quoi avait-elle l’air ! demande haletant Ratamor. Décrivez-la nous !

    _ Elle avait l’air d’une fleur ! d’une fleur en Dom !

    _ Quel scandale ! s’écrie la Machine. Personne ne voit que ce Dom est fou ! Il cherche à nous faire peur !

    _ Une fleur ? Tiens donc ! coupe calmement Dominator. C’est tout ce que vous pouvez dire ?

    _ Non, ses yeux étaient tranquilles, mais si tranquilles que soudain je me suis senti perdu, démuni !  J’ai eu envie de pleurer et de demander pardon !

    _ Quelle lavette ! »

  • L' attaque des Doms (14-18)

    R48

     

     

             "Le problème est le suivant: qui a eu cette idée de génie?"

                                               L'assassin habite au 21

     

                              14

    « Dominator, entrée en scène dans une minute ! » Dominator tourne la tête, alors qu’on finit de le maquiller ! Il va faire le show, sur une immense scène, devant son public ! Des lumières dansent, la musique est assourdissante, des fumées, des feux ici et là… et voilà Dominator qui apparaît, sous les applaudissements et les cris de ses admirateurs !

    « Bonjour les Doms ! fait-il dans le micro, très fort.

    _ Hihhii ! Hhhi !

    _ Vous allez bien ?

    _ Hiiihhiihhi !

    _ Et pourquoi ça n’irait pas ?

    _ Hhiiihhii !

    _ Nous les Doms, on va bien merci ! Nos ennemis doivent l’accepter ! Et pourquoi on va bien ? Parce qu’on est fort !

    _ Ouiiiouiiouiiu !

    _ Parce qu’on est fort et qu’on en est en sécurité ! Notre économie va bien ! Nos familles aussi ! Nous sommes forts et personne, absolument personne n’a à nous dire le contraire, pas vrai ?

    _ Ouiioououii !

    _ C’est grâce à vous ! C’est vous les Doms, le miracle ! Je ne suis là que pour vous aider, je ne suis que votre humble serviteur !

    _Ouiiiouiouii ! »

    « Allô, la sécurité ? Ici D1 ! J’ai repéré un gêneur, dans le coin 7 C ! Il fait des gestes le pouce en bas ! Enlevez-moi cette ordure !

    _ Compris D 1 ! »

    « Et moi, je vous dis qu’on va aller encore plus loin ! reprend Dominator. Nous, les Doms, sommes le peuple élu ! Nous avons une grande destinée, avec l’aide de Dieu ! Oui, mes amis, Dieu est avec nous, contre nos ennemis ! On ne nous menacera pas sans conséquences ! Si on nous attaque, nous avons les meilleures bombes, les meilleures fusées ! Nous ne nous laisserons pas faire, car nous les Doms, nous sommes supérieurs, aimés de Dieu !

    _ Ouiiiouuioui !

    _ Vous m’avez choisi parce que vous vouliez une guide ! Vous vouliez la prospérité pour vos familles et la sécurité ! Vous vouliez l’ordre et je vous l’ai donné ! Et maintenant nous devons regarder vers les étoiles, vers le haut ! »

    « Allo D 1 ? Ici la sécurité ! Le type nous a glissé entre les doigts ! Il est difficile d’intervenir violemment parmi la foule !

    _ Mais qu’est-ce que vous foutez, bon sang ? Vous allez tous finir comme gardiens de prison dans l’ désert ! Il s’agit d’ faire son travail, c’est pas compliqué ! Crevez-moi ce suspect !

    _ Mais…

    _ Exécution »

    « Bang ! Bang ! » entend-on un moment au-dessus du discours de Dominator ! Il y a même un petit mouvement de panique ! « Oh là ! On m’annonce des pétards ! dit Dominator ! Dangereux pour la sécurité ça ! Mais nous les Doms n’avons pas peur ! Nous sommes les Doms, les doms fiers d’être des Doms !

    _ Ouiiouiiiuoui !

    _ Euh ! J’ sais pu ce que j’allais dire ! Il ne faut pas réfléchir, je suis là ! Non, c’est pas ça ! Euh ! Demain nous attaquerons une autre planète, d’accord ! Une planète remplie d’ennemis ! Hein, on les battra à plat de couture, ça vous va ?

    _ Ouiiouiioui !

    _ Euh… A nous la gloire et la victoire !

    _ Ouiouioui !

    _ Et les pauvres t’y penses aux pauvres ? crie une voix.

    _ Ouiiouii

    _ Bien sûr, mais qu’est-ce que... ?

    _ Bang ! Bang !

    _ Et l’argent qu’ t’as volé, t’y penses ?

    _ Ouiouioui !

    _ Mais enfin, c’est quoi, c’ merdier ?

    _ Bang ! Bang !

    _ Allo D 1 ? On l’a eu !

    _ T’es viré, salopard ! T’es viré t’entends ! »

                                                                                           15

    La salle de boxe sent la sueur et est mal éclairée ! Son aspect est assez minable et pourtant c’est de là que viennent les meilleurs combattants contre les Doms ! Ils sont entraînés par Paschic, ancien champion lui-même ! Un jeune frappe un sac et Paschic vient lui donner des conseils : « Ouais ! Voilà c’est ça ! Droite, gauche ! Droite, gauche ! Pense au crochet ! Ouais, tes jambes ! Pense à ton jeu de jambes ! Souplesse, dextérité endurance ! Ouais, c’est pas mal !

    _ Pas mal ! J’ donne tout, coach !

    _ Et t’estime qu’ t’es prêt, j’ parie !

    _ J’ vais l’ bousiller, l’ Dom ! J’en suis sûr, coach !

    _ Attends un peu… Qu’est-ce que tu crois que c’est ton sac !

    _ Ben, j’imagine un Dom !

    _ Et tu le mets KO, c’est ça !

    _ Y a un problème, coach ?

    _ Un peu qu’il y en a un ! On ne bat pas un Dom ! On peut le convaincre parfois, mais on ne rétame pas un Dom !

    _ Ah bon ? Mais alors qu’est-ce qu’on fait là ?

    _ Mais p’ tit, ce sac, c’est ta domination, ton amour-propre !

    _ Je lutte contre mon amour-propre !

    _ T’as pigé ! C’est comme ça qu’on lutte contre les Doms ! Faut d’abord vaincre sa domination !

    _ Alors, j’apprends à lutter contre elle ! Bon, mais je suis prêt tout de même !

    _ Ah Bon ? Et moi, j’ dis qu’ tes un loser de première classe !

    _ Faut pas dire ça coach, ça non !

    _ Mais si ! J’ te dis les choses net : j’ai jamais vu un tocard comme toi !

    _ Faut pas dire ça, coach ! Faut pas

    _ Sinon quoi ? Tu vas faire pipi dans ta couche ? »

    A ce moment, le jeune essaye de frapper Paschic, qui évite ! « Oh là ! Oh là ! Tu perds pied ! reprend Paschic. Et tu crois qu’ t’es prêt contre le Dom ? Mais à la moindre vexation, tu vas te jeter sur lui ! Il va rire de toi ! Il va dire qu’ t’es comme lui, que tu vaux pas mieux ! Je te le répète, on ne vainc pas le Dom ! Faut tirer un trait là-dessus ! T’auras pas raison  !

    _ Mais c’est insupportable !

    _ C’est insupportable à ton ego ! C’est pourquoi qu’il faut le combattre ! T’es là pour ça, pour domestiquer ton ego ! Et là, t’es carrément pas prêt !

    _ Mais comment il faut faire ?

    _ Mais chaque jour tu apprends ! Tu tords le cou à ta haine, à ton amour-propre ! Tu quittes ta propre bulle de Dom ! Il faut que tu voies le Dom prisonnier de son ego ! Là, t’es arrivé à le vaincre !

    _ En combattant ma domination ?

    _ Fais-le par amour, par renoncement ! Élargis ta vue ! Dès que tu verras le Dom suer, à cause de son ego, tu te sentiras vainqueur ! Tous tes efforts paieront ! Tu plaindras plutôt le Dom, car toi-même tu seras libéré !

    _ C’est mon rêve coach, je veux être un champion comme vous !

    _ Allez ; on reprend l’entraînement, Le sac là, c’est ton amour-propre ! Ouais, droite gauche ! Ouais, n’oublie pas le crochet ! Ton jeu de jambes, souple ! Ton ego est vicieux ! Il est chevillé à ton corps ! Le Dom va t’exciter ! Tu vas vouloir le détruire, de toute ta haine et ça pour la vérité, la justice ! Or, il faut pas, tu serais perdant !

    _ Ouf ! Ouf ! C’est dur !

    _ Sois sans pitié avec ton ego ! Pare ses coups ! Te laisse pas avoir par ce qu’il te raconte ! Ok arrête ! Faut pas t’ blesser non plus ! J’ vais t’ donner le secret !

    _ J’écoute coach !

    _ La confiance ! Tu renonceras grâce à la confiance ! Sérénité ! On respire ! Plus tu maîtriseras ton ego, plus tu seras doux avec le Dom, car tu seras dans une autre dimension, la spirituelle ! Tu seras inaccessible au dom !

    _ Comment ça ?

    _ Quant tu n’auras plus besoin de dominer, le Dom n’aura plus aucune prise sur toi !

    _ Wouah ! Comme j’ai hâte, coach ! Moi aussi, je veux me moquer du Dom !

    _ Mais personne ne se moque du Dom ! du moins pas méchamment !

    _ Oui, oui, bien sûr ! Mais moi aussi, j’ veux être... inaccessible, comme vous avez dit !

    _ Ouais, ouais !

    _ Être un champion de la spirituelle, tout comme vous !

    _ Ouais, ouais, Y a du boulot ! Allez, on ferme ! Fini pour aujourd’hui !

    _ Droite gauche ! »

                                                                                              16

    Dominator s’adresse de nouveau à sa population… « Vous allez bien ?

    _ Ouiuouioui !

    _ J’ veux que vous soyez heureux ! J’ veux qu’on soit fort, nous, les Doms ! J’ veux que vous soyez fiers d’être des Doms !

    _ Ouiouiouioui !

    _ J’ai la solution pour vous ! Le confort ! La belle vie ! Le matérialisme !

    _ Ouiouioui !

    _ On va être super développé ! moderne et tout ! A partir d’aujourd’hui, écoutez bien, je vous offre un crédit préférentiel ! Oui, vous avez bien entendu ! L’État remboursera la différence aux banques, par rapport au taux usuel ! C’est pas merveilleux ça !

    _ Ouiouiouioui !

    _ Alors qu’est-ce qu’on dit ?

    _ Merciiiii !

    _ Bon sang, les Doms, devenez propriétaires ! Achetez-vous une maison et soyez heureux !

    _ Hourra ! Hourra ! »

    C’est le déchaînement, les Doms courent au crédit ! « Un crédit, un crédit s’il vous plaît ! », « Ma maison, je veux une maison ! », « Poussez-pas, y en aura pour tout le monde ! », « Dom ! Dom ! Dom ! », « Achetez Dom ! Achetez Dom ! », « Vendre, argent, choses, confort, bruit, épater, j’épate, nous épatons ! Parader, choses, fric, maison, crédit », « Vive la matérialisme ! », « Allez le troupeau des Doms ! Meuh ! Meuh ! »

    « Touche pas à mon crédit ! », « J’ t’ai vu, t’as touché à mon crédit ! » « Tu touches à mon crédit et j’ te crève ! », « Mon emploi ! Mon emploi ! Et comment j’ vais rembourser mon crédit ? », « Quoi, la situation est mauvaise, c’est la crise ! Et mon crédit, comment j’vais l’ rembourser ? », « Touche pas à ma voiture ! J’ t’ai vu toucher à ma voiture ! Retire tes mains de ma voiture ! », « T’as bien fermé la maison, chéri ? A cause des voleurs ! », « Ne t’inquiète pas, ils auront une drôle de surprise ! Un bon coup de fusil en pleine gueule ! », « Touche pas à mon confort ! »

    « Regardez-les ! dit Dominator à D 1. Les voilà soumis ! bêtes ! Et moi, j’ai le pouvoir ! Qui vais-je pouvoir assassiner, pendant qu’ils dorment ? Montrez-moi la liste de mes opposants ! » 

    Dans la plaine, des milliers de Doms avancent, courbés sous le poids de leur crédit ! Le vent est rude et fort ! Les pas sont lourds, mais le Dom progresse au nom du matérialisme ! Le confort, la vanité à son côté lui crient : « Allez ! Allez, tu y es presque ! Encore un effort ! Encore une mensualité ! On ne lâche rien ! » Le Dom serre les dents et ne voit pas la fin ! Aveuglés par le sable soulevé, les Doms tombent un à un dans le gouffre du temps ! Le cimetière du crédit s’étend à perte de vue !

    Le silence parfois retombe… Le long de la marche terrible des Doms, on aperçoit des carcasses, des squelettes de Doms, qui sont morts en plein effort, en tirant leur crédit ! Œuvre titanesque ! Les documents sont arrachés par le vent et se dispersent ! Ô Dom, quel sens a eu ta vie ? Tu n’as pas échappé à la peur, elle a toujours été présente à côté de toi et elle t’a tué d’une maladie ! Cancer, Parkinson, etc. ! L’esclave du matérialisme a été terrassé et on l’oublie !

    Et la lutte pour le pouvoir ! La domination ? Elle continue de faire rage ! Autre soleil ! Autre illusion ! Empoignade, meurtres, mensonges ! Que reste-il ? Où est l’eau de vie ? Qui aura donné ? Qui aura répandu la lumière ? Qui aura transmis la paix et l’espoir ?

    Le vent tourbillonne sur les carcasses des Doms et plus personne ne pense à eux… On entend encore l’écho de Dominator : « Laissez-moi commander ! Et je vous donnerai le confort et la sécurité ! » et les Doms ont obéi et pourquoi ? La vie est-elle possible seulement dans l’égoïsme ? sans idéal ? sans grandes espérances, sans le souffle de la liberté ? La vie est-elle supportable, si l’on ne pense qu’à soi ? Dominator enlève l' âme des Doms ! Il les a rendus esclaves de leur crédit, de leur égoïsme ! La peur les a momifiés !

    Les Doms prient, pour que Dieu protège Dominator ! Les Doms prient pour leur sécurité et leur confort ! Les Doms prient et n’aiment pas Dieu, n’ont aucune confiance en lui, mais en Dominator ! Les Doms prient la force et la domination, nullement pour l’amour ou le renoncement qui rend libre !

                                                                                                17

    A Domopolis, on trouve de drôles de personnages ! Ils sont tous pareils : ils portent un petit chapeau melon, une barbichette, le même imperméable clair et leur visage est rondouillard ! Leur aspect paraît anodin, mais si on les approche, on est surpris par leur expression figée, comme s’ils regardaient au loin et ne se souciaient pas de ce qu’on leur dit ! Ils restent muets et les très rares, qui les ont vus sans leur imperméable, racontent que leur corps n’est fait que de briques, tel un mur ! Ainsi, on a appelés ces étranges individus les Doms murs !

    Leur comportement étonne lui aussi ! A chaque fois que quelqu’un se plaint, gémit, à cause d’un problème administratif, d’une injustice sociale, d’une allocation rognée ou supprimée, d’un droit bafoué, le Dom mur apparaît, comme par enchantement ! Il est là présent, semblant attendre, sans marque d’hostilité ! Mais, si la personne qui se plaint se met en mouvement, elle trouve en face d’elle le Dom mur ! Il bloque le passage ! Bien sûr, on essaie de le contourner, mais le Dom mur alors ferme les côtés ! Si on tente un tout autre chemin, on retrouve bientôt le Dom mur devant, avec toujours cet air absent !

    On finit par essayer de le bousculer, mais en vain ! A peine le Dom mur oscille-t-il sur sa base ! Même son chapeau reste collé ! On se dit que ce n’est pas possible, qu’il faut bien qu’on se plaigne, car on est traité comme un chien, mais le Dom mur nous en empêche ! On en vient à le supplier, à le frapper au torse en criant, en pleurant, rien n’y fait ! Le Dom mur garde son impassibilité ! On se sent prisonnier angoissé ! On fait les cents pas, pareil qu’en cellule ! On a le visage perdu, épuisé ! Nos forces s’en vont ! Une destruction psychologique s’effectue ! On devient triste sans raison ! On est cassé à l’intérieur, comme si on était plein de débris de verre !

    Le Dom mur s’en moque ! Même son expression semble plus joviale ! Mais peut-être sont-ce nos sens qui nous jouent des tours ? En effet, la douleur enlève la lucidité ! A force de buter contre le Dom mur, on est sans énergie, vide ! L’injustice ne peut plus sortir, il faut la digérer ! On en devient malade ! On perd tout espoir, on meurt petit à petit ! On voudrait de la vie, revenir à un temps où on était insouciant, mais c’est trop tard ! On a vu l’abîme et on ne peut plus l’oublier ! On sait que le Dom mur existe ! D’autres doms plus chanceux l’ignorent et font la fête !

    On se reprend pourtant et on s’efforce de convaincre le Dom mur lui-même ! On lui parle, on lui explique notre affaire, on lui expose nos griefs ! On a des preuves, on raconte des situations, on donne des exemples, on fait avancer notre procès ! On lui montre combien l’injustice nous a frappés, combien nous sommes des victimes, combien nous souffrons ! C’est patent ! Toutes les pièces à convictions sont là ! On est d’ailleurs sanguinolent ! On découvre nos blessures, notre cerveau nu et meurtri et on est certain qu’il y a là de quoi frémir, mais le Dom mur ne bronche pas ! Il est dépourvu de pitié ! Autant s’adresser à un mort ! On baisse de nouveau les bras ! On se rassoit, anéanti ! On regarde encore le mur… Les heures passent… On agit tel un robot, mécaniquement ! Les jours se ressemblent… On a de vagues plans… On se désintéresse de tout ! On n’a plus goût à rien ! On a tout essayé et le Dom mur nous a vaincus ! C’est pas faute de courage, c’est le Dom mur qui est le plus fort !

    De son côté, Dominator s’ennuie ! « Appelez l’Escamoteur ! dit-il à D 1. Lui seul pourra me dérider !

    _ Vous m’avez demandé ? fait l’Escamoteur un peu plus tard.

    _ Oui, regarde ma population ! Elle est sans vie ! Elle paraît complètement apathique ! On dirait des veaux ! Il est impossible de les faire bouger ! Le pays stagne ! Il me faut un remède !

    _ C’est assez simple ! Tu dois laisser à chacun la possibilité de se développer, de s’exprimer, de donner son avis ! Pourquoi veux-tu qu’on donne le meilleur de soi, quand on ne peut pas être soi-même ?

    _ Il y a l’argent, le crédit !

    _ Ce n’est pas suffisant ! Il faut un idéal, de l’espoir !

    _ Hum et en clair, qu’est-que ça veut dire ?

    _ Mais le pays sera dynamique, uniquement s’il est une démocratie ! Certes, il y aura du ramdam, mais il faut que chacun puisse se sentir respecté, avoir le sentiment qu’il peut s’épanouir !

    _ bah…

    _ Tes Doms murs tuent tout enthousiasme, toute joie de vire ! C’est l’injustice et le mensonge qui règnent ! Ton mépris est évident ! Comment s’étonner de la dépression du plus grand nombre !

    _ Mais la démocratie, c’est remettre en question mon pouvoir !

    _ Certes !

    _ Mais c’est ça que j’aime, le pouvoir ! C’est ma raison d’être, ma vanité !

    _ Dans ce cas, je ne suis pas un faiseur de miracles ! »

                                                                                                  18

    Zorm s’approche du champ des Pendus… C’est un endroit sinistre ! Ici, tout a commencé par une pendaison : un Dom, qui n’avait jamais reçu de Likes de sa vie, est venu mettre fin à ses jours ! D’autres l’ont suivi et ainsi est né le champ des Pendus ! Il y a là de vieux arbres, à grosses branches, et les pendus y restent plusieurs jours ! Le pouvoir ne veut plus s’occuper de ces choses, par trop déprimantes et qui, si on les creusait, seraient capables d’inquiéter le régime de Dominator, feraient qu’on s’interrogerait sur son bien-fondé !

    Le résultat, c’est qu’à côté des corps qui se balancent, on trouve des suicidés différents et de toutes sortes ! C’est devenu le cimetière des mal-aimés, des sans Likes, des anonymes qui meurent de trop d’indifférence ! On voit des corps de jeune filles, presque intacts, des squelettes et des charognards ! Le vent semble pleurer ! Personne ne visite ces lieux, réservés aux délaissés ! Zorm a eu le courage d’y venir la nuit et c’est comme ça qu’il a pu voir à quoi ressemblent exactement les Likes !

    Ce sont de petits esprits, analogues aux feux follets ! Dans l’obscurité, ils deviennent visibles et ont bientôt entourés Zorm ! Ils ont des faces d’anges et sont très séduisants ! Ils murmurent des paroles douces, ils enchantent, bercent, mais leur vrai visage est impitoyable ! Si on les rejette ou les ignore, ils deviennent affreux ! Ils disent qu’on n’est rien, méprisable et qu’on ferait mieux de disparaître de la planète ! C’est pourquoi ils hantent le champ de Pendus ! Ils sont là pour contempler leur proies! Les suicidés leur donnent une idée de leur puissance !

    Autrement, dans Métropolis, ils sont à la fête, quoique cachés par le jour ! Mais il suffit de voir la tête des Doms, pour se rendre compte combien les Likes sont actifs et fascinants ! Ils cernent le Dom comme un parfum et celui-ci est enivré, au point qu’il ne quitte plus son smartphone ! Le Like lui dit : « Regarde combien tu es aimé ! comme tu comptes, comme t’es bien comme il faut, combien tu séduis ! La route des gagnants t’est ouverte ! »

    L’effet du Like est si fort qu’il ne peut plus cesser sans que le Dom éprouve un malaise, de l’angoisse ! C’est comme une drogue, dont le Like se réjouit le premier ! Si on commence à s’en effrayer et à vouloir prendre de la distance, le Like intervient de suite et martèle à l’oreille du Dom : « Veux-tu rejoindre le champ des Pendus ? Veux-tu la nuit et le désespoir ! Connais-tu la souffrance d’être seul et méprisé ? »

    Le Dom aussitôt réaffirme aux Likes sa dépendance, sa confiance et ceux-ci s’en amusent autour de lui ! Il faut être très fort pour lutter contre les Likes ! Il faut pouvoir mettre autre chose à leur place, mais quoi ? Zorm a appris à les domestiquer ! Il les fait tourner autour de ses doigts et la colère des Likes ne peut rien contre lui ! Zorm est libre ! Mais celui qui est dépendant des Likes est forcément un esclave de Dominator !

    A croire que les Likes sont de mèche avec lui ! Mais les deux forment un tout, à la logique très simple ! On ne domine pas sans avoir une bonne place dans la société ! Il faut de la richesse, de l’influence ! Cela ne peut exister si on vit en marge ! L’aura du pouvoir conditionne les Likes ! On est intégré sous l’aile de Dominator, en adoptant une forme de pensée et les Likes sont là, ils pleuvent, ne serait-ce que parce qu’on est à la mode !

    Les Likes ne sont au fond rien de plus que de la domination ! On est positionné dans le groupe, grâce à eux ! Plus on a de Likes et plus on est un leader ! Les sans Like se sentent exclus ! Le système de Dominator est impitoyable ! Les Likes y sont comme des maîtres ! On pourrait comparer la société à une grappe d’or, ou à un essaim bourdonnant de Likes et qui se protège ! Là sont la sécurité et le confort ! Là gît l’égoïsme ! Là vit le faux, car les sentiments sont tout prêts à changer ! Il suffit que le Dom du jour tombe et on ne le reconnaît plus ! Toute la sympathie qu’on lui voue ne sert qu’à se hisser soi-même, ou à se rassurer !

    On est pour ou contre le pouvoir ! On est du côté de Dominator ou son ennemi ! La haine se déchaîne à l’égard de ceux qui dénoncent le rêve, l’artifice du groupe ! On en veut à ceux qui réveillent nos peurs, qui nous remettent en question ! Les Doms aiment leur personnage et les Likes les illuminent !

    Dans le champ des Pendus, un jeune n’en peut plus de sa solitude ! Il n’en revient pas qu’un tel abandon soit possible ! Le ciel et la terre sont vides apparemment ! Le jeune comprend qu’on peut mourir, sans que personne ne bouge ! Cela lui laisse un goût amer dans la bouche… Le désespoir devrait l’anéantir, mais il n’est même plus capable d’avoir mal ! Songe-t-il encore à quelque fête des Doms ? Un pendu grince à côté, comme s’il riait ! Le jeune a décidé de s’en aller et il s’en va…

  • L' attaque des Doms!

                                                                     85

    Plus l’enveloppe du Dom est forte et moins les autres pour lui ont une existence propre ! Car il attire les autres pour son intérêt, être admiré ou pour qu’il sente son importance ! De ce fait, l’autre n’est pas un sujet de curiosité pour le Dom ! Celui-ci n’essaie pas de le connaître, encore moins de le respecter : il l’utilise seulement, puisque dans le monde du Dom, il n’y a que le Dom ! Donc, plus on se sépare de son enveloppe de Dom, c’est-à-dire plus on lutte contre sa domination, et plus l’autre devient une réalité et plus on est en marche vers une cohabitation paisible ! A l’inverse, plus l’enveloppe du Dom reste forte et plus on se ferme au monde extérieur et plus on en a peur ! On va donc de ce côté-là vers la haine, le rejet et la destruction !

    Il existe ce qu’on peut appeler le Dom Petite Terreur (ou DPT) ! C’est généralement un Dom qui ne paie pas de mine, par exemple une personne âgée du quartier ! Il n’y a a priori rien d’agressif chez le DPT et physiquement il ne fait pas peur et pourtant c’est une petite terreur, au bout de la rue ! Vous vous approchez et le DPT est en l’occurrence une vieille dame menue, en train de discuter avec sa voisine… Vous sentez bien la domination qui émane de cette DPT… Elle a l’air de dire : « Attention, si tu ne me dis pas bonjour ! Si tu ne reconnais pas que je suis une personne importante du quartier, je vais te maudire de toute mon âme ! Et cela veut dire que, si jamais on enquête sur quelqu’un, je dirai que tu es forcément suspect ! Malheur à toi, si tu n’es pas en règle, avec tes factures, tes impôts ! Tu es devant une sommité, qui a tout pouvoir ! Je n’hésiterai pas une seconde à demander la mort, s’il y a quelque chose qui cloche ! »

    Face à la DPT, si vous êtes un peu en dedans, affaibli, hésitant, vous allez effectivement vous soumettre, par un bref salut, car c’est aussi les conventions : on est tenu de montrer son respect aux personnes dites vénérables du quartier ! Votre réaction peut être un bon indicateur de votre état de forme ! Dites-vous bien que si vous saluez la DPT, elle se réjouira de vous traiter avec le plus de mépris possible, surtout devant son amie, puisqu’elle démontre ainsi son pouvoir ! Il advient cependant que la DPT vous salue aussi poliment, mais ce serait étonnant, car, ne cessons pas de le rappeler, le Dom se nourrit de sa domination ! Il n’est pas là en vacances !

    En tout cas, si vous n’avez pas résisté à la DPT, vous avez alimenté la « machine » Dom, le fonctionnement habituel qui nous entoure ! Vous pouvez aller vous cacher chez vous et regarder un « traître » dans la glace ! Nous plaisantons bien entendu, car la vie est difficile et même si vous avez ignoré la DPT, il est fort probable que vous le regrettiez, car la peur de ne pas obéir aux normes est insistante et ne demande qu’à nous envahir !

    Au contraire, si vous passez devant la DPT avec « superbe », plus exactement en ne perdant pas de vue qu’elle est une canaille, une égoïste et que c’est à elle d’évoluer, vous lui posez une énigme ! La DPT se demande alors qui vous êtes, pour n’être pas tombé dans son « piège », car la dame est bien consciente de répandre sa petite terreur ! Elle n’est pas innocente, elle a fait courber le cou à des milliers comme vous ! Sa dictature, c’est son existence même, sa marque de fabrique, son travail quotidien ! Mais il est possible que votre indifférence la conduise à réfléchir et à changer d’attitude, car vous n’avez pas cédé à la peur !

    De toute façon, celui qui marche vers la Lumière est forcément confronté aux conventions, car il a une autre lecture de la société ! Il est donc aussi en proie aux doutes et s’interroge régulièrement sur sa santé mentale ! Pourtant, le Dom est bien une réalité et la Lumière doit avoir le courage de s’écarter du « troupeau » ! La foi, c’est l’avenir dans le sens où l’amour de Dieu est un mystère spirituel ! Ce n’est pas seulement la raison qui est en jeu et le champ d’action du Dom est d’abord une domination psychique ! C’est une pression apparemment invisible, que seul l’esprit perçoit ! C’est une affaire de sensibilité, de sentiments, et qui pourrait être vue comme subjective, mais qui n’en constitue pas moins la base de nos rapports, bien avant que des mots ou des gestes soient échangés !

    Nous dégageons tous une présence, qui est la somme de ce que nous pensons et de notre santé ! Nous faisons tous plus ou moins impression les uns sur les autres ! Nous nous influençons à distance et nous transmettons notre désir, et celui du Dom veut du pouvoir ou de la possession ! C’est par l’esprit que d’abord nous existons et que nous nous percevons, même si nos corps y contribuent évidemment !

    C’est une lutte constante, qui use sans le dire ! Mais la résistance qu’on oppose au Dom est pour lui une chose nouvelle ! Il est habitué à soumettre, à vaincre et voilà que la Lumière lui échappe, justement parce qu’elle n’a plus besoin de dominer ! Elle pose au Dom un problème quasi insoluble, car on n’est plus sur son champ de bataille ! La Lumière n’entretient pas un rapport de force, mais elle défend une vérité, un savoir, une espérance ! Elle essaie de déchirer l’espace de mensonges qui lui fait face, car elle est bien consciente que le Dom n’est pas une solution, qu’il est perdu lui-même et qu’il commet l’injustice, de sorte que le désespoir provoque la violence !

     

                                                           L'ATTAQUE DES DOMS!

     

                                                                      1

    Pendant ce temps-là, à Domopolis, la capitale des Doms, et dans la Tour du Pouvoir, on s’agite, on s’empresse, on bout intérieurement, car on se prépare à conquérir l’Univers ! Dominator, le chef des Doms, a réuni ses généraux, Dom 1, Dom 2 et Dom 3, pour revoir le plan d’attaque ! « Notre cible, dit Dominator, est la planète ED ! Elle est peuplée de gens violents, haineux, rancuniers, sournois et frustrés ! Bref, ce sont des gens malléables, qui ont à peine dépassé le stade animal ! Nous allons essayer sur eux notre nouveau rayon déstructurant Domination Perverse ! Nous allons semer l’effroi dans leur esprit, encore plus efficacement qu’avec une bombe atomique !

    _ Ah ! Ah ! fait D 1.

    _ Ils vont rien voir venir ! ajoute D 2.

    _ Ils sont cuits ! renchérit D 3.

    _ Est-ce que tout a été vérifié ? demande Dominator.

    _ Le canon a été bien positionné !

    _ La charge est en place !

    _ Les Doms autour sont fin prêts !

    _ Bien, bien, je ne vous cache pas que c’est un grand jour ! Depuis le Grand Effondrement, chacun d’entre nous a dû lutter pour survivre ! Notre empire s’est écroulé sans crier gare et nous sortons à peine la tête de l’eau ! Nous étions les maîtres du monde ! Notre nom était autant respecté que craint ! Nos vaisseaux de guerre passaient pour les meilleurs de la galaxie ! Les Doms alors contrôlaient de nombreuses planètes ! Et puis, du jour au lendemain, nous nous sommes retrouvés comme des va-nu-pieds ! Nos gouvernants avaient cédé à je ne sais quelle folie étrangère ! Ils ont laissé partir le pays à la ruine ! »

    A cet instant, on entend une voix dire : « Tir moins dix minutes ! » « Mais nous avons remonté la pente ! crie Dominator. Nous avons de nouveau stabilisé les choses ! Le pouvoir est revenu entre nos mains, plus fort que jamais !

    _ Et c’est grâce à vous ! dit D 1.

    _ Ah ! ça oui ! approuve D 2. Sans vous, on s’rait encore j’ sais pas où !  

    _ C’est bien simple : vous êtes notre sauveur ! rajoute D 3.

    _ Et je n’en suis pas peu fier ! Mais comme ce fut long ! Quand je pense à tous ceux qui m’ont fait obstacle, une rage sourde m’envahit encore ! J’ai dû me débarrasser de tous mes adversaires ! Ils m’ont contraint à couvrir mes mains de sang et je leur en veux pour ça ! Ils n’avaient qu’à m’aider à relever la grandeur des Doms ! Car tel est mon unique but : que la supériorité du Dom soit reconnue partout dans l’Univers ! 

    _ Tir moins cinq minutes !

    _ Où en étais-je ?

    _ A la grandeur des Doms !

    _ Oui, nous allons rebâtir notre empire ! Personne, vous entendez, personne ne pourra résister à nos nouvelles armes, uniques dans tout l’Univers ! Elles sont issues de notre longue tradition d’excellence dans ce domaine ! Nous savons comment répandre le poison du mensonge, comment rendre fou l’ennemi, en profitant de ses moindres failles ! Nous sommes les maîtres de la nuit !

    _ C’est pas comme nos routes ! Ah ! Ah ! Dans quel état elles sont ! Avant d’arriver ici, j’ai même crevé ! Regardez, j’ai encore les mains un peu sales !

    _ Dis-moi, D 2, tu aimes ton travail ?

    _ Ben...

    _ Tu aimes être avec nous, faire partie de l’élite, car nous nous sucrons ! Nous sommes des privilégiés, alors que le population, dont nous nous moquons éperdument, tire la langue !

    _ Ben oui, j’aime bien manger ! Il manquerait plus que je sois un privilégié triste !

    _ Alors, pourquoi j’ai l’impression que tu es un idiot ! Peux-tu me donner une seule raison, pour ne pas me débarrasser de toi ?

    _ Ben, j’aimerais pas ça !

    _ Gardes ! Saisissez-vous de D 2 et conduisez-le à l’Oubli !

    _ Non, non, je vous en supplie, Dominator ! Pensez à ma fille, votre filleule !

    _ Elle comprendra et me remerciera !

    _ Tir dans cinq secondes ! »

    On emmène D 2 et soudain un rayon, en partant, tonne vers la petite planète ED !

                                                                    2

    Les Eudistes sont les habitants d’ED et ils sont très étranges ! Ils se meuvent imbriqués les uns dans les autres ! De forme rectangulaire, ils se touchent et créent une couche comme un mur de briques, mais qui bouge ! Toute la planète est ainsi, de sorte qu’il est impossible pour une créature, qui ne serait pas un Eudiste, de s’y installer, ce dont les habitants sont fiers !

    On raconte que c’est leur amour pour l’ordre qui a peu à peu façonné les Eudistes, mais de temps en temps, le matin et le soir principalement, l’un des leurs ouvre sa boîte, ce qui lui sert d’enveloppe, et il se met à crier ! Quoi ? On ne comprend pas bien, mais cela ressemble à des injures ! Le phénomène est d’autant plus étonnant que tous les Eudistes autour font de même et on assiste à une cacophonie cinglante, abrutissante ! Puis, au bout de quelques minutes, le calme revient, les boîtes se referment, laissant les quelques rares spectateurs s’interroger sur cette sauvagerie !

    De quoi se nourrissent les Eudistes ? Mais de valeurs ! Oui, vous avez bien entendu, de valeurs ! Qu’est-ce que c’est ? Seuls les Eudistes le savent ! Sous leur boîte, il y a une ouverture qui permet de brouter la valeur, à condition qu’il la trouve, car l’Eudiste ne cesse de demander : « Où sont nos valeurs ? Rendez-nous nos valeurs ! » Certains pensent que la valeur est une sorte de fleur rouge, qui pousse sur les balcons, dans de petits villages, quand beaucoup sont à la messe et d’autres au bistrot ! Mais cette explication et des variantes ne témoignent sans doute que des représentations culturelles des étrangers et la définition des valeurs reste encore à trouver !

    Cependant, le rayon déstructurant Domination Perverse touche de plein fouet la planète ED ! Oh ! Ce n’est pas franchement visible ! L’atmosphère dissout le rayon, pour ainsi dire, et le transforme en une sorte d’aurore boréale, quoique sa charge pénètre bien les Eudistes et bientôt c’est le désordre et même la panique ! Des boîtes ont un mouvement circulaire ou bien prennenet la position verticale ! Il y a des heurts, des altercations, des prises de bec, des empoignades, avec un dénominateur commun : l’incompréhension !

    On entend des dialogues incroyables ! « Qu’est-ce que tu fais debout ? fait un Eudiste à un autre.

    _ Debout ? Mais je ne suis pas debout !

    _ Ah bon ? Mais t’as bien la tête en haut et les pieds en bas !

    _ C’est ta façon de voir ! Reste à savoir ce que tu cherches !

    _ Mais je ne cherche rien ! C’est la vérité, c’est tout !

    _ Mais la vérité est ce que tu veux qu’elle soit !

    _ Non, je vois juste que tu es debout…

    _ Mensonges !

    _ Réalité !

    _ Tu agresses nos valeurs !

    _ Pauvre débile !

    _ Répète un peu, pour voir ! »

    Les Eudistes ne savent plus où donner de la tête ! Ils sont perdus, plongés dans le doute ! Ils se tâtent, pour être sûrs d’être bien réels ! Certains s’arrachent les cheveux de rage ! D’autres pleurent, accablés par le désespoir ! On ne sait plus qui est qui ! On voudrait tant retrouver la sécurité d’autrefois ! On se regarde avec suspicion ! L’ami d’hier est devenu un étranger, voire un ennemi ! Puis, sous les yeux ébahis des Eudistes, la planète elle-même se met à tourner en sens inverse ! C’est un mouvement colossal, épouvantable, mais le soleil d’ED fait demi-tour, remonte le temps et on ne va plus vers le soir, mais on retourne au matin ! Ou alors le soir a toujours été dans la direction du matin, mais on ne le savait pas ! On se trompait !

    Un vent de folie traverse la fragile population et c’est à ce moment que paraît dans le ciel, tout autour de la planète, le visage glacial de Dominator ! « Je suis Dominator, dit-il, le chef des Doms ! Ce qui vous arrive est une tragédie, mais je suis là pour vous aider ! Acceptez-moi comme guide et je vous promets de vous rapporter toutes vos valeurs ! parce qu’elles sont aussi les miennes ! Nous avons un ennemi commun, qui cherche à vous nuire ! Je ne le nommerai pas ici, mais nous le connaissons tous, n’est-ce pas ? Combattons-le, sinon il nous détruira ! »

    Les Eudistes sont stupéfiés, tandis que des vaisseaux Doms les survolent maintenant ! Puis, le trafic des boîtes se rétablit et le soleil reprend sa course normale ! Les Eudistes, la mine encore sombre, retrouvent leur quotidien et acceptent la présence des Doms ! Mais ont-ils vraiment le choix ?

  • Les Doms (81-84)

    R46

     

     

     

                          "Pithiviers, chef!"

                             Mais où est passée la septième...

     

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    L’une des pires choses dont est capable le Dom, c’est de prendre Dieu pour un imbécile, de croire qu’il est au service de notre domination ! Le motif ? Mais essentiellement la peur du changement, face à un monde qui nous inquiète et dans lequel nous nous sentons perdus ! L’histoire de l’humanité est bien entendu une individualisation, car celle-ci nous vient déjà des animaux ! Plus une espèce apparaît tard sur l’échelle de l’évolution et plus son organisme est complexe et donc individualisé ! Cela se traduit notamment par une défense du territoire d’autant plus marquée que l’individu a de l’importance !

    La conscience de nous-mêmes a donc progressé avec le temps, les lois qui garantissent notre liberté ! C’est la civilisation et le chemin de la démocratie, dans laquelle chacun a idéalement les mêmes droits que tous ! Le but de l’homme, c’est l’homme ! Il s’agit que les individus et leurs différences soient toujours davantage respectés ! C’est donner à la vie toujours plus de prix et notez que le moteur de ce mouvement, c’est d’abord notre propre égoïsme ! C’est notre soif d’exister, de survivre, de nous développer et de nous épanouir ! C’est l’animal qui est en nous qui réclame sa part et qui chasse le dictateur, parce qu’il empêche le partage !

    Ainsi, il n’y a pas de meilleur régime que la démocratie libérale, qui s’installe peu à peu partout dans le monde… Mais cela ne se fait pas sans troubles, sans retour en arrière, car plus nous sommes nombreux et plus la différence s’exprime, jusqu’à nous faire peur et nous donner le désir de nous replier sur nous-mêmes ! Soyons francs, bien souvent les choses vont trop vite et le vertige nous prend ! A peine commençons-nous, par exemple, à respecter l’homosexualité que déjà il nous faut prendre position pour le mariage gay ou la PMA ! Il y a de quoi être déboussolé et c’est là que certains prennent Dieu pour un idiot, un juge, un redresseur de torts qu’il n’est pas !

    Comment cela se passe-t-il ? On comprend déjà mal la foi, que l’on a réduit à des règles, à un ensemble de valeurs ! On va donc se dresser contre la différence, pour protéger ses valeurs, comme si on se faisait le défenseur de Dieu ! Autant le dire tout de suite, Dieu n’a nul besoin du Dom, pour faire sentir sa présence ou mener le monde ! Mais on persévère dans l’erreur, en pensant qu’on manquerait à sa foi, si on ne s’en faisait pas l’ardent défenseur ! On se trompe complètement entre sa foi et sa domination ! On confond les deux et nous voilà hostiles, agressifs et même portés à la violence, voire au meurtre, au nom de Dieu, qui n’a pourtant qu’un seul message, celui de la confiance et de l’amour !

    Rappelons que nous ne pouvons avoir confiance si nous commandons, nous contrôlons et si le monde autour est le nôtre ! Nous pouvons dire que nous avons confiance justement quand les choses nous échappent (quand notre domination n’existe plus!) ! Celui qui croit dans le doute, le désarroi, alors qu’il est perdu ; celui qui s’efforce de garder sa foi, malgré les revers, le fait qu’il est rejeté, qu’il se sent seul et incompris ; celui-là, oui, peut dire qu’il a confiance et qu’il a la foi ! Celui-là aime Dieu véritablement et est aimé de lui ! Par contre, être en sécurité, garder le pouvoir, vivre dans l’aisance n’éprouvent aucunement la confiance ! Au contraire, la seule garantie que l’on se donne, c’est le respect des règles, des rites, des textes et il suffit alors que ceux-ci soient menacés, ce qui arrive forcément, pour que le « croyant » devienne une bête immonde, bavant de haine !

    Le manque de foi et de confiance conduit au repli sur soi, au rêve d’une société fermée à la différence, où règne l’ordre et pourquoi pas une dictature ! C’est le résultat d’un amour pour Dieu qui n’existe pas, qui est mal compris, qui ne se dissocie pas de l’égoïsme ! C’est bien entendu encore une fois le triomphe de l’hypocrisie, qui fait prendre des vessies pour des lanternes ! C’est par en dessous la domination qui se satisfait ! C’est prendre Dieu pour un jobard et lui faire la plus odieuse, la plus méchante des publicités ! C’est Dieu menaçant la différence et la diversité des peuples ! C’est Dieu contre la civilisation, le progrès, la tolérance, l’accueil, le respect, l’intelligence ! C’est Dieu barbare, prêt à torturer et assassiner !

    La force, la foi, la tranquillité sont indissociables ! Celui qui a confiance en Dieu s’approche inévitablement de sa paix et c’est notamment celle des nuages et d’un rythme qui nous dépasse ! La beauté devrait nous servir de marchepied vers Dieu, elle devrait témoigner de son infini, car la foi nous aide à ne plus avoir peur, et c’est bien la peur qui est à l’origine de notre rejet et de notre haine !

    Plus le croyant est mature et plus sa relation avec Dieu le devient aussi ! Finies les règles, que l’on est censé ne pas enfreindre, comme si Dieu était un proviseur de lycée ! Si nous-mêmes nous pouvons comprendre les Doms ou la différence, ô combien Dieu le peut également ! Dans ce cas, comment pourrait-il ne pas nous comprendre et nous aimer ! Sommes-nous plus intelligents et plus forts que lui ? Commençons par nous comprendre et nous pardonner ! La foi, c’est la paix !

     

                                                                                                              82

     

    Comment la Lumière ne pourrait-elle pas ressentir de la solitude, de la tristesse, du désarroi ? Comment pourrait-elle ne pas se sentir perdue, dans un monde qu’elle ne comprend pas du tout ? N’a-t-elle pas la sensation d’être blessée, après sa journée, alors qu’elle n’a cherché aucune noise, aucun ennemi ? D’où vient ce sentiment de vide, de lassitude, d’épuisement ? Où trouver de l’espoir ? La lumière a beau être courageuse, elle prend des coups au quotidien, sans savoir d’où ils viennent, et forcément, peu à peu, la dépression vient envahir la Lumière, la rendre malade, la miner par le doute !

    Pendant ce temps-là, le monde des Doms va bien, merci ! C’est peut-être faux, mais tout est là pour montrer le contraire ! Les mêmes gagnent, les mêmes rayonnent, les mêmes profitent de la vie ! La société fait valoir ses mirages et ça fonctionne ! Tout semble normal et avoir un sens ! On consomme et ça remplit nos vies ! La Lumière ne s’y retrouve pas et a même l’impression d’un monde hostile ! Ce n’est pas que Lumière soit jalouse, qu’elle envie la réussite des autres, mais tout de même, elle aussi, a quelque chose à dire ! Elle n’est pas transparente ! Elle n’est pas que du vent ! Et pourtant, elle a l’air de tailler des cailloux ! Son travail est dur comme de la pierre ! Où est la sécurité familiale ? Où sont partis les rêves ? Des amis vivent dans l’aisance, ont un nom, quand la Lumière se tient dans la mine, dans le noir, l’indifférence la plus complète ! Et pourtant elle donne le meilleur d’elle-même !

    Mais est-ce bien sûr ? Dans sa solitude, la Lumière en doute ! Peut-être ne donne-t-elle pas assez ? Dieu qui la voit n’est-il pas déçu ? Et hop, la Lumière se donne un tour de vis ! Elle en fera plus ! Elle aimera plus ! Elle étranglera son orgueil et son égoïsme ! Elle se fait du mal et se détruit, par amour pour Dieu, au nom de sa foi ! Voilà la Lumière bien aveugle et bien misérable ! C’est l’hiver pour la Lumière et ça peut durer des années !

    Dans cette pauvreté, la Lumière apprend cependant ! centimètre par centimètre ! Car sa domination n’existe plus ! Il faut ce dénuement pour apprendre, pour voir ! Et pourtant, pendant ce temps-là, la société chante toujours sa chanson ! Si la Lumière est malheureuse, c’est de sa faute ! C’est qu’elle est dépressive, qu’elle ne prend pas les bons médicaments, c’est qu’elle ne s’ouvre pas aux autres, qu’elle n’a pas assez de rapports sexuels, etc. ! Comme si la société elle-même avait le remède à à son propre mal, comme si elle savait vivre, comme si ses crises ne témoignaient pas justement du contraire ! Comme si la société n’était pas aveugle !

    C’est l’hiver pour la Lumière, car elle ne comprend toujours pas ! Elle peut errer ainsi longtemps ! Mais comment pourrait-elle être lucide, alors qu’elle s’accuse ? Comment pourrait-elle voir le mal, alors que la société lui dit que le mal n’existe pas, ou qu’il n’est pas universel ! que tout n’est que vue de l’esprit ! qu’une affaire de point de vue, que nous sommes les jouets de notre inconscient ! Comment la Lumière pourrait-elle voir les Doms, alors que nul ne les voit ? que nul n’en parle ? Comment la Lumière pourrait se rassurer par la foi, alors que le message religieux est rendu haïssable par la religion elle-même ! Comment pourrait-elle se rassurer, quand la science ne rejoint aucune de ses préoccupations ?

    A-t-elle d’autres choix que de douter d’elle-même, jusqu’à se mépriser, voire se détruire ! Tout acharnement de sa part, toute bonne volonté, toute persévérance finit pas se retourner contre elle ! Son propre amour pour Dieu devient une arme contre elle ! Et puis que dire des Doms ? Viennent-ils à un moment reconnaître leurs erreurs ? Se disent-ils désolés pour tout le mal qu’ils ont fait ou font ? Evoluent-ils ? Suffit-il de leur expliquer nos blessures, pour qu’ils se voient tels les fautifs, les bourreaux ? Mais que l’on considère la politique mondiale ou l’attitude des complotistes, et on verra que l’orgueil fera tout pour ne pas avouer, ou changer ! Il faut se résoudre à l’injustice et au mensonge ! Le Dom qui s’amende est un jour de gloire, même pour Dieu !

    Pourtant, la Lumière a bien une « revanche », c’est quand elle comprend que les Doms existent bien ! Il suffit pour cela à la Lumière de voir combien on peut la haïr ! Mais pourquoi, puisqu’elle ne méprise personne et qu’elle est apparemment de la plus parfaite tranquillité ? Mais c’est justement cette paix qu’on lui reproche ! Bien des Doms considèrent comme parfaitement normal qu’on les regarde et qu’on leur marque du respect, comme s’ils étaient intéressants et qu’ils avaient quelque chose qu’on veuille apprendre ! Dans leur « système », effectivement, ces Doms ont de l’importance, soit parce qu’ils sont riches, soit parce qu’ils sont beaux ! Leur monde repose sur la hiérarchie, la supériorité, le pouvoir et quand ils voient la Lumière, ils ne peuvent s’empêcher de la situer dans « l’élite », tant elle rayonne et semble forte ! Ils s’attendent donc à être reconnus par elle, puisque eux-mêmes se sentent tels des gens qui comptent !

    Quelle n’est pas leur surprise quand la Lumière les ignore totalement ! Leur ressentiment, leur haine sont alors au maximum ! Ils voudraient déchirer la Lumière ! Mais que disent-ils au final ? Mais que leur vie n’est qu’une domination, que c’est la soumission des autres qui est leur équilibre ! On comprend alors combien les Doms déchirent la société, car il leur faut chaque jour parader, mépriser, écraser ! Comment notre quotidien pourrait être supportable dans ces conditions ? Force est de constater que nous sommes en permanence dans le mensonge (ou l’ignorance) ! C’est la domination qui tient le monde et c’est la Lumière qui le démontre !

     

                                                                                                             83

     

    Non seulement le Dom ne fait pas d’efforts pour guérir de sa peur, mais il veut en plus que ce soit d’autres qui le protègent, ce qui lui permettrait de jouir de son égoïsme en toute impunité ! Le Dom est prêt à se donner à un homme fort, pour le gouverner ! un homme à poigne, un dominant, qui n’hésite pas à parler vulgairement et à se montrer violent dans ses propos, puisque ça témoigne de sa virilité ! Le Dom est capable d’excuser beaucoup de choses, comme la corruption, si son gouvernant lui assure la sécurité, la grandeur, ce qu’il croit être de la dignité !

    L’égoïsme prend alors l’aspect de la morale, des valeurs traditionnelles ! On rejette la différence, les étrangers pour soi-disant préserver une vérité, un ordre établi par Dieu lui-même ! On est tellement peureux que le gouvernant peut assassiner, déclarer la guerre ou imposer sa dictature, du moment qu’il nous sert de parapluie ou qu’il fait retentir notre nom ! Le Dom se rend complice de toutes les injustices possibles, dans sa soif de confort et de reconnaissance !

    Autant le dire tout de suite, le Dom est lâche et ça ne saurait être une surprise ! Tout se passe comme si le Dom devait s’adonner à ses plaisirs, sur cette planète perdue dans l’espace ! On doit pouvoir s’acheter une belle auto ou une grosse moto, pour faire joujou ou parader ! On doit pouvoir s’acheter une belle montre ou le dernier smartphone ou les baskets à la mode ! On vit comme sous une cloche !

    On est donc très surpris par la violence ! C’est comme si elle déchirait le voile ! D’où vient-elle ? On ne fait aucun lien entre cette violence et notre égoïsme, puisque celui-ci apparemment n’existe pas ! On réclame alors la police, on lui demande de nous protéger et on la critique, quand la violence reprend ! Nous voulons notre petit monde et nos amusements ! Le reste ne nous intéresse pas ou seulement de loin en loin !

    Nous voulons continuer à rêver sans nous examiner ! Par exemple, nous polluons encore, bien que le climat se réchauffe ! Nous voulons garder notre enfantillage ! Nous voulons des gouvernements maîtres d’école ! quitte à être manipulés ! Nous nous confions à des imbéciles pleurards, comme Trump ! Nous adorons nous sentir des victimes ! Nous nous aimons tellement que nous trouvons justes nos colères et nos haines ! Nous sommes toujours prêts à nous dresser sur nos ergots, fiers de nos droits ! Et nous sommes épouvantés quand la violence ou la guerre viennent déchirer notre petit monde !

    Qui marche vers la spiritualité ? Qui fait un pas vers l’inconnu ? Qui accepte de faire confiance à Dieu, en renonçant ? Nous ne voulons pas voir la nuance, la complexité ! Nous avons horreur de la vérité et de la difficulté ! Qui reconnaît l’autre ? Qui ne le prend pas comme un ennemi ? Qui l’aime ? Qui voit la Lumière en lui, même si elle y est éteinte, emmurée ?

    Nous sommes fous de croire que ce sont nos bulles qui peuvent s’imposer et non la réalité ! Nous sommes fous de croire que le monde doit être à nos ordres, sous notre contrôle ! Acceptons plutôt d’être remplis par lui ! Cela demande que notre propre bulle de domination soit détruite ! C’est la « première mort » dont parle l’Evangile ! Qu’il est doux de savoir renoncer ! Rien n’est plus épuisant que de galoper sur le cheval de l’orgueil ! Rien n’est plus destructeur que d’être le jouet de sa haine ! Heureux celui qui regarde son ego, comme un chien bien dressé ! La paix lui est acquis ! Heureux celui qui voit l’ego des autres et comme ils sont menés par lui ! Celui-là voit son travail et sa richesse ! Celui-là peut être un médecin pour les autres, peut les apaiser ! L’ego nous rend esclave et nous fait suer à la tâche ! Heureux celui qui a vu son ego partir au fil de l’eau ! Celui-là est né une seconde fois, dans la Lumière ! Il a déposé son fardeau ! Il a l’amour de Dieu en lui : que peut-il lui arriver ?

    Évidemment, pour « vaincre » son ego, abandonner sa domination, seul l’amour de la foi le permet ! Cela demande la confiance, car l’ego regimbe, se révolte, veut sa part lui aussi, même au nom du bien ! On peut se montrer autoritaire, agressif et écraser, quand on est persuadé de connaître la vérité ! On peut faire du mal à cause d’elle et même cela doit disparaître ! C’est un abandon en Dieu, doux et patient ! C’est un amour qui se développe et qui scelle la confiance ! La domination, qui diminue et qui meurt, devient le symbole de cette union secrète à Dieu ! Il peut y avoir des douleurs, mais c’est souvent notre impatience qui en est la cause ! Nos blessures sont produites par la volonté de bien faire, elles sont encore le fruit de nos inquiétudes ! Il y a-t-il un bien plus précieux que la paix, qui permet d’être disponible ? Qui donne de l’espoir ? Celui qui est plein de haine et populiste ? Celui qui dit que tout est simple et qui voit l’autre comme un ennemi ? Le Dom veut à toute force croire au père Noël et c’est pourquoi il se crée une bulle ! La réalité, elle, est infiniment plus puissante, d’où sa violence !

     

                                                                                                          84

     

    La paix doit être intérieure ! Elle ne doit pas dépendre des conditions extérieures (ou si peu) ! Le Dom lie sa paix ou son bonheur à la réussite de sa domination ! Il n’a jamais confiance ! Il est plein de projets et quand ceux-ci sont contrariés, il devient agressif, haineux ! Ce n’est pas de la paix ! Le Dom a besoin que le monde tourne autour de lui et qu’il le contrôle ! Ainsi le monde doit être le miroir de sa domination ! Dans le pire des cas, le Dom fait la guerre : c’est là le moyen pour lui de croire que le monde effectivement lui appartient ! Combien ne meurent pas pour cette folie !

    La Lumière a confiance en la Lumière ! Elle n’a pas besoin de contrôler ou de dominer le monde ! Sa paix n’est pas dans le regard ou la soumission de l’autre ! La Lumière ne se nourrit pas de la satisfaction de son ego ! Elle se nourrit de la sagesse qui se développe en elle et de ce qu’elle voit du monde, comme une plante se nourrit de sa sève et du soleil ! La Lumière est inébranlable ou presque ! Elle ne cherche pas une proie ou un marche-pied ! Elle a confiance, c’est là sa force et son secret !

    Comment en est-elle arrivée là ? Mais par amour, en se livrant ! Sa force est sa patience ! Elle s’est débarrassé de sa domination, car il « faut mourir pour renaître » ! Elle voit le Dom enrager, parce qu’il ne trouve pas sa nourriture et que son amour-propre se sent lésé, ou bien parce qu’il pleut ! La Lumière est le rocher, calme, tranquille ! Que peut-elle craindre ? Le Dom enrage et devient méchant ! Il se réjouit du malheur des autres ! C’est pour lui une triste satisfaction, mais il la prend ! Le monde du Dom est sans pitié, où le plus fort écrase le plus faible !

    Que dire de la tristesse ? Elle accompagne la Lumière, car le monde du Dom est chaos ! La Lumière voit tristement son ego frustré, incompris, sans amour ! Mais n’est-ce pas l’enveloppe du Dom qui pleure ? N’est-ce pas le bébé, qui est en nous, qui ne veut pas grandir ? N’avons-nous pas peur ? Où est la sécurité de la maison ? Où sont les beaux jours ? N’imagine-t-on pas un bonheur idéal, que nous n’avons jamais connu, mais que nous désirons ? Qui parmi les Doms nous écoute ? Ne sommes-nous pas des naufragés, avec nos blessures ? Et comment la situation ne serait-elle pas difficile, alors le Dom en prend autant, si à son aise ? Il peut tuer ! Il s’en donne le droit !

    Existe-t-il de plus grand bonheur que la puissance de Dieu, son existence ? N’est-ce pas la Lumière l’objet de notre amour ? La voilà qui revient et nous sommes ses ardents amants, car elle est juste, infinie ! Où sont nos peines d’hier, devant cette eau vive ? Nous rigolons du Dom ou nous le plaignons ! Mais nous sommes les amants heureux ! La tristesse nous paraît subitement languide, une impasse, une contemplation de soi ! Elle n’est pas mauvaise, mais la force est bien plus belle ! Et voilà que la Lumière nous paraît comme un torrent ! Le Dom a sa part, mais la Lumière en a une autre, inaltérable, enchanteresse, apaisante, quand le Dom est de nouveau dans ses tribulations !

    La Lumière ne comprend pas le désespoir du Dom ! Il a à manger et un toit et pour lui tout s’écroule ! Il se méfie, car il est toujours inquiet ! Il épargne, car il peut lui arriver un coup dur ! Mais son tourment, ce n’est pas l’économie, la guerre, les impôts, la politique ! Son fardeau, c’est son ego, sa domination ! La Lumière, qui est libérée de sa domination, ne comprend plus le Dom ! Elle est tranquille, calme, reposée, confiante, même si elle aussi évidemment est tributaire des événements ! La Lumière peut être malade, elle n’est pas de bois ! Mais au fond elle ne se déchaîne pas, elle n’accuse pas, elle ne rugit pas, elle ne frappe pas ! Elle demeure en paix ! Elle ne s’essuie pas les pieds sur les autres !

    Mais revenons à cette enveloppe du Dom, à cette bulle de domination ! Nous avons dit que le Dom, quand il est menacé, par exemple quand on lui montre une réalité différente, se réfugie dans cette bulle, de toutes ses forces, qu’il y combat becs et ongles et que sa haine et sa colère sont tellement vives qu’il ne voit plus les autres comme des individus ! Il peut alors être sans pitié, rappelons-le, mais d’où vient un tel aveuglement, sinon du règne animal ? Ne s’apparente-t-il pas à une sorte de réflexe, puisque la raison n’existe plus, ni même notre condition humaine ? Seule compte alors la volonté de détruire, pour écarter le danger !

    On comprend que, dans ces conditions, il soit extrêmement difficile de se séparer de sa domination, de sa bulle et qu’on parle d’une première mort pour renaître ! On saisit encore que seule la force de l’amour pourra nous conduire et nous faire réussir ! Les arguments, la philosophie, la seule raison ne permettent pas un tel abandon, un tel renoncement ! Mais il vaut le coup ! Qui n’a pas été effrayé par sa haine, qui n’en a pas eu honte, en voyant comment elle blesse ? Qui voit le Dom ne veut plus en être un!

  • Les Doms (76-80)

    R45

     

     

              "T'as vu, François? La poste à l''américaine!"

                                              Jour de fête

     

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    Le Dom s’ignore… Prenons le Dom psy par exemple ! A priori, qu’il y ait des psys est une bonne chose ! De savoir que des gens peuvent écouter nos problèmes est plutôt rassurant ! Cependant, vous faites face à un Dom psy ! Qu’est-ce qui fait que le Dom psy s’ignore ? Mais sa domination n’est nullement contestée ! Au contraire, elle est renforcée par l’attitude soumise du patient, qui lui souffre, est rongé par l’inquiétude et qui attend du psy des réponses ! Le pouvoir du psy est alors évident, ce qui lui permet de prendre un ton compatissant, affable, voire joviale ! Le patient nourrit, rassasie sa domination, ce qui le rend aimable, à l’écoute, d’autant qu’il est payé pour ça !

    Bien sûr, certains psys nient ce pouvoir ! Ils se montrent comme des compagnons de lutte du patient ! Ils sont eux aussi passés par le même cercle de feu ! Comme un exorciste, ils ressortiront eux aussi épuisés de l’épreuve ! Ils auront perdu du poids ! Ils seront en sueur, au moment où le patient « crachera » son traumatisme et en sera libéré ! Ils garderont leur sang-froid, au moment du transfert ! Ils se voudront encore rassurant, quand le patient baisera leur main de reconnaissance ! « Allez en paix, mon fils ! seront-ils capables de dire. Je n’ai fait que mon devoir ! »

    Autant le dire tout net, tout cela est du pipeau ! du grand pipeau, comme l’analyse ou la psychothérapie que le psy aura lui-même suivi ! Croit-on vraiment qu’on se sépare de son orgueil ou de son égoïsme par la simple volonté, en s’offrant à un autre psy ? S’il y a bien une chose dont la seule raison est incapable de nous arracher, c’est bien notre domination ! Pour cela, il faut tout l’amour de la foi ! C’est toute sa force, c’est tout notre don qui permet de voir son ego partir au fil de l’eau ! Raconter sa vie, même des événements pénibles, est une promenade à côté ! Mais le Dom psy vit dans son petit monde, celui essentiellement de son cabinet, là où il est le maître, le chef ! Sa domination est donc intacte, même s’il croit l’inverse, à moins de tomber sur un saint égaré, qui frôle l’alcoolisme !

    Le Dom psy rêve et dans son ignorance, il peut dire n’importe quoi ! Il peut développer n’importe quelle théorie ! Sur son nuage, il croit en sa science ! Il se targue d’être profond, insondable ! Et cela marche avec des patients doms, qui ma foi demandent surtout qu’on les écoute, ce qui les rassure, et qui au fond sont contents de parler d’eux ! Peut-on comparer le Dom psy à une prostituée, puisqu’on le paye en échange d’un peu d’amour ? Levée de boucliers, bien entendu ! Ces dames et messieurs sont tellement dignes ! Somme toute, ils font partie de l’élite ! Ce sont les observateurs amusés de leur époque, les sphinx sûrs de leur savoir ! Pourtant, à lire leurs livres, on les voit jouer aux billes, dans la cour de l’école, ou s’arracher les cheveux, avec des mines de garces !

    Comment pouvons-nous être aussi affirmatif ? Mais la Lumière entre dans le cabinet et que voit-elle ? Mais le Dom psy réagit comme un Dom face à la lumière, c’est-à-dire qu’il la hait… et rêve déjà de la détruire ! La Lumière, nous le savons, est indifférente à la domination, mais cela ne veut pas dire qu’elle n’a pas peur en ce monde et qu’elle ne recherche pas du réconfort ! Cependant, le Dom psy a plusieurs sortes de réaction ! Il peut cacher complètement sa haine, son regard toutefois étant devenu soudain glacial ! Il va blesser la Lumière, ce n’est plus qu’une question de minutes ! La Lumière, elle, se demande comment elle va pouvoir sortir de ce traquenard ! Elle aurait mieux fait d’acheter Pif !

    En coulisses, dans la tête du Dom psy, que ce soit un homme ou une femme, on aiguise les couteaux ! On rêve de « planter » la Lumière, de l’entendre gueuler pendant qu’elle se vide de ses tripes, puis de lui cracher dessus, avant de la jeter aux ordures ! Pensez ! Une domination ouatée, méprisante, snob, qui enlève la poussière de sa manche d’un air dédaigneux ! C’est une domination sous cloche, qui peut-être joue au golf, vu que c’est tendance ! Parfois, elle est tellement suffisante qu’elle ne reconnaît pas tout de suite la Lumière ! Il faut que celle-ci se montre un peu familière, qu’elle se mette au même niveau que le Dom psy, puisque ce sont tout de même deux êtres humains, et alors soudain le Dom psy hurle ! Il a vu une araignée et il veut l’écraser à coups de talons, le front en sueur ! La Lumière n’est pas digne de lacer les chaussures du Dom psy !

    Le Dom psy s’ignore et il pourra se venger de la Lumière bien des années après ! Il lui gardera un chien de sa chienne, comme on dit ! C’est qu’une domination offensée n’oublie pas ! Et ça croit être passé par l’épreuve du feu, et ça croit s’être dépossédé, d’avoir connu l’inconfort, la pauvreté ? le chemin pierreux et désert de la foi ? les larmes de l’amour ? La Lumière comprend, il ne lui viendrait jamais à l’idée de se venger ! Dieu n’est pas une boîte à chaussures !

    Mais ainsi va le Dom psy, sur son tapis volant, avec ses théories !

                                                                                                       77

    La famille Dom n’aime pas la Lumière ! Elle en rit même ! C’est que la famille Dom ne connaît pas la peur ! Le monde extérieur n’existe pas pour la famille Dom ! Elle est blottie en elle ! Elle se serre les coudes, elle forme un clan ! Elle a sa propre domination, ses propres règles ! Elle a une enveloppe et c’est sa domination ! Voilà pourquoi la famille Dom ne connaît pas la peur et se rit de la Lumière, car celle-ci représente l’extérieur et la peur ! Hors de la famille Dom, forcément on affronte la peur ! On n’a plus d’enveloppe, ni de protection, on est un étranger parmi les étrangers !

    La famille Dom trouve la Lumière ridicule, car elle-même ne connaît pas la peur et se croit courageuse, alors qu’elle ne quitte pas son monde, ses règles, sa domination ! La famille Dom se berce d’une illusion, sous le couvert que chacun y aime l’autre ! Et pourtant, la famille Dom n’aime pas la Lumière, qui lui fait peur ! La Lumière pour la famille Dom est synonyme de peur ! C’est le monde extérieur qui entre dans la famille Dom ! qui se croit sacrée ! qui vit dans sa petite enveloppe ! au chaud ! avec ses règles, sa domination !

    La Lumière est l’étranger pour la famille Dom ! C’est le danger, l’élément nocif, l’ennemi qu’il faut détruire, écraser ! Pourtant, la famille Dom est invitée à grandir, elle aussi dans l’amour de Dieu ! Elle doit quitter sa domination ! s’ouvrir, perdre son statut de clan ! Mais la famille Dom se serre sur elle-même, comme une fleur qui ne veut pas s’ouvrir ! par peur ! La Lumière l’invite à la fête ! Mais la famille Dom se replie sur elle-même ! s’intoxique, désigne l’ennemi et lui fait la guerre ! La famille Dom combat la Lumière et se perd ! Elle n’est plus qu’une famille morte, faite de morts qui rient, avec des rires de morts ! La famille Dom est la nuit et ne s’en rend pas compte !

    La famille Dom chasse la Lumière, car elle veut continuer à dominer ! La Lumière est pourtant la paix et ainsi la famille Dom ne connaît pas la paix ! La famille Dom voit la Lumière comme une calamité, une punition divine ! C’est que la famille Dom s’enchante de sa réussite ! de son aura, de son pouvoir, de sa situation financière, de sa bonne santé, de ses vacances, de la beauté de ses enfants, de leur intelligence ! La famille Dom se doit d’être irréprochable ! Elle parade, s’admire, juge, rejette, admet, sous la condition qu’on la voit comme supérieure ! La famille, c’est le clan, le fief !

    La Lumière est laissée dehors ! Elle doit se débrouiller ! Incertaine, fragile, elle croise les loups et dort dans le froid ! La solitude commence ! La peur aussi ! La peur presse la Lumière comme un citron, maintenant que celle-ci est sans enveloppe, sans protection ! Celui qui sert la Lumière, qui l’aime, affronte le vaste monde, chassé par la famille Dom ! La Lumière pleure ! Elle a le vertige, la nausée ! Le doute la détruit ! Et si la famille Dom avait raison ? Et si le groupe avait raison ! Et si la Lumière était folle, égoïste, orgueilleuse ? Et si la Lumière devait supplier la famille Dom de la reprendre ?

    L’errance de la Lumière est sans fin, sa solitude aussi, sa peur aussi ! Mais elle s’accroche ! La Lumière ne lâche pas ! La Lumière aime la Lumière, elle aime Dieu, la vérité ! Elle s’accroche ! Elle se relève de sa solitude ! Elle a traversé tous les anneaux de feu et chacun était nécessaire ! La Lumière se retrouve ! Elle voit sa paix ! La peur est là à ses pieds, comme un chien soumis ! La Lumière n’a plus besoin de la famille Dom ! Elle n’en veut plus ! La famille Dom est toujours pareille ! A-t-elle guéri sa peur, est-elle en paix ? Elle est toujours la forteresse, maintenant rongée par le lierre ! La mort est parmi elle et des oiseaux noirs croassent au-dessus d’elle ! Elle tombe en ruine ! Qui s’en souviendra ?

    La Lumière donne ses fruits ! Elle fait rouler ses soleils ! Elle est la vie ! Elle est la source, le chemin ! Régale-toi, voyageur ! La Lumière est passée par là ! Elle a ouvert les yeux sur le monde ! Elle a quitté la famille Dom, au nom de son amour ! Prends ses diamants, voyageur, ils sont vrais ! La Lumière a affronté sa peur, pas la famille Dom ! Elle a fermé sa porte, mais elle ne s’est pas transformée !

    Heureux celui qui est chassé par la famille Dom ! Heureux celui qui est seul, à cause de la Lumière ! Heureux celui qui marche au nom de la Lumière ! Heureux celui qui veut voir et ne pas dominer ! Heureux celui qui ne veut pas réussir, mais être pauvre dans la Lumière ! Heureux celui qui se réfugie dans la Lumière, qui se confie à elle, qui s’en remet à elle ! Heureux celui qui quitte la forteresse de la famille Dom ! Elle est vide à l’intérieur !

    La famille Dom se réjouit ! Elle est au chaud ! Elle aime son confort, sa réussite, mais l’envie lui tord le visage ! Le poison de la haine coule dans ses veines ! L’orage gronde sur la maison de la famille Dom ! Heureux celui qui chante Dieu ! Il danse comme les feuilles !

                                                                                                      78

    Revenons à la peur ! Le Dom et sa famille ne la connaissent pas vraiment ! Pourquoi ? Mais parce qu’ils sont dans la bulle de leur domination ! Ainsi, ils ne voient pas le mal qu’ils font et croient leur haine légitime ! La Lumière est connaissance, elle demande la perte de la bulle Dom ! Tant que le Dom est là, il ne voit pas l’autre comme un être à part, comme lui ! Il le voit soumis ou non à sa domination ! Si l’autre est soumis, il fait partie de la famille, du groupe ! S’il s’oppose, il est un ennemi, un traître, un étranger, une menace ! Dans les deux cas, le Dom reste dans sa bulle et l’autre n’a pas sa totale réalité !

    La Lumière mue ! Elle perd sa peau de Dom ! C’est très inquiétant pour elle, car elle se sépare du groupe ! Elle ne peut pas faire autrement ! La domination, la haine, l’injustice du Dom l’écœurent, la font fuir ! La Lumière recherche la vérité et là voilà dans l’inconnu ! Cette séparation d’avec les Doms est forcément très perturbante et même très douloureuse, car c’est souvent quitter la famille, sa sécurité et son confort !

    Le Dom, quand on le quitte, hait forcément, essaie de détruire ! Car on échappe à sa domination, à ce qui le nourrit et fait son monde ! La révolte du Dom peut-être atroce ou féroce, démesurée ! On le voit avec Poutine, qui voit l’Ukraine lui échapper ! Le Dom ne supporte pas l’échec ! Il prend le choix de la Lumière comme une injure personnelle ! Il fera tout pour la blesser, au lieu de se remettre en question et de comprendre ! Voilà pourquoi le Dom est étranger à la vérité et n’est pas l’avenir !

    Mais la Lumière est nue, dehors ! Comment pourrait-elle ne pas avoir peur, d’autant qu’elle ouvre les yeux sur les Doms et les voit donc de plus en plus nombreux ! Comment pourrait-elle ne pas avoir le vertige, devant la naïveté et l’aveuglement des Doms ? Ceux-ci continuent de crier, de haïr, d’accuser le gouvernement ! La Lumière voit la tragédie du Dom, comment sa domination est sa prison ! Le Dom ramène tout à lui et s’use, reste malheureux, refait toujours les mêmes erreurs, ne se libère pas, mais la Lumière ne peut pas lui expliquer les choses, justement parce que le Dom est sourd à ce qui n’est pas sa domination ! Toute explication, pour l’aider, serait pris comme une diminution de sa personne !

    Face à l’incompréhension et à un monde qui n’est pas le sien, la Lumière se trouve pauvre et désemparée ! Elle se demande qui elle est et peut s’affoler de son étrangeté ! Sa fragilité fait que toutes ses blessures se ravivent, en la déboussolant encore plus ! La tristesse l’envahit… Sans doute n’est-elle pas à la hauteur de la tâche ? Un long chemin qui paraît dans la nuit commence ! Pendant ce temps-là, le Dom triomphe ou continue son cirque ! Il écrase encore et encore le Dom, son semblable ! Combien ne travaillent toujours pas dans des conditions misérables, affreuses, sans respect pour eux ? Mais le Dom ne s’en rend pas compte ! Il piétine, parce qu’il est piétiné !

    La peur ? La Lumière la connaît par cœur ! Il n’y a pas de vérité, sans connaître la peur ! Car on on peut pas guérir de la peur sans vérité ! Le Dom reste dans sa bulle et demeure donc aveugle ! La Lumière recueille la vérité, car elle ne se ment pas sur sa peur ! Elle voit que la vérité guérit sa peur et qu’elle est donc la vérité ! Il n’y a pas de meilleur test ! Tout faux remède n’y résiste pas ! La Lumière accueille la vérité, parce qu’elle est pauvre ! La domination empêche la vérité ! C’est une bulle contre l’extérieur ! La peur fait humble la Lumière, la rend docile, à l’écoute ! Mais le quotidien de la Lumière peut paraître absurde, tant les Doms ne changent pas et semblent avoir raison !

    Puis, un jour, la Lumière marche sereine parmi les Doms ! Elle les connaît sur le bout des doigts et ils redoublent de haine à son endroit ! Ce n’est pas une surprise pour la Lumière ! Cela ne fait que confirmer que les Doms n’ont pour seul équilibre que leur domination ! que leur paix est factice, qu’ils n’ont pas de solutions, à part haïr ceux qui leur échappent ! La mue de la Lumière a bien eu lieu ! Sa maturation est certaine et inaltérable, car la Lumière n’a plus besoin de dominer ! Sa réussite et sa force sont ailleurs ! C’est Dieu qu’elle voit par ses yeux ! C’est son regard qu’elle possède ! C’est sa paix qui l’accompagne, au milieu des coups de dents et des grimaces !

    Et comme la peur paraît loin ! La Lumière, de l’avoir vaincue, dressée, en est purifiée ! Elle en est grandie ! Rien n’est caché en la Lumière ! Tout est dissimulé chez le Dom, même son envie, même sa haine ! Si elle transperce, c’est malgré le Dom ! Et la Lumière passe, comme si elle venait d’ailleurs, d’une contrée lointaine et légendaire, sous les yeux stupéfaits des Doms, qui n’ont pourtant qu’à puiser en eux-mêmes ! qui sont aussi la source, s’ils le veulent ! Car chacun peut accueillir la Lumière, la demander, la chercher ! Mais encore faut-il que le Dom s’interroge, qu’il arrête de haïr, qu’il devienne humble et pauvre, aimant ! La Lumière le remplira !

                                                                                                       79

    Plus la Lumière est en vous et plus le Dom craint votre regard ! La Lumière qui est en vous sort de vos yeux : c’est toute votre façon de voir le monde qui a évolué avec la Lumière ! C’est tout ce que vous êtes qui est constitué par la Lumière ! Or, la Lumière est vérité, elle n’a rien à cacher ! Ce que vous êtes a été éprouvé ! Vos tristesses, vous ne les avez pas fuies ! Votre mal-être, vous ne l’avez pas enfoui, au profit de votre domination ! Vous vous êtes offert à la Lumière, c’est-à-dire à la réalité ! Nulle domination ne vous a servi pour étouffer un problème ou un obstacle ! Toutes les récriminations des Doms, toutes leurs questions, tous leurs arguments, vous les avez examinés, car vous avez été pauvres, sans amour-propre, sans rang social, sans triomphe !

    C’est la soif de l’ego, sa soif de vaincre et de s’imposer, qui maintient le Dom dans sa bulle et le fait ignorer ou rejeter la Lumière ! C’est la domination, la peur de perdre, qui font que le Dom ne s’offre pas à la Lumière, ce qui fait que sa peur et ses ambitions demeurent obscures ! C’est cette partie, demeurant dans la nuit du Dom, qui craint la Lumière de votre regard et qui tressaille à ce contact ! Le Dom cherche à éviter la Lumière, car il a l’impression d’être sondée par elle ! Il ne peut pas s’empêcher de se fermer et ainsi il reconnaît malgré lui le pouvoir de la Lumière et même son existence !

    Mais le Dom n’a rien à craindre de la Lumière, puisqu’elle ne veut pas dominer ! Elle ne cherche pas à supplanter le Dom ! La Lumière est justement la Lumière, car elle ne veut pas dominer ! En cela, elle est pure ! Elle n’est faite que d’amour, même si le « porteur » de Lumière reste un être humain sensible et capable de se défendre ! Le Dom n’a donc rien à craindre de la Lumière et pourtant il ne peut s’empêcher de se garder d’elle, de se défendre contre elle ! C’est plus fort que le Dom ! C’est sa « nuit », ce qui est caché en lui, ce qu’il ne traite pas en lui, ce qu’il refoule qui se cache de la Lumière !

    Nous l’avons déjà dit, il existe pour le Dom des centaines de techniques, qui lui permettent de se défendre contre la Lumière ! Des Doms ont des techniques d’évitement, de leurres, qui leur sont habituelles, qu’ils utilisent chaque jour, qui font partie d’eux-mêmes, au point qu’ils ne s’en rendent plus compte ! Comment pourraient-ils vivre en paix, s’ils sont toujours sur le qui-vive, prêts à faire fonctionner ce que l’on peut considérer comme des armes ! Pourquoi ne cherchent-ils pas plutôt la vérité, quelque chose de sûr, qui les guérirait absolument de leurs peurs ? Pourquoi se contentent-ils de cette position instable, entre la nuit et la Lumière ?

    Il existe encore chez le Dom le fameux masque de cire, impassible, dur comme la pierre, qui semble proclamer que la Lumière n’existe pas, puisqu’elle est sans effets, le masque d’impassibilité en témoignant ! Là encore, que d’efforts pour lutter contre la Lumière, pour nier son existence ! Ce masque finit par se graver sur le visage et le Dom ressemble alors à un mort figé dans la colère, le déni, le dégoût ! Le Dom vieillit vite, pas la Lumière ! Ce masque est un mur, qui amuse souvent la Lumière ! Car au fond personne n’est dupe ! Le Dom est bien en guerre et ne connaît pas la paix ! Le Dom, au masque de fer, est bien malheureux !

    Pourquoi ne se tourne-t-il pas vers la Lumière ? Ah ! Mais c’est que le Dom a pris des coups et maintenant, il veut montrer qu’il sait aussi en donner ! On ne l’aura pas deux fois ! Il tient à faire valoir son importance, c’est aussi un caïd ! Très bien ! C’est un grand garçon, un homme que dis-je ! Et alors ? Est-il heureux ? Pourquoi ne pas déposer là le fardeau de son ego et aimer la Lumière, qui rend léger ? Parce que le Dom est dur ! La Lumière semble lui demander d’être mou, de se « coucher », de s’abaisser et il n’en est pas question ! Pourtant que voit-il ? La Lumière paraît-elle sans force, perdue, sans rayonnement ? Non, la Lumière lui paraît au contraire supérieure, libre, heureuse ! Alors, pourquoi ne pas se tourner vers elle ? Par peur ?

    La femme Dom semble d’abord moins hostile à la Lumière, car elle veut d’abord séduire, alors que l’homme Dom veut d’abord montrer sa force ! La femme attire et promet du plaisir ! de l’amour ! loin de la guerre apparemment et de l’égoïsme ! Mais c’est pour elle-même que la femme Dom attire, non pour aimer la Lumière ! C’est pour avoir le pouvoir sur l’homme que la femme séduit ! C’est pour que l’homme chante sa gloire et lui soit soumis ! C’est pour que son ego soit le centre d’intérêt de l’homme ! Ainsi la femme fait valoir ses ambitions, à travers l’homme, qui devient l’outil de son ego ! Ce n’est pas le chemin de la Lumière ! qui ne cherche pas de maître, qui ne veut pas se dissoudre, qui ne veut pas flatter, moyennent du plaisir, qui veut voir tous les autres, qui ne fait partie d’aucun clan !

    La femme qui suit la Lumière ne veut pas sa propre gloire ! Elle ne veut pas séduire pour asservir, pour dompter et commander ! La femme qui aime la Lumière sert la Lumière, lui donne toute sa force par sa bonté et sa charité ! C’est la douceur féminine, son don, sa passion qui servent la Lumière, par amour pour elle ! La femme qui aime la Lumière ne cherche plus à exercer son pouvoir de séduction, elle n’en mesure plus son ego ! La femme qui aime la Lumière rayonne et séduit et attire de toute façon, tant le pouvoir de la Lumière est grand ! Mais ce n’est plus une séduction dirigée vers l’ego !

                                                                                                     80

    C’est le Dom qui fait de la vie un désert ! Le Dom est comme un voleur au coin d’un bois ! A peine voit-il un passant qu’il essaye sur lui l’effet de sa force ou de sa séduction ! C’est une manière de prendre et non de donner ! C’est une manière d’assécher les autres ! La Lumière, n’ayant pas besoin de dominer, ne prend pas, mais elle donne sa paix, sa tranquillité ! Le Dom s’épuise et épuise ! Bientôt, il montre toute sa colère et sa haine, s’il reste insatisfait, et comment alors pourrions-nous trouver agréable de nous côtoyer ?

    Le Dom dévore et nous dévore ! comme il dévore la planète, car nous détruisons la planète, c’est un fait ! Le Dom constitue un flux constant qui demande, meurt de soif et qui croit que c’est sa supériorité qui va étancher sa soif ! Grave erreur ! La satisfaction donnée par la domination disparaît aussitôt, comme de l’eau jetée sur du sable, et il faut de nouveau subir, essayer de prendre ! C’est incessant ! La peur talonne à nouveau ! La haine est sortie, elle renifle, accuse, pèse, se sent prête à frapper, veut sa proie ! On s’ennuie, on parade, on pleure, on gémit, on se réjouit du mal ! C’est consolant !

    Comment dans ces conditions ne pourrions-nous pas être sédentaires ? Nous prenons des coups dès que nous sommes dans la rue ! Nous n’avons pas d’égards, ni de respect ! Nous ne savons pas nous voir ! Dans notre désarroi et notre hypocrisie, nous rêvons d’une autre société, nous accusons les étrangers, les capitalistes ! Nous sommes prêts à croire les populismes, les extrêmes ! Nous voulons plus d’ordre, nous imaginons une vie où tout serait contrôlé, d’où la différence serait bannie ! Nous avons la vue courte, car nous sommes les premiers qui devraient changer !

    Parfois, la Lumière voudrait être plus disponible ! donner ici et là de son attention, pour calmer le Dom, lui faire comprendre qu’il compte lui aussi, ce qui apaiserait son ego, le rassurerait ! Mais le Dom est tout de suite agressif ! Il cherche tout de suite à sentir sa supériorité ! Il rend l’air irrespirable ! Il faut immédiatement se défendre du Dom ! Tenir debout devient une véritable épreuve ! Le Dom arrache un bout de Lumière à chaque fois ! Le Dom est assoiffé, répétons-le, mais sa domination ne peut pas l’aider ! On a l’impression qu’il n’apprend rien !

    Nous le savons, plus la situation est difficile (par exemple sans soleil) et plus le Dom est virulent, car il angoisse et cherche davantage à dominer ! Mais plus il domine et plus la situation se durcit et devient difficile, et donc plus le Dom se montre haineux et virulent, et ainsi de suite ! C’est généralement dans cette escalade que le Dom chute ! se blesse, panique, a la grande peur de sa vie ! C’est là qu’il prend un « coup » en pleine poire (un Dom plus méchant l’écrase de son mépris par exemple), qui le marque à jamais ! C’est là que le Dom est l’objet d’une déception qui le terrasse, le démolit ! C’est là que son visage change sans remèdes, qu’il devient noir autour des yeux, que le dos se voûte, que les joues ont l’air d’avoir été battues, que le Dom semble partir en morceaux !

    Il n’est plus le même, il ne marche plus que sur trois roues, il grimace, etc. ! Mais croyez-vous que quelque chose aura pénétré son esprit, qu’il aura mesuré un tant soit peu les méfaits, les limites de son égoïsme ? qu’il en aura conclu qu’il faut qu’il soit plus doux, plus attentif, qu’il aura compris qu’on ne peut pas suivre seulement la route de sa domination ? Non, le Dom n’a pas reçu le message ! A peine bénéficiera-t-il d’une éclaircie et se sentira-t-il un peu mieux que le voilà de plus belle à cheval sur sa domination, comme s’il se vengeait de sa précédente inertie et que l’égoïsme était le phare éclairant le monde ! La Lumière n’en revient pas ! elle qui réagit au moindre souffle, qui recueille la sagesse comme une herbe la rosée !

    Le Dom avale et de nouveau tend la bouche, comme s’il ne s’était rien passé ! Certains Doms sont impossibles à satisfaire ! On ne peut les rassasier ! Si vous allez au fond d’eux-mêmes, il n’y a qu’un gouffre béant dépourvu de sens ! C’est une plainte horrible et une haine continuelle ! Dix mille Jésus pourraient se sacrifier, ça n’y changerait rien ! Comment en arrive-t-on là ? Il n’y a pas de blessures particulières ! Inutile d’y verser de l’amour, c’est un braillement absurde ! une sorte de rage sur pieds ! Qui sont ces monstres ? ces malades ? Ce sont de véritables machines, sans âme !

    Notre époque est féroce, car nous nous mentons à nous-mêmes ! Le premier mensonge est le suivant : nous vivons pour travailler, ou plutôt le travail passe en premier, car il faut gagner sa vie, etc. ! Mais il n’y a rien de plus faux ! Faites-en l’expérience ! Demandez à un guichet quelque chose, faites une démarche administrative, soyez pour n’importe quoi solliciteur et vous allez voir le Dom ou la Dom se dresser sur votre route ! Votre demande est objective, logique, mais pas le Dom ! Pour obtenir ce que vous voulez, vous allez devoir montrer que le Dom a du pouvoir sur vous, que vous lui êtes soumis, que vous reconnaissez sa supériorité ! Sinon ? Vous êtes cuit ! Vous n’aurez rien, à part des problèmes ! Si vous ne plaisez pas au Dom, vous allez en baver, jusqu’à demander pitié, jusqu’à ce que le Dom vous ait dressé !

    Alors, qui vient en premier ? notre travail ou nos sentiments ? Ce sont nos sentiments bien entendu ! Nous sommes tout sauf professionnels ! Mais nous disons le contraire et le Dom ne voit pas pourquoi il évoluerait !

  • Les Doms (76-80)

    R45

     

     

              "T'as vu, François? La poste à l''américaine!"

                                              Jour de fête

     

                                           76

    Le Dom s’ignore… Prenons le Dom psy par exemple ! A priori, qu’il y ait des psys est une bonne chose ! De savoir que des gens peuvent écouter nos problèmes est plutôt rassurant ! Cependant, vous faites face à un Dom psy ! Qu’est-ce qui fait que le Dom psy s’ignore ? Mais sa domination n’est nullement contestée ! Au contraire, elle est renforcée par l’attitude soumise du patient, qui lui souffre, est rongé par l’inquiétude et qui attend du psy des réponses ! Le pouvoir du psy est alors évident, ce qui lui permet de prendre un ton compatissant, affable, voire joviale ! Le patient nourrit, rassasie sa domination, ce qui le rend aimable, à l’écoute, d’autant qu’il est payé pour ça !

    Bien sûr, certains psys nient ce pouvoir ! Ils se montrent comme des compagnons de lutte du patient ! Ils sont eux aussi passés par le même cercle de feu ! Comme un exorciste, ils ressortiront eux aussi épuisés de l’épreuve ! Ils auront perdu du poids ! Ils seront en sueur, au moment où le patient « crachera » son traumatisme et en sera libéré ! Ils garderont leur sang-froid, au moment du transfert ! Ils se voudront encore rassurant, quand le patient baisera leur main de reconnaissance ! « Allez en paix, mon fils ! seront-ils capables de dire. Je n’ai fait que mon devoir ! »

    Autant le dire tout net, tout cela est du pipeau ! du grand pipeau, comme l’analyse ou la psychothérapie que le psy aura lui-même suivi ! Croit-on vraiment qu’on se sépare de son orgueil ou de son égoïsme par la simple volonté, en s’offrant à un autre psy ? S’il y a bien une chose dont la seule raison est incapable de nous arracher, c’est bien notre domination ! Pour cela, il faut tout l’amour de la foi ! C’est toute sa force, c’est tout notre don qui permet de voir son ego partir au fil de l’eau ! Raconter sa vie, même des événements pénibles, est une promenade à côté ! Mais le Dom psy vit dans son petit monde, celui essentiellement de son cabinet, là où il est le maître, le chef ! Sa domination est donc intacte, même s’il croit l’inverse, à moins de tomber sur un saint égaré, qui frôle l’alcoolisme !

    Le Dom psy rêve et dans son ignorance, il peut dire n’importe quoi ! Il peut développer n’importe quelle théorie ! Sur son nuage, il croit en sa science ! Il se targue d’être profond, insondable ! Et cela marche avec des patients doms, qui ma foi demandent surtout qu’on les écoute, ce qui les rassure, et qui au fond sont contents de parler d’eux ! Peut-on comparer le Dom psy à une prostituée, puisqu’on le paye en échange d’un peu d’amour ? Levée de boucliers, bien entendu ! Ces dames et messieurs sont tellement dignes ! Somme toute, ils font partie de l’élite ! Ce sont les observateurs amusés de leur époque, les sphinx sûrs de leur savoir ! Pourtant, à lire leurs livres, on les voit jouer aux billes, dans la cour de l’école, ou s’arracher les cheveux, avec des mines de garces !

    Comment pouvons-nous être aussi affirmatif ? Mais la Lumière entre dans le cabinet et que voit-elle ? Mais le Dom psy réagit comme un Dom face à la lumière, c’est-à-dire qu’il la hait… et rêve déjà de la détruire ! La Lumière, nous le savons, est indifférente à la domination, mais cela ne veut pas dire qu’elle n’a pas peur en ce monde et qu’elle ne recherche pas du réconfort ! Cependant, le Dom psy a plusieurs sortes de réaction ! Il peut cacher complètement sa haine, son regard toutefois étant devenu soudain glacial ! Il va blesser la Lumière, ce n’est plus qu’une question de minutes ! La Lumière, elle, se demande comment elle va pouvoir sortir de ce traquenard ! Elle aurait mieux fait d’acheter Pif !

    En coulisses, dans la tête du Dom psy, que ce soit un homme ou une femme, on aiguise les couteaux ! On rêve de « planter » la Lumière, de l’entendre gueuler pendant qu’elle se vide de ses tripes, puis de lui cracher dessus, avant de la jeter aux ordures ! Pensez ! Une domination ouatée, méprisante, snob, qui enlève la poussière de sa manche d’un air dédaigneux ! C’est une domination sous cloche, qui peut-être joue au golf, vu que c’est tendance ! Parfois, elle est tellement suffisante qu’elle ne reconnaît pas tout de suite la Lumière ! Il faut que celle-ci se montre un peu familière, qu’elle se mette au même niveau que le Dom psy, puisque ce sont tout de même deux êtres humains, et alors soudain le Dom psy hurle ! Il a vu une araignée et il veut l’écraser à coups de talons, le front en sueur ! La Lumière n’est pas digne de lacer les chaussures du Dom psy !

    Le Dom psy s’ignore et il pourra se venger de la Lumière bien des années après ! Il lui gardera un chien de sa chienne, comme on dit ! C’est qu’une domination offensée n’oublie pas ! Et ça croit être passé par l’épreuve du feu, et ça croit s’être dépossédé, d’avoir connu l’inconfort, la pauvreté ? le chemin pierreux et désert de la foi ? les larmes de l’amour ? La Lumière comprend, il ne lui viendrait jamais à l’idée de se venger ! Dieu n’est pas une boîte à chaussures !

    Mais ainsi va le Dom psy, sur son tapis volant, avec ses théories !

                                                                                                       77

    La famille Dom n’aime pas la Lumière ! Elle en rit même ! C’est que la famille Dom ne connaît pas la peur ! Le monde extérieur n’existe pas pour la famille Dom ! Elle est blottie en elle ! Elle se serre les coudes, elle forme un clan ! Elle a sa propre domination, ses propres règles ! Elle a une enveloppe et c’est sa domination ! Voilà pourquoi la famille Dom ne connaît pas la peur et se rit de la Lumière, car celle-ci représente l’extérieur et la peur ! Hors de la famille Dom, forcément on affronte la peur ! On n’a plus d’enveloppe, ni de protection, on est un étranger parmi les étrangers !

    La famille Dom trouve la Lumière ridicule, car elle-même ne connaît pas la peur et se croit courageuse, alors qu’elle ne quitte pas son monde, ses règles, sa domination ! La famille Dom se berce d’une illusion, sous le couvert que chacun y aime l’autre ! Et pourtant, la famille Dom n’aime pas la Lumière, qui lui fait peur ! La Lumière pour la famille Dom est synonyme de peur ! C’est le monde extérieur qui entre dans la famille Dom ! qui se croit sacrée ! qui vit dans sa petite enveloppe ! au chaud ! avec ses règles, sa domination !

    La Lumière est l’étranger pour la famille Dom ! C’est le danger, l’élément nocif, l’ennemi qu’il faut détruire, écraser ! Pourtant, la famille Dom est invitée à grandir, elle aussi dans l’amour de Dieu ! Elle doit quitter sa domination ! s’ouvrir, perdre son statut de clan ! Mais la famille Dom se serre sur elle-même, comme une fleur qui ne veut pas s’ouvrir ! par peur ! La Lumière l’invite à la fête ! Mais la famille Dom se replie sur elle-même ! s’intoxique, désigne l’ennemi et lui fait la guerre ! La famille Dom combat la Lumière et se perd ! Elle n’est plus qu’une famille morte, faite de morts qui rient, avec des rires de morts ! La famille Dom est la nuit et ne s’en rend pas compte !

    La famille Dom chasse la Lumière, car elle veut continuer à dominer ! La Lumière est pourtant la paix et ainsi la famille Dom ne connaît pas la paix ! La famille Dom voit la Lumière comme une calamité, une punition divine ! C’est que la famille Dom s’enchante de sa réussite ! de son aura, de son pouvoir, de sa situation financière, de sa bonne santé, de ses vacances, de la beauté de ses enfants, de leur intelligence ! La famille Dom se doit d’être irréprochable ! Elle parade, s’admire, juge, rejette, admet, sous la condition qu’on la voit comme supérieure ! La famille, c’est le clan, le fief !

    La Lumière est laissée dehors ! Elle doit se débrouiller ! Incertaine, fragile, elle croise les loups et dort dans le froid ! La solitude commence ! La peur aussi ! La peur presse la Lumière comme un citron, maintenant que celle-ci est sans enveloppe, sans protection ! Celui qui sert la Lumière, qui l’aime, affronte le vaste monde, chassé par la famille Dom ! La Lumière pleure ! Elle a le vertige, la nausée ! Le doute la détruit ! Et si la famille Dom avait raison ? Et si le groupe avait raison ! Et si la Lumière était folle, égoïste, orgueilleuse ? Et si la Lumière devait supplier la famille Dom de la reprendre ?

    L’errance de la Lumière est sans fin, sa solitude aussi, sa peur aussi ! Mais elle s’accroche ! La Lumière ne lâche pas ! La Lumière aime la Lumière, elle aime Dieu, la vérité ! Elle s’accroche ! Elle se relève de sa solitude ! Elle a traversé tous les anneaux de feu et chacun était nécessaire ! La Lumière se retrouve ! Elle voit sa paix ! La peur est là à ses pieds, comme un chien soumis ! La Lumière n’a plus besoin de la famille Dom ! Elle n’en veut plus ! La famille Dom est toujours pareille ! A-t-elle guéri sa peur, est-elle en paix ? Elle est toujours la forteresse, maintenant rongée par le lierre ! La mort est parmi elle et des oiseaux noirs croassent au-dessus d’elle ! Elle tombe en ruine ! Qui s’en souviendra ?

    La Lumière donne ses fruits ! Elle fait rouler ses soleils ! Elle est la vie ! Elle est la source, le chemin ! Régale-toi, voyageur ! La Lumière est passée par là ! Elle a ouvert les yeux sur le monde ! Elle a quitté la famille Dom, au nom de son amour ! Prends ses diamants, voyageur, ils sont vrais ! La Lumière a affronté sa peur, pas la famille Dom ! Elle a fermé sa porte, mais elle ne s’est pas transformée !

    Heureux celui qui est chassé par la famille Dom ! Heureux celui qui est seul, à cause de la Lumière ! Heureux celui qui marche au nom de la Lumière ! Heureux celui qui veut voir et ne pas dominer ! Heureux celui qui ne veut pas réussir, mais être pauvre dans la Lumière ! Heureux celui qui se réfugie dans la Lumière, qui se confie à elle, qui s’en remet à elle ! Heureux celui qui quitte la forteresse de la famille Dom ! Elle est vide à l’intérieur !

    La famille Dom se réjouit ! Elle est au chaud ! Elle aime son confort, sa réussite, mais l’envie lui tord le visage ! Le poison de la haine coule dans ses veines ! L’orage gronde sur la maison de la famille Dom ! Heureux celui qui chante Dieu ! Il danse comme les feuilles !

                                                                                                      78

    Revenons à la peur ! Le Dom et sa famille ne la connaissent pas vraiment ! Pourquoi ? Mais parce qu’ils sont dans la bulle de leur domination ! Ainsi, ils ne voient pas le mal qu’ils font et croient leur haine légitime ! La Lumière est connaissance, elle demande la perte de la bulle Dom ! Tant que le Dom est là, il ne voit pas l’autre comme un être à part, comme lui ! Il le voit soumis ou non à sa domination ! Si l’autre est soumis, il fait partie de la famille, du groupe ! S’il s’oppose, il est un ennemi, un traître, un étranger, une menace ! Dans les deux cas, le Dom reste dans sa bulle et l’autre n’a pas sa totale réalité !

    La Lumière mue ! Elle perd sa peau de Dom ! C’est très inquiétant pour elle, car elle se sépare du groupe ! Elle ne peut pas faire autrement ! La domination, la haine, l’injustice du Dom l’écœurent, la font fuir ! La Lumière recherche la vérité et là voilà dans l’inconnu ! Cette séparation d’avec les Doms est forcément très perturbante et même très douloureuse, car c’est souvent quitter la famille, sa sécurité et son confort !

    Le Dom, quand on le quitte, hait forcément, essaie de détruire ! Car on échappe à sa domination, à ce qui le nourrit et fait son monde ! La révolte du Dom peut-être atroce ou féroce, démesurée ! On le voit avec Poutine, qui voit l’Ukraine lui échapper ! Le Dom ne supporte pas l’échec ! Il prend le choix de la Lumière comme une injure personnelle ! Il fera tout pour la blesser, au lieu de se remettre en question et de comprendre ! Voilà pourquoi le Dom est étranger à la vérité et n’est pas l’avenir !

    Mais la Lumière est nue, dehors ! Comment pourrait-elle ne pas avoir peur, d’autant qu’elle ouvre les yeux sur les Doms et les voit donc de plus en plus nombreux ! Comment pourrait-elle ne pas avoir le vertige, devant la naïveté et l’aveuglement des Doms ? Ceux-ci continuent de crier, de haïr, d’accuser le gouvernement ! La Lumière voit la tragédie du Dom, comment sa domination est sa prison ! Le Dom ramène tout à lui et s’use, reste malheureux, refait toujours les mêmes erreurs, ne se libère pas, mais la Lumière ne peut pas lui expliquer les choses, justement parce que le Dom est sourd à ce qui n’est pas sa domination ! Toute explication, pour l’aider, serait pris comme une diminution de sa personne !

    Face à l’incompréhension et à un monde qui n’est pas le sien, la Lumière se trouve pauvre et désemparée ! Elle se demande qui elle est et peut s’affoler de son étrangeté ! Sa fragilité fait que toutes ses blessures se ravivent, en la déboussolant encore plus ! La tristesse l’envahit… Sans doute n’est-elle pas à la hauteur de la tâche ? Un long chemin qui paraît dans la nuit commence ! Pendant ce temps-là, le Dom triomphe ou continue son cirque ! Il écrase encore et encore le Dom, son semblable ! Combien ne travaillent toujours pas dans des conditions misérables, affreuses, sans respect pour eux ? Mais le Dom ne s’en rend pas compte ! Il piétine, parce qu’il est piétiné !

    La peur ? La Lumière la connaît par cœur ! Il n’y a pas de vérité, sans connaître la peur ! Car on on peut pas guérir de la peur sans vérité ! Le Dom reste dans sa bulle et demeure donc aveugle ! La Lumière recueille la vérité, car elle ne se ment pas sur sa peur ! Elle voit que la vérité guérit sa peur et qu’elle est donc la vérité ! Il n’y a pas de meilleur test ! Tout faux remède n’y résiste pas ! La Lumière accueille la vérité, parce qu’elle est pauvre ! La domination empêche la vérité ! C’est une bulle contre l’extérieur ! La peur fait humble la Lumière, la rend docile, à l’écoute ! Mais le quotidien de la Lumière peut paraître absurde, tant les Doms ne changent pas et semblent avoir raison !

    Puis, un jour, la Lumière marche sereine parmi les Doms ! Elle les connaît sur le bout des doigts et ils redoublent de haine à son endroit ! Ce n’est pas une surprise pour la Lumière ! Cela ne fait que confirmer que les Doms n’ont pour seul équilibre que leur domination ! que leur paix est factice, qu’ils n’ont pas de solutions, à part haïr ceux qui leur échappent ! La mue de la Lumière a bien eu lieu ! Sa maturation est certaine et inaltérable, car la Lumière n’a plus besoin de dominer ! Sa réussite et sa force sont ailleurs ! C’est Dieu qu’elle voit par ses yeux ! C’est son regard qu’elle possède ! C’est sa paix qui l’accompagne, au milieu des coups de dents et des grimaces !

    Et comme la peur paraît loin ! La Lumière, de l’avoir vaincue, dressée, en est purifiée ! Elle en est grandie ! Rien n’est caché en la Lumière ! Tout est dissimulé chez le Dom, même son envie, même sa haine ! Si elle transperce, c’est malgré le Dom ! Et la Lumière passe, comme si elle venait d’ailleurs, d’une contrée lointaine et légendaire, sous les yeux stupéfaits des Doms, qui n’ont pourtant qu’à puiser en eux-mêmes ! qui sont aussi la source, s’ils le veulent ! Car chacun peut accueillir la Lumière, la demander, la chercher ! Mais encore faut-il que le Dom s’interroge, qu’il arrête de haïr, qu’il devienne humble et pauvre, aimant ! La Lumière le remplira !

                                                                                                       79

    Plus la Lumière est en vous et plus le Dom craint votre regard ! La Lumière qui est en vous sort de vos yeux : c’est toute votre façon de voir le monde qui a évolué avec la Lumière ! C’est tout ce que vous êtes qui est constitué par la Lumière ! Or, la Lumière est vérité, elle n’a rien à cacher ! Ce que vous êtes a été éprouvé ! Vos tristesses, vous ne les avez pas fuies ! Votre mal-être, vous ne l’avez pas enfoui, au profit de votre domination ! Vous vous êtes offert à la Lumière, c’est-à-dire à la réalité ! Nulle domination ne vous a servi pour étouffer un problème ou un obstacle ! Toutes les récriminations des Doms, toutes leurs questions, tous leurs arguments, vous les avez examinés, car vous avez été pauvres, sans amour-propre, sans rang social, sans triomphe !

    C’est la soif de l’ego, sa soif de vaincre et de s’imposer, qui maintient le Dom dans sa bulle et le fait ignorer ou rejeter la Lumière ! C’est la domination, la peur de perdre, qui font que le Dom ne s’offre pas à la Lumière, ce qui fait que sa peur et ses ambitions demeurent obscures ! C’est cette partie, demeurant dans la nuit du Dom, qui craint la Lumière de votre regard et qui tressaille à ce contact ! Le Dom cherche à éviter la Lumière, car il a l’impression d’être sondée par elle ! Il ne peut pas s’empêcher de se fermer et ainsi il reconnaît malgré lui le pouvoir de la Lumière et même son existence !

    Mais le Dom n’a rien à craindre de la Lumière, puisqu’elle ne veut pas dominer ! Elle ne cherche pas à supplanter le Dom ! La Lumière est justement la Lumière, car elle ne veut pas dominer ! En cela, elle est pure ! Elle n’est faite que d’amour, même si le « porteur » de Lumière reste un être humain sensible et capable de se défendre ! Le Dom n’a donc rien à craindre de la Lumière et pourtant il ne peut s’empêcher de se garder d’elle, de se défendre contre elle ! C’est plus fort que le Dom ! C’est sa « nuit », ce qui est caché en lui, ce qu’il ne traite pas en lui, ce qu’il refoule qui se cache de la Lumière !

    Nous l’avons déjà dit, il existe pour le Dom des centaines de techniques, qui lui permettent de se défendre contre la Lumière ! Des Doms ont des techniques d’évitement, de leurres, qui leur sont habituelles, qu’ils utilisent chaque jour, qui font partie d’eux-mêmes, au point qu’ils ne s’en rendent plus compte ! Comment pourraient-ils vivre en paix, s’ils sont toujours sur le qui-vive, prêts à faire fonctionner ce que l’on peut considérer comme des armes ! Pourquoi ne cherchent-ils pas plutôt la vérité, quelque chose de sûr, qui les guérirait absolument de leurs peurs ? Pourquoi se contentent-ils de cette position instable, entre la nuit et la Lumière ?

    Il existe encore chez le Dom le fameux masque de cire, impassible, dur comme la pierre, qui semble proclamer que la Lumière n’existe pas, puisqu’elle est sans effets, le masque d’impassibilité en témoignant ! Là encore, que d’efforts pour lutter contre la Lumière, pour nier son existence ! Ce masque finit par se graver sur le visage et le Dom ressemble alors à un mort figé dans la colère, le déni, le dégoût ! Le Dom vieillit vite, pas la Lumière ! Ce masque est un mur, qui amuse souvent la Lumière ! Car au fond personne n’est dupe ! Le Dom est bien en guerre et ne connaît pas la paix ! Le Dom, au masque de fer, est bien malheureux !

    Pourquoi ne se tourne-t-il pas vers la Lumière ? Ah ! Mais c’est que le Dom a pris des coups et maintenant, il veut montrer qu’il sait aussi en donner ! On ne l’aura pas deux fois ! Il tient à faire valoir son importance, c’est aussi un caïd ! Très bien ! C’est un grand garçon, un homme que dis-je ! Et alors ? Est-il heureux ? Pourquoi ne pas déposer là le fardeau de son ego et aimer la Lumière, qui rend léger ? Parce que le Dom est dur ! La Lumière semble lui demander d’être mou, de se « coucher », de s’abaisser et il n’en est pas question ! Pourtant que voit-il ? La Lumière paraît-elle sans force, perdue, sans rayonnement ? Non, la Lumière lui paraît au contraire supérieure, libre, heureuse ! Alors, pourquoi ne pas se tourner vers elle ? Par peur ?

    La femme Dom semble d’abord moins hostile à la Lumière, car elle veut d’abord séduire, alors que l’homme Dom veut d’abord montrer sa force ! La femme attire et promet du plaisir ! de l’amour ! loin de la guerre apparemment et de l’égoïsme ! Mais c’est pour elle-même que la femme Dom attire, non pour aimer la Lumière ! C’est pour avoir le pouvoir sur l’homme que la femme séduit ! C’est pour que l’homme chante sa gloire et lui soit soumis ! C’est pour que son ego soit le centre d’intérêt de l’homme ! Ainsi la femme fait valoir ses ambitions, à travers l’homme, qui devient l’outil de son ego ! Ce n’est pas le chemin de la Lumière ! qui ne cherche pas de maître, qui ne veut pas se dissoudre, qui ne veut pas flatter, moyennent du plaisir, qui veut voir tous les autres, qui ne fait partie d’aucun clan !

    La femme qui suit la Lumière ne veut pas sa propre gloire ! Elle ne veut pas séduire pour asservir, pour dompter et commander ! La femme qui aime la Lumière sert la Lumière, lui donne toute sa force par sa bonté et sa charité ! C’est la douceur féminine, son don, sa passion qui servent la Lumière, par amour pour elle ! La femme qui aime la Lumière ne cherche plus à exercer son pouvoir de séduction, elle n’en mesure plus son ego ! La femme qui aime la Lumière rayonne et séduit et attire de toute façon, tant le pouvoir de la Lumière est grand ! Mais ce n’est plus une séduction dirigée vers l’ego !

                                                                                                     80

    C’est le Dom qui fait de la vie un désert ! Le Dom est comme un voleur au coin d’un bois ! A peine voit-il un passant qu’il essaye sur lui l’effet de sa force ou de sa séduction ! C’est une manière de prendre et non de donner ! C’est une manière d’assécher les autres ! La Lumière, n’ayant pas besoin de dominer, ne prend pas, mais elle donne sa paix, sa tranquillité ! Le Dom s’épuise et épuise ! Bientôt, il montre toute sa colère et sa haine, s’il reste insatisfait, et comment alors pourrions-nous trouver agréable de nous côtoyer ?

    Le Dom dévore et nous dévore ! comme il dévore la planète, car nous détruisons la planète, c’est un fait ! Le Dom constitue un flux constant qui demande, meurt de soif et qui croit que c’est sa supériorité qui va étancher sa soif ! Grave erreur ! La satisfaction donnée par la domination disparaît aussitôt, comme de l’eau jetée sur du sable, et il faut de nouveau subir, essayer de prendre ! C’est incessant ! La peur talonne à nouveau ! La haine est sortie, elle renifle, accuse, pèse, se sent prête à frapper, veut sa proie ! On s’ennuie, on parade, on pleure, on gémit, on se réjouit du mal ! C’est consolant !

    Comment dans ces conditions ne pourrions-nous pas être sédentaires ? Nous prenons des coups dès que nous sommes dans la rue ! Nous n’avons pas d’égards, ni de respect ! Nous ne savons pas nous voir ! Dans notre désarroi et notre hypocrisie, nous rêvons d’une autre société, nous accusons les étrangers, les capitalistes ! Nous sommes prêts à croire les populismes, les extrêmes ! Nous voulons plus d’ordre, nous imaginons une vie où tout serait contrôlé, d’où la différence serait bannie ! Nous avons la vue courte, car nous sommes les premiers qui devraient changer !

    Parfois, la Lumière voudrait être plus disponible ! donner ici et là de son attention, pour calmer le Dom, lui faire comprendre qu’il compte lui aussi, ce qui apaiserait son ego, le rassurerait ! Mais le Dom est tout de suite agressif ! Il cherche tout de suite à sentir sa supériorité ! Il rend l’air irrespirable ! Il faut immédiatement se défendre du Dom ! Tenir debout devient une véritable épreuve ! Le Dom arrache un bout de Lumière à chaque fois ! Le Dom est assoiffé, répétons-le, mais sa domination ne peut pas l’aider ! On a l’impression qu’il n’apprend rien !

    Nous le savons, plus la situation est difficile (par exemple sans soleil) et plus le Dom est virulent, car il angoisse et cherche davantage à dominer ! Mais plus il domine et plus la situation se durcit et devient difficile, et donc plus le Dom se montre haineux et virulent, et ainsi de suite ! C’est généralement dans cette escalade que le Dom chute ! se blesse, panique, a la grande peur de sa vie ! C’est là qu’il prend un « coup » en pleine poire (un Dom plus méchant l’écrase de son mépris par exemple), qui le marque à jamais ! C’est là que le Dom est l’objet d’une déception qui le terrasse, le démolit ! C’est là que son visage change sans remèdes, qu’il devient noir autour des yeux, que le dos se voûte, que les joues ont l’air d’avoir été battues, que le Dom semble partir en morceaux !

    Il n’est plus le même, il ne marche plus que sur trois roues, il grimace, etc. ! Mais croyez-vous que quelque chose aura pénétré son esprit, qu’il aura mesuré un tant soit peu les méfaits, les limites de son égoïsme ? qu’il en aura conclu qu’il faut qu’il soit plus doux, plus attentif, qu’il aura compris qu’on ne peut pas suivre seulement la route de sa domination ? Non, le Dom n’a pas reçu le message ! A peine bénéficiera-t-il d’une éclaircie et se sentira-t-il un peu mieux que le voilà de plus belle à cheval sur sa domination, comme s’il se vengeait de sa précédente inertie et que l’égoïsme était le phare éclairant le monde ! La Lumière n’en revient pas ! elle qui réagit au moindre souffle, qui recueille la sagesse comme une herbe la rosée !

    Le Dom avale et de nouveau tend la bouche, comme s’il ne s’était rien passé ! Certains Doms sont impossibles à satisfaire ! On ne peut les rassasier ! Si vous allez au fond d’eux-mêmes, il n’y a qu’un gouffre béant dépourvu de sens ! C’est une plainte horrible et une haine continuelle ! Dix mille Jésus pourraient se sacrifier, ça n’y changerait rien ! Comment en arrive-t-on là ? Il n’y a pas de blessures particulières ! Inutile d’y verser de l’amour, c’est un braillement absurde ! une sorte de rage sur pieds ! Qui sont ces monstres ? ces malades ? Ce sont de véritables machines, sans âme !

    Notre époque est féroce, car nous nous mentons à nous-mêmes ! Le premier mensonge est le suivant : nous vivons pour travailler, ou plutôt le travail passe en premier, car il faut gagner sa vie, etc. ! Mais il n’y a rien de plus faux ! Faites-en l’expérience ! Demandez à un guichet quelque chose, faites une démarche administrative, soyez pour n’importe quoi solliciteur et vous allez voir le Dom ou la Dom se dresser sur votre route ! Votre demande est objective, logique, mais pas le Dom ! Pour obtenir ce que vous voulez, vous allez devoir montrer que le Dom a du pouvoir sur vous, que vous lui êtes soumis, que vous reconnaissez sa supériorité ! Sinon ? Vous êtes cuit ! Vous n’aurez rien, à part des problèmes ! Si vous ne plaisez pas au Dom, vous allez en baver, jusqu’à demander pitié, jusqu’à ce que le Dom vous ait dressé !

    Alors, qui vient en premier ? notre travail ou nos sentiments ? Ce sont nos sentiments bien entendu ! Nous sommes tout sauf professionnels ! Mais nous disons le contraire et le Dom ne voit pas pourquoi il évoluerait !

  • Les Doms (66-70)

    R43

     

     

                  "J' t'ai toujours aimée, même si t'es une salope!"

                                                                   Zulu

     

                                   66

    « Agent Cool, dit Paschic, quand vous serez remplie par la lumière, il vous suffira juste de « ressentir » la présence des Doms, pour apprécier le degré de leur domination !

    _ Agent Cool ?

    _ Oui, ah ! ah ! On va travailler comme les agents secrets, si vous le voulez bien !

    _ A vos ordres, chef ! Mais vous parliez de « ressentir » une présence ?

    _ Oui, à un moment donné, il ne vous sera plus utile de regarder un Dom dans les yeux, pour savoir qui il est… Évidemment, vous pourrez continuer à le faire, mais vous allez comprendre que nous transmettons à l’autre nos désirs, ou nos peurs, sans que rien ne soit dit, à distance ! Je vous ai déjà dit que toute notre attitude parle et qu’elle reflète ce que nous sommes ! Ce n’est pas seulement un langage corporel, mais une densité, un poids de la personnalité dans l’espace ! Vous qui êtes une femme, vous devriez mieux comprendre qu’un homme de quoi je parle…

    _ Peut-être…

    _ Les femmes savent si un homme est inquiétant ou au contraire rassurant ! C’est quelque chose qu’elles sentent, bien avant d’échanger avec l’homme ! Ce n’est pas vrai ?

    _ Si, si, nous avons nos petites antennes !

    _ Les hommes et les femmes envoient un signal, suivant le degré de leur domination ! C’est un phénomène qui est d’autant plus évident que vous-mêmes êtes dans la lumière ! Bon, vous pouvez facilement comprendre que plus la domination est âpre, élevée et plus elle « tyrannise » l’espace, si je puis dire ! Je ne trouve rien de mieux comme image que celle de l’espace-temps ! Nous savons que les étoiles déforment l’espace à cause de leur masse et qu’elles créent ainsi une attraction ! Plus elles sont grosses et plus les objets autour sont attirés et ceci est aussi valable pour la lumière ! Vous allez donc considérer que vous êtes celle-ci, aussi neutre qu’elle, ou plutôt aussi légère qu’elle, que vous êtes disponible, puisque la lumière est sans domination !

    _ Je suis donc de la lumière, voyageant parmi les Doms...

    _ Mon image n’est pas juste, car la lumière vient des étoiles, mais il faut aussi avancer… La lumière qui voyage est déviée par la masses des étoiles… Plus le Dom est dominateur et plus sa masse déforme l’espace ! Concrètement, pour nous, cela veut dire qu’en entrant dans un lieu, vous sentirez tout de suite l’influence des Doms présents, le dominateur voulant des dominés ! Le Dom cherchera immédiatement à vous avoir comme spectateur, en attirant bien entendu votre attention ! Il est en représentation constante, jamais en paix ! Retenez bien cela ! Son soi-disant équilibre n’existe pas !

    _ OK ! Je vais tâcher de garder ça à l’esprit !

    _ Bien ! Dès que vous repérez un Dom, qui fait pression sur vous, juste par la densité qu’il dégage, sans qu’il se soit passé quelque chose de visible, j’insiste là-dessus, évitez-le ! C’est une perception qui s’apprend ! Si vous cédez au Dom, c’est que vous cherchez de la soumission, parce que vous avez peur et êtes sans doute fatiguée ! Il faut alors se montrer très prudent, car vous savez d’emblée que ce sera une relation à sens unique ! Le Dom vous utilisera, vous pompera et vous laissera encore plus vide et inquiète que vous ne l’étiez au départ !

    _ Il n’y aura pas moyens de s’arranger…, de demander et de recevoir aussi ?

    _ Si c’est possible, mais si vous êtes plus faible, vous serez aussi plus malléable… En tout cas, le mieux, c’est de voir le but du Dom, qui est stérile ! Il est là, comme je l’ai dit, en représentation ; il attend de vous de l’admiration, la reconnaissance de sa supériorité ! Cela ne peut pas ne pas vous prendre de l’énergie ! C’est vous demander quelque chose qui vous rebute, car vous savez, vous, que la domination est juste de l’égoïsme, que la lumière est le progrès ! Et vous aurez affaire à plusieurs Doms et à chaque fois, il vous faudra donner un bout de vous-même, sans rien recevoir en échange !

    _ Vraiment ?

    _ Non, le Dom pompe ! Il ne veut pas évoluer ! Chaque jour, il attire avec sa masse ! Mais son mensonge, lui, va vous apparaître sans difficultés ! Vous allez vous apercevoir très vite que vous ne vous trompez pas ! Si vous évitez le Dom dominateur, et ceci bien entendu quel que soit son sexe, et que vous vaquez à vos occupations, comme si de rien n’était, il se passe un phénomène étrange, qui avec l’habitude vous fera rigoler !

    _ Ah oui ? Lequel ?

    _ Mais le Dom viendra vous transmettre sa haine, son envie de vous détruire, alors que vous n’avez fait que le croiser, sans dommages apparents pour lui ! Il va se rapprocher de vous, pour vous exprimer tout son ressentiment !

    _ Et c’est sensé me faire rigoler ?

    _ Tout du moins sourire, car le Dom montre par là son mensonge ! Il reconnaît qu’il a besoin de la lumière, qu’il la trouve même supérieure, car il ne supporte pas votre indifférence ! qui elle n’est pas feinte, car vous n’avez pas besoin de dominer ! Votre équilibre est vrai, nullement celui du Dom et le voilà par conséquent en train de vous en vouloir ! Si la lumière n’était pas la vérité, elle ne gênerait aucunement le Dom !

    _ Ça paraît assez amusant !

    _ Ça l’est ! C’est l’une des petites joies simples de la vie ! La réaction haineuse du Dom, auquel vous ne devez absolument rien, vous montre que vous avez raison, que vous êtes sur la bonne route ! Et c’est une consolation, car le mensonge est partout ! »

                                                                                                         67

    Le Dom est fier de son ignorance ! Il la chérit ! Il vous la crache au visage ! Il vous hait à cause d’elle, sans pourtant la changer ! C’est que le Dom n’a aucune simplicité, ni encore moins d’humilité ! Il rêve, il s’enchante, il s’enfume dans un personnage, censé être un modèle de réussite !

    Le Dom trouve normale sa vie ! Il ne se demande pas ce qu’il fait là ! Il n’est pas abasourdi par l’infini des ailleurs, tout cela ne lui paraît pas étrange ; même le mystère de la mort ne l’effleure pas ! Il est dans le « bus » de la société ! Il respecte les horaires, les stations, il croit qu’il effectue là une mission périlleuse, hautement respectable, qui est le but de sa vie ! Où sont les autres, tous ceux qui sont morts ? tous ceux qui ont rêvé comme lui, espéré comme lui ? Envolés ! Comme s’ils n’avaient jamais existé !

    Seul le Dom compte, car il a beaucoup à dire, il a fait preuve de patience, en 1843, pendant une seconde, et il ne l’a pas oublié, car c’était déjà une seconde de trop ! On va voir ce qu’on va voir ! Le Dom a ses têtes de turc ! Le Dom crie, invective, menace ! Le système l’a contrarié, le système l’a grugé ! Il ne s’agit pas de donner un sens à sa vie, mais de trouver des coupables ! Ainsi toute réflexion est vaine, vive la haine !

    Le Dom est sournois : il vous sourit, quand il vous dit : « Regarde comme je te méprise ! » Le Dom n’apprend pas ! Il recommence toujours les mêmes erreurs ! Bien sûr, il est bientôt à plat, sans vie, comme un ivrogne qui aurait subi une douche froide ! A cet instant, il est calme, apparemment sage, mais qu’une goutte de domination apparaisse, qu’une satisfaction de l’ego soit possible, qu’on puisse « enfoncer » un tant soit peu l’autre et le Dom se jette dessus tel un assoiffé ! Il ne lui viendrait pas à l’idée que c’est justement là son poison !

    Le Dom ne cherche pas, il crie ! Il est en colère et se trouve juste ! Évidemment, beaucoup de par le monde souffrent plus que lui, sont dans le désespoir le plus complet, ont faim, se nourrissent de déchets, ont des yeux hagards, etc., mais rien, rien ne doit détourner le Dom de sa vengeance ! Il a été insulté ! On a osé le critiquer, le voir comme un enfant ! On lui demande des comptes, alors qu’ils donnent déjà tellement, dans l’impitoyable cosmos ! Le Dom jette-t-il son sang sous les étoiles, pour aider quelque extraterrestre ? Non, il paie ses impôts, il cotise, c’est indiqué sur des feuilles ! Il est dans son droit, il respecte les règles et on vient lui chercher des poux ?

    Le doute, c’est la mort du Dom ! Dès qu’il le voit, il s’enfuit, comme si venait la Faucheuse ! Le Dom s’est-il tordu dans la nuit du doute, par amour ? A-t-il connu l’errance, le déchirement ? S’est-il offert à l’insulte ? A-t-il connu le désespoir ? A-t-il inspecté centimètre par centimètre le mur de l’incompréhension, de l’égoïsme ? Est-il mort quelque part, ailleurs, sans vie, sans amour, sans lumière, dans la plus profonde indifférence des autres ? A-t-il jamais été seul dans la nuit ? Non, le Dom ne connaît que sa bauge, son bain de boue ! Il a passé son temps à piétiner, à enrager, à rire, à se moquer, à gémir et à pleurer, parce que personne ne l’aime, sous ses pieds qui écrasent !

    Le Dom est une victime, bien sûr ! Entre deux bouchées, sur sa chaise percée, il lit sommairement votre plainte… Puis, il essuie ses doigts bien gras dessus, rote (car c’est un spectacle!) et il commence… Vous ne connaissez rien à la politique, ni à l’économie, ni à quoi que ce soit ! Lui, le Dom, a une vision exacte de la situation (vous êtes déjà oublié!) et il vous récite de « vieux pneus crevés », qui montrent sa totale ignorance ! Prenant votre sidération pour de l’admiration, il vous met dans la confidence : des Montagnes bleues jusqu’à la mer jaune, il étendra son pouvoir ! On le fêtera, on lui rendra un culte, on chantera son nom ! Vous pouvez disposer !

    Le Dom connaît-il les fleurs comme des cristaux de neige ? Sait-il écouter, attendre, rêver ? A-t-il déjà respiré l’odeur de l’herbe ? S’est-il approché tout doucement de l’eau ? Non, le Dom n’aime que l’agitation ! Le silence l’effraie ! Seul se noyer dans la masse le rassure ! Des projets, des chantiers, du bruit, des sirènes d’ambulance, de la crasse, voilà le milieu du Dom, là où il est heureux !

    Le Dom aime le luxe ! Il a tout, ne se prive de rien ! Autos, motos… Le Dom a le choix entre mille jus de fruits, alors que d’autres meurent de soif ! Le Dom se dandine, pour choisir entre mille sortes de fromage, mais il se sent lésé et toujours prêt à faire valoir ses droits, comment on l’a spolié ! Le système se moque de lui, c’est évident ! Jamais c’est son tour ! Les autres se gobergent, mais pas lui ! Il n’est que sacrifices ! Mais les choses changeront ! Il y a des lignes rouges ! A force de trop tirer sur la corde, elle se casse ! Le Dom menace : il est possible qu’il envoie ses chars, mais ce ne sera pas de sa faute ! On l’aura poussé à bout ! Il est un messager de paix, mais on le prend pour un benêt ! Il nettoiera tout ! Il détruira tout ! Il tuera les enfants, violera les femmes, rasera les maisons, torturera, parce qu’on l’a bien cherché ! Derrière, la Patience affirme qu’elle n’a jamais vu le Dom, qu’il lui est absolument inconnu !

                                                                                                            68

    Le Dom ne donne pas, il prend, c’est tout ! Le Dom fait peur, au point qu’on pense l’amadouer, en lui offrant des présents ! A quoi comparerai-je cette situation ? Imaginons un sultan qui commande un col, nécessaire passage pour les échanges commerciaux ! On dépose donc devant ses pieds tout un assortiment de cadeaux, ce qui revient à flatter le Dom, à lui donner de l’importance ! Mais le Dom engloutit et ne donne pas, c’est tout ! Le Dom reste sombre, inerte, sans compréhension, alors qu’on fait mille efforts pour lui plaire, non que le Dom le mérite, mais on veut que l’humanité avance !

    Si le Dom ne montre aucun signe de satisfaction, ce n’est pas qu’il ne goûte pas vos cadeaux (bien au contraire, ils tombent comme du miel dans son estomac !), mais le Dom prend votre gentillesse, vos doutes comme de la faiblesse, de la fragilité et s’il garde le silence, c’est pour obtenir plus, pour que vous continuiez à le considérer ! Notez bien que le Dom n’a en rien un remède contre son propre mal-être et il est même profondément malade, dans la prison de son ego, mais il ne change pas d’attitude et reste comme une araignée au centre de sa toile, attendant que, par la menace qu’il représente, on vienne de nouveau tenter de l’apaiser ! Le Dom se moque du monde !

    L’un des problèmes aujourd’hui : le Dom qui possède l’arme nucléaire ! Comment discuter avec un malade mental, qui caresse ses ogives ? Comment rassurer un Dom persuadé que le monde entier lui en veut, qu’il est entouré d’une masse grouillante et venimeuse, comme l’imagine un schizophrène, alors qu’il peut faire sauter toute la planète ? Voilà un risque qui est évité par les démocraties, où tout signe d’aliénation mentale est sanctionné par le vote !

    Le Dom est agressif, même si vous vous montrez aimable, car il a tous les droits, n’est-il pas le Dom ? Mais le Dom est toujours une victime et si vous n’êtes pas impressionné par son mauvais visage, il tourne tout de suite la situation à son avantage : c’est vous qui n’êtes pas assez poli ! Il vous donne des leçons de savoir-vivre, de courtoisie, lui qui est moins aimable qu’une porte de prison ! Le mieux, c’est d’ignorer complètement le Dom ! qu’il se retrouve enfin face à son néant, où il ne peut profiter de personne ! Il n’y a que comme ça qu’il comprend un peu les choses, qu’il se remet en question, qu’il s’améliore ! Quand il voit qu’il n’a plus de prises sur vous, il revient un tantinet à la raison…, c’est qu’il fait froid dans le vide du cosmos, où les os craquent sous la pression de l’angoisse !

    Le Dom ne sait pas vivre, mais vous si ! Enchantez-vous des fleurs et du ciel bleu ! Ce sont des choses que le Dom ne comprend pas du tout, et pourtant elles peuvent devenir la base de votre équilibre ! Vous avez un gros avantage sur le Dom, vous pouvez vous passer de lui, lui non ! Il a toujours besoin de vous dominer ! C’est ce qui masque l’inanité de son existence !

    Le Dom ne propose rien, sinon son ego ! Il cache son impuissance par le poison qu’il distille ! Il vous fait croire que c’est vous le méchant ! Il sape votre assurance ! Il mord comme un serpent, en riant des effets qu’il provoque ! Le Dom n’a aucune solution, sinon vous détruire ! Il ronge vos convictions, vous condamne à l’errance, au doute, à la nuit… Il se réjouit de vos pleurs et de vos supplications ! Il dit que la vérité n’existe pas, qu’elle n’est qu’une affaire de point de vue !

    Le Dom vous montre le mal que vous lui avez fait ! Vous l’avez égratigné, alors qu’il vous coupait les deux bras ! C’est toujours lui la victime et vous discutez avec un psychopathe ! Vous devenez tellement peu sûr de vous que finalement c’est vous qui vous voyez le monstre et qui vous excusez ! « A la bonne heure ! » s’écrie le bourreau plein de sang ! Le Dom a réussi, il vous a détruit de l’intérieur !

    Le Dom nie votre existence ! Il ne veut pas entendre parler ! Si vous ne lui êtes pas soumis, vous êtes le paria ! Le Dom ne conçoit pas la différence, elle lui échappe complètement ! Il est le roi ou la reine uniques de son royaume ! Cependant, le Dom ne se croit pas seul, mais il l’est ! C’est son pouvoir sur les autres qui lui masque cette réalité ! Mais, enfin, le Dom meurt… et il se présente devant Dieu !

    Là encore, le Dom s’attend à être servi ! C’est que le Dom n’a aucune idée de ce qu’est Dieu ! Dieu est infini et donc forcément différence ! Or, le Dom ne connaît que le Dom ! Son univers s’est limité à son nombril ! Et, quand il voit enfin Dieu, il reçoit un choc tel qu’il en est pulvérisé ! Ainsi le cosmos retrouve son calme, sa magnificence, sans souvenir du Dom !

                                                                                                          69

    Le Dom est dans son monde ! Il vous y accueille plus ou moins bien, voire pas du tout ! La découverte de l’autre pour le Dom est un effarement ! C’est pourquoi il n’a pas de prévenances ! Il ne se met pas à la place de l’autre ! Il ne lui facilite pas la vie ! Car il ne le voit pas ! Le Dom n’est pas éclairé de l’intérieur ! Il ignore l’évolution de l’autre, il n’a aucun sens large de la vie ! Seule le concerne sa petite personne ! Or, il est bon de contempler la nature humaine, comme un champ de fleurs : il y en a de toutes les couleurs, de tous les parfums, de toutes les tailles et chacune est à son stade de progression ! Heureux celui qui a les yeux pour voir cela !

    Le Dom voit volontiers l’autre comme un ennemi, une menace ! C’est son orgueil, sa domination qui veut ça ! Le Dom est inquiet ! Faute de connaître la lumière, il suspecte les autres ! On peut le tromper, le manipuler, ou pire le moquer ! Le Dom vit dans la hantise d’être trahi ! d’où son besoin de tout contrôler !

    Le Dom vous attire dans son monde de turpitudes ! Il essaie de faire en sorte que vous dépendiez de lui ! Il ne peut pas vivre tout seul et il vous blesse, alors que c’est lui qui a tout à apprendre ! Rappelons-le, le Dom ne sait pas tenir sur ses jambes, d’où ses ennemis, ses angoisses, etc. !

    Le Dom est fatigant ! Haineux, il vous rend responsable de son malheur ! Il vous fait douter de vous-même, ce qui arrive si vous êtes fragile ! Il vous coiffe de sa petitesse, pour se plaindre essentiellement ! N’oubliez pas que le Dom croit que le monde tourne autour de lui !

    Ne cédez pas au Dom ! Respectez-vous ! Pensez à votre santé ! C’est le Dom qui doit changer, pas vous ! Soyez ferme sur vos connaissances ! Le Dom sera tentateur, il vous fera croire mille calembredaines ! Son tourment essaiera de réactiver vos névroses, vos propres doutes ! Tout le travail d’une vie vous servira ! Vous serez comme le rocher paisible devant le Dom ! Ses peurs seront inefficaces contre vous ! Vous rirez de ses plaintes, car vous connaissez l’origine de son malheur ! Ce n’est pas ses conditions de travail, ou les étrangers ou les capitalistes, c’est que le Dom ne cherche pas, ne s’offre pas à la lumière, à laquelle il préfère son orgueil ! Si le Dom « se quittait », pour aimer la lumière, il déposerait là son fardeau, et rayonnerait soulagé, espérant de nouveau ! Le reste, c’est du blabla !

    Heureux celui qui est dans la lumière : son destin est sans limites et la paix est sur lui !

    C’est le Dom qui rend le monde inquiétant ! absurde ! Quoi ? Le ciel bleu est tourmenté ? Les oiseaux ne chantent plus ? Non, la paix de Dieu est ineffable, indestructible ! Le Dom colporte son stress ! Il vous le transmet ! Il est plein de mensonges, toujours en attente de reprendre sa supériorité, de faire valoir son mépris ! Le chemin de la lumière lui est fermé ! Le chemin de l’amour lui est invisible ! Heureux celui qui donne par amour, qui renonce par amour ! celui qui prouve qu’il aime par son don ! Son renoncement est une preuve d’amour ! Comment aimer si on ne confie pas ! Comment aimer en se préservant ? Comment aimer en défendant ses intérêts becs et ongles ?

    Celui qui renonce pour la lumière reçoit de la lumière, plus qu’il a donné et est bientôt dans l’étonnement, car l’infini de Dieu lui apparaît ! Une telle grandeur laisse sans voix ! Une telle majesté, une telle tranquillité, une telle paix provoque l’admiration ! Le chant de gloire monte aux lèvres !

    Le Dom, lui, reste en prison ! Il ne veut pas en perdre une miette ! ni une occasion de mépriser ! C’est la vie grise du Dom ! Avec sa peur de perdre, le Dom en effet demeure dans les tourments ! Il traîne son boulet ! Il compte ses sous ! Il tient ses comptes ! Qui a-t-il baisé dernièrement ! Lequel il a mouché déjà ? Voilà ses satisfactions, celles de la domination ! Il ne comprend pas la lumière, ni la foi, car beaucoup de Doms sont religieux et ne connaissent ni la lumière, ni la foi !

    Que connaissent-ils alors ? Des préceptes ! Ils sont fiers de leur étiquette ! Mais ils n’aiment pas Dieu ! C’est pourquoi eux aussi détestent la différence ! Eux aussi font les comptes ! Eux aussi demandent dans quel camp on est et si on porte la bonne étiquette ! Eux aussi sont prompts à se venger, à dominer, à juger ! Eux aussi sont comme les Doms qui ne croient pas ! Eux aussi ont leurs ennemis, ceux qui ne croient pas ! Que connaissent-ils de la douceur de Dieu ? Que confient-ils ? Que remettent-ils à Dieu ? Ils ont le cœur sec, ils sont pleins de fureur, au nom de Dieu ! Eux ne savent pas aimer, en renonçant !

    L’enfant se confie ! Il ne voit pas malice ! S’il existe, c’est parce que Dieu l’aime ! Ainsi raisonne l’enfant ! Les inquiétudes des adultes lui apparaissent étrangères et plus tard mensongères ! L’enfant est sans malice dans la lumière ! Il salue le criquet, entend l’oiseau, il est un cœur offert ! Les Doms ont l’air sales et agités à côté !

                                                                                                      70

    Le Dom est une petite île égoïste, qui attend tranquillement qu’on vienne l’enchanter ! Sur cette île, le Dom a tous les droits, y compris celui de se mettre en colère et de mépriser ! N’existe-t-il pas un monde de souffrances autour ? Non, le Dom a des droits ! Après tout il est né ! Et il doit aussi travailler pour vivre et c’est beaucoup lui demander !

    Quand vous abordez le rivage de la petite île du Dom, tout est froid ! Il n’y a personne ! C’est désert ! Cette île est-elle habitée ! Donne-t-elle des fruits, qui pourraient vous faire du bien ? Il est impossible de se renseigner, car il n’y a aucun signe de vie !

    Vous avez peut-être soif ? Vous êtes peut-être un naufragé, qui, après avoir traversé l’étendue liquide, sur une planche de bois, a besoin de se restaurer, d’être réchauffé par la chaleur humaine ? Vous avez été témoin d’une catastrophe maritime, vous avez vu des centaines de corps s’enfoncer dans les flots, des femmes et des enfants crier ou bien vous savez que des cales sont remplies d’esclaves, soumis aux pires souffrances ?

    Peu importe, car rien ne bouge ! Toujours le silence parmi les palmiers ! Cette île est peut-être en définitive hostile ? Soudain, vous avez une idée : vous sortez de vos poches des verroteries, des colliers de perles en particulier et vous criez : « Pour qui sont ces bijoux, qui étincellent au soleil ? Pour qui sont ces merveilles ? » Et les voilà qui sortent du bois, hilares, bruyants, enfantins, sympathiques ! Les indigènes vous entourent subitement et ils vous font fêtes, alors que vous leur distribuez vos cadeaux ! C’est ça, la clé du Dom ! Tant que vous ne parlez pas de lui et qu’il ne se sent pas le centre d’intérêt, le rivage est désert et peu importe votre état et celui du monde !

    Le plus curieux, c’est que le Dom trouve normal vos cadeaux et votre attention pour lui, alors que la même idée à votre égard ne lui viendrait même pas à l’esprit ! Les indigènes, qui rient de vos présents, se trouvent éminemment sympathiques, en les prenant ! Ils ont l’impression de donner à leur tour, d’être généreux eux-mêmes, tellement ils ont d’estime pour leur personne ! Pourquoi le Dom n’a-t-il pas la même démarche que vous, celle de s’intéresser aux autres, d’être guidé par la soif de connaître lui et la planète ? Pourquoi n’est-il pas pauvre à cause du doute ? Comment peut-il prendre au sérieux sa haine ? Voilà bien encore pour vous une source de réflexions !

    Pour commencer, vous pouvez vous dire que le Dom a des circonstances atténuantes, car la misère humaine n’a pas de limites ! Certains en effet sont petits, gros, malades, disjoints, trop grands, etc. ! Et puis, il y a le système, la nécessite de gagner sa vie, qui broie, use, aveugle, trompe, disperse, réduit à néant et tant d’autres horreurs ! Mais pourquoi alors le Dom ne pense pas : « Il y a pire que moi ! Je ne suis pas le nombril du monde ! Quel sens pourrais-je donner à ma vie ? S’il y a une vérité, je dois la chercher avec obstination, courage ! On raconte des histoires sur des saints, qui ont traversé des enfers, des cercles de feu ! Comme c’est palpitant ! Moi aussi, je veux être du côté des héros ! J’en ai l’étoffe ! »

    Non, le Dom ne fait pas ce raisonnement ! On l’a privé d’électricité en 48, ou on a oublié sa bouteille de lait une fois, et ça ne passe pas ! C’est inscrit dans son grand livre de comptes, page 2 222 244 455, et vous découvrez effaré toute une collection de volumes ! Dans ces conditions, comment le Dom pourrait s’intéresser à un autre que lui ! Évidemment, pas question non plus, que vous lui racontiez votre propre aventure ! comment vous avez subi mille tempêtes ! comment vous savez qu’au-delà des mers il y a des populations absolument étranges et qui sont déjà heureuses d’avoir de l’eau claire ! comment une fois, pour survire, vous avez rongé du bois, dans la nuit plus totale, en compagnie des rats ! Non, vos exploits n’intéressent personne ! Car plus vous représenterez au Dom un univers qui lui est étranger et dont il n’est pas le centre, et plus vous verrez son visage se fermer et la colère le gagner ! Vous abusez de son temps et il vaut mieux maintenant remballer vos affaires, refermer vos coffres pleins de pacotilles et regagner au plus vite votre rafiot pourri, avant que la tempête n’éclate et que les indigènes ne cèdent à la fureur, pour vous passer à la broche !

    Afin d’éviter ce départ précipité et par souci d’urbanité, vous continuez donc à flatter le Dom, comme s’il était un sujet inépuisable de conversation, et les indigènes de l’île se saisissent toujours de vos cadeaux, en s’esclaffant, ravis ! Mais ne croyez pas en être quitte pour autant ! Car le Dom vit pour sa fierté ! Même s’il accepte vos présents, il tient à vous rappeler qu’il vous est supérieur ! Il cherche donc une occasion pour vous blesser, ce qui vous montrera son mépris ! Alors que vous souriez encore, en offrant un énième collier de perles, un indigène brusquement vous fait une belle estafilade avec un couteau ! Ah ! Ah ! La bonne plaisanterie ! Car l’ambiance n’a pas changé, comme si personne ne s’était rendu compte de rien ! Dans ces conditions, pourquoi faire de l’embarras, au risque de créer un incident diplomatique ? Vous aussi, malgré votre sang qui coule, vous regardez dans les yeux le Dom qui semble aux anges ! Il vous a rappelé qui est le maître ! Sacré Dom ! Et il pourrait apprendre quelque chose ?

  • Les Doms (62-65)

    R42

     

     

         "Je m'appelle maintenant Hémoglobinsky!"

                                      The Green Hornet

     

                                   62

    Le docteur Cool et Paschic continuent à s’entraîner, pour maîtriser la lumière… « Je la sens tout autour de moi ! fait Cool. C’est fantastique !

    _ Bien, rappelez-vous : plus vous renoncerez par amour, plus vous aurez confiance, plus vous serez heureuse et plus la lumière en vous sera puissante !

    _ Ma vie a enfin un sens !

    _ Et quel sens ! C’est sans limites, vous verrez ! Mais la lumière ne peut pas vous envahir brusquement, sans le risque de vous détruire, à cause de vos névroses !

    _ Ah bon, je suis névrosée ?

    _ Comme tout le monde ! Nous avons tous des blessures, qui nous fragilisent ! Si vous n’apprenez pas à les refermer, la lumière se retournera contre vous et pourra vous faire beaucoup de mal ! Comprenez qu’un renoncement excessif vous met en danger ! L’amour lui-même doit être apaisé, équilibré, afin qu’il soit chantant et triomphant !

    _ Mais comment on fait alors ?

    _ C’est une association avec la lumière, une lente progression ! Ce n’est pas facile évidemment, d’autant que les autres ne vont pas vous aider ! La peur que suscite la différence va vous ronger ! L’insécurité matérielle, qui est aussi un des fruits du renoncement, rebute forcément le plus grand nombre !

    _ L’insécurité matérielle… ?

    _ Comment voulez-vous prouver votre confiance, si vous ne craignez rien ? Votre amour sera d’autant plus fort qu’il prend des risques ! Il ne s’agit pas bien entendu de faire n’importe quoi, mais de ne jamais perdre le but, de tendre incessamment vers lui, avec la paix, la compréhension et la joie pour récompenses !

    _ D’acc…

    _ Mais je reviens sur les névroses… La lumière doit peu à peu cicatriser votre cerveau ! C’est elle qui va vous montrer vos blessures et combien elles peuvent être innombrables ! Je le répète, le risque de vous faire du mal est grand ! La passion est un feu que vous maîtriserez seulement à maturité !

    _ Vous me faites peur maintenant…

    _ Tranquillisez-vous… Rien ne vous comblera comme vos victoires ! Rien ne pourra plus troubler votre paix, ni votre don, ni votre force ! L’infini sera en vous ! Mais c’est aussi un chemin de solitude, car, comme je l’ai dit, vous êtes en route vers la différence ! Vous allez vous apercevoir combien les Doms sont fous et perdus ! combien il y a de pensées diverses, tronquées, fausses et haineuses ! Beaucoup se réclament de la lumière et n’ont rien à voir avec elle !

    _ Je suis impatiente, vous savez !

    _ Venez, nous allons essayer votre nouveau regard dans la rue ! Votre lumière va éclairer les Doms et vous observerez leur réaction ! »

    Dehors, Cool et Paschic avancent lentement… « C’est incroyable ! s’écrie Cool. Ils se cachent ! Ils se dérobent ! Ils ont peur de ma lumière !

    _ En effet, votre éclat les gêne !

    _ Mais qu’est-ce que ça veut dire ?

    _ Mais qu’ils n’aiment pas la lumière, qu’ils n’en veulent pas !

    _ Mais alors que peuvent-ils espérer ?

    _ Les choses ne sont pas aussi simples… Ceux qui vous évitent n’ont pas une position bien définie… Ils sont un mélange de peur et de domination ! Ils sentent bien que quelque chose leur manque, mais la peur les ramène à leur domination ! Ils ne veulent pas franchir le pas !

    _ Il y en a d’autres, par contre, qui me défient, qui me font voir toute leur haine ! Brrrr !

    _ Oui, ce sont les durs ! Ceux-là sont résolument hostiles à la lumière ! Ils sont entièrement voués à leur domination, ne jurent que par elle et s’ils pouvaient vous détruire sur le champ, ils le feraient sans hésiter ! Leur haine vient de ce que votre lumière menace leur supériorité et les renvoie donc à leur peur !

    _ Mais est-ce que ça ne veut pas dire qu’ils sont plus forts que la lumière, ce qui voudrait dire qu’il n’y a pas au fond de vérité ?

    _ C’est effectivement ce qu’on pourrait conclure en apparence… Mais je vous demande d’être encore plus attentive ! Vous allez observer ce qui passe en une seconde, quand votre regard croise le leur !

    _ Ils clignent des yeux !

    _ Exactement ! Ils ne peuvent pas s’en empêcher, car votre éclat les perce ! Mais ils se reprennent aussitôt et vous défient, l’air de dire qu’ils sont complètement insensibles à votre lumière et qu’ils en sont même supérieurs ! N’insistez pas ! Ils ont été déjà vaincus dans leur battement de paupières ! Inutile de vouloir le signifier à tout prix ! Laissez-leur fierté, car ce ne sont pas des gentils ! Ils pourraient vraiment vous agresser !

    _ Oh ! Là, là ! Qu’est-ce que je m’amuse ! »

                                                                                                          63

    « Le Dom a des techniques d’évitement très précises, face à la lumière, nous allons en parler… Mais encore une fois, il ne s’agit pas de vaincre le Dom, de faire comme lui, d’assurer sa propre domination ! Il n’y a aucune haine, ni désir de puissance dans la lumière… Elle existe, elle brille, c’est tout ! A mesure qu’elle vous envahit, vous ne pourrez pas empêcher son éclat !

    _ Très bien ! Mais vous parlez de techniques d’évitement… Cela veut-il dire que le Dom a appris à lutter contre la lumière ?

    _ Ce n’est pas tout à fait ça, car le Dom ignore au fond ce qu’est la lumière… Je pense plutôt qu’il a développé des techniques contre tout ce qui pourrait lire en lui et le menacer… Il obéit à un réflexe d’origine animale… Mais je vais être beaucoup plus clair, en vous donnant un exemple… L’une des techniques d’évitement les plus simples, face à la lumière, c’est de dévier celle-ci !

    _ C’est possible ça ?

    _ Oui, vous avez des leurres ! Le Dom peut très bien concentrer votre attention sur sa montre, un bijou, ou sur l’arête de son nez, le lobe de son oreille ! C’est une technique qu’il a mis en place depuis longtemps ! C’est surprenant, mais vous qui êtes une femme, vous savez comment attirer le regard sur la partie de votre corps qui vous avantage ! Le Dom ne pratique pas autrement ! Ainsi la lumière est détournée, se fixe en un point où elle n’a rien à apprendre ! Le Dom est sauvé, si je puis dire, la lumière n’a pu le sonder ! Mais encore une fois, j’insiste là-dessus, la lumière ne veut rien, sinon se poser, être ! Elle ne demande pas de comptes !

    _ C’est passionnant !

    _ Oui, d’autant que les techniques d’évitement sont aussi diverses qu’il y a d’individus ! Vous avez encore le froncement de sourcils !

    _ Qu’est-ce que c’est ?

    _ Le Dom gonfle un sourcil, comme un petit mur, ce qui suffit à arrêter la lumière ! Cependant, inutile de vous dire que chaque petit stratagème révèle qu’on craint la lumière, qu’on ne la désire pas, car on cache quelque chose ! On vit dans un faux équilibre, sur une ambiguïté ! A l’intérieur, on est trouble, incertain ! On a des plaisirs, en faisant taire des voix contraires, ce qui n’est pas une situation paisible, épanouissante ! Pourquoi ne pas viser le jackpot, le bonheur complet ? S’il y a une vérité, pourquoi ne pas la chercher ?

    _ Oui, pourquoi ?

    _ Par peur essentiellement ! Le Dom croit qu’en faisant confiance à la lumière, il perdra tout ! Il préfère alors sa condition bancale, où tout n’est pas mis sur la table, ce qui conduit à se protéger de la lumière !

    _ Ce n’est pas une vie !

    _ Non, mais la plupart s’en accommodent, grâce à leur haine… De toute façon, tout un monde va se révéler sous vos yeux, car toute notre attitude parle et comment pourrait-il en être autrement ? Qui sait ce qu’il faut faire ? Personne n’a de réponses ! Il y a les lois évidemment, mais ce n’est pas suffisant ! Nous sommes donc tous un mélange de peur et d’assurance ! Nous avons tous nos angoisses et nos questionnements et ils se reflètent à travers nos comportements ! Bientôt, vous verrez pourquoi certains se tiennent au milieu de la rue, en petits groupes et fièrement, comme s’ils commandaient ! Ceux qui parlent fort n’auront plus de secrets pour vous ! Vous lirez telles mimiques, telles grimaces ! Vous serez stupéfaite par le dégoût de quelques uns, qui considèrent qu’on leur doit tout !

    _ On dirait que vous décrivez un théâtre…

    _ C’en est un, mais avec des acteurs et des actrices qui s’ignorent ! Et puis bien sûr, il y a les durs ! Ceux-là nient la lumière ! Il sont sans amour, derrière le mur du mépris ! Parmi eux, on peut trouver bien des psys ou des médecins !

    _ Vraiment ? J’aurais plutôt cru ces personnes dévouées…

    _ Jusqu’à un certain point sans doute, mais il s’agit d’aller bien au-delà des apparences, n’est-ce pas ? Certains, persuadés de n’être guidés que par la science ou la raison, vous regarderont avec des yeux écarquillés, comme s’ils étaient pleins phares ! C’est une manière pour dire que la lumière, c’est eux, et qu’ils en ont à revendre, quitte à vous engloutir !

    _ Je vous sens sensible à ce sujet…

    _ C’est que le mensonge entraîne le malheur, la misère ! »

                                                                                                       64

    « La lumière, c’est la vie ! reprend Paschic. Elle s’offre, elle pousse ! Elle rayonne en toute personne qui l’accepte et l’aime ! Elle est un don permanent ! Regardez la fleur… Elle brille d’un éclat incomparable ! Même le pissenlit est une œuvre d’art ! C’est un petit soleil, qui va se transformer en un nuage de semences ! Si vous doutez et êtes en proie à l’angoisse, n’hésitez pas à observer la nature, à la contempler ! Ne réfléchissez plus, ne demandez plus, ne vous impatientez plus ! Laisser aller votre désarroi, votre tristesse… Confiez-vous à l’attente ! La nature possède le temps de la lumière et ce n’est pas évidemment le vôtre ! Nous sommes fragiles, inquiets ! Nous sommes tout petits, avec la possibilité de penser ! C’est un destin passionnant, mais qui pèse lourd ! Regardez les nuages... Leur marche lente, paisible, doit pouvoir aussi vous calmer… ou au contraire leur course folle a de quoi vous enthousiasmer, vous galvaniser !

    _ Le problème, c’est qu’ici la nature, on la voit pas beaucoup !

    _ C’est exact… Dans les grandes villes, les individus ne sont concernés que par leur passion et c’est ce qui les rend violents ! Ils finissent par prendre au sérieux leurs haines ! Ils restent malheureux ! Il est toujours possible de refouler la lumière, c’est notre liberté ! Nous luttons contre elle, par peur essentiellement, comme je vous l’ai dit et nous nous réfugions dans toujours plus de domination ! Nous devenons des tyrans pour les autres ! Nous les méprisons et nous nous réjouissons de les supplanter ! Nous créons un monde dur, dont nous croyons les politiques responsables ! Que nous nous changions d’abord nous-mêmes ?

    _ Mais il est toujours plus facile d’accuser l’autre !

    _ En effet… Plus vous serez remplie par la lumière et plus vous verrez comme chacun la retient en lui, l’étouffe, essaie de la tuer ! La haine rassure plus que la lumière ! Elle est moins étrange, moins contraignante pour l’ego ! Heureux l’enfant émerveillé, qui recueille la beauté et la lumière ! Il comprend le miracle et s’étonne d’autant plus du comportement des Doms ! Pourquoi les Doms s’énervent-ils autant ? Pourquoi sont-ils si inquiets ? N’ont-ils pas à manger ? Pourquoi se ne libèrent-ils pas du boulet de leur domination ? Ne voient-ils pas comme leur impatience, leur égoïsme les tiennent en esclavage ? La lumière est la joie de l’eau, la paix du ciel, le travail de la fourmi, l’agilité du serpent ! Il n’y a pas de lumière sans admiration, sans enchantement ! Il n’y a pas d’amour sans innocence ! C’est l’enfant qui est nous qui s’amuse et se confie dans la lumière ! Le monde autour est fait de morts pleins de fureur !

    _ Vous me redonnez de l’espoir… et c’est sans prix !

    _ Évidemment et le pire dans tout ça, c’est que nous sommes tous assoiffés ! Nous sommes tous à la recherche de la lumière ! Nous voulons tous nous épanouir et être heureux ! Nous désirons tous un absolu ! Pourquoi ? Mais parce que toute la nature nous inspire, en nous disant qu’il y a plus beau et plus grand que nous ! Nous le comprenons, le sentons, même si ce n’est pas clairement ! Nous voulons dépasser nos limites, face à la mer ou la montagne qui nous défient ! Le feu nous subjugue et l’enfant qui naît nous illumine ! Nous rêvons de réussites, d’exploits ! La domination chante d’abord en nous ! Mais les désillusions viennent… Nous sommes blessés, nous nous jugeons trahis, amers ! L’autre nous écrase, nous ment ! Nous sommes perdus et devenons méchants ! Nous traitons comme nous avons été traités ! Nous avons égaré la clé ! L’enfant qui rêvait n’est plus ! Nous aussi savons jouer du couteau, puisqu’il faut se défendre ! Nous aussi savons donner des coups, puisqu’on en reçoit ! Heureux celui qui aime encore et qui va se réjouir du papillon ou du pollen qui volent ! La nature continue d’enseigner ! Elle forme à la confiance, à la paix, au don, à la gratuité, car sa splendeur est gratuite ! Sa beauté n’a pas besoin d’être semée, elle éclate partout ! Devant ce spectacle, la domination peu à peu disparaît ! Elle n’est plus utile et elle laisse la place à un mystère, qui ne cesse de grandir et qui s’appelle amour ! La joie ne vient plus de supplanter l’autre, mais de l’aimer, car on est heureux soi-même! On devient aussi un mystère pour l’autre, qui se demande comment fait-il, qui est-il ? Et on est surpris de voir combien la lumière reste méprisée, crainte ! Mais le Dom croit qu’il est mâture quand il hait ! Il se croit lucide sans illusions ! Il ne veut pas de miracles ! Il s’acharne dans le trouble ! Il rit de l’enfant ! Il le rejette ! Il est sérieux quand il méprise ! L’oiseau qui plane l’indiffère ! Le soleil l’ennui ! Il ne voit pas le nuage ! L’eau ne lui dit rien ! Il veut sentir son ego et le fracas des armes ! Il veut commander, éprouver son pouvoir ! Il pleure et dit la lune indifférente ! Il se plaint parmi l’or de champs ! Il trouve le monde triste, devant la magnificence des neiges ! Il est en colère, alors que le lapin trottine ! Il donne des leçons à la beauté infinie de l’Univers ! »

                                                                                                           65

    « Vous savez, Paschic, je suis fatigué ! dit Cool. Tout ce que vous m’avez appris est passionnant, mais en même temps désespérant ! Je suis maintenant effarée par le comportement des autres, par leur haine, leur égoïsme surtout !

    _ Évidemment, plus on est sensible et plus l’injustice, la bêtise deviennent visibles et révoltent ! Mais observez bien et vous verrez que le Dom peut toujours aller dans le sens du bien ! Certains vont vous surprendre, en disant mieux les choses que vous !

    _ Sans doute…, mais je ressens une sort de vide... Au fond, je crois que j’ai peur ! Avant de vous rencontrer, j’avais quand même une belle sécurité, celle de la famille ! Certes, je ne voyais pas le mal et je le faisais moi-même, mais j’ai l’impression d’être seule à présent… et cela m’effraie et me donne froid !

    _ Je comprends, même si vous n’êtes pas seule, puisque la lumière à présent vous accompagne ! Vous savez, beaucoup, pour ne pas être seuls, exercent justement leur domination, leur tyrannie, et deviennent même violents, quand on veut leur échapper !

    _ Mais pourquoi si peu se tournent vers la lumière ? »

    A cet instant, Paschic crée de la nature autour de Cool, qui se retrouve soudain sur… un voilier ! « Mais qu’est-ce… ? s’écrie Cool. Oh ! Paschic, nous voilà en mer !

    _ Oui, ça vous plaît ?

    _ Mais, mais je ne sais pas naviguer !

    _ Je vais vous apprendre ! Vous allez prendre la barre… Voilà, passer derrière moi… Attention, ça bouge ! C’est un tout autre univers !

    _ Ouh ! J’ai failli passer à la baille ! Alors, comment on fait ?

    _ La maniement de la barre est simple… Vous poussez la barre, on va à droite ! Vous tirez dessus et on va à gauche !

    _ OK ! Mais où on va ?

    _ Devant vous, il y a ce qu’on appelle un compas…, avec des degrés ! Pour l’instant, on fait route au 250… Vous voyez ?

    _ Très bien !

    _ Bon, essayez de maintenir le cap, comme on dit ! Sentez le bateau ! Détendez-vous sur votre banc… Imprégnez-vous des éléments !

    _ C’est incroyable ! Quel dépaysement ! Merci, Paschic. Oh là, je suis partie de travers ! On est au 230 maintenant !

    _ Revenez au 250, mais ne ne gardez pas les yeux sur le compas… Vous allez apprendre à naviguer en observant le bateau… Regardez vers l’étrave, que voyez-vous ?

    _ L’étrave ?

    _ L’avant ! Qu’est-ce qu’il y a là-bas ?

    _ Des paquets de mer qui giclent !

    _ C’est cela ! Sentez comme le voilier taille sa route !

    _ C’est une lutte !

    _ Oui, c’en est une ! Regardez maintenant la grande voile d’avant, qui s’appelle un génois… Que fait-elle ?

    _ Elle est tendue, elle frissonne !

    _ Elle travaille aussi ! En fait, tout le bateau travaille, pour ouvrir sa route, avec votre aide à la barre !

    _ Ah ! Ah ! On vient de prendre un sacré paquet de mer !

    _ Oui, sentez le vent ! On est un peu comme le goéland qui plane au-dessus des villes !

    _ C’est la liberté !

    _ La force !

    _ L’énergie, Paschic ! Bon sang, c’est phénoménal !

    _ Toute la force de l’océan entre en vous ! Toute sa démesure, sa sauvagerie infinie !

    _ J’ai l’impression d’être plus jeune !

    _ N’est-ce pas qu’il est brave ce bateau ? Regardez comment il attaque la vague, puis la suivante et encore la suivante !

    _ Ouh là ! Faut que j’ fasse attention à la barre !

    _ Allez, je vais vous apprendre à prendre un ris ! à diminuer la toile !

    _ Ah bon ?

    _ Oui, levez-vous… Vous allez rigoler !

    _ Et je vais où ?

    _ Direction le mât ! je vous guide ! Ne vous occupez pas de la barre, je la prends ! Eh ! Mais qu’est-ce que vous avez à tituber comme ça ? On dirait une ivrogne !

    _ C’est qu’ ça bouge !

    _ Ah ! Ah ! Bon, vous êtes au pied du mât ? OK, défaites le nœud qui est devant vous… et tirez la voile vers le bas ! Du nerf, bon sang !

    _ C’est dur ! Je vous déteste, Paschic ! Homph ! Non, en fait, je vous adore ! Je n’ai jamais été aussi heureuse de ma vie ! »

  • Les Doms (53-57)

    R40

     

     

                   "Je suis sûr qu'on peut se télétransporter dans la distorsion!"

                                                                 Star Trek

     

     

                                                       53

    Un échange est organisé avec Ganymir, en présence de la Machine et du gouvernement, mais Paschic et Cool sont aussi invités ! C’est assez informel, car on boit et on mange, quoique Ganymir soit le centre d’intérêt et attire toute l’attention ! Il est aidé en cela par Lapsie, qui protège son « champion » et dont elle loue le génie ! Cool et Paschic s’approchent, flûtes en main, pour mieux écouter le prophète, qui dit : « Il n’y a pas de vérités universelles ! J’appelle cela le Relativisme ! On dit que le régime de la Machine n’est pas démocratique, mais qu’est-ce que la démocratie, qu’est-ce que la liberté ? Ne faut-il pas de l’ordre, des valeurs pour être heureux ? Et moi, je vous dis que la Machine est notre mère à tous et qu’elle veille à notre bien-être ! Les Doms ont une mission civilisatrice ! Ils doivent apporter la lumière dans le monde ! »

    On applaudit ces propos, on se réjouit de se sentir les plus forts ! Paschic prend la parole : « Je crois comprendre que vous prônez la puissance, le pouvoir, qui s’opposent naturellement à la liberté individuelle, à la tolérance et même à l’amour ! Et c’est pourquoi, sans doute, vous inventez le Relativisme, vous niez les valeurs universelles, car elles gênent vos ambitions !

    _ Vous êtes Paschic, n’est-ce pas ? L’homme qui parle aux arbres, celui que certains appellent le Réparateur, hi ! hi ! Mais, cher monsieur, on ne fait pas de la politique avec de la poésie ! Il faut être réaliste ! Maintenir toute une population demande de la poigne !

    _ Vous voulez dire que conserver le pouvoir est ennemi de la démocratie !

    _ Mais les gens n’ont pas besoin de penser ! Du moment qu’ils sont chauffés et nourris, que peuvent-ils souhaiter de plus ? C’est à nous, l’élite, que revient la lourde tâche de prendre des décisions !

    _ Ah bon ? La pitié, la compassion ne vous touchent pas ?

    _ Pour qui me prenez-vous ? pour un monstre ? Moi aussi, je suis sensible ! Mais il n’y a pas de véritables libertés sans ordre, sans valeur morales ! Qu’est-ce que vous voulez ? Le chaos, le grand n’importe quoi ?

    _ Je peux déjà vous énoncer une vérité universelle, puisqu’elle vient du règne animal ! Plus nous avons peur et plus nous avons le réflexe de dominer ! Autrement dit, plus nous avons peur et plus nous voulons diriger et supprimer toute opposition, toute différence ! Plus nous avons peur et plus la démocratie nous dégoûte !

    _ Ah ! Ah ! Mais, cher monsieur, je n’ai pas peur !

    _ Oh ! Mais si, vous avez peur, car nous avons tous peur et nous sommes tous très petits ! C’est le pouvoir qui nous donne l’illusion du contraire ! C’est lui qui nous aveugle et qui nous rend haineux, quand il est menacé ! Car alors la peur refait son apparition...

    _ Bien, je vois que vous voulez à tout prix avoir raison ! Il nous faut donc vous laisser parler ! Et donc quelles seraient les solutions pour l’avenir selon vous ?

    _ Eh bien, il nous faut déjà trouver un autre remède à la peur que celui de la domination ! Sinon, nous entrerons dans une ultime guerre, qui anéantira la planète ! Mais, comment guérir de sa peur sans le pouvoir ? Voilà la question !

    _ Mon Dieu, comme vous êtes sérieux ! coupe Lapsie. Ne pouvez-vous pas faire comme nous… et vous réjouir du moment ?

    _ C’est vrai, je ne suis pas chic…

    _ Vous nous avez posé une question, reprend Ganymir, mais vous-même n’y avez pas répondu !

    _ Je ne peux pas tout vous mâcher… Je vous demande seulement de réfléchir au rapport domination et peur… et voir combien il est préjudiciable…

    _ Monsieur est trop bon ! se gausse Ganymir. Et moi, je vous dis que la force est la solution ! Nous, les Doms, devons êtres fiers de ce que nous sommes ! Le Dom, un jour, dirigera le monde ! Nous serons un exemple pour tous ! Et la nature, dehors, n’aura qu’à bien se tenir !

    _ Et moi, je vous dis qu’on ne guérira pas de la peur, par une surenchère de force ! Il est d’abord nécessaire de se débarrasser de sa propre peur… et il est vain de croire y arriver sans spiritualité !

    _ Et allez donc ! Revoilà les bondieuseries ! coupe de nouveau Lapsie.

    _ Seriez-vous un intégriste ? demande Ganymir à Paschic.

    _ Comme je vous l’ai dit, je suis un ennemi de la domination ! Je n’impose donc rien ! Mais c’est pouvoir s’offrir qui sauvera le monde ! C’est en aimant l’autre malgré sa différence qu’on le rassure et qu’on le fait grandir ! Mais, encore une fois, cela n’est possible que si soi-même on n’a plus besoin de dominer !

    _ Pff ! Les mystiques n’ont rien à faire en politique !

    _ Le réchauffement climatique ne sera pas réglé par une lutte entre les pouvoirs ! Le destin de l’humanité est le développement de la conscience individuelle ! Notre avenir, c’est la fin de l’égoïsme ! »

                                                                                                         54

    « Qu’est-ce qu’il est barbant, ce Paschic ! dit Lapsie à Ganymir, une fois que tous les deux se retrouvent dans l’appartement de la première.

    _ Bah ! C’est un perdant ! Et il le sait !

    _ C’est pire que ça ! C’est un d’ ces narcissiques, qui jugent le monde et ne savent pas s’adapter !

    _ Ses frustrations sont en effet évidentes ! Un dernier verre ?

    _ Oui, volontiers… Tu trouveras tout ce qu’il faut dans le bar là-bas… Tu sais, c’est le genre de gars qui, quand ils sont jeunes, se tiennent sur la touche, en regardant les autres s’amuser ! On dirait qu’ils boudent et ils se jurent alors qu’il se vengeront un jour, du peu d’intérêt qu’ils suscitent !

    _ Ils veulent mettre les autres aux pas, pour se faire aimer !

    _ Exactement ! Ils donnent des dictateurs, des fanatiques !

    _ Alors qu’il leur suffirait de s’ouvrir aux joies du sexe !

    _ Ah ! Ah ! Je te vois venir !

    _ Et ?

    _ Eh bien, viens m’embrasser ! »

    Plus tard, quand les corps sont apaisés et couchés, Ganymir a un étrange rêve ! Il sent qu’il y a une vive lumière à ses pieds et que celle-ci monte en lui ! Comme il en a peur, il essaie de la fuir, en fermant des portes, mais à chaque fois la lumière les fait exploser et les traverse ! Finalement, au moment même où il sent qu’il va être rejoint et envahi, il se réveille brusquement, en sueur, ce qui provoque le réveil de Lapsie !

    «  Qu’est-ce qu’il y a ? demande-t-elle. Tu es tout en nage !

    _ Un cauchemar ! J’ai fait un affreux cauchemar !

    _ Mon pauvre chéri ! Viens par ici… Là, ce n’est rien, rendors-toi…

    _ Tu sais, ça a à voir avec ce… Paschic ! Je ne sais pas pourquoi, mais je le sens ! Il est dangereux, ce type !

    _ Je sais… Il pose un problème… Mais il est connu… On l’aime et on ne peut pas le supprimer comme ça !

    _ Bien sûr, mais on pourrait le discréditer ! Tes services sont là pour ça, non ? Est-ce qu’il paye bien ses impôts ? On pourrait lui reprocher de frauder le fisc, augmenter toujours les arriérés, de sorte qu’il aille en prison ?

    _ Ça ne convient pas pour le personnage… Il serait chef d’entreprise, ce serait en en effet la solution, mais là… On attaque pas un idéaliste, avec des histoires d’argent…

    _ Bon, si tu le dis... Alors, accusons ses mœurs ! Trempons-le dans une affaire de pédophilie ! Hein ? Rien de tel pour choquer les gens !

    _ Évidemment, sa réputation en prendrait un coup ! Mais je voudrais que son cas puisse faire avancer notre politique !

    _ Je ne te suis pas très bien…

    _ Je ne sais pas si tu as remarqué…, mais il a l’air de venir de l’étranger ! Il y a quelque chose chez lui qui fait penser qu’il n’est pas de Domopolis !

    _ Oui, tu as raison… Il n’a pas le type même du Dom !

    _ C’est cela ! Imagine maintenant que l’on dénonce à travers lui une influence étrangère néfaste pour notre mode de vie, pour la sécurité de Domopolis ! Non seulement nous nous débarrassons de lui, mais en plus nous affirmons la menace d’une puissance étrangère et nous demandons plus de pouvoir, pour lutter contre elle !

    _ Bon sang ! Tu es machiavélique ! Je ne vous vois déjà tous les deux au firmament ! Nous serons intouchables et je pourrai commencer à entrer en guerre contre la nature !

    _ Quand je te disais que tu pouvais me faire confiance !

    _ Oui, j’ai misé sur le bon cheval !

    _ Comment ? Tu me prends pour une jument ?

    _ C’est affectif ! C’est même purement sensuel !

    _ Je comprends… Alors montre-moi que tu es un vrai pur-sang ! »

    Dans un coin de la pièce, malgré les ébats à laquelle elle assiste, se tient une vieille dame, bien silencieuse, qui ne dit jamais rien ! Personne n’a jamais vu son visage, mais tout le monde connaît sa faux, dont l’acier brille dans la nuit ! C’est elle qui donne à la vie sa réalité !

                                                                                                      55

    Peu de jours après, Ganymir et Lapsie font un grand discours du haut de la tour du Pouvoir, avec l’approbation de la Machine et devant une foule dense ! « Nous sommes entourés d’ennemis, qui veulent détruire notre mode de vie, nos valeurs et nos libertés ! Allons-nous supporter cela ? N’allons-nous pas réagir, par mollesse ? Ne sommes-nous pas forts ? Ne sommes-nous pas fiers de notre pays ? Nous, les Doms, allons-nous dire à l’ennemi : « Mais voyons, entre dans ma maison ! Pille-la ! Prends ma femme et insulte mes enfants ! » Allons-nous dire cela, alors que la menace est à nos portes ? Ou bien…, ou bien allons-nous prendre les armes, suivre l’exemple de nos pères, ces héros ? »

    « Les armes ! Les armes ! », « Au combat ! », « A bas l’ennemi ! » entend-on ici et là parmi la foule, qui lève des bras, montre sa colère, sa rage, qui fait jouer ses muscles ! Mais derrière il y a un mouvement, qui oblige les gens à se retourner, à s’écarter ! Un nouveau flux de Doms pénètre le précédent, mais ne s’y rajoute pas ! Ce sont des Doms bien différents ! Ils ont l’air plus vieux, moins vigoureux, plus courbés ! C’est le peuple de l’ombre, de l’anonymat, celui qui toujours subit, qui jamais ne s’enchante dans la lumière, qui vit chichement, qui est habitué aux coups des puissants et du sort, qui est malade à force d’avoir peur ! C’est le peuple des sans-grades, des sans voix, voûté, sombre, traînant, sur cette planète perdue dans le cosmos !

    On le laisse passer, presque par dégoût, à cause de son allure de limace ! Puis, sous la tour, son porte-parole s’adresse à Ganymir : « Donne-nous de l’eau, toi, le prophète ! Donne-nous l’eau de la vie ! Donne-nous de l’espoir ! Nous sommes les assoiffés, les désespérés ! Nous voulons boire, nous rafraîchir ! Donne-nous de l’espoir, nous t’en prions !

    _ Je te donnerai ce que tu désires, grand-père ! Je te donnerai la victoire sur le champ de bataille ! Tu entendras parler de nos exploits et tu te réjouiras dans la chaumière ! Tu seras fier de notre gloire ! Tu parleras aux enfants de tel ou tel soldat, qui aura tué l’ennemi ! Tu chanteras l’obus qui aura percé le char ! Tu raconteras comment tel missile est tombé juste sur le camp adverse ! Le feu du combat réveillera tes veines, te tiendra chaud ! Tu rêveras les yeux fermés de notre grandeur, de la grandeur des Doms !

    _ Excuse-moi, mais je n’ai plus l’âge des illusions ! Comment pourrais-je me réjouir du cri de douleur de la femme et de l’enfant ? Je suis déjà une ruine et je voudrais en voir partout ? Crois-tu que les morts se comptent comme des buts de football ? Je t’ai demandé à boire, car nos cœurs ont soif ! Nos âmes sont asséchées et tu nous donnes du sang ! de la poussière, des larmes et les fracas des bombes ? Où est l’espoir là-dedans ?

    _ Mais nous n’avons pas le choix ! L’ennemi est à nos portes et a juré notre perte ! Il nous faut nous défendre !

    _ Je ne vois pas d’ennemis envahir le pays… Tout est comme avant… Tu sembles t’exciter toi-même ! N’est-ce pas toi l’ambitieux ? N’est-ce pas toi qui veut la guerre, pour te rendre important ? Nous, on ne croit plus aux ambitions ! La lumière des médias nous fatigue ! Les querelles du pouvoir aussi ! L’argent même nous dégoûte ! Donne-nous à boire, de l’espoir ! Donne-nous le cœur à vivre !

    _ Très bien ! Qu’on leur apporte les jarres de l’amitié ! Qu’ils étanchent leur soif ! »

    Des jarres sont sorties par les portes de la tour et sont placées devant la foule des malheureux ! On y puise et on verse une eau noire dans les bols ! « C’est l’eau de la corruption ! s’écrie le vieux. N’en buvez pas mes enfants ! C’est l’eau du pouvoir qui s’enrichit par le crime et la malversation !

    _ A la fin, tu nous ennuies, le vieux ! réplique Ganymir. Gardes, chassez ces gueux, ces loqueteux ! Ces ratés ! Allez, la racaille ! On fout le camp ! Le cirque a assez duré ! »

    La police intervient, on bouscule le vieux, on le piétine et on chasse le reste à coups de matraque ! C’est la panique, des cris, des pleurs, des chocs ! Puis, dans la mêlée se dressent subitement des tiges vertes, couvertes de perles de rosée étincelantes ! Leur éclat et leur fraîcheur sont tels que le peuple des gueux n’y résiste pas ! Ils boivent les gouttes avec avidité, ils se régalent et leur visage s’éclaire ! « Qu’est-ce que cela ? disent-ils. D’où cela vient-il ? Eh, Mais c’est ce Paschic qui crée ce miracle ! Il est là ! Gloire à Paschic, qui nous donne de l’espoir !

    _ Buvez mes amis ! fait Paschic. Soyez consolés ! Je vous donne un peu de la vérité !

    _ Vive Paschic ! »

    Au balcon du pouvoir, les visages se ferment ! La haine se lit sur tous et on n’y jure plus que la perte du perturbateur, du Réparateur !

                                                                                                             56

    Qu’est-ce qui a fait de Domopolis une dictature ? Ce n’est pas seulement la personnalité de la Machine, mais ce sont aussi les ressources du sous-sol ! En effet, Domopolis et ses environs s’étendent sur d’immense réserves de gaz et de pétrole, ce qui donne aux Doms une économie « rentière », qui n’a pas besoin d’être libérale, en favorisant la création d’entreprises ! Tant que Domopolis vend son pétrole ou son gaz, le pays fonctionne et il a suffi à la Machine de prendre le contrôle de cette exploitation, pour assurer la pérennité de son règne ! Pourquoi se soucier de la liberté, quand elle n’apparaît pas nécessaire ?

    Ici, on doit prendre en compte la psychologie de la Machine…, car elle aurait pu profiter des richesses de Domopolis, afin de viser le bonheur des Doms, mais la Machine est issue d’un milieu très pauvre et elle a été marquée par le manque et un profond sentiment d’insécurité ! Elle a donc cherché, en même temps qu’elle accédait au pouvoir, à s’enrichir personnellement, ce qui lui évitait de se retrouver sans le sou, après une défaite électorale ! En puisant dans les caisses de l’État, la Machine a été la première à montrer aux Doms qu’on ne pouvait réussir sans la corruption et dès lors le libéralisme n’a plus été possible !

    Il y a une troisième chose qui a conduit Domopolis à la dictature et c’est l’histoire même des Doms ! Pendant longtemps ils ont été sous l’emprise d’une idéologie mortifère, qui soupçonnait tout le monde et qui se débarrassait de ses adversaires, par les moyens les plus lâches et les plus cruels ! La Machine a été éduqué par ce système et elle ne connaît pas le dialogue, l’affrontement démocratique, par des arguments ! Au contraire, dès qu’elle se sent menacée, elle a recours à de fausses accusations (fraude, drogue, pédophilie…) et même au meurtre, pour détruire ses adversaires ! La paranoïa de l’ancienne idéologie ne l’a pas quittée et dans ces conditions, elle interdit également que la lumière soit faite sur la véritable histoire des Doms, puisque ce serait lui tendre un miroir !

    Mais, aujourd’hui, on organise une partie de chasse hors de la ville, dans une étendue quasi désertique, pour le plaisir de l’élite de Domopolis ! Chacune a son arme : la Machine, Bona, Lapsie, Tautonus, Ganymir, monsieur Nuit, le duc de l’Emploi et quelques autres ! On est placé sur des véhicules motorisés, pour suivre l’événement et tirer sur le gibier, mais en l’occurrence il est très spécial, car c’est une femme, très belle, très vigoureuse, mais qui dans sa cage regarde avec inquiétude ce qui est en train de se passer !

    On la libère cependant et on lui donne une certaine avance, pour le sport ! La femme se met à courir et sa foulée est une merveille à voir ! On sent qu’elle a de l’endurance, qu’elle est habituée à l’effort et cela excite d’autant plus les chasseurs, qui font vrombir leurs véhicules, qui se lancent à l’assaut des collines, qui scrutent l’horizon, avant de crier : « Là voilà » et c’est la ruée ! On commence à tirer, de loin… On en a l’eau à la bouche, on est totalement sous l’effet de l’adrénaline ! Mais la femme est exceptionnelle : elle échappe à toutes les balles et semble inatteignable ! On se rapproche, on jure, on manque de se percuter, on est gagné par la colère et on vise moins bien ! Pire, un chauffeur est tué et un équipage se retourne ! Il faut porter secours aux blessés et l’exaspération est à son maximum ! Il ne reste plus qu’un moyen pour détruire la proie : les hyènes de la propagande !

    Elles ont été transformées génétiquement, ce sont des monstres ! Elles n’ont qu’un but, déchirer et tuer ! Elles poussent leurs cris lugubres, qui rendent fou, qui font croire n’importe quoi, qui imitent les chants de la sirène aussi bien que les rugissements du lion ! On est terrorisé avant même leur attaque, car leur côté veule ajoute à leur férocité ! Elles enlèvent tout jugement et on leur est soumis ! Mais voilà les fauves sont lâchés ! C’est une vraie meute, aux méthodes tentaculaires ! Elle se disperse pour mieux frapper !

    Elle aussi vient de l’ancienne idéologie dictatoriale ! La propagande a toujours servi le pouvoir et a maintenu Domopolis dans l’isolement, racontant déjà à ses habitants qu’ils étaient entourés d’ennemis, d’un monde hostile et que parmi eux vivaient des espions et des traîtres ! Déjà elle manipulait les faits et l’histoire, écrasant sans pitié la contradiction !

    Mais la nuit vient et joue en faveur de la femme ! De là où ils sont, les chasseurs ne savent plus quoi penser… Ils ont beau observer les lointains, ils n’ont aucune réponse ! Là-bas, on n’entend plus la meute, aucun signe de la curée ! La femme a-t-elle réussi à se sauver, grâce à l’obscurité ? On s’énerve, le plaisir est gâché ! Quelqu’un demande qui est cette femme, pourquoi l’a-t-on choisie, quel est son nom ? On lui répond qu’elle s’appelle Vérité !

                                                                                                      57

    Paschic remarque que bon nombre de Doms portent un collier qui signale leur état d’esclave ! Cela avait d’abord échappé à Paschic, car ce collier n’est pas évidemment visible et pourtant ceux qui en sont ceints ont souvent une vie qui leur pèse, occupée à des tâches pénibles, avec une attitude misérable ! Ils se révoltent par ailleurs régulièrement… Exaspérés par leur condition d’esclaves, ils manifestent, parfois très violemment, contre le gouvernement de la Machine, qu’ils accusent d’être à l’origine de leur triste sort !

    C’est lors d’un de ces soulèvements que Paschic se met à s’intéresser à ce collier… Il est fait d’un acier spécial, ce qui rend son ouverture tout aussi particulière ! Mais Paschic reconnaît l’acier de Tortoren, une planète où il a vécu autrefois et qu’il a longtemps observée… Sur Tortoren, l’acier est liquide et il coule entre des pierres noires, en produisant de petites gerbes argentées ! Si on les contemple, on finit par comprendre leur langage… Elles ont un effet hypnotique et deviennent le miroir de la conscience ! Le « chant » de Tortoren est bien connu pour ses vertus apaisantes, mais, ce que l’on sait moins, c’est qu’il développe le cheminement intérieur, éclaire la connaissance et révèle des secrets !

    En voyant ces colliers, en acier de Tortoren, Paschic ne peut s’empêcher de crier aux manifestants : « Moi, je sais comment vous libérer ! Je connais le système d’ouverture de vos colliers ! Laissez-moi vous les enlever ! » C’est d’abord la surprise dans les yeux de ceux à qui ils s’adressent, puis l’incompréhension laisse place à de l’irritation, de la colère : « Qu’est-ce que tu veux, toi ? demande-t-on à Paschic. Tu es avec eux, avec le gouvernement ?

    _ Pas du tout ! Je sais seulement comment on ouvre ces colliers ! C’est l’acier de Tortoren ! Je peux vous rendre libres !

    _ Comment pourrais-tu nous aider, si t’es pas du gouvernement ! Ces colliers, ils viennent du gouvernement ! C’est lui qui nous a fait esclaves !

    _ Vous vous trompez ! Je peux vous le montrer sur le champ !

    _ Voyez-vous ça ! Eh, les gars, y a une mouche de la police parmi nous ! Elle veut nous diviser ! »

    Plusieurs manifestants s’en prennent maintenant à Paschic… On commence à le pousser, puis un coup part, suivi d’un second ! Paschic va succomber, quand il est tiré en arrière par le docteur Cool, qui se met à crier sur Paschic : « Mais t’es encore saoul, ma parole ! T’es là à jouer les caïds, alors que le ménage t’attend toujours ! Et les gosses, qui va s’occuper des gosses ? Sale fainéant ! » Face à ce qui ressemble à une scène de couple, on laisse Paschic et on ricane : une grande gueule qui est sous la domination de sa femme !

    Paschic et Cool peuvent s’éloigner… « Eh ben, dis donc, fait Cool, j’ai bien cru qu’ils allaient vous massacrer ! Non mais qu’est-ce qui vous est passé par la tête ?

    _ Je vous remercie… Ouille… Je voulais juste les libérer…

    _ Les libérer ?

    _ Oui, leur collier est de Tortoren… J’en connais l’ouverture, mais ils croient que c’est le gouvernement qui en détient la clé !

    _ Même pas ! La lutte contre le gouvernement n’est qu’un prétexte ! Ils le savent bien au fond, allez…

    _ Qu’est-ce que vous voulez dire…

    _ Il existe une vieille légende dom, au sujet de ces colliers… Elle raconte que si on les enlève, le Dom s’envole ! Il n’a plus de pesanteur ! C’est d’ailleurs pour ça que ces colliers sont appelés colliers gravitationnels !

    _ Mais c’est insensé !

    _ Insensé ou pas ! Le Dom y est très sensible, à cette légende, ou cette superstition, si vous voulez !

    _ Même vous ?

    _ Même moi ! C’est bête, hein, hi, hi ! Mais, en tout cas, imaginez le sentiment de ces gens, quand vous leur avez proposé d’ôter le collier ! C’est la peur essentiellement qui les a fait réagir ! la peur de s’envoler, d’être en proie à tous les vents !

    _ Je comprends… Ouch, j’ai mal au cou maintenant !

    _ Dites, vous êtes sûr pour l’acier de Tortoren ? Non parce que moi, je voudrais être complètement libre !

    _ Oui, je vous apprendrai ce secret…  »

  • Paschic (15-19)

    R32

     

     

             "Eh! Mais dis donc!" Si tu m'avais dit ça, j' rais pas allé m'empaler sur les Djian!"

                                                                 Flag

     

     

                                                  15

    Paschic a trouvé une case dans le Labyrinthe, où il est heureux ! Il a un uniforme bleu, un chef et tient un balai ! Le chef passe le matin, forme des équipes et dit : « Vous, vous faites ce secteur ! Vous autres celui-là » et ainsi de suite ! Paschic est tranquille : il sait ce qu’il doit faire… et il commence son travail le cœur léger ! Il va ni trop vite, ni trop lentement ! C’est bien fait, en accord avec les horaires ! Quand la journée est terminée, la tâche elle aussi est finie et on peut parler d’une vie harmonieuse, en règle, avec un salaire, des cotisations… Jamais Paschic n’a été aussi paisible !

    Ses idées elles-mêmes ont changé, se sont simplifiées… Paschic est désormais d’accord avec tout le monde ! Il plaint ses collègues qui sont restés ombrageux, amers ! Mieux, il ne les comprend même plus ! Lui se distrait en jouant au tiercé, il espère gagner et cela l’occupe tout entier ! Ce jour-là est particulier, car le chef annonce la visite de la Machine dans la ville ! C’est un honneur et même un bonheur ! La parfaite sécurité qu’éprouve Paschic est bien entendu l’œuvre de la Machine et il lui en est pleinement reconnaissant ! C’est le pouvoir de la Machine qui assure la stabilité du pays !

    A l’heure dite, Paschic, libéré exceptionnellement de son travail, est sur le parcours de la Machine… Comme les autres, il est enthousiaste et crie : « Vive la machine ! Vive la Machine ! » L’ambiance est à la fête : on jette des cotillons et la Machine sourit devant sa population ! Le cœur de Paschic se gonfle de joie et il est abordé par Lapsie, qui le reconnaît et qui fait partie des collaboratrices de la machine… « Alors, Paschic, tu as l’air heureux, n’est-ce pas ? dit-elle.

    _ Oui, oui, c’est un jour merveilleux ! Vive la Machine !

    _ Ah ! Ah ! Où sont tes cauchemars d’hier ? Tu vois, en travaillant sur soi, on arrive à s’intégrer, à goûter le bonheur !

    _ Bien sûr, j’étais égoïste et aveugle ! victime de mes phobies ! J’ai maintenant quelqu’un dans ma vie… et on va sans doute se marier et avoir des enfants !

    _ Toutes mes félicitations, Paschic !

    _ Vous savez, c’est un peu grâce à vous et à la psychologie que j’ai pu m’en sortir et je vous en remercie !

    _ Merci, Paschic, mais je peux peut-être faire encore davantage pour toi ! Je vois que tu as la première barrette du balayeur… Je peux demander que tu obtiennes la deuxième !

    _ Non, c’est pas vrai ! Vous feriez ça ? Mais ce serait le paradis !

    _ On en reparle après le discours de la Machine, si tu veux bien… Sais-tu qu’il y a un feu d’artifice ce soir ?

    _ Mais oui, j’y serai avec tous ceux que j’aime ! Pour rien au monde je ne raterai ça ! »

    Paschic se rend sur la grande place, pour écouter le discours de la Machine… et son apparition déclenche une ferveur délirante ! Puis la machine impose le silence, par un large mouvement du bras… « Sororité, mes amis, dit-elle. La route a été longue, n’est-ce pas ? Mais nous voilà unis ! Nous voilà en sécurité ! Nous voilà une force ! (Acclamations!) Nous voilà animés par le même but, celui de notre bonheur, celui de la stabilité, de la paix, celui de ne constituer qu’une seul et même famille ! (Acclamations!) Naguère, l’homme opprimait la femme, mais ces temps sont révolus ! L’homme, dressé par la femme, sert aujourd’hui notre grande cause : donner un avenir radieux à nos enfants !

    Cependant, vous vous en doutez, le travail n’est pas terminé ! Nos ennemis restent nombreux et ils n’ont qu’un seul souhait : nous détruire ! Nous ne les laisserons pas faire ! Nous nous en protégerons et nous les vaincrons ! (Acclamations!) Ils sont malheureusement partout ! Il y a encore des hommes qui méprisent les femmes ! (Huées!) Ceux-là nous en faisons notre affaire, ils rentreront dans le rang ! La femme est le futur, elle doit régner ! Mais les ennemis peuvent prendre toutes les formes ! Ce sont les pays jaloux ! les idéologies décadentes, lâches, qui sapent l’autorité, la force, l’ordre ! Nous ne vaincrons pas sans ordre ! Il est primordial ! Mais l’ordre, c’est vous ! C’est vous la force, à condition que nous restions unis et que chacun fasse son devoir ! Vous appartenez au parti et vous avez votre rôle à jouer ! Je suis le chef et vous m’obéissez ! Vous êtes la main et je vous guiderai ! Vous êtes le feu et je vous dirigerai !

    Malheur à nos ennemis ! Malheur à leurs femmes et à leurs enfants ! Nous serons sans pitié, si on nous empêche d’être heureux ! Pas vrai les amis ? »

    A cet instant, Bona crie : « Vive la Machine ! Vive la machine ! » et la foule l’imite, y compris Paschic, qui hurle à tue-tête, grisé ! Il est heureux, il n’est plus seul, il fait partie d’un groupe et sa vie a un sens !

                                                                                                   16

    Paschic rentre chez lui, heureux, rayonnant : quel beau discours de la Machine ! Et tous ces gens qui sont ses amis ! Et le feu d’artifice ! Et la deuxième barrette promise par Lapsie ! Paschic se voit déjà balayeur de deuxième classe, donnant des ordres aux premières classes ! Qu’avait-il naguère à s’inquiéter, à se tourmenter ? Ah ! Quel monstre d’ingratitude n’avait-il pas été à l’égard de la Machine ! La vie est simple, quand on ne se regarde pas trop !

    Paschic sifflote et malheureusement s’égare dans une rue sombre… En fait, il n’y a pas fait attention, mais il a de nouveau changé de case dans le Labyrinthe… et le voilà dans un coin noir et humide ! Une petite voix faible s’échappe des ténèbres : « Pitié ! Pitié ! » fait-elle. Paschic s’approche et découvre un vieillard exsangue, sur des cartons ! C’est bien triste, mais Paschic ne peut pas sauver le monde… et il a bien d’autres choses à faire, notamment retrouver ses douces espérances, celles qu’il caresse à la lumière de son foyer ! « Pitié ! Pitié ! répète le vieillard.

    _ Ouais, ouais ! réplique Paschic. Mais il faut qu’ j’y aille ! Tiens, c’est tout ce que j’ai sur moi !

    _ Ne m’abandonne pas, par pitié ! J’ai été brisé par la Machine !

    _ Ah ! Ah ! Voilà le joli refrain du loser ! Moi aussi avant, je me plaignais comme toi ! Mais j’ai été guéri ! Je sais que la Machine est bonne… et on le sait quand on apprend le prix des choses… et la valeur du travail ! Le nouveau Paschic est arrivé ! Désormais, je suis responsable, bientôt chef de famille et je me dresserai dans l’aube naissante, en disant : « Voilà le jour qui commence… et c’est une joie ! »

    _ Co… Comment ? Tu ne me reconnais pas, Paschic ?

    _ Ah ? Parce qu’on pourrait se connaître ? J’ bosse, moi ! J’suis rentré dans l’ rang ! J’ suis plus un faiseur d’histoires !

    _ Mais… mais je suis ton rêve, Paschic !

    _ Hein ? Quoi ?

    _ Quand tu étais enfant, tu vivais avec moi, sous la même chaumière ! Tu t’en rappelles pas ?

    _ Pfff ! C’est loin tout ça !

    _ Évidemment, tu étais bien jeune à l’époque ! Mais nous vivions heureux ! Notre village était situé dans une vallée verdoyante… On sortait et on marchait parmi les marguerites ! Tu te rappelles du ruisseau… Il faisait tourner notre petit moulin… et les oiseaux chantaient tout autour ! Quelle vie magnifique nous était promise ! Je me souviens que tu étais amoureux d’une fille aux cheveux d’or ! Je me trompe ?

    _ Hum.. peut-être pas… Je… je revois certaines choses…

    _ Bien sûr ! Mais tu as été traumatisé le jour de l’attaque !

    _ L’attaque ?

    _ Oui, un jour, les forces de la Machine ont détruit le village ! Tout a brûlé et nous avons été séparés ! Toi, tu as été pris en esclavage… et moi, j’ai dû m’enfuir dans la forêt ! J’avais reçu un coup d’épée en plein front et j’ai erré, erré !

    _ Ce n’est pas vrai ! Mon rêve est avec moi ! Et la Machine est bonne ! Elle m’aime ! C’est grâce à elle, si je peux manger, m’habiller, ne pas être comme toi : perdu, sale et seul !

    _ Pourtant, ce que je te dis est vrai ! C’est moi, ton rêve !

    _ Tu veux me rendre triste ! Tu veux que je pleure, en pensant combien la Machine est méchante !

    _ C’est l’égoïsme de la Machine qui nous a brisés !

    _ C’est faux ! Le remède au mal est en nous ! C’est Lapsie qui me l’a dit ! Je ne veux pas pleurer sur mon rêve perdu ! Je ne veux pas de la nuit et du froid ! Je ne veux pas voir les gens haineux et égoïstes ! Je veux rêver ! Je suis heureux !

    _ A ta guise, mais la Machine ne te laissera pas tranquille ! Elle a besoin de toi comme esclave ! Tu dois nourrir son rêve, en étant soumis ! Son rêve, c’est de commander, sentir sa supériorité !

    _ Non, non et non ! Lapsie m’a dit…

    _ Elle aussi est une machine !

    _ Je veux être intégré ! être comme tout le monde !

    _ Sais-tu pourquoi la machine a détruit notre village ? Mais parce qu’elle te méprisait Paschic et elle te méprise toujours ! Elle te voit comme une lavette !

    _ Salopard !

    _ Paschic, la lavette ! Ah ! Ah ! Paschic, le demeuré ! Le paillasson de la Machine ! »

    Mais Paschic n’écoute plus ! Il court dans le noir, en se bouchant les oreilles !

                                                                                                        17

    Paschic a rejoint ses camarades travailleurs, mais, encore troublé parce que vient de lui dire son « rêve », il balaie avec deux fois plus d’ardeur, jusqu’à ce qu’un collègue lui demande : « Paschic, tout va bien ?

    _ Ouais, ouais…

    _ Dis donc, t’es un gars apprécié ici, mais tu pourrais peut-être t’engager un peu plus…

    _ Qu’est-ce tu veux dire ?

    _ Eh bien, tu pourrais adhérer au Parti…, d’abord parce que tes droits seraient défendus et ensuite, tu travaillerais à notre grand idéal !

    _ C’est quoi, votre grand idéal ?

    _ Eh bien, nous, nous sommes des travailleurs, des prolétaires et nous sommes exploités par la classe dirigeante, celle des capitalistes ! Ce à quoi on veut arriver, c’est que c’est nous, les travailleurs, qui gouvernions, que nous soyons tous égaux et des camarades ; la richesse étant partagé entre tous !

    _ Moi, je veux bien, du moment que je ne suis plus seul, et avec vous, mes camarades ! Et puis l’idée du méchant représenté par le capitaliste et qu’il faut abattre, c’est pas pour me déplaire !

    _ Bon, très bien…

    _ Non, parce que je t’ai pas dit, mais j’ viens d’ rencontrer une créature, par là-bas, dans le noir, sur des cartons ! Elle se prétend mon rêve ! Elle dit que la Machine a bousillé ma jeunesse, car, tiens-toi bien, toujours d'après elle, nous serions tous égoïstes, riches ou pauvres, depuis la naissance, du fait de notre origine animale !

    _ Quelle idée ! Nous, nous voulons le bien !

    _ C’est exactement ce que j’ai répondu ! que je ne voulais pas entendre ces salades ! Sinon y a plus d’équipe ! Faut ouvrir les yeux et se retrouver seul ! Et ça, moi, j’en veux plus ! pour rien au monde ! Tu m’assures que ce sont les capitalistes, les méchants !

    _ Promis juré !

    _ Et donc, toi, tu es un responsable du Parti, mais tu ne te sens aucunement supérieur à moi, ni même aux capitalistes ! Tu travailles uniquement pour la justice ! 

    _ Il faut bien diriger… et puis, j’ai plus d’expérience que toi…

    _ Mais tu n’as aucun plaisir à commander ? Je pourrais tout aussi bien te donner des ordres…

    _ J’imagine que oui, si tu le mérites…

    _ Ne sommes-nous pas tous des camarades ? Tu comprends, j’ voudrais surtout pas que mon rêve ait raison ! Et ta voiture, tu me la prêtes, vu que j’en ai pas ! Elle est au Parti somme toute !

    _ Doucement, doucement, c’est moi qui l’ai payé, ma voiture !

    _ Non ? T’as capitalisé, pour l’avoir ! Tu as fait preuve d’égoïsme, afin de satisfaire ton amour-propre !

    _ Ma voiture est nécessaire !

    _ Que tu dis ? Ne serait-ce pas l’heure d’une auto-critique ?

    _ Tu m’énerves à la fin ! J’ te kiffe de moins en moins !

    _ Mon Dieu, mon Dieu, mon rêve a raison : nous sommes tous égoïstes par nature… et la Machine m’a pris ma jeunesse, pour s’essuyer les pieds !

    _ Puisque je te dis que les méchants sont les capitalistes !

    _ Répète-le moi, tu veux, je suis au bord de la crise d’angoisse !

    _ Les méchants sont les capitalistes ! Le bonheur est la victoire du prolétariat !

    _ Les méchants sont les capitalistes… et le bonheur est la victoire des prolétaires !

    _ Voilà ! Ça va mieux ?

    _ Ouf ! Oui ! J’avais la vérité aux fesses, comme un chien féroce ! Et… il est parti !

    _ Allez, encore une fois : les méchants sont les capitalistes… et le bonheur est...

    _ La victoire du prolétariat ! Ah ! Ah ! Ça marche ! Mon rêve ? Enfoncé, disparu ! Dis, avec tes relations, tu peux m’avoir ma troisième barrette !

    _ Euh, faut qu’ je vois avec le chef…

    _ Non, parce qu’ j’ai absolument besoin d’une voiture !

    _ Mais si t’es promu, ça doit rester entre nous, sinon ce s’ra de la corruption !

    _ Évidemment ! Quand j’ pense que j’ai failli ouvrir les yeux ! J’ai vu l’abîme tout d’un coup ! »

                                                                                                    18

    Paschic continue à balayer tranquillement, sans s’apercevoir qu’il s’écarte de ses collègues, pour se retrouver dans une zone isolée du Labyrinthe… Tout y est étrangement calme, au point d’en être inquiétant ! Soudain tombe au sol une petite créature… Elle paraît gluante et elle s’accroche à Paschic, en disant : « Dom ! Dom ! » Paschic est pris de dégoût, mais des dizaines d’autres créatures, pareilles à la première, sortent maintenant du mur ! Et toutes n’ont qu’un seul cri : « Dom ! Dom ! »

    Paschic effrayé s’enfuie, court éperdu, mais devant lui les créatures ne cessent d’apparaître ! Il y en a pourtant une qui n’est pas semblable aux autres… Elle a une taille normale et c’est une femme et quelle femme ! Elle est sublime dans une flamme ! Tout son corps est incandescent et rien que sa vue brûle ! Elle appelle Paschic : « Oh ! Viens, Paschic ! dit-elle. Ne suis-je pas séduisante ? Ne suis-je pas synonyme de plaisir ? Est-ce que je te laisse indifférent ?

    _ Non… non... »

    Paschic baisse la tête, car il sait que s’il regarde cette femme, il sera ébloui, amoureux même ! Ses défenses pourraient céder, d’autant que quand la femme se déplace ou parle, des flammes s’échappent de son corps et viennent toucher Paschic jusqu’au fond de l’âme ! Une voix monte dans Paschic et gémit presque : « Pourquoi résistes-tu, Paschic ? dit-elle. Pourquoi refuses-tu ce plaisir ? Cette femme est magnifique ! Inutile de l’examiner ! C’est du feu ! Son corps est parfait ! Et toi, Paschic, tu remontes chaque jour la dure pente de ta conscience, de tes explications, de tes croyances ! Il faut incessamment que tu te reconstruises, que tu te justifies ! Chemin amer qui te laisse épuisé ! Alors que le plaisir, le bonheur est là ! »

    A cet instant, Paschic est interrompu par quelqu’un qui jette dans son dos : « En hésitant, Paschic, tu te fais du mal ! Tu ne va pas avec elle, car tu sais que c’est une Dom ! C’est tout ! » Paschic se retourne et voit de nouveau son Rêve, toujours sur des cartons et qui, en ce moment, s’évertue à rallumer un affreux cigare ! « C’est une Dom, Paschic, reprend le Rêve. Tu le sais ! Comme tu sais que toute cette ardeur, dont elle fait preuve, est produite par sa peur, son angoisse ! Elle est perdue, Paschic, d’où son feu ! Elle brûle, car elle veut un homme, une relation pour s’apaiser ! Or, toi, Paschic, t’es un cas ! T’es pas un Dom ! Pour eux, t’es une énigme, Paschic ! T’es le rocher au milieu de la tempête !

    _ Ouais, mais elle est… si belle, si désirable !

    _ Et elle te désire justement parce que tu n’es pas un Dom ! Tu arrives à tenir debout sans vouloir dominer ! Tu es une paix unique ! Incroyable ! Car dominer, c’est dévorant et ne guérit pas l’angoisse ! La domination est un rideau de fumée, qui détruit même ! Mais toi, Paschic, tu sais combien coûte de ne pas être un Dom ! C’est un travail sur soi de tous les jours ! Combien de renoncements, Paschic ! Combien de peurs n’as-tu pas vaincues ? Combien d’années d’errance ? Et ton amour, pour la vérité, etc. ! Alors laisse tomber, Paschic ! C’est une Dom !

    _ Mais… mais on pourrait peut-être s’aimer tout de même ! Je lui expliquerai pas à pas ! Elle me donnera son corps et moi, ma sagesse !

    _ Hi ! Hi ! Paschic, tu sens ce feu ? Il est le reflet de son angoisse ! Et toi, tu penses l’apaiser, la calmer, sans te brûler ! Tu crois qu’en te jetant dans la passion, tu vas lui apprendre tout ce que tu sais et qui t’a demandé une vie ! Mais, mon pauvre Paschic, tu vas y laisser la peau ! Elle finira par te dévorer, sans même penser à mal !

    _ Je… je…

    _ Allez, rien n’est plus fort, plus extraordinaire que de n’être pas un Dom, que de les repousser parce qu’ils ne connaissent pas la vérité, qu’ils la refusent ! Qu’ils soient attirés par toi est une preuve que tu ne te trompes pas !

    _ C’est vrai…

    _ Ils te demandent maladroitement de la lumière, du sens, en dominant encore…, alors que justement il faut abandonner sa domination pour être en paix ! T’as pas fini de les attirer, crois-moi !

    _ D’où viennent les Doms, le Rêve ?

    _ Mais du GVI !

    _ Du GVI ?

    _ Oui, du Grand Vide Intérieur, situé au centre du Labyrinthe ! Le GVI produit de l’angoisse et les Doms se multiplient ! »

    Entre-temps, la femme dans la flamme a disparu et Paschic ne peut s’empêcher d’en éprouver une certaine tristesse… « C’est pas un déchirement, Paschic, reprend Rêve qui crache. C’est un choix ! Tiens, y a un Dom qui t’ bouffe le pantalon ! »

                                                                                                         19

    « Le GVI, les Doms ! C’est bien joli tout ça, mais ça veut dire quoi exactement ? s’interroge Paschic. Et si les Doms viennent du GVI, d’où vient le GVI ? Hein ? » A cet instant, Paschic bute dans un grand gars, qui lui dit : « Mais où vas-tu comme ça, mon zèbre ?

    _ Ça t’ regarde ?

    _ Un peu qu’ ça m’ regarde ! Car on passe pas à côté de moi, sans me regarder ! C’est qu’ je compte moi ! »

    « Bon sang ! Un Dom ! » se dit Paschic, qui réplique : « Pour moi, t’es pas intéressant ! Et puis je te dois rien, j’suis libre, s’pas ! Alors du vent, l’animal !

    _ Oh ! Oh ! Comment tu m’parles ! Oh ! Oh ! On m’ parle pas comme ça ! Tu sais pas qui j’ suis ! Je suis le baron de Messygue ! Troisième du nom ! Mes ancêtres tenaient déjà la région, quand les tiens se tuaient à ramasser des pommes de terre ! Évidemment pour ma purée ! Alors on me doit adoration et soumission !

    _ Ah bon ? Mais, si je suis aussi minable, pourquoi rechercher mon intérêt ? En quoi ma médiocrité peut-elle t’aider ?

    _ Euh… Bah, j’ dirais qu’une louange est toujours bonne à prendre !

    _ Menteur ! Je te fais impression, tu vois que je ne suis pas n’importe qui et tu te dis que toi aussi tu fais partie de l’élite et qu’il est impensable qu’on ne s’en rende pas compte, en te montrant de l’indifférence !

    _ C’est vrai ! J’ai des qualités, je réussis et, ma foi, je suis assez bien de ma personne !

    _ Le problème, c’est que moi, je me moque de l’élite !

    _ Comment ça ?

    _ Je suis au plus bas sur la hiérarchie sociale ! Je n’ai aucun pouvoir… ou plutôt celui que j’ai est spirituel, intérieur ! Il est justement l’anti-pouvoir social ! Il n’est pas basé sur la supériorité, ni sur la soumission ! Je ne cherche pas à dominer ! Je trouve ça ridicule !

    _ Mais moi, j’ai besoin de ton intérêt, que tu reconnaisses ma valeur !

    _ Je sais : sans ça t’es paumé ! Mais, même en constatant que je te fais impression, tu ne veux pas suivre mon exemple !

    _ Ah non ?

    _ Non, parce qu’il faudrait d’abord que tu renonces à toi-même ! que tu places ton succès dans autre chose que ton ego ! Il faudrait que tu aies confiance sans vaincre, sans contrôle, sans te regarder dans le miroir ! C’est pas toi qui es important, c’est l’amour !

    _ Bon sang, qu’est-ce que tu es ? Une sorte de beatnik ?

    _ Tu vois ma force ? Eh bien, possède-la !

    _ Pour qui tu te prends au fond ? Tu te crois supérieur ? T’es un minable ! Mais j’ vais t’ dresser, moi ! Tu vas à apprendre à me respecter, tu vas voir qui es ton maître !

    _ Mais on ne peut pas obliger les gens à aimer ! Ce qui vient du cœur doit être libre, sinon ce n’est pas sincère !

    _ Ça, c’est ce qui a sur la papier ! Mais il suffit de se montrer persuasif et tu finiras par m’admirer !

    _ C’est ce que me disait la Machine…

    _ Comment ?

    _ Rien, rien, des réminiscences… Ne pouvant être aimé, tu vas avoir recours à la tyrannie !

    _ Exactement ! Ce qui ne cède pas doit être écrasé !

    _ Et la haine naît de la peur…

    _ La peur ? Ah ! Ah ! Parce que tu crois que j’ai peur de toi, l’avorton ? Ah ! Ah !

    _ Mais tu n’as pas peur de moi, mais de la vie ! Mais pour ne plus sentir ta peur, tu veux dominer, être le centre d’intérêt ! Si le monde est comme ta chambre, puisque tu le commandes, alors ta peur disparaît !

    _ Tu m’ fatigues ! »

    Le type siffle et d’autres gars surgissent, des Doms comme des couleuvres et voilà Paschic battu et attaché à une claie ! Le type s’approche, maintenant vêtu d’une blouse blanche ! Il caresse la tête ensanglantée de Paschic et lui dit : « Il va falloir que tu m’aimes, tu sais ! que tu m’admires ! » Il tient une tenaille et commence à arracher les ongles de Paschic ! « Aime-moi, dit-il. Trouve-moi formidable, unique, exceptionnel, magnifique ! Bon, résolument bon ! »

  • Paschic (1-5)

    R29

     

     

     

                             "Je t'ai eu!"

                              Driver

     

                                                121

    Paschic crie : « Je vous en prie, non ! Je vous en supplie ! » On vient le chercher dans sa cellule et il est conduit dans une salle spéciale ! Placé sur un siège, il doit regarder des images étranges, notamment un disque qui tourne ! Une voix fait : « La Machine est bonne ! La Machine est une mère de famille qui ne désire que votre bien !

    _ Non, non, répond Paschic en sueur.

    _ C’est vous qui êtes pervers, Paschic !

    _ Non, non…

    _ Mais enfin ne voyez-vous pas que la société est du côté de la Machine ? Comment pouvez-vous croire que vous êtes meilleur que tout le monde ?

    _ Je ne… suis pas meilleur, mais la Machine me fait mal… Je vous en prie… A boire !

    _ Vous boirez plus tard… Vous vous croyez différent, unique ! Comment expliquer cela, sinon par le narcissisme, la paranoïa ?

    _ La Machine... me méprise…, fait mal…

    _ C’est vous qui êtes pervers, Paschic ! C’est vous le problème ! Mais nous allons extirper le mal de vous, Paschic !

    _ La Machine est… malade…, à cause de son orgueil…

    _ Très bien, expliquez nous ça !

    _ A boire !

    _ Qu’on lui donne à boire !

    _ Merci…

    _ Alors, vos explications ?

    _ La Machine… ne voit pas les autres… Elle s’en sert ! Pour elle, les autres n’ont pas d’existence propre : ils sont ses esclaves ! La Machine rapporte tout à elle !

    _ Vous êtes le seul à parler comme ça ! Les autres membres de la famille sont en accord avec la Machine ! Ils forment un groupe, Paschic, une équipe ! Ils sont soudés, mais pas vous ! Pourquoi ? Parce que vous vous croyez spécial et qu’on ne vous accorde pas assez d’attention !

    _ Ff...faux ! La Machine me fait mal, elle me méprise !

    _ Elle vous reprend, vous humilie, pour que vous rejoignez le groupe ! la sagesse du plus grand nombre !

    _ La Machine est pleine d’orgueil… et d’égoïsme, c’est la vérité !

    _ La vérité ? Et vous êtes seul à la voir ! Elle échappe au reste de la famille, à la société même ! Mais pour qui vous vous prenez, Paschic ?

    _ J’ sais pas ! Je me défends…, c’est tout ! Vous savez pourquoi la Machine m’écrase ?

    _ Non, Paschic, mais continuez à regarder l’écran !

    _ Parce que je suis le plus faible ! Elle a besoin des autres ! des gagnants !

    _ Et vous ne voulez pas en faire partie, Paschic ? Vous ne voulez pas être plus fort et que la Machine vous respecte ?

    _ C’est la vérité, la force !

    _ Vous êtes narcissique, Paschic ! Vous vous croyez le centre du monde ! Rejoignez la sagesse du plus grand nombre ! Adaptez-vous, avant qu’il ne soit trop tard !

    _ La Machine écrase, blesse, méprise, broie ! C’est la vérité ! La Machine est tyrannique !

    _ La Machine est intégrée, mère de famille, et paie vos études !

    _ La Machine est malade, enfermée dans son orgueil ! Elle n’est pas lucide !

    _ Continuez à vous concentrer, Paschic ! Le mal est en vous ! Le vice vous ronge ! Vous êtes un menteur, un fabulateur, un manipulateur ! Quelqu’un de mauvais, Paschic ! C’est cela la vérité !

    _ La Machine est égoïste… Je voudrais dormir…

    _ Plus tard, Paschic ! Quand vous aurez reconnu vos torts à l’égard de la Machine !

    _ C’est elle qui blesse…, qui tue !

    _ Vous êtes le seul à voir ça ! Pour les autres, vous êtes un ingrat ! d’un égoïsme délirant !

    _ La Machine… est dans une tour… Elle tue... ceux qui s’en échappent !

    _ Bla, bla ! Vous n’évoluez pas ! La Machine est une bonne mère, c’est la société qui le dit !

    _ Dormir…

    _ Vous ne dormez pas dans votre cellule ?

    _ Non..., cauchemars ! Peur ! So… solitude… Froid !

    _ Et vous continuez à accuser la Machine ? Vous êtes malheureux et vous ne changez pas ?

    _ Défends la vérité ! Amoureux d’elle ! Peur ! Dormir ! »

                                                                                                 122

    Paschic s’éveille dans un lit d’hôpital et il se demande ce qu’il fait là, car il ne se souvient de rien ! A cet instant, un médecin, vêtu d’une blouse blanche, entre et dit : « Ah ! Je vois que vous êtes réveillé ! Ça va mieux ?

    _ Eh bien, sans doute, mais je ne sais pas du tout pourquoi je suis ici !

    _ Vous n’avez aucun souvenir de ce qui s’est passé ?

    _ Aucun !

    _ Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’on vous a trouvé inconscient sur le bas-côté de la route ! L’hypothèse vraisemblable, c’est que vous avez été victime d’un chauffard !

    _ J’ai des séquelles ?

    _ Rien de très sérieux… Mais vous avez reçu un choc ! »

    Paschic regarde par la fenêtre, grimace et demande : « Et nous sommes dans quel hôpital, ici ?

    _ Celui de Saint-Quentin !

    _ Saint-Quentin ? Je ne connais pas !

    _ C’est pourtant l’hôpital le plus important de la ville !

    _ Alors dans quelle ville sommes-nous ?

    _ Mais vous êtes dans la ville de la Machine !

    _ La Machine ?

    _ Mais oui… et sur vos papiers il est indiqué que vous habitez cette ville !

    _ Je… je ne me souviens de rien… lâche Paschic, maintenant en proie à une vive angoisse !

    _ Écoutez, il est possible que vous souffriez d’une amnésie temporaire, dû au choc ! Mais votre mémoire va revenir et les choses rentreront dans l’ordre ! Maintenant, excusez-moi, j’ai d’autres malades à voir…

    _ Bien sûr… Mais, oh ! docteur, quand pourrais-je quitter l’hôpital ?

    _ Eh bien, si vous vous sentez assez bien, cette après-midi même ! »

    Pashcic retrouve donc la rue quelques heures plus tard, mais il ne peut se débarrasser d’un sentiment étrange ! Il a l’impression que les gens le regardent, le surveillent même et en tout cas, ils ont une drôle d’attitude, comme s’ils étaient plus lents, retenus, avec un comportement emprunté, quelque peu artificiel, ainsi que tout le monde aurait joué un rôle !

    Paschic, malgré sa gêne, se raisonne ! Il doit encore être trop sensible ! Le choc qu’il a subi a dû le fragiliser, le traumatiser ! Il suffit de se remettre dans le bain et ça ira mieux et d’abord Paschic aurait intérêt à rentrer chez lui : il s’y changera et retrouvera sûrement toutes ses marques !

    Paschic hèle un taxi et donne l’adresse indiquée sur sa carte d’identité ! Le taxi passe par le centre, mais Paschic n’y reconnaît aucun monument et son angoisse ne le quitte pas ! Il paye le taxi et entre dans l’immeuble qui est censé être le sien ! Bêtement, il frappe à sa propre porte, puis, se rendant compte de sa méprise, il se saisit des clés qui gonflent sa poche ! La porte s’ouvre et Paschic découvre un logement qui lui semble inconnu ! Nul objet ici ne lui rappelle quelque chose et en tout cas, l’appartement est bien trop propre : s’il l’habitait, on y trouverait au moins beaucoup de livres (ça, Paschic ne l’a pas oublié !) et on y verrait quelques chatons de poussière !

    Le malaise de Paschic ne diminue pas et ne pouvant rester enfermé, il ressort pour se jeter quasiment dans un tram ! Il s’agit pour Paschic de réfléchir et aussi d’atteindre les limites de la ville ! C’est comme ça, c’est plus fort que lui : il faut qu’il voie le panneau de la Machine, sans doute pour mieux la contrôler ! Il va donc jusqu’au bout de la ligne qu’il a prise… et il descend au terminus…

    Le voilà au bord de champs de maïs et Paschic espère qu’il laisse derrière lui un peu de son cauchemar, tant l’agitation du trafic l’empêche elle-même de se faire une idée nette ! A quelques mètres devant se trouve le panneau qu’il recherche et il marche vers lui ! Il s’arrête bientôt et lit : La Machine » ! Ainsi le médecin avait raison, mais pourquoi aurait-il eu tort ? Mais Paschic ne reconnaît rien, rien !

    Il est au bord de la panique, quand la sirène d’une voiture de police retentit brièvement ! Le véhicule se place de sorte qu’il bloque Paschic et un policier en sort, qui s’approche et dit : « Monsieur, nous n’aimons pas beaucoup que les gens quittent la ville…

    _ Comment ? Je ne suis pas libre ?

    _ Bien sûr que si, mais c’est pour votre propre sécurité ! Plus loin, le gouvernement fait un certain nombre d’expériences et on nous a clairement dit qu’elles pourraient être dangereuses et qu’il valait mieux que la population reste dans les limites de la ville !

    _ Je l’ignorais…

    _ J’en suis sûr ! Tenez, je vais vous raccompagner chez vous !

    _ Non, non, je voudrais… marcher…

    _ Soyez raisonnable et profitez plutôt de mon véhicule, pendant que je suis encore bien disposé ! Ah ! Ah ! »

    Paschic monte dans la voiture et ne dit rien… Il sent qu’il émane du policier une forte tension et pourquoi a-t-il lui-même le sentiment d’être prisonnier ?

                                                                                                          123

    Le lendemain, Paschic visite la ville, mais ses questions demeurent : qui est-il vraiment, quel est son passé, qu’est-ce que la Machine, que veut-elle ? Paschic lit sur un bâtiment : « Musée de la Machine » et il se décide à y entrer ! L’intérieur est imposant et froid et Paschic achète un billet auprès d’une femme qui a l’air de s’ennuyer ferme… Puis, la visite commence par des couloirs très sombres, circulaires et qui montent, comme si on progressait dans un phare géant !

    L’exposition raconte la vie de la Machine : on la voit d’abord bébé sur des photos en noir et blanc ! Ses parents étaient de pauvres goémoniers, qui brûlaient le varech sur la côte, pour faire de la soude ! La Machine ne paraissait pas incommodée par les fumées, mais il était important de montrer de quel modeste milieu elle s’était élevée, rien qu’à la force de son caractère !

    Une scène dans une niche la représente bientôt sauver des plaisanciers, pris dans la tempête ! N’écoutant que son courage, la Machine vient les chercher avec sa barque, ce qui lui vaudra une médaille et une bourse de la part du gouvernement ! Elle pourra ainsi faire des études et devenir la chef d’un empire !

    Les panneaux, les films, les articles à la gloire de la Machine se succèdent et donnent le tournis ! Ici, la Machine est reine de beauté ! Là, elle salue les grands de ce monde ! Là-bas, elle a quatorze enfants ! Ses usines fument, son mari, Tautonus, pose sur une peau de tigre ! Paschic a l’impression d’être saoul, d’autant que l’ambiance est feutrée à l’extrême, comme si on y allait manquer d’oxygène !

    Paschic veut faire demi-tour, mais il se dit qu’il ne doit pas être loin de la sortie et il préfère continuer, plutôt que de revenir sur ses pas ! Il pénètre alors dans une salle brillante, qui contient au centre un cerveau dans un liquide bleu !

    « Le cerveau de la Machine ! explique un gardien dans le dos de Paschic, qui ne l’a pas entendu venir ! Enfin, c’est une réplique, vous vous en doutez bien ! Mais c’est exactement le sien !

    _ Dites, il n’y a pas de fenêtres par ici, car je voudrais respirer un peu !

    _ Bien sûr que si ! Vous êtes au sommet du musée et du balcon vous verrez toute la ville ! »

    Paschic repère effectivement un passage et débouche dehors, mais le panorama est invisible, caché par une épaisse couche de nuages ! Cela est encore déstabilisant et augmente le sentiment d’irréalité qui ronge Paschic ! De nouveau l’angoisse l’étreint et il n’a plus qu’un seul souhait : quitter les lieux !

    Il prend un ascenseur, qui s’arrête un étage plus bas, pour que deux hommes, à la carrure imposante et vêtus de la même manière, s’y engouffrent ! Le silence est pesant, puis l’ascenseur arrivant à destination, Paschic s’élance quand il est retenu par un des hommes ! « Un instant, dit celui-ci, simple contrôle d’identité !

    _ Quoi ?

    _ Montrez-moi votre pièce d’identité, s’il vous plaît... »

    Paschic, de plus en plus nerveux, tend sa carte… « Vous faites quoi dans la vie, monsieur… monsieur Paschic ? » Aïe, c’est la tuile ! Comment Paschic pourrait répondre à cette question ? Il ne se souvient même pas de son passé ! Il est désemparé devant les deux hommes… « Nous allons devoir faire un rapport, reprend l’homme, car, reconnaissez-le, la situation est étrange ! Vous ne savez ce que vous faites et la Machine veut savoir qui est qui et qui fait quoi à tout moment !

    _ Elle est bien bonne celle-là ! Et depuis quand devrais-je rendre des comptes à la Machine ! Ne suis-je pas un être libre, avec une personnalité propre ?

    _ Eh bien, déjà, coupe l’autre homme, on ne parle pas ainsi de la Machine ! On lui doit beaucoup de respect, car c’est elle qui est à l’origine de tout ici ! C’est elle qui vous nourrit, qui vous habille et que sais-je encore ?

    _ Si nous nous interrogeons sur votre identité, reprend le premier homme, c’est aussi pour votre sécurité, ou votre bonheur ! Nous n’aimerions pas que vous soyez malheureux, que vous échouiez !

    _ Mais échouer à quoi ?

    _ Mais dans la vie ! Il vous faut un travail intéressant… Vous ne voulez pas faire l’aumône, n’est-ce pas ?

    _ Donc, vous commencez par m’oppresser, pour faire mon bonheur, c’est ça ?

    _ Il faut corriger vos affreux défauts, monsieur Paschic ! Nous sommes là pour vous enlever toute velléité de paresse !

    _ Voyez-nous comme vos bienfaiteurs ! »

                                                                                                        124

    Paschic est sommé de se rendre à une visite médicale et le lendemain, il se présente dans un centre aux couloirs tout blancs et au personnel exclusivement féminin ! D’ailleurs, on le regarde avec un sourire en coin, gourmand, car il n’est pas laid et on va pouvoir se rincer l’œil, en l’examinant !

    Cependant, une femme, la quarantaine apparemment épanouie, lui dit : « Je suis le docteur Cool, suivez-moi, s’il vous plaît ! » Le docteur Cool a des formes attirantes et Paschic doit faire un effort pour s’en détacher, ce qui lui permet tout de même de voir qu’on pénètre dans une sorte de laboratoire… Une petite sonnerie d’alerte se déclenche dans son cerveau : qu’est-il venu faire ici exactement ?

    Deux autres femmes entourent maintenant le docteur Cool, comme si Paschic pouvait poser problème et il est invité à remonter sa manche… « Nous allons vous faire une injection, dit le docteur, car tous les habitants de cette ville l’ont reçue ! Elle est obligatoire !

    _ Et de quoi est-elle constituée ?

    _ D’un vaccin qui nous protège tous de certaines maladies ! Il est absolument sans danger... »

    Paschic se laisse faire et bientôt une torpeur, teintée d’euphorie s’empare de lui ! Il remarque de plus en la finesse du bras du docteur Cool ! En fait, il en est fasciné : il y a comme une autorité éternelle diffusée par cet avant-bras !

    « Vous aimez cette partie fuselée, n’est-ce pas ? fait la voix sensuelle du docteur.

    _ Oui… oui, répond fiévreusement Paschic.

    _ Mon autorité est renforcée par le bracelet et vous ne voyez pas bien ma peau, mais elle est comme du sable blanc, pailleté d’or ! Vous m’aimez, n’est-ce pas ?

    _ Oui, je vous aime… Je voudrais embrasser votre bras !

    _ Je sais, mais à présent je vais vous montrer ma jambe ! »

    Le docteur se courbe en avant, ainsi qu’elle voudrait lacer sa chaussure et une jambe racée donne comme un coup de fouet à Paschic ! « Je suis ton maître, n’est-ce pas Paschic ? reprend le docteur.

    _ Oui, oui, répond Paschic, brûlant de désir.

    _ Car tu voudrais embrasser ma cheville ! Et tu sais que j’ai bien d’autres trésors pour toi !

    _ Oui, oui…

    _ Et tu es prêt à faire ce que je dis, n’est-ce pas ?

    _ Oui, oui..

    _ Tu veux un sucre ? Je vais le mettre dans ta bouche !

    _ Oui, oui…

    _ Tu es si gentil, Paschic, que je vais te dire ce qu’on fait ici ! On vient de t’injecter un pur concentré de domination féminine ! Hi ! Hi !

    _ Je… je ne comprends pas…

    _ Depuis longtemps, nous nous demandons de quelle manière la femme attire l’homme ! Nous savons qu’elle concentre cette attention sur une partie de son corps, qu’elle maîtrise parfaitement, pour l’aimer particulièrement ! C’est donc un déplacement psychique, tu me suis toujours, Paschic ?

    _ Oui.. oui…

    _ Nous avons analysé ce contrôle psychique et nous en avons tiré ce mélange d’hormones… En fait, l’arme de la femme étant sa séduction, nous avons voulu développer cette arme ! afin que nous, les femmes, nous ayons enfin le pouvoir ! Tu ne m’en veux pas, Paschic ?

    _ Non.. non…

    _ Tu ne m’en veux pas, car je peux te donner du plaisir ! Pas vrai ?

    _ Oui… oui…

    _ Je suis ta maîtresse, Paschic ! fais ouah ! ouah ! »

    Mais à cet instant Paschic a comme un coup de fatigue… Ses yeux papillotent et il est attaqué par un affreux mal de tête ! « Dans le fond, dit-il au docteur, tu n’es qu’une garce ! une sale grue ! la petite égoïste à son papa !

    _ Quoi ? Mais qu’est-ce qui s’ passe ?

    _ Non mais regarde-toi ! Tu me dégoûtes ! »

    Le docteur s’empare du flacon, qui a servi à l’injection, et s’écrie : « Mais… mais il est périmé ! Qui m’a remis un flacon périmé ? (Elle regarde ses aides.) Comment avez-vous pu commettre une telle erreur ? Vous avez oublié qu’une dose trop vieille entraîne une réaction négative ? Vous ne savez pas que la femme qui ne peut plus séduire méprise ! C’est une loi et vous êtes des incapables ! »

                                                                                                             125

    Après cet incident, Paschic peut repartir chez lui, mais dans la rue le suit une voiture noire, qui vient à sa hauteur et par la vitre baissée, un homme l’interpelle : « Monsieur Paschic, veuillez monter à côté de moi, je vous prie ! » Paschic examine le passager arrière et se demande quelle décision prendre, quand deux hommes surgissent des sièges avant, avec un air menaçant !

    Paschic réplique donc : « Je ne crois pas avoir le choix ! » et il fait le tour de la voiture, pour s’asseoir auprès de l’inconnu ! « Monsieur Paschic, reprend celui-ci et comme la voiture redémarre, j’ai besoin de vous ! Mais laissez-moi faire les présentations… Je suis le Baron et voici mes hommes : Rico et Tony ! Monsieur Paschic, j’ai un métier un peu particulier… Hum ! Disons que je suis un voleur distingué ! Je ne m’occupe que d’affaires importantes, comme celle qui me préoccupe en ce moment… Vous ne me demandez pas quelle est-elle ?

    _ Disons que j’ai d’autres soucis en ce moment !

    _ Bien sûr ! Chacun va cahin-caha sur le chemin de la vie ! Mais, comme j’ai besoin de vous, je ne peux pas vous laisser dans l’ignorance ! Monsieur Paschic, j’ai décidé de faire le coup du siècle : ce soir je vide le coffre de la Machine ! Vous ne dites rien ? Votre réaction est surprenante ! Je m’attendais à ce que vous vous écriiez : « Seigneur, le coffre de la Machine ? Mais c’est pure folie ! Le paradis lui-même est moins gardé ! Etc. ! »

    _ C’est que, en ce moment, j’ai des problèmes d’amnésie… Vous savez ce que c’est : on prend un coup sur le crâne et on se dit que c’est immérité, d’autant qu’on s’appelle… Mais comment on s’appelle déjà ?

    _ Ah ! Ah ! Bien essayé, monsieur Paschic, mais le truc de l’amnésie est assez usé, vous ne trouvez pas ? En tout cas, j’ai appris la relation particulière qui vous lie à la Machine et c’est comme ça que vous pouvez m’être utile…

    _ Mon amnésie n’est pas feinte ! Je découvre cette ville, qui est pour moi inconnue ! Ce que je sais par contre, c’est que mes talents de cambrioleur sont nuls ! J’ai honte dès que je mens !

    _ Et c’est tout à votre honneur ! J’aime qu’on puisse faire confiance ! Mais, en ce qui concerne la partie technique, Tony et Rico sont parfaits ! Non, je crains un piège de la Machine…, un mot de passe en fait qui échapperait à tout analyse et qui me fermerait à jamais les portes de l’Empyrée !

    _ Vous ne me comprenez pas ! Je suis dans le brouillard ! Je fais fonctionner la corne de brume, avec un front en sueur ! Et vous me parlez de mot de passe ! Désolé, mais je vous renvoie aux cuisines ! Un vol dans la réserve, on verra ça plus tard !

    _ Vous êtes insolent, monsieur Paschic ! Rico et Tony vont s’occuper de vous !

    _ Ça va, ça va ! Rien ne vaut une petite devinette, pour retrouver la mémoire ! »

    Le soir venu, Paschic est habillé de noir, dans une combinaison moulante et on rejoint des canalisations, qui obligent de ramper ! On transpire beaucoup et c’est bien là l’un des symboles du travail ! Enfin, on arrive devant la porte du coffre et elle est colossale ! Son acier paraît indestructible, mais qu’à cela ne tienne, nos cambrioleurs l’attaque avec des mèches spéciales, qui creusent en faisant fondre !

    Après un temps qui semble un siècle, Tony s’écrie : « Ça y est ! Y a plus qu’à la tirer ! » et effectivement la porte s’ouvre sous les efforts ! « La Vache ! fait Rico. Le Baron avait raison ! On est devant un dernier obstacle !

    _ Rideau laser ! J’ dirais ! rajoute Tony. Et il ne disparaîtra qu’avec un mot de passe ! »

    A côté, sur un écran défile la phrase suivante : « Tout vient de la Machine... » En dessous, un clavier indique qu’il faut sans doute la compléter ! « A toi de jouer, la matière grise ! dit Rico à Paschic.

    _ Je vous ai dit que je suis amnésique ! Alors votre problème !

    _ C’est aussi le tien ! réplique Tony. Il nous reste quinze minutes avant la première ronde !

    _ Je crois qu’il faut le stimuler ! enchaîne Rico, qui applique son pistolet contre la tempe de Paschic !

    _ Bien, bien ! Je vais me concentrer ! »

    Paschic se répète mentalement la phrase de l’écran : « Tout vient de la Machine… «  et soudain il a une réminiscence violente ! Il voit quelqu’un qui cherche à le détruire ! Serait-ce la Machine ? Si c’était le cas, quel serait alors le lien qui les unit ? Le souvenir est de plus en plus pénible ! Paschic en éprouve une souffrance et une angoisse grandissantes ! « Alors, ça vient ? s’emporte Rico.

    _ Hein ? Oui… peut-être... »

    Paschic se dit qu’il a subi de tels dommages que la phrase doit être celle-ci et il la frappe : « Tout vient de la Machine… et retourne en elle ! » « Elle doit se prendre pour Dieu… », explique Paschic, mais ses compagnons n’écoutent pas : le rideau laser vient de s’éteindre ! Rico et Tony se précipitent, le sac ouvert, quand ils doivent brusquement déchanter, car le coffre est vide ! Sur une étagère, il n’y a que deux dossiers, nommés Haine et Mépris !

    « Qu’est-ce que ça veut dire ? » demande Tony, mais seul le déclenchement d’une alarme lui répond ! C’est le sauve-qui-peut !

  • Paschic (ou Rank) 116-120

    R28

     

     

                          ""J'ai faim!" dit Big Jim."

                                             La Ruée vers l'or

     

     

                                               116

    Une fois n’est pas coutume, la Machine, Bona, Lapsie et… Paschic sont au restaurant ! Les trois filles boivent beaucoup, quand Paschic s’ennuie déjà… « Attention ! Ta, ta, ta ! s’écrie Bona. Hier, saut en parachute !

    _ Ouh ! C’est pas vrai ! fait Lapsie.

    _ Si ! J’ai osé !

    _ Ouh ! Santé !

    _ Santé !

    _ Alors, comment c’est ? demande la Machine.

    _ Eh bien, la porte de l’avion s’ouvre… Tu vois des maisons et des champs… et faut y aller ! Go ! Go !

    _ Waouh ! J’ pourrais pas ! coupe Lapsie.

    _ Mais t’as peur et pourtant, t’y vas et quelle sensation de liberté ! Tu sens brûler ton ventre !

    _ Ah ! Ah !

    _ C’est d’abord la chute ! A toute vitesse ! Il n’y a plus que le vent et tu vois le sol se rapprocher ! Ça va très vite ! Trop vite même !

    _ La vache !

    _ Et hop, le parachute s’ouvre ! T’es tirée en arrière, puis tu descends doucement ! Y a plus qu’à poser les pieds, en douceur !

    _ Ouh ! Ouh ! Elle l’a fait !

    _ Faut oser les filles ! Faut pas laisser passer sa chance ! La vie est trop courte !

    _ T’as raison ! approuve Lapsie. Moi aussi, j’ai une grande nouvelle à vous annoncer ! Ta, ta, ta ! Je divorce !

    _ Bon sang, Lap ! Enfin ! fait Bona ! J’ t’embrasse ! Comme je suis fière de toi !

    _ Tu peux ! Je me débarrasse de lui ! Je m’en rends pas encore compte ! Depuis combien d’ temps on était ensemble ? Cinq, six ans ?

    _ Waouh ! Elle a osé !

    _ Je me suis dit la même chose que toi ! On n’a qu’une vie et le bonheur est ici et maintenant !

    _ Santé !

    _ Santé ! J’avais peur, bien entendu, à cause des habitudes ! Mais je suis de nouveau libre ! J’ai eu le courage, waoouh !

    _ Et ton mari, comment il l’a pris ?

    _ Il était verdâtre !

    _ Ah ! Ah !

    _ Il m’a dit : « Mais voyons, Lap, je t’aime ! Tu n’a pas l’ droit d’ me faire ça ! » « Je n’ t’aime plus, Karl ! lui ai-je répondu. Où est la flamme entre nous ! Je veux vivre, Karl ! Tu comprends ? Vivre ! »

    _ Ah ! Ah !

    _ C’est ce que je dis à mes patientes, reprend Lapsie. Osez ! Ayez de l’audace ! Rien de pire que d’avoir des regrets !

    _ Eh ! Oh ! Les filles ! intervient la Machine. Moi, j’ai quand même assuré ! J’ai veillé à ce que ma famille reste unie ! qu’on forme un clan ! Car y a rien d’ mieux ! C’est sacré ! Le bonheur de mes propres filles avant tout ! Et croyez-moi, ça c’est du boulot ! Combien d’ fois j’ai pas été face à l’ingratitude ? J’ai dû tout contrôler, même Tautonus ! Je suis passée par toutes les épreuves !

    _ Bien sûr, la Machine, respect !

    _ Respect !

    _ Et Paschic qui dit rien !

    _ Il boude !

    _ Il peut pas dire grand-chose, il a jamais rien d’ fait d’ sa vie !

    _ Pauvre Paschic ! C’est le méchant garçon à sa maman !

    _ Ah ! Ah !

    _ Vous voulez savoir ce qu’est le vrai courage, les filles ? coupe Paschic, la véritable audace ? Alors « ne vous souciez pas de ce que vous mangerez, ni comment vous vous vêtirez ! Car votre père qui est là-haut sait très bien de quoi vous avez besoin ! Mais rendez à Dieu ce qui est à Dieu ! » Ça, c’est fort les filles ! Ça, c’est de l’amour, comme vous ne l’imaginez même pas ! Au fond, vous êtes des branleurs ! »

                                                                                                      117

    La Machine commande un galion… Elle se réveille dans sa cabine pleine de dorures et quitte ses draps de soie ! Elle se refait une beauté devant une psyché et s’habille, aidée par Bona ! « Alors comment est le temps ? demande la Machine.

    _ Beau, vraiment beau !

    _ Et l’équipage ?

    _ Bien tenu par Lapsie !

    _ Alors tout est parfait ! On va pouvoir chasser du pirate ! « Nettoyez la mer ! », m’a dit la reine ».

    Les deux femmes montent sur le pont, la Machine dans un grand uniforme ! Au-dessus se gonfle une cathédrale de voiles, que l’équipage, entièrement féminin, contrôle sous les ordres de Lapsie ! « Lieutenant Lapsie, fait la Machine, les femmes sont en forme ?

    _ Elle sont mieux que ça, madame l’amiral, elles sont enthousiastes ! Un hourra pour l’amiral, les filles ! demande en criant Lapsie.

    _ Hourra ! Hourra ! font les filles du haut des vergues.

    _ Longue-vue ! commande la Machine, qui commence à inspecter la mer.

    _ Voile à tribord ! hurle la hune.

    _ Je me demande ce que ça peut être… fait Bona.

    _ C’est un pirate ! un va-nu-pieds ! répond la Machine en souriant. On va n’en faire qu’une bouchée ! Barre à tribord ! Hissez le cacatois ! »

    Les ordres sont répétés et on gagne sur le pirate ! « Branle-bas de combat ! ordonne la Machine.

    _ Tout le monde aux pièces ! » crie Lapsie.

    Le galion présente bientôt ses soixante bouches à feux au pirate, qui n’est qu’un brick à l’air pacifique ! Les canons tonnent et toute la mâture du brick s’envole ! Le « pirate » est condamné à se rendre et leur commandant conduit devant la Machine, qui demande : « Qui est-tu ?

    _ Paschic ! répond l’homme et immédiatement un frisson parcourt le galion !

    _ Ainsi donc, nous venons de capturer le célèbre forban Paschic ! reprend la Machine.

    _ Je me vois plutôt comme un aventurier ! rectifie Paschic.

    _ Peu importe ! La reine sera heureuse de te voir pendu ! Mettez le prisonnier aux fers ! »

    La soirée se passe en réjouissances et la Machine se régale devant un somptueux dîner ! Cependant, Bona lui murmure à l’oreille : « Il y a là un homme de Paschic, disant qu’il a un formidable secret à vous révéler ! » La Machine, d’abord contrariée, suit Bona et s’adresse à l’homme, avec un mouchoir sur le nez : « J’espère que c’est important, sinon tu iras rejoindre les requins !

    _ Ça l’est, madame ! Paschic a un trésor fabuleux, sur une île non loin d’ici ! Il suffit de le faire parler !

    _ Bien, je te récompenserai, si c’est vrai ! Comment t’ appelles-tu ?

    _ Judas, madame ! »

    Le lendemain, on conduit Paschic dans la cabine de l’amiral. « Il paraît que tu as un trésor ? fait la Machine. Amène-nous à lui et je te laisserai la vie sauve !

    _ Je ne sais pas si vous en êtes digne ! »

    Bona frappe Paschic : « Insolent ! crie-t-elle. Ce n’est pas une façon de parler à la Machine !

    _ Pour ce que j’en disais..., répond Paschic qui se masse le cou.

    _ Conduis-nous au trésor ! » répète la machine, dont les yeux brillent de cupidité !

    On mouille devant l’île en question et une barque se détache du galion. A son bord se trouvent la Machine, Bona, Paschic et quelques gardes… On touche la plage, alors que des vagues remontent inlassablement vers les palmiers ! L’île semble déserte et on entre dans la jungle ! « J’ te préviens, Paschic, fait Bona, si tu t’es moqué de nous, tu n’ repartiras pas d’ici !

    _ Attendez que je m’ repère, répond Paschic d’une voix quasi malicieuse. Il y a ce rocher en forme de crâne là-bas… C’est à une cinquante de pas après, dans une clairière !

    _ Allons-y ! » ordonne brûlante la Machine.

    On se remet en route et bientôt Paschic s’arrête, en disant : « C’est là !

    _ Vite, vite, creusez ! » fait la Machine.

    Paschic est mis à contribution et les pelles enlèvent de la terre, sous un soleil ardent ! Enfin, l’une d’elles frappe quelque chose de dur et on extrait avec peine un coffre ! On l’ouvre, mais il est vide ! « Trahison ! s’écrie la Machine, qui pointe un mousquet sur Paschic. Fais ta prière, chien galeux !

    _ Mais je ne t’ai pas trompée, la Machine ! Regarde autour de toi ! Vois cette beauté, cette nature luxuriante ! Elle te donne tout ce dont tu as besoin ! C’est cela mon trésor ! Mais tu restes aveugle ! Ce que tu veux, c’est de l’or pour parader, jouir du pouvoir sur les hommes, mais à quoi bon ? Débarrasse-toi de ton ego et tu resteras ici en sécurité et en paix !

    _ Grrrr ! »

    La Machine tire, mais un cochon effrayé brusquement la bouscule ! Elle manque Paschic qui en profite pour s’enfuir ! « Courez-lui après ! hurle la machine ! J’ veux la peau d’ ce fumier ! »

                                                                                                    118

    Qui ne connaît pas Las Vegas ? ses temples du jeu, ses décors extravagants, son ambiance électrique ? Dans un appartement d’un hôtel luxueux se joue une sérieuse partie de poker ! Sur la table, les jetons représentent des milliers de dollars et on arrive à un instant décisif ! Les visages sont tendus et il y a là l’Angoisse, une femme froide et sèche, sans doute la meilleure joueuse de poker de tous les temps, mais on trouve encore Lapsie, la Machine et Paschic !

    C’est à Lapsie de parler… Elle regarde encore ses cartes, fait une grimace et dit « Je passe ! » Ce n’est pas une surprise pour les autres, car Lapsie n’a pas les reins assez solides, mais elle est encore « lessivée » ! Elle perd sa mise et n’a plus de fonds ! Elle a le destin des joueurs médiocres, qui confondent leur peur avec la prudence !

    La Machine fait : « Eh bien les enfants, je crois que cette fois-ci le pactole est pour moi : brelan de reine ! » La Machine tend les mains, pour prendre les jetons, mais l’Angoisse l’arrête, en disant : « Tss, tss, la Machine ! Tu rêves à pleins poumons ! Regarde : brelan de rois !

    _ Ce… ce n’est pas possible ! s’écrie la Machine.

    _ Mais si… Une autre fois peut-être, la Machine…

    _ Tu… tu as triché ! Espèce de salope !

    _ Tu me déçois, la Machine… Je pensais tes nerfs plus solides !

    _ Tu jouis, hein ? Tu m’as mise à plat et tu t’ régales ! Mais t’as triché ! T’entends, roulure ! »

    La Machine se lève brusquement et saute à la gorge de l’Angoisse, qui fait un signe en direction du personnel de l’hôtel ! Aussitôt deux malabars se saisissent de la Machine, qui crie encore : « Mais lâchez-moi, les eunuques ! Je veux juste étrangler cette tricheuse !

    _ Je crois , messieurs, que la Machine a besoin d’un peu d’air frais !

    _ Mais lâchez-moi ! Je reviendrai l’Angoisse et je t’écraserai ! Je t’ ferai vomir tes tripes ! Et à vous aussi, bande de tarés ! Vous ne savez pas qui je suis ! Je suis la Machine ! »

    On entend une porte claquer, puis c’est de nouveau le silence : « Ouf ! dit l’Angoisse. Regrettable incident ! Il est dommage de jouer avec des amateurs ! Mais on plumerait qui, s’ils n’étaient pas là ? N’est-ce pas, Paschic ? J’aime ton calme, j’ t’ assure ! Tu sais perdre avec élégance !

    _ Qui t’a dit que j’avais perdu ?

    _ Mais... »

    A cet instant, Paschic montre son jeu et à la grande stupéfaction de l’Angoisse, quatre as apparaissent ! « Mais, mais ce n’est pas possible ! s’écrie l’Angoisse.

    _ C’est ce que vient de dire la Machine !

    _ Tu… tu as triché !

    _ Allons, l’Angoisse, tu sais bien qu’on ne peut pas tricher contre toi… C’est inutile !

    _ Je… je ne comprends pas… Tu as toujours perdu contre moi !

    _ C’est vrai, j’ai longtemps eu peur ! J’ai beaucoup couru, mais on évolue l’Angoisse ! On apprend à ne plus te craindre et on finit par gagner contre toi !

    _ Comment as-tu fait ?

    _ Je me nourris de ma paix… Comme d’habitude, tu as effrayé tout le monde, par tes mises vertigineuses ! Tu parais alors invincible et on perd le sens du jeu ! C’est inévitable ! Lapsie se grattait même partout ! La Machine est plus costaude, mais elle ne pouvait s’empêcher de grimacer… Pour ma part, j’ai appris que ton comportement est essentiellement du bluff ! Il suffit d’attendre, de laisser passer l’orage, en s’accrochant humblement, mais avec confiance !

    _ Tu m’impressionnes, Paschic !

    _ Mais j’espère bien ! C’est des années d’efforts, de recherches solitaires, quand les autres s’amusent et boivent !

    _ Donc, si je comprends bien, tu n’as jamais perdu de vue les cartes ?

    _ Non, malgré la peur que tu produis… Je te le dis, maintenant je ris même de toi !

    _ Très bien ! Mais… Euh… En ce moment, je suis un peu gênée… Tu pourrais me laisser une partie du butin… Je te rembourserai plus tard !

    _ Non l’Angoisse ! N’y vois pas de la dureté de ma part, mais gagner contre toi, c’est aussi s’aimer soi-même ! Il ne faut pas culpabiliser parce que toi, tu prends ton air triste ! Sinon on repart pour un tour de manège ! T’as mille astuces dans ton sac !

    _ Ah ! Ah ! J’aurais essayé !

    _ T’inquiète pas ! Tu vas t’ refaire en un tour de main ! »

                                                                                                     119

    « Aujourd’hui, Paschic, dit la Machine, je vais t’apprendre à diminuer ma charge mentale !

    _ Ah bon ?

    _ Oui, tu vas d’abord éplucher les patates, puis tu passeras la cireuse et tu nettoieras les carreaux ! Il faut que tout soit propre pour ce soir !

    _ Qu’est-ce qu’il y a ce soir ?

    _ Moi et Tautonus, nous recevons le préfet ! C’est bon pour la campagne de ton père et sa carrière ! Je te rappelle que c’est nous qui payons tes études !

    _ Bien sûr !

    _ Tu n’hésiteras pas sur l’huile de coude, hein, pour le ménage ! Et en revenant de l’école, tu passeras chez le boulanger et le poissonnier ! Ils sont au courant, c’est une commande ! Tu m’as bien compris ?

    _ Affirmatif !

    _ Cesse de faire le pitre ! Il faut que tu aides à la maison, sinon on n’y arrivera pas ! Je ne peux pas faire tout toute seule !

    _ Évidemment !

    _ J’ai vu ton professeur de maths et il m’a dit que tes résultats n’étaient pas très bons ! « Pourtant, il a le potentiel ! » a-t-il rajouté. Donc, c’est toi qui as la solution ! C’est à toi de travailler, est-ce que c’est clair ?

    _ Oui…

    _ Bon, mais on parlera de ça plus tard, car j’aurais encore besoin de toi avant le dîner, pour mettre le couvert ! Allez, au boulot ! »

    Paschic fait comme on lui a demandé : il s’empresse de préparer les patates, il balaie, il essuie, il cire, il frotte, il prend son cartable et file à l’école ! Il essaie de ne pas s’endormir pendant les cours, il rit dans la cour de récré, puis il pense au boulanger et au poissonnier !

    Il rejoint sa chambre et commence ses devoirs, en consultant sa montre, car il ne faut pas être en retard sur le programme ! Le couvert doit être mis à la minute près ! La Machine cependant est aux fourneaux et elle ne rigole pas : il ne s’agit pas de rater les plats !

    Enfin, les invités arrivent… On les débarrasse, on leur propose un apéro, on se veut parfaitement détendu ! Dans les coulisses, Paschic range les manteaux, se tient au garde-à-vous, dans le cas où il manquerait des glaçons ou une bouteille de jus, pour quelqu’un qui ne boit pas d’alcool ! Paschic n’a pas la tenue du serveur, mais il a le même rôle !

    On passe à table et les invités font part de leur admiration, pour la qualité du couvert et de l’entrée ! La Machine assure qu’elle a voulu faire simple, que ce n’est rien ! On se récrie ! On insiste sur la finesse du mets ! On loue les talents de cordon bleu de la cuisinière, on secoue devant elle l’encens et elle prend l’air modeste ! Elle s’enchante pourtant ! Elle semble avoir le nez dans la coke !

    A chaque plat, on n’en peut plus de se ravir et Tautonus s’épanouit : les premiers jalons de sa réussite sont posés ! Il est maintenant intime avec le préfet ! Il pourra compter sur son soutien ! Malheureusement, en passant, on cite le cas Paschic, qui ne travaille pas assez à l’école ! Le préfet se veut rassurant, pour un enfant qui n’est pas le sien ! Il dit : « Mais laissez-le donc ! La jeunesse d’aujourd’hui a besoin de temps ! Quand il aura choisi sa voie, eh bien, il ira à fond, j’en suis sûr !

    _ Tout de même, fait la Machine, je le soupçonne d’avoir une queue de vache dans la main !

    _ Certainement ! » renchérit Tautonus.

    On change de sujet ! « Il y a trois jours, vous ne savez pas qui j’ai rencontré ? demande le préfet. Baramut ! l’ancien ministre…

    _ C’est pas vrai !

    _ Si ! Si ! Alors, il m’a reconnu… Il m’a salué très digne…

    _ Après ce qu’il a dit sur… C’est un comble !

    _ Mais c’est un type très arrogant ! dit la Machine. Je le vois même snob !

    _ Il ne pense qu’à sa carrière ! approuve Tautonus.

    _ Bien sûr, il veut toujours aller plus haut !

    _ Encore un peu de dessert, monsieur le préfet ?

    _ Appelez-moi Jacques, je vous en supplie, sinon je vais encore me croire à la préfecture !

    _ Donc, je vous redonne un peu de crème brûlée ?

    _ Oui, elle est tellement bonne !

    _ Ah ! »

    Plus tard, les invités sont partis et il faut faire la vaisselle ! Paschic participe évidemment et il écoute : « Je crois qu’on a marqué des points ! dit la Machine.

    _ Oui, ton crabe était merveilleux ! Bon, je vais me coucher, j’ suis crevé !

    _ Bien sûr, chou ! Paschic, place bien le torchon à sécher ! Il s’agit pas de faire le boulot à moitié !

    _ Tu sais, je connais un moyen de diminuer ta charge mentale…

    _ Ah bon ? Ça ne m’étonne pas, monsieur je-sais-tout !

    _ Il suffit de diminuer tes ambitions !

    _ Quoi ? Qu’est-ce que tu as dit ? Non mais pour qui tu t’ prends, espèce de morveux ! »

    Elle se met à frapper Paschic de toutes ses forces !

                                                                                                   120

    « Jeffrey ! crie le maire, dans son bureau qui domine la ville.

    _ Oui, monsieur, fait le premier adjoint en entrant.

    _ Vous entendez ? »

    Le premier adjoint tend l’oreille, puis dit : « Non monsieur, je n’entends rien !

    _ C’est bien ça, Jeffrey, on n’entend rien ! C’est le silence ! Et je n’aime pas ça, Jeffrey, oh non !

    _ C’est curieux en effet…

    _ Mais qu’est-ce que je vais devenir, moi, Jeffrey ? Le silence, il m’angoisse, c’est comme la mort ! Mais, bon sang, où sont les bruits de mes chantiers ? Il y en a partout et on devrait les entendre !

    _ Je n’ai pas eu vent d’une grève pourtant…

    _ Tout me semble si vide soudain ! C’est comme s’il neigeait ! Je me sens subitement inutile… J’ai l’impression d’étouffer !

    _ Vous pourriez rentrer chez vous, vous reposer un peu !

    _ Chez moi ? Et qu’est-ce que je ferais chez moi ?

    _ Vous occuper de votre femme, de vos enfants…

    _ Ma femme et moi, nous sommes de bons amis, Jeffrey… Nous avons chacun notre vie… et les enfants sont grands maintenant !

    _ Un verre alors ?

    _ Mauvais pour ma santé, Jeffrey ! Voilà que je transpire et que je dois m’essuyer ! Il me faut trouver une solution et vite !

    _ Hélas, la cérémonie de la Libération a été reportée à cette après-midi !

    _ Oh, mais je m’y ennuie de toute façon ! Non, ce qu’il me faut c’est du spectaculaire, du grandiose, du démesuré, Jeffrey ! Je veux voir ma ville grandir ! Rien n’est plus beau qu’un bâtiment qui sort de terre ! Du neuf, Jeffrey, je veux du neuf ! Voilà ce qui ragaillardit le sang !

    _ La modernité…

    _ Exactement ! Vous ne le savez peut-être pas, mais je suis issu d’un quartier plus que populaire ! Je peux même dire qu’il était pauvre, médiocre, miséreux ! Nous habitions dans une arrière-cour : pas de lumière et une odeur de chou qui ne quittait plus les narines !

    _ D’où votre engagement à gauche...

    _ Bien entendu ! Je me disais : « Plus jamais ces taudis, ces logements malsains ! » Le confort et la salubrité pour tous, Jeffrey !

    _ Et vous y êtes arrivé ! Vous voilà maire et promoteur de votre ville !

    _ Et on me critique pour ça ! On dit que je suis mégalomane, alors que c’est le bien du peuple, mon seul objectif ! Aaaargh !

    _ Vous n’allez pas bien !

    _ Le cœur ! Si je reste ici, je crains une attaque ! Ce qu’il me faut, ce sont mes chantiers ! le bruit des grues, des marteaux, des perceuses ! L’odeur du béton, je veux la renifler ! Je dois voir des types en jaune, avec un casque, qui crient ou qui étudient des plans ! Les rues bouchées, les façades qui s’élèvent vont me calmer !

    _ Je sors la voiture ?

    _ C’est ça ! Je vous retrouve en bas…, le temps de me rafraîchir un peu… »

    Une Lincoln noire quitte bientôt la mairie et Jeffrey, la conduisant, demande : « Où allons-nous, monsieur le maire ?

    _ Bon sang, j’ai dix mille chantiers ! On devrait en trouver un en activité rapidement, non ?

    _ Voyons… La nouvelle gare routière, le nouveau stade, la deuxième ligne de tram, les logements en face des Impôts… On n’a que l’embarras du choix !

    _ Stop, Jeffrey ! Stop !

    _ Qu’est-ce qui s’ passe ?

    _ Reculez ! Allez-y reculez ! Qu’est-ce que c’est que ça, Jeffrey ?

    _ Un… arbre…

    _ Un arbre, Jeffrey ! Et qu’est ce que j’ai demandé ? Qu’il n’y ait plus d’arbres dans ma ville, notamment à cause des étourneaux ! Étourneaux, que d’ailleurs j’entends ! Ah ! Ils se foutent de nous, Jeffrey ! Ils pavoisent, ils médisent, ils persiflent !

    _ Les gars auront oublié cet arbre…

    _ Où est la sulfateuse ?

    _ Dans le coffre ! Mais les gens…

    _ Ils verront que j’agis pour leur bien ! Et puis à cette heure-ci, y a pas grand monde ! »

    Le maire sort du véhicule et prend un fusil-mitrailleur dans le coffre : « Bien les étourneaux, crie-t-il, la plaisanterie est terminée ! Vous êtes dans ma ville et c’est moi qui commande ici ! »

    Le maire ouvre le feu, étête l’arbre, fait voltiger les branches et des dizaines d’oiseaux tombent sur le sol ! « Ah ! Ah ! jubile le maire. J’ suis dans l’action, Jeffrey ! Je n’ m’ennuie plus ! J’ suis heureux ! »

  • Rank (110-115)

    R27

     

                  "Dites-moi que je la reverrai là-haut!

                    Oui, mon fils, vous la reverrez!"

                                                           Le Facteur sonne toujours deux fois

     

                                                110

    « Alors qu’est-ce que tu veux faire dans la vie, Paschic ? » La question vient d’un conseiller d’orientation, en visite dans l’école de Paschic, qui boude et a les mains dans les poches ! « Ben, répond Paschic, je veux être un agriculteur pour écraser les gens avec mon tracteur ! Ah ! Ah !

    _ Mais enfin les agriculteurs n’écrasent pas les gens !

    _ Non, mais je veux montrer ma colère, comme eux ! Car moi aussi, j’ai beaucoup à dire ! Ou bien alors, j’ s’rais pêcheur ! Je brûlerais des bâtiments, pour me réchauffer l’hiver !

    _ Ah ! Ah ! Tout ça n’est pas très sérieux, Paschic !

    _ Non, non, attendez, je veux être un internaute débile, qui déverse sa haine toute la sainte journée ! La nuance, pas pour moi ! Ou alors j’dirais que le problème, c’est le gouvernement ! J’ me tournerais les pouces !

    _ Voyons, Paschic, nous sommes là pour choisir un travail, un métier !

    _ Ah bon ? Vous voyez quelqu’un travailler dans c’ pays ? Qu’est-ce qui est difficile ? Pointer ou calmer sa haine ? Se changer soi-même ou casser c’ qui nous dérange ?

    _ Ben…

    _ Vous voyez, personne ne bosse ici ! Pourquoi, moi, j’ devrais faire plus ? Laissez-moi haïr, monsieur le conseiller ! Laissez-moi être bête et égoïste ! Vous savez c’ qui m’ fait peur ?

    _ Non…

    _ C’est la solitude de l’intelligence, de la compréhension ! Bon sang, j’ comprends qu’ les autres se débinent ! Se retrouver tout seul, ça donne froid dans le dos ! Je veux être dégueulasse, faire partie du groupe ! Vous savez, s’il y a des opérations pour enlever l’ cerveau ?

    _ Ah ! Ah ! Vous exagérez, Paschic…

    _ Être sans sentiment, la planque ! On s’ respecte, on est aux p’tits soins pour soi, mais pourquoi ne pas traiter les autres de la même manière ? Nous sommes tous humains, pas vrai ?

    _ C’est vrai, Paschic !

    _ Mais allez par là est extrêmement dangereux !

    _ Ah bon ?

    _ Bien sûr, ça conduit à la croix ! Moi, c’ que je veux, c’est être au chaud, dans la porcherie, avec les autres ! « La porte ! » j’ crierais, si jamais on veut m’ déloger !

    _ Écoutez, Paschic, je ne vous suis pas très bien… Moi, mon rôle, c’est de vous trouver une formation qui vous plairait…

    _ Ben, j’ vous l’ai dit ! J’ veux être un voyou, un paresseux, comme tout l’ monde ! Pas question d’ me lever hors de la tranchée ! En c’ moment, j’ suis pour les femmes et les agriculteurs ! Et vous savez pourquoi ? Parce que j’ suis du côté du plus fort ! Pas fou le Paschic, il regarde d’où vient l’ vent !

    _ Bon sang, Paschic, vous avez des possibilités ! Il y a bien une profession qui vous permettrait de vous développer et de devenir utile dans la société !

    _ Et mon courage, mon amour, mon dévouement, qu’est-ce que j’en fais ? C’est bien ça qui gêne, non ? Écoutez tant que ça, c’est avec moi, je demeurerais suspect ! Maintenant, si vous me dites qu’il y a une consigne pour l’intelligence, j’y cours, j’y vole ! A moi alors le groupe, l’intégration ! A moi la place dans la meute ! A moi les toasts à la haine ! Enfin au chaud ! les pieds allongés sous la table ! Qu’est-ce que je peux rêver de mieux ?

    _ Vous me désorientez, Paschic…

    _ Vous m’en voyez désolé, monsieur le conseiller ! Pourtant, ma demande est simple ! Aidez-moi à m’intégrer, débarrassez-moi de ma compréhension, de ma compassion ! Rendez-moi mon égoïsme, mon aveuglement ! Si vous y parvenez, je signerai ce que vous voulez !

    _ Euh…

    _ Il n’y a pas une formation qui enlève tout jugement, tout esprit d’aventure ?

    _ Il y a bien les partis politiques et notamment les extrêmes…, mais ce ne sont pas a priori des formations !

    _ Aïe ! En fait, vous et moi, monsieur le conseiller, nous sommes un peu comme au temps du Rideau de fer, quand un Allemand de l’Est voulait passer à l’Ouest ! Et c’est vous le passeur et moi, le transfuge ! Fournissez-moi de faux papiers, construisez-moi une nouvelle identité ! « Paschic : gueulard, haineux, sans discernement ! » Voyez, je passerais inaperçu ! Les autres vont me voir comme l’un des leurs ! Le paresseux type !

    _ J’ vais voir c’ que je peux faire ! Mais j’ vous préviens, ce sera cher !

    _ Qui veut la fin... »

                                                                                                     111

    Paschic est dans la rue et mendie… « A vot’ bon cœur, mesdames messieurs ! Donnez ce que vous pouvez ! Ayez pitié du pauvre Paschic ! Un p’tit mépris, monsieur ? Merci ! Du dédain, madame ? Merci ! N’hésitez pas à me haïr ! C’est votre monnaie !

    _ Désolé, mais j’essaie de comprendre, d’aimer ! Je n’ai rien pour vous !

    _ Pour la prochaine fois alors ! Ayez pitié du pauvre Paschic ! Merci madame ! Merci monsieur ! Non, je n’accepte tout de même pas les coups de pieds ! Juste le mépris ! La violence est hors la loi ! Respectez les clous ! Merci madame, votre haine m’accompagne ! Merci monsieur, votre haussement d’épaules fera ma journée ! Ayez pitié du pauvre Paschic !

    _ Comme on se retrouve, minable !

    _ Lapsie ! Toujours un plaisir de te revoir !

    _ Tu n’as pas honte, Paschic, de mendier ! d’avoir l’air d’un gueux ! Pouah, tu pues, Pashcic !

    _ Ta haine remplit mon escarcelle, Lapsie ! C’est Noël pour moi !

    _ Mais enfin, quand deviendras-tu un homme, un battant ?

    _ J’ai choisi la voie de la sagesse, de la vie intérieure !

    _ Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Dis plutôt que t’as peur, que tu n’ sais pas t’imposer !

    _ La haine nous aveugle…

    _ Tu sais ce que j’aime, Paschic, c’est la force ! J’aime quand j’ gagne et quand j’entends les os de mes adversaires craquer ! Alors je suis fière d’être debout ! Tandis que toi, tu as tout de la larve ! Assisté, va !

    A cet instant, Paschic se lève et touche la joue de Lapsie ! Puis, il la prend doucement dans ses bras… Lapsie a d’abord de la répulsion, puis elle s’abandonne et se met à pleurer ! Paschic vient de lui enlever la « barre de fer » qui la faisait souffrir ! Elle est émue… et elle regarde Paschic étrangement ! « Mais…, mais d’où te vient ce pouvoir, Paschic ? s’écrie-t-elle.

    _ Je suis le maître de ma haine, et c’est pourquoi je suis fort ! Je viens de te transmettre un peu de ma paix…

    _ J’ai soudain retrouvé l’espoir… Est-ce possible ?

    _ L’effet ne durera pas…, car il est le résultat d’une longue pratique… C’est un engagement de tous les jours et qui est pourtant possible pour tous… Mais…

    _ Tu as raison, ma haine revient ! Je te vois de nouveau misérable, Paschic, et cela me fait peur ! Tu es anonyme parmi les anonymes !

    _ Et pourtant je rayonne, n’est-il pas vrai ? Mais tu préfères rejoindre le troupeau, crier avec les loups ! Tu préfères ton malheur à ma paix !

    _ J’aime le pouvoir !

    _ Il n’est que du vent ! Les mille démons qui t’effraient, je les fais danser comme je veux ! Je suis le rocher et tu n’es que tourments !

    _ J’ai bien senti ta force étrange, mais je ne suis pas prête… Je dois…

    _ Ton fardeau, c’est ta soif de réussir, de vaincre !

    _ Mais enfin quel est ton secret ?

    _ Je suis le pauvre Paschic, celui qu’on hait et méprise…

    _ Je ne comprends pas…

    _ Tu veux la justice et moi, je te dis : « Fais mille pas avec ton ennemi ! » Tu te souviens ?

    _ Je ne crois pas…

    _ Ma paix est bien réelle cependant…

    _ Il faut qu’ j’y aille !

    _ Bien sûr ! Un peu de haine, un peu de mépris, pour le pauvre Paschic ! Donnez ce que vous pouvez ! Merci madame, merci monsieur !

    _ Au revoir, Paschic !

    _ Au revoir, Lapsie ! Va porter la bonne nouvelle !

    _ Je dirai à la Machine que je t’ai vu !

    _ Dis lui qu’il n’est jamais trop tard pour avoir la paix ! Elle aussi souffre comme toi !

    _ Et si tu te trompais, Paschic ? Regarde, tu n’es rien !

    _ Je te le répète, je fais danser tes monstres ! Je suis la lumière et la paix !

    _ Et la vérité ?

    _ Comment être fort avec le mensonge ? C’est pour cela que je suis le pauvre Paschic ! »

                                                                                                   112

    Au QG du Troisième Reich féminin, c’est l’ébullition ! On attend la visite de la Machine ! Le Führer de ces dames ! Lapsie et Bona, dans leur uniforme noir impeccable, marqué par le sigle FF, pressent leurs subalternes ! « Schnell ! Schnell ! » crient-elles et les bottes astiquées vont et viennent ! Depuis longtemps, les hommes ont été dressés, domestiqués, déstructurés ! Ils ne servent plus qu’à donner leur semence et encore ! A force d’être harcelés, écrasés, broyés, ils ne peuvent plus entrer en érection, ce qui provoque le mépris des femmes !

    Cependant, certains résistent, tel Paschic, qui a rejoint le maquis ! « Heil la Machine ! » font Bona et Lapsie, quand apparaît leur chef, qui les salue négligemment ! La Machine a les traits tirés et semble vieillie ! Elle ne dort plus et on finit par se demander où est son génie de naguère ! En effet au début de la guerre féminine, elle multipliait les coups d’éclat, avait des intuitions merveilleuses ! Les lignes masculines étaient enfoncées ! L’homme courait en déroute ! Les prisonniers se rendaient par milliers !

    Mais, maintenant, on perd des batailles, on ne progresse plus aussi vite qu’avant, on a du mal à tout contrôler ! N’a-t-on pas vu trop gros ? Est-ce une folie que de vouloir éradiquer l’homme ? Le nouvel ordre féminin ne peut-il pas s’imposer ?

    La photo de Paschic est bien en vue sur le mur, car il fait partie des derniers hommes dangereux… En dessous du cliché, les récits glaçants se succèdent ! Ici, il aurait tiré la langue à une fermière ! Là, il aurait refusé d’embrasser une FF, ce qui constitue une injure ! L’esclave doit obéir au maître ! Là-bas, il aurait craché sur un portrait de la Machine !

    La Gestapo le traque sans relâche ! On parle du Monstre des Vosges et on fouille chaque tas de foin ! On interroge, intimide, torture ! On examine chaque piste et la prise de cet ennemi du féminisme ne serait plus qu’une question d’heures ! Mais la Machine n’est pas convaincue et sa colère légendaire éclate : « Je me fous de ce que les Américains puissent aider Paschic ! Je le veux à un croc de boucher ! On ne défie pas la Machine ! Et la solution finale pour les hommes, on en est où ?

    _ On a ouvert un nouveau camp… Les trains ont été multipliés par quatre !

    _ Ce n’est pas suffisant ! Le Grande femme doit régner sur le monde ! Tous les hommes sont là pour la servir !

    _ Ya ! Ya ! Meine Machine !

    _ L’émasculation de masse ! La gloire lesbienne ! Rappelez-vous votre serment : le vagin ou la mort !

    _ Heil meine Machine ! »

    Un messager claque des talons et donne un billet à Lapsie, qui dit : « Les troupes de Paschic se dirigent vers le sud ! Nous les tenons ! » Chacune s’approche d’une carte : « Ils vont tomber sur la troisième division des panzers de von Paula ! exulte Lapsie. Ils seront broyés !

    _ Prévenez von Paula qu’il n’y aura pas d’ quartiers ! renchérit la Machine. Ce chien de Paschic ne doit pas nous échapper !

    _ Et si les Américains… coupe Bona.

    _ Je me fous des Américains ! s’emporte la Machine, qui d’un coup fait sauter toutes les positions de la carte. Je veux la peau du mâle en parchemins ! Nos ennemis sont partout et ils essaient de nous manipuler, de nous diviser !

    _ Heil ma Machine !

    _ Vous savez, ce n’est pas moi qui ai commencé ! Ce sont les hommes qui m’ont déclaré la guerre ! Moi, je ne rêvais que d’une chose, rester tranquille ! Quand tout cela sera fini, je retournerai à ma peinture ! Car j’ai encore une âme d’artiste, figurez-vous ! Je suis pour la paix, mais ce sera impossible tant que l’homme n’aura pas payé le prix ! 

    _ Et les femmes intelligentes, réfractaires ?

    _ Quel sort réserve-t-on aux traîtres ? Le billot et la hache ! Comment peut-on s’opposer aux FF ? »

    Soudain la sirène d’alerte aérienne retentit et il faut se mettre à l’abri ! On entend éclater les bombes et le sol tremble ! De la poussière tombe du plafond ! On tousse et on voit de plus en plus mal ! « Himmel ! Que fait la DCA ? tonne la Machine. » Mais personne ne lui répond : c’est l’enfer sur Terre !

                                                                                                       113

    Paschic, en tenue de prisonnier et avec d’autres, doit étendre des barbelés autour du camp de la Machine… Une gardienne vient cependant le chercher et Paschic inquiet se met à la suivre… On passe des sentinelles et à la grande surprise de Paschic, il est laissé dans le bureau de la Machine ! Il a soudain peur, car les colères de la Machine sont terribles et il se demande quelle faute il a commise !

    Pourtant, la Machine apparaît apaisante : « Ah ! Paschic, je suis heureuse de te voir ! Un verre de schnaps ? » Paschic ne répond rien, tellement il est surpris ! Voyant son embarras, la Machine se montre encore plus prévenante : « Assieds-toi, Paschic ! Détends-toi ! Oublions pour un temps nos différends ! Après tout, je suis ta mère ! » Paschic s’assoit docilement, mais reste sur ses gardes… Ce qu’ignore la Machine, c’est qu’elle a conditionné Paschic jusqu’au tréfonds ! Chaque geste, chaque mot est maintenant pesé par Paschic ! Il ne sera plus jamais naturel, il est marqué à vie ! Il est caché tout au fond de lui, comme un animal craintif dans son terrier !

    Il a dû s’enfouir pour survivre ! « Tiens Paschic, tu ne vas pas me dire que tu vas refuser un bon verre de schnaps ! Ah ! Ça fait du bien ! J’ai voulu te voir, Paschic, pour t’expliquer certaines choses… Je sais que tu m’en veux… et que tu peux me voir comme un monstre, mais tu ne connais pas la vérité ! Vois-tu, nous les femmes, nous ne sommes pas libres ! Je t’avoue que je voulais même pas me marier ! Mais c’était impensable pour l’époque, surtout dans mon milieu !

    On devait se marier, Paschic, et faire des enfants ! Eh oui, c’était comme ça ! Encore un p’tit verre ? Remarque que je suis quand même bien tombée avec ton père… On a formé une belle équipe, lui et moi, et on t’a pas raté non plus ! Pas vrai ? Hi, hi ! Mais, Paschic, la société, avec ses diktats masculins, ne laisse pas de peser sur la femme ! Il faut encore qu’elle soit une bonne épouse, une bonne ménagère, qu’elle soit l’honneur de son mari, toujours là pour ses enfants, etc., etc. !

    Cela nous demande beaucoup, Paschic ! Cela nous ronge même, nous dévore ! Ainsi, sous le joug du devoir, j’ai pu m’irriter, perdre le contrôle et me montrer injuste, trop directive à ton égard ! Tu vois, je reconnais mes fautes, mais je tiens à ce que tu saches que je ne suis pas entièrement responsable ! J’étais moi-même sous emprise ! Je me débattais pour conquérir ma liberté ! J’avais aussi mes chaînes ! »

    Un silence se fait ! Paschic est abasourdi ! Il est encore dans le brouillard, dans cette sorte d’hébétude qui lui est coutumière, car il se demande toujours s’il est bien réel, s’il existe vraiment, tellement il a été enfoncé en lui-même par la Machine ! Les propos qu’il vient d’entendre enfin le pénètre et il se met à rire, à rire !

    Cette réaction imprévue gêne la Machine, qui dit : « Sans doute que le schnaps te fait trop d’effet ! J’aurais dû m’y attendre ! » « Alors comme ça, pense Paschic, je n’ai pas servi de paillasson à la Machine ? Elle ne m’a pas bousillé, au nom de ses plaisirs ? Je ne suis qu’un dommage collatéral, dans sa lutte contre les diktats masculins ? Elle n’est pas d’un orgueil épouvantable ? Ce n’est pas seulement son monde qui doit triompher ? Toute résistance ne doit pas être écrasée ? Elle ne m’a pas massacré, dès que je la dérangeais ? Se sentant opprimée, elle a opprimée davantage ? Se sentant esclave, elle a voulu des esclaves ? »

    Paschic arrête subitement de rire : il est effrayé de s’être laissé aller et de nouveau il se ferme ! Il attend qu’on le laisse partir… La Machine est à des années-lumière de la réalité ! Cependant, elle est de nouveau gênée… Elle ne comprend pas le silence de Paschic, bien qu’il soit son œuvre ! « Écoute Paschic, dit-elle, il faut que tu réfléchisses un peu à cela… C’est nouveau pour toi… Tu peux t’en aller... »

    Paschic se lève et une fois dehors, il respire ! Il regarde le camp, les barbelés, les miradors… Il repense aux sévices, aux humiliations, aux coups, aux mensonges, aux perfidies, à cette incroyable injustice qui l’a détruit, aussi sûrement qu’un char qui lui aurait passé dessus, et tout cela ne serait dû qu’aux diktats masculins, qu’à une situation pénible vécue par la Machine elle-même ?

    Paschic est partagé entre le rire et les larmes, c’est typique du voisinage du désespoir ! Mais, ce soir, il va se faire la belle ! Depuis des mois, il construit un tunnel, patiemment ! Lui, la vérité, il la veut, d’où son acharnement ! Il n’en a pas peur, comme la Machine ! Ou bien elle existe, ou bien tout n’est que vent ! Paschic ne restera pas dans la demi-mesure de la Machine, son hypocrisie, son égoïsme ! Il a trop vu le mal qu’elle fait !

    Et puis, il se rend compte que la Machine a encore parlé d’elle, qu’il a encore été question d’ sa gueule et c’est bien là le problème ! La Machine n’aurait pas été un bourreau, si elle avait dépassé son nombril, si elle avait aimé plus qu’elle, plus grand qu’elle ! Les diktats masculins ? Alors que Paschic n’est plus que du sang mêlé de boue !

                                                                                                    114

    Paschic est DA (District Attorney) et en plein procès, il interroge la Machine, qui est accusée d’avoir tué son mari ! « Madame la Machine, racontez-nous encore une fois ce qui s’est passé cette nuit-là…

    _ Ben, j’étais seule à la maison et j’ai entendu du bruit… J’ai d’abord crû qu’une fenêtre s’était ouverte, puisqu’il y avait du vent et de la pluie dehors… Et puis, j’ai vu cette forme qui se dressait peu à peu le long du mur… C’était horrible ! Elle semblait interminable, avec des bras comme des tentacules !

    _ Votre Honneur, intervient Lapsie, l’avocate de la Machine, ma cliente est visiblement très éprouvée… Serait-il possible de faire une pause ?

    _ Maître, nous avons bien conscience de l’épreuve que traverse la Machine… Néanmoins, elle est l’accusée et elle va donc continuer son récit… Poursuivez madame la Machine…

    _ Oui, votre Honneur… J’étais absolument terrifiée ! Ce n’était même pas humain ce qui me menaçait ! C’est alors que je me suis rappelé l’arme que je place dans ma table de nuit… Je m’en suis saisie et j’ai tiré !

    _ Cinq fois ! fait Paschic.

    _ Je vous l’ai dit : j’étais terrifiée ! Puis je me suis approché, car la « chose » ne bougeait plus ! Et c’est là que j’ai reconnu Edgar ! mon pauvre Edgar !

    _ Vous n’aviez pas reconnu votre mari ?

    _ Comment aurais-je pu le reconnaître ? Il m’avait dit qu’il serait à son club !

    _ Madame la Machine, depuis quand avez-vous cette arme ?

    _ Cinq ans environ !

    _ Pouvez-vous dire au jury pourquoi avez-vous acheté cette arme ?

    _ Ben, la maison est assez isolée et…

    _ N’avez-vous pas déclaré à une amie qu’Edgar vous faisait peur ?

    _ C’est vrai… Il avait changé avec le temps… Il était devenu plus autoritaire… Il me reprochait mes amies, mes sorties, mes joies ! J’ai tout sacrifié pour lui, mais rien ne pouvait le satisfaire ! Il était… il était toxique !

    _ A un tel point que vous avez acheté une arme pour vous défendre ?

    _ Objection votre Honneur ! s’écrie Lapsie. Le DA fait les questions et les réponses !

    _ Objection retenue !

    _ Très bien, reprend Paschic, je vais poser ma question autrement ! Madame la Machine, ne pensez-vous pas que l’achat d’une arme est exagéré, pour régler un problème de couples ?

    _ Edgar me dévorait ! Il me bouffait ! La prochaine étape, je le savais, ce serait des coups ! Et il n’était pas question qu’on en arrive là ! J’étais prête à me défendre !

    _ Votre Honneur, poursuit Paschic, je voudrais montrer une vidéo…

    _ Objection votre honneur ! coupe Lapsie. La défense n’a pas été informée de l’existence de cette vidéo !

    _ Que le ministère public et la défense veuillent bien approcher ! dit le juge. Monsieur le DA, est-ce vrai que vous avez caché à la défense l’existence de cette vidéo ?

    _ Mais pas du tout ! Elle se trouve page 19 dans la liste des pièces remise à la défense !

    _ Noyée dans un tas d’ saloperies ! réplique Lapsie.

    _ Maître, surveillez vos propos ! dit le juge. Monsieur le DA, êtes-vous bien sûr que cette vidéo peut faire évoluer l’affaire ?

    _ Elle l’éclairera d’un jour tout à fait nouveau !

    _ Très bien, j’autorise le visionnement de cette vidéo, mais soyez convaincant, monsieur le DA !

    _ Merci votre honneur…

    _ Très bien, le jury est prévenu qu’il va voir une vidéo, annonce le juge. »

    A l’écran, on découvre une petite épicerie, dans laquelle entre la Machine ! Immédiatement, les autres clients se mettent à genoux, pour montrer leur déférence et l’épicier ne cesse de faire des courbettes ! Il semble même donner de l’argent à la Machine ! « C’est bien vous que l’on voit sur l’image ? demande Paschic à la Machine.

    _ Euh… Oui…

    _ Tout le monde tient à vous marquer du respect, car vous êtes très connue dans ce quartier… et pas seulement celui-là ! En fait, il s’avère que les trois quarts de la ville vous appartiennent et que votre vrai nom est le Mépris ! Est-ce exact ?

    _ Edgar était toxique ! Il me menaçait !

    _ Vous vous appelez le Mépris et vous régnez sur la ville ! Mais Edgar était le problème ?

    _ C’est lui qui avait la force physique !

    _ Nous savons que vos affaires périclitent… Mais Edgar n’avait pas un sou… Cependant, vous faites actuellement la une, en vous présentant comme une femme qui a défendu sa vie, face à un conjoint violent… N’est-ce pas là une manière de vous remettre en selle ?

    _ Et alors ? Le train MeeToo profite à tout le monde et pourquoi pas à moi ? J’ai jamais eu d’ chances dans la vie ! Mais je n’ai pas tué Edgar pour ça !

    _ Non, vous l’avez tué parce que vous le méprisiez !

    _ Espèce de sale mâle prétentieux ! J’ai qu’à claquer des doigts et demain tu m’ supplieras d’ t’épargner !

    _ Je n’ai pas d’autres questions, votre Honneur ! »

                                                                                                         115

    La Machine, Bona et Lapsie fument des cigares, en sirotant leur whisky… « Non mais écoutez-moi ça ! s’écrie Bona, le nez dans le journal. « Paschic, un heureux dans la rue ! Question du journaliste : « Monsieur Paschic, comment faites-vous pour paraître aussi serein, aussi détendu ! On dirait qu’une bonne étoile vous protège ! » Réponse : « Vous voulez mon secret ? Je ne fais que ce qui m’amuse ! ainsi je garde la joie de vivre et je ne fais pas suer mes concitoyens ! » Question : « Que ce qui vous amuse ? Mais faut travailler dans la vie ! » Réponse : « Et qui vous dit que je ne travaille pas en m’amusant ! Vous connaissez la formule : « Heureux les purs, car tout leur est pur ! » 

    _ Nom d’un chien ! s’insurge Lapsie. Qu’est-ce qui faut pas entendre comme conneries ! Lui pur ? Quelqu’un pur ?

    _ C’est surtout mauvais pour les affaires, rétorque la Machine. Quelqu’un qui s’amuse sur mon territoire, c’est très démoralisant pour ceux qui sont sous ma domination ! Ça leur donne des idées…, des idées de grandeur, de rébellion !

    _ C’est encore mauvais pour MeeToo, renchérit Bona. Accorder de l’attention à c’ type, c’est moins de lumière pour les femmes ! Et puis, c’est de nouveau le mâle triomphant !

    _ J’ crois que nous sommes toutes d’accord, ajoute la Machine, il faut lui régler son compte une bonne fois pour toutes ! Je ne vais pas laisser c’ morveux me marcher sur les pieds !

    _ T’as raison, fait Lapsie. J’ai justement acheté du nouveau matériel que je voudrais bien essayer ! On va voir comment le « pur » arrête les balles ! »

    Chacune prend ses armes et on les entend les vérifier ! Pistolets, fusils, couteaux et même grenades sont embarqués et la voiture du trio démarre. Pendant ce temps-là, dans sa petite maison, Paschic se pénètre d’un oud mélancolique, en accord avec l’éclairage tamisé ! Soudain, les vitres éclatent, les tableaux tombent et des balles perforent les murs ! Les tirs paraissent incessants et Paschic, après avoir été blessé à la jambe, s’est traîné derrière le divan !

    Le silence se fait un moment, mais c’est que les filles approchent et entrent dans le salon… Elles marchent sur les débris et entendent les plaintes de Paschic ! La Machine contourne le divan et loge dans Paschic deux balles, dont l’une dans la tête ! Le travail est terminé et les tueuses se pressent vers leur voiture, alors que déjà au loin retentit une sirène ! Un voisin a dû prévenir les secours…

    Le lendemain, les filles regardent la télé et notamment le JT : « Une tuerie s’est produite hier soir, dans le quartier résidentiel de Hampshire, explique la journaliste. La victime, nommée Paschic, a immédiatement été conduite à l’hôpital, où elle combat entre la vie et la mort ! On ignore encore quelles sont les causes de ce crime et quels en sont les auteurs... »

    « C’est pas vrai ! s’écrie Bona. Vous avez entendu ? Ce fumier est encore vivant !

    _ Je lui ai pourtant mis une balle dans la tête ! précise la Machine.

    _ Ça devrait suffire, réplique Lapsie. S’il est encore vivant, c’est à l’état de légume !

    _ Il y a quand même un doute… poursuit la Machine.

    _ Dans c’ cas, y a plus qu’une solution ! fait Bona.

    _ Ah oui ? Et laquelle ? demande la Machine.

    _ Tautonus ! C’est un spécialiste ! Rien ne lui résiste !

    _ OK ! dit la Machine. Je le mets sur le coup ! »

    A l’hôpital, Paschic émerge discrètement du coma et il entend un médecin dire à un de ses collègues : « J’ sais pas comment c’est possible ! La balle dans le cerveau ne l’a pas tué !

    _ Mais il gardera des séquelles !

    _ Sans doute ! Reste à savoir à quel stade il sera diminué ! »

    Les deux médecins s’éloignent et Paschic se rendort ! Quand il se réveille à nouveau, il fait nuit et tout semble calme…, mais Paschic reconnaît soudain une voix dans le couloir : celle de Tautonus ! Celui-ci parle avec une infirmière, comme si lui-même faisait partie du personnel ! Vite, il faut trouver une solution pour Paschic !

    Il fait l’effort de sa vie ! Il avance en boitant et en suant vers son placard ! Il se saisit de son manteau et d’un bonnet, qui vont prendre sa place ! Puis, il détache les fils qui l’encombrent et les glissent sous les couvertures ! L’alerte est sûrement donnée, mais Paschic n’en a cure et il se cache dans le placard, vaste comme une salle de bains ! De là, il voit Tautonus qui entre sans tarder et qui d’une main sûre tire avec un silencieux, sur la forme du lit ! Tautonus n’a pas le temps de vérifier son œuvre et il disparaît ! Enfin, Paschic peut s’écrouler !

    Bien plus tard, quand il sortira de l’hôpital et malgré son handicap, car il ne sera plus lui-même, il sera sans pitié pour le crime !

     

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    R26

     

                         " Attention à mon Nagra! C'est Suisse, c'est précis!"

                                                                                 Diva

     

     

                                                 105

    Paschic est inspecteur de police et il interroge une suspecte… « Résumons-nous, si vous le voulez bien… Vous avez utilisé votre mari, pour vos plaisirs, jusqu’à ce qu’il en crève ! comme on tue un cheval à la tâche ! C’est bien ça ?

    _ Mais pas du tout ! On formait un couple heureux, complémentaire, uni dans la lutte, une vraie réussite !

    _ Bien sûr ! Mais ça, c’est pour la vitrine ! La vérité, c’est que vous avez transformé le pauvre gars en toutou ! Il faisait vos quatre volontés ! Il ne méritait d’ailleurs pas mieux, tellement vous le méprisiez !

    _ Sans moi, il serait resté un minable !

    _ Sans vous, il serait encore en vie !

    _ Mais pour qui vous prenez-vous ? Sale con prétentieux !

    _ Outrage à magistrat ! On commence à y voir un peu plus clair !

    _ Mais enfin que me reprochez-vous ? Mon mari est parti d’un cancer foudroyant !

    _ Mais je me fais fort de prouver que c’est votre traitement qui l’a mené vers cette issue ! Il était votre esclave, vous l’avez détruit ! J’appelle ça un meurtre par la bande !

    _ Je veux parler à mon avocat !

    _ Vous savez, les femmes tuent, mais à leur manière ! Elles n’ont pas la force physique, alors elles broient ! Ça dure des années, mais c’est efficace !

    _ Vous ne pouvez pas comparer ça à un féminicide ! Je n’ai jamais eu l’intention de donner la mort !

    _ Mais les auteurs de féminicides non plus ! Je vous assure ! Ils voient rouge... Leur haine est incommensurable, leur mépris aussi ! Et ils ne prennent véritablement conscience du drame que bien après ! quand ils ne se sont pas supprimés eux-mêmes !

    _ Tous des mauviettes… ou des assassins !

    _ C’est le mépris qui assassine, qui fait que l’autre n’a aucune valeur ! Et c’est bien votre mépris qui a tué votre mari ! »

    A cet instant, le commissaire ouvre la porte de la salle d’interrogatoire et dit : « Paschic, dans mon bureau ! » Paschic, à regret, doit abandonner sa suspecte et il suit le commissaire… « Mais bon sang, Paschic, qu’est-ce que vous foutez ? s’écrie le commissaire dans son bureau.

    _ J’essaie de coincer une meurtrière !

    _ Ah bon ? Et comment allez vous faire aux yeux de la loi ? Comment allez-vous prouver que cette femme est à l’origine du cancer de son mari ?

    _ Je vais mettre les faits bout à bout ! Il y a des témoignages, qui décrivent le comportement tyrannique de cette femme, son dédain à l’égard de son mari ! Je vais montrer comment l’état de santé de celui-ci s’est dégradé au fil du temps !

    _ Un bon avocat mettra vos éléments en pièces ! Jamais on qualifiera le cancer de meurtre !

    _ Il faut faire avancer la loi ! Elle doit prendre en compte la violence des femmes ! Elles sont aussi des tueuses !

    _ Vous me faites chier, Paschic ! Votre combat est hors de propos, il est anachronique ! Vous savez qui je viens d’avoir au téléphone ? Le préfet, Paschic ! C’est un ami de la dame et il veut sa libération immédiate ! Elle est du gratin, Paschic ! On n’y touche pas, à moins que ce n’ soit vraiment sérieux ! Vu ?

    _ Le pauvre type n’a eu aucune chance ! Elle l’a broyé et jeté comme un peau d’orange ! après en avoir bu tout le jus ! C’est un vampire, cette femme-là… et il y en a bien d’autres !

    _ Écoutez, Paschic, vous êtes un bon flic, mais un emmerdeur ! Pourquoi ne prendriez-vous pas un peu de vacances ! Vous relâchez la dame et vous repartez du bon pied !

    _ J’ai déjà pris mes congés…

    _ Pfff ! Pourquoi n’êtes-vous pas comme tout le monde, Paschic ? Pourquoi cherchez-vous la petite bête ? Vous avez un salaire convenable, vous pourriez fonder une famille…

    _ Vous voulez dire que la vie ressemble à un spot bancaire ? On s’engueule, on se réconcilie, on a des projets, on voit ses enfants grandir… et puis on meurt ! Comme c’est attendrissant ! C’est l’équilibre selon les psys ! Un monde où notre mépris quotidien n’existe pas !

    _ En tout cas, laissez tomber cette affaire !

    _ Vous savez pourquoi le chaos nous entoure, pourquoi nous crevons de soif ? C’est justement parce que nous poursuivons un mirage ! »

                                                                                                        106

    Paschic, toujours flic, apprend qu’on va décorer la Machine pour sa vie de mère exemplaire ! Il ne fait qu’un bond et décide de se rendre à la cérémonie ! Il y a beaucoup de monde, avec des cocardes partout et une fanfare ! Le maire est là, sur une tribune, et on attend la star ! Elle arrive en grosse limousine noire, avant d’emprunter le tapis rouge, et du véhicule sortent d’abord Lapsie et Bona, la main sur leur oreillette ! Elles sont là pour protéger la Machine et s’assurer que la voie est libre ! Puis, la Machine apparaît, rayonnante sous les flashes ! Elle salue son public, venu nombreux pour l’acclamer ! On crie : « La Machine ! La Machine ! » pour attirer son attention ou recevoir un autographe !

    La fanfare entame une marche triomphante et le maire souriant conduit la Machine jusqu’à la tribune ! Là, le maire et la Machine lèvent la main ensemble, comme pour montrer qu’ils sont unis dans la même lutte, celle du bien contre le mal ! La foule approuve et participe à l’engouement ! L’horizon n’est pas totalement noir, puisque la justice a aussi ses moments de gloire ! C’est ce que pensent les uns et les autres et quand le maire commence son discours, le silence se fait naturellement ! Le respect est respecté !

    « Mes chers concitoyens, dit le maire, elle est là ! Elle est venue ! (cris d’enthousiasme!) Elle est venue pour soutenir notre combat ! celui des droits de la femme contre l’oppression, les vexations de l’affreux patriarcat ! Qui mieux que la Machine peut représenter notre soif, notre idéal de vérité et d’égalité ? Car la Machine n’est pas seulement une femme, mais une mère, une mère sacrée comme elles le sont toutes ! En effet, la Machine a élevé des hommes dans un monde d’hommes et cela veut dire qu’elle a dû se battre doublement, à l’extérieur comme à l’intérieur de la famille, pour mettre à bas les préjugés masculins ! Cette femme, mes chers concitoyens, nous ne sommes pas dignes de délier ses souliers ! Elle est une égérie par excellence ! un exemple pour tous ! C’est une pionnière qui nous montre que la famille et le pouvoir ne sont pas incompatibles ! que la reine peut faire aussi bien et mieux encore que le roi ! (Applaudissements, cris d’enthousiasme!) Je suis fier aujourd’hui d’être aux côtés de la Machine, car plus nous serons nombreux et plus nous pourrons faire bouger les choses ! Qu’à jamais le nom de la Machine soit associé à celui de notre ville ! Que notre chère cité symbolise le combat des femmes libres ! Mais ce n’est pas moi que voulez écouter, c’est elle ! La fabuleuse, l’extraordinaire Machine ! (Foule en délire!) »

    La Machine prend le micro : « Salut vous tous ! (Acclamations!) Vous êtes chaud ! Comment ? Je ne vous entend pas ? Ah ! C’est mieux ! Je vous aime tous ! Mon triomphe est aussi le vôtre, car vous et moi, nous ne désirons qu’une seule chose, la vérité pour toutes les femmes ! La justice ! Nous la voulons du fond du cœur ! Car nous sommes toutes des opprimées ! Toutes ici nous avons été blessées par l’égoïsme masculin ! Toutes ici nous avons été confrontées aux abus de l’homme ! Toutes ici avons été un jour ou l’autre des victimes, des incomprises, et toutes ici avons pleuré et gardons des plaies qui ne sont pas guéries ! Ce n’est pas vrai ? (Le silence s’est installé et on entend des larmes ici et là!)

    _ Arrête ton char ! La vérité, c’est qu’ t’es une belle salope ! qui n’a pensé qu’à sa gueule tout le temps ! (C’est Paschic qui se met à crier!)

    _ Évidemment, le combat continue ! reprend la Machine (elle s’efforce d’être indifférente à Paschic!) Certains mâles continuent de nous harceler et à répandre leur venin, mais…

    _ T’es une ordure, moi, je le sais ! Un monstre d’hypocrisie ! Le monde entier doit tourner autour de ton nombril et encore aujourd’hui, t’as la gueule dans la gamelle ! L’égoïsme féminin est égal au masculin ! Pas de problèmes, l’un vaut l’autre ! Et ton mépris, bon Dieu, ton mépris incommensurable ! Mais qu’est-ce que vous avez tous ? Vous êtes débiles ou quoi ? Notre ennemi, ce n’est pas l’homme ! C’est notre propre pourriture ! C’est le mépris commun qu’il faut combattre ! »

    A cet instant Lapsie et Bona, accompagnées par des hommes en noir, s’approchent de Paschic et s’en saisissent ! « Monsieur, fait l’un, veuillez quitter les lieux ! Vous perturbez la cérémonie !

    _ Va te faire foutre ! La machine est une ordure ! Et il faut qu’on le sache ! »

    Il s’ensuit qu’on pousse Paschic vers la sortie et il essaie de se libérer, en criant encore : « La Machine, j’aurai ta peau ! Bande de fumistes ! Tas de ploucs ! Bande de couilles molles ! C’est une abomination et vous êtes ses complices ! Mais la vérité éclatera ! »

    Subitement, Paschic reçoit un choc électrique et s’évanouit ! C’est l’acte de Lapsie, qui dit à ses hommes : « Lâchez-le dans les poubelles, mais veillez à ce qu’il ne revienne pas nous emmerder ! » Les hommes acquiescent et la cérémonie reprend doucement, à mesure que les esprits se calment !

                                                                                                      107

    A la fête foraine, Paschic mâche nonchalamment de la barbe à papa et s’approche d’un forain qui crie : « Entrez dans le château de la mort, mesdames et messieurs ! Affrontez les monstres les plus épouvantables et les plus horribles, créés par la technologie la plus moderne ! Je vous garantis que vous allez trembler de la tête au pied ! A moins que vous n’ayez peur… N’est-ce pas, monsieur ?

    _ C’est à moi que vous parlez ? fait Paschic.

    _ Vous voyez quelqu’un d’autre derrière vous ?

    _ Non, mais…

    _ Mais vous êtes déjà en train de vous défiler ! C’est humain ! (Il hausse les épaules!)

    _ Ah ! Ah ! Vous insinuez que j’ai peur, c’est ça ?

    _ Je n’insinue rien ! Je vois, c’est tout ! Vous êtes verdâtre, vous transpirez ! On dirait la dernière feuille accrochée à son arbre !

    _ Un billet, l’escroc, et plus vite que ça ! Je vais vous montrer, moi, que je suis une sorte de titan imperturbable ! J’en ai vu bien d’autres !

    _ 15 euros ! Mais c’est quasiment à contre-cœur ! Je vais utiliser ma machinerie pour rien, car vous allez vous évanouir dès la première scène ! Enfin,  vous êtes sûr d’être majeur ?

    _ Ah ! Ah ! Je vais ressortir de là les doigts dans le nez ! J’aurais l’air de Surcouf sur le pont du Triton !

    _ Hein ? Mais c’est pas grave : j’ suis assuré, même s’il faut vous ramasser à la petite cuillère ! »

    Paschic à son tour hausse les épaules et pénètre dans le château ! Il entend d’abord un vacarme épouvantable, puis un type avec un casque vient vers lui ! « Il faut que vous dégagiez ! dit le type. C’est un chantier ici !

    _ Quoi ? Qu’est-ce que vous dites ? (Le vacarme redouble!)

    _ Je dis que c’est un chantier ici ! Faut dégager !

    _ Bon sang, j’entends rien ! C’est un chantier, c’est ça ?

    _ T’es un connard, j’ me trompe ? J’ te dis qu’ c’est un chantier ! Alors tu dégages !

    _ Qu’est-ce que vous faites ici ? (Paschic hurle!)

    _ La Cité du bonheur ! Deux mille logements, aux normes environnementales ? Hein, qu’est-ce que tu dis d’ ça ?

    _ Vous êtes sûr que c’est pour le bonheur des gens ?

    _ Ben, après la peinture, on verra mieux ! Pour l’instant, c’est du travail ! On bosse quoi ! C’est pourquoi tu peux pas rester là !

    _ Ouais, ouais, moi, j’ bosse pas, j’ fais pas d’ bruit, alors j’ dégage !

    _ Mais tu parles not’ langue ! »

    De nouveau Paschic hausse les épaules ! Mais une légère angoisse le prend : si la première épreuve était la plus facile, il ne sait pas désormais s’il pourra résister aux prochaines, tant le bruit l’a déjà abruti ! Mais enfin il poursuit et soudain un fumigène rougeâtre roule à ses pieds ! Il l’esquive, mais un jet de lisier le menace et en voulant s’écarter, il bute contre une gigantesque roue de tracteur ! Des hommes en salopette se jettent sur lui et lui crient : « Nous, on est en colère ! On en a marre !

    _ Mais, les gars, j’ peux pas faire grand-chose pour vous… Le forain, à l’entrée, m’a pris tout ce que j’avais !

    _ On s’en fout d’ ton fric ! Nous, on est en colère, on en a marre !

    _ Attendez, si je comprends bien, vous êtes comme moi ! Vous êtes en colère contre Poutine qui tue impunément et qui a tous les cynismes ! Vous pensez comme moi aux enfants ukrainiens morts !

    _ Non, nous…

    _ Ah, j’y suis ! Vous êtes énervés contre Trump, parce qu’il saccage la vérité ! D’ailleurs, depuis le début vous êtes au service du bien, de la vérité et vous êtes désespérés de prêcher dans le désert ! Ce qui vous attriste le plus, c’est l’hypocrisie ambiante, car c’est elle qui crée l’injustice !

    _ Ah ! Mais tu nous entends pas ! Comment nous, on va faire demain ? On sait pas !

    _ Oh ! C’est votre nombril qui vous préoccupe ! Alors ça va ! Ou plutôt vous s’rez toujours malheureux ! Et moi qui croyais que vous étiez inquiets à cause de la misère, du manque d’amour, car c’est ça la véritable misère ! l’égoïsme et l’indifférence !

    _ Eh les gars ! C’en est un du gouvernement ! un beau parleur ! On va t’en faire baver le pied plat ! »

    Paschic se dégage (après tout, il a affaire à des sortes d’hologrammes!) et il rentre dans un pécheur, qui lui met un couteau sous la gorge : « T’as pas compris que c’est moi qui commande ? fait le pêcheur. Tu percutes toujours pas ?

    _ Si ! Si ! répond Paschic qui transpire abondamment. Tu peux tuer les dauphins et vider la mer !

    _ T’as rien à m’interdire ! T’entends ! Sinon couic ! »

    Pashcic acquiesce et continue… La lumière devient glauque et un homme avec un flingue s’agite bientôt devant Paschic : « Tu sais ce qui arrive quand je ne bétonne plus ? demande l’inconnu.

    _ Vous commencez à aimer les arbres ! Ah ! Ah ! »

    L’homme regarde Paschic sans comprendre ! Il a un voile gris devant les yeux ! Paschic prend conscience qu’il est devant un fou et lentement il s’échappe ! Il croit que le pire est passé, mais plus loin des femmes l’attendent ! La gorge de Paschic se noue et s’il avance encore, c’est comme dans un rêve ! « Non mais visez-moi qui arrive, les filles ! fait l’une des femmes. C’est le patriarcat ! Queue d’âne en personne ! Alors tu veux m’ violer, le gringalet ?

    _ Non, moi, j’ai toujours été poli avec les dames ! C’est d’ailleurs c’ qui m’a perdu !

    _ Hein ? Tu critiques ! Tu chiales même ! J’ parie qu’ t’en as pas !

    _ Mais si, mais si ! Mais c’est beaucoup trop gros pour vous, les midinettes !

    _ Tu vas voir, on va t’arracher le tout et l’ bouffer !

    _ Encore si vous étiez bien roulées !

    _ Grrrr ! »

    Paschic a énervé exprès ces dames, pour filer dans leur fureur et il se retrouve dehors, face au forain ! « Alors ? lui demande celui-ci. Pas trop effrayé par la société ?

    _ Pfff ! fait Paschic. J’ai été élevé par la Machine ! Ton château à côté d’elle, c’est Azay-le-Rideau !

    _ Quoi ? Quoi ? Et qui c’est ça, la Machine ?

    _ La Machine ? Elle te transforme en copeaux et inspecte chacun d’eux, pour voir s’ils sont bien morts ! Il m’est arrivé de vivre à côté de moi, peinard, sans m’ faire repérer !

    _ Tu déconnes ? »

                                                                                                          108

    Paschic est réalisateur et aujourd’hui il tourne un épisode d’une série à succès ! Pendant que les techniciens préparent la scène, Paschic se remémore son entrevue avec le directeur de la chaîne, avant de commencer le tournage… Dans le bureau, à la moquette épaisse, on domine toute la capitale et le directeur, un homme massif, ne pouvant fumer, se vengeait sur des pistaches ! « Paschic ! s’écria-t-il en se plantant devant la fenêtre, j’ai des ordres d’en haut !

    _ Des ordres ?

    _ Enfin des recommandations ! De chaudes recommandations, si vous voyez ce que je veux dire ! Le mot d’ordre est Cohésion, Paschic ! Nous voulons, je veux, vous voulez de la cohésion !

    _ De la cohésion ?

    _ Exactement ! L’unité du pays, Paschic, voilà la clé du futur ! Que chacun, avec sa différence, se sente chez lui ! Pas d’émeutes, Paschic, pas d’ fractures ! De l’harmonie et encore de l’harmonie ! (Il s’éponge le front!)

    _ Ça veut dire quoi exactement ?

    _ Mais que toutes les minorités soient représentées ! Je veux des Noirs, Paschic ! des Arabes ! des Asiatiques ! des homos ! Il faut respecter les quotas ! Personne, vous entendez, personne, ne doit se sentir rejeté !

    _ Bien, bien, je ferai attention !

    _ Notre société est mosaïque, Paschic, il faut que la série reflète cette réalité ! Nous marchons sur des œufs, Paschic ! Le moindre faux pas et mille associations nous tombent dessus ! En ce cas, vous et moi, on saut’ra ! (Il s’essuie encore le front!)

    _ Cohésion, patron ! »

    Les techniciens ont terminé et les comédiens se placent… Paschic se retourne vers le Comité féministe installé dans son dos et qui joue aussi le rôle de censure ! Elles sont trois femmes, comme les Parques, et Paschic leur dit : « Je vous rappelle le sujet… Donc, les deux lesbiennes…

    _ Dites plutôt les deux homosexuelles…, réplique l’une des femmes.

    _ Très bien, donc les deux homosexuelles femmes se querellent quant à leur troisième PMA ! L’une veut un Noir, mais l’autre un Breton ! Elles se demandent alors lequel aurait le plus de chances de réussir !

    _ Le Noir évidemment !

    _ Voilà un beau parti pris ! Et si le Noir est breton !

    _ Mais c’est vous qui posez le problème, comme si breton s’opposait à noir !

    _ En fait, je crée une tension pour apporter un soulagement ! Une série, c’est fait pour jouer sur nos émotions ! A un moment donné, nos deux lesbiennes…

    _ Nos deux homosexuelles…

    _ Elles se rendent compte qu’elles peuvent avoir les deux, grâce à l’intervention du docteur, qui leur dit qu’un breton noir, c’est possible !

    _ Dieu merci !

    _ Vous voyez, tout s’arrange ! Cohésion ! Harmonie, paix !

    _ Dites, faudrait quand même éviter la dérive sectaire... »

    A cet instant, le comédien arabe s’adresse à Paschic : « J’ai un petit problème dans la scène du 5… Au moment même où j’apparais, le cuisinier crie : « A la soupe ! »

    _ Oui, c’est une formule familière, sympathique !

    _ Moi, je ne suis pas croyant, mais d’autres pourraient mal interpréter cette coïncidence !

    _ Quelle coïncidence ?

    _ Eh bien, on me voit et le « A la soupe » ressemble à « Allah soupe ! » Tu piges ?

    _ Euh… (Paschic s’essuie lui aussi le front!)

    _ Ça sent l’injure ! Et tu sais ce qui va suivre, hein ?

    _ Tu as parfaitement raison ! Bon sang, tu nous as évité une belle bourde ! On change la formule ! Bon, les enfants, on y va ! Chacun prend sa place ! »

    A cet instant, Paschic marche distraitement sur la queue d’un chien, celui du couple lesbien, et l’animal pousse un hurlement de douleur ! « Pardon le chien ! Pardon le chien ! s’écrie Paschic.

    _ Les excuses ne suffisent pas ! fait quelqu’un. Je suis le propriétaire de l’animal et cet incident ne serait pas arrivé, si le chien n’avait pas été gardé aussi longtemps en laisse ! J’appelle Nos Amis les animaux !

    _ Posez-moi ce téléphone ! Le chien est augmenté ! Ça vous va ? »

    La scène est tournée et c’est la pause… La comédienne star s’approche de Paschic… « Dis, Paschic, j’aime ta patience, ton calme… Ça t’ dirait qu’on dîne ensemble ce soir ?

    _ La vache, le putain de piège !

    _ Quoi ?

    _ Non, mais attends ! J’accepte et toi, tu cours vers le Comité féministe, pour lui dire que j’ai essayé d’abuser d’ toi ! Pas d’pot, ma vieille ! J’ suis pas né de la dernière pluie !

    _ Mais qu’est-ce que tu racontes ! Je suis sincère !

    _ Vas-y, continue ! Tu ouvres toute grande ma tombe ! Mais Paschic n’y tombera pas !

    _ Connard !

    _ Harmonie ! Cohésion ! »

                                                                                                    109

    Maintenant la Machine est vieille et dolente ! Elle reste le plus souvent alitée et une auxiliaire de vie veille à son bien-être ! « Aaaaatcha ! fait la Machine sur ses oreillers.

    _ Tiens, vous avez pris froid ! dit l’auxiliaire qui arrête de balayer.

    _ Oh ! S’il n’y avait que ça !

    _ Vous m’avez l’air un peu déprimée ce matin !

    _ Peut-être… Aaaatcha !

    _ Mais vous ne pouvez pas rester comme ça ! Je vais vous faire un thé, quelque chose de chaud !

    _ Au point où j’en suis !

    _ Mon Dieu, ça ne va pas du tout ! Où est la femme combattante que vous m’avez habitué à voir ?

    _ Vous avez raison, je me laisse aller…, mais le cœur n’y est plus !

    _ Écoutez, je vais augmenter le chauffage, redresser vos oreillers et…

    _ Passez-moi plutôt mon album ! Vous êtes jeune et vous ne pouvez pas comprendre ! Vous n’avez pas conscience que vous vivez votre meilleure période ! Vous vous en plaignez sûrement et pourtant elle ne durera pas ! La vieillesse vient trop vite et quand enfin vous ouvrez les yeux, il est trop tard !

    _ Vous m’intriguez… Voilà votre album… Qu’est-ce que vous voulez y voir ?

    _ Ah ! Mon époque faste ! que je croyais éternelle ! ou plutôt dont j’ignorais tout le suc, toute la valeur ! Mais j’étais si nerveuse en ce temps-là ! si préoccupée ! La carrière de Tautonus, les enfants, le patrimoine ! J’étais sur tous les fronts, aveuglée par l’action et comme je vous l’ai dit, il faut la vieillesse pour comprendre qu’on a mangé son pain blanc ! Tenez, regardez cette photo...

    _ Je vois un jeune garçon…

    _ Remarquez comme il est falot ! Hi ! Hi ! Il est presque transparent, à force d’être insipide ! C’est Paschic, l’un de mes fils, et il n’a jamais rien fait d’ sa vie !

    _ Il a surtout l’air timide… Mais il ne peut pas être aussi mauvais que ça !

    _ Comme je l’ai méprisé… et je le méprise encore de toute mon âme… et pourtant comme il me manque !

    _ Je ne comprends pas…

    _ Je sais… Moi non plus, à l’époque, je ne comprenais pas la valeur de ce minable ! Mais en réalité il m’était essentiel ! Ah ! S’il pouvait revenir, je… je le reprendrais en main ! On recommencerait comme au bon vieux temps ! Je retrouverais enfin un peu de mon lustre ancien !

    _ J’avoue que je ne comprends toujours pas… Pourquoi regrettez-vous un garçon qui apparemment ne vous a donné aucune satisfaction !

    _ Mais parce que je m’essuyais les pieds sur lui ! Il était ma bête noire ! Je le voyais comme un fléau, mais il me servait à me soulager de toutes mes humeurs ! C’est lui, plus qu’aucun autre, qui me rendait le sentiment de mon importance, de mon pouvoir ! Aaaatcha !

    _ Ne vous excitez pas trop tout de même !

    _ Avec mes autres enfants, je me sentais parfois intimidée…, mais jamais avec lui ! Un vrai doux ! Dès que je manquais de confiance en moi, j’allais l’engueuler, je l’écrasais, je le faisais pleurer, marcher à la baguette et alors le miracle se reproduisait, j’étais toute ragaillardie, de nouveau combattante ! Je reprenais goût à la vie ! J’avais un but : changer ce minable !

    _ Ce n’est pas bien…

    _ Pas bien ? Oh, comme je comprends Poutine ! Pensez, ces méprisables Ukrainiens qui ont osé s’opposer à son contrôle ! L’ivresse du pouvoir, vous ne la connaissez pas !

    _ Et maintenant, où est Paschic ?

    _ Snif ! Il a réussi à m’échapper ! Boooououh ! A présent, je vois combien il m’était indispensable ! Il me manque ! Je voudrais de nouveau l’insulter, vider ma colère sur lui ! J’irais mieux ! Au lieu de ça, mes journées me paraissent mornes ! Je suis dans l’antichambre de la mort !

    _ A la façon dont vous avez traité Paschic, il ne pouvait pas ne pas souhaiter vous quitter !

    _ Mais il m’était si utile qu’il aurait dû penser à moi ! Qu’est-ce que je vais faire maintenant ?

    _ Lui demander pardon ?

    _ Pauvre sotte ! Allez, rangez-moi cet album ! Vous êtes là en train d’ traîner, alors qu’il y a tant d’choses à faire ! Croyez-moi, ma fille, ça va pas continuer comme ça ! Une paresseuse, voilà ce que vous êtes !

    _ Je ne vous permets pas…

    _ Comment ? Mais pour qui vous vous prenez ? Vous ne savez pas qui je suis ! Je suis la Machine, vous entendez ! La première du nom ! Mon père avait deux cents hectares et trois mille serfs ! Ah ! Ça y allait en ce temps-là ! Tous des vermines ! »

  • Rank (87-91)

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                  "Moi, Rouletabille, plus fort que le grand Frédéric Larsan! Houp la!"

                                                    Le Mystère de la chambre jaune

     

                                               87

    Dans la prison haute sécurité de l’humanité, la tension règne ! C’est le froid du dehors qui veut ça ! Il réveille des peurs instinctives ! Que se passerait-il si on venait à manquer ? On a tout misé sur la sécurité et on serait brutalement face à l’inconnu ? Le salaire, la retraite, les assurances, c’est le quotidien de la prison ! On n’est pas heureux, on râle au moindre changement, mais à qui la faute ? On n’a jamais voulu reconnaître ses sentiments et combien ils nous mènent ! On s’est réfugié dans l’hypocrisie, on a nié ses peurs, son désir de commander, on a parlé de fatalité, de devoirs et on s’est retrouvé enfermé pour la vie !

    On y est plein de haine évidemment ! Car les frustrations sont nombreuses et on ne cesse de s’inventer des ennemis ! Il y a des clans, des luttes de pouvoir, des règlements de comptes ! On n’essaie pas d’y voir clair, de comprendre, d’aimer, mais on fait son temps interminable, on marque sur le mur les jours avant la retraite, jusqu’à ce que la mort délivre dans l’anéantissement !

    Il y a bien la promenade du dimanche… On sort, on fait un bout de chemin, on revient et on retourne à la prison ! On appelle ça : « Prendre l’air ! » Bien sûr, on a plein de plans ! On rêve en secret ! On calcule : le mur fait dix mètres de haut, il est situé à cinquante pas…, le gardien ne me voit pas dans tel angle, sa ronde dure dix minutes, etc. ! On s’imagine avoir ceci, cela, gravir tel échelon, bénéficié d’une amélioration, être dans un quartier moins dur…, on envie ceux qui ont une douche personnelle, les riches, qui ont de multiples avantages ! On rêve de leur faire la peau, de diriger à son tour, mais la liberté, la véritable aventure, on n’y songe même pas !

    On parle pourtant de destins extraordinaires, de gens heureux, de passions infinies, de grands souffles, d’espoirs sans bornes, mais ce ne sont que des légendes, des fadaises ! La preuve ? Ici, il faut se battre pour un morceau de savon ! Voilà la seule réalité ! Alors les contes de la foi, les messages d’amour, hein ? Oh ! Ce qu’on ne dit surtout pas, c’est qu’il est hors de question de déchoir, de s’humilier, de perdre, de chercher ! On veut à tout prix commander, rouler des mécaniques, ça, c’est sérieux ! C’est le plus fort qui gagne et ainsi fonctionne la prison !

    « Paschic, parloir ! » Rank se lève de sa couchette, pour suivre la gardienne qui vient de l’avertir qu’il a une visite… On passe des grilles, des couloirs, puis on s’arrête dans un coin ! Rank est surpris d’autant qu’il se retrouve face à la redoutée bande de la Machine ! Elles sont là quatre femmes, apparemment de connivence avec la gardienne ! La Machine s’approche de Paschic menaçante et lui fait : « Il paraît que tu fais circuler une pétition, pour empêcher la lutte contre les violences faites aux femmes !

    _ Bien sûr que non ! Mais je m’oppose à toutes les violences, y compris celles commises par les femmes ! Elles sont aussi égoïstes et méprisantes que les hommes ! Vous ne connaissez pas le sens du mot respect !

    _ Voyez-vous ça... »

    La Machine frappe Rank, qui s’écroule et les autres femmes en profitent pour lui donner des coups de pieds ! Quand il est bien sonné, la Machine se penche pour lui dire : « T’as pigé petite crevure ! C’est moi, la loi ici ! Tu m’obéis, un point c’est tout ! A partir de maintenant, t’as intérêt à t’ tenir à carreau ! Et va aussi t’ changer... Snif ! Snif ! J’ crois bien que tu t’es pissé d’ssus ! Ah ! Ah ! »

    Toutes les femmes rient, y compris la gardienne, qui malgré tout relève Rank, pour le conduire au parloir ! « Mon Dieu, dans quel état tu es ! s’écrie la reine Beauté derrière la grille. C’est elle qui est venue voir Rank ! « Qu’est-ce qui t’es arrivé ?

    _ Une leçon de la Machine ! répond Rank.

    _ Celle-là, je la déteste !

    _ Faut que tu me sortes de là !

    _ Je sais, j’y travaille ! Mais tu dois avoir confiance en moi !

    _ Je sais… Mon Dieu, comme tu es belle ! S’ils savaient ! 

    _ Justement, ils ne savent pas… et c’est bien là leur malheur !

    _ Ils ne veulent pas te voir ! C’est eux-mêmes, leur centre d’intérêt ! »

    La reine Beauté sourit faiblement, puis elle envoie un baiser à Rank, qui est bientôt ramené en cellule. La reine Beauté lui a laissé quelques friandises, mais surtout Rank a repris courage ! Il regarde le mur et dit : « Je vous aime ! » et le mur s’ouvre, il n’existe plus et le mystère commence ! Rank est libre !

                                                                                                                88

    Rank est maintenant un vieux chef sioux et il a des petits enfants, qui lui posent plein de questions et qu’il éduque à sa manière ! Ce jour-là, il est au bord de la rivière et reste là sans rien faire, car même dans la tribu Rank ou Paschic a toujours été un original ! On le respecte cependant, car on dit qu’il a une relation particulière avec les esprits ! Un de ses petits-garçons est venu le voir, mi par curiosité, mi par ennui, et Paschic retrouve en lui l’enfant qu’il a été lui-même et qui se sentait à bien des égards un étranger, ne comprenant pas le monde !

    Le vieux veut mettre le jeune à l’aise et lui demande : « Alors quelles sont les nouvelles ?

    _ On dit que Fort Occupée a maintenant un nouveau commandant… Une femme…, nommée la Machine !

    _ Ah ?

    _ Oui ! Et le fort est en ébullition ! Du matin au soir, on s’y prépare à nous attaquer ! Mais pourquoi ? »

    Rank ne répond pas tout de suite, mais regarde l’eau qui s’écoule… Puis, il dit : « Tu vois, les hommes et les femmes sont d’abord des animaux et ils veulent éprouver, sentir leur supériorité ! C’est ce qui leur donne le sentiment d’exister, c’est leur importance qui garantit leur équilibre ! Des femmes notamment ont toujours besoin de séduire, même ceux qu’elles ont méprisés la veille, tant l’angoisse peut être forte ! D’autres n’ont jamais eu d’illusions sur leur pouvoir de séduction et d’emblée elles ont opté pour le mépris, le contrôle, le pouvoir et la Machine doit être de celles-là, d’où son envie de nous attaquer, de nous vaincre !

    _ Je ne comprends pas très bien…

    _ Non, ce sont des choses qui ne deviennent claires qu’avec le temps et même la plupart des adultes les ignorent totalement… Pour résumer, je dirais que l’être humain est un animal enragé, s’il n’écoute pas l’Esprit !

    _ Mais où est l’Esprit grand-père ?

    _ Tu vois cette eau qui coule… Elle semble s’amuser autour du rocher… Elle fait des ronds, de la mousse, elle glougloute, murmure ! Si tu la regardes et l’écoutes, tu apprends ce qu’est l’Esprit, car il est plus grand que toi ! La Machine, et toutes les machines du monde sont en prison en elles-mêmes ! Rien de ce qui leur est extérieur ne les intéresse ! Ainsi elles méprisent l’Esprit, car il n’est pas elles !

    _ Mais je suis peut-être moi-même une machine ?

    _ Aie confiance ! Il te suffit d’aimer l’Esprit ! Il est tout puissant et les machines toutes petites ! Crois-tu que l’Esprit ne te connaisse pas, ne t’aime pas, ne sache pas tes faiblesses ou tes forces ! Il te guidera si tu te laisses guider ! Mais, si tu veux le pouvoir, si tu cries, tu détruis ou écrases, comment pourrait-il te parler ? Comment pourrais-tu l’entendre, si tu veux commander et qu’on parle toujours de toi ?

    _ Je ne voudrais pas être le chef, grand-père ! Je veux écouter l’Esprit !

    _ Alors il te rendra libre et tu pourras chanter sa gloire ! Alors tu verras que les machines sont en prison et qu’elles font leur propre malheur et celui des autres aussi ! Ne te laisse pas prendre par la folie des machines : elles sont pleines d’inquiétudes et te diront que c’est toi qui es fou ! Quand tu seras perdu, viens ici et contemple l’eau en silence… Laisse ton cœur pleurer…, car les machines sont injustes et cruelles… Elles font beaucoup de mal et tu en souffriras bien entendu… Mais c’est dans ton cœur vide, qu’aimera venir et fleurir l’Esprit ! Alors tu verras le rire de l’eau, car l’Esprit est tout puissant… et il aime les enfants !

    _ J’ai peur de la Machine, grand-père… Son armée va bientôt nous attaquer !

    _ Oui, juste pour que la Machine se croit importante ! juste pour satisfaire son orgueil, pour la rassurer, beaucoup d’entre nous vont mourir ! Car la liberté de l’Esprit, son amour permet aussi le mal… Mais ne perds pas espoir : l’Esprit est tout puissant et les machines toutes petites ! Elles sont perdues ! »

    A cet instant, un poisson saute hors de l’eau, pour capturer un insecte… Quand il replonge, une onde s’étend, qui bientôt s’évanouit dans les remous… L’eau chante toujours… « Celui qui possède l’Esprit, reprend le grand-père, n’a plus besoin de commander, pour ne plus avoir peur… C’est l’Esprit qui le fait tenir debout ! Ce n’est plus son importance, sa réussite sociale, son pouvoir, sa séduction ou sa force ! C’est l’Esprit qui rayonne en lui… et qui donne la paix ! »

                                                                                                            89

    « Psychologue Lapsie, bonjour !

    _ Bonjour !

    _ Bienvenue à notre émission Les Éternelles !

    _ Merci !

    _ Alors pour toutes celles qui ne vous connaîtraient pas encore, vous êtes l’auteur du Mâle toxique, qui est un best-seller comme on dit ! Plus d’un million d’exemplaires vendu !

    _ On est à la troisième édition !

    _ Et votre éditrice est une femme heureuse ! Avec le recul, qu’est-ce qui selon vous explique un tel succès ?

    _ Mais je crois qu’il y avait une véritable attente ! Il était temps que la parole des femmes se libère, après tant de patriarcat ! La femme a été longtemps asservie et son heure est maintenant venue !

    _ Apparemment, vos lectrices l’ont bien compris ! Il est vrai que dans votre livre, vous semblez traquer toutes les pathologies de l’homme, celles qui nous rendent si malheureuses ! Vous êtes un peu notre gendarme, si je peux me permettre, hi ! hi !

    _ Je suis très heureuse que vous le preniez comme ça ! Je suis en effet quelqu’un de très passionnée ! Je n’aime pas l’injustice et rien ne me met plus en colère que la violence des hommes et même leur arrogance ! Le mâle triomphant me révulse et je dis aux femmes qui nous écoutent : « Tenez bon ! Ne vous laissez pas impressionner ! L’homme est malade et vous avez des armes contre lui ! »

    _ Dites nous un peu ce qui fait votre force ! Car c’est quand même un mystère pour la plupart d’entre nous ! Nous, les femmes moyennes, si je puis dire, nous n’osons pas ! Les diktats masculins nous ont muselées ! Ce sont eux qui ont fait notre éducation…

    _ Bien entendu, nous subissons le joug du pouvoir masculin depuis des lustres et il nous conditionne forcément ! Mais c’est justement le désir de vaincre cette oppression qui m’a conduite vers la psychologie ! J’ai voulu savoir, comprendre les rouages, afin de ne plus m’en laisser compter par la force physique masculine !

    _ Le fait de savoir vous a donné le pouvoir !

    _ Exactement ! Je travaille dans un hôpital, vous savez… J’ai affaire à la demande à toutes sortes de messieurs… Je ne suis pas n’importe qui… Je porte la blouse blanche et j’entre dans la chambre du malade, les mains dans les poches, tel un médecin chef et je grimace, car l’infirmière à côté passe l’aspirateur ou parce que la télévision fait du bruit !

    _ Vous n’aimez pas la télévision ?

    _ J’adore la télévision, mais il y a des moments et des endroits où elle peut constituer une gêne…

    _ Bien sûr !

    _ Les malades que je préfère sont ceux qui sont les plus fragilisés ! précisément les hommes qui ont fait une tentative de suicide ! Ceux-là me regardent avec des yeux de merlans frits ! Je me moque même d’eux, je les méprise, car ce sont des lavettes ! de petites natures !

    _ Ah ? Il me semble cependant que leur souffrance…

    _ Je vous vois v’nir ! Il faudrait les plaindre, se montrer compréhensive, etc. ! Je leur parle au contraire sèchement ! Je ne masque en rien mon dédain ! Pensez, le mâle est là, à ma merci ! C’est moi qui commande ! Le chef, c’est moi ! Je bois du p’tit lait !

    _ Vous ne craignez pas de vous venger, de profiter de la faiblesse de celui qui a tenté de mettre fin à ses jours ? Est-ce vraiment éthique ? Ne manquez-vous pas de compassion ?

    _ Mais c’est moi le maître enfin, bon sang ! Est-ce si difficile à comprendre ? Et si jamais l’un de ces bébés me résistent, alors là…

    _ Oui, qu’est-ce que vous faites ?

    _ Mais un rapport ! Je vous sale le mec, comme vous pouvez même pas imaginer ! J’analyse son cas avec les pires mots de la psychologie ! Le mec est catalogué grand malade pour les archives ! Il est tamponné narcissique ! J’aime pas qu’on m’emmerde !

    _ Je vois… Vous ne m’enlèverez pas l’idée que c’est contraire à l’essence de votre métier… Vous savez, vous me rappelez cette phrase : « Quand elles ne peuvent pas séduire, elles méprisent ! »

    _ Vous pensez que je suis trop laide pour séduire, c’est ça ?

    _ Ben, vous n’êtes pas non plus un modèle de beauté… C’est pour ça que je parlais tout à l’heure de vengeance…

    _ Mais vous faites aussi un métier superficiel, d’où vos propos qui le sont tout autant !

    _ Bien, je crois que nous allons nous arrêter là…

    _ La pouf abandonne ! »

                                                                                                         90

    « La feeemmme….

    _ La feeemmme…

    _ Il est vraiment temps d’écouter la feemme !

    _ Oui, écoutons la fâme !

    _ La parole aux faââmes !

    _ La fâme est de toute façon mystérieuse !

    _ La « fâme est un mystère ! » a dit Freud.

    _ La fâme !

    _ Pour ma part, je suis une fâme qui…

    _ Enfin, vous parlez de vous !

    _ En tant que fâme…

    _ Nous, les fâmes…

    _ Nous sommes des victimes !

    _ Moi, je me masturbe !

    _ Nous avons tant souffert du mépris des hommes, alors que c’est une cloche !

    _ Un être immature, sale et repoussant ! La pub le montre bien !

    _ Il faut tout lui dire !

    _ L’homme est bête !

    _ A peine peut-il servir comme queue !

    _ La fâme !

    _ Comme on est bien ensemble !

    _ Enfin, nous pouvons prendre soin de nous !

    _ Loin des hommes et même des enfants, car ils sont encore les fruits des diktats masculins !

    _ Je veux parler de moi et me consacrer à moi-même !

    _ En tant que fâme !

    _ C’est bien simple, je m’adore !

    _ Je suis libre de disposer de mon corps !

    _ Je suis une fâme !

    _ La fâme aujourd’hui…

    _ Je prends du temps pour moi…

    _ Je prends le temps de souffler…

    _ Je crois que la fâme…

    _ Vous aussi, vous pensez que les fâmes…

    _ La fâme a toujours…

    _ On en veut aux fâmes, parce que…

    _ Laissons la fâme…

    _ Enfin libre !

    _ La fâme…

    _ Non mais attendez, c’est pas facile d’être une fâme… C’est pas facile !

    _ La fâme maintenant dit non ! Elle dit : « Ça suffit ! »

    _ Vous êtes d’accord avec ça ?

    _ Oui, oui, la fâme ne doit plus se laisser marcher sur les pieds !

    _ Elle a des envies, des désirs, des besoins aussi ! C’est important !

    _ La fâme ne doit plus être au service de tout un chacun !

    _ Elle n’est plus cet être obscur, dévoué…

    _ Qui se sacrifiait…

    _ Exactement !

    _ Elle est libre, elle fait ce qu’elle veut !

    _ L’intimité de la fâme est très importante !

    _ Elle peut utiliser ce type de savon ?

    _ Bon, on va parler de la fâme, vous allez voir !

    _ Enfin, c’est pas trop tôt !

    _ Hi ! Hi !

    _ Moi, j’ai eu une relation toxique ! Épouvantable !

    _ L’égoïsme masculin vous a détruite !

    _ Entièrement ! Je passe un message à toutes les fâmes…

    _ Attention au pervers narcissique !

    _ Il veut une attention constante !

    _ Alors que la fâme a tant besoin de parler d’elle !

    _ Rien n’a été dit sur la fâme !

    _ Elle émerge à peine !

    _ On est là pour lui rendre justice, pour parler de nous, de nos problèmes…

    _ De nos désirs, de nos besoins et puis tout simplement...

    _ De nous-mêmes !

    _ Des fâmes !

    _ De nous !

    _ De la fâme !

    _ Alors qu’est-ce qu’on peut dire de la fâme ? »

                                                                                                             91

    Le détective Paschic, après avoir allumé sa pipe, regarde tout le monde et dit : « Je vous ai réunis ici afin que nous démasquions l’assassin de Tautonus ! » En face, les visages ne bronchent pas et chacun semble l’innocence même ! Près de la cheminée est assise la Machine, avec à ses côtés son fils et sa fille ! Le personnel de la maison, comme il se doit, se tient debout devant le détective… Le majordome Bixton reste impassible ! La femme de ménage, madame Penckry, se tord les doigts, alors que l’imposante cuisinière a l’air vivement contrariée ! Sans doute songe-t-elle qu’on la retarde dans la préparation du déjeuner…

    Le cousin Bert, le tennisman chevronné, a toujours son sourire ironique et miss Peginbo, la locataire, dans un fauteuil bat des cils, telle une ingénue demanderait de la protection ! Mais Paschic, insensible à cette séduction, fixe un instant la dernière personne présente, le vieux jardinier Klempt… « Dès le début de cette affaire, reprend Paschic, j’ai été égaré sur une mauvaise voie… J’ai cru certaines choses qui étaient fausses… Je n’ai pas assez fait confiance à mes petites cellules grises ! »

    A ce moment, Paschic, se frottant le front comme s’il avait été seul, paraîtrait vain et ridicule, s’il ne fascinait pas en installant une sorte de suspens ! Il est comme la promesse que la vérité va jaillir ! « Rappelez-vous, continue-t-il, cette nuit terrible… Je suis invité pour un soir dans la maison et voilà que j’entends crier : « Monsieur est mort ! On a assassiné Monsieur ! » C’est madame Penckry qui vient de découvrir la mort de son maître ! Tautonus a été étranglé dans son bureau !

    Or, en sortant de ma chambre, je bute littéralement dans la Machine, qui s’écrie : « Qu’est-ce qui m’arrive encore ? Je n’ai qu’une vie remplie de devoirs ! Je ne prends jamais de plaisir ! Je ne suis ni orgueilleuse, ni égoïste ! Je ne suis qu’une victime, c’est moi qui fais tout ici ! S’il fallait compter sur les hommes, on pourrait mettre la clé sous la porte ! Et voilà que le ciel me tombe sur la tête ! Comme si j’en faisais pas déjà assez comme ça ! »

    Devant une telle véhémence, une telle moralité, j’ai tout naturellement porté mes soupçons ailleurs ! L’assassin ne pouvait être la Machine…, puisqu’elle n’avait aucun mobile ! En effet, quelqu’un qui ne veut qu’être « tranquille », qui n’a nulle ambition, mais qui veut juste mériter le respect et son salaire par le travail, qui ne compte que sur son talent et ses efforts, celui-là ou celle-là n’ont aucun intérêt à tuer, à faire le mal, à oppresser autrui ! La Machine avait l’air tellement sincère que j’ai suivi d’autres pistes, qui m’ont mené très loin… et nulle part ! »

    Ici, Paschic rallume sa pipe et prend un air rêveur, jusqu’à même produire un frémissement d’impatience dans son auditoire, mais sans doute était-ce le but recherché ! « J’ai longtemps erré, je l’avoue, poursuit Paschic, et c’est mon ami Branson qui m’a ramené sans le vouloir vers la vérité ! » Paschic a un bref coup d’oeil pour Branson, dont la fidélité et la bonne volonté sont évidentes ! « Nous prenions le train, Branson et moi, quand mon ami s’écria : « Regardez cette voyageuse, on dirait une somnambule ! » Une femme effectivement faisait tourner son carton à chapeaux, telle une arme et ne s’en rendait même pas compte, bien qu’autour on s’efforçât d’esquiver la menace !

    Cette femme était tellement dans son monde qu’elle ne voyait pas la gêne qu’elle produisait ! Ce fut comme un déclic pour mes petites cellules grises ! Une autre hypothèse, pour expliquer le meurtre de Tautonus, m’apparut ! »

    Paschic se tait et le silence devient de plus en plus lourd, ce qui fait que, quand le détective reprend, sa voix a un ton quasi sépulcral ! « Et si la Machine méprisait tellement les autres qu’elle trouverait normal de les traiter comme ses esclaves ? Ainsi elle ne ferait pas le mal en les blessant, elle en aurait le droit ! Fort de cette nouvelle hypothèse, j’inspectais plus minutieusement le bureau et découvris ceci ! (Il montre une petite poulie!) Elle était fixée à la plinthe, derrière le siège de Tautonus, et au-dessus on avait pratiqué un trou dans le plafond, qui aboutit dans la chambre de la Machine !

    Je compris alors le système : à chaque fois que Tautonus s’asseyait à son bureau pour travailler, il avait un fil autour du cou, relié à la Machine ! Comment avait-il pu « se laisser passer la corde au cou », si je puis dire ? La Machine l’a sans doute culpabilisé… On lui doit tout n’est-ce pas ? Et puis, c’était le prix à payer pour la notoriété, que désirait lui-même Tautonus ! En tout cas, s’il venait à s’endormir, il tendait le fil et la Machine le tirait de son côté, afin que Tautonus reprenne le travail ! Et ce manège a duré pendant des années ! Tautonus a été usé jusqu’à la corde, pour faire un second et je l’espère, dernier jeu de mots !

    Mais que s’est-il passé, ce soir-là ? Nous savons que Tautonus présente les premiers signes de la maladie de Parkinson… Il sombre dans l’inconscience… La Machine, ne comprenant pas ce qui se passe, tire comme une folle sur le fil, rageusement même peut-être, puis, inquiète toutefois, elle sort de sa chambre et entre dans le bureau ! Elle trouve son mari étranglé, par sa faute ! Vite, elle démonte le système, récupère tout le fil et sort ! Elle arrive en haut de l’escalier, quand retentissent les premiers cris de madame Penckry et c’est à cet instant que je bute dans la Machine et que, sous le coup de la frayeur, elle me récite cet étrange laïus sur son innocence, alors qu’elle tient caché le fil dans sa main !

    _ Comment osez-vous, ignoble petit porc ! s’écrie la machine qui se lève. Je vais vous... »

    Elle se jette sur Paschic, mais deux gendarmes l’immobilisent et l’emmènent ! « Encore une fois, vous avez été brillantissime ! fait Branson à Paschic.

    _ Merci, mon ami, mais je doute que la Machine soit condamnée pour meurtre… Cela passera pour un accident ! Mais je suis toujours surpris par la folie humaine ! »

  • Rank (82-86)

    R14

     

     

                              "L'avocat Loursat? Mais c'est un alcoolique!"

                                                         Les Inconnus dans la maison

     

                                                    82

          L’inspecteur Rank s’assoit à son bureau, pose son café et ouvre le dossier qui lui a été destiné : c’est une nouvelle affaire de meurtre… Rank travaille maintenant de nuit et il salue ses derniers collègues, qui ont terminé leur journée et qui rentrent à la maison… Rank est plutôt un solitaire, qui a régulièrement des problèmes avec sa hiérarchie, ce qui lui a valu d’être muté dernièrement, du LAPD à la division Hollywood ! Rank est encore surnommé Paschic par ses pairs, car il est jugé d’un abord difficile, contrariant, comme s’il avait à coeur de rompre l’harmonie, de détruire l’ambiance et sans doute se sent-il mieux lui-même dans un commissariat silencieux, quand son rythme est nocturne !

          Mais si Paschic est mal aimé, c’est surtout parce qu’il montre les choses sous leur vrai jour, ce qui demande aux autres d’évoluer au-delà de leurs rêves ! Il dérange d’autant qu’il a raison ! On ne le supporte pas, parce qu’« il ne joue pas le jeu » ! Il ne flatte pas la hiérarchie, car il ne se voit pas dans la « vitrine » ! Seuls l’intéressent la vérité et de trouver les coupables, au point qu’il en paraît asocial ! Pour se venger de lui, on lui confie les plus sales boulots et on espère se débarrasser de sa personne en l’usant, en le dégoûtant !

           La radio du commissariat émet un message d’alerte : « Prise d’otages sur Ventura avenue ! Toutes les voitures sont mobilisées, pour fermer le secteur ! » Rank se lève, car cette affaire le concerne : de nuit, c’est lui le médiateur ! Il calcule que par les voies de surface il peut être sur les lieux en une dizaine de minutes !

           Ventura avenue est barrée par des voitures de patrouille, dont les gyrophares illuminent la nuit comme un feu d’artifice ! Rank se gare et montre son badge… On le laisse passer et il s’approche d’un autre inspecteur, un certain Murphy, qui grimace en le voyant arriver ! « Merde, Paschic ! fait Murphy.

          _ Je ne m’attendais pas à de la politesse de ta part ! réplique Rank. Alors qu’est-ce qu’on a ? »

           Murphy montre des images vidéo : « C’est une femme, explique-t-il. Elle est entrée normalement dans la banque, puis quelque chose a foiré ! On la voit là s’en prendre au directeur… et soudain elle sort son arme, un fusil Remington à canon scié, et c’est le carnage ! Elle tire sur le directeur et les deux caissiers venus aider leur patron ! La suite, une employée prévient la police et la femme menace de tuer d’autres otages ! Situation bloquée !

          _ OK ! Je vais aller lui parler !

           _ Oh là, Paschic ! Même toi, j’ai pas envie de te voir transformé en passoire ! Question de paperasses, tu comprends ? Mais enfin, merde, s’agit pas de jouer au héros inutilement ! On lui téléphone, on traite avec elle et on l’endort !

    _ Je la connais ! C’est ma mère ! Elle a des crises ! Dès que son orgueil est menacé, elle perd les pédales ! Elle est capable du pire et puis, elle s’en souvient plus ! C’est comme un état second !

    _ Nom de nom de nom de nom... »

    Rank n’attend pas la suite et traverse la rue pour entrer dans la banque ! A l’intérieur règne un indescriptible chaos ! Il y a du sang partout et on entend pleurer ! « M’man… fait Rank.

    _ C’est toi Rank ? fait la machine, qui tient fébrilement son fusil. J’ t’assure que c’est eux qui ont commencé ! Ils ont laissé entendre que j’avais émis un chèque en bois ! Moi, la Machine ! Comment pourrais-je commettre une telle erreur ? Ils m’ont manqué d’ respect !

    _ J’ sais, m’man… Mais, maintenant, va falloir me donner ce fusil, car ils ont eu c’ qu’ils méritaient ! C’est fini, m’man !

    _ Tu comprends que je pouvais pas faire autrement !

    _ Bien sûr, m’man ! Allez, donne-moi ce fusil... »

    La Machine cède son arme et sort guidée par Rank. En voyant toutes les voitures de police, elle demande : « Mais qui sont tous ces gens ? Il est arrivé quelque chose ?

    _ Je crois que ce coup-ci tu as exagéré ! Tu as tué des personnes, tu t’en rends compte ?

    _ Hein ? Moi, une meurtrière ? Ce n’est pas possible ? En tout cas, je ne m’en souviens pas !

    _ Vraiment ?

    _ Non, j’ai vu rouge… Et je suis vide à présent… Mais tu ne vas pas les laisser m’emmener, hein Rank ? Je suis ta mère, après tout…

    _ Ils vont s’occuper d’ toi, m’man… Tu as besoin d’ soins !

    _ T’as jamais été du côté d’ la famille ! T’es pas chic !

    _ C’est mon nom... »

                                                                                                         83

             Deux pies forment un couple… Elles sont à table et le mâle se sert en premier, en prenant les meilleurs morceaux ! La femelle les veut aussi, mais alors le mâle la repousse violemment ! « Espèce de salopard ! s’écrie la femelle. Pourquoi t’as droit aux meilleurs morceaux et pas moi ? » Le mâle ne répond pas et continue de manger, mais soudain une autre pie mâle surgit dans la baraque ! Le premier mâle n’hésite pas une seconde et il dégaine son revolver : bang ! bang ! Il abat le mâle intrus, dont la femelle derrière s’enfuit !

    « Voilà pourquoi je prends les meilleurs morceaux ! explique le mâle. Il faut que je sois le plus en forme possible, car c’était eux ou nous !

    _ Peut-être…, mais ce genre d’attaques n’arrive plus que tous les dix ans ! Ton rôle n’est plus vraiment nécessaire… et donc tu dois aussi me laisser aujourd’hui les meilleurs morceaux !

    _ D’accord, mais cela veut aussi dire que tu as le même égoïsme que moi !

    _ Comment ça ?

    _ Mais que ton but, c’est le pouvoir ! Tu n’auras de cesse maintenant que de vouloir les meilleurs morceaux pour toi seule ! Tu n’as jamais cessé de pousser et n’eut été la nécessité, je serais déjà dehors dans le froid! Nous sommes animés tous les deux de la même soif de nous développer, de réussir et de commander !

    _ Ben, c’est ce qu’on appelle l’égalité !

    _ Ne t’y trompe pas, en dessous de l’égalité des droits, il y a l’égalité de l’égoïsme !

    _ Pourquoi tu dis ça ?

    _ Parce que tu es comme moi, tu voudras tout ! Tu as déjà le même mépris, la même haine !

    _ Au viol ! Au viol ! »

    La police pie fait son apparition : « Qu’est-ce qui s’ passe ici ? crie-t-elle.

    _ Ce salopard a essayé de me violer ! dit la femelle pie.

    _ Ah oui ? C’est un d’ ceux-là ! enchaîne le policier. Ton compte est bon, mon gaillard ! Allez en route pour la prison ! »

    On emmène le mâle pie et la femelle reste seule : « Depuis combien de temps je supporte ce type ? songe-t-elle. Depuis combien de temps on supporte le pouvoir du mâle ? ses chaussettes puantes et ses slips sales ? A moi la belle vie ! Tiens, j’ m’en vais écluser son whisky chéri ! »

    Plus tard a lieu le procès… L’avocate du mâle pie s’adresse à la plaignante : « Vous dites que votre mari a la culture du viol, qu’il a abusé de vous non pas une fois, mais plusieurs fois !

    _ C’est exact !

    _ Ne parlez pas la bouche pleine, s’il vous plaît…

    _ Excusez-moi, répond la femelle, qui enlève de mauvaise grâce son chewing-gum !

    _ Merci ! Mais on a retrouvé des SMS tendres de votre part, adressés à votre mari, juste avant son arrestation ! Comment expliquez-vous ces marques d’affection à l’égard d’un violeur ?

    _ Euh, j’étais sous emprise ! Il m’était impossible de dire non ! Il me terrorisait !

    _ Ne serait-il pas plus juste de dire que votre mari vous a déçu et que vous voulez vous en débarrasser ?

    _ Ben, quelqu’un qui viole déçoit forcément, hein ?

    _ Je parle de quelqu’un qui vous déçoit pour votre carrière, votre ascension sociale...

    _ Non mais de quoi je me mêle, la vieille ? Est-ce que je regarde sous les tapis chez toi ?

    _ Je vous en prie, madame, répondez simplement aux questions ! intervient le président.

    _ Voilà la baderne qui l’ouvre ! L’homme crasseux dans toute sa splendeur !

    _ Je vais être contraint de vous inculper pour outrage à magistrat !

    _ Ah ! Ah ! Fais ce que tu veux, vieux machin ! T’as aucune idée de qui nous sommes !

    _ Comment ?

    _ On est des milliers et on va renverser le mâle ! On va tout balayer et toi, t’es en train de bavasser !

    _ Gardes, emmenez-la !

    _ Ordure ! Métèque ! Petite bite ! On t’ f’ra la peau ! »

    La femelle pie est évacuée et le calme revient… « J’ lui avais dit qu’on était du même bois ! explique le mâle pie à son avocate.

    _ J’ai bien peur que vous ne soyez en danger ! »

                                                                                                           84

          L’ambiance est morose dans le camp retranché, où s’est réfugiée la petite armée de Rank ! L’un de ses lieutenants l’interpelle violemment : « Mais regarde où on en est ! Elles sont des milliers là dehors ! Elles nous affament et vont bientôt nous écraser ! Dans quel pétrin tu nous a mis ! Je t’entends encore : « Venez les amis ! Prenez vos épées et vos chevaux ! Montrons au monde que la femme n’est pas meilleure que l’homme, mais que notre ennemi à tous, c’est la soif de pouvoir, l’orgueil, la domination animale qui est en nous  et qui est commune aux deux sexes ! » Nous t’avons cru, suivi, car nous rêvions aussi de justice et de vérité ! Et nous allons être balayés ! Notre combat n’aura servi à rien ! On ne retiendra même pas nos noms ! Mais peut-être as-tu une solution miracle ?

          _ Elles envoient un émissaire ! » crie l’un des gardes sur la palissade.

          Rank et ses lieutenants le rejoignent, pour voir eux-mêmes ce qui se passe… Tout autour, l’armée de la Machine, innombrable, campe au sommet de collines et parmi les débris sombres du dernier affrontement arrive en effet une cavalière !

          Sur l’ordre de Rank, on ouvre une porte grossière et la femme pénètre dans le camp… Descendue de cheval, elle s’adresse au fils de la Machine : « Je suis Lapsie, la grande prêtresse de ta mère ! Je connais les grands mystères du cerveau et je suis revenue transformée du royaume de l’Analyse ! J’ai un message pour toi, Rank : accepte ta défaite, rends-toi et tes hommes auront la vie sauve ! Tu as une heure pour te décider ! Après, nous donnerons l’assaut et il ne restera plus ici que poussière ! »

          L’émissaire s’en retourne et le soldat Paschic regarde ses hommes : il n’est pas question de les abandonner, ni encore moins de causer leur perte ! Il ira se rendre, même si la cause reste juste ! Mais elles sont trop nombreuses, trop dures aussi ! Ironie du sort, elles ne font que confirmer leur soif de dominer ! Mais l’heure n’est plus au débat, à l’argument « brillant »… et Rank se met en route sous l’oeil de ses hommes, de sorte que sa reddition soit évidente !

          Il faut chevaucher jusqu’à l’armée ennemie, subir les regards méprisants, ironiques… La Machine est un peu plus loin sur un trône… Elle est drapée de pourpre, signe de son empire, et porte une couronne étincelante ! Elle ne triomphe pas, mais a l’air même en colère ! Rank met pied à terre, dépose ses armes et s’agenouille ! Il ne peut se montrer plus soumis !

           « Comment as-tu pu me faire ça ? s’écrie la Machine, qui quitte son trône. Comment ai-je pu être humiliée de cette sorte ? C’est mon monde, mon univers et rien d’autre n’existe ! Tu vas me le payer, mon p’tit Rank, car pour éteindre ta rébellion, j’ai dû mobiliser tout c’ bazar ! Moi, la Machine, j’ai dû poser les yeux sur toi une seconde, alors que t’es sorti d’ mon ventre et que tu m’ dois tout ! Non mais pour qui tu t’ prends ! J’ vais t’en faire baver ! Tu sais ce que j’ai éprouvé à cause de toi ? La Honte, Rank, j’ai ressenti de la honte ! Je viens de connaître l’enfer ! T’en as même pas idée ! Je te condamne aux mines de sel ! Là, tu vas apprendre à vivre, tu vas savoir ce que travailler et respecter veulent dire ! »

           La Machine fait un signe et Bona son droïde s’approche, avec un message qu’elle lit : « Je soussigné, moi Rank, déclare avoir blessé la machine par égoïsme et par paresse ! Par ailleurs, je ne sais pas ce que je dis et je ne pense qu’à moi ! Je déclare encore souffrir de paranoïa et d’être un pervers narcissique ! Je suis éminemment toxique, tant que je n’aurais pas compris que je ne suis pas seul au monde ! Seule la Machine est vivante et a tout droit sur moi ! Je regrette de l’avoir offensée, etc., etc. ! » Tu signes là, ordure ! »

           Rank s’exécute en songeant à ses hommes, mais ce qu’il ne sait pas, c’est qu’ils sont tous tués à la file, avec délectation, sous l’épée de la grande prêtresse Lapsie ! Elle se défoule, ce qui ne peut que lui faire du bien suivant le manuel ! « L’échelle est haute, se dit-elle, mais je grimpe ! »

          Les femmes crient enfin un grand hourra, le mâle est encore une fois vaincu ! On enchaîne Rank et on lui crache dessus ! Le pouvoir de la femme, sa domination, son égoïsme sont évidents, mais sa haine à l’égard de l’homme l’aveugle ! Rank baisse la tête : il sera impossible de convaincre tout le monde… Ainsi va la vie !

           L’amertume, le désespoir pourraient gagner Rank, mais ce n’est pas le cas… Il a essayé d’expliquer certaines choses, mais sans haine ! Ce n’est pas son ego qui souffre ! Et soudain il fait apparaître des fleurs dans ses mains ! Des diamants sont semés derrière lui ! De la lumière sort de son sourire et plonge les femmes autour dans la stupeur, puis dans le ravissement ! « C’est un magicien ! » s’écrie-t-on et on le suit avec des rires et des clameurs !

                                                                                                             85

           Rank enseigne maintenant à l’Université, où ses cours fascinent et provoquent la controverse… Il est vêtu d’une veste et porte de petites lunettes, ce qui fait qu’il a l’air tout à fait convenable ! Apparemment, il est rentré dans le rang pour « éclairer » les jeunes esprits, car c’est une chose qui le passionne ! Au tableau, il établit une nette distinction : « Les hommes exercent une pression physique, dit-il, mais la femme une pression psychologique ! La nature a doté la femme du pouvoir de séduire, qui s’accompagne de la ruse ! L’homme peut constituer un danger pour la femme, à travers le meurtre, le viol, des gestes déplacés, ce qui est spectaculaire et puni par la loi, mais la femme étend son égoïsme par la parole, le mépris, toute une attitude quasiment invisible et qui n’en est pas moins tyrannique et destructrice... »

           Une rumeur parcourt l’assistance, mais ce qui interpelle Rank, c’est l’entrée discrète du doyen de l’Université, un ami qui semble préoccupé… Comme on est quasiment à la fin du cour, Rank l’abrège en rappelant aux étudiants qu’ils doivent réfléchir à l’origine de l’égoïsme humain, car ce sera le sujet du prochain examen, puis il rejoint le doyen et lui demande ce qui se passe ! « Il y a là deux agents du FBI, qui voudraient te parler », explique le doyen, qui ramène Rank à son bureau, où se tiennent les visiteurs...

          « Professeur Rank, que savez-vous de l’anneau de Tanaos ? fait sans préambule l’un des agents du FBI.

          _ Eh bien, répond Rank en s’efforçant de reprendre ses esprits, l’anneau de Tanaos permettrait de visiter notre monde psychique, mais c’est une légende évidemment !

           _ Qu’est-ce que vous voulez dire par « visiter notre monde psychique » ? questionne l’autre agent.

           _ Oh ! Euh… L’anneau de Tanaos rendrait réelles nos pensées, les matérialiserait en quelque sorte ! Nos désirs notamment se réaliseraient... Mais pourquoi vous intéressez-vous…

           _ Nous avons appris qu’une certaine Lapsie se serait emparé de l’anneau et aurait créé un mouvement menaçant… et nous savons aussi que Lapsie est votre adversaire la plus acharnée !

           _ Je vois… Mais comme je l’ai dit, le pouvoir de l’anneau de Tanaos ne saurait défier les lois de la physique ! C’est de la magie… Ce que nous sommes au fond reste secret ! »

           Les agents partent et Rank retourne à ses affaires, intrigué tout de même… Il rentre chez lui et ouvre une ancienne encyclopédie, où est représenté l’anneau de Tanaos… C’est un bijou sans ornements et qui daterait de Cléopâtre… La reine aurait demandé à ses mages le pouvoir de commander les pensées ! Elle voulait ainsi compenser la faiblesse physique de son sexe… Rank boit un dernier verre, en regardant la ville, puis il va se coucher…

          Il a le sommeil agité, il rêve, mais est-ce vraiment un rêve ? Tout a l’air si présent ! Rank porte une robe de bure, des sandales et un bâton, tel un frère de quelque ordre ! Il arrive à un village étrange… Les femmes y sont imposantes, dans des tuniques magnifiques… Elles ont un port fier et hautain, tandis que les hommes à côté sont cassés en deux, paraissent sales et se consacrant aux travaux des champs ! Très vite, Rank doit baisser les yeux et se faire humble, sous la pression des regards haineux des femmes…

           Une trompette retentit ! On annonce un visiteur important ! Les femmes se réjouissent, les hommes s’effacent encore plus ! La peur se lit dans leurs yeux ! Des musiciennes, des danseuses précédent le dignitaire…, des hommes menés comme des chiens aussi ! Une femme assise sur un char et vêtue d’une parure somptueuse apparaît… « Gloire à la grande prêtresse de Tanaos ! » chantent les villageoises.

           « Où suis-je donc ? se demande Rank. L’anneau ne serait-il pas qu’une légende ? La pression psychique exercée par les femmes pourrait-elle être visible et créer un monde matériel ? La force physique de l’homme y devrait forcément être abolie… La domination féminine régnerait ! La psychologue Lapsie aurait le pouvoir et... »

            Les pensées de Rank sont interrompues quand il reconnaît justement Lapsie sur le char ! « Mince ! fait-il. Je vais avoir des ennuis ! » Il cherche un endroit où se cacher, lorsque son nom est crié haut et fort ! « Rank ! Cet homme s’appelle Rank et c’est un traître ! crie Lapsie. Gardes, saisissez-vous de lui ! » Des femmes sautent sur Rank et l’immobilise ! Lapsie descend de son char et se plante devant le prisonnier : « Le soldat Paschic en personne ! dit-elle. Non mais quelle chance j’ai ! Tu nous bousilles dans l’autre monde, Rank, et tu es maintenant à ma merci ! Tu sais ce qui t’attend, je présume ! »

           Rank se met à suer, suer et son oreiller est tout mouillé !

                                                                                                         86

    Le juge mange un sandwich et demande à la Machine : « Mais, à la fin, vous avez été violée oui ou non ?

    _ Ben oui, forcément, puisque je suis une victime !

    _ Ben oui, forcément ! renchérit le juge, en avalant du jambon.

    _ Une petite minute ! fait l’avocat de la défense. On ne condamnera pas mon client sans preuves !

    _ Des preuves ! s’écrie le juge. Mais madame est une femme et donc une victime et cela suffit !

    _ Bien dit, m’ sieur le juge ! approuve la Machine.

    _ Comme vous y allez ! Nous sommes toujours tout de même dans le temple de la justice !

    _ Bon d’accord ! concède le juge, en se mettant le doigt dans le nez. Qu’est-ce que vous voulez ?

    _ Revenir au moins sur les faits ! répond rageusement l’avocat.

    _ Maître, je vous donne cinq minutes… dit le juge, après avoir regardé sa montre.

    _ Merci, monsieur le juge…

    _ De toute façon, je suis une femme, donc une victime, la, la… fait de son côté la Machine.

    _ Est-ce vrai que vous avez traité mon client de petite bite, demande l’avocat à la Machine, parce qu’il se montrait indifférent à vos avances ?

    _ C’est vrai, les hommes d’aujourd’hui n’ont rien dans le pantalon !

    _ C’est donc vous qui avez entrepris mon client et il n’y a donc pas eu viol !

    _ Oh là ! Mais ça, c’était avant !

    _ Avant quoi ?

    _ Mais avant que je change d’avis !

    _ Avant que vous ne vous mettiez en colère, parce que mon client n’avait pas une érection correcte ! C’est bien ça ?

    _ Mais on dirait que vous me voyez comme une coupable… Or, je suis une femme… et donc une victime ! Ma parole est sacrée !

    _ Elle n’a pas tout à fait tort ! insiste le juge, qui a fini son sandwich. Maître, si vous n’avez rien de plus pertinent à dire…

    _ Il manquerait plus qu’il me traite de menteuse ! Hi ! Hi ! ricane la Machine.

    _ J’affirme ici que la Machine a voulu se servir de la position éminente de mon client, pour s’élever socialement, mais qu’elle a été déçue, ce qui fait que maintenant elle porte plainte !

    _ Oh ! s’écrie le juge.

    _ Laissez, m’ sieur le juge, fait la Machine, je vais moi-même répondre à ce lascar ! Oseriez-vous prétendre, monsieur l’avocat, qu’une Femme puisse avoir de l’ambition, être égoïste et se montrer aussi mauvaise que l’homme ?

    _ C’est en effet ce que je soutiens !

    _ Oh ! s’indigne le juge.

    _ Et voilà où mène le patriarcat ! coupe la Machine. Pendant des siècles, nous nous sommes laissé faire et on nous traîne maintenant dans la boue ! L’infamie totale !

    _ La justice doit s’appuyer sur des preuves, nullement sur des humeurs !

    _ Allons, allons, maître… Epargnez-nous les leçons d’ droit…

    _ Mais puisque je vous dis que cet homme m’a violée ! Femme, victime ! Femme victime ! Chantez avec moi !

    _ Femme victime ! Femme victime ! reprend le juge, qui se lève et qui sort un collier de fleurs. Hawaï ! Ma future destination de vacances !

    _ Aloha, m’sieur le juge ! rigole la Machine, qui se met elle aussi à danser.

    _ Mon client… s’efforce de dire l’avocat.

    _ Votre client est coupable ! répond le juge, qui caresse ses fleurs en souriant.

    _ Femme victime ! Femme victime !

    _ Nous ferons appel !

    _ Comment ? Je vous entends plus !

    _ Femme victime ! Femme victime ! Ecoutez-les, m’ sieur le juge ! Elles sont dehors, des milliers, prêtes à réduire en charpie le violeur !

    _ Je les entends, madame, je les entends ! Quel enthousiasme !

    _ Il ne vous a pas violée, c’est vous qui l’avez manipulé !

    _ La, la, la.. . »

  • Rank (73-76)

    R12

     

     

                      "Mais la guerre est finie, Murphy!"

                                     La Guerre de Murphy

     

                                                             73

          La domination animale, encore appelée l’orgueil dans le milieu, prend des vacances dans un endroit paradisiaque… Elle profite des hamacs de l’hôtel de luxe où elle s’est installée et de là elle ne perd pas de vue que des créatures de rêve apparaissent sur la plage ! Elle lit le journal avec à côté un cocktail rafraîchissant et saupoudré de sucre, tandis que la mascotte du coin, un petit singe, mange la banane qui lui a été offerte !

          « « Jésus condamné à mort par les Romains, pour des raisons politiques ! lit la domination. En se déclarant roi des juifs, il menaçait leur pouvoir ! » Non mais, qu’est-ce que c’est que ces conneries ? C’est moi qui ai fait le job… et je l’ai super bien fait ! Aucune trace ! Quelle bande de cons ! Mais quelle bande de cons ! De vrais veaux ! Ah ! Ils n’ont pas fini de tourner ! Elle est bonne la banane ? »

           Le singe grimace ou sourit ! « Eh bien tant mieux ! dit la domination. Il y a au moins un heureux dans l’ secteur ! Car autrement, c’est le chaos ! Mon Dieu ! Et je suis encore derrière tout ça ! C’est moi qui mène la danse, mais d’ici à ce qu’ils voient quelque chose ! « Poutine aurait obéi à une logique géostratégique…, dit machin ». Ah ! Ah ! Et ça continue ! Là encore, je n’ai commis aucune erreur ! J’ai chauffé Poutine à blanc ! J’ lui ai dit : « T’as pris la Crimée, personne n’a bougé ! Qu’est-ce que t’attends pour sauter sur Kiev ! Tu sais c’ qui va s’passer ? L’Occident va faire dans son froc et même la plupart des Ukrainiens accueilleront tes chars, avec de petits drapeaux ! Ils salueront le retour de l’ordre, du maître… et toi, de ton côté, tu restaures le dernier empire colonial, à savoir l’URSS ! Le bonne camaraderie communiste de nouveau dans les foyers ! » Et ce con de Poutine a marché comme un seul homme ! Le plus difficile, ça a été d’ le retenir ! Je lâchais ses bretelles et il passait par la fenêtre ! Quel con ! »

          Le singe semble lui-même éclater de rire, il se tape les côtes, pendant que la domination accède à la paille de son cocktail ! Elle reprend son journal : « Trump, les nationalistes, même les imbéciles comme Mélenchon, je les manipule comme je veux ! Ce sont mes marionnettes ! Eh ! Mais attention ! Toujours invisible, bibi ! J’ suis le meilleur… et c’est pour ça qu’on m’engage et qu’on m’ paie ! Tiens, mon dernier contrat, la révolution féminine ! »

          Le singe paraît subitement étonné ! « Ah ! Parce que tu crois que c’est uniquement la justice qui sous-tend la révolution féminine ? fait la domination, à l’adresse de son étrange interlocuteur. Mon Dieu, si tu savais ! D’accord, les mâles sont violents et peuvent tuer ! Leurs abus sont innombrables ! Je le sais mieux que personne, car c’est moi leur auteur ! Mais j’ai toujours été aussi derrière la femme ! Si elle avait pu dévorer le mâle, elle l’aurait fait ! C’est d’ailleurs ce qui est en train de se passer ! Écoute-moi bien, il n’y a pas une femme sur deux, au quotidien, qui sache le sens du mot respect ! Pas une sur deux ! Et encore, je dois m’amollir ! »

           Le singe secoue la tête et la domination se demande si c’est pour l’approuver ou la contredire ! Elle décide que l’animal doute et elle rajoute : « De vraies monstres, crois-moi ! La femme entre quelque part et le temps s’arrête ! Tout le monde doit filer doux ! Rien n’existe sauf elle ! J’ suis là derrière et j’ lui dis : « Eh ! Mais y a un type qui résiste, qui ne se sent pas esclave ! Mais crache sur ce va-nu-pieds ! Vire-le-moi à coups de talons ! » Et en même temps j’ lui murmure : « N’oublie pas, bon sang, qu’ t’es une victime dans un monde d’hommes ! La patriarcat a assez duré ! Va ma grande, libère-toi, j’ te couvre ! T’as pas d’âme ? Mais l’homme non plus ! Vous êtes de belles salopes, de belles ordures tous les deux, mais c’est ton tour ! Alors haut les cœurs ! » Et hop, on lapide en public ! On cherche une corde et l’arbre pour pendre un tel et un tel ! Et comme la lâcheté est prompte à renverser les idoles d’hier ! Le vent a tourné ! Pesetas ! Pesetas ! Pouvoir ! Pouvoir ! Et à moi, la belle vie ! »

           Le singe ricane et saute sur une table, pour s’emparer de cacahuètes ! Il en apporte quelques unes à la domination : « Merci, t’es un chou ! dit-elle. Ah, c’ qu’on est bien ici ! De temps en temps, faut faire un break, y a pas ! On revient avec des idées neuves, une nouvelle énergie ! J’ai plein d’ projets, tu sais ! Car le cirque n’est pas prêt d’ s’arrêter ! Et comment le pourrait-il ? Puisque pour me découvrir, savoir qui je suis, il faudrait d’abord se remettre en question soi-même ! Il faudrait s’attaquer à son propre égoïsme, au lieu de désigner des coupables ! Et là, mon vieux, plus personne ! Waterloo, morne plaine ! On veut bien changer les autres, mais soi ? Oh ! Oh ! Ça va pas la tête ! On m’a fait ci ! On m’a fait ça ! Faut qu’ les coupables paient ! On crie à l’injustice, alors qu’on a les mains pleines de sang et qu’on marche sur ceux qu’on a écrasés ! Mais baste, j’ vais pas foutre mon bisness en l’air ! Qui t’ nourrirait en c’ cas ? »

                                                                                                              74

           Le soldat Paschic écrit une lettre à la Machine… Il est encore dans sa tranchée, à écouter la « guerre » du monde, car ça tire dans tous les sens ! Ça tue dans tous les sens ! C’est une boucherie sans fin, qui fait douter de tout ! Les plus fourbes, les plus odieux, les plus fous se réclament de la vérité ! Ils la brandissent haut et fort ! L’orgueil et la haine aveuglent totalement ! Les donneurs de leçons sont pleins de rage ! Les redresseurs de torts ne rêvent que de déchirer ! Tout le monde parle de droits, de justice, de raison, de sagesse, la bave aux lèvres, les yeux noirs de colère, ce qui révèle justement la plus complète absence de patience, de compréhension, de maîtrise de soi ! Le mal triomphe toujours ! Il parade et enlève tout espoir !

           La nuit n’en finit pas de s’étendre…, mais le soldat Paschic doit écrire une lettre, car il n’a plus un sou et il a froid ! Il veut donc demander à la Machine une nouvelle paire de chaussettes en laine, bien chaudes et dans laquelle ses pieds se moqueront des rigueurs de l’hiver ! Il s’assied ainsi sur une barrique, avec le papier coiffant l’une de ses cuisses… Il doit essuyer la boue séchée de ses manches, car ici il est difficile de garder quelque chose de propre… Puis, il envoie un nuage de fumée, tirée de sa bouffarde et dit : « Voyons… Je pourrais commencer par : « Chère maman », mais je ne l’aime pas assez pour ça ! Y a tout de même un passif ! Va pour ma chère mère ! Je me préserve un peu, en gardant une certaine distance ! Mais après ? Il est impossible de dire simplement  : « Je voudrais une nouvelle… » Avec elle, on ne doit pas débuter par je, car je la vois déjà répliquer : « Toi ! toi ! Y en a que pour toi ! »

          L’égoïste, c’est moi pour la Machine, c’est comme ça ! On est chez les fous ! Voyons… « Ici, il fait assez froid... » Aïe, si je dis ça, elle va penser que je me plains toujours ! que je lui fais un reproche, que je suppose que c’est à cause d’elle qu’il fait froid ; que c’est elle qui souffle son haleine givrée sur le soleil ! Eh ! C’est que sa paranoïa est une réalité ! On lui en veut ! On lui cherche toujours des poux ! On la rend responsable de tout le malheur du monde, alors qu’elle n’est qu’une oie blanche, dans un océan de boue !

           Alors que dire ? « D’après les spécialistes en météorologie, qui sont là dans nos rangs, la température est tout de même basse pour la saison… » Ouais, ça, ça va… C’est plus objectif, plus doux, plus tempéré et si la Machine s’énerve quand même, c’est pas sur mon dos que ça retombera, mais c’est celui des spécialistes qui prendra !

           Est-ce que je peux parler de chaussettes en laine ? Est-ce que je ne vais pas donner l’impression d’être trop exigeant ? Pourtant, si c’est pas en laine, ce s’ra pas chaud ! Voyons… Et si je disais : « Oui, le synthétique, c’est bien, meilleur marché, mais en même temps rien ne vaut la laine, etc. ! » Hum, elle va me traiter de donneur de leçons ! Elle serait capable de crier : « Halte au pédantisme ! » Me voilà bien embêté !

            Et si j’ noyais un peu l’ poisson ? Par exemple, j’écris : « La laine est certes plus chère, mais elle dure plus longtemps, à cause de la qualité... » Dans c’ cas, j’ l’entends déjà : « Tu m’ prends vraiment pour une idiote ! Tu t’ fous d’ ma gueule ! » J’ suis coincé ! La Machine, c’est passer la frontière suisse mal rasé ! Tout le véhicule va être examiné ! Rien ne sera laissé au hasard ! On a le temps !

            Bon, j’ai pas le choix, je dois quand même dire que je veux une paire de chaussettes en laine et : « Bien monsieur ! dira la Machine. On est tous au service de monsieur ! On est tous ses esclaves ! Etc. ! » Y a pas d’sortie de toute façon !

            Attention, je mets le timbre ! Il doit être bien droit, sinon on pourra m’ voir comme un débile, un je-m’en-foutiste ! Voilà ! L’adresse, autre écueil ! Il faut pas seulement madame la Machine, mais aussi son prénom ! Faut montrer du respect et peut-être de l’affection ! Désolé, on n’a pas ça en stock ! C’est fini, c’est épuisé !

           Un morceau de scotch est nécessaire pour coller l’enveloppe ! Dame, mouiller la colle ne suffit pas ! D’après la Machine, sa haute position est à même de provoquer quelque acte malveillant ! Le facteur ou n’importe quel quidam seraient tentés d’ouvrir la lettre et d’accéder à de lourds secrets, d’où nuisance, chantage, etc. !

           On n’est pas à l’abri et donc prudence ! Mais enfin ça y est ! La lettre se tient ! Elle est assez précise, sans être exigeante ! Elle prend en compte la Machine et ses possibles difficultés économiques ! Elle est le fait de quelqu’un de responsable ! Bien sûr, elle ne satisfera pas la Machine, mais elle ne déchaînera pas non plus sa colère… et c’est ce qui compte !

           Paschic se sent subitement triste, vide… Il a été comme irradié par la Machine… Il ne peut plus être simple, joyeux et confiant ! Il paye la folie de la Machine, son épouvantable orgueil !

                                                                                                               75

            Au fond, la Machine est restée cette petite fille gâtée, qui court vers son père ou un grand frère, dès qu’elle est dépassée, que la réalité lui fait peur, pour qu’elle retrouve la sécurité et recommence à faire la jolie ! La grande affaire de la Machine a toujours été l’admiration qu’on lui voue ! Elle doit être le centre d’intérêt et elle est prête à tout pour ça, d’où son appel à Tautonus, quand il s’agit de faire taire Rank !

            La Machine vit dans son petit monde paranoïaque et même sadique ! Qu’elle soit protégée des agressions extérieures, par Tautonus, a justement empêché son développement, sa maturité ! La petite fille maniaque danse dans le corps de la Machine, y continue ses mines, y prolonge ses phantasmes !

          Évidemment, l’argent et la notoriété de Tautonus lui assure une cour, qui plie l’échine devant elle, qui lui est servile et qui l’enfume, dans l’espérance d’en profiter ! Ainsi va la société, sans vérité, se payant de mots, ce qui la conduit inévitablement au chaos et à la crise ! La Machine, petite fille attardée, en mène des dizaines à la catastrophe, car nos vies passent comme un songe et que fera la Machine devant Dieu ?

          Elle ne le connaît pas et n’a même pas cherché à le faire ! Le but de la Machine a été la Machine, point final ! Elle a vécu comme dans un camp retranché, où des admirateurs ont poursuivi son adolescence ! Des milliers d’esclaves sont morts pour servir le plaisir de la Machine ! Pour une goutte d’admiration, elle a épuisé des caravanes entières, crevé des tas de chameaux, vidé des puits, asséché des oasis !

          Elle a répandu la terreur, brûlé des villages, laissé des enfants en pleurs, afin qu’elle-même puisse ne plus avoir peur, croire à son importance et que les autres sont forcément inférieurs ! Il en faut des choses aux tyrans ! Pour qu’ils restent des ados, toute la planète doit trembler, se mettre au pas, et ce sont des massacres, des charniers, des abominations, des larmes, des tragédies ! Peu importe du moment que le tyran et ceux qui en profitent respirent !

          « Aimez-vous les uns les autres », rien à voir avec la Machine ! C’est pas son problème ! D’ailleurs, un jeune peintre vient la voir, pour lui présenter ses hommages et lui offrir une de ses toiles ! Motif ? La Machine pourra peut-être faire quelque chose pour le peintre, lui trouver une salle d’expo par exemple ! Dialogues :

          « Oh ! Madame la Machine, comme vous êtes magnifique et si connue ! Je vous ai apporté une de mes peintures, car je suis sûr de votre goût ! J’espère qu’elle vous plaira, même si je sais que vos yeux divins sont habitués à contempler bien plus que mon modeste travail !

     _ Oh ! Le charmeur ! Oh ! Le filou ! Mais il ne fallait pas ! Je ne suis qu’une pauvre servante du Seigneur et qui a beaucoup de soucis, dans ce monde si malheureux ! Mais je suis enchanté de votre cadeau, quoique vous éprouviez ma modestie !

    _ On m’avait prévenu de votre grand cœur ! C’est bien simple, on m’a dit : « C’est une dame et quelle dame ! »

    _ Hi ! Hi ! Non vraiment, c’est trop ! Arrêtez donc ! Fi ! »

           Au final, la Machine, attiédie dans son cocon, se lâche : « Jésus ? Un incapable, un raté, un loser ! Avec moi, il serait devenu maire de Bethléem et même de Jérusalem !

    _ Sans doute... »

           La Machine crache et un crachoir vingt mètres plus loin tinte ! Le jeune peintre prend peur, mais il ne veut pas déplaire à la Machine ! « Et comment vont vos enfants ? demande-t-il subitement.

    _ Bien, bien, ils sont grands maintenant, sauf un : Rank ! Celui-là suce toujours son pouce ! Une vraie plaie ! Immature ! Mais j’imagine que chaque mère a sa croix à porter ! Marie, par exemple, quand elle a vu que son fils n’avait aucune ambition ! Aimer Dieu, le Père, pfff ! C’est réussir qu’il faut faire, s’imposer, régner sur la ville ! A bas les fiottes !

    _ Bien sûr… Bon, ben, va falloir que j’y aille…

    _ Encore une tasse de thé, une part de gâteau ? Je connais quelqu’un qui pourrait vous aider…

    _ Eh ben, une autre petite tasse de thé alors…

    _ Eh ben voilà ! J’étais certaine qu’on allait se plaire tous les deux ! »

          Les machines vont et viennent dans leurs bulles, garanties par l’argent et la peur qu’elles inspirent ! Elles n’ouvrent les yeux qu’après la mort !

                                                                                                           76

          En ces temps de fête, la Machine triomphe ! Dans son château, les lumières brillent, les invités sont nombreux, les sourires aussi ! La chair est succulente, les vins fins et le champagne ne va pas tarder à montrer ses bulles ! On déguste la réussite, on regarde en arrière, on boit aux morts avec respect et peu importe au fond que Tautonus ait été usé, trompé, avant d’être terrassé par la peur ! La boue, la douleur, la vérité, ce n’est pas au programme de la fête ! On s’enchante, on se grise, on rit, on grimace ! On se protège, on se caresse, on se rassure, on a raison ! On est philosophe, on ne peut pas aider tout le monde, il faut savoir apprécier, etc. ! On est plein de savoir-vivre et de sagesse !

          Paschic, lui, est seul… D’abord, il voit que le temps est bouché, qu’il fait comme un mur gris et qu’il provoque de l’angoisse ! Chacun est placé devant lui-même et sent ses limites (c’est le dénuement de l’hiver !) Évidemment, les choses ne vont pas assez vite, on voudrait plus d’argent et le soif d’être s’installe ! Il devient impératif d’éprouver une satisfaction et ceux qui ont les moyens peuvent en effet s’étourdir, se faire plaisir, mais les autres ? Les autres deviennent de plus en plus agressifs, méprisants, dangereux, car c’est l’effet de la peur, de l’angoisse ! On s’énerve contre son sort, on essaie de se libérer de toutes les manières, même si on insulte ou écrase ! Le ciel gris tend les consciences, jusqu’à la rupture !

          Paschic remarque que la boulangerie sera même ouverte le dimanche 24, afin qu’on puisse acheter du pain à la dernière minute, alors que les employés dorment déjà debout ! Ironie de l’annonce : elle souhaite une joyeuse fête à tous, mais pas au personnel !

          Paschic est seul et apparemment cela ne tient qu’à lui ! Que n’établit-il pas une relation, une famille, qu’il en profite lui aussi ? Ainsi, il oubliera la Machine, se détendra, relativisera son amertume ! Il fera comme dans les films américains, à bord des paquebots ! Même les pires crapules finissent par tomber dans les bras des bons, en pleurant ! C’est la grande réconciliation du nouvel an ! Nous ne sommes pas des bêtes, que diable !

          Le hic, c’est le mensonge, car, quand il est adopté, il enlève tout espoir ! Approuver le théâtre, c’est s’enlever le pouvoir de dire que la vérité existe ! La joie des machines est superficielle, convenue, fausse et n’est aucunement une vraie source d’espérance ! Mais Paschic encore est fragilisé, il a été bousillé et sa sensibilité est exacerbée, voire maladive ! Il n’est plus doué pour les rapports humains, il les fuit même sans doute…

          Eh, mais il ne peut pas s’inventer un nouvel équilibre comme ça ! Il a besoin de respect pour se consolider, pour retrouver la confiance et que la dépression disparaisse ! La balle n’est pas seulement dans son camp : tant que les machines restent des machines, Paschic ne trouvera pas sa place ! Il faut quand même entendre son message, le comprendre… Celui qui crie dans le désert, même s’il a pour lui-même des solutions, espère que les autres un jour changeront et qu’on lui fera bon accueil, car il en va du bonheur de chacun !

           C’est la situation générale qui est en jeu et malheureusement nous n’évoluons que très lentement ! Les machines sont infiniment plus nombreuses que les Paschic ! Elles ont l’illusion que le mal n’est pas en elles, mais dans des coupables ! Il faut un temps incommensurable pour leur montrer le contraire ! Il faut vaincre leur haine, la désarmer ! Chacun veut du respect, mais le demande d’abord tel un chien enragé !

           Les Paschic sont forts ! Ils n’aboient pas, ils restent calmes ! Même quand ils souffrent, ils s’efforcent de garder leur lucidité ! L’orgueil ne les aveugle pas, car les Paschic abandonne la domination ! Ce n’est pas leur affaire, leur passion, leur inquiétude ! Les Paschic s’efforcent d’aimer, quelles que soient les circonstances ! Ils détestent le mal, mais ne jugent pas !

           Les machines sont promptes à la haine, montées sur leurs ergots, même au nom du bien ou de la justice ! Les machines sont faibles, entièrement dépendantes de leur domination, absolument à cheval sur leur amour-propre, d’où leur agitation, leur énervement !

           Les Paschic mendient discrètement du respect... Les machines le réclament en tapant du poing sur la table ! Elles imposent leur vérité ! Les Paschic font aimer la leur ! Ils ont l’air idiots et naïfs aux yeux des machines !

           Celles-ci bossent, sont responsables, s’élèvent dans la société ! Les Paschic attendent, luttent contre leur propre égoïsme, travaillent vraiment ! Les machines rugissent, piétinent, tourmentent ! On ne comprend pas les Paschic, mais ils sourient et font du bien ! Les machines disparaissent rapidement, avalées par le temps ! Les Paschic ne sont pas surpris par la mort, ils rentrent à la maison !

  • Rank (68-72)

    R15

     

     

                        "Des fils de putain, y en avait déjà!"

                                 Il était une fois dans l'Ouest

     

                                                          68

          Dieu sort du palais de justice ! Les flashs crépitent, les questions fusent, les micros se tendent, la meute journalistique se pousse ! « Dieu, Dieu, que va-t-il se passer maintenant ? crie-t-on. Quel est votre sentiment ?

    _ Eh bien, j’ai parlé avec les parties… Le juge était lui aussi bien entendu présent ! Nous avons examiné la situation… et il a fallu convenir qu’elle est accablante ! La femme a été dès le début flouée, méprisée ! J’ai sans doute été abusé…

    _ Mais par qui ?

    _ Eh bien, je ne sais pas ! C’est justement de trouver les coupables dont il a été question ! Et croyez-moi, ils seront durement châtiés ! Mais quel scandale ! Les cimetières de Normandie ou de Verdun, pour ne citer qu’eux, sont faux ! Hélas ! Les milliers de tombes sont vides ! Autrement dit, la nature n’a jamais fait l’homme pour défendre le territoire ! C’est un véritable séisme !

    _ La femme obtiendra-t-elle réparation ?

    _ Mais c’est évidemment ce que nous souhaitons, d’autant que nous venons à peine de soulever le voile de la supercherie ! Tenez-vous bien, le rôle de la femme, son pouvoir de procréer, n’aurait été mis en place que pour l’asservir, l’humilier ! Je vous lâche là une bombe, qui me laisse moi-même abasourdi !

    _ Juliet Pixon, du Post, comment allez-vous satisfaire les plaignantes !

    _ Mais il y aura évidemment un jugement, un verdict et les avocats feront leur travail ! Mais vous devez comprendre que, pour une affaire de cette ampleur, les investigations seront longues ! Comment la nature, depuis les premiers hominidés, a-t-elle pu nous tromper ? Comment avons-nous pu imaginer des hommes mourant dans la boue, avec leurs tripes qui s’vident à cause d’une balle ? Qui étaient ces farceurs de 18 ou 45 ?

    _ Carol Pinger, du Tribune, de toute façon les guerres, c’est un truc de mecs, non ?

    _ Mais bien entendu ! Vous n’avez jamais poussé les hommes à s’battre, à devenir plus puissants, ni même à vous défendre ! Vous pouviez très bien repousser les pillards et même les animaux à vous toutes seules ! Vous avez des os plus souples pour enfanter, mais voilà que j’apprends que c’est par malveillance ! Je vous l’ai dit, j’ai été trompé !

    _ Mais comment vous, Dieu, avez-vous pu rester aussi longtemps aveugle ?

    _ Bah ! Je voudrais pas avoir l’air de m’excuser, mais vous savez ce que c’est ! La création, c’est une grosse machine ! J’ suis obligé d’ déléguer… et un service, quelqu’un en aura profité ! Imaginez un dinosaure plus malin qu’ les autres… Il veut « emmerder » les mammifères… Il perturbe leur environnement, jusqu’à ce qu’ils s’adaptent de travers… et le mal est fait !

    _ Vous pensez bien sûr à un dinosaure mâle ! Vous auriez un nom ?

    _ Écoutez, à ce stade de l’enquête, il paraît prématuré de désigner un coupable ! Laissez la police faire son travail !

    _ Tout de même, la plainte concerne des milliards de femmes !

    _ Vous ne m’apprenez rien ! Le scandale dépasse l’imagination ! D’ailleurs, j’invite toutes les femmes qui le peuvent, à ramener leurs bébés ! Elles seront immédiatement indemnisées ! Un fonds spécial vient d’être débloqué ! Mais permettez-moi d’avoir une pensée particulière pour les Athéniennes de la guerre du Péloponnèse ! Elles ont cru que leur mari mourait, pour les délivrer de la menace spartiate, alors que les hommes des deux bords s’arrangeaient comme larrons en foire ! Les combats étaient simulés ! Je voudrais apporter mon total soutien à ces femmes-là, comme à toutes les grecques qui ont été enfumées par les Thermopyles ou Marathon !

    _ L’homme ne devrait-il pas être banni de l’univers ?

    _ C’est une bonne question ! On y réfléchit… En tout cas vous, les femmes, avez toute ma gratitude ! Vous auriez pu profiter de la situation, vous enchanter du pouvoir que vous avez sur les hommes et la puissance aurait pu vous tenter ! Être reine, par exemple, ressemble un piège… Mais jamais je ne vous ai vues âpres au gain ! à chercher à vous supplanter ! Le rang social vous laisse froid ! La célébrité, le statut de star, qu’on s’émerveille de votre corps, vous n’avez jamais pris ça au sérieux et je vous en remercie ! De votre côté, je n’ai pas à me faire du souci ! Et si de temps en temps vous brisez, piétinez, détruisez l’un d’ vos gosses, je sais que c’est parce qu’il vous pousse à bout !

    _ Cette reconnaissance vient un peu tard, vous ne trouvez pas ?

    _ Encore une fois, j’en suis désolé ! Mais, maintenant, je dois vous quitter, car j’ai rendez-vous avec un quark, qui se dit victime de l’expansion cosmique ! »

                                                                                                                  69

         La ville s’appelle Aliéna et paraît comme toutes les autres, mais c’est pourtant en elle que s’impose pour la première fois et totalement la domination féminine ! Les forces de l’ordre notamment sont uniquement constituées de femmes et elles sillonnent les rues dans leur uniforme argenté, leur chevelure cachée par un casque et avec un pistolet électrique, contre les hommes à l’allure bestiale et qui n’aurait pas encore compris que les temps ont changé !

         Ce jour-là, sur la place principale, des policières font une annonce relayée par des écrans géants ! « Attendu que les hommes sont des cochons, fait une femme sévère, et que nous voulons tous l’égalité des sexes, il sera désormais interdit à l’homme de transmettre son désir libidineux hors des des endroits indiqués ! Sont concernés notamment des bars qui porteront la vignette stipulant leur accréditation ! Dans ces établissement, la femme montrera qu’elle est réceptive aux hommages masculins, grâce à un voyant vert ! la couleur rouge indiquant qu’elle est hostile ! Ce nouveau règlement entre en vigueur dès aujourd’hui ! Tout contrevenant, qui ne respectera pas la couleur rouge, sera puni selon les articles 680 et 54 B du code ! Fin du message ! »

          Les hommes qui écoutaient baissent la tête… Ils ont vu ce qui se passe à la périphérie de la ville ! Là sont élevés des gibets, exhibés des condamnés et d’autres choses… Le père incestueux, par exemple, est enterré vivant, de sorte que les gamins peuvent uriner sur sa tête, ce qui n’est qu’un juste retour des choses, mais généralement l’homme ne survit pas longtemps !

          Le violeur a le pénis arraché et jeté sur un tas pourrissant ! Puis, on empale le coupable, comme pour lui faire sentir une sodomie forcée ! C’est comme ça qu’on apprend ! L’auteur d’un féminicide est simplement fusillé et laissé à la merci des chiens ! Plus loin, il est possible de battre celui qui a eu la main leste ou quiconque a prononcé des propos irrespectueux ! Le mâle fait profil bas !

           C’est en fait tout le pouvoir qui a changé de mains ! Finis les costards cravates, qui prennent des décisions pour les utérus ! La femme dirige, commande, a les plus hautes fonctions et plus rien ne bloque son développement ! Certaines parlent même d’enlever aux hommes leur droit de vote : aux prédateurs il faut à tout prix rogner les dents ! Des projets voient le jour, sont examinés : les hommes sont parqués, dans de gigantesques camps, où ils sont affaiblis génétiquement, puisque leur force physique n’est plus nécessaire ! Les femmes discutent, soupèsent : quid des reproducteurs, comment garder le plaisir sans la soumission, quel progrès dans les godes, influence des querelles lesbiennes sur le groupe, etc. ?

          On n’en finit pas de faire les comptes et le ménage ! Les scandales sont légions, la domination masculine est traquée, dénoncée, la tolérance zéro s’installe ! Cependant, dans l’une des rues principales d’Aliéna, le soldat Paschic marche d’un air dégagé et seulement préoccupé par des questions philosophiques : que nous dit la beauté, quel lien entre elle et notre égoïsme, quel sens peut-on donner à la vie, d’où vient le mal, etc. ? Paschic ne regarde personne en particulier, car il est tout à sa réflexion et c’est là une grosse erreur, qu’il va très vite payer !

           Il tourne dans une rue secondaire et reçoit à l’aine un formidable coup de pied ! Sous la douleur il s’écroule et au-dessus de lui une femme fait : « Non mais pour qui tu te prends ? Tu me croises et tu n’ me jettes même pas un coup d’œil ? Pourtant, j’ai tout c’ qui faut là où il faut, crois-moi ! »

           Paschic en grimaçant essaie de distinguer quelque chose et effectivement, au niveau de sa tête, qui est couchée sur le trottoir, il y a deux pieds fins qui se prolongent par deux jolies jambes ! Paschic voudrait regarder plus haut, mais sa souffrance l’en empêche, alors que la femme reprend : « Je ne tolérerai plus la moindre arrogance, la moindre suffisance ! Quand je me déplace, je veux de l’admiration, de la soumission ! Où on va si on me snobe ? Est-ce que j’ai été assez claire ?

    _ Mais… mais je ne vous ai même pas vue ! balbutie Rank. Enfin, je veux dire que j’étais ailleurs, distrait, je..

    _ Bon sang ! C’est pas vrai ! Tu t’enfonces ! Rien ne rentre ! Sauf celui-là ! »

           La femme frappe à nouveau et le soldat Paschic plonge dans l’inconscience, en découvrant une nouvelle fois pourquoi la ville s’appelle Aliéna !

                                                                                                             70

          Rank cherche un raccourci… Les phares de sa voiture balaient la brume et peu à peu il se rend compte qu’il s’est perdu : devant il n’y a plus que des clôtures de champ et l’asphalte a laissé place à une route pierreuse ! Fatigué, Rank s’arrête et s’endort...

          Il est réveillé plus tard par un sifflement et une intense lueur ! Luttant contre l’éblouissement, il cherche à voir de quoi il s’agit et il n’en croit pas ses yeux : c’est un vaisseau spatial qui atterrit, avec sa coque en métal lisse et ses lumières clignotantes ! Mais le bruit est tellement strident que Rank ne peut s’empêcher de perdre connaissance !

          Le lendemain matin, il se réveille péniblement et songe naturellement à repartir, mais avant il se décide tout de même à examiner le champ où le vaisseau spatial a dû toucher le sol ! Il croit au fond avoir été victime d’une hallucination, comme les marins en ont parfois, à force de veiller, et effectivement, il ne trouve pas d’herbes écrasées, ni brûlées ! « J’ai dû rêver... », songe Rank, quand il aperçoit plus loin deux campeurs… ou plutôt deux campeuses !

          Rank se dirige vers elles, car elles ont peut-être vu quelque chose et en s’approchant, il est frappé par la beauté des deux femmes, qui sont très grandes et en pleine installation ! « Excusez-moi, leur dit-il, mais vous n’avez rien remarqué de particulier cette nuit ? Un bruit étrange, un éclairage violent ?

    _ Non, on a dormi comme deux marmottes ! répond l’une et approuvée par l’autre.

    _ Ah ! Bon, bon… Euh, dites, ne le prenez pas mal, mais vous n’avez pas un peu peur de camper comme ça, toutes seules, dans un endroit aussi isolé ?

    _ Et on aurait peur de quoi ?

    _ D’un homme mal intentionné, par exemple !

    _ Mais les porcs, on s’en occupe ! On est là pour ça ! »

          « Quelle étrange réponse ! » se dit Rank, qui ne peut se départir d’un sentiment de malaise, plus il regarde les jeunes femmes ! Elles sont attirantes pourtant, mais bien plus grandes que Rank et elles ont une certaine raideur ! L’une d’ailleurs porte un mug à sa bouche et son petit doigt ne se plie pas, comme si elle était blessée ! « Vous vous êtes fait mal ? » demande Rank, en montrant sa propre main et il surprend un échange de regards entre les deux femmes ! Un silence menaçant s’ensuit, puis subitement la campeuse la plus près de Rank lui donne un coup, avec une poêle !

            Le soldat Paschic s’écroule au sol, où il voit fondre sur lui son assaillante ! Par pur réflexe, il se saisit d’un piquet de tente, le brandit et la femme est transpercée ! Elle titube, tombe à son tour et là, sous les yeux médusés de Rank, son corps disparaît en rayonnant !

           Paniqué, Rank guette la deuxième femme qui semble chercher une arme et il s’enfuit ! Il court à sa voiture et la démarre ! Mais elle ne veut rien entendre et la campeuse apparaît, braquant une sorte de pistolet ! Le moteur rugit et la voiture fait une violente marche arrière ! Un jet de lumière passe à côté et un arbre est désintégré ! « Non de Di… ! » s’écrie Rank, qui enclenche la première, le pied à fond sur l’accélérateur !

            La route défile devant Rank et ses pneus hurlent, alors qu’il rejoint la départementale ! Il évite de peu un camion, qui klaxonne longuement, puis le calme revient : Rank se remet à réfléchir ! Qui sont ces deux femmes ? D’où viennent-elles ? Apparemment d’une autre planète ! Que veulent-elles, quelle est leur mission ? Mais elles l’ont dit : elles vont s’occuper des porcs ! Elles sont là pour ça ! Peut-être pour se faire justice ! Peut-être parce que leur planète n’a plus d’hommes ! Ils ont tous été tués !

           Rank se met à pleurer, il est encore sous le choc ! Le soldat Paschic n’a pas résisté au feu et il entre maintenant dans un bourg, en se rendant compte qu’il n’a pas encore pris son petit déjeuner et c’est pourquoi il se gare devant un café ! Il entre dans l’établissement et commande des œufs et des saucisses !

           La chaleur lui fait du bien et il se met à observer la rue qui s’éveille, tout en restant plongé dans ses pensées ! Comment dire aux gens et particulièrement aux hommes ce qui se passe ? Aller voir le shérif et lui expliquer que la morte a disparu ? Il va rire, d’autant que Rank continue à douter de ses sens ! Qui pourrait l’aider ? Cet homme là-bas qui balaie doucement devant son épicerie ? Ou cet autre, apparemment aveugle et qui se déplace grâce à une canne blanche ?

           Rank mange avidement, comme si le cauchemar allait disparaître ! Il paye et rejoint sa voiture, mais désormais sa vie ne sera plus la même ! Il sait qu’« elles » sont déjà là, les envahisseuses, et qu’elles ont juré la perte de l’homme !

                                                                                                                 71

            La marche est difficile tant la végétation est dense, et toujours cette touffeur qui fait suer abondamment ! Au dessus, le soleil étoile la canopée, révèle des émeraudes et ses rayons jaunes tombent ici et là, comme en une cathédrale naturelle !

    « C’est encore loin ? demande un des membres de l’expédition.

    _ Encore une dizaine de kilomètres », répond laconiquement Rank, qui s’est reconverti dans l’organisation de périples extrêmes ! La survie il connaît ! D’aucuns racontent qu’il mange des yeux de tapir, avant de commencer la journée !

            Soudain le groupe se fige ! Dans une clairière s’élève une sorte de totem, qui comporte trois crânes, avec l’air de toujours crier et ils appartiennent à des enfants ! « C’est autre chose que MeeToo… fait Rank, pour faire valoir son bisness, mais les femmes autour lui jettent un regard assassin !

    _ Mais qu’est-ce que c’est ?  s’écrie celui qui tout à l’heure s’impatientait.

    _ C’est une borne, explique Rank. A partir de maintenant, nous pénétrons sur le territoire de la Machine !

    _ La Machine ? fait l’une des femmes.

    _ Ouais, vaut mieux pas en parler ! »

            Le groupe repart, plus tendu qu’auparavant : la vision de ces crânes hante les esprits et qui est la Machine ? Enfin, on arrive au but de ce trek salé : une chute projette ses eaux bouillonnantes, sous un manteau de vapeur ! Son abord est tellement périlleux qu’il la garde des touristes ! D’un éperon rocheux cependant, on voit se dresser des monts rougeâtres... « C’est magnifique ! fait une femme à côté de Rank. On peut rejoindre ces montagnes ?

    _ Non, on ne peut pas !

    _ Serait-ce que vous avez peur ?

    _ Hum… Pour vous, les naïfs de la ville, le mal c’est un psychopathe déguisé en clown, mais il est en chacun de nous, prêt à bondir !

    _ Je ne vous permets pas de me parler sur ce ton !

    _ Qu’est-ce qui se passe, chérie ? demande le mari qui arrive.

    _ Notre guide ne veut pas nous conduire jusqu’à ces montagnes, parce qu’il a peur !

    _ Écoutez, enchaîne le mari à l’adresse de Rank, je suis prêt à vous payer le double, si vous nous amenez là-bas ! Elles ont l’air vierges ces montagnes… et c’est une destination qui pourrait rendre jaloux beaucoup de nos amis ! 

    _ Je vais vous montrer quelque chose… »

           Rank enlève sa chemise et découvre un corps entaillé de partout ! Le mari secoue la tête, comme s’il voulait chasser une mouche ! La femme, quant à elle, continue de fixer Rank et lui dit : « Je n’ai jamais renoncé… et les hommes ne m’impressionnent pas !

    _ Mais la Machine est une femme… et elle broie des enfants !

    _ Très bien, alors montrez-moi cette femme, qui dénature notre sexe ! »

            Finalement, Rank acquiesce et le groupe, qui a voté pour les monts rougeâtres, se remet en marche ! On progresse dans un silence pesant, car aucun animal ne se fait entendre ! Il semble qu’il fasse de plus en plus sombre et la forêt se termine brusquement devant une paroi abrupte, dont on n’aperçoit même pas le sommet ! Sur la pierre, il y a une inscription… « Qu’est-ce que ça veut dire ?  demande quelqu’un.

    _ Que tout vient de la Machine et retourne en elle ! répond Rank. Bon, je propose qu’on campe ici, avant de continuer ! » Les tentes sont montées et chacun se retrouve devant le feu... On se réchauffe à sa flamme, car malgré tout on est inquiet ! Plus tard, le foyer n’est plus qu’une mince fumée et apparemment tout le monde dort ! Pourtant, le mari se rend compte que sa femme n’est plus dans la tente et il part à sa recherche !

            Il la trouve assez vite : elle est penchée sur leur fils et lui dévore le cœur ! Ils étaient venus en famille et c’est le drame immonde ! L’homme prend son revolver et tire sur ce visage qui se régale de sang et même le défie ! Rank intervient et se saisit de l’arme… Le groupe est catastrophé ! « On dira qu’elle a été prise de folie ! explique Rank au mari. Je suis désolé pour votre fils, mais nous faisons demi-tour, n’est-ce pas ? »

                                                                                                            72

            Un couple viellissant mange sa soupe… Les enfants sont partis depuis longtemps et l’homme et la femme se font face, tandis que le silence est seulement troublé par une horloge mécanique… « Le gynéco m’a dit que j’avais encore un très beau col d’utérus ! fait la femme subitement.

    _ Ah…

    _ Oui, après toutes ces années, c’est étonnant ! Il est bien lisse, quasi celui d’une jeune fille !

    _ Hon, hon…

    _ Ça prouve la bonne santé de mes follicules ! A mon âge, certaines ont déjà des règles troubles, jaunâtres presque !

    _ Ouais, ouais…

    _ Faut voir aussi dans quel état est leur trompe de Fallope ! Elles ont une très mauvaise ovulation !

    _ Ouais, ouais…

    _ Dans mon col, par contre, l’ovule glisse gentiment… Une vraie perle ! Il n’y a aucun poil qui gêne la sortie, j’y veille !

    _ Ouais, ouais…

    _ Évidemment, vous les hommes à part le football et la bière... »

           L’homme ne répond pas, il rêve… Il se demande comment une femme peut rejeter absolument le pouvoir de sa séduction ! « Nous nous équilibrons grâce à la domination animale qui est en nous, pense l’homme, c’est elle qui nous donne le sentiment de notre valeur ! Les hommes s’attachent à leur impact physique, les femmes à leur séduction ! Alors comment des femmes peuvent-elles s’amputer ainsi, de ce qui les fait tenir debout ? C’est pourtant cela le fond des mouvements féministes américains !»

    « Vous les hommes, vous êtes toujours centrés sur vous ! reprend l’épouse.

    _ Ouais, ouais... »

            L’homme arrive à la réflexion suivante : « La femme qui rejette toute séduction hait les hommes ! Elle voit son charme méprisé et elle en vient naturellement à détester ceux qui ne veulent pas d’elle ! La plupart des homosexuels fonctionnent suivant cette logique ! Le gay a été écrasé par sa mère et il ne supporte pas les femmes ! La lesbienne a été humiliée par son père et elle rêve de se venger des hommes ! Une femme, contrariée dans sa domination, peut donc voir le regard masculin comme celui d’un oppresseur, une marque d’inégalité ! Ne pouvant séduire, elle méprise ! »

           Le couple a fini de manger et après la vaisselle, il s’installe au salon… Pour le calme, il n’y a pas de télévision et la femme se plonge dans un gros livre, qui raconte l’histoire de la Machine ! Au bout d’un moment l’épouse dit : « Tu te rends compte ! Cette Machine commande une armée de femmes et elles arrivent devant une ville, qui est entièrement occupée par des hommes… Eh bien, la Machine rase toute la ville et tue tous les hommes ! C’est quand même excessif, non ? »

          Le mari se contente de hausser les sourcils au-dessus de son journal… Il se dit : « Évidemment, plus notre domination ou notre orgueil sont forts et plus l’obstacle déclenche notre haine ! Ainsi s’explique la soif de détruire de la Machine ! Notre équilibre repose alors sur l’illusion que nous devons vaincre nos ennemis, pour être heureux ! Par exemple, l’extrême gauche, qui voit sa domination empêchée par les capitalistes, les combat sans relâche ! De même, l’extrême droite sent son pouvoir menacé par les étrangers et leur est hostile ! Le féminisme veut encore la fin du mâle ! »

           « Tout ça m’ennuie et me fatigue ! fait soudain l’épouse en refermant son livre. La haine ne mène à rien ! » Le mari regarde sa femme et il comprend pourquoi il l’aime toujours! Elle est intelligente, peut-être plus que lui ! En tout cas, elle est plus directe, plus intuitive, alors qu’à lui, il faut toujours des tonnes de raisonnement, d’arguments ! Puis, elle est courageuse aussi ! Combien de fois lui aurait laissé tomber ! Elle, elle s’accroche, elle est capable de construire un nid confortable, au bord d’une falaise, avec presque rien ! Chapeau !   

           Une nuance d’admiration passe dans les yeux du mari et la femme lui tend les bras ! Ils s’embrassent et vont se coucher, en se faisant mille tendresses ! Le respect veille sur eux !